5-458/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

10 NOVEMBRE 2010


Proposition de résolution relative à la mise en place d'un corps européen de secours civil

(Déposée par Mme Vanessa Matz et M. Bert Anciaux)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de résolution reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 8 mars 2010 (doc. Chambre, nº 52-2463/1).

Introduction

Le tsunami qui a ravagé les côtes du Sud-Est asiatique en 2004, a mis en lumière la fragilité de l'œuvre humaine face aux déchaînements de la nature ainsi que l'importance d'une solidarité internationale lorsqu'un événement de cette ampleur se produit.

Dans l'urgence et le chaos, il faut extraire les survivants encore ensevelis, opérer les blessés, soigner, nourrir, sécuriser, abriter, donner à boire aux populations touchées et enterrer les morts.

La catastrophe qui a durement touché Haïti en ce début d'année 2010 ne fait que confirmer la nécessité d'envisager cette aide non pas comme une addition des interventions nationales, mais comme le résultat de synergies entre ces interventions.

La Belgique a été un précurseur en la matière en créant en 2000 le mécanisme interdépartemental B-FAST pour l'aide d'urgence à l'étranger. Dès 2003, la Belgique a porté ce concept au niveau européen dans le cadre d'un ensemble de propositions relatives à la politique de défense commune.

En effet, face à de telles catastrophes, la générosité et l'expertise non coordonnées de chacun des États membres de l'Union européenne ne suffisent plus. L'Europe a les capacités et les moyens qui lui permettent de passer à la vitesse supérieure.

L'Union européenne, premier bailleur de fonds d'aide humanitaire, s'est dotée depuis 2005 d'une vision commune en matière d'aide humanitaire au travers du Consensus européen sur l'aide humanitaire, qui contient un engagement à garantir la cohérence des politiques liées à l'aide humanitaire. Le Traité de Lisbonne donne les moyens de cette action, en formalisant et renforçant le cadre européen de l'aide humanitaire. Un mécanisme de coordination existe déjà sur le plan de la protection civile; il est à présent logique de compléter cette coordination dans son volet humanitaire.

En 2006, Michel Barnier, ancien ministre des Affaires étrangères de la République française, a, à la demande de la Commission européenne, rédigé un rapport prospectif, intitulé « Pour une force européenne de protection civile: Europe Aid » (1) . Ce rapport avait pour but de déterminer quels devaient être les préalables, les formes, le fonctionnement de cette force européenne d'intervention civile. À ce jour, un tel mécanisme n'a pas encore pu être mis en place mais les développements politiques et institutionnels de ces dernières années nous donnent aujourd'hui une formidable opportunité de concrétiser cette proposition. Une décision du Conseil en 2007 institue un mécanisme européen de protection civile capable d'intervenir en cas d'urgence majeure à l'extérieur de l'Union européenne, mais sa mise en œuvre est restée invisible.

Face à des catastrophes naturelles de plus en plus dévastatrices et fréquentes, l'Europe du secours civil international doit impérativement monter en puissance et en efficacité. À cet égard, l'on constate que les désastres majeurs se multiplient. En effet, selon le Centre de recherche et d'épidémiologie des désastres (CRED) de l'UCL, le nombre de catastrophes naturelles a doublé en vingt ans. Les dérèglements du climat, d'une part, et l'urbanisation des pays pauvres liée à la croissance démographique, d'autre part, expliquent cette nette évolution.

Il faut donc que l'Union se dote d'un Corps européen de secours civil composé de « casques blancs ». Si les États membres mettent à la disposition des casques blancs les ressources et leur expertise en la matière, l'Union européenne devra, quant à elle, mettre en place des stratégies communes et mutualisées.

Enfin, il est évident que le déploiement d'un corps européen de secours civil doit pleinement s'articuler avec le rôle traditionnel des Nations unies comme coordinateur de l'aide vers un pays et en étroite coordination avec les autorités nationales du pays touché, à qui incombe en premier la responsabilité de la gestion de l'aide.

La forme et le fonctionnement du Corps européen de secours civil (« Casques blancs »)

La présente proposition consiste principalement à créer, à l'échelle de l'Union européenne, un mécanisme d'intervention humanitaire et civile rapide qui inclurait:

— la création d'un centre permanent de coordination qui peut être activé dans les heures après une catastrophe humanitaire;

— la création de dépôts où des stocks permanents de matériel d'aide humanitaire seraient constitués, afin d'optimaliser les capacités de réaction de l'Union européenne;

— l'organisation d'une mise à disposition, par rotation, par les États membres d'avions de transport et des moyens logistiques nécessaires à l'acheminement et au déploiement de l'aide humanitaire sur le terrain.

C'est uniquement sur une base volontaire que chaque État membre mettra du matériel et des hommes à la disposition de ce corps européen de secours civil.

Un système de formation commune pourrait, par ailleurs, être mis en place afin d'encourager un brassage des pratiques et des expériences ainsi que favoriser le partage des leçons apprises, ce qui améliorera le fonctionnement de tous et de l'ensemble.

Enfin, l'utilisation de ressources et moyens militaires à des fins humanitaires permet d'améliorer l'efficacité de l'aide et d'assurer que cette aide parvienne directement aux populations touchées, et ce le plus rapidement possible. À cet égard, l'utilisation de ressources et moyens militaires à des fins humanitaires doit, bien entendu, se faire dans le respect du droit international.

Vanessa MATZ
Bert ANCIAUX.


PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant l'importance d'une réaction internationale rapide et coordonnée en cas de crise majeure, telle que le tsunami de 2004 ou le tremblement de terre en Haïti en 2010;

B. vu les articles 3, § 5, 21, 27 et 28 du Traité sur l'Union européenne et les articles 196, 214 et 222 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne;

C. vu la décision 2007/779/CE, EURATOM du Conseil du 8 novembre 2007 instituant un mécanisme communautaire de protection civile (refonte) (2) et vu l'évaluation de ce mécanisme par la Commission européenne prévue en novembre 2010;

D. vu le rapport de Michel Barnier du 9 mai 2006 (3) ;

E. vu la communication COM(2009) 82 de la Commission européenne du 23 février 2009 relative à l'approche communautaire de la prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine;

F. vu la résolution du Parlement européen du 16 septembre 2009 sur les incendies de forêts de l'été 2009;

G. considérant la nécessité d'une contribution européenne substantielle, coordonnée, durable et plus efficace qu'aujourd'hui;

H. considérant le vif intérêt exprimé par le gouvernement belge d'inscrire le projet dans le cadre des travaux de sa présidence;

I. vu l'expertise développée par la Belgique dans les secours en cas de catastrophes, que ce soit à travers B-FAST, les universités (dont le CRED) ou les ONG spécialisées,

Demande au gouvernement:

1. d'intensifier les efforts pour la mise en œuvre d'un corps européen de secours civil, à déployer en cas de catastrophes majeures, notamment à l'extérieur de l'Union;

2. de promouvoir une feuille de route pour la mise en place d'un tel corps, à commencer par un inventaire des ressources disponibles au niveau européen;

3. de faire tout le nécessaire afin que ce corps européen soit doté des moyens financiers, logistiques et humains adéquats en tenant compte de leur mission;

4. d'insister pour que ce corps européen fasse preuve de rapidité, d'efficacité et de visibilité afin de démontrer la plus-value de l'intervention coordonnée de l'Union européenne;

5. d'inscrire l'action de l'Union européenne dans un cadre plus large de la seule aide d'urgence, en inscrivant parmi ses priorités la reconstruction de l'État affecté, en faveur des populations locales et en consultation avec celles-ci;

6. de demander aux partenaires européens de mutualiser notamment les ressources consulaires afin que les citoyens européens victimes d'un sinistre grave à l'extérieur de l'Union puissent s'adresser à toute mission diplomatique ou poste consulaire d'un État membre en vue d'y obtenir une assistance;

7. d'inscrire cette initiative à l'agenda de la présidence belge de l'Union européenne en 2010.

7 octobre 2010.

Vanessa MATZ
Bert ANCIAUX.

(1) http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/pdf/rapport_barnier_20060508_fr.pdf.

(2) JO, L 314/9, 1er décembre 2007, p. 9 et s.

(3) http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/pdf/rapport_barnier_20060508_fr.pdf.