4-1674/1 | 4-1674/1 |
24 FÉVRIER 2010
Les auteurs déposent la présente résolution à l'instar de celle qui a été déposée à la Chambre (doc. Chambre, nº 52-2374/001 - 2009/2010).
La commission Santé de la Chambre (1) a fait l'état des lieux de la « Grippe A/H1N1 » le mardi 5 janvier 2010 (2) , poursuivant ainsi le suivi régulier parlementaire des dispositifs mis en place depuis avril 2009.
De cet échange entre la ministre, les représentants du comité Influenza, de l'Agence fédérale des médicaments (3) et les parlementaires, il ressort que, en Belgique:
— sur les 12,6 millions de vaccins commandés à la seule firme GSK, 4,5 millions seulement ont été produits jusqu'à présent;
— de ces 4,5 millions, seulement 2 150 000 ont été mis dans le circuit pour être administrés à la population à risque; 1,6 million seraient encore en stock, centralisés en vue d'une répartition en fonction des besoins qui se déclareraient, ce qui est largement suffisant puisqu'une grande partie des groupes à risque a déjà été vaccinée;
— la Belgique a promis de donner 1,2 million de vaccins aux pays pauvres en ayant besoin, sur la base des critères définis par l'OMS (4) ;
— il resterait donc 6,5 millions de doses à produire pour finaliser la commande initiale;
— 220 000 personnes ont été répertoriées sur la base des indications fournies par les médecins vigies comme ayant été atteintes par la grippe et on peut estimer qu'au total, il y a eu entre 400 000 et 500 000 personnes qui ont développé cliniquement la grippe;
— le pic épidémique est aujourd'hui dépassé mais le comité interministériel Influenza, sur la base des recommandations de l'OMS, estime qu'un nouveau pic pourrait se déclarer durant les mois de grippe saisonnière, à savoir janvier-février.
La ministre de la Santé a confirmé que le contrat conclu avec GSK ne contenait pas de clause suspensive mais qu'il était acté que si un avantage était accordé à un autre pays, la Belgique y aurait automatiquement droit. Par exemple, si GSK accordait une diminution de commande à un autre État, sans pénalité, la Belgique pourrait exiger la même mesure en sa faveur.
La ministre considère néanmoins qu'il pourrait être plus intéressant pour la Belgique de garder sa commande pleine et entière car les vaccins belges sont en 2 parties distinctes, adjuvant et antigène, l'adjuvant représentant 85 % du coût, lequel se conserve au minimum 5 ans et peut être utilisé avec d'autres antigènes si le virus venait à muter.
La Belgique n'est pas le seul État à se trouver dans cette situation de commande trop importante de vaccins. De nombreux États négocient des diminutions de leurs commandes ou essayent de vendre leurs surplus à d'autres pays en ayant besoin.
Il y a lieu de s'interroger sur cette affirmation d'un deuxième pic épidémique qui pourrait venir. Elle se base sur l'observation faite que, aux États-Unis, après une première vague au printemps qui s'est arrêtée en été, est apparue une deuxième vague en hiver. Il est bien connu que l'influenza se propage beaucoup plus facilement en hiver et rien ne permet d'expliquer pourquoi l'épidémie belge se serait arrêtée brutalement en décembre pour reprendre en janvier. L'explication la plus plausible pourrait être que l'épidémie s'est terminée naturellement parce que la majorité de la population a été contaminée (et est donc immunisée), même si seulement une petite partie de celle-ci a développé cliniquement la maladie, ce qui est un phénomène bien connu en épidémiologie.
Les pays de l'hémisphère sud, au climat similaire au nôtre, tel que la Nouvelle Zélande, ont connu un profil épidémique similaire au nôtre et n'ont pas connu de deuxième pic.
Si deuxième pic il devait y avoir, ce serait très probablement suite à une mutation, et dans ce cas il est très probable que le vaccin actuel serait inefficace.
Malheureusement, il n'est pas possible, dans l'état actuel des choses, de vérifier le niveau d'immunisation de la population, étant donné l'absence de test sérologique spécifique pour la grippe A/H1N1. Néanmoins, il est difficile de comprendre cette obstination de l'OMS à exagérer fortement la gravité de cette épidémie, d'autant qu'il est bien établi, actuellement, que le taux de mortalité observé est bien plus faible que pour une grippe saisonnière.
Une observation, a posteriori, des mécanismes de décision à tous les niveaux (international, via l'OMS, européen et national) permet de s'inquiéter à plus d'un titre quant à l'indépendance des scientifiques qui ont décidé des niveaux de pandémie et des quantités de vaccins à administrer.
La confusion au sujet de la définition de la pandémie semble être universelle. C'est, du moins, ce que prétendent les collaborateurs de l'OMS face aux récentes accusations de collusion entre leur organisation et l'industrie pharmaceutique.
Les firmes pharmaceutiques sont des acteurs économiques puissants dont les universités ont besoin pour financer leurs recherches, vu leur manque de moyen. Elles exercent également un important lobbying auprès des responsables politiques, vu le nombre d'emplois qu'elles procurent et les besoins qu'ont les États en matière de médicaments. Chaque État membre de l'UE a voulu commander auprès de firmes qu'il choisissait, souvent sur ses terres, plutôt que de collectiviser la commande, au niveau de l'UE, par exemple, y compris en Belgique. L'on n'a pas non plus lancé d'appel d'offres auquel les trois sociétés établies en Belgique auraient été invitées à soumissionner.
En outre, il est officiellement établi que l'OMS est financée, pour une part non négligeable, par l'industrie pharmaceutique. Les entreprises de ce secteur ont des comptes à rendre à leurs actionnaires et s'organisent généralement pour bénéficier de contreparties.
Concernant le rôle des experts scientifiques de l'OMS, un scandale a éclaté aux Pays-Bas et a fait l'objet d'un débat au Parlement néerlandais autour du professeur Albert Osterhaus, directeur du département de virologie de Rotterdam et principal conseiller de l'OMS, face à la pandémie de grippe A/H1N1. Depuis plusieurs années, il prédit l'imminence d'une pandémie globale et il a été accusé de présenter des liens personnels avec les laboratoires fabriquant les vaccins. Le Parlement néerlandais a d'ailleurs ouvert une enquête pour conflit d'intérêts et malversations.
En outre, au sein du Conseil de l'Europe, le docteur Wolfgang Wodarg, médecin, homme politique socialiste allemand et président de la commission Santé du Conseil de l'Europe, a ordonné, pour le mois de janvier, une enquête sur l'influence des firmes pharmaceutiques sur les scientifiques et les autorités publiques lors des campagnes contre les grippes aviaire et porcine. Concernant le docteur Wodarg, l'enquête doit surtout examiner le rôle joué par l'OMS. Cette demande a déjà été signée par de nombreux membres de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
D'après le docteur Wodarg, de nombreux citoyens ont été plus intelligents que leur gouvernement en ne se faisant pas vacciner. Il accuse, dès lors, carrément l'OMS d'avoir poussé des gouvernements à commander massivement des vaccins en déclenchant inutilement la phase 6 de la pandémie.
En France, le Parti Socialiste et le Nouveau Centre réclament une commission d'enquête parlementaire sur la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 en France et sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne.
Nos voisins d'outre-Quiévrain n'ont administré que 6 millions de doses alors que 90 millions en avaient été commandées.
La peur est mauvaise conseillère en politique et n'est-il pas exact de dire, comme l'indiquait récemment Luc Bonneux dans un article intitulé « Paniekvoetbal griepexperts kostte fortuin » publié dans le journal De Morgen, qu'on a sciemment exploité la peur d'une pandémie, contrairement à ce qu'affirme Gregory Hartl ?
Lieve VAN ERMEN. Geert LAMBERT. |
Le Sénat,
A. considérant que le vaccin contre la grippe A/H1N1 n'a d'utilité que de manière préventive, c'est-à-dire avant que les personnes soient contaminées;
B. considérant que les personnes à risque qui voulaient se faire vacciner l'ont majoritairement fait;
C. considérant que les personnes qui deviendraient nouvellement à risque ne devraient pas être plus nombreuses que celles déjà déclarées (femmes qui commenceraient une grossesse, enfants en bas âge qui atteindront l'âge de la vaccination, personnes chez qui se déclarerait une maladie considérée comme à risque);
D. considérant qu'il devient donc inutile de poursuivre la fabrication immédiate de nouvelles doses, tant d'adjuvant que d'antigène, puisqu'il en reste plus d'un million de disponibles;
E. considérant les suspicions de conflits d'intérêts concernant les experts et décideurs dans la gestion de la pandémie au niveau de l'OMS;
F. considérant que le niveau européen est celui qu'il faut mobiliser pour gérer toute future pandémie, en collaboration avec l'OMS;
G. considérant qu'en Belgique également aucun appel d'offres n'a été lancé et qu'une seule commande a été passée, comme par hasard auprès de la société qui emploie le plus de travailleurs sur le territoire belge;
demande au gouvernement:
1. au niveau belge:
a) de négocier avec la firme GSK la suspension de toute production supplémentaire, tant d'antigène que d'adjuvant;
b) d'utiliser cette interruption pour négocier la diminution du nombre de vaccins à produire en visant à réduire ce nombre à un minimum;
2. au niveau européen: de porter, au sein du Conseil européen des ministres de la Santé, une demande d'enquête au niveau européen et international:
a) sur les mécanismes de gestion de cette pandémie au sein de l'UE et dans les dispositifs mis en place par l'OMS;
b) sur les conflits d'intérêts réels ou possibles qui auraient existé pour les experts scientifiques de l'OMS, les experts des différents États consultés par l'OMS et les responsables politiques.
28 janvier 2010.
Lieve VAN ERMEN. Geert LAMBERT. |
(1) Commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la Société.
(2) Voir CRA 52 COM no 0733 du 5 janvier 2010, pages 1 et suivantes.
(3) Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de santé.
(4) OMS: Organisation Mondiale de la Santé.