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Question écrite n° 5-10430

de Bert Anciaux (sp.a) du 21 novembre 2013

à la vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances

Sociétés de gardiennage - Autorisation et attribution de missions de gardiennage privées - Réputation - Autorisation - Critères d'agrément

sécurité et gardiennage
moralité de la vie économique

Chronologie

21/11/2013Envoi question
17/4/2014Réponse

Question n° 5-10430 du 21 novembre 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le groupe G4S est la plus importante société de gardiennage en Belgique et dans le monde. Il fournit des services à des organismes publics, des grandes entreprises, des PME, des indépendants et des particuliers.

Cette société est toutefois contestée.

- Une de ses filiales collabore activement en Israël à l'occupation des territoires palestiniens. Elle fournit en outre du matériel et des services aux prisons israéliennes où sont incarcérés des enfants palestiniens et des prisonniers politiques.

- Une importante enquête pour fraude est actuellement menée au Royaume-Uni contre G4S à cause de l'escroquerie dont ont été victimes les autorités britanniques dans un de leurs contrats.

- En Afrique du Sud, la société fait l'objet d'une enquête parce qu'elle aurait systématiquement maltraité des détenus dans des prisons gérées par le secteur privé.

- Durant les Jeux olympiques, la société n'a absolument pas pu respecter ses obligations contractuelles et les autorités britanniques ont été contraintes d'employer l'armée pour assurer la sécurité de l'événement.

- L'entreprise jouit d'une mauvaise réputation en ce qui concerne la manière dont elle traite ses collaborateurs et respecte les droits du travail. Preuves en sont les nombreux conflits sociaux et affaires en justice dans les différents pays où elle est active.

Cette société décroche, manifestement sans trop de questions, des missions pour la protection de lieux importants comme les aéroports, l'Otan et plusieurs ministères. Cela me dérange. On ne peut en effet pas comparer une mission de protection à n'importe quelle autre soumise à une adjudication publique. On confère ici de très nombreux pouvoirs à une société qui, à cause de son envergure mondiale et des missions de protection dans d'autres pays, dispose peut-être de son propre agenda politique. Les récents scandales d'espionnage démontrent que nous ne pouvons certainement pas être naïfs à ce sujet.

J'aimerais poser les questions suivantes à ce sujet.

1) Pour exercer des activités de gardiennage, on doit obtenir une autorisation de l'Intérieur. Ce ministère ne donne son assentiment qu'après un avis positif du Procureur du Roi et de la Sûreté de l'État qui vérifient la fiabilité de l'entreprise concernée.

a) Combien de temps une telle autorisation reste-t-elle valable ? Peut-elle être retirée de manière anticipée ? De quelle manière cela se passe-t-il ? Quelle peut en être la cause ?

b) De quelle manière les exigences de fiabilité sont-elles vérifiées par le procureur du Roi et la Sûreté de l'État ? Que vérifie-t-on précisément et quelles sont les exigences pour un avis positif ? Les scandales précités jouent-il un rôle dans la décision ? Cet avis n'est-il rendu qu'en cas de demande d'une autorisation ou peut-on l'adapter en tout temps ? Avec quelle conséquence ? La ministre estime-t-elle que ce contrôle est suffisant ?

2) L'ancien ministre de l'Intérieur me prêtait une oreille attentive lorsque je plaidais pour que, outre les aspects liés à la sécurité, d'autres soient également examinés en vue de la délivrance d'un agrément, tels que les aspect socioéconomiques ou, comme ici, ceux qui sont liés aux règles et normes éthiques (demande d'explications 5-496).

a) La ministre considère-t-elle que c'est une bonne idée de confier la protection de lieux stratégiquement importants de notre pays à une société de gardiennage multinationale dont les états de service sont controversés et qui a également des intérêts considérables dans d'autres pays ? La ministre est-elle disposée à mener une enquête sur les risques pour la sécurité que cela représente ? La ministre estime-t-elle que G4S est un partenaire fiable pour les missions de protection (cf. également les exemples précités) ?

b) Des initiatives ont-elles depuis lors déjà été prises afin d'étendre la réglementation actuelle relative à ces agréments de manière à ce que puissent également y être reprises d'autres exigences concernant notamment les aspects socioéconomiques ou ceux qui sont liés aux règles ou normes éthiques ? La ministre envisage-t-elle encore d'autres initiatives à ce sujet ? Est-elle disposée à demander à son administration de les examiner ?

3) De plus en plus de tâches de gardiennage qui relevaient jadis de la police et des autorités sont confiées à des sociétés de gardiennage privées.

a) L'Intérieur et les services de police ont-ils actuellement des contacts avec G4S ? Lesquels, avec quels objectifs et de quels montants s'agit-il ?

b) Des contrats ont-ils également été conclus pour la protection de lieux présentant un intérêt stratégique, économique ou politique important ? De quels contrats et endroits s'agit-il ?

Réponse reçue le 17 avril 2014 :

Vous faites mention de différents faits, dans lesquels des entreprises étrangères, appartenant à la multinationale G4S, sont impliquées. Dans notre pays également, plusieurs entreprises de G4S sont actives dans le secteur de la sécurité privée.

La loi belge prévoit une série de conditions qui doivent garantir aux autorités que les entreprises qui exercent des missions de sécurité privée sont suffisamment fiables et disposent du professionnalisme nécessaire. A cet effet, une enquête est effectuée tant en ce qui concerne l’entreprise demanderesse que ses dirigeants. Dans le cadre de l’appréciation de la demande de renouvellement de l’autorisation, il est également tenu compte de la manière dont l’entreprise a exécuté ses activités.

J’attire votre attention sur le fait que les entreprises établies en Belgique, appartenant à G4S, sont des personnes morales distinctes qui sont uniquement actives dans notre pays. La même règle s’applique, avec quelques exceptions limitées, à leur personnel dirigeant. Pour autant que l’on sache, ni les entreprises actives en Belgique, ni leur personnel dirigeant n’ont été impliqués dans les faits que vous évoquez. Dans ces circonstances, la loi ne permet pas de tenir compte également de faits dans lesquels les entreprises de G4S établies dans certains pays qui ne sont pas actives sur le territoire belge seraient éventuellement impliquées lors de l’appréciation de la demande d’autorisation d’une entreprise belge.

  1. Une autorisation est délivrée pour 5 ans et est renouvelable tous les cinq ans.

  2. Lors de la première demande d’autorisation et lors de chaque renouvellement, un avis du Procureur du Roi et de la Sûreté de l'État est demandé. Les deux instances d’avis étayent leur avis tant sur la lettre que sur l’esprit de la loi. Pour les éléments précis de leurs enquêtes, je vous renvoie à ma collègue, la ministre de la Justice.

  3. Une autorisation peut être retirée prématurément quand il s’avère que les entreprises ne respectent pas les dispositions de la loi ou quand elles exercent des activités incompatibles avec l’ordre public ou la sécurité intérieure ou extérieure de l'État ou quand elles ne sont pas suffisamment en mesure d’exercer un contrôle sur leur personnel.

  4. Ni la Sûreté de l'État ni l’Office du Procureur du Roi ont émis des avis négatifs au sujet des entreprises G4S. Les deux instances n’ont signalé dans le passé ni les faits auxquels vous faites référence, ni d’autres éléments négatifs.

  5. G4S est la plus grande entreprise de gardiennage dans notre pays. G4S exécute des missions de gardiennage pour entre autres l’OTAN, la Commission européenne et les exploitants des aéroports de Zaventem et Charleroi. Ce n’est pas la ministre de l’Intérieur mais ces organismes mêmes qui déterminent à quelle entreprise ils font appel pour l’exécution de missions de gardiennage.

  6. Entre-temps, des initiatives légales ont également été prises pour promouvoir l’éthique au sein du secteur du gardiennage. Ainsi, des mesures de prévention sont venues renforcer la loi gardiennage pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. C’est ainsi que le respect des obligations fiscales et sociales devient une condition à remplir pour l’obtention ou le renouvellement d’une autorisation. Les gérants, les administrateurs, les mandataires et les personnes ayant le pouvoir d’engager l’entreprise ou exerçant un contrôle sur l’entreprise au sens de l’article 5 du Code des Sociétés, ne peuvent pas avoir été antérieurement impliqués dans des faillites s’ils veulent encore pouvoir entrer en ligne de compte pour une fonction dirigeante dans une entreprise de gardiennage.

    A l’issue d’une procédure administrative relativement simple, l’autorisation pourra désormais être retirée à des entreprises de gardiennage existantes s’il s’avère que celles-ci sont en faillite, qu’elles ont été radiées de la Banque-Carrefour des Entreprises, qu’elles ne respectent pas leurs obligations sociales ou fiscales, qu’elles ont obtenues leur autorisation sur la base de déclarations fausses ou d’informations inexactes, qu’elles ne répondent pas aux normes minimales légales ou qu’elles ne sont pas en règle en ce qui concerne la condition d’assurance légale.

  7. Je vous renvoie par ailleurs à la récente législation qui s’attaque au phénomène des faux indépendants dans le secteur du gardiennage et qui porte sur l’introduction de la responsabilité solidaire dans le secteur.

  8. En se basant sur l’obligation légale, jus qu'il y a peu, de disposer au préalable d’une permission d’effectuer des activités de gardiennage pour des personnes morales de droit public, on peut affirmer que ni le Service public fédéral (SPF) Intérieur, ni, pour autant que l’on sache, les services de police ont des contrats de gardiennage en cours avec les entreprises G4S. Il n’est toutefois pas exclu que des installations d’alarme soient placées ou qu’un suivi des alarmes soit assuré par G4S dans les bâtiments des services locaux de police.