4-921/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

16 SEPTEMBRE 2008


Proposition de loi modifiant les articles 3 et 14 de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie en ce qui concerne l'obligation du médecin traitant opposé à l'euthanasie de renvoyer le patient à un confrère

(Déposée par MM. Jean-Jacques De Gucht et Paul Wille, Mme Martine Taelman et M. Patrik Vankrunkelsven)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, entrée en vigueur le 20 septembre 2002, autorise l'euthanasie sur des patients conscients, atteints d'une affection incurable, qui éprouvent une souffrance insupportable.

La loi offre au patient une protection et lui garantit une mort douce et humaine. Elle procure également la sécurité juridique au médecin qui pratique l'euthanasie.

Parallèlement à la loi qui garantit le droit à l'euthanasie pour les personnes majeures, la loi prévoyant des soins palliatifs de qualité est entrée en vigueur.

Aujourd'hui, la pratique nous oblige toutefois à conclure que la législation actuelle présente des imperfections qui appellent des précisions et des adaptations spécifiques.

Il en résulte dès lors qu'il convient d'adapter notamment l'élément suivant.

La loi actuelle relative à l'euthanasie stipule clairement en son article 14 « qu'aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie ». Qu'il soit clair que la présente proposition de loi n'a pas pour objectif de changer quoi que ce soit à cet état de choses. En effet, il est tout à fait compréhensible qu'en raison de ses convictions philosophiques ou personnelles, un médecin préfère ne pas pratiquer l'euthanasie sur ses patients. Ce choix doit être respecté. C'est le point de vue du médecin qui est considéré en l'occurrence. Mais du point de vue du patient, force est de constater que, dans ce cas, on ne répond pas à sa requête, alors que sur le plan tant juridique que médical, il se trouve dans une situation où sa demande d'euthanasie est justifiée.

Pour résoudre ce problème, il convient de prévoir que le médecin traitant a l'obligation de renvoyer le patient à un confrère disposé à pratiquer l'euthanasie dans le cadre légal et sur la base d'un dossier bien étayé sur le plan médical.

Ce problème ne se pose pas seulement chez les médecins pris individuellement. La réalité montre que certains hôpitaux et maisons de repos et de soins interdisent de pratiquer l'euthanasie dans leurs murs. Pareille attitude équivaut à un déni du droit que pourrait faire valoir un patient plongé dans une situation douloureuse et irréversible.

Pour offrir un maximum de garanties, nous proposons de modifier la loi en complétant les dispositions relatives au statut du premier et/ou du deuxième médecin consulté. La condition actuelle d'indépendance est maintenue purement et simplement. Elle est complétée par une disposition prévoyant que le médecin consulté peut être externe à l'établissement médical, s'il est impossible de trouver au sein de l'établissement un médecin consultant. Le médecin consulté est supposé assister le patient en lui apportant une aide juridique, médicale et psychique dans le cadre des questions qu'il se pose sur la fin de vie, et il doit, à cette fin, avoir suivi les formations nécessaires.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Pour assurer un suivi aussi effectif que possible à la demande du patient par rapport à la fin de vie, il est proposé qu'au moins un des médecins consultés ait bénéficié d'une formation sur la fin de vie abordant les aspects législatif, médical et psychique. Le médecin consulté doit répondre à toutes les questions que le patient pourrait poser sur la fin de vie. D'autre part, il est souligné qu'en dehors des conditions déjà posées en matière d'indépendance, le premier et/ou deuxième médecin consulté peut également être extérieur à l'établissement où la demande d'euthanasie a été formulée. Le recours à un médecin extérieur est toutefois obligatoire s'il est impossible de trouver, dans l'établissement médical en question, un médecin consultant.

Article 3

La disposition qui figure à l'article 14, dernier alinéa, actuel, pose un problème, car le médecin opposé à l'euthanasie n'a pas l'obligation de renvoyer le patient à un confrère. Étant donné que l'euthanasie est considérée comme un acte médical, certains effets y sont liés (1) . Ainsi, le fait de pratiquer une euthanasie relève-t-il du champ d'application de l'arrêté royal nº 78, qui est une réglementation légale générale, contraignante pour tous les praticiens professionnels qui posent des actes médicaux.

Tant la loi actuelle sur l'euthanasie que l'arrêté royal nº 78 contiennent des dispositions qui doivent permettre de garantir la continuité des soins de santé, mais il y a une nuance. La loi relative à l'euthanasie prévoit que, si le médecin traitant refuse d'accéder à une demande d'euthanasie, l'initiative revient au patient ou à sa personne de confiance pour ce qui est de la transmission du dossier médical au nouveau médecin à désigner.

Par contre, l'arrêté royal (en ses articles 8, § 1er, et 13) oblige tout d'abord le médecin à prendre les mesures nécessaires pour garantir la continuité des soins de santé, s'il décidait d'arrêter le traitement du patient. Il prévoit ensuite la possibilité, pour le patient, de demander à son médecin de communiquer ses données à un autre médecin.

Ces constatations nous permettent de conclure que si le médecin refuse d'accéder à une demande d'euthanasie, la protection prévue par la loi relative à l'euthanasie est moins bonne que celle applicable dans le cas d'autres actes médicaux. L'article 14, dernier alinéa, de la loi relative à l'euthanasie va pour ainsi dire à l'encontre des règles générales figurant dans l'arrêté royal nº 78 (2) .

Le patient doit bénéficier d'une meilleure protection et la continuité des soins doit être assurée. Souvent, en effet, le patient est déjà gravement malade et souffre de manière insupportable, ce qui lui ôte le courage de se mettre à la recherche d'un autre médecin qui sera éventuellement disposé à accéder à sa demande.

Le Code de déontologie médicale impose lui aussi, notamment en ses articles 113 et 114, l'obligation d'assurer la continuité des soins en prenant les mesures nécessaires.

Pour toutes ces raisons, nous proposons d'adapter l'article 14, dernier alinéa.

Jean-Jacques DE GUCHT.
Paul WILLE.
Martine TAELMAN.
Patrik VANKRUNKELSVEN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 3 de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie sont apportées les modifications suivantes:

1º le § 2, 3º, alinéa 1er, est complété par les phrases suivantes:

« À cette fin, le médecin consulté doit avoir suivi une formation sur la fin de vie abordant les aspects législatif, médical et psychique. Il répond à toutes les questions que le patient et ses proches se posent sur la fin de vie. »;

2º au § 2, 3º, alinéa 2, les phrases suivantes sont insérées entre la première et la deuxième phrases:

« Le médecin consulté peut en outre être externe à l'établissement où les questions concernant la fin de vie ont été posées. Cette condition doit toutefois être remplie lorsqu'il est impossible de trouver, dans l'établissement médical en question, un médecin consultant. »

3º au § 3, 1º, la phrase suivante est insérée entre la troisième et la quatrième phrases:

« À cette fin, le médecin consulté doit avoir suivi une formation sur la fin de vie abordant les aspects législatif, médical et psychique. »;

4º au § 3, 1º, la phrase suivante est insérée entre la quatrième et la cinquième phrases:

« Le médecin consulté peut en outre être externe à l'établissement où les questions concernant la fin de vie ont été posées. »

Art. 3

L'article 14, dernier alinéa, de la même loi, est remplacé par les deux alinéas suivants:

« Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie ou à une requête d'aide au suicide est tenu de communiquer le dossier médical du patient à un autre médecin en vue d'assurer la continuité des soins.

Sur simple demande du patient ou de la personne de confiance, le médecin est toujours tenu de communiquer le dossier médical du patient au médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance. »

21 mai 2008.

Jean-Jacques DE GUCHT.
Paul WILLE.
Martine TAELMAN.
Patrik VANKRUNKELSVEN.

(1) De Keyser, E., « Euthanasie. Een medische handeling », NJW, 2003, pp. 1067 à 1073.

(2) Ibid., pp. 1072 et 1073.