5-928/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

31 MARS 2011


Proposition de loi relative à la pénalisation de l'évasion

(Déposée par Mme Martine Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


À l'heure actuelle, le droit pénal belge ne prévoit pas de peines pour les personnes privées de leur liberté qui s'évadent. Le fugitif n'est punissable que s'il commet des faits punissables au cours de son évasion ou de sa tentative d'évasion. S'il est repris, le fugitif n'est condamné que pour les infractions liées à son évasion. La présente proposition de loi entend modifier ce principe.

Le Code pénal belge ne prévoit pas non plus de sanctions pour les personnes qui recèlent ou font receler des parents ou des alliés en fuite, cette exemption de peine s'appliquant même après le divorce. L'article 3 de la présente proposition de loi y remédie.

Il n'est pas bon que la société ne prévoie pas de réponse pénale adéquate en cas d'évasion.

Régulièrement, des détenus se soustraient à l'accomplissement de la peine privative de liberté qui leur a été infligée. Ce phénomène a pris de l'ampleur ces dernières années. L'année 2006 a été une année record, avec quarante évasions. En 2006, il y a eu l'évasion collective de vingt-huit détenus de la prison de Termonde. En 2009 aussi, le nombre d'évasions a été particulièrement élevé dans les établissements pénitentiaires: trente-quatre détenus se sont en effet évadés d'une prison ou d'un centre fermé pour délinquants juvéniles. On a par ailleurs également dénombré trente-neuf évasions dans des établissements ouverts ou semi-fermés. En 2008, vingt-deux détenus ont pris la fuite. En 2007, on a dénombré onze évasions et en 2005, on en a dénombré dix-neuf. Les chiffres traduisent clairement une augmentation annuelle.

Les évasions sont également plus nombreuses chez nous que dans les pays voisins. Ainsi, le ministre de la Justice a déclaré le 28 août 2009: « Je dispose des chiffres de 2006 de presque tous les pays d'Europe et même d'ailleurs, qui révèlent que nous nous situons à 37 pour 10 000. C'est en réalité plus que la moyenne internationale. » (1)

C'est pourquoi le législateur doit donner le signal qu'il prend les évasions au sérieux et que celles-ci ne peuvent pas rester impunies.

Le risque d'évasion zéro n'existe pas et certains criminologues et jurisconsultes estiment qu'un détenu doit toujours avoir une perspective d'évasion, faute de quoi la vie en prison deviendrait intolérable, avec toutes les conséquences que cela implique pour la sécurité interne.

En revanche, une évasion a toutefois un coût social. En premier lieu, elle constitue une atteinte au sentiment de sécurité des individus. Elle donne également l'impression que les autorités ne sont pas en mesure de remplir correctement une de leurs tâches principales, qui est de veiller à la sécurité des citoyens. Ensuite, en cas d'évasion, il faut toujours recourir à nouveau aux services de police. Il s'agit là d'une mission coûteuse et peu motivante pour la police, puisqu'elle doit de nouveau rechercher l'auteur qu'elle avait déjà précédemment amené devant la justice.

Pour ces raisons, on ne peut plus accepter que l'évasion en soi ne soit pas punie d'une manière ou d'une autre. Tel est le cas jusqu'à présent. Ce principe souffre toutefois une exception: si le détenu commet des faits répréhensibles durant sa tentative d'évasion, il sera poursuivi du chef de ces faits.

L'article 2 de la présente proposition de loi fixe les peines applicables à une personne qui s'évade. En ce qui concerne le degré de la peine, on s'inspire des dispositions en vigueur en France. Un autre élément nouveau est que l'article vise non seulement les évasions et les tentatives d'évasion des prisons, mais aussi les évasions ou tentatives d'évasion des cours ou tribunaux, d'un commissariat de police, d'un établissement sanitaire ou hospitalier, voire, les évasions durant le transport vers un de ces lieux.

Les peines s'appliquent également aux condamnés qui s'évadent alors qu'ils sont employés à l'extérieur de la prison, bénéficient d'un régime de semi-liberté; disposent d'une permission de sortir de la prison ou bénéficient d'une suspension de leur peine d'emprisonnement.

L'article 3 de la présente proposition modifie l'article 341 du Code pénal, de manière à ce que les parents, (ex-) conjoints, frères et sœurs et alliés dans la même ligne puissent être sanctionnés lorsqu'ils recèlent ou font receler leurs parents ou alliés fugitifs dont ils savent qu'ils sont poursuivis ou ont été condamnés pour crime.

Martine TAELMAN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans le titre VI, chapitre III, du Code pénal, il est inséré un nouvel article 331ter rédigé comme suit:

« Art. 331ter. Est punie d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de vingt-cinq euros à deux cents euros toute personne privée de sa liberté dans le cadre d'une détention préventive ou d'une peine privative de liberté qui s'y soustrait ou tente de s'y soustraire en s'évadant d'un établissement pénitentiaire, d'un palais de justice, d'un commissariat de police, d'un établissement sanitaire ou hospitalier, ou d'un véhicule de la police ou du corps fédéral de sécurité.

Est puni de la même peine le condamné qui se soustrait ou tente de se soustraire à sa peine privative de liberté alors qu'il était employé à l'extérieur d'un établissement pénitentiaire, bénéficiait du régime de semi-liberté, disposait d'une permission de sortir de l'établissement pénitentiaire ou bénéficiait d'une suspension de sa peine privative de liberté. »

Art. 3

Dans l'article 341 du même Code, les mots « Sont exceptés des deux dispositions précédentes » sont remplacés par les mots « Sont exceptés de la disposition de l'article 340 ».

30 mars 2011.

Martine TAELMAN.

(1) Commission de la Justice du Sénat, 28 août 2009.