4-385/1

4-385/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

12 NOVEMBRE 2007


Proposition de loi complétant l'article 17 du Code judiciaire et l'article 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle en vue d'instaurer au profit des associations une action d'intérêt collectif

(Déposée par M. Francis Delpérée et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 9 juillet 2003 (doc. Sénat, nº 3-50/1 SE 2003).

Une association qui a la personnalité juridique ne peut, dans l'état actuel du droit belge, fonder une action sur la seule atteinte portée à son objet social.

En effet, au contentieux de la responsabilité civile, l'article 17 du Code judiciaire dispose que « l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former ». L'article 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle dispose que « l'action pour la réparation du dommage causé par une infraction appartient à ceux qui ont souffert du dommage ». L'article 63 du Code d'instruction criminelle précise que « toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent ». En vertu de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de cassation, l'action d'intérêt collectif introduite par des groupements est rejetée.

Des tempéraments ont toutefois été admis dans quelques lois particulières qui définissent un droit d'action au profit d'un groupement qui peut agir sans mandat au nom de ses membres, ainsi (1) :

1º l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 31 mars 1898 sur les Unions professionnelles prévoit qu'une union peut ester en justice pour la défense de droits individuels que ses membres tiennent de leur qualité d'associés, sans préjudice du droit de ses membres d'agir directement, de se joindre à l'action ou d'intervenir dans l'instance;

2º l'article 24 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie prévoit que les employeurs, les travailleurs et leurs organisations représentatives peuvent introduire une demande en justice tendant à faire trancher tout différend relatif à l'application de certaines dispositions de cette loi;

3º les articles 1er et 1erbis de la loi du 10 juin 1952 concernant la santé et la protection des travailleurs, ainsi que la salubrité du travail et des lieux de travail prévoient des dispositions similaires;

4º l'article 4 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires prévoit que les organisations représentatives peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l'application de la loi donnerait lieu pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions conclues par elles;

5º les articles 55 et 57 de la loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce;

6º l'article 132 de la loi du 4 août 1978 de réorientation économique pour l'application des dispositions relatives à l'égalité de traitement entre hommes et femmes.

L'article 5 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, nous fournit un exemple plus récent. Cet article dispose en effet que: « lorsqu'un préjudice est porté aux fins statutaires qu'ils se sont donné pour mission de poursuivre, tout établissement d'utilité publique et toute association, jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits [...] et se proposant par leurs statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination raciale peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu ».

Sans qu'il ne s'agisse d'une action en responsabilité, on peut rappeler également la procédure d'action en cessation telle qu'elle a été introduite dans le cadre de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur.

Enfin, la récente loi du 12 janvier 1993 octroyait quant à elle un droit d'action en matière de protection de l'environnement.

La jurisprudence relative à l'application de l'article 17 du Code judiciaire a subi une évolution importante dont voici un bref aperçu. La Cour de cassation d'abord adopté une attitude conciliante à l'égard des associations qui estaient en justice. C'est ainsi que dans ses premiers arrêts (Cass., 29 avril 1921, Pas., 1921, I, 228; Cass., 12 avril 1921, Pas., 1921, I, 319; Cass., 9 juillet 1928, Rev. Dr. Pén. 1928, 869), elle a estimé que les associations constituées en Unions professionnelles conformément à la loi du 31 mars 1898 pouvaient non seulement ester en justice pour la défense des intérêts individuels de leurs membres, comme l'article 10 de cette loi le prévoit explicitement, mais également se constituer partie civile pour demander réparation des dommages qui leur avaient été causés par l'atteinte portée aux intérêts pour la défense desquels elles avaient été formées.

Selon cette jurisprudence, il suffisait que l'association ait la personnalité civile pour pouvoir ester en justice pour la défense des intérêts en vue de la préservation desquels elle avait été formée. De plus, tout préjudice porté à ces intérêts collectifs était assimilé à un dommage causé à l'association même.

L'année 1930 marque un tournant dans la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère désormais que l'action civile en réparation d'un dommage causé par une infraction n'appartient qu'à celui qui a souffert de ce dommage parce que celui ci l'a atteint dans sa personne, dans son patrimoine ou dans sa réputation. La recevabilité de l'action civile en matière pénale est donc clairement liée à l'existence d'un dommage personnel (Cass., 1er décembre 1930, Pas., 1930, I, 373).

En 1957 la Cour de cassation (Cass., 9 décembre 1957, Arr. Cass., 1958, 375) a déclaré la constitution de partie civile d'une ASBL irrecevable parce que les intérêts lésés étaient ceux des membres de l'association et non les intérêts propres de l'association. Ce raisonnement a été étendu à l'action en responsabilité civile (article 1382 du Code civil) par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 1968.

Alors que dans ses arrêts précédents, elle se prononçait sur la notion de « dommage », la Cour s'est attachée dans ses arrêts de principe du 19 novembre 1982 (Cass., 19 novembre 1982, Pas., 1983, I, p. 338) et du 24 novembre 1982 (Cass., 24 novembre 1982, Pas., 1983, I, p. 361) à définir la notion d'« intérêt ».

Dans le premier arrêt, la Cour souligne que l'intérêt doit « être personnel et direct », c'est à dire « propre ». Elle estime que l'intérêt propre d'une personne morale « ne comprend que ce qui concerne l'existence de la personne morale, ses biens patrimoniaux, et ses droits moraux, spécialement son patrimoine, son honneur et sa réputation ». La Cour entend ainsi exclure qu'une personne morale ait intérêt à ester en justice pour la défense des intérêts collectifs en vue desquels elle a été formée. La Cour précise encore que « le seul fait qu'une personne morale ou une personne physique poursuive un but, ce but fut il statutaire, n'entraîne pas la naissance d'un intérêt propre, toute personne pouvant se proposer de poursuivre n'importe quel but ».

Dans le second arrêt, était rejeté le pourvoi introduit par l'établissement public « la Ligue belge pour la défense des droits de l'homme » qui voulait se constituer partie civile contre des prévenus poursuivis du chef de violation de la loi interdisant les milices privées. Elle considérait que « la demanderesse ne justifie d'aucun droit ni d'aucun intérêt personnel qui aurait pu être lésé par les délits mis à charge des prévenus, que ce qu'elle qualifie d'atteinte à son intérêt personnel est, en réalité, l'intérêt de l'ensemble des citoyens à ce que les infractions soient poursuivies et leurs auteurs punis, c'est à dire l'intérêt social dont la défense est, en principe, confiée exclusivement au ministère public ».

Ces arrêts prennent à contre-pied l'évolution enregistrée dans les juridictions inférieures favorables à l'introduction d'actions en justice par des associations et interrompent brutalement cette évolution, tout en rejetant le principe même d'une action d'intérêt collectif.

Par contre, le Conseil d'État, dans son arrêt du 11 septembre 1981 (CE, 4e ch., 11 septembre 1981, nº 21384, VZW Werkgroep voor milieubeheer Brasschaat, Rec., 1981, p. 1211), rendu dans la même affaire que celle qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 1982 et en ce qui concerne la même association, a déclaré le recours en annulation introduit par cette association recevable pour le motif que « l'intérêt peut être défendu par les associations qui oeuvrent pour la protection de l'environnement et qui sont mues par des intérêts se situant sur le plan des idées et ayant un caractère collectif plutôt que par des intérêts propres ». Contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, la jurisprudence du Conseil d'État, s'appuyant sur l'article 20 de la Constitution garantissant la liberté l'association, considère que le but poursuivi par une association peut constituer l'intérêt pour agir visé par l'article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d'État ».

Le Conseil d'État devait d'ailleurs préciser de manière très nette que « la reconnaissance d'intérêts collectifs, qui doivent être distingués des intérêts individualisables des membres d'un groupe, a entraîné la reconnaissance du droit qu'a ce groupe de défendre ses intérêts collectifs, notamment devant le juge, par le truchement d'une organisation qui le représente, si du moins cette organisation a agi dans la procédure de la manière qui convient à sa nature juridique; qu'en présence d'une association déterminée capable d'ester en justice, le seul problème à résoudre consiste dès lors à vérifier si cette association a effectivement qualité pour agir en vue des intérêts collectifs qu'elle défend, en d'autres mots, si elle peut être considérée effectivement comme une organisation représentative du groupe dont elle veut défendre les intérêts. »

Quant à la Cour constitutionnelle, elle adopte un raisonnement similaire à celui du Conseil d'État. Sa jurisprudence se résume clairement dans son arrêt du 18 février 1993 (Moniteur belge du 3 mars 1993). Elle y précisait que: « Lorsqu'une association sans but lucratif qui se prévaut d'un intérêt collectif souhaite avoir accès à la Cour, il est requis que l'objet social de l'association soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; que l'intérêt collectif ne soit pas limité aux intérêts individuels de ses membres; que la norme entreprise soit susceptible d'affecter cet objet; que cet objet social soit réellement poursuivi, ce que doivent faire apparaître les activités concrètes de l'association; que l'association fasse montre d'une activité durable, aussi bien dans le passé que dans le présent ». Par cet arrêt, la Cour d'arbitrage déclarait recevable la demande introduite par une association visant à obtenir l'annulation de certaines dispositions de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 11 juillet 1991 relative au droit à la fourniture minimale d'électricité.

La modification légale que nous proposons vise notamment à supprimer les divergences d'appréciation quant à la recevabilité des actions d'intérêt collectif mues par des associations, selon que cette appréciation émane de la Cour de cassation, du Conseil d'État ou de la Cour d'arbitrage, en optant pour l'appréciation qui se concilie le mieux avec la liberté l'association garantie par la Constitution. Cette modification ne pourra qu'accroître la sécurité juridique.

Notre proposition doit permettre aux associations dotées de la personnalité juridique d'ester en justice devant les cours et tribunaux pour défendre un intérêt collectif ressortissant à leur objectif statutaire. Si la problématique de l'environnement a été partiellement rencontrée, les associations de consommateurs, les organisations professionnelles, les groupements féministes, les associations pour la défense des étrangers, les associations pour la protection des personnes âgées, celles instituées pour la lutte contre l'exclusion sociale, désirent jouer un rôle plus actif sur le plan judiciaire.

La Belgique accuse d'ailleurs un retard considérable par rapport aux législations des États étrangers qui ont ouvert des actions d'intérêt collectif de manière beaucoup plus large et il suffit à cet égard de mentionner les class actions américaines ou plus proche de notre tradition civiliste le recours collectif québécois qui va jusqu'à prévoir un fonds spécial de soutien aux actions collectives. Chez nos voisins, le législateur français a franchi le pas en 1973.

Aux Pays-Bas, on retiendra en particulier un avant-projet de loi qui tend à insérer dans le nouveau Code civil un nouvel article 3.11.8a, rédigé comme suit: « Une personne morale disposant de la pleine capacité juridique qui, en conformité avec ses statuts, promeut les intérêts d'autrui, peut, si la protection de ces intérêts le justifie, s'adresser au tribunal pour faire déclarer illicite un acte ou obtenir l'interdiction d'un comportement illicite ».

On mesure ainsi le retard qu'accuse le droit belge. En doctrine, ce retard fut constaté et dénoncé. Ainsi de nombreux auteurs, au regard de l'évolution de notre société semblent conscients de la nécessité grandissante d'élargir les possibilités d'action d'intérêt collectif à l'initiative des groupements (2) .

Par ailleurs, on constate qu'il est de plus en plus difficile d'individualiser certains intérêts. L'intérêt collectif qu'il s'agit de promouvoir est à la charnière entre l'intérêt particulier et l'intérêt général. Selon l'expression du Professeur F. Ost, « comme si l'on s'apercevait enfin que le binôme intérêt général/ intérêts particuliers n'épuisait pas la réalité sociale. Entre eux s'insinuent les intérêts collectifs qui médiatisent leur relation et dépassent leur opposition. L'intérêt général apparaît moins désormais comme l'expression d'une rationalité a priori, supra sociale, qui se définirait d'en haut, que comme l'image d'une équilibration constante entre divers intérêts collectifs engagés dans des rapports de coopération conflictuelle. Quant à l'intérêt privé, il est de plus en plus souvent associé à la définition d'objectifs collectifs » (3) .

Si l'on peut parler d'espace associatif autonome à promouvoir, on peut aussi parler « d'imbrication et d'osmose entre public et privé ... d'échanges de plus en plus complexes entre ces deux rationalités. Les associations et leurs intérêts collectifs, situés au confluent de ces flux, opéreraient tantôt comme relais de l'étatisation de la société civile, tantôt comme instrument de la civilisation de l'État » (4) . La notion d'intérêt collectif correspond donc à une réalité sociale.

De plus, l'accès au prétoire est difficile: les personnes appartenant à une catégorie marginalisée ne parviennent pas à obtenir par voie de justice que soient respectés leurs intérêts pourtant légitimes. C'est là précisément une caractéristique de leur marginalité. L'accès au prétoire suppose que beaucoup d'obstacles, qui constituent un « effet barrière », soient levés. En effet, comme le relève F. Rigaux, « la situation actuelle d'insuffisant accès au droit et à la justice devrait conduire à l'élimination d'une contradiction insoutenable: ceux qui ont le plus grand besoin de justice, dont le bon droit est le seul patrimoine, sont aussi ceux qui accèdent le plus difficilement au droit » (5) . L'ignorance, le manque de moyens financiers et de confiance dans le fonctionnement de notre système judiciaire, la crainte souvent justifiée de ne pas être pris au sérieux, l'apathie et le fatalisme découlant d'autant d'expériences négatives sont autant de raisons qui les retiennent de procéder.

Or, de nombreux groupements se sont donnés pour objectif de lutter contre ces formes d'exclusion. De nombreuses facettes de l'exclusion présentent une dimension collective et structurelle. Refuser une expression collective de ces questions en justice aura donc pour effet que bien souvent elles ne seront jamais soumises au juge. Trop de barrières existent pour permettre réellement à chaque personne en situation d'exclusion d'en appeler au juge. Le groupement peut, lui, aisément surmonter ces barrières.

Il est en outre bénéfique pour la démocratie que des citoyens puissent assumer des responsabilités par le canal l'associations en étant admis à ester en justice pour défendre un intérêt qui dépasse leur intérêt strictement personnel. L'identification du citoyen à l'État s'en trouve renforcée. L'octroi de ce droit aux associations correspond d'ailleurs parfaitement à l'esprit de la Constitution, qui garantit la liberté l'association.

On notera que le droit reconnu à ces associations de se constituer partie civile (articles 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle et 63 du même Code) n'empiète en rien sur les tâches exercées par le ministère public. Il ne s'agit pas de consacrer une action populaire ou de déroger à la règle « nul ne plaide par procureur ». L'association se présenterait comme le défenseur de certaines valeurs participant à l'intérêt général, son action d'intérêt collectif se présenterait de la sorte comme une action « semipublique ». D'ailleurs, l'association est un relais qui souvent connaît mieux le terrain que l'autorité publique elle même. D'autant plus qu'il a été pertinemment remarqué par un auteur français que « le ministère public est trop semblable au juge pour être apte, sur le plan culturel et psychologique, à devenir le défenseur dynamique d'intérêts (économiques, religieux, raciaux, etc.) de groupes, de communautés, de classes » (6) . Il s'agit donc de dépasser nos représentations juridiques traditionnelles selon lesquelles l'État et en particulier le ministère public sont les seuls détenteurs des intérêts de la société.

Il convient également de remarquer que si l'on a évité de modifier l'article 17 du Code judiciaire lors de la refonte de ce Code, c'était pour que l'évolution positive, à l'époque, de la jurisprudence à l'égard des associations puisse se poursuivre.

Les arrêts des 19 et 24 novembre 1982 ont mis fin à cette évolution. Elle a des effets dommageables aujourd'hui, comme ce fut le cas pour la décision du tribunal de première instance de Bruxelles du 23 octobre 1992. De la sorte une modification de la loi s'impose, comme la majorité de la doctrine le plaide.

En conclusion, l'importance du mouvement associatif, pièce essentielle de notre organisation sociale, n'est plus à démontrer et elle doit être promue sur le plan judiciaire. Une intervention du législateur s'avère nécessaire à cet effet. La reconnaissance de l'action d'intérêt collectif offrirait de nombreux avantages: « l'éventualité de se voir opposer une action collective constitue pour l'interlocuteur du groupement un risque de loin supérieur à celui d'actions individuelles, minime dans l'hypothèse d'un intérêt diffus, et accroît de ce fait le pouvoir de pression exercé par le groupement à l'égard de ses partenaires; la sanction judiciaire constitue en elle même une légitimité accrue des actions entreprises par le groupe; la publicité donnée à l'action judiciaire ne peut qu'accélérer la reconnaissance des objectifs du groupement par les milieux intéressés et notamment par la magistrature et les pouvoirs publics; enfin la perception, par les membres du groupe, d'une possibilité effective de faire valoir leurs droits individuels par la voie d'une action collective soutenue, sinon introduite, par le groupement ne peut qu'augmenter l'intérêt pour eux d'adhérer au mouvement » (7) et par voie de conséquence renforcer la représentativité du groupement.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article vise à modifier l'article 17 du Code judiciaire qui est actuellement libellé comme suit:

« L'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former ».

Il modifie le principe général sans déroger aux dispositions des lois particulières. Celles ci restent donc en vigueur. Outre la personne ayant un intérêt direct, seule une association dotée de la personnalité civile peut, aux termes de l'alinéa proposé intenter une action en justice. En outre, il faut que le but statutaire de l'association renferme l'intérêt que celle ci prétend défendre, ce qui signifie qu'une association ne peut pas former n'importe quelle demande.

Article 3

L'article 3 vise à modifier l'article 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, qui est libellé comme suit: « L'action pour la réparation du dommage causé par une infraction appartient à ceux qui ont souffert de ce dommage ».

Outre celui qui a directement souffert du dommage, seule une association dotée de la personnalité civile peut, aux termes de l'article proposé, intenter une action. Dans ce cas, le dommage doit avoir un rapport avec le but statutaire de l'association.

Francis DELPÉRÉE
Marc ELSEN
Jean-Paul PROCUREUR.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 17 du Code judiciaire est complété par l'alinéa suivant:

« Sans préjudice de la recevabilité des actions intentées conformément aux prescriptions des lois particulières, toute action est recevable si elle se fonde sur un intérêt ressortissant au but statutaire de la personne morale qui intente l'action ».

Art. 3

L'article 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle est complété par l'alinéa suivant:

« Une personne morale est censée avoir souffert d'un dommage lorsque le dommage qui résulte de l'infraction est contraire au but visé par cette personne ».

23 octobre 2007.

Francis DELPÉRÉE
Marc ELSEN
Jean-Paul PROCUREUR.

(1) Voyez J. van Compernolle, Le droit d'action en Justice des groupements, Bruxelles, Larcier, 1972, pp. 305-307 cité par T. Moreau, « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT, 1994, p. 488.

(2) A. Fettweis, Manuel de procédure civile, Faculté de Droit, d'économie et de sciences sociales de Liège, 1985, pp. 43-45; P. Lemmens, « Het optreden van verenigingen in rechte ter verdediging van collectieve belangen », RW, 1984, col. 2025 2026, cités par T. Moreau, in « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT 1994, p. 488.

(3) F. Ost, Droit et intérêt, Entre droit et non droit: l'intérêt, vol. 2, Bruxelles, Publications des FUSL, cité par T. Moreau, in « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT 1994, p. 487.

(4) F. Ost, loc. cit.

(5) F. Rigaux, Conclusions des actes de la journée d'étude du 14 octobre 1988 sur l'accès au droit en quart-monde, Droit et quart-monde, 1989, cité par T. Moreau in « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT, 1994, p. 493.

(6) Cappelleti, « La protection d'intérêts collectifs dans le procès civil », Rev. Int. Dr. Comp., 1975, p. 577 cité par T. Moreau, « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT, 1994, p. 490.

(7) Th. Bourgoignie et J. Stuyck, op. cit., p. 604, cité par T. Moreau, « L'action d'intérêt collectif dans la lutte contre la pauvreté », JT, 1994, p. 491.