Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-90

SESSION DE 2006-2007

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Question nº 3-5550 de Mme Defraigne du 27 juin 2006 (Fr.) :
INAMI. — Technique du lambeau libre dans les reconstructions mammaires.

Cette technique, qui est assez récente, est moins mutilante que les autres interventions classiques au niveau de la reconstruction du sein.

Cependant, cette technique n'est pas visée dans la nomenclature spécifique applicable aux chirurgiens plasticiens.

Par contre, elle est prévue dans la nomenclature générale.

Ainsi, certains chirurgiens plasticiens utilisent le code de la nomenclature générale.

En pratique, les organismes assureurs contestent l'indication du code de la nomenclature générale et renvoient parfois au code se rapportant à la « reconstruction chirurgicale après une opération par lambeau cutané de transposition, par exemple de type thoraco-épigastrique pédiculé », alors qu'en l'occurrence, il ne s'agit pas de lambeau pédiculé.

Si un chirugien décidait d'indiquer le code correspondant à cette intervention, on pourrait le contester par la suite, voire lui reprocher un faux en écriture.

Cette situation crée une insécurité juridique pour les prestataires amenés à réaliser cette intervention qui est, je le rappelle, moins mutilante.

Le Conseil d'État a rendu plusieurs décisions desquelles on peut dégager des principes qui seraient applicables au cas présent :

Le Conseil d'État a énoncé notamment (traduction libre) : « Attendu que lorsque la nomenclature donne la description d'une prestation déterminée, le numéro qui y est afférent est applicable; qu'il revient aux auteurs de la nomenclature, lorsqu'ils veulent faire valoir un numéro uniquement pour une prestation qui doit être exécutée d'une manière déterminée, de le formuler également de manière univoque dans la nomenclature. Que la partie défenderesse [l'INAMI] ne renvoie concrètement à aucune pareille définition; que la défense de la partie défenderesse revient au fond à poser que par déduction de la construction de la nomenclature on doit tirer que les interventions chirurgicales ne répondent à un numéro déterminé que lorsqu'elles sont exécutées de manière classique; que la nomenclature doit être formulée clairement, et non être interprétée par déduction, surtout eu égard au fait que les manquements sont sanctionnés. » (Conseil d'État, ch. néerl., arrêt nº 123.741 du 2 octobre 2003).

Le Conseil d'État a également été saisi d'un litige relatif à l'application de la nomenclature relative à la mise en place d'une sonde de Métras. Les médecins mis en cause dans cette affaire alléguaient que la sonde de Métras était devenue obsolète et que cette prestation devait faire l'objet d'une interprétation plus moderne (interprétation dite téléologique); qu'en outre, l'assimilation de la prestation réellement réalisée au code de la nomenclature visant à la mise en place d'une sonde de Métras était acceptée depuis plusieurs années par l'INAMI.

Le Conseil d'État a estimé que le texte de la prestation litigieuse « était clair et qu'il ne s'étend pas aux prestations litigieuses effectuées par le requérant; qu'il n'appartient pas aux prestataires de soins, sous couvert d'une interprétation téléologique, de modifier la nomenclature; que de telles modifications ne peuvent être apportées que par les autorités compétentes ... » (C.E. nº 130.208, 9 avril 2004).

Enfin, la jurisprudence considère que la nomenclature est d'ordre public et, par conséquent, de stricte interprétation.

Ainsi, il pourrait être dégagé de ces décisions les principes suivants :

— Lorsque la nomenclature n'est pas suffisamment précise ou qu'elle ne restreint pas l'application d'une disposition à une spécialité bien déterminée, le chirurgien plasticien devrait être autorisé à utiliser les codes d'autres catégories que celle qui le vise expressément.

Il faudrait, dans ce cas, que la prestation effectuée corresponde bien au code qu'il veut utiliser, le prestataire de soins ne pouvant pas modifier la nomenclature.

— Par contre, si la nomenclature vise une prestation technique bien déterminée, l'interprétation restrictive de la loi ne devrait pas permettre d'utiliser d'autres techniques.

Il est donc fondamental d'apporter une réponse claire à cette problématique pour que les chirurgiens plasticiens sachent avec certitude s'ils peuvent ou pas utiliser le code de la nomenclature générale et si cette technique du lambeau libre est remboursable sur la base de cette nomenclature.

S'il s'avérait que la réponse est négative, on devrait en conclure que cette technique n'est pas remboursable en raison de l'absence de code y correspondant dans la nomenclature spécifique.

Une telle situation risque de conduire de nombreuses patientes à demander une intervention plus mutilante pour être sûre d'être remboursées.

Ainsi, je remercie l'honorable ministre de m'indiquer :

1. son opinion sur cette problématique et sur l'insécurité générée par cette situation;

2. quelle est la position de l'INAMI concernant cette technique ainsi que sur la nomenclature à lui appliquer;

3. si les services de l'INAMI envisagent de procéder à une adaptation de la nomenclature spécifique pour intégrer cette technique moins mutilante.

Réponse : 1. Comme vous le faites remarquer à juste titre, la nomenclature relève de l'ordre public. Elle doit donc être interprétée strictement. L'article 14, c), de l'annexe de l'arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités énumère les prestations relevant de la spécialité chirurgie plastique.

La liste limitative des prestations remboursables pour la chirurgie mammaire reconstructive est énumérée sous le titre II « Chirurgie plastique spéciale, 1. Chirurgie plastique mammaire ». La nomenclature est en l'occurrence claire et explicite. La technique des lambeaux libres n'est pas mentionnée et n'est donc pas admise au remboursement pour cette indication.

Sous le titre I « Chirurgie plastique générale, 1. Lambeaux pédiculés », on trouve entre autres « Lambeau pédiculé cutané ou fascio-cutané » et « Lambeau musculo-cutané » et il y a quelques interventions sous le titre I « Chirurgie plastique générale, 2. Lambeaux libres ».

Sous le titre II « Chirurgie plastique spéciale, 1. Chirurgie plastique mammaire », ces lambeaux pédiculés et musculo-cutanés figurent comme prestation, de même valeur, mais les lambeaux libres ne sont pas mentionnés.

Ceci confirme une fois de plus que l'objectif était manifestement de ne rembourser que les lambeaux pédiculés pour la chirurgie mammaire. En effet, si les prestations générales pouvaient être appliquées, il aurait été inutile de mentionner une nouvelle fois les lambeaux cutanés et musculo-cutanés.

2. La médecine évolue rapidement. L'actuelle nomenclature de chirurgie plastique date de 2003. Il est possible que les techniques des lambeaux libres se soient entre-temps améliorées, soient davantage appliquées et il importe donc de considérer, moyennant prévision des budgets nécessaires, une extension des interventions de construction mammaire remboursables aux techniques recourant aux lambeaux libres.

3. Il revient au conseil médical de mener ce débat. L'association professionnelle de chirurgie plastique a déjà formulé des propositions qui seront examinées sous peu. Il est probable, selon moi, que la technique des lambeaux libres sera d'ici peu inscrite dans la nomenclature pour la chirurgie mammaire reconstructive.