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Question écrite n° 5-4310

de Karl Vanlouwe (N-VA) du 23 décembre 2011

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

La présence d'unités militaires américaines en Ouganda

Ouganda
force à l'étranger
protection de l'enfance
États-Unis

Chronologie

23/12/2011Envoi question
9/2/2012Réponse

Réintroduction de : question écrite 5-3855

Question n° 5-4310 du 23 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

Le vendredi 14 octobre, le président américain, Barak Obama, a annoncé l'envoi d'un contingent d'une centaine de troupes d'élite en Ouganda ; ces troupes appuieront l'armée ougandaise dans sa lutte contre la Lord's Resistance Army (LRA) de Joseph Kony.

Les rebelles de la LRA affrontent les autorités ougandaises depuis 1986 afin d'instaurer un régime théocratique fondé sur les dix commandements. Par le passé, ce mouvement de guérilla s'est rendu coupable du massacre de milliers de citoyens. Au cours des vingt dernières années, la LRA aurait en outre recruté entre 30.000 et 60.000 enfants soldats. Joseph Kony est recherché depuis 2005 par le Tribunal pénal international de La Haye pour crimes contre l'humanité. Selon diverses sources, la LRA n'a jamais été aussi faible depuis quinze ans. Alors qu'elle comptait 5.000 rebelles à l'époque, il ne subsiste aujourd'hui dans ses rangs que de 200 à 400 combattants.

Il est plus probable que le geste du président Obama vise à récompenser l'Ouganda pour les efforts qu'il fournit dans la lutte contre les milices islamistes al-Shabab en Somalie. Cette année déjà, l'Ouganda et le Burundi ont reçu du Pentagone une aide militaire de 45 millions de dollars US destinée à renforcer la lutte contre al-Shabab. À cette aide s'ajoutent maintenant une centaine de forces spéciales, composées essentiellement de troupes d'élite, chargées de conseiller les Ougandais, ainsi que des troupes de communication et du génie.

La décision américaine nous rappelle également une mission secrète similaire des Nations unies dont l'objectif était de neutraliser Joseph Kony grâce à l'intervention de troupes d'élite guatémaltèques entraînées aux États-Unis. Cette mission a tourné au fiasco, les dix-sept troupes ayant été exterminées par la LAR dans le parc de Garamba dans l'est du Congo. En 2008 et 2009, l'opération « Lightning Thunder » des armées congolaise, ougandaise et burundaise a également été soutenue par des renforts militaires et conseillers américains. La LAR a pris la fuite, ne laissant derrière elle que désolation et plus de 900 morts parmi les civils.

Voici les questions que j'adresse au ministre.

- Les États-Unis déclarent que la LAR est particulièrement affaiblie aujourd'hui. Le ministre peut-il confirmer ce constat ? A-t-il une idée du nombre d'enfants soldats se trouvant actuellement dans les rangs de la LAR ?

- La décision américaine a-t-elle été discutée avec les alliés européens, également actifs en Afrique centrale ?

- Le ministre a-t-il connaissance de la présence de troupes américaines en Ouganda avant même l'annonce de l'engagement d'une centaine de troupes d'élite américaines ?

- Comment la collaboration et coordination entre les troupes américaines et les troupes de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation de la République démocratique du Congo (MONUSCO) dans la région se déroulent-elles ?

- Combien de troupes l'Ouganda engage-t-il actuellement pour combattre la LAR ?

- Comment le ministre évalue-t-il les actions des armées ougandaise et congolaise et de la MONUSCO dans la lutte contre la LAR ? La collaboration est-elle suffisante ? Est-elle à la base de l'affaiblissement de la LAR ? Des affrontements réguliers ont-ils encore lieu entre les milices de la LAR et les armées de la République démocratique du Congo (RDC), de l'Ouganda, du Sud-Soudan et de la MONUSCO ?

- Le plan américain prévoit-il également une protection, un accompagnement et une réintégration des anciens rebelles, parmi lesquels les enfants soldats, dans la société ougandaise, congolaise et sud-soudanaise ? Existe-t-il également des projets portant sur l'infrastructure ou bien l'aide est-elle strictement militaire ?

Réponse reçue le 9 février 2012 :

1.On peut lire dans le rapport du secrétaire général des Nations unies qui a fait l'objet de discussions lors d'un briefing du Conseil de sécurité le 14 novembre 2011, que les avis les plus divers circulent sur le nombre restant de combattants de la Lord's Resistance Army (LRA), et que tous les chiffres en la matière ne sont que des estimations. On admet actuellement que la LRA opérerait avec moins de 500 combattants placés sous le commandement de Joseph Kony. Selon les Nations unies, les estimations porteraient sur 170 à 400 combattants, tandis que les États-Unis misent sur des chiffres allant de 200 à 250 combattants. Il n'en devient que plus difficile de se prononcer raisonnablement sur le nombre d'enfants soldats.

2. La présence militaire des États-Unis doit être considérée comme la réponse du gouvernement américain au souhait bipartisan du Congrès américain d'accroître le soutien des États-Unis à la lutte contre la LRA. Aucun allié occidental n'a à ma connaissance été informé préalablement et de manière précise de la décision américaine.

L'option militaire ne doit pas être considérée isolément; il faut savoir qu'elle est envisagée depuis 2008 face aux échecs des initiatives de paix toutes rendues impossibles par Joseph Kony. L'initiative que prend également l'Union africaine de création d'une force opérationnelle (task force) régionale constituée de troupes appartenant aux quatre pays directement impliqués (Ouganda, République démocratique (RD) Congo, République centrafricaine, Soudan du Sud) va dans cette même direction. Le soutien américain se poursuivra tant que la coopération régionale se maintiendra, et il fera l'objet d'évaluations régulières.  

3. Le soutien actuel s'inscrit dans le prolongement d'une politique préexistante des États-Unis. Selon mes propres sources, une quarantaine de militaires américains étaient déjà déployés antérieurement en Ouganda et en RDC afin de soutenir les efforts régionaux destinés à chasser la LRA de leur territoire. L'objectif est de leur faire jouer un rôle d’appui aux troupes régionales (l'Uganda Peoples Defence Force (UPDF) en Ouganda, les Forces armées centrafricaines (FARDC) en RDC, les forces armées centrafricaines (FACA) en République centrafricaine et la SPLA dans le Soudan du Sud). Les États-Unis pourront compter sur tous les acteurs régionaux concernés. Pour le reste, ils ne peuvent agir qu'en légitime défense. De l'ensemble du contingent, seulement 30 à 40 unités pourraient se rendre réellement sur le terrain, et uniquement dans trois pays.

4. Deux analystes américains opèrent au sein du “Joint Operations Center” (qui est avant tout un centre d'information) de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) à Dungu (RDC). Les États-Unis équipent les communautés locales d'appareils radios à ondes courtes devant servir de systèmes d'alerte précoce (également en collaboration avec les églises). La MONUSCO reçoit un soutien dans sa lutte pour la défection d'unités de la LRA. L'aide humanitaire est assurée par les Nations unies et des Non Governmental Organisations ONG.

5. D'après les États-Unis, le nombre de soldats ougandais impliqués dans les opérations s'élève encore à environ 2 500.

6. Trois acteurs sont impliqués dans ces opérations en RDC : l'armée congolaise (FARDC), la MONUSCO et l'armée ougandaise (UPDF). La situation en République centrafricaine est encore plus difficile en raison de l'état de délabrement de son armée, qui ne compte qu'une petite unité statique dans la région. Au Soudan du Sud, la difficulté provient du fait que le pays même et les missions de l'ONU sont confrontés à des problèmes plus graves et plus directs. Les États-Unis n'y entretiennent pas de relation avec les groupes d'autodéfense tels que les Arrow-Boys, mais ils doivent reconnaître que ceux-ci représentent la seule défense pour la population.

Ces efforts nationaux réunis destinés à chasser la LRA de leur territoire ne semblent toutefois pas suffire. Tout l'exercice consiste dès lors à améliorer l'efficacité de l'approche régionale, en collaboration avec entre autres l'Union africaine et les différentes missions de paix – la MONUSCO en RD Congo, l'UNMISS au Soudan du Sud, la BINUCA en République centrafricaine et la force de maintien de la paix des Nations unies pour la problématique de la LRA au Gabon dans un rôle de coordination – chacune avec ses moyens limités et dans le cadre de leurs mandats respectifs limités à un territoire défini. Le rétablissement de l'autorité de l'état dans les zones touchées constitue également un facteur essentiel de cette stratégie.  

7. Les États-Unis soulignent que ce soutien militaire, composé d'information, d'avis et d'assistance, ne doit pas être considéré isolément. Depuis qu'en 2006, la LRA a été chassée du Nord de l'Ouganda, les États-Unis ont à eux seuls consacré 140 millions US dollar (USD) par an à la reconstruction du Nord, 500 millions USD depuis 2008. D'autres partenaires au développement de l'Ouganda ont également fourni des efforts particuliers en faveur du Nord du pays. La Loi sur le désarmement de la LRA et sur le redressement du nord de l'Ouganda ("LRA Disarmament and Northern Uganda Recovery Act") de 2009, signée par le Président Obama le 24 mai 2010 est à la base de la stratégie américaine telle qu'elle a été présentée au Congrès; un de ses piliers englobe la défection, le désarmement, la démobilisation et la réintégration des combattants de la LRA.