SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2015-2016
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16 novembre 2015
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SÉNAT Question écrite n° 6-766

de Bert Anciaux (sp.a)

au ministre de la Justice
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Nouveau mode d'administration - Loi du 17 mars 2013 - Adaptations
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capacité juridique
handicapé mental
juridiction civile
tutelle
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16/11/2015Envoi question
23/12/2015Réponse
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SÉNAT Question écrite n° 6-766 du 16 novembre 2015 : (Question posée en néerlandais)

Jan Nolf, ancien juge de paix, entre autres, a formulé de nombreuses observations sur cette problématique.

Il était grand temps de prévoir (sur le plan juridique) des soins plus adaptés pour les patients déments et toute personne qui ne serait plus capable plus défendre suffisamment ses propres intérêts en raison de problèmes de santé.

Depuis 1991, quatre législations coexistaient en la matière, avec toutes les complications en découlant.

La loi de 2013 a introduit un statut unique qui, en outre, respecte la dignité humaine. Non seulement les intérêts financiers de la personne protégée doivent être respectés mais également la 'personne' proprement dite, avec tout ce que cela comporte en termes de décisions sur le séjour et les droits des patients.

C'est une obligation en matière de droits de l'homme, qui est également imposée du fait des traités internationaux.

Cette loi constituait un grand pas en avant.

Il s'agit, en l'occurrence, expressément d'une matière transversale. En effet, le ministre de la Justice est compétent pour ce qui concerne le rôle des juges de paix dans le cadre de la désignation de ces administrateurs. Par ailleurs, les Communautés sont évidemment compétentes pour les soins et l'accompagnement de ces patients. Depuis la sixième réforme de l'État, les soins aux personnes âgées relèvent de la compétence des Communautés. Toutes les dispositions et modifications éventuelles à la législation sur les administrateurs ou les règles en matière de minorité prolongée ont des conséquences directes sur la politique des Communautés.

Quand la nouvelle loi de 2013 entrera-t-elle en vigeur?

À l'origine, la date du 1er juin 2014 avait été fixée mais elle a finalement été reportée (au cours de cette année électorale) au 1er septembre 2014.

À la demande expresse des juges de paix, un autre calendrier a en outre été prévu, ce qui est compréhensible.

À partir du 1er septembre 2014, seuls les nouveaux dossiers devaient, en principe, être soumis à la nouvelle loi.

À partir du 1er septembre 2016, les «administrations provisoires» antérieures au 1er septembre 2014 relèveront automatiquement des nouvelles règles (uniquement en ce qui concerne l'aspect «biens», comme précédemment).

À partir du 1er septembre 2019, ce serait également automatiquement le cas pour les autres statuts (personnes sous statut de minorité prolongée et personnes déclarées incapables), mais alors, logiquement, tant pour leurs biens que pour leur personne.

Comment la nouvelle loi sera-t-elle adaptée?

Il est étonnant de voir le peu de vision juridique du principe d'efficacité introduit dans les mesures de transition. On a pourtant spécifiquement tenu compte de la charge de travail des magistrats qui doivent appliquer ce principe.

Aux dates du 1er septembre 2014, 2016 et 2019, le juge de paix ne devait rien faire: rien d'autre qu'appliquer les nouvelles «règles de route».

- à partir du 1er septembre 2014, à tous les nouveaux dossiers introduits;

- à partir du 1er septembre 2016 (date initiale, mais qui a été modifiée: report jusqu'à 2019), à toutes les «anciennes» administrations provisoires qui restent dès lors limitées à une protection des biens, comme c'était initialement prévu: ainsi, la loi dispose que ces dossiers «sont soumis de plein droit aux dispositions relatives à la (nouvelle) administration des biens»;

- à partir du 1er septembre 2019, à tous les autres statuts (dont surtout les quelque 13.000 personnes sous statut de minorité prolongée): en toute logique, la loi établit, dans ces cas, une présomption d'incapacité en ce qui concerne la personne et les biens, et les parents deviennent «administrateurs de plein droit».

À plus long terme, pour l'objectif final de la loi, cette transition ne suffit certainement pas. Étant donné que la loi vise une 'protection sur mesure' de la personne concernée, ce travail de précision doit encore être concrètement ébauché. Cela exige une initiative ponctuelle pour chaque personne protégée.

Pour ce faire, le juge de paix dispose à chaque fois d'un délai de deux ans à dater de l'entrée en vigueur du nouveau dispositif.

Par conséquent, tous les 'anciens' dossiers doivent également être personnalisés:

- pour les 'anciennes' administrations provisoires, ce délai de deux ans court (ou courait), en principe, entre le 1er septembre 2016 et le 1er septembre 2018;

- pour les autres statuts (de nouveau, principalement les personnes sous statut de minorité prolongée), le délai (inchangé) court, en principe, du 1er septembre 2019 au 1er septembre 2021.

La procédure étant non pas automatique mais semi-automatique, le juge de paix doit quand même intervenir et, ensuite, continuer à assurer un suivi: au cours de cette période, chacun de ces dossiers doit être examiné séparément et être personnalisé.

Toutes les personnes concernées doivent, bien entendu, être convoquées et entendues et, ensuite, une nouvelle 'feuille de route' est établie pour chaque dossier séparément: la formalisation d'une administration personnalisée.

Tous les statuts de protection sont «automatiquement» soumis à la nouvelle loi, sans même qu'un juge de paix doive intervenir.

La différence fondamentale entre le principe de l'entrée en vigueur de la loi, d'une part, et le délai d'évaluation, d'autre part, devait être claire:

- le premier est un moment, le deuxième un délai;

- le premier est une date de début d'application pour la législation, le deuxième un délai pour l'action.

D'où le commentaire du professeur Tim Wuyts, estimant, à juste titre, qu'en ce qui concerne la transition vers le nouveau statut de protection, il convient de noter, dans un premier temps, que si aucune initiative n'est prise, la loi prévoit une adaptation automatique («de plein droit»). La charge de travail n'apparaît alors que par la suite parce qu'une évaluation doit, dans tous les cas, avoir lieu dans les deux ans suivant cette adaptation. Pour les personnes placées sous administration provisoire, cette adaptation automatique ne change pas grand-chose sur le plan de la capacité (art. 228 de la loi du 17 mars 2013). L'administrateur provisoire ne doit toutefois pas perdre de vue la date à laquelle l'adaptation automatique intervient. Dès ce moment, une série d'autres obligations entrent en effet en vigueur (T. Wuyts, Un an d'application du statut de protection unifié: évaluation intermédiaire et recommandations en vue d'apporter les corrections nécessaires – Contribution à la Rechtskroniek voor de vrede-en politierechters 2015, Die Keure, Bruges, 222, p. 8, n° 13).

Toutefois, il y a également une troisième possibilité.

Un dossier est traité de manière individuelle avant les dates d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales, à savoir (jusqu'à présent) 2016 et 2019, et la nouvelle loi est déclarée applicable audit dossier. Étant donné que cela se fait (ou en tout cas, doit se faire) en accord avec les personnes concernées, le statut de ces personnes protégées est immédiatement adapté à leur situation.

Cela doit en effet être possible de temps en temps, lorsque c'est nécessaire.

Dans un premier temps, il fallait en effet tenir compte du fait que les personnes protégées ou leur environnement pouvaient avoir de bonnes raisons d'appliquer plus tôt la nouvelle législation (donc, avant les dates d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de 2016 et 2019). Soit dit en passant, il est curieux que certains juges de paix le refusent.

En outre, un juge de paix doit parfois «intervenir» dans une administration en cours ou dans une situation de minorité prolongée: il est dès lors logique que la nouvelle législation doive immédiatement être déclarée applicable.

Cela explique que le juge de paix puisse prendre «d'office» l'initiative de faire appliquer les nouvelles dispositions..

Étant donné qu'il s'agit de motifs spécifiques, liés à un dossier, toutes les parties concernées doivent être entendues et le dossier est immédiatement réévalué en fonction de la situation de l'intéressé.

Tout cela semble évident.

Toutefois, cela m'inspire deux remarques:

(1) Ne serait-ce qu'en raison du moindre confort de travail du juge de paix du fait de l'application de cette méthode, il n'était pas du tout question que celle-ci devienne la règle. Il ne devait s'agir que d'une mesure exceptionnelle prise à la demande des personnes concernées ou à la suite d'un changement de situation.

(2) La pratique nous apprend entretemps qu'un certain nombre de juges de paix se créent inutilement du travail en avançant arbitrairement les dates d'application des nouvelles dispositions légales et ce, sans que ne le justifie le dossier (de façon systématique, semble-t-il, à la suite du dépôt du rapport annuel).

Cette 'ambition' serait compréhensible si l'on réalisait en même temps le travail de réévaluation de la situation de l'intéressé, imposé par la nouvelle loi.

Rien n'est moins vrai: les personnes concernées ne sont jamais entendues et, par le biais de motivations « copiées/collées », on met en place un régime 'uniformisé' qui organise précisément l'inverse de ce que la loi vise: l'incapacité 'full option', tant en matière de biens que de personnes, et ce, en appliquant le régime le plus sévère, à savoir la représentation (au lieu de l'assistance).

Si l'on ajoute, à ce travail à la chaîne, le fait que ce sont pratiquement toujours des administrateurs professionnels qui sont désignés, même pour le nouveau volet lié à la personne, nous en arrivons à une situation totalement contraire à celle que la loi voulait atteindre.

Il ne s'agit plus de soumettre des dossiers à de nouvelles dispositions mais de faire «chavirer»la loi proprement dite – ou plutôt de la faire capoter.

Le professeur Tim Wuyts écrit que les acteurs concernés ont également une responsabilité importante dans le fait d'appliquer la loi suivant l'esprit de celle-ci. Il invite le lecteur à se référer à la critique formulée par J. Nolf: comment une nouvelle loi qui doit protéger les personnes plus vulnérables a été complètement vidée de sa substance en un an de temps – 21 juillet 2015, Knack.be (Rechtskroniek voor de vrede-en politierechters 2015, Die Keure, Bruges, 222, p. 3, n° 1, note de bas de page 7).

Le professeur Wuyts rappelle l'appel lancé par le législateur lors de la préparation de la loi, en précisant que cela dépendra largement de la manière dont laquelle l'institution, les organisations, les administrateurs, les juges de paix, les notaires, etc., considéreront leur rôle, ainsi que la finalité de l'accompagnement, et dont ils le rempliront.

Qu'est-ce qui a soudainement changé avec la loi du 10 août 2015 (Moniteur Belge du 26 août 2015)?

La proposition de loi précise en préambule, de façon correcte que: «L’article 228 de la loi prévoit des dispositions transitoires quant à son application aux administrations provisoires en cours. Un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi est prévu pour que les nouvelles règles leur soient appliquées.».

Toutefois, la phrase suivante contient une grave erreur de raisonnement: «Cela veut donc dire que, au 1er septembre 2016, toutes les administrations provisoires doivent être adaptées aux nouvelles dispositions légales.».

Il doit être clair que la proposition confond totalement la date d'entrée en vigueur automatique des nouvelles dispositions, le 1er septembre 2016, d'une part, et la période de deux ans prévue pour l'adaptation («évaluation» suivant la loi) des dossiers, d'autre part.

Les auteurs de la proposition partent en effet du principe que (selon l'article 228 initial de la loi qui fixe les dispositions transitoires) les dossiers doivent être «adaptés» au 1er septembre 2016, alors que cette loi n'impose cette obligation que pour le 1er septembre 2018.

C'est à partir de cette faute fondamentale d'interprétation que les auteurs ont alors proposé, de porter à cinq ans les dispositions transitoires en matière d'administration provisoire, comme cela se fait pour les minorités prolongées (article 229 de la même loi), pourtant nettement moins nombreuses.

Il importe de noter que la proposition de loi prévoit de remplacer les mots '2 ans' par les mots '5 ans' dans le premier alinéa de l'article 228 de la loi du 17 mars 2013 et pas dans le deuxième alinéa (!) du même article.

Cela signifie que que le délai d'évaluation n'est PAS porté de deux à cinq ans (ce qui aurait peut-être encore été compréhensible), contrairement à la date automatique d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, et, donc, à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Résumons brièvement: la date du 1er septembre 2016 (soit deux ans après le 1er septembre 2019) devient le 1er septembre 2019 (soit cinq ans après cette date), alors que la période d'évaluation reste inchangée sur les deux ans mais, en toute logique, ne court que du 1er septembre 2019 au 1er septembre 2021.

Cette loi a été votée sans la moindre concertation avec le secteur des soins, le secteur médical, les familles concernées et les professionnels.

Cette loi date du 10 août 2015 et a été publiée au Moniteur belge le 26 août 2015.

Un an avant que la nouvelle loi ne soit appliquée sur les «anciennes» administrations provisoires (à savoir à partir du 1er septembre 2016), cette date a été postposée au 1er septembre 2019.

Cela a amelioré -t-il les conditions de travail des juges de paix?

Il y aura un effet pervers et ce, pour deux raisons.

(1) Dans un premier temps, lors de la préparation de la loi de 2013, les juges de paix ont eux-mêmes plaidé pour l'inverse, à savoir une application par phase de la loi, d'abord, pour les administrations provisoires et, ensuite, pour les personnes sous statut de minorité protégée.

La chronologie de ce 'plan par étape' n'était peut-être pas si simple à expliquer, mais présentait l'avantage logique que la double période d'évaluation (qui augmente la charge de travail du juge de paix) pour les deux statuts a été scindée en une période allant du 1er septembre 2016 au 1er septembre 2018, d'une part, et une période allant du 1er septembre 2019 au 1er septembre 2021, d'autre part.

Du fait de la loi du 10 août 2015, les périodes d'adaptation («évaluation») de la loi tombent en même temps pour tous les statuts, à savoir entre le 1er septembre 2019 et le 1er septembre 2021.

Il est dès lors à craindre que les juges de paix ne demandent un nouveau report à l'approche de l'année 2019.

(2) La seconde conséquence est la création d'un nouvel embrouillamini juridique.

Il y a toujours des complications juridiques dans les périodes de transition mais jusqu'à présent, elles étaient relativement limitées.

Dans le cadre des mesures transitoires initiales, la nouvelle loi était de toute façon déjà applicable sur toutes les administrations (nouvelles ou anciennes) à partir du 1er septembre 2016.

En d'autres termes, pour les administrations, il n'y a eu 'cohabitation' temporaire de l'ancienne et de la nouvelle loi que pendant deux ans.

Durant ces deux ans, il a fallu vérifier, pour chaque dossier, s'il relevait de l'ancienne loi ou de la nouvelle. En effet, les (anciens) dossiers qui ont été soumis de manière anticipée aux nouvelles dispositions légales, tombent aussi sous le coup de la nouvelle loi.

Dorénavant, conformément à la loi du 10 août 2015, cette vérification devra toutefois se faire, trois ans plus tard, à savoir non pas à partir du 1er septembre 2016 mais à partir du 1er septembre 2019.

Cela donnera lieu à un écheveau inextricable, à d'énormes pertes de temps et à des risques considérablement accrus de fautes de procédure.

Au lieu de renoncer le plus rapidement possible à l'ancienne loi et de se concentrer sur la nouvelle, le système à deux voies (propre, il est vrai, à toute mesure transitoire) est à présent inutilement prolongé.

Cela signifie un retard néfaste de l'entrée en vigueur de la loi, ainsi que, sur le plan législatif, un très 'mauvais travail'.

La loi du 10 août 2015 aggrave les conditions de vie des personnes protégées. Si le secteur des soins est convaincu de la plus-value que constitue la loi de 2013, la méfiance à l'égard de la pratique juridique ne cesse de croître. Dans certains cantons, cette pratique ne semble en effet suivre ni la lettre ni l'esprit de la loi, ce qui pour les personnes concernées sur les plans familial, social et médical, est un constat très décourageant, voire effrayant.

Le professeur Tim Wuyts a émis, à juste titre, un avis tranché sur ces pratiques. Il écrit en effet que le changement nécessaire de mentalité dans le chef des divers acteurs concernés par l'administration n'aurait pas eu encore lieu dans de nombreux cas. La nouvelle loi représenterait même, dans certains cas, un recul dans la pratique. Il estime que de telles pratiques sont blâmables et doivent être combattues avec les moyens de droit usuels (ibidem, p. 31, n °53).

Le résultat du report semi-automatique des délais prévus par la loi est toutefois très prévisible, de sorte que les juges de paix utiliseront presque exclusivement la «troisième méthode». La Justice gâche ainsi son propre confort.

La désorganisation (dont témoigne la motivation qui sous-tend la proposition de loi) nous apprend en effet que les dossiers seront principalement abordés 'd'initiative' au cours de ces cinq années (à présent, jusqu'au 1er septembre 2019) alors que le «délai d'évaluation» de deux ans, ensuite, n'est considéré que comme une sorte de 'réserve de temps'.

Le problème est que la procédure d'évaluation prévoit expressément, entre autres, la convocation de toutes les personnes concernées (personne protégée, personne de confiance, administrateur, réseau, famille...) alors qu'un certain nombre de juges de paix n'estiment pas devoir pratiquer de la sorte lorsque les nouvelles dispositions légales sont appliquées de manière anticipée ( ce que la loi du 10 août 2015 permet actuellement pour les administrations, jusqu'au 1er septembre 2019 au lieu de 2016).

Des centaines de personnes protégées ont déjà reçu, ces derniers mois, des ordonnances envoyées par des juges de paix et prévoyant un «régime de protection» maximal alors qu'elles n'avaient pas été entendues.

La modification des mesures transitoires implique, ni plus ni moins, que dans de nombreux dossiers d'administration, des décisions risquent d'être prises sans tenir compte des personnes concernées, et ce, pas seulement jusqu'au 1er août 2016 mais jusqu'au 1er août 2019.

En principe, la loi du 10 août 2015 ne sortira ses effets qu'au 1er septembre 2016.

Le législateur a donc maintenant tout un hiver devant lui pour revoir sa position et remanier le texte.

Une correction possible est que la loi entre en vigueur au 1er septembre 2016 (comme initialement prévu), mais que la période d'évaluation de deux ans soit portée à cinq ans: une telle intervention serait bel et bien efficace sur le plan de la charge de travail des juges de paix.

Techniquement et en deux mots: ce qui devrait être adapté n'est donc pas l'appellation 'deux ans' dans le premier alinéa de l'article 228 de la loi du 17 mars 2013 mais l'appellation 'deux ans' dans le deuxième alinéa de l'article 228.

Un tel report permettrait de mieux répartir la charge de travail des juges de paix sans léser les intérêts des personnes protégées.

Si les personnes protégées ont intérêt à ce que leur statut soit adapté après le 1er septembre 2016 (ou avant) de manière personnalisée en fonction de la nouvelle loi, elles peuvent en effet le demander elles-mêmes.

Le professeur Tim Wuyts indique toutefois, à juste titre, que dans la majorité des «anciennes» administrations provisoires, il ne devrait pas y avoir, après l'entrée en vigueur (automatique) de la loi, d'adaptations importantes nécessitant l'intervention du juge de paix.

Le professeur Wuyts situe ailleurs la mission principale des juges de paix: pour lui, l'important est que l'on s'occupe du passage au nouveau statut des personnes qui ont été placées dans un statut manifestement contraire aux droits de l'homme et qui ne permet pas un travail sur mesure, comme l'état de minorité prolongée et l'interdiction judiciaire. Grâce à la transition vers le nouveau statut, leur capacité juridique augmente dans tous les cas et un statut sur mesure peut être élaboré en fonction de leur situation (ibidem, p. 9, n° 15).

La loi du 10 août 2015 ne témoigne d'aucun respect de la part des auteurs pour les personnes vulnérables, leur famille et tous ceux qui les entourent sur les plans social et médical.

Il est correct en soi de dire que la qualité prime sur la rapidité (position justifiée par le ministre de la Justice dans le rapport de commission du 17 juillet 2015, document Chambre n° 54-1208/003), mais la méthode visant à prévoir une période d'évaluation plus longue remédie totalement à cette objection des juges de paix.

Par conséquent, dans la lignée de la longue phase préparatoire de la loi du 17 mars 2013, des discussions doivent être menées avec toutes les personnes concernées au lieu de réaliser un sprint en solo dans les coulisses du parlement.

D'où mes questions:

1. Le ministre est il d'accord sur les critiques ici formulées, qui sont également partagées par le juge de paix Jan Nolf et le professeur Wuyts?

2. Quelles mesures le ministre prendra-t-il afin d'éliminer les conséquences néfastes de cette modification précipitée de la loi du 17 mars 2013?

3. Le ministre se concertera-t-il avec les Communautés, afin que l'on tienne également compte des réalités sur le terrain et des personnes qui font l'objet de la loi du 17 mars 2013?

4. Peut-on s'attendre à ce que le ministre prenne une initiative afin de remédier à ces conséquences néfastes?

Réponse reçue le 23 décembre 2015 :

1) 2) & 4) Comme je l’ai déjà indiqué dans la réponse à la question orale n° 54-7007 du 22 octobre 2015 de Monsieur le député Lachaert (Chambre, CRIV 54 COM 259, p. 17), la loi du 10 août 2015 modifiant le Code judiciaire et la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, étaient basées sur une proposition de loi ayant pour but de résoudre certaines difficultés rencontrées dans la pratique après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi relative aux régimes d'incapacité.

La commission Justice de la Chambre des représentants a estimé qu'il s'agissait d'une proposition purement technique qui répondait à une demande insistante des acteurs de terrain et qui ne modifiait en rien l'esprit de la loi.

L'avis de l'Union royale des juges de paix et de police a également été reçu à ce sujet et a confirmé la nécessité d'une intervention législative en ce sens.

La modification des dispositions transitoires de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, visait à assurer une transition qualitative et pas uniquement quantitative vers le nouveau statut de protection.

Pour ce faire, la date de basculement automatique a été reportée. Les juges de paix disposent ainsi d'un délai plus long pour convertir les anciens dossiers d'administration provisoire et ce, dans le respect de l'esprit de la loi.

Les acteurs de terrain avaient en effet exprimé leurs préoccupations concernant la charge de travail. À cet égard, il est à noter que c'est l'évaluation des dossiers dans les deux ans suivant la conversion vers le nouveau statut qui est à l'origine de la charge de travail des juges de paix et non la conversion automatique en tant que telle de ce nouveau statut.

Le report de la date de basculement automatique (au 1er septembre 2019) ne signifie toutefois pas que les juges de paix doivent effectivement patienter jusqu'à cette date pour effectuer la conversion. Il est préférable que les juges de paix entament dès à présent la conversion afin que la charge de travail soit mieux répartie. La loi prévoit en effet la possibilité d'une conversion d'office (par exemple lors du dépôt du rapport annuel) ou d'une conversion à la demande d'un intéressé, sans que cette opération soit obligatoire.

Il importe donc peu que l'évaluation des dossiers soit effectuée lors de la conversion proprement dite ou seulement après la conversion automatique. Ce qui importe, c'est qu'elle soit opérée d'une façon qualitativement acceptable, raison pour laquelle l'échéance a toujours été le 1er septembre 2021, indépendamment de la question de savoir si la date de basculement est reportée ou si la période d'évaluation des dossiers après la conversion automatique est prolongée.

On ne peut évidemment pas nier qu'un allongement de la période d'évaluation aurait entraîné une conversion bien plus rapide de l'administration provisoire vers le nouveau statut. Toutefois, tant que l'évaluation n'a pas été réalisée, l'impact se fait surtout sentir sur l'administrateur provisoire et non sur la personne protégée, dont la capacité juridique demeure inchangée.

Les éventuelles pratiques abusives en matière de conversion et le manque de travail sur mesure sont à l’examen et donneront lieu, si nécessaire, à des mesures appropriées.

3) En ce qui concerne la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d'incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, il a déjà été communiqué dans la note de politique déposée à la Chambre le 10 novembre 2015 que les acteurs de terrain ont formulé un certain nombre de suggestions afin d'améliorer le fonctionnement de la loi à la lumière de son esprit et de réduire toute charge de travail superflue. Ces suggestions seront examinées en profondeur et seront intégrées dans une initiative législative (doc. Chambre, n° 54-1428/008, p. 50).