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Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

9 NOVEMBRE 2005


Proposition de loi contenant le Code de procédure pénale


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

MME DE T' SERCLAES , MME LALOY ET M. WILLEMS


PARTIE I


I. PROCÉDURE

La présente proposition de loi a été déposée au Sénat le 13 janvier 2004.

La commission de la Justice a consacré de très nombreuses réunions à son examen, de mars 2004 à novembre 2005.

Elle a procédé à plusieurs lectures du texte, ainsi qu'à l'audition de représentants des principaux secteurs concernés par le projet de nouveau Code de procédure pénale.

MM. Michel Franchimont et Philip Traest ont participé aux travaux en leur qualité respective de président et de membre de la commission pour le droit de la procédure pénale, dite « commission Franchimont ».

La commission de la Justice a aussi été assistée par plusieurs experts:

M. Jean du Jardin, procureur général émérite près la Cour de cassation et professeur extraordinaire émérite de droit de Louvain-la-Neuve et de Namur;

M. Armand Vandeplas, président de chambre honoraire à la cour d'appel d'Anvers, professeur extraordinaire émérite à la KULeuven;

Mme Isabelle De Tandt, avocate au barreau de Courtrai;

Enfin, M. Yves Liégeois, premier avocat général près la cour d'appel d'Anvers, a également participé aux travaux de la commission.

II. INTRODUCTION DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION

M. Hugo Vandenberghe souligne que la discussion de la proposition de loi visant à réformer le Code de procédure pénale de 1808 est un moment particulièrement important. Il s'agit d'effectuer un réexamen global des valeurs à prendre en considération dans le cadre de la procédure pénale, en tenant compte des circonstances nationales et internationales, mais aussi des problèmes qui sont apparus sur le terrain.

L'intervenant se réjouit de la présence de M. Franchimont, président de la Commission pour le droit de la procédure pénale, et de celle de M. Traest, qui en est membre depuis dix ans.

Les discussions au sein de cette commission ont abouti à la rédaction d'un avant-projet qui a déjà été discuté en janvier 2003 au cours d'un colloque organisé par la Chambre et le Sénat.

L'intervenant remercie la ministre d'avoir accepté que cet avant-projet soit converti en proposition de loi, et qu'il puisse ainsi être examiné d'abord par le Sénat.

Pour le parlement, cette tâche est non seulement un défi, mais aussi l'occasion de démontrer sa capacité à produire de la grande législation.

III. EXPOSÉ INTRODUCTIF DES PROFESSEURS FRANCHIMONT ET TRAEST

Le professeur Franchimont rappelle que la commission pour le droit de la procédure pénale, qu'il a présidée, a reçu sa mission en 1991.

La commission était composée de quatre magistrats et de quatre professeurs d'université, dont deux étaient avocats. Un premier projet a été déposé en 1995, et a été envoyé au Conseil d'État, où il est resté environ 18 mois.

Les événements tragiques de 1996 ont contribué de manière considérable à accélérer cet avant-projet, qui est devenu la loi du 12 mars 1998.

Dans l'intervalle, la commission avait continué à travailler, et avait déjà, en 1998, pratiquement terminé la première mouture du projet de Code de procédure pénale.

Les 8 et 9 octobre 1998, un colloque avait été organisé au Sénat, où un certain nombre d'observations avaient été exprimées.

La commission a ensuite été privée de chercheurs pendant près de trois ans.

Tous les membres de la commission ont travaillé tout à fait bénévolement.

La dernière année de la précédente législature, il a finalement été demandé à la commission d'achever ses travaux.

En septembre 2002, le texte aujourd'hui en discussion a été officiellement remis au ministre.

Le Sénat et la Chambre des représentants ont organisé un nouveau colloque à ce sujet le 31 janvier 2003.

L'orateur est heureux que le texte puisse maintenant entamer son parcours parlementaire, car l'actuel Code d'instruction criminelle aura bientôt 200 ans.

On pourrait résumer les intentions de la commission en trois mots: efficacité, équilibre et responsabilité.

Loin de réduire les pouvoirs des parties au procès, la commission a voulu les augmenter.

L'efficacité passe par cette augmentation, et non par la réduction au plus petit commun dénominateur.

Le Code d'instruction criminelle, étant un code d'Empire, accordait une place essentielle au ministère public; la partie civile était tolérée, et le prévenu n'avait des droits qu'à partir du jugement.

La commission a voulu modifier cela.

Au niveau de l'information, le ministère public garde presque tous les pouvoirs. Au stade de l'instruction et du jugement, on introduit beaucoup plus de contradiction.

La commission a voulu que la partie civile ou la personne lésée et l'inculpé aient exactement les mêmes droits.

Il n'y a que deux choses où la partie civile n'a pas à intervenir: la détention préventive, et le quantum de la peine.

Quant à la responsabilité, il s'agit aussi d'un point important.

Dans la mesure où la procédure est beaucoup plus contradictoire, où l'on a accès au dossier, et où l'on peut demander des devoirs complémentaires, il faut réagir immédiatement en cas de problème, et ne pas attendre l'audience pour se plaindre.

D'autre part, le sens de la responsabilité devrait permettre de diminuer le temps que le procès pénal va prendre.

Le président Vandenberghe avait souligné, lors du colloque du 31 janvier 2003, qu'il lui paraissait essentiel, dans un nouveau Code, d'assurer la cohérence, la sécurité et la prévisibilité de la norme.

La commission s'est efforcée de répondre à ces exigences.

Elle s'est efforcée d'assurer la visibilité et la transparence du nouveau Code, comme on pourra le constater à la lecture du plan du nouveau texte.

Par ailleurs, si le nouveau Code est, il est vrai, révolutionnaire par rapport au Code de 1808, la commission a voulu assurer une certaine continuité, en conservant tous les aspects positifs de la législation existante.

Quant aux limites de la réforme, on s'interroge généralement sur l'éventuelle augmentation de la durée de la procédure, et sur le budget nécessaire.

L'orateur est convaincu que, le rôle et les droits de chacun étant clairement définis, dans la mesure où l'on s'efforce de purger les nullités au niveau de la chambre du conseil et de la chambre des mises en accusation, et où l'on exige une certaine loyauté procédurale, la durée totale de la procédure n'augmentera pas.

En ce qui concerne le budget, le fait de créer, au stade de l'information, certains droits relatifs à l'accès au dossier et à des devoirs complémentaires, aura évidemment un coût, ne fût-ce qu'au niveau des greffes.

Mais ce coût ne devrait pas être excessif.

L'orateur souligne également que le projet de Code ne crée aucun nouveau droit de recours, et en supprime même un.

Il faut aussi observer que le nouveau Code ne portera pas remède aux maladies de la société que sont la violence, la corruption, et les autres formes de délinquance.

Il vise seulement à faire en sorte que, lorsque la justice est saisie d'une affaire, elle puisse la traiter en évitant les dysfonctionnements.

Une série de domaines ne sont pas traités dans le nouveau Code: l'accueil des victimes dans les commissariats et les parquets, la copie des dossiers, les aspects fiscaux, les traducteurs, le langage judiciaire et la solennité de la justice, le coût de la justice, sa lenteur et son incertitude, le manque d'informations et d'explications, les attentes aux audiences, la peur de la justice chez les victimes des infractions, ...

La commission a, par contre, repris toutes les lois récentes depuis 1998, même lorsque celles-ci suscitaient de sa part certaines réticences.

Elle n'a toutefois pas repris la loi sur les méthodes particulières de recherche, qui n'était pas encore votée au moment du dépôt du projet de Code. Cette loi soulève aussi des objections, liées notamment au fait que certains dossiers n'arrivent pas jusqu'au juge, ni aux parties civiles et à la défense.

La plan du projet de Code est le suivant:

— le livre Ier reprend les principes généraux (cf. le Code judiciaire);

— le livre II est consacré aux actions publique et civile;

— le livre III est relatif au procès pénal et à ses trois phases (l'information, l'instruction et le jugement).

En ce qui concerne les principes généraux, la commission a voulu un retour à la légalité.

Le procureur général Léon Cornil disait, à propos du Code d'instruction criminelle, qu'il s'agissait d'un droit coutumier.

En effet, on fait parfois dire au texte ce qu'il ne dit pas et, en outre, il s'agit d'un droit presque exclusivement jurisprudentiel.

Le Code d'instruction criminelle ne contenait pas de théorie générale de la preuve ni des droits de la défense, ni des nullités, ni de la chose jugée. La commission a, dans les principes généraux, tenté d'en élaborer une.

L'article 1er, auquel la commission est très attachée, prévoit: « Le Code de procédure pénale s'applique dans le respect des droits fondamentaux consacrés par la Constitution, les conventions internationales et, en particulier, la légalité de la procédure pénale, les droits à l'égalité de traitement et à la non-discrimination, les droits de la défense, le droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable, le respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance. En conformité avec ces droits, les dispositions du présent Code sont appliquées en observant les principes de proportionnalité et de subsidiarité. »

Peut-être faudra-t-il intégrer aussi dans ce texte l'impartialité du juge.

Lorsque Mme Delmas-Marty avait traité de la mise en état des affaires pénales, elle avait rappelé l'importance d'énoncer, dans un premier article, les lignes de force de la procédure. Il s'agit d'une démarche plus déontologique que formaliste, qui définit l'esprit du Code de procédure pénale.

Il s'agit aussi d'un texte-clé pour la procédure pénale dans un État démocratique.

En ce qui concerne les principes de proportionnalité et de subsidiarité, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil d'État et la Cour d'arbitrage en font largement application. Le collège des procureurs généraux est d'accord avec ces principes.

Par contre, la Cour de cassation n'en veut pas.

Or, le principe de proportionnalité est plus important que jamais, lorsqu'on a affaire à des méthodes spéciales d'investigation, à des enquêtes proactives, à des écoutes téléphoniques, à des perquisitions, ...

Les articles 2 à 4 du projet de Code concernent la preuve. Ils reprennent des principes généraux qui n'étaient exprimés que dans notre jurisprudence et dans celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

Ces principes valent à tous les stades de la procédure.

La commission s'était demandée si le juge devait dire sur quelles preuves il avait fondé sa conviction. À défaut de majorité suffisante en son sein, la commission n'a pas introduit cet élément dans le texte.

À titre personnel, l'orateur y est favorable.

Les articles 5 et 6 concernent les droits de la défense. Il s'agit des droits de tout participant au procès pénal, y compris la partie civile et la victime.

Le § 1er de l'article 5 énonce que « Tout participant au procès a le droit de soutenir et de combattre les demandes qui en font l'objet aux différentes phases de la procédure. »

Cette définition est presque littéralement celle donnée par M. Ganshof van der Meersch.

Le § 2 de l'article 5 est ainsi libellé: « Sans préjudice des dispositions prévues dans les conventions internationales, les droits de défense impliquent notamment le droit pour chacune des parties au procès et suivant les modalités prévues par la loi:

1. d'être informée loyalement de ses droits et de ce qui lui est reproché ou demandé;

2. d'avoir un égal pouvoir d'initiative pour faire apparaître la vérité;

3. d'avoir la possibilité concrète de contredire tous les éléments du dossier devant la juridiction de jugement. »

Selon la jurisprudence actuelle, il faut demander le respect des droits de la défense pour pouvoir les invoquer devant la Cour de cassation.

Cela restera vrai à l'avenir.

L'article 6 précise que « Les preuves recueillies en violation des droits de la défense sont écartées du débat tandis que les actes de procédure violant ces droits sont frappés de nullité, entraînant la nullité des actes de la procédure qui en découlent. »

Les articles 7 à 10 traitent du problème très complexe des nullités.

La commission voulait arriver à une purge des nullités au stade la chambre du conseil et de la chambre des mises en accusation afin que, la purge une fois réalisée, on ne puisse plus invoquer la nullité devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises.

Dans le cadre de la loi du 12 mars 1998, il n'était pas possible de purger les nullités, et ce pour deux raisons: d'une part, il n'y avait pas suffisamment de contradiction dans le procès pénal, et d'autre part se posait le problème des nullités d'ordre public (ou « substantielles »).

L'article 7, § 1er, prévoit qu'il y a nullité d'ordre public lorsque la loi le mentionne explicitement et en cas de violation des dispositions relatives:

1º à l'organisation et à la compétence des juridictions pénales;

2º aux violations de domicile, aux perquisitions, au placement sur écoute et aux investigations impliquant une atteinte à l'intégrité physique;

3º à la signature de l'acte;

4º à l'indication de la date lorsque celle-ci est nécessaire à l'appréciation des effets de celui-ci.

Cette disposition est calquée sur l'article 862 du Code judiciaire.

Le collège des procureurs généraux exprime toutefois des réserves quant au 2º.

Le § 2 de l'article 7 précise que les nullités d'ordre public peuvent être soulevées d'office par le juge et être invoquées en tout état de la procédure, y compris pour la première fois devant la Cour de cassation.

Cette énumération des nullités d'ordre public est laissée à l'appréciation du parlement.

Certains souhaiteraient par exemple y ajouter le cas où un juge d'instruction n'a pas interrogé un inculpé.

La commission est partie du principe qu'il n'y avait pas de nullité sans texte, et pas de nullité sans grief (c'est-à-dire sans préjudice, ou sans atteinte à l'équité de la procédure (art. 9 du projet de Code)).

Enfin, conformément à l'article 407 du Code d'instruction criminelle, l'article 10 prévoit que les nullités (sauf les nullités d'ordre public) sont couvertes:

1º s'il est établi par les pièces de la procédure que la formalité non mentionnée a, en réalité, été remplie;

2º si un jugement ou un arrêt contradictoire d'une juridiction de fond, autre que celui prescrivant une mesure d'ordre intérieur, a été rendu sans qu'elles aient été proposées, sans préjudice de l'article 234, § 5.

Ce texte est assez restrictif, et ne donne peut-être pas satisfaction, par exemple, au barreau.

Cependant, c'est là une manière d'abréger la procédure, et d'éviter la multiplication des incidents.

En matière de chose jugée (art. 11 et 12), la commission a appliqué la jurisprudence de la Cour de cassation, en indiquant toutefois que le criminel ne tient plus le civil ni le disciplinaire en état, puisqu'il n'y a plus à proprement parler d'autorité absolue de chose jugée.

Cependant, il faudra toujours être très prudent pour ne pas se trouver ultérieurement en contradiction avec une décision pénale.

L'orateur précise encore qu'en ce qui concerne l'assistance judiciaire, le projet de Code renvoie, en son article 17, au Code judiciaire.

En vertu de l'article 18, qui se réfère à l'article 318, toutes les parties recevront une copie du jugement ou de l'arrêt dans les cinq jours du prononcé. Cela ne change en rien le délai d'appel, qui court à partir du prononcé.

En ce qui concerne les victimes, le principe est de leur donner les mêmes droits que l'inculpé ou le prévenu, sauf en ce qui concerne la détention préventive et le montant de la peine.

Pour ce qui est de la déclaration de personne lésée, il est prévu que le procureur du Roi peut refuser d'y donner suite dans les cas prévus à l'article 41.

D'autre part, la recevabilité de la constitution de partie civile doit pouvoir être discutée en chambre du conseil très rapidement, car il faut craindre les fausses constitution de partie civile.

Les droits de la personne lésée et de la partie civile sont l'accès au dossier au stade de l'information (ce qui est nouveau) et de l'instruction, la demande de devoirs complémentaires à l'information et à l'instruction, le référé pénal, la partie intervenante et le civilement responsable, la contradiction de l'expertise tant dans l'information que dans l'instruction, et la contradiction des visites des lieux, des reconstitutions, et des confrontations à l'instruction.

M. Traest tient à attirer l'attention sur plusieurs nouveautés proposées concernant l'information et l'instruction. C'est à ce niveau que se situent surtout les lacunes du système actuel et que se cristallise principalement le mécontentement de l'opinion publique.

Après la loi du 12 mars 1998, on a fait remarquer à la commission que toutes les innovations apportées à l'instruction ne concernaient que 7 à 8 % des affaires pénales. Pour les 92 % restants, il n'y avait rien de neuf. Cette remarque a même été formulée au cours des travaux parlementaires. De fait, au stade de l'information, il n'est prévu ni droit de consultation, ni droit de demander des devoirs d'enquête complémentaires, etc. Il en résulte une certaine inégalité.

La commission s'est donc efforcée, dans ses discussions ultérieures, de formuler des propositions à ce sujet. Il n'est toutefois pas si simple de fixer de tels critères pour l'information ni de définir les personnes qui pourront faire valoir des droits. La chose est beaucoup plus aisée au niveau de l'instruction, où l'on est soit partie civile, soit inculpé, etc. En revanche, au stade de l'information, il n'existe ni inculpation, ni constitution de partie civile. La commission a donc cherché deux autres points de rattachement, que l'on retrouve aux articles 124 et 125 de la proposition.

À l'article 124, on crée une sorte d'inculpation alternative au niveau de l'information. Dès l'instant où l'on est interrogé plus d'une fois par des instances policières ou judiciaires, on peut demander au procureur du Roi si l'on est ou non suspecté d'avoir commis une infraction. Le procureur du Roi est alors tenu de répondre. S'il répond par la négative, rien d'autre ne se passe. S'il répond par l'affirmative, on a le droit, conformément aux articles 125 et 126, soit de demander à consulter le dossier, soit de réclamer des devoirs complémentaires. Si le procureur ne répond pas, on dispose des mêmes droits dans le délai prévu.

En ce qui concerne la partie lésée, on a opté pour la déclaration de personne lésée, conformément à l'article 5bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Cette personne peut demander à consulter le dossier et faire procéder à des devoirs complémentaires.

Le procureur du Roi décide et sa décision n'est pas susceptible de recours (afin de ne pas alourdir inutilement la procédure). Le fait de pouvoir ou non faire appel de la décision du procureur est évidemment un choix politique.

S'agissant de l'information, plusieurs autres nouveautés sont encore introduites, notamment en ce qui concerne l'audition. L'article 76 élargit le champ d'application de l'article 47bis, inséré par la loi du 12 mars 1998, par exemple en mentionnant expressément que l'on peut s'abstenir de répondre.

La commission propose aussi de renforcer le caractère contradictoire de l'expertise. Dans les affaires pénales, on recourt de plus en plus aux expertises, surtout au stade de l'instruction préparatoire. Dans les juridictions de jugement, on fait en sorte que les expertises soient contradictoires, sans base légale mais conformément à la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de la Cour de cassation. La proposition consacre cette jurisprudence et la contradiction est étendue dans une certaine mesure à l'instruction préparatoire, qu'il s'agisse de l'information ou de l'instruction. Il sera en principe obligatoire d'organiser, dans la mesure du possible, la contradiction de l'expertise (communication de la décision de désignation de l'expert, invitation à toutes les parties de formuler des remarques, ...).

En ce qui concerne l'instruction, une réforme très importante est proposée à l'article 141. Cet article donne suite à une plainte relativement fréquente des juges d'instruction, qui se voient systématiquement chargés d'ouvrir des instructions pour des affaires ne concernant en fait que des litiges civils ou des faits de faible gravité. En effet, dans l'état actuel de la législation, le juge d'instruction ne peut pas refuser d'enquêter.

La commission propose, en l'espèce, tout en maintenant la figure du juge d'instruction, d'instaurer une procédure permettant au procureur du Roi, en cas de plainte avec constitution de partie civile, de saisir directement la chambre du conseil pour entendre dire, soit que la plainte n'est pas recevable, soit qu'elle est contraire aux principes de proportionnalité et de subsidiarité. Ce qui signifie que la plainte concerne, certes, une infraction, mais que celle-ci n'est pas suffisamment grave pour mettre en branle la lourde mécanique d'une instruction. De cette manière, on préserve le droit de la personne lésée à déclencher une instruction et, d'autre part, on veille à ce que les cabinets des juges d'instruction ne croulent pas sous le nombre d'affaires qui ne leur sont, en fait, pas destinées. On cherche ainsi à réaliser un équilibre entre la valeur essentielle que présente la figure du juge d'instruction et une efficience accrue dans la conduite des affaires et l'affectation des moyens disponibles.

Par ailleurs, au stade de l'instruction, on instaure aussi pour certains délits, dans toute la mesure du possible, et non à peine de nullité, l'obligation pour le juge d'instruction d'entendre au moins une fois les victimes.

En conclusion, l'intervenant déclare que la commission s'est efforcée d'aboutir à une proposition aussi équilibrée que possible en ce qui concerne tant l'efficience et la rapidité de la procédure, d'une part, que les droits des parties, d'autre part.

IV. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Hugo Vandenberghe tient à souligner que les membres de la commission pour le droit de la procédure pénale ont travaillé gracieusement durant toutes ces années; ils n'ont perçu aucune indemnité.

M. Mahoux remercie les professeurs pour la qualité de leur exposé.

Il note avec intérêt que les développements précédant la proposition de loi précisent que le plan du Code est conçu de manière à permettre aussi « aux non-juristes de situer sans trop de difficultés les principes, les actions, les étapes du procès pénal. »

L'intervenant s'en réjouit car le regard des profanes, par rapport à un texte de cette nature, lui paraît important.

Un second point important est l'équilibre à trouver entre les notions d'efficacité et d'égalité.

On a souvent tendance à opposer l'une à l'autre. Or, l'orateur estime que le propre d'une démocratie est de refuser une telle opposition, et de s'efforcer de rendre les deux choses compatibles.

Il souligne ensuite la nécessité que tout ce qui concerne la procédure soit compréhensible, non seulement pour les parties au procès, mais aussi pour le justiciable en général, si l'on veut réconcilier ce dernier avec la justice.

Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas utiliser un vocabulaire précis, compréhensible par des spécialistes, car cela facilite la communication.

L'intervenant renvoie ensuite au projet Perben, et déclare que son groupe sera particulièrement attentif à éviter les dérives auxquelles on assiste en France à ce sujet.

Enfin, il estime qu'il faut s'attacher à définir avec précision le rôle de l'expert dans le cadre de l'information et de l'instruction (y compris en matière d'ADN).

Comme le dit Musil dans « L'homme sans qualité », l'expert chargé d'une mission finit par oublier la raison pour laquelle il a été chargé de celle-ci, et par se centrer exclusivement sur lui-même.

L'intervenant conclut qu'il est passionnant de pouvoir se consacrer à ce long travail, et qu'il souhaite qu'il aboutisse.

Plusieurs commissaires royaux se sont succédé, dont les travaux ne s'étaient pas concrétisés.

Avec le présent projet de Code, on se situe un pas plus loin, puisque l'on entame le parcours parlementaire du texte, ce dont l'orateur se réjouit. Il tient à remercier la ministre de la Justice d'avoir accepté de traiter le texte sous forme de proposition parlementaire. Tant les experts que l'exécutif et le parlement auront évidemment leur rôle à jouer dans l'examen du texte.

Mme Nyssens se réjouit que le projet de Code commence par énoncer des principes généraux. Il est vrai qu'il est difficile de trouver un équilibre entre efficacité et droits de la défense. Si certains accordent plus d'importance à la première, et d'autre aux seconds, l'intervenante se dit convaincue qu'il est possible de concilier ces deux éléments.

Le professeur Franchimont a déclaré que le projet de Code tenait compte de toutes les lois votées depuis 1998, à l'exception de celle relative aux méthodes particulières de recherche.

L'intervenante se demande si la philosophie de base du projet de Code est compatible avec ces lois.

Elle cite à titre d'exemple la question du rôle du juge d'instruction. Le projet de Code opte clairement pour le maintien de celui-ci. Or, certaines des lois qui ont été votées affaiblissent et instrumentalisent le juge d'instruction. Un débat politique s'impose à ce sujet.

En ce qui concerne les droits des victimes, le projet de Code tend à les augmenter, en particulier dans la phase préparatoire. Beaucoup parlent aujourd'hui d'élaborer un Code du droit des victimes. Qu'en est-il exactement ? Quels sont les droits des victimes qui ne sont pas encore insérés dans le Code, et qui devraient encore être prévus, tout en respectant l'efficacité de la procédure ?

Faut-il aller plus loin, renoncer à de grands principes comme celui du secret de l'instruction, et changer de culture du procès ?

Enfin, un précédent orateur a évoqué la loi Perben. L'oratrice constate que le texte à l'examen comporte une timide initiative permettant, au niveau de la chambre du conseil, de plaider coupable.

La commission a-t-elle longuement discuté de ce sujet ?

Ne peut-on, dans un souci d'efficacité, aller plus loin, tout en veillant à protéger les droits de la défense et à éviter les pressions sur les parties au procès ?

Mme Durant remercie également les professeurs pour la clarté de leurs exposés. Elle espère que la commission de la Justice pourra disposer de l'assistance des professeurs pendant toute la durée de ses travaux, afin de pouvoir bénéficier de toute l'expérience accumulée au cours des longues années de travail de la commission Franchimont.

L'intervenante sera aussi attentive à tous les aspects qui ne figurent pas dans le projet de Code, et que le professeur Franchimont a énumérés.

L'ampleur des attentes de la population est telle en ces matières, qu'il faudra veiller à délimiter précisément le travail de la commission, et à mettre en évidence ce qui devra, le cas échéant, être réglé dans un autre texte.

Enfin, le monde politique devra être perméable à tout ce qui se dit à l'extérieur, y compris dans le cadre de l'actualité judiciaire, pour pouvoir ensuite faire le tri de ce qui doit être retenu.

Mme de T' Serclaes souligne que, depuis 1991, un chemin énorme a été parcouru, notamment dans la mentalité des magistrats qui, aujourd'hui, accompagnent volontiers la réforme en cours. Ceci est un gage de réussite de la codification entreprise, dont l'importance réside notamment dans le fait qu'elle rend intelligible pour les profanes les différentes étapes d'un procès pénal.

La volonté de rétablir l'équilibre entre les différentes parties au procès sous-tend l'ensemble du projet de Code, et notamment la phase de l'information qui, jusqu'à présent, était moins « encadrée » sur le plan juridique.

L'intervenante s'interroge sur la nécessité d'élaborer un droit des victimes distinct. Une telle codification pourrait certes améliorer la visibilité de ce droit pour le citoyen, mais pourrait aussi donner un signal erroné, en le séparant artificiellement de l'ensemble de la procédure. Peut-être faudra-t-il travailler dans le cadre de l'article 38, qui figurait déjà dans le « petit Franchimont ».

Enfin, il faudra aussi indiquer clairement au citoyen que le procès pénal ne se résume pas aux procès d'assises. La marche blanche exprimait une frustration beaucoup plus générale par rapport au fonctionnement de la justice dans son ensemble.

Il faudra du temps pour que les citoyens reprennent confiance et c'est le rôle du monde politique d'y travailler, en améliorant le fonctionnement des institutions.

M. Coveliers souligne que, comme le montrent clairement les interventions des orateurs précédents, le droit pénal n'est pas neutre sur le plan social. Le droit pénal ne peut peut-être pas définir des valeurs, mais il peut certes essayer de protéger des valeurs. À la base de cette démarche, il y a évidemment une vision sociale des valeurs. L'une des raisons pour lesquelles le droit de la procédure pénale est resté si longtemps inchangé tient au fait que les valeurs fondamentales qui le sous-tendent n'ont, elles non plus, pas évolué pendant longtemps. La réforme du droit de la procédure pénale est indissociable de plusieurs autres aspects de notre système social. Il faut dès lors commencer par trancher un certain nombre de questions. On peut ainsi s'interroger, par exemple, sur le rôle du juge d'instruction.

Comment la société doit-elle réagir face à certains risques ? La collectivité doit-elle couvrir tous ces risques et, si oui, dans quelle mesure doit-elle le faire ? Dans cette optique, le juge d'instruction apparaît comme une survivance du XIXe et du XXe siècle, un phénomène auquel la réforme des polices a donné un relief tout particulier. Cette réforme a été opérée dans l'optique du remplacement du juge d'instruction par un juge de l'instruction. Le juge d'instruction n'a rien à voir avec la politique pénale, qui relève de la compétence des parquets et du ministre de la Justice, par le biais du plan national de sécurité. Il n'a rien à voir non plus avec la capacité policière. La police fédérale et la police judiciaire surveillent certains phénomènes, comme les car-jackings et les hold-up. Le juge d'instruction, lui, est tenu de traiter des dossiers individuels. La police, au contraire, est ainsi structurée qu'elle ne mène plus une action préventive et proactive dossier par dossier, mais qu'elle adopte plutôt une approche phénoménologique. On peut donc parler de « téléscopage » entre le juge d'instruction et la police.

Sur le plan des techniques policières également, on observe un glissement manifeste du ministère public vers la police, en ce qui concerne les orientations et les possibilités. Le juge d'instruction n'a donc pas non plus beaucoup de possibilités en ce qui concerne la gestion de la police judiciaire. L'intervenant pense aussi qu'il faudrait clarifier les notions de subsidiarité et de proportionnalité. S'agit-il des mêmes notions que celles utilisées dans les lois sur la réforme des polices ?

Une décision politique s'impose en la matière, faute de quoi le télescopage entre le juge d'instruction et la réforme des polices subsistera. Il y aura également des frictions avec le projet relatif à l'intégration verticale du ministère public. En effet, cette intégration verticale suit largement l'idée de la police structurée à deux niveaux. Le juge d'instruction trouvera difficilement sa place dans ces réformes et se sentira frustré.

L'intervenant s'interroge ensuite sur l'opportunité d'un éventuel code des droits de la victime et, en particulier, sur la plus-value qu'une telle codification pourrait apporter aux victimes. Il estime qu'il faut être très attentif à la cohérence. Il pense qu'il vaut mieux inclure aussi les droits de la victime dans le Code de procédure pénale. Les méthodes particulières de recherche devraient y figurer également. En effet, le droit de la procédure pénale est aussi beaucoup plus vaste que l'instruction criminelle.

L'intervenant félicite les orateurs pour la qualité du texte à l'examen et il estime qu'il serait opportun de procéder, à ce stade, à quelques auditions. Bien entendu, les questions politiques devront être tranchées par les parlementaires.

M. Hugo Vandenberghe se réjouit que le projet de code à l'examen s'ouvre par une partie générale exposant les principes généraux. Il s'agit du chapitre le plus important.

L'orateur souligne ensuite l'importance d'une codification, qui ne peut voir le jour que lorsque l'esprit du temps le permet. Il faut bien peser le pour et le contre de ce qui doit figurer dans le code et de ce qui ne doit pas s'y trouver. La codification a été possible parce que la procédure pénale n'était plus en phase avec la réalité. L'évolution de la criminalité a été telle que les structures et la procédure existantes n'étaient plus adaptées. C'est ainsi que des faits qui auraient dû faire l'objet de poursuites n'ont pas été poursuivis ou n'ont pas pu être jugés dans un délai raisonnable. Le code ne représentera une plus-value que si son tout a davantage de valeur que l'ensemble des parties qui le composent. Pour que la loi puisse jouer un rôle pédagogique, il faut que l'ensemble forme une synthèse cohérente.

Une codification s'impose également parce qu'on assiste aussi à diverses évolutions et à l'apparition de nouveaux principes dans d'autres pays, sur la scène internationale. Les principes généraux permettent d'assurer la transition entre les principes du droit supranational et notre droit national. Ils apportent également une plus grande stabilité, ce qui garantit la sécurité juridique et, partant, l'égalité de traitement entre les citoyens. La prévisibilité et l'accessibilité de la norme sont des éléments importants.

Cette réforme est très importante parce qu'elle énonce de nouvelles règles du jeu, qu'elle établit un nouveau contrat social sur la manière de conduire la procédure pénale. Il appartient au législateur de conférer une légitimité politique à ce contrat social. L'intervenant évoque la crainte exprimée par les non-juristes (par exemple, Weber) de voir le formalisme du raisonnement juridique favoriser l'interprétation déductive et l'approche bureaucratique. Il faut trouver ici l'équilibre entre la sécurité juridique et un monde en mouvement. À cet égard, les principes généraux sont importants.

L'intervenant est d'avis qu'un code ne doit pas être trop précis et qu'il faut respecter un certain degré d'abstraction. La norme doit pouvoir valoir pour l'avenir et dépasser l'application envisagée par le législateur au moment où il établit cette norme (voir par exemple l'article 6 de la CEDH).

Il faut également être attentif au délai raisonnable; les procédures doivent permettre de traiter rapidement le litige.

L'intervenant souligne l'importance des nullités, notamment dans l'optique des nouvelles techniques de recherche.

Enfin, il félicite les membres de la commission pour le droit de la procédure pénale pour leur ténacité et leur persévérance.

La ministre déclare qu'elle souhaite attendre l'avis du Conseil d'État et celui du Conseil supérieur de la Justice avant de s'exprimer.

Le professeur Franchimont répond comme suit aux différents intervenants.

L'orateur déclare, à l'attention de M. Mahoux, qu'il souhaite vivement que des non-juristes examinent le projet de code, puisque celui-ci est aussi fait pour eux, et qu'ils ont peut-être moins d'idées préconçues que les experts.

À Mme Nyssens, le professeur Franchimont répond que les lois adoptées depuis 1998 ont été intégrées dans le texte parce que la commission voulait élaborer un projet global, et permettre au parlement de faire une relecture complète.

Elle ne voulait ni ne pouvait refaire le travail réalisé par le législateur au cours des cinq dernières années, bien que certains lui en aient fait le reproche pour des raisons de cohérence.

En ce qui concerne le juge d'instruction, la commission le considère comme une véritable garantie pour les parties au procès pénal, qu'il s'agisse de la partie civile ou de l'inculpé.

Il y a en Belgique environ 40 000 policiers et un peu plus de 2 000 magistrats.

Le parquet est donc — et cette situation n'est pas propre à notre pays — pratiquement dépassé par sa police.

Dans la mesure où le juge d'instruction remplit correctement son rôle et instruit à charge et à décharge, il constitue une garantie pour le citoyen.

Contrairement au parquet « un et indivisible », système qui permet d'être renvoyé d'un substitut à l'autre, le juge d'instruction est un véritable interlocuteur, qui peut prendre un certain nombre de mesures.

L'expérience, notamment italienne, a montré que la suppression du juge d'instruction n'a fait qu'augmenter considérablement les pouvoirs de la police.

Est-ce cela que l'on souhaite ?

Si l'on devait supprimer le juge d'instruction, la proposition de code devrait être complètement revue.

M. Hugo Vandenberghe souligne que la proposition de code est le fruit d'une synthèse réalisée pendant des années. Si l'on veut l'adopter, il faut rester fidèle à l'esprit de cette synthèse.

L'intervenant se réfère à l'expérience qu'il a vécue devant la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Hauschild, qui a donné lieu à l'un des premiers grands arrêts sur l'impartialité du juge (CEDH, 24 mai 1989, A 154).

Dans le système pénal danois, il n'y avait pas de juge d'instruction mais un « juge des libertés ».

L'avocat de M. Hauschild, dont le client était en détention préventive, faisait systématiquement appel.

M. Hauschild comparaissait toujours devant le même juge. Au bout d'un certain nombre de comparutions, il a invoqué la partialité du juge, et l'article 6 CEDH.

Pour des juristes scandinaves, ce point de vue était loin d'être évident.

La commission a cependant estimé que dans un tel système, où le « juge des libertés » se trouve en dehors de l'instruction et ne fait qu'entériner ce que demande la police, l'intéressé ne jouissait plus de la garantie d'un juge.

La Cour a suivi le point de vue de la commission qui considérait que le juge était partial. Cela a été un choc considérable pour le droit scandinave.

Le professeur Franchimont ajoute que dans notre système, il existe un juge de l'instruction: c'est la chambre du conseil qui remplit ce rôle.

La question a en outre déjà été débattue lors de la discussion de la loi du 12 mars 1998, qui avait été adoptée à l'unanimité.

La commission est donc restée dans le même modèle.

Mme Nyssens a toutefois souligné à juste titre que dans la loi de 1998, notamment en créant la mini-instruction, on avait déjà restreint les pouvoirs du juge d'instruction.

Les méthodes particulières de recherche vont dans le même sens.

L'orateur souhaite pour sa part que le parlement revoie l'ensemble du texte, y compris les dernières lois qui y ont été intégrées, et qu'il apporte les modifications nécessaires en vue d'assurer une plus grande cohérence.

M. Hugo Vandenberghe fait observer que la relation que peut avoir l'inculpé ou la partie civile avec un juge d'instruction est fort différente de celle qu'il a avec la police.

Le professeur Franchimont partage ce point de vue. Il souligne cependant que le maintien du juge d'instruction suppose que celui-ci remplisse pleinement son rôle.

À l'intention de Mme de T' Serclaes, l'orateur confirme qu'au fil du temps, les mentalités ont considérablement évolué au sein de la magistrature.

Pour ce qui est des droits de la victime, il rappelle que l'on n'examine ici ces droits que dans le cadre de la procédure pénale.

On a renvoyé à juste titre à l'article 38 (ancien article 5), instauré lors de la discussion de la loi du 12 mars 1998.

Cependant, les principes énoncés ne valent pas seulement à l'égard des victimes, mais vis-à-vis de toutes les parties au procès.

En ce qui concerne la recevabilité d'une constitution de partie civile auprès du juge d'instruction, ce sont les juges d'instruction qui ont demandé de prévoir une solution pour éviter qu'ils soient encombrés par une série d'affaires pseudo-pénales (qui sont parfois des règlements de comptes, sur le terrain pénal, de conflits civils), et qui ont souhaité que l'on puisse saisir immédiatement la chambre du conseil.

Quant aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, l'orateur propose d'y revenir ultérieurement.

Contrairement à M. Coveliers, le professeur Traest ne pense pas que le texte à l'examen puisse s'appliquer, moyennant quelques adaptations mineures, si l'on remplace le juge d'instruction par un juge de l'instruction. En effet, le texte est écrit dans l'optique du maintien du juge d'instruction; pour un juge de l'instruction, il faudrait en réécrire environ la moitié.

Bien qu'il faille éviter toute discussion dogmatique sur le problème du juge d'instruction par opposition au juge de l'instruction, il ne faut pas perdre de vue que le droit de la procédure pénale fonctionne comme un système de vases communicants. Si l'on opte pour le remplacement par un juge de l'instruction, on devra aussi réfléchir au statut du ministère public. En effet, dans les pays où il existe des juges de l'instruction, on constate que le ministère public possède un statut sensiblement plus indépendant.

En Belgique, le ministère public serait, selon l'orateur, placé intégralement sous la tutelle du ministre de la Justice, surtout depuis la loi de 1997. Ce n'est pas un problème dans la mesure où le juge d'instruction forme le contrepoids nécessaire. Aux Pays-Bas, par exemple, le ministre de la Justice a moins d'emprise sur le ministère public. La suppression du juge d'instruction renforce aussi le pouvoir de la police; si le juge d'instruction n'offre plus le contrepoids suffisant, c'est au ministère public de s'en charger. Dans des affaires où le comportement de la police est mis en cause, on observe une tendance quasi instinctive du ministère public à protéger autant que possible la police. Si l'on remplace le juge d'instruction par le juge de l'instruction, il faudra revoir la position des parquets et renforcer l'indépendance du procureur vis-à-vis du ministre de la Justice et de la police. La mission du juge d'instruction sera alors reprise partiellement par le ministère public.


Pour ce qui est de la méthode de travail, M. Hugo Vandenberghe propose de mener d'abord une discussion générale sur chaque livre en vue d'identifier les problèmes les plus aigus, puis de consacrer des auditions à ces problèmes et ensuite de procéder à la discussion des articles.

La commission se rallie à cette suggestion.

LIVRE Ier

CHAPITRE 1er 

Disposition préliminaire (art. 1er)

Le professeur Franchimont renvoie à ses précédents commentaires à propos du Livre Ier.

Le principe de proportionnalité signifie que la réponse répressive doit être en fonction de l'importance de l'infraction qui a été commise.

L'intervenant se réfère au point de vue de M. Liégeois qui estime qu'il faudrait également appliquer ce principe dans l'autre sens, par exemple pour l'appréciation des nullités.

L'orateur est plus que réticent sur ce point.

Il souligne en outre que ce principe ne joue pas au point de vue de la peine.

Quant au principe de subsidiarité, il signifie que l'on ne doit employer une méthode que dans la mesure où on ne peut pas avoir recours à une méthode moins contraignante ou moins dure.

Ainsi, pourquoi opérer une perquisition chez un avocat, avec toute la publicité que cela entraîne, alors qu'il suffisait de l'interroger ?

Lorsque le police convoque une personne, est-il vraiment nécessaire d'aller la chercher dans son usine, son école, ..., devant tout le monde ?

La proportionnalité et la subsidiarité sont aussi un état d'esprit.

La commission a aussi essayé d'établir une théorie générale de la preuve, des droits de défense, et des nullités.

La théorie de la preuve, qui reprend la jurisprudence de la Cour de cassation, ne devrait pas susciter de difficultés importantes.

En matière de chose jugée, la commission a également repris la jurisprudence de la Cour de cassation. La conséquence est qu'il n'y a plus d'autorité absolue de la chose jugée pénale au civil, ni de règle selon laquelle le criminel tient le civil en état.

Le problème qui subsiste par contre est celui des nullités.

L'orateur se réfère à ce sujet à ses précédentes explications.

En ce qui concerne les nullités, le professeur Traest tient à faire remarquer que l'époque où toute irrégularité entraînait la nullité et l'exclusion de la preuve est révolue. Sur le plan international aussi, on constate que toute illégalité ou irrégularité ne débouche pas sur l'exclusion de la preuve. On s'est donc efforcé de mettre en place un système diversifié, comportant des nullités d'ordre public et des nullités qui, dans un certain nombre de cas, n'entraîneront pas l'exclusion de la preuve.

Du reste, à propos d'une affaire de port d'armes prohibées dans laquelle les armes avaient été trouvées lors de la fouille irrégulière d'une voiture, la Cour de cassation a rendu, le 14 octobre 2003, un arrêt particulièrement important indiquant qu'une illégalité ou une irrégularité, quelle qu'elle soit, ne peut entraîner l'exclusion de la preuve que dans trois cas: premièrement, si la loi prescrit la nullité; deuxièmement, si la fiabilité de la preuve s'en trouve altérée et, troisièmement, si l'équité du procès est compromise. On peut affirmer a contrario que dans les autres cas, une irrégularité n'entraîne pas l'exclusion, du moins pas dans une procédure pénale.

Dans les conclusions préalables à cet arrêt, l'avocat général De Swaef fait référence au texte en discussion ici et demande, en réalité, que celui-ci ne soit pas adopté; selon l'avocat général, il convient de donner au juge un maximum de liberté pour décider de la suite à réserver à une illégalité.

L'intervenant n'est pas de cet avis. Bien qu'il fasse confiance au juge, il estime que c'est d'abord au législateur qu'il appartient de déterminer quels sont les types d'illégalités qui entraînent ou qui n'entraînent pas l'exclusion de la preuve. Il s'agit là d'un choix politique.

Il apparaît donc que la Cour de cassation accorde aux nullités beaucoup moins de poids que le texte en discussion. Il faut avoir à ce sujet une discussion approfondie. L'arrêt aura par exemple pour effet qu'une motivation insuffisante par le juge qui ordonne une écoute téléphonique entraînera la nullité de cette écoute (parce que l'article 90quater prescrit la motivation à peine de nullité). Par contre, une perquisition illégale, opérée par exemple sous le couvert d'un mandat de perquisition non signé, n'entraînerait pas nécessairement l'exclusion de la preuve.

M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'article 7 de la proposition de loi en discussion, qui dispose également que la nullité d'ordre public doit être mentionnée explicitement par la loi.

Selon l'intervenant, le livre Ier relatif aux principes généraux est très important, en particulier son article 1er. Il faut partir de principes généraux si l'on veut pouvoir colmater les brèches que la mobilité des faits vient ouvrir dans un système normatif fondé sur le raisonnement déductif rationnel. L'avantage des principes généraux est qu'ils permettent de couvrir malgré tout les problèmes qui ne sont pas réglés expressément dans le texte et d'offrir au juge un fil conducteur pour la recherche d'une solution. En outre, toutes les dispositions du code devront également être interprétées à la lumière de ces principes généraux. D'où, par exemple, l'importance des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

Le droit de la procédure pénale est une nécessité parce que l'on ne peut pas être arrêté et menacé sans autre forme de procès; par ailleurs, il faut combattre la criminalité. Et c'est ici qu'intervient la proportionnalité, le juste équilibre, « the fair balance ». Le juge a en l'espèce une grande marge d'appréciation.

Le point de départ retenu permet également d'intégrer dans la procédure pénale les développements qui interviennent dans ce domaine au niveau international, sans devoir modifier continuellement la loi. Cette dynamique des principes généraux du droit international est prise en compte à l'article 1er. Celui-ci se voit ainsi investi d'une portée quasi-constitutionnelle.

M. Coveliers estime qu'il est important de bien définir les notions de proportionnalité et de subsidiarité. Elles se retrouvent par exemple également dans les normes européennes, mais avec une autre signification.

L'intervenant se réfère par ailleurs à l'intervention du professeur Traest, qui a dit que la proportionnalité et la subsidiarité ne s'appliquaient pas au taux de la peine. Il souligne que le texte en discussion concerne le droit de la procédure pénale.

Pour le reste, il se demande si le principe de proportionnalité signifie également qu'un magistrat peut par exemple estimer qu'une affaire est à ce point mineure que l'appareil judiciaire ne doit pas être actionné. La chambre du conseil, par exemple, pourrait elle aussi utiliser ces notions pour prononcer un non-lieu.

Le professeur Franchimont répond que le principe de minimis non curat praetor n'est pas d'application et ne s'identifie pas au principe de proportionnalité.

Cependant, il est vrai que, par le classement sans suite d'un nombre extrêmement important d'affaires, le parquet opère déjà une sélection et ne poursuit que les affaires les plus importantes ou que l'on estime telles.

M. Coveliers souligne que les concepts sont décrits de manière assez détaillée dans plusieurs textes. À titre d'exemple, il cite la proportionnalité de l'action policière, qui peut être contrôlée par le Comité P. En l'espèce, il s'agit toutefois d'une proportionnalité autre que celle dont il est question dans le texte à l'examen. Il est donc nécessaire de définir les choses avec précision. En effet, les termes sont chaque fois identiques, mais ils peuvent renvoyer à des concepts totalement distincts.

M. Hugo Vandenberghe propose de demander au professeur Van Drooghenbroeck de rédiger une note sur ces concepts à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg (1) . L'intervenant estime qu'il serait très intéressant que la chambre du conseil les applique. Il peut arriver par exemple que, dans le cadre de l'information, l'usage soit de classer systématiquement sans suite certains délits, de ne pas les poursuivre. Ce n'est pas parce que l'on passe au stade de l'instruction qu'il faudrait là, subitement, entamer effectivement des poursuites. La proportionnalité s'applique-t-elle aussi à la politique en matière de poursuites ?

Le professeur Traest fait référence au commentaire de l'article 141, où il est précisé que la proportionnalité et les directives de politique criminelle sont deux choses différentes. Il est parfaitement possible qu'une plainte avec constitution de partie civile soit introduite pour un fait qui, au vu des directives de politique criminelle, devrait être classé sans suite, et que la chambre du conseil, parce qu'elle considére que l'affaire satisfait au principe de proportionnalité, n'accède donc pas à la demande du parquet de lui renvoyer l'affaire.

M. Coveliers estime que l'exemple cité par le professeur Traest montre bien le danger de confusion des concepts. L'intervenant craint qu'il y ait une certaine dose d'arbitraire si l'on utilise ces concepts en chambre du conseil.

Le professor Traest souligne que le texte à l'examen reprend le point de vue de la Cour de cassation, qui énonce clairement que la chambre du conseil ne peut pas se prononcer sur l'opportunité des poursuites. Cette juridiction d'instruction ne peut pas ordonner le non-lieu au motif que l'affaire ne satisferait pas au principe de proportionnalité. Dans le texte à l'examen, ce point de vue est intégralement maintenu.

M. Hugo Vandenberghe envisage le cas où le parquet classe systématiquement sans suite un certain type de délits. Toutefois, dans un cas déterminé, les faits seraient mis à l'instruction parce qu'ils concerneraient, par exemple, un ami politique du procureur. Pourra-t-on, en pareil cas, plaider la violation du principe de proportionnalité devant la chambre du conseil ?

Le professeur Traest est d'avis que l'intention de la commission pour le droit de la procédure pénale n'était pas de permettre cela expressément, du moins dans le texte à l'examen. Par ailleurs, il y a un risque de voir les directives de la politique criminelle érigées en loi.

Le professeur Franchimont souligne que l'avantage de certaines notions floues est de permettre l'évolution jurisprudentielle. Ainsi, l'orateur ne peut s'accorder avec le souhait de l'OBFG de voir définir les critères du procès équitable.

Il pense par ailleurs qu'il ne faut pas confondre le principe de proportionnalité, qui concerne les règles de procédure, avec le pouvoir d'appréciation du ministère public quant à l'engagement des poursuites.

M. Hugo Vandenberghe souligne que la proportionnalité concerne les moyens.

En principe, le procureur utilise toujours l'information, par exemple pour l'abandon de famille, et tout à coup il opte pour un autre moyen, à savoir l'instruction.

C'est une question de moyens. L'intervenant ne pense pas qu'en l'occurrence, on puisse plaider la proportionnalité.

Le professeur Traest fait remarquer que, dans l'optique du texte, la proportionnalité consiste à comparer le moyen employé avec le fait poursuivi.

La proportionnalité dont il est question ici consiste à comparer la manière dont un fait donné est poursuivi avec la manière dont un autre fait est poursuivi.

M. Coveliers souligne qu'il faut éviter tout risque de discrimination.

Le professor Traest reprend l'exemple de l'abandon de famille. Si l'argument est que l'on est poursuivi alors que les autres cas sont classés sans suite, ne peut-on pas répondre que la partie lésée lancera de toute manière une citation directe à comparaître devant le tribunal correctionnel, y compris dans les autres cas en question ?

M. Hugo Vandenberghe peut souscrire à ce point de vue. La Cour européenne de Strasbourg a confirmé à plusieurs reprises que le fait qu'une personne soit poursuivie et une autre pas ne peut jamais être un argument.

M. Willems observe que les principes généraux devront malgré tout toujours être appliqués au cas par cas. Il faut garantir la sécurité juridique.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis que les principes généraux sont des principes généralement admis aujourd'hui. Ils préservent l'ouverture pour l'avenir.

M. Mahoux demande s'il faut comprendre que lorsque la proportionnalité n'est pas respectée, c'est une cause de nullité de l'ensemble de la procédure.

Le professeur Franchimont renvoie aux développements précédant la proposition, dont il ressort clairement qu'il s'agit d'un problème d'interprétation.

Par contre, la question de la proportionnalité peut se poser à propos du procès équitable. Celui-ci s'apprécie en considérant l'ensemble de la procédure, et non un acte en particulier.

Si, dans l'ensemble de la procédure, on constatait que l'égalité des armes n'a pas été respectée, on pourrait considérer qu'il n'y a pas eu procès équitable.

L'orateur souligne également que la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires.

Lorsqu'on invoque devant elle des notions comme celle de « procès équitable », ou de « délai raisonnable », la Cour applique ses propres critères.

Il arrive dès lors parfois que, bien que la Cour de cassation ait considéré qu'il n'y avait pas d'irrégularité, la Cour de Strasbourg prononce une condamnation.

Les notions utilisées au niveau européen sont floues, et c'est ce qui a permis au droit d'évoluer considérablement en quarante ans.

Pour M. Hugo Vandenberghe, la proportionnalité n'est qu'un instrument de mesure. Le juge peut décider qu'une nullité serait disproportionnée, même si des moyens disproportionnés ont été utilisés. C'est un subtil exercice d'équilibre. Le critère de proportionnalité est inclus également dans le concept de « procès équitable » tel que visé à l'article 6 de la CEDH (voir l'affaire Prince Charles, où l'on a voulu éviter la confrontation).

Mme de T' Serclaes estime qu'il ressort clairement des commentaires de l'article qu'il s'agit bien d'une règle d'interprétation.

L'intervenante aimerait savoir de façon plus précise quand et comment le principe de proportionnalité peut être invoqué dans la procédure.

Lorsqu'une partie demande, par exemple, une confrontation, l'autre partie pourrait-elle invoquer la disproportion entre ce moyen et l'affaire ?

La Cour de cassation aurait-elle le dernier mot dans cette appréciation (sous réserve de l'intervention de la Cour européenne des droits de l'homme) ?

En inscrivant le principe de proportionnalité dans notre Code de procédure pénale, donne-t-on aux magistrats des différents niveaux de juridiction des moyens dont ils ne disposaient pas auparavant ?

Le professeur Franchimont répond que l'inscription du principe de proportionnalité dans l'article 1er traduit la nouvelle déontologie et la nouvelle loyauté procédurales.

Comme le dit Mme Delmas-Marty, on va ainsi vers une procédure pénale européenne.

Cela implique qu'un magistrat du ministère public ou un juge d'instruction doit, avant de poser un acte, s'interroger sur sa proportionnalité, ce qui, à l'heure actuelle, n'est pas toujours le cas.

De plus, en cas de non-respect systématique du principe de proportionnalité, le procès pourrait être considéré comme non équitable.

M. Hugo Vandenberghe prend l'exemple d'un journaliste qui écrit au sujet d'une instruction et dont le parquet estime qu'il viole le secret de celle-ci. On procède à l'arrestation du journaliste dans le but, vraisemblablement, de connaître l'origine de la fuite. L'arrestation d'un journaliste dans le but de connaître sa source d'information est-elle une mesure proportionnelle ? La plupart des juristes considèrent qu'il y a en l'espèce violation du principe de proportionnalité.

M. Mahoux souligne que cette appréciation comporte une part importante de subjectivité.

Ainsi, on peut porter des appréciations assez différentes sur ce qu'est la proportionnalité, selon qu'il s'agit de délits fiscaux, d'une perquisition, d'une privation de liberté, etc.

Apprécie-t-on cela en fonction de la nature du délit, de son montant, ... ?

Le professeur Franchimont répond que cette appréciation fait partie du rôle du juge.

Selon M. Hugo Vandenberghe, il va sans dire que l'utilisation des moyens d'instruction dans le cadre d'une fraude fiscale importante est une mesure proportionnelle.

M. Willems se dit partagé par rapport à l'introduction de concepts comme la proportionnalité et la subsidiarité, et ce d'autant plus qu'on les fait figurer directement à la suite des principes constitutionnels.

L'intervenant ne doute pas que certains moyens soient souvent appliqués de manière disproportionnée, mais peut-on mettre purement et simplement ces principes sur le même pied que nos principes de droit universellement admis ? La proportionnalité et la subsidiarité visent davantage l'attitude des policiers, des juges d'instruction et des acteurs de la Justice. L'application pratique de ces notions peut poser des problèmes.

Le professeur Traest note que ces notions sont simplement mentionnées à l'article 1er proposé parce qu'elles correspondent à un sentiment général. On ne peut pas donner dans la loi une définition technique de toutes les notions juridiques. En mentionnant explicitement ces notions dans la loi, on confère une base légale à ce que tout le monde ressent intuitivement. Des notions ouvertes sont nécessaires.

M. Coveliers estime qu'adopter des notions relativement ouvertes présente l'avantage de ne pas trop entraver la politique de recherche des infractions.

Mme Nyssens partage le point de vue de précédents orateurs sur l'importance des principes généraux, dont le caractère « flou » permet l'évolution.

On ne peut aborder une réforme de la procédure pénale, sans se fixer un cadre et des limites.

Toutes les autres dispositions de la proposition pourront ainsi être évaluées au regard des principes fixés à l'article 1er.

L'intervenante regrette, à cet égard, que l'on n'ait pas déjà procédé de la sorte dans la loi de 1998.

Elle demande si la commission a, au cours de ses travaux, envisagé d'autres principes généraux qu'elle n'a finalement pas retenus.

Elle aimerait également savoir si, au niveau européen, on avance encore dans le corpus iuris, ou si celui-ci est abandonné.

Le professeur Franchimont répond qu'il n'est pas abandonné mais qu'il constitue, par certains côtés, le plus petit commun dénominateur.

En ce qui concerne la loi de 1998, on n'a pas pu y fixer de cadre général, parce qu'il s'agissait de réformes ponctuelles, et qu'il fallait travailler assez rapidement. Quant à l'ajout d'autres principes généraux, l'intervenant souhaiterait que l'on insère, après « le droit à un procès équitable », les mots « par un tribunal impartial », notion qui fait l'objet d'une abondante jurisprudence.

M. Coveliers craint le raisonnement a contrario. On peut se demander s'il existe également des juridictions partiales.

M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'article 6 CEDH. Si l'on se réfère au procès équitable, cela implique l'impartialité.

Il renvoie par ailleurs aussi au lien entre l'article 1er et l'article 7.

Le professeur Vandeplas souligne que l'article 1er énumère les principes généraux qui doivent sous-tendre le nouveau droit de la procédure pénale. Certains de ces principes lui donnent l'impression de se chevaucher, d'autres paraissent surannés. L'intervenant se demande par exemple si l'inviolabilité du domicile et du secret des lettres ne pourrait pas se rattacher à la protection de la vie privée. Du reste, il faut protéger non seulement le secret des lettres, mais aussi les conversations téléphoniques et d'autres moyens de communication.

La véritable innovation de l'article 1er est la mention du respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Jusqu'à présent, ces principes ne se rencontrent ni en droit civil, ni en droit fiscal, social ou administratif.

Ce sont, pour l'intervenant, des principes vagues, qui demandent à être étagés et délimités de manière plus précise. On ne leur donne en effet aucun contenu, ni dans la jurisprudence belge, ni dans la doctrine belge. Il va de soi que cette délimitation peut difficilement se faire dans le texte même de la loi. Par contre, la portée et les conséquences de ces notions doivent être explicitées dans les travaux préparatoires.

M. Hugo Vandenberghe estime que le fait de mentionner ces notions montre que l'on s'oppose à une application purement déductive de la norme. Cela signifie, non pas qu'il faille interpréter la norme arbitrairement, mais qu'il y a lieu d'y ajouter des dimensions. La proportionnalité procède d'une nouvelle culture juridique et elle revêt une signification « éducative », notamment pour la police. Il faut à la fois lire la loi et en connaître les dimensions. Et cela ne vaut pas que pour la loi pénale. Les moyens exceptionnels doivent s'utiliser pour les grands problèmes.

Le professeur Traest répond à l'intervention du professeur Vandeplas que les notions de subsidiarité et de proportionnalité sont peut-être un peu inhabituelles. Cette nouvelle culture demande une certaine adaptation. Aux Pays-Bas, on est déjà beaucoup plus avancé dans l'usage de notions ouvertes telles que celles-là. L'intervenant renvoie aux principes de bonne procédure, que le Hoge Raad invoque très fréquemment. Avec le temps, et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg aidant, on s'accoutumera, ici aussi, à ces notions ouvertes.

M. Vandenberghe précise que ces notions ont pour but d'affiner les possibilités de contrôle, les instruments d'évaluation du droit.

Mme de T' Serclaes estime que le principe de proportionnalité est l'évidence même. Il relève aussi d'une bonne gestion de la justice, compte tenu des moyens limités dont on dispose en termes de magistrats, de police, de budget.

CHAPITRE 2 

La preuve (art. 2 à 4)

M. Hugo Vandenberghe demande si les dispositions proposées dans le chapitre 2 reprennent le droit existant ou si la proposition de code innove en matière de preuve.

Le professeur Franchimont répond que l'article 2 reprend la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. Le Code d'instruction criminelle est presque muet en matière de preuve. La Commission pour le droit de la procédure pénale a souhaité que les grands principes relatifs à la preuve figurent dans le nouveau code.

Le professeur Vandenplas souhaite faire une remarque au sujet de l'article 2, alinéa 2, proposé, qui précise qu'il incombe à la partie poursuivante ou à la partie civile d'en prouver l'inexactitude. Le juge ne peut-il pas le faire d'office ?

Pour le professeur Traest, il est évident que le juge peut conclure d'office à la crédibilité ou non. C'est déjà le cas actuellement. En effet, l'alinéa 2 de l'article 2 est la transposition littérale de la jurisprudence de la Cour de cassation. Le juge apprécie librement si la défense est crédible ou non et s'il accepte ou non l'argument.

Le professeur Vandenplas estime qu'il vaudrait mieux écrire: « il y a lieu d'en prouver l'inexactitude ». Ainsi, on ne mentionnerait pas la partie poursuivante et la partie civile.

M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il y a déplacement de la charge de la preuve si l'on invoque avec vraisemblance une cause de justification ou d'excuse.

Le professeur Traest estime préférable de s'en tenir à la formulation actuelle de la Cour de cassation, qui soulève d'ailleurs peu de problèmes dans la pratique.

M. Hugo Vandenberghe signale aussi qu'il y a toute une controverse sur ce qu'il faut entendre exactement par cause de justification ou d'excuse.

Le professeur Traest répond que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, cette notion s'applique à toute circonstance susceptible d'exclure la faute du prévenu. Il ne doit pas s'agir nécessairement d'une cause de justification envisagée d'un point de vue purement technique.

Le professeur Franchimont rappelle que cette règle joue également au civil, lorsque l'action civile est fondée sur une infraction. La manière de prouver ne dépend pas de la juridiction saisie mais de ce qui doit être prouvé.

Mme Defraigne constate que l'article 3, qui veut exclure la preuve irrégulière, est libellé de manière fort générale. Alors qu'à l'article 2, l'on reprend expressis verbis la jurisprudence de la Cour de cassation, cela n'est pas le cas à l'article 3.

La Cour de cassation a jugé qu'est illégale la preuve qui est obtenue par un acte expressément interdit par la loi, par un acte inconciliable avec les règles substantielles de la procédure pénale ou les principes généraux ou avec le respect des droits de la défense.

Elle se demande par ailleurs s'il n'est pas nécessaire de faire référence, à l'article 3, aux conventions internationales, comme c'est le cas à l'article 5.

Le professeur Franchimont comprend les préoccupations de la préopinante. On pourrait compléter l'article 3 en se référant au respect des droits de la défense même si cette idée est déjà incluse dans les notions de « loyauté du procès » et de « principes généraux du droit ».

En ce qui concerne la référence aux conventions internationales, M. Hugo Vandenberghe renvoie à l'article 1er.

Mme Defraigne peut accepter que l'on fasse, à l'article 1er, une référence générale aux conventions internationales, sans y renvoyer chaque fois dans les autres dispositions du code. Si telle est l'option des rédacteurs, il faut alors, dans un souci de cohérence, supprimer la référence faite aux conventions internationales à l'article 5, § 2, relatif aux droits de la défense.

M. Coveliers estime que la « loyauté du procès » est une notion globale qui présente le grand avantage d'être vague. De plus, elle figure également dans d'autres textes de loi. L'intervenant pense notamment à la loyauté de l'administration de la preuve, par exemple dans la loi sur la fonction de police. Les droits de la défense lui paraissent être un élément de la loyauté du procès. D'ailleurs, si l'on énumère les différents droits dans les dispositions à l'examen, il faut en faire autant dans les autres articles.

M. Hugo Vandenberghe souscrit à ce point de vue.

Mme Defraigne peut se rallier aux arguments d'un intervenant précédent selon lequel la notion de droits de la défense est comprise dans celle de loyauté du procès. Il n'est par contre pas évident que la notion de moyens de preuve incompatibles avec les principes généraux du droit couvre les moyens de preuve contraires à la loi.

Enfin, en ce qui concerne l'article 4, l'oratrice propose d'ajouter que le juge apprécie librement et souverainement les preuves produites devant lui.

En réponse à la première observation, le professeur Franchimont considère qu'il ressort à suffisance des débats que la volonté du législateur est de considérer que les droits de la défense sont visés à l'article 3, alinéa 1er, sans qu'il soit nécessaire de le mentionner expressis verbis dans le dispositif de l'article.

D'autre part, pour ce qui concerne l'appréciation par le juge des moyens de preuve, l'orateur estime que celle-ci n'est pas souveraine car il existe une possibilité d'appel ou de cassation.

CHAPITRE 3 

Les droits de la défense (art. 5 et 6)

CHAPITRE 4 

Les causes de nullité (art. 7 à 10)

M. Coveliers demande ce que l'on entend exactement par « sans préjudice des dispositions prévues dans les conventions internationales » (article 5, § 2).

Le professeur Traest répond qu'en l'occurrence, cela concerne essentiellement la CEDH.

Mme de T' Serclaes demande si le libellé de l'intitulé du chapitre 3 est suffisamment précis. L'article 5 vise en effet les droits de toutes les parties au procès alors que l'intitulé ne vise que les droits de la défense.

Mme Nyssens demande si la notion de « participant » utilisée à l'article 5, § 1er, recouvre celle de partie au procès.

Le professeur Traest fait remarquer que pour être participant au procès, il faut être partie.

Le professeur Franchimont signale que l'Ordre des barreaux francophones et germanophone se demandait si le ministère public devait être considéré comme un participant au procès. L'intervenant estime que c'est le cas.

Le libellé de l'article 5 est général. Les droits prévus valent pour l'accusé, le prévenu, l'inculpé à tous les stades du procès, mais également la partie civile, le civilement responsable, l'intervenant volontaire ...

Mme Defraigne constate que l'article 1er du code fait référence à une série de notions fondamentales telles que le droit à un procès équitable, les droits de la défense, le délai raisonnable ... Les auteurs du code ont choisi de consacrer un chapitre spécifique aux droits de la défense (chapitre 3), pour mieux en expliciter la portée. Ce n'est par contre pas le cas pour les autres notions. N'aurait-il pas été plus cohérent, au niveau de la méthodologie, de définir également les notions de délai raisonnable, procès équitable ... à l'instar de ce que fait la Convention européenne des droits de l'homme ?

Le professeur Franchimont répond que l'article 1er donne la philosophie générale du code. Les notions de « procès équitable » ou de « délai raisonnable » relèvent du flou du droit. L'intervenant n'est pas favorable à l'idée de vouloir tout définir car cela cadenasse le droit. Or, il faut permettre au droit d'évoluer.

En ce qui concerne les droits de la défense, le professeur Franchimont rappelle que cette notion est d'origine jurisprudentielle. Elle n'existe pas dans le Code d'instruction criminelle. Le procureur général Hayoit de Termicourt l'a évoquée pour la première fois dans une mercuriale à propos de pièces déposées après la clôture des débats. Le procureur général Ganshof van der Meersch a, par la suite, précisé, dans plusieurs mercuriales, le contenu des droits de la défense. La Cour de cassation a entre-temps considéré que les droits de la défense constituaient un principe général de droit.

Comme il s'agit d'une construction jurisprudentielle, le professeur Franchimont pense qu'il est préférable de mentionner dans le code ce que couvre la notion de droits de la défense et d'en donner les éléments essentiels: une information loyale, un pouvoir égal d'initiative et une possibilité concrète de contradiction. L'orateur fait remarquer que le mot « notamment » utilisé au § 2 montre que la définition donnée dans le code n'est pas exhaustive. Il souligne que le collège des procureurs généraux n'a formulé aucune remarque sur ce point.

Le professeur Traest précise que l'article 5 ne définit pas le droit de la défense mais qu'il mentionne des aspects de celui-ci. Tout comme l'article 6 de la CEDH ne définit pas ce qu'il faut entendre par un « procès équitable », l'article 5 se limite ici à indiquer quels éléments le droit de la défense doit comprendre au minimum. C'est avant tout à Strasbourg que les droits de la défense se définissent. Il faut donc maintenir une ouverture suffisante dans la législation nationale pour pouvoir intégrer cette définition dans le droit belge.

M. Mahoux rappelle que la notion de droits de la défense a, dans une démocratie, une symbolique très forte. Il faut cependant également prendre en compte une évolution sociologique importante de notre droit de la procédure pénale.

Historiquement, les règles de procédure avaient pour but de protéger l'inculpé contre les abus éventuels de l'autorité. À l'heure actuelle, la procédure doit également prendre en compte les droits des victimes. Dès lors, les parties intervenant au procès pénal ne se limitent pas à la défense.

L'orateur se demande si la modification de l'intitulé du chapitre 3, qui deviendrait « Les droits des parties », ne nécessiterait pas une adaptation du libellé des dispositions contenues dans le chapitre. D'autre part, les droits des parties civiles sont-ils identiques aux droits de l'inculpé ?

Le professeur Franchimont répond par l'affirmative à cette question.

M. Nimmegeers estime lui aussi que le libellé du chapitre 3 est trompeur. On n'y donne pas une énumération exhaustive des droits de la défense; on y cite seulement quelques aspects de ceux-ci.

M. Hugo Vandenberghe rappelle qu'un intitulé n'est jamais la loi. Mais il serait effectivement préférable d'utiliser un intitulé correct.

Mme Defraigne est consciente que l'article 5 donne une énumération non limitative de ce que comprend la notion de droits de la défense. Ne faudrait-il pas ajouter le droit au silence qui est un élément essentiel des droits de la défense ?

Mme Nyssens pense qu'il faut trouver un juste équilibre entre une justice respectueuse des droits de la défense et une justice efficace. Souvent, le citoyen exprime le souhait d'une justice plus efficace. La lenteur de la justice est-elle le prix à payer si l'on veut que les procès soient équitables et respectueux des droits de la défense ? Comment a-t-on, dans le code, cherché à concilier ces deux objectifs ?

En ce qui concerne le droit au silence, le professeur Franchimont fait remarquer qu'il est prévu dans les dispositions sur la présomption d'innocence et sur l'interrogatoire.

L'intervenant propose par ailleurs de libeller l'intitulé du chapitre 3 comme suit: « droits de la défense et de toute partie au procès pénal ».

M. Coveliers rappelle l'essence du droit de la procédure pénale: elle concerne un conflit entre un individu et la collectivité. Dans un État de droit démocratique, on accorde au citoyen un certain nombre de droits pour se défendre face à la puissance de l'autorité publique afin d'éviter qu'il ne soit condamné ou lésé injustement. Les autres parties, essentiellement les parties civiles, se greffent sur ce conflit et se joignent le plus souvent au ministère public. Il y a une différence avec les droits de la défense, qui concernent le suspect ou l'inculpé qui doit se défendre de la prétendue violation d'une norme face à l'autorité, alors que la partie civile n'a rien à voir avec le taux de la peine et entend être indemnisée. L'intervenant plaide pour que l'on maintienne l'intitulé tel quel. Il s'agit, en effet, des droits spécifiques de l'inculpé.

M. Hugo Vandenberghe partage ce point de vue. Toutes les parties au procès ont le droit de défendre leur position. Mais la position des parties à l'instance, le locus standi, est très différente. Le ministère public défend l'intérêt général, les parties civiles l'intérêt de la victime, et le suspect est confronté à la force de l'action publique. Il s'agit d'un affrontement entre l'État et un individu, dans lequel l'individu se trouve en position d'infériorité en ce qui concerne les moyens de poursuites. Il y a entre eux, un déséquilibre des forces.

M. Coveliers précise que les droits de la défense renvoient à la position du suspect. Le droit de défense concerne toutes les parties au procès, y compris le ministère public.

M. Mahoux propose de remplacer l'expression « droits de la défense » par celle de « droit à la défense ».

Le professeur Traest admet que, dans l'opinion publique, les « droits de la défense » semblent renvoyer plutôt à l'avocat du suspect. Les droits de défense ont une image plus neutre. Pourtant, les droits de la défense sont un concept communément admis.

L'intervenant ne remplacerait pas ce terme par les droits des parties, qui peuvent avoir une tout autre signification. Le droit d'interjeter appel est par exemple un droit des parties, mais pas un droit de la défense. La notion de droits des parties est beaucoup plus étendue que celle de droits de la défense.

M. Hugo Vandenberghe déclare que le problème vient du fait que deux aspects différents sont abordés dans le même article (art. 5). L'article 5 parle, d'une part, de droits propres à la défense au sens classique du terme, c'est-à-dire ceux qui lui permettent de répliquer à ce qui lui est reproché ou demandé, et, d'autre part, de droits relatifs à toutes les parties, par exemple en ce qui concerne l'administration loyale de la preuve.

Mme de T' Serclaes se rallie aux propos du préopinant. Si l'on souhaite conserver l'expression « droits de la défense », elle propose de compléter l'intitulé du chapitre 3 en précisant que ce sont les droits de la défense pour chacune des parties au procès.

Le professeur Franchimont pense qu'il découle clairement du texte que les droits énoncés à l'article 5 valent également pour la partie civile. C'est l'option retenue par la Commission pour le droit de la procédure pénale, pour répondre aux critiques formulées dans le cadre de l'affaire Dutroux.

L'orateur signale que le collège des procureurs généraux a également formulé des remarques concernant l'article 6. M. Liégeois estime, dans son avis, que la sanction en cas de violation des droits de la défense doit être insérée dans le chapitre 4 traitant des causes de nullité. M. Liégeois considère en outre qu'une violation des droits de la défense ne constitue pas nécessairement une nullité substantielle ou une nullité relative. Le professeur Franchimont précise que la Commission pour le droit de la procédure pénale ne partage pas cette analyse.

Le professeur Traest note que l'article 6 va également au-delà de la position prise par la Cour de cassation dans un arrêt récent du 14 octobre 2003. Cet arrêt dit en effet que la preuve doit être écartée s'il est porté atteinte au droit à un procès équitable.

M. Hugo Vandenberghe souligne le lien intrinsèque qui existe entre l'article 6 et l'article 7. Il cite l'exemple de l'affaire Schenk, qui concerne les écoutes téléphoniques illégales. La Cour de Strasbourg devait juger dans quelle mesure une écoute téléphonique illégale pouvait quand même être admise comme moyen de preuve sans que la loyauté globale du procès n'en pâtisse. Cette question importe surtout lorsque la preuve obtenue illégalement est la seule disponible (un témoignage anonyme ne peut pas être l'unique preuve).

À cela s'ajoute le point de savoir dans quelle mesure le principe de proportionnalité doit intervenir ou non dans le droit de la preuve concernant les nullités.

Le professeur Franchimont rappelle qu'en vertu de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, il faut avoir invoqué la violation des droits de la défense devant le juge du fond pour pouvoir s'en prévaloir devant la Cour de cassation.

L'article 6 est le fruit d'un compromis au sein de la Commission pour le droit de la procédure pénale. Si un interrogatoire musclé aboutit à des aveux, il est difficile de ne pas considérer que les aveux sont frappés de nullité. On peut par contre imaginer que des actes de procédure nuls soient réparés par la suite. La commission a voulu opérer une distinction entre la nullité de l'acte qui viole les droits de la défense et la violation intrinsèque des droits de la défense.

Le professeur Traest pense qu'il est préférable de commencer par discuter du système des nullités et d'examiner ultérieurement comment on peut y intégrer la violation des droits de la défense. Si la preuve a été obtenue au mépris des droits de la défense mais qu'elle n'est pas l'unique élément probant, il sera facile, pour le juge, de ne pas tenir compte de la preuve illégalement recueillie. Il en va tout autrement lorsqu'elle est l'unique élément. On a alors tendance à faire jouer la proportionnalité. Mais cela revient à apprécier le droit de la défense en fonction du résultat qu'on voudrait, en fait, atteindre. On peut se demander si c'est admissible. L'illégalité reste, en effet, la même, qu'il existe d'autres éléments de preuve ou non.

M. Hugo Vandenberghe estime que la question est très importante. À l'article 6 se pose le problème de l'ampleur des conséquences pour la suite. La rédaction de l'article 6 n'est pas claire. Quels sont, en effet, les « actes de la procédure qui en découlent » ?

Le professeur Franchimont fait remarquer que le nouveau code propose que les questions de nullité soient tranchées au niveau des juridictions d'instruction. Si la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation prononce la nullité, la juridiction prend une ordonnance de plus ample informé et l'on peut recommencer la procédure si les faits ne sont pas prescrits. Cette solution ne crée pas d'impunité tout en garantissant que les procédures soient correctes. En l'état actuel de la législation, lorsque des questions de nullité se posent devant la juridiction de fond, il est souvent trop tard pour recommencer la procédure.

M. Hugo Vandenberghe suggère d'insérer le mot « directement » dans le dernier membre de phrase, afin de viser la nullité des actes de procédure qui en découlent de cette manière.

Dans le cadre de l'affaire Dutroux, un des gendarmes a admis avoir procédé à une perquisition dans la cave de Dutroux sous prétexte de rechercher des pièces de voitures volées, alors que ces recherches étaient en fait liées aux enlèvements d'enfants. Un lien avait été établi entre Dutroux et ces enlèvements.

Malgré les recherches menées dans la cave, le gendarme n'y a rien trouvé. Effectuer une perquisition sous un faux prétexte porte incontestablement atteinte à la régularité de cet acte. Une telle perquisition est manifestement illégale.

À supposer que le gendarme ait découvert les enfants à cette occasion, Dutroux n'aurait-il pas dû être inquiété, selon les nouvelles propositions de la loi, au motif que l'enquête reposait sur une perquisition radicalement nulle ?

Si, en violation de son obligation de secret, un médecin signale par téléphone au parquet qu'une personne a été hospitalisée après avoir reçu des coups de couteau, l'enquête est-elle nulle et l'auteur doit-il échapper aux poursuites au motif que l'enquête est basée sur une violation manifeste du secret professionnel ?

On soutient parfois qu'il faut, dans ce cas, recommencer l'enquête sans tenir compte des actes nuls, mais on ne peut quand même pas faire comme si les enfants n'avaient pas été trouvés dans la cave ou comme si la victime n'avait jamais été blessée.

M. Hugo Vandenberghe donne un autre exemple. Dans le cadre de problèmes relationnels, un officier de police veut mettre sur écoute des adversaires potentiels, et ce, sans la moindre couverture judiciaire. Un tel acte sort totalement du cadre de la loi. Toutefois, à l'occasion de cette écoute téléphonique arbitraire, il apprend que des faits graves, passibles de poursuites pénales, ont été commis. Quelles seront les conséquences ? Une instruction peut-elle être entamée ? On a affaire non pas à un moyen de preuve illicite utilisé en cours d'instruction, mais à un moyen de preuve illicite qui permettrait d'en ouvrir éventuellement une.

Le professeur Traest répond que cette hypothèse est précisément celle de l'affaire concernée par l'arrêt de cassation du 30 mai 1995. En France, une écoute téléphonique réalisée en toute illégalité avait permis à la gendarmerie de découvrir qu'un ressortissant belge se livrait à du trafic de drogue. La gendarmerie française communiqua le renseignement à la gendarmerie belge, qui entama des poursuites à l'encontre de l'individu. Celui-ci fit valoir que les poursuites étaient illégales au motif que l'instruction ouverte contre lui l'avait été sur la base d'une écoute téléphonique illégale réalisée en France. La Cour de cassation confirma que cette écoute était effectivement illégale mais que la communication des renseignements par la gendarmerie française à la gendarmerie belge était une dénonciation et, dès lors, ne constituait pas une preuve. Le parquet était donc autorisé à rassembler légalement des preuves à la suite de cette dénonciation.

Pour M. Hugo Vandenberghe, on est là en présence d'une trouvaille juridique. De plus, le point de départ est différent. En effet, dans le cas de l'arrêt de cassation en question, il y a une étape intermédiaire, à savoir une communication officielle de la gendarmerie française à la gendarmerie belge. On peut se demander si la gendarmerie belge n'aurait pas dû vérifier si l'écoute téléphonique réalisée en France l'avait été ou non en toute légalité. Dans l'autre exemple cité, il n'y a pas de dénonciation.

Le professeur Traest évoque un cas dans lequel, en Belgique, à propos d'une affaire de pension alimentaire controversée, la comptabilité au noir du partenaire avait été dérobée et remise à la police judiciaire. La Cour de cassation a indiqué qu'il n'y avait aucun lien avec le surplus de la preuve.

M. Nimmegeers demande ce qu'il en est du cas manifeste de la perquisition arbitraire menée à des fins d'intimidation, au cours de laquelle des faits de drogue ou de prostitution sont mis au jour.

Le professeur Traest renvoie à l'arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2003 qui traite de la prise en considération par le juge d'une preuve obtenue irrégulièrement.

Selon le professeur Franchimont, la discussion touche une question majeure: quel est le degré de liberté que l'on conserve face à l'illégalité ? L'intervenant estime que la liberté est menacée et qu'il faut la défendre. Il met en garde contre les dérives auxquelles on risque d'aboutir si l'on a trop tendance à couvrir les illégalités. Dans un tel scénario, l'on renforce le pouvoir de la police qui n'en fera qu'à sa tête.

M. Hugo Vandenberghe met en garde contre le risque lié au recul des limites. Si l'on confère des effets juridiques à des actes illégaux, on peut se demander quelle sera l'étape suivante. Bien entendu, toutes les illégalités ne doivent pas entraîner la nullité du procès. C'est pourquoi il y a aussi le principe de proportionnalité.

M. Coveliers peut se rallier à l'intervention de M. Franchimont, qui met le doigt sur la plaie. On devrait d'abord pouvoir partir du principe que l'on ne réalise pas de perquisitions illégales et que, si cela se produit, c'est seulement de manière fortuite et par erreur. Ensuite, on doit faire la part des choses.

La question est de savoir quelles suites on attachera au non-respect, par l'autorité, de certaines règles du jeu qui ont été établies. Mais il faut fixer une limite, sans quoi le risque de dérapage devient excessif.

M. Hugo Vandenberghe fait également référence à l'article 7, qui dispose qu'il n'y a nullité que lorsque la loi le mentionne explicitement. Il faut donc faire preuve de parcimonie dans l'application des nullités d'ordre public. L'article 6 fixe la norme minimale.

Pour M. Coveliers, il y a une différence entre l'usage abusif intentionnel d'une certaine méthode et une erreur purement fortuite. Si l'on commet un abus, il paraît assez normal que la nullité soit prononcée.

M. Hugo Vandenberghe mentionne également la problématique de la perquisition collective qui vise, en fait, à s'emparer d'un individu bien déterminé. C'est une pratique qui, en réalité, méconnaît les principes de l'État de droit.

Le professeur Franchimont se rallie à l'intervention de M. Coveliers. L'exercice d'équilibre difficile auquel il faut aboutir, c'est de définir un principe général selon lequel toute illégalité doit être sanctionnée, tout en évitant que les tricheurs n'en abusent. Il est sur ce point regrettable que la loi du 12 mars 1998 aie parfois été utilisée de manière abusive.

Le professeur Traest indique que le texte vise à signifier clairement que toute irrégularité ne doit pas entraîner la nullité. D'autre part, il faut également se rendre compte que la loi a aussi une fonction pédagogique, par exemple à l'égard des policiers. Si l'on dit que l'illégalité d'une perquisition ne change pas grand-chose au procès, le policier sera plus vite enclin à effectuer une perquisition sans mandat.

M. Coveliers déclare que le contrôle externe sur la police peut également jouer un rôle en l'espèce. On attend donc du magistrat ou du ministère public qu'il signale les problèmes afin que ceux-ci soient connus de l'autorité de contrôle.

M. Hugo Vandenberghe pense que l'article 7 n'est pas formulé clairement en ce qu'il dispose qu'il y a nullité d'ordre public lorsque la loi le mentionne explicitement. L'article 6 de la CEDH, par exemple, est également d'ordre public, sans pourtant que cela soit mentionné explicitement.

Mme Defraigne constate que l'article 6 de la proposition de code prévoit une nullité d'ordre public en cas de violation des droits de la défense. Cette solution est logique car les droits de la défense sont fondamentaux. Par contre, la proposition ne prévoit pas de nullité expresse en cas de violation du principe du procès équitable tel qu'il est visé à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Pourquoi ne pas le faire ?

Le professeur Franchimont répond que c'est sur l'ensemble de la procédure que l'on peut apprécier si le procès est équitable, sauf si des violations tellement flagrantes ont été commises au niveau de l'information, de l'instruction que la procédure est radicalement nulle.

L'orateur pense que la violation du principe du procès équitable pourrait constituer une cause de nullité d'ordre public prévue à l'article 7. Il estime que l'énumération des causes de nullité d'ordre public est une tâche qui incombe au législateur. La liste proposée à l'article 7, § 1er, peut être allongée ou raccourcie. Il est par contre réticent à l'idée de considérer que la violation des droits de la défense constitue une nullité d'ordre public car cela risque d'être trop large. Il précise que la nullité visée à l'article 6 n'est pas d'ordre public. Cette nullité peut d'ailleurs être couverte.

Monsieur Hugo Vandenberghe constate que l'article 7, § 2, prévoit que « les nullités d'ordre public peuvent être soulevées d'office par le juge ». Or, si une nullité est d'ordre public, le juge doit la prononcer car il doit appliquer l'ordre public.

Le professeur Franchimont se rallie à cette remarque.

Mme Defraigne constate que le régime des nullités proposé au chapitre 4 est calqué sur celui du Code judiciaire. Elle se demande cependant si les règles du droit judiciaire civil sont transposables en matière pénale. Ne risque-t-on pas de trop rigidifier la matière ?

Elle évoque le principe « pas de nullité sans texte ». Que se passera-t-il lorsque l'on est, par exemple, confronté à de nouvelles méthodes d'investigation sur lesquelles le législateur ne s'est pas encore prononcé ? Ne se coupe-t-on pas, avec le régime des nullités proposé, de la possibilité de laisser la jurisprudence appréhender souplement ces nouveaux phénomènes ? Il ne sera en effet pas possible pour les juridictions, en l'absence de texte légal, de prononcer la nullité d'actes posés en vertu de méthodes d'investigation qui seraient jugées inacceptables.

Le professeur Franchimont répond que la commission pour le droit de la procédure pénale s'est posé cette question. L'option retenue vise à réduire au maximum le nombre de nullités car celles-ci sont insupportables pour l'opinion publique. Les combats sur les nullités, menés dans les prétoires dans le but de ne pas aborder le fond d'une affaire, sont nocifs à l'image de la justice.

Il rappelle que les nullités sont, à l'heure actuelle, une construction d'origine exclusivement jurisprudentielle. C'est la Cour de cassation qui décide ce qui est prévu à peine de nullité et, le cas échéant, s'il s'agit ou non d'une nullité substantielle.

Le professeur Franchimont trouve que cela n'est pas logique. C'est au parlement qu'il revient de décider quelles sont les causes de nullité substantielle. Et, si de nouveaux textes sont votés, il appartiendra au parlement de préciser si leur violation est sanctionnée par une nullité et si celle-ci est substantielle.

L'intervenant rappelle que l'idée d'une purge totale des nullités avait été soutenue lors de la préparation des projets qui ont abouti à la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction. Lors des débats parlementaires, il avait été à juste titre objecté que la purge d'une nullité d'ordre publique n'était pas possible. Le texte a été modifié sur ce point. De nombreuses voix se sont élevées pour soutenir l'idée que tout était d'ordre public en matière pénale. Le professeur Franchimont ne le pense pas. Pour sortir de ces discussions, il faut, dans le code, préciser quelles sont les nullités que le législateur considère comme substantielles.

La commission pour le droit de la procédure pénale a formulé une proposition de liste, à l'article 7, § 1er.

M. Hugo Vandenberghe rappelle qu'un des objectifs principaux du droit de la procédure pénale est de protéger la liberté du citoyen contre l'arbitraire possible de l'autorité publique. Certes, il faut tenir compte d'autres paramètres mais le fait que la criminalité augmente ne peut pas faire perdre de vue ce principe fondamental.

Le professeur Franchimont revient à l'intitulé du chapitre 3. Il propose de le modifier comme suit pour en clarifier la portée: « Les droits de défense de toutes les parties au procès ». D'autre part, il propose de remplacer la notion de nullité d'ordre public par celle de nullité substantielle.

M. Coveliers propose de traduire en néerlandais la notion de « nullité substantielle » par « substantiële nietigheid ».

CHAPITRE 5 

La chose jugée (art. 11 et 12)

Le professeur Franchimont signale que ce chapitre s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. Hugo Vandenberghe profite de la discussion pour aborder la question des effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme sur les décisions définitives en droit belge. Il renvoie à la proposition de loi insérant un article 442bis dans le Code d'instruction criminelle, introduite sous la législature précédente par M. Bourgeois (doc. Chambre nº 51-0514/001).

Il est en effet paradoxal que, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme constate qu'un jugement ou arrêt a été rendu en violation de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme, la victime ne puisse obtenir une réparation effective.

Le professeur Franchimont reconnaît le problème. Bien que les arrêts de la Cour européenne vaillent pour plus de 500 millions de personnes, le requérant qui a obtenu gain de cause à Strasbourg n'obtient qu'un dédommagement très symbolique. L'intervenant pense que la seule bonne solution est de refaire le procès, comme cela s'est passé dans l'affaire Piersack.

M. Hugo Vandenberghe demande s'il ne faut pas éventuellement faire débuter l'article 11 comme suit: « Sans préjudice de l'autorité de chose jugée des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, ... ».

Cette question devrait cependant certainement être réglée dans une loi spéciale.

Le professeur Franchimont se rallie à cette suggestion.

M. Hugo Vandenberghe pense qu'il serait en effet paradoxal de sanctionner la violation de certaines dispositions du code par la nullité alors qu'aucune véritable sanction ne serait prévue lorsque la Cour européenne déclare que l'ensemble de la procédure viole la Convention européenne des droits de l'homme.

Le professeur Franchimont fait remarquer qu'un consensus assez large existe parmi les pénalistes pour considérer que la procédure doit être recommencée. Il n'est cependant pas possible d'envisager cette solution de manière générale. Des objections fondamentales sont soulevées en raison des conséquences qu'a eues la décision sur le plan administratif, civil ...

Le Professeur Vandeplas pense que le premier membre de phrase de l'article 11 (« Sous réserve de la révision des condamnations ») devrait être supprimé. Il fait remarquer que même dans l'hypothèse d'une révision, l'on ne peut être poursuivi pour les mêmes faits.

M. Coveliers estime qu'il serait préférable de remplacer les mots « un jugement définitif » par les mots « une décision définitive ». Il peut en effet y avoir aussi des arrêts définitifs.

La commission se rallie à ces remarques.

Au sujet de l'alinéa 2 de l'article 11, M. Hugo Vandenberghe évoque le cas où la partie adverse n'est pas partie au procès pénal. N'y a-t-il pas violation du principe d'égalité ?

Le professeur Franchimont fait remarquer que la tendance est de vouloir sortir du principe de l'autorité absolue de chose jugée. Il ne faut cependant pas en déduire que la décision pénale n'a aucune importance. Le code propose dès lors de considérer que l'autorité de chose jugée au pénal a valeur de présomption iuris tantum. La décision ne s'impose pas en tant que tel. Elle constitue un préjugé au sens propre du terme.

Mme Defraigne demande si l'article 11, alinéa 2, permet de remettre en cause l'autorité de la chose jugée du pénal au civil, même pour les parties au procès pénal.

Le professeur Franchimont répond qu'il y a autorité de chose jugée entre les parties au procès. Les parties ne peuvent remettre en cause au civil ce qui a fait l'objet, entre elles, d'une décision coulée en force de chose jugée au pénal.

Mme Defraigne demande si, pour clarifier la portée de l'alinéa 2, il ne faudrait pas le faire débuter par les mots « Sauf pour les parties au procès pénal ».

M. Coveliers souligne qu'il s'agit d'une action dans le cadre d'un procès pénal. Le juge pénal rend une décision. Si, ultérieurement, quelqu'un intente une action civile, la charge de la preuve incombera au demandeur. Il paraît évident à l'intervenant que l'autorité de chose jugée de la décision pénale doit être respectée. Un acquittement, par exemple, implique que les faits n'ont pas été prouvés au pénal. Cette décision doit emporter au minimum une présomption de vérité.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que sur le plan juridique, le jugement ou l'arrêt est un fait. Il faut se demander quelles conséquences on attache à un fait.

Le professeur Franchimont précise que la proposition abandonne le principe de l'autorité absolue de chose jugée au pénal. L'intention n'est cependant pas de dénier toute valeur au jugement pénal. Les juges pénaux se sont prononcés sur des faits et leur décision a valeur de présomption qui peut être renversée. L'alinéa 2 proposé est libellé de manière telle que l'on ne puisse empêcher une partie de recommencer son procès sur la base des articles 1384 et éventuellement 1382 du Code civil.

L'intervenant rappelle qu'il n'y a pas que les infractions involontaires. Une personne peut, par exemple, être acquittée du chef d'escroquerie mais avoir commis une faute civile qui peut entraîner une action civile basée sur l'article 1382.

Mme Defraigne pense que la discussion est liée à la question de l'évolution du concept d'identité entre la faute pénale et la faute civile. Antérieurement, il existait une série d'hypothèses dans lesquelles on pouvait aboutir à une contradiction entre une décision d'une juridiction civile et une décision d'une juridiction pénale. C'était par exemple le cas lorsque l'action civile était intentée avant l'action publique.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'une telle hypothèse ne pose pas de problèmes car il n'y a pas identité entre la faute civile et la faute pénale. Par contre, la question de savoir si une faute pénale est également une faute civile est plus délicate.

Le fait qu'une faute pénale soit toujours une faute civile et que l'on n'applique donc pas la théorie de l'illicéité relative offre à la victime et au citoyen une très grande protection dans le cadre de la responsabilité des pouvoirs publics.

L'inverse n'est cependant pas le cas. Ce n'est pas parce qu'une faute est reconnue sur le plan civil qu'il y a faute sur le plan pénal.

Mme Defraigne revient à l'hypothèse évoquée par M. Coveliers. Que se passe-t-il avec la partie lésée qui est présente à l'audience mais qui décide de ne pas se constituer partie civile ? Elle attend de voir comment le dossier évolue. Cette personne lésée est-elle considérée comme partie au procès ? Quel est l'effet de la décision pénale à son égard ?

Le professeur Franchimont répond qu'elle n'est pas partie au procès pénal et qu'il n'y a pas d'autorité de chose jugée.

Mme Defraigne en déduit que la personne lésée peut refaire le procès complètement devant le juge civil.

Le professeur Franchimont le confirme. Si la faute pénale n'est pas sûre pour une infraction involontaire, la partie lésée a intérêt à agir au civil, sur la base des articles 1382 et 1384 du Code civil, sans aller au pénal. On devrait d'ailleurs favoriser le recours à la voie civile dans une telle hypothèse.

M. Mahoux fait remarquer que cette option n'est pas neutre. Le choix de la voie pénale est parfois dicté par des impératifs financiers. Ainsi, pour le contentieux médical, vu le coût des expertises, les personnes lésées optent le plus souvent pour la voie pénale car les expertises y sont décidées par le tribunal.

Le professeur Franchimont signale qu'en matière de responsabilité médicale, dans la pratique, le choix de l'option civile est de plus en plus fréquent. Un recours pénal s'avère en effet très traumatisant pour le médecin et, d'autre part, le moindre doute aboutit à un non-lieu ou à l'acquittement.

M. Hugo Vandenberghe rappelle que les causes d'exonération sont différentes sur le plan pénal par rapport au civil. On peut dès lors être acquitté au pénal tout en étant responsable au civil.

M. Mahoux fait remarquer qu'en matière de responsabilité médicale, les compagnies d'assurance interdisent à leurs assurés de reconnaître la moindre responsabilité. Dès lors, toute la charge de la preuve incombe à la partie qui se prétend victime. Il est parfois pour elle plus facile d'opter pour la voie pénale. Qui plus est, dès lors qu'il y a condamnation au pénal, il y a faute civile.

Selon M. Coveliers, on peut se demander si le système pénal doit servir à déterminer des responsabilités professionnelles. S'il s'agit d'un médecin, les poursuites seront le plus souvent engagées pour cause de coups et blessures volontaires ou involontaires. Une procédure civile semble plus indiquée.

M. Hugo Vandenberghe pense que la question de la responsabilité professionnelle est très large et qu'elle dépasse le cadre de la discussion sur l'influence d'une condamnation pénale sur le plan civil.

Mme Defraigne pense que le procès civil offre de meilleures garanties à la victime que le procès pénal. La victime garde plus la maîtrise du procès et a un pouvoir d'initiative plus important. L'expertise contradictoire lui permet également de mieux faire valoir ses droits.

Sur la question du coût, l'oratrice fait remarquer qu'elle est liée à celle de l'accès à la justice. D'autre part, en matière de responsabilité médicale, les moeurs ont évolué.

M. Hugo Vandenberghe déclare qu'une erreur de diagnostic, par exemple, ne donne généralement pas lieu à une condamnation pénale. Il est en revanche donné suite à une action civile en ce domaine.

L'orateur se déclare favorable, de lege ferenda, à l'insertion, dans le Code civil, d'un chapitre spécifique traitant de la responsabilité professionnelle. L'application des grands principes de la responsabilité civile à la matière de la responsabilité professionnelle nécessite une série de précisions.

M. Mahoux pense que le facteur limitant du recours à une procédure civile résident dans les moyens financiers de la victime. Même si le recours au pénal peut lui être préjudiciable, la victime opte parfois pour la voie pénale pour des impératifs de coût de la procédure. Il faut dès lors trouver un système où le recours à la voie pénale n'est pas déformé par des considérations financières.

Le professeur Franchimont signale que depuis de nombreuses années, l'on considère que la responsabilité médicale doit être fondée sur le risque, sauf l'acte de désinvolture grave. D'autre part, lorsque l'on assigne le médecin parce qu'une information n'a pas été donnée complètement, cela ne constitue pas une faute pénale mais bien une faute civile.

Mme Defraigne se rallie au préopinant. Au-delà de la faute pénale, il y a le devoir de conseil en matière professionnelle. Si une partie subit un dommage parce qu'elle n'a pas été clairement informée, cela reste dans la sphère purement civile. Le problème évoqué par M. Mahoux est beaucoup plus large: cela vise l'accès à la justice.

CHAPITRE 6 

La connexité, l'indivisibilité et la litispendance (art. 13 à 15)

M. Hugo Vandenberghe demande si les dispositions proposées dans le chapitre 6 reprennent le droit existant ou si des modifications substantielles y sont apportées.

Le professeur Franchimont répond que les articles 13 à 15 de la proposition de code donnent des notions de connexité, d'indivisibilité et de litispendance des définitions classiques, conformes à la doctrine et à la jurisprudence.

L'article 13, alinéa 2, reprend les exemples de connexité visés à l'article 227 du Code d'instruction criminelle. L'intervenant rappelle que la jonction des causes n'est pas obligatoire.

M. Hugo Vandenberghe demande si les principes généraux permettent de résoudre tous les problèmes auxquels les praticiens sont confrontés.

Le professeur Franchimont répond que si des difficultés existent, elles sont plutôt dues à un abus de connexité de la part du parquet qui réunit parfois des affaires sous le bénéfice de la connexité alors que le lien entre les causes est très ténu. Cela peut rendre les dossiers très difficiles à gérer, étant donné le grand nombre de prévenus, alors que le but de la connexité est de favoriser une bonne administration de la justice.

Le professeur Vandeplas pense qu'il faudrait préciser, à l'article 15 relatif à la litispendance, que les deux tribunaux sont du même degré. Il n'est en effet pas possible qu'une juridiction se dessaisisse au profit d'une juridiction d'un autre degré.

Le professeur Franchimont se rallie à cette suggestion.

CHAPITRE 7 

Les significations, les notifications et les délais (art. 16)

Comme la jurisprudence — notamment en ce qui concerne l'article 2 du Code judiciaire — a parfois insisté sur le caractère spécifique de la procédure pénale, le professeur Franchimont signale que la commission pour le droit de la procédure pénale a opté pour un renvoi explicite à une série de dispositions du Code judiciaire en matière de significations, de notifications et de délais. Ces dispositions du Code judiciaire sont applicables à la procédure pénale, sauf les exceptions prévues par la loi.

M. Willems demande si l'on a tenu compte de l'évolution des techniques dans le domaine de la communication (e-mail, etc.)

M. Hugo Vandenberghe répond que l'article proposé renvoie simplement aux dispositions du Code judiciaire à ce sujet. Si des modifications, des adaptations sont apportées au Code judiciaire, le code proposé ne devra pas nécessairement être modifié. Pour le moment, de nombreuses discussions sont en cours au sujet de l'informatisation (on pense par exemple au groupe de travail pour l'informatisation au niveau de la Cour de cassation).

Mme de T' Serclaes demande pourquoi la Commission pour le droit de la procédure pénale n'a pas traité la question de l'influence des nouvelles technologies sur les actes de procédure.

Le professeur Franchimont répond que pour les matières qui ne dépendent pas du Code judiciaire, celles-ci sont traitées dans la proposition de code de procédure pénale.

Pour le reste, la commission n'a pas souhaité remettre en cause le principe de l'article 2 du Code judiciaire selon lequel le Code judiciaire est le droit commun de la procédure.

M. Vandenberghe ajoute qu'il est préférable de régler les problèmes généraux de procédure dans le Code judiciaire. Un renvoi à ces règles suffit. Le code proposé ne doit dès lors régler que les problèmes spécifiques relatifs à l'action publique.

Le professeur Vandeplas s'interroge sur la différence entre les alinéas 2 et 3 de l'article 16 proposé. Le greffe est-il fermé d'autres jours que les samedis, dimanches et autres jours fériés légaux ?

Le professeur Franchimont répond que l'alinéa 3 vise d'autres hypothèses de fermeture du greffe que celles visées à l'alinéa 2. Il pense à des situations qui se présentent parfois sur le terrain, dans des petits cantons, où des greffes sont fermés pour cause de maladie du personnel ... Cette disposition confirme la jurisprudence existante.

CHAPITRE 8 

L'assistance judiciaire et la copie des pièces en matière pénale (art. 17 et 18)

Le professeur Franchimont trouve logique qu'un chapitre du Code de procédure pénale soit consacré à la question de l'assistance judiciaire et de la copie des pièces en matière pénale. Il est renvoyé aux articles 664 à 699 du Code judiciaire qui règlent cette matière.

M. Hugo Vandenberghe demande s'il n'est pas préférable de faire, dans la proposition de loi, un renvoi général aux dispositions du Code judiciaire applicables en matière d'assistance judiciaire et de copie des pièces, sans renvoyer de manière expresse à une série d'articles dudit Code.

En effet, il est à craindre que lors de modifications ultérieures apportées à l'un des deux codes, l'on omette d'apporter les modifications qui s'imposeraient dans l'autre code, ce qui aboutira à des incohérences.

Mme de T' Serclaes demande s'il ne faut pas préciser, dans le chapitre 8, que tant au niveau de l'information qu'à celui de l'instruction, une copie des pièces peut être obtenue. L'article 18 ne le précise pas.

Le professeur Franchimont signale que l'article 18 a été inséré dans la proposition de Code pour mettre fin à une incohérence en ce qui concerne la délivrance automatique des copies des décisions judiciaires. Cette formalité, qui existe devant toutes les juridictions civiles, sociales, commerciales, n'existe pas en matière pénale. L'article 18 veut combler cette lacune. L'orateur précise que cela ne modifie pas le calcul du délai d'appel qui commence à courir à partir du prononcé de la décision et non pas à partir de la réception de la copie.

M. Willems demande si l'article 18 proposé signifie que chaque partie au procès recevra désormais automatiquement une copie du jugement, y compris en matière pénale. À l'heure actuelle, cette règle n'existe qu'en matière civile.

Le professeur Franchimont confirme cette lecture du code. L'expédition d'une copie du jugement dans les cinq jours du prononcé devient la règle, sauf pour le tribunal de police où, pour des raisons de limitation des coûts, la délivrance d'une copie n'est prévue que pour les affaires dans lesquelles la présence du prévenu à l'audience est obligatoire. Il renvoie sur ce point aux articles 318 et 332.

M. Mahoux demande si l'utilisation de la forme singulière « à la partie » est la plus judicieuse. Il propose de modifier le libellé pour préciser que la copie est communiquée aux parties.

Le professeur Franchimont peut se rallier à cette suggestion.

M. Hugo Vandenberghe pense que le libellé de l'article 18 proposé ne préjuge pas du nombre de parties au procès. Il est évident que dans l'hypothèse d'une pluralité de parties, chaque partie au procès reçoit une copie de la décision. Il n'est dès lors pas nécessaire d'adapter l'article 18.

Mme Van dermeersch demande ce qui se passe en cas de défaut. Le délai commence-t-il à courir à dater du jour de la réception de la copie ? Qu'en est-il si on ne la reçoit pas ?

Le professeur Franchimont répond que la communication de la copie de la décision ne fait pas courir le délai d'opposition. Ce n'est pas la connaissance du jugement mais la connaissance de la signification du jugement qui fait courir le délai d'opposition.

Le professeur Vandeplas demande si la Commission pour le droit de la procédure pénale a tenu compte du coût que va engendrer la communication de la décision tant à chacune des parties qu'à leurs conseils. Il demande par ailleurs quelle est la sanction si la décision n'est pas communiquée dans les cinq jours du prononcé.

M. Hugo Vandenberghe souligne que les frais de justice incombent à la partie condamnée. D'autre part, il semble logique d'étendre en matière pénale cette formalité qui est déjà d'application en matière civile.

Le professeur Franchimont rappelle que l'objection du coût avait déjà été soulevée lorsque la loi du 12 mars 1998 a instauré la communication d'une copie de l'interrogatoire. Cette mesure n'a pas posé de problèmes dans la pratique. D'autre part, dans une matière aussi essentielle que le droit pénal, il est logique que l'on impose cette obligation de communication de la décision à l'instar de ce qui existe au civil.

En ce qui concerne la sanction si la communication n'intervient pas dans les cinq jours, l'intervenant signale que cette omission ne saurait constituer une cause de nullité. Il estime que des règles peuvent être prévues dans un code sans qu'elles doivent nécessairement être assorties de sanctions. Bien entendu, un greffier qui, de manière systématique, négligerait cette formalité, serait susceptible de sanctions disciplinaires.

LIVRE II

Les actions

TITRE 1er 

L'action publique

CHAPITRE 1er 

Dispositions générales (art. 19 à 21)

CHAPITRE 2 

L'exercice de l'action publique (art. 22 à 30)

Le professeur Franchimont signale que la définition de l'action publique mentionnée à l'article 19 a été adaptée pour tenir compte d'autres mesures prévues par la loi pénale et qui ne sont pas des peines.

L'action publique appartient à la société. Elle est indisponible, ce qui veut dire qu'elle est poursuivie en principe par le ministère public.

Dès lors que l'action publique appartient à la société, l'article 21 précise que le ministère public ne peut pas y renoncer ni se désister des poursuites, ni acquiescer à une décision rendue. Toutefois, il est tenu compte de la modification législative du 12 mars 1998 relative à l'appréciation de l'opportunité des poursuites et au classement sans suite, compte tenu des directives de politique criminelle définies par le ministre de la Justice.

L'article 23 maintient la saisine réelle (in rem). À peine de nullité, qui n'est pas d'ordre public, le réquisitoire doit être écrit, daté et signé. Il doit énoncer les faits pour lesquels le juge d'instruction est saisi.

L'alinéa 2 confirme la jurisprudence actuelle en admettant le réquisitoire verbal en cas d'urgence. Dans une telle hypothèse, le réquisitoire verbal doit être confirmé par écrit dans les vingt-quatre heures.

Le professeur Franchimont précise que les membres de la commission ont voulu que le code offre des garanties du caractère réel car trop de réquisitoires sont rédigés en termes généraux. Il faut que le juge d'instruction et la personne suspectée sachent sur quoi porte la saisine.

Aux articles 27 et 28, l'on a décidé de supprimer les questions préjudicielles qui étaient prévues aux articles 17 et 18 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Les tribunaux jugent les questions de droit qui sont soulevées devant eux incidemment mais cette décision n'a pas nécessairement autorité de chose jugée. L'intervenant cite l'exemple d'une question de filiation qui serait tranchée à l'occasion du meurtre d'une personne. Ce n'est pas parce que la cour d'assises a reconnu l'accusé coupable du meurtre de « son père » que la filiation est établie au civil.

M. Hugo Vandenberghe en déduit que la proposition de code fait du juge du fond le juge de l'incident mais que, pour les questions civiles, la chose jugée a un caractère relatif.

M. Mahoux demande que l'on profite de la codification pour mener une réflexion sur le rôle dévolu aux huissiers de justice dont l'intervention est imposée pour de nombreux actes de procédure. Est-ce qu'il n'est pas possible, avec les moyens de communication actuels, de trouver des systèmes nettement moins coûteux mais offrant les mêmes garanties ?

Le professeur Franchimont fait état des travaux menés par MM. Erdman et De Leval, lesquels semblent favorables à une généralisation de la requête contradictoire comme mode introductif d'instance. L'intervenant pense qu'un tel système de convocation par lettre recommandée n'est pas indiqué pour le contentieux pénal.

M. Hugo Vandenberghe partage cette analyse. Il fait remarquer que le coût des citations en matière pénale est relativement réduit. Dans les matières civiles, ce sont notamment les droits fiscaux élevés qui alourdissent les coûts.

Il se réfère d'autre part à l'article 6 de la CEDH qui garantit le droit à un procès équitable. Tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, et de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

L'orateur doute qu'en matière pénale, la convocation de l'accusé par lettre recommandée permette de garantir les droits de la défense.

Mme Nyssens reconnaît que le débat est très vaste et complexe. Elle attire également l'attention des membres sur la charge de travail qui retombe sur les polices locales lorsque les huissiers ne parviennent pas à toucher personnellement la personne citée et que l'acte est signifié au domicile.

M. Hugo Vandenberghe pense que la codification permet de mener une réflexion globale sur la question des significations et notifications. Il cite l'exemple de la procédure en règlement collectif de dettes pour laquelle, dans un souci d'alléger les coûts, la convocation des créanciers est faite par pli judiciaire. Or, actuellement, les greffes se plaignent de la charge importante de travail qu'occasionnent pour eux ces procédures qui mobilisent, par exemple à Anvers, jusqu'à la moitié du personnel du greffe. Si l'on veut confier de telles missions aux greffes, il faudra dégager les moyens nécessaires pour qu'ils puissent assumer ces tâches. Et cela aussi a un coût.

Mme Van dermeersch demande ce qu'il y a au juste de neuf dans l'article 23 proposé et elle souhaite aussi quelques explications sur la portée exacte de l'alinéa 2 de cet article.

Le professeur Franchimont répond qu'un des objectifs du code est la clarté dans les actes des parties au procès. En l'occurrence, à l'article 23, alinéa 1er, on veut que le ministère public énonce les faits et leur qualification provisoire avant de mettre un dossier à l'instruction. En ce qui concerne l'alinéa 2 de cet article, il n'est pas nouveau. La pratique connaît déjà les réquisitoires verbaux compte tenu de l'urgence mais le code exige que ceux-ci soient confirmés par écrit dans les vingt-quatre heures.

Mme Nyssens revient à l'article 21. L'alinéa 3 prévoit que le ministère public motive sa décision lorsqu'il classe sans suite. Ne faudrait-il pas en outre prévoir que la décision de classement sans suite est communiquée à la personne suspectée ?

Le professeur Franchimont répond que cette obligation existe déjà depuis la loi du 12 mars 1998, laquelle est reprise dans la proposition de code.

Mme de T' Serclaes demande ce que couvre la notion de partie lésée à l'alinéa 3 de l'article 19.

Le professeur Franchimont répond que le principe est que l'action publique appartient au ministère public. Pour éviter toute confusion, il est également précisé, dans la même disposition, que l'action publique peut être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions prévues par le code. La partie lésée peut, soit se constituer partie civile auprès du juge d'instruction (pour les crimes et délits), soit faire une citation directe devant le juge répressif (pour les délits et contraventions). L'orateur précise que la proposition n'innove pas en cette matière puisque les solutions proposées correspondent à la situation actuelle.

M. Willems se dit quelque peu préoccupé au sujet de la transparence du ministère public. L'article 21 dispose que le ministère public juge de l'opportunité des poursuites, compte tenu des directives de politique criminelle définies par le ministre de la Justice. Ces directives sont internes et non publiques, et concernent les priorités de la politique en matière de poursuites. Selon l'intervenant, toute partie au procès a le droit de connaître ces priorités.

En effet, on constate souvent que les affaires portées par le ministère public devant le tribunal correctionnel sont plutôt banales (par exemple délits environnementaux). D'autres affaires, plus importantes, sont classées sans suite.

Selon M. Hugo Vandenberghe, la question de M. Willems comporte deux aspects. D'une part, elle concerne un aspect politique d'objet général, à savoir la portée des directives données par le ministre au ministère public en tant qu'instrument de politique. C'est la dimension politique de la question.

D'autre part, elle concerne la position juridique individuelle des parties au procès. L'instruction pénale est publique. Les directives adressées au ministère public doivent donc être publiques aussi dans la mesure où elles sont appliquées au procès pénal.

Le professeur Franchimont se rallie au préopinant. C'est au Parlement qu'il revient de voter les lois. Il est quelque peu malsain que des matières soient réglées par des directives dont certaines sont peu connues et devraient à tout le moins être susceptibles de recours. Il cite l'exemple des méthodes particulières de recherche. Cette matière a longtemps été réglée par une circulaire du ministre de la Justice et il est heureux que le législateur soit entre-temps intervenu.

M. Mahoux rappelle que dans notre système constitutionnel, le ministre a un pouvoir d'injonction positive vis-à-vis du ministère public. L'injonction négative n'est pas autorisée. Or, il considère que l'aspect le plus choquant des directives de politique criminelle, c'est que, par des décisions politiques, elles peuvent aboutir à des injonctions négatives générales.

Le professeur Franchimont précise que les directives de politique criminelle ne s'appliquent pas aux juges d'instruction. Rien n'empêche une personne lésée, dans une matière où le parquet n'agirait pas, de se constituer partie civile. Cela démontre une fois de plus que le juge d'instruction est une garantie pour les citoyens.

M. Willems constate que l'insertion de directives dans la loi est une manière de procéder peu efficace et imparfaite.

L'intervenant ajoute que, dans la pratique, bon nombre des affaires portées en justice sont banales. Le juge est ainsi confronté à un fait et une sanction doit suivre (souvent, une suspension du prononcé). Le juge devrait disposer d'une plus grande liberté d'appréciation afin de rappeler le ministère public à ses responsabilités lorsque celui-ci soumet des affaires à caractère plutôt banal.

Mme Nyssens revient à l'article 19. De nombreuses personnes qui ont fait une déclaration de personne lésée ne savent pas que cette formalité ne correspond pas à une constitution de partie civile. Un travail important d'information doit être effectué vis-à-vis de ces victimes. Il faudrait peut-être utiliser, à l'article 19, alinéa 3, une autre notion que celle de personne lésée.

Le professeur Franchimont reconnaît le problème. Les services d'aide aux victimes devraient préciser aux personnes qui ont fait une déclaration de personne lésée qu'elles doivent se constituer partie civile si elles souhaitent obtenir des dommages et intérêts.

M. Hugo Vandenberghe estime qu'en cas de dommage l'on sollicite trop le droit pénal. On va criminaliser exagérément parce qu'il n'y a pas d'autre issue. De nombreux cas de dommage et de nuisance pourraient être adéquatement soumis au tribunal civil. Une criminalisation excessive conduit le parquet à devoir s'occuper de toutes sortes d'affaires mineures de nuisance.

En réponse à l'intervention de M. Willems, le professeur Franchimont fait remarquer que la proposition de code prévoit que la chambre du conseil peut statuer au fond, pour des affaires minimes, afin de ne pas encombrer les tribunaux correctionnels. De même, pour répondre à l'intervenant précédent, il signale qu'au niveau de l'instruction et de la constitution de partie civile, le ministère public a la possibilité d'aller directement devant la chambre du conseil. L'orateur est conscient que ces modifications risquent de susciter de nombreuses réactions.

Le professeur Vandeplas déclare qu'en fait, les directives du ministre n'ont aucune valeur légale, ni pour le juge, ni pour le ministère public. Si le ministre décrète trop de directives de politique criminelle, il risque d'entrer en conflit avec le Parlement. En effet, si l'on considère qu'il est préférable de ne plus appliquer certaines lois, c'est au Parlement de les abroger et il n'appartient pas au ministre de prendre une directive à ce sujet.

L'intervenant estime également qu'il ne faut pas laisser au juge une trop grande marge d'appréciation quant à l'opportunité des poursuites, comme suggéré par M. Willems. Ce n'est pas au juge, mais au ministre ou au ministère public qu'il appartient de diriger la politique pénale. Il s'agit en fait d'une question politique.

L'intervenant renvoie à l'alinéa 1er de l'article 25 proposé, qu'il souhaite compléter par les mots « sauf avec l'accord de l'intéressé ». En effet, la personne arrêtée peut avoir intérêt à comparaître le plus rapidement possible devant le juge.

Le professeur Franchimont répond que l'article 21, alinéa 2, proposé est repris de la loi du 12 mars 1998 alors que l'article 25 de la proposition de loi reprend l'article 216quater du Code d'instruction criminelle relatif à la convocation par procès-verbal, introduit par la loi du 11 juillet 1994.

D'autre part, l'intervenant rappelle que l'on considère que la personne intéressée peut renoncer à un délai. Il n'est dès lors pas nécessaire de le préciser dans le dispositif du code.

Mme Nyssens constate que l'article 25, alinéa 2, est la première disposition de la proposition de loi qui fait référence au droit pour la personne suspectée de choisir un avocat. Afin de mieux garantir les droits de la défense, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone plaide pour une intervention plus rapide de l'avocat dans la procédure, comme cela existe d'ailleurs en France. La Commission pour le droit de la procédure pénale a-t-elle mené une réflexion sur ce point ?

Le professeur Franchimont répond qu'il n'est pas possible de faire intervenir l'avocat avant que la personne soit convoquée. Lorsqu'il y a détention préventive, l'avocat a la possibilité de voir son client dans les vingt-quatre heures. L'intervenant précise enfin que la technique de la comparution immédiate sur le procès-verbal est assez peu appliquée.

S'agissant de l'amende, le professeur Vandeplas propose de porter à six mois, au lieu de trois, le délai de paiement fixé à l'alinéa 2 de l'article 29, car les amendes sont très élevées. En cas de circonstances particulières, le délai serait alors porté à un an.

En ce qui concerne l'article 29, l'orateur précise que cet article, qui traite de la transaction, reproduit l'article 216bis du Code d'instruction criminelle.

Quant à l'article 30, il traite de la médiation pénale.

CHAPITRE 3

L'extinction de l'action publique (art. 31 à 37)

Art. 31

Le professeur Franchimont indique que cet article aborde notamment la question du délai raisonnable.

La Commission pour le droit de la procédure pénale estimait unanimement que le dépassement du délai raisonnable devait constituer une cause d'extinction de l'action publique.

Dans certains pays, le dépassement du délai raisonnable engendre l'irrecevabilité des poursuites. C'était également la thèse soutenue par le M. le procureur général Krings dans son avis rendu sous l'arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 1986 (Pas. 1987, I, nº 117). La Cour n'a cependant pas suivi les conclusions du procureur général.

L'orateur précise que l'irrecevabilité des poursuites peut engendrer des difficultés pour les parties civiles car elle a pour conséquence que l'action civile doit être diligentée devant une autre juridiction. Par contre, si l'on opte pour l'extinction de l'action publique, l'action civile reste entière devant la juridiction répressive.

L'orateur constate que de nombreuses instructions s'éternisent, sans raisons objectives. Il y a une tendance à vouloir « tout examiner » au cours de l'instruction et on ne se presse pas pour amener une affaire à l'audience. Or, il n'est pas raisonnable de juger quelqu'un après un délai qui ne l'est pas. Pour sortir de cette situation, il faudrait obliger de poursuivre dans un délai raisonnable.

Aux Pays-Bas, des délais sont prévus pour le renvoi d'une affaire devant une juridiction de fond. En Belgique, le législateur a, par la loi du 30 juin 2000, inséré un article 21ter dans le Titre préliminaire du Code d'instruction criminelle. Lorsque la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale. Bien qu'elle ne se rallie pas à la solution retenue par le législateur de 2000, la Commission pour le droit de la procédure pénale l'a reprise au § 2 de l'article 31. Le professeur Franchimont plaide pour une véritable réflexion sur la question du dépassement du délai raisonnable et pense que l'extinction de l'action publique est la sanction la plus adéquate.

M. Hugo Vandenberghe souligne que les délais de prescription ont été allongés, sous la pression de l'opinion publique. Du coup, un conflit surgit inévitablement avec le respect du délai raisonnable. Le problème qui se pose en l'occurrence est de savoir si, passé un certain délai, on peut encore véritablement se forger un jugement.

M. Coveliers déclare que la manière dont l'opinion publique perçoit les choses, le sentiment d'équité, peut entrer en conflit avec bien des conceptions juridiques. Le droit, l'équité et la jurisprudence peuvent être fort éloignés les uns des autres.

Si l'on maintient le délai raisonnable comme critère d'irrecevabilité de l'action du ministère public, ce dernier devra agir devant le tribunal après un an.

L'intervenant signale que dans le système néerlandais, après un an, le ministère public doit venir expliquer au tribunal pourquoi la procédure n'est pas poursuivie.

Le professeur Franchimont fait remarquer que la procédure de contrôle de l'instruction par la chambre des mises en accusation, prévue à l'article 136 du Code d'instruction criminelle et instaurée par la loi du 12 mars 1998, n'a pas atteint son objectif. Cette procédure est peu appliquée. Pour améliorer la situation, il faudrait permettre à la chambre des mises en accusation de donner des ordres au juge d'instruction.

M. Hugo Vandenberghe signale qu'aux Pays-Bas, la requête du ministère public est rejetée si le délai raisonnable n'est pas respecté.

En outre, toujours aux Pays-Bas, on discute de l'idée d'exclure la prescription pour toute une série de délits, à savoir les crimes imprescriptibles. Le délai raisonnable commence alors à courir à partir du moment où le ministère public peut intervenir et non à compter du jour où l'infraction a été commise.

Mme de T' Serclaes pense que l'option prise ces dernières années d'allonger les délais de prescription va dans une mauvaise direction. Cela donne l'impression que les enquêtes peuvent se prolonger indéfiniment et qu'il faut, avant de clôturer un dossier, que toutes les questions aient trouvé réponse. Elle pense que la justice n'est pas faite pour résoudre tous les problèmes et qu'il faut être plus réaliste et raisonnable.

Le fait que les instructions s'éternisent n'est pas dans l'intérêt de la victime, car elle ne parvient pas à faire son deuil. C'est également une mauvaise chose pour les auteurs et les personnes suspectées car leur vie reste en suspens aussi longtemps que le dossier n'est pas clôturé. Ces personnes peuvent être véritablement « cassées » par une instruction.

Le professeur Franchimont signale que c'était également l'opinion de M. le procureur général Krings.

M. Hugo Vandenberghe pense qu'il y a peu de chances que l'on puisse raccourcir les délais de prescription. L'opinion publique y verrait une manoeuvre destinée à étouffer les affaires.

Le délai raisonnable est un autre problème. On dispose toutefois d'une certaine marge en ce qui concerne le début de ce délai. Celui-ci peut en effet commencer à courir un autre jour que celui où l'infraction a été commise, par exemple le jour de l'inculpation du prévenu. En outre, on pourrait examiner comment dynamiser le système du délai raisonnable. On pourrait passer à un système graduel dans lequel la chambre des mises en accusation pourrait lancer des « signaux d'alarme » et où l'extinction de l'action publique pourrait être envisagée si l'instruction ne se poursuit toujours pas.

L'intervenant aimerait connaître les raisons pour lesquelles le « bargaining », c'est-à-dire la négociation de la peine, est rejeté a priori. Cette technique est appliquée dans les systèmes juridiques des pays anglo-saxons et scandinaves et elle permet d'accélérer le traitement des affaires pénales dans un délai raisonnable. De plus, le problème du huis clos en raison des actes d'instruction complémentaires requis ne se pose plus.

Le professeur Franchimont estime que la technique du « plea bargaining » utilisée aux États-Unis a un côté gênant car cela aboutit à une négociation dans une matière d'ordre public. Il serait cependant possible d'élargir les conditions d'application de l'article 29 de la proposition de code, relatif à la transaction. La transaction, qui est une convention bilatérale visant à l'extinction de l'action publique, se rapproche de la négociation d'accords évoquée par le préopinant.

Le professeur Franchimont demande si la volonté est d'introduire dans notre système juridique la technique du « plea bargaining ». Il met en garde contre les dérives auxquelles ce système d'accord peut aboutir. Dans un dossier de corruption impliquant le vice-président Spiro-Agnew, à la suite d'un accord, seules les préventions de fraude fiscale ont été retenues. Une peine réduite a été prononcée et tout le volet « corruption » du dossier est passé à la trappe, ce qui a suscité un immense scandale.

M. Hugo Vandenberghe précise que si l'on veut introduire le « plea bargaining », il faut prévoir des conditions qui garantissent que l'action publique n'est pas exercée de manière aléatoire ni disproportionnée.

Il signale que cette technique est également appliquée dans les pays scandinaves. Elle offre des avantages évidents dans des affaires très complexes pour lesquelles des instructions très longues sont nécessaires.

L'intervenant évoque le cas de la grande fraude boursière en France. Le procureur de Californie a négocié avec le gouvernement français les conditions de l'extinction de l'action publique à l'encontre de quelques grands chefs d'entreprise français, sans préjudice, évidemment, de l'action civile.

Le professeur Franchimont se dit réservé quant à l'introduction d'un système dans lequel on plaide coupable. Cela n'est possible que si certaines garanties sont respectées, notamment la présence d'un avocat. Dans un tel scénario, il ne reste que la question de la peine sur laquelle une transaction peut intervenir. Quoiqu'il en soit, la transaction ne peut jamais porter sur le fait criminel lui-même.

En cour d'assises, l'on pourrait imaginer, dans une procédure où l'accusé plaide coupable, qu'il ne faut plus faire entrer le jury. Les débats porteraient uniquement sur la question de la peine. Des témoins pourraient être entendus pour savoir mieux apprécier la gravité de la faute. Cela permettrait de raccourcir les procès.

Le professeur Franchimont rappelle que la Commission pour le droit de la procédure pénale était favorable à la suppression de la cour d'assises mais qu'elle n'a pas été suivie sur ce point.

Mme de T' Serclaes demande si d'autres pays européens de droit continental appliquent le « plea bargaining ». L'oratrice trouve que ce système offre l'avantage de responsabiliser les personnes par rapport aux actes qu'elles ont commis. Cela leur permet également de reconnaître leurs erreurs, de payer pour celles-ci et ensuite de reconstruire leur vie.

Le professeur Franchimont pense qu'un large débat doit être mené sur les articles 29 et 30 de la proposition de code.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'il est possible, au Danemark, de plaider coupable. Introduire une telle possibilité en droit belge n'est possible qu'avec un large soutien parlementaire car cette question a une dimension éminemment politique.

Mme Nyssens constate que l'article 30 de la proposition de code ne tient pas compte de la loi du 17 avril 2002 instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police. Elle renvoie notamment au § 1er, alinéa 4, qui prévoit la possibilité de faire exécuter un « travail d'intérêt général ». Or, depuis la loi du 17 avril 2002, il n'est plus possible de proposer un travail d'intérêt général au stade de l'instruction, ce qui a d'ailleurs suscité de nombreuses critiques. Il faudra adapter le texte sur ce point.

Le professeur Franchimont répond que la loi sur la peine de travail est postérieure à la rédaction de l'article 30 par la Commission pour le droit de la procédure pénale.

Art. 32 à 37

Le professeur Franchimont déclare, à propos de l'article 32, que les alinéas 1er et 2 de cette disposition rappellent les délais de prescription.

Quant aux alinéas 3 et 4, qui font l'objet de contestations de la part du collège des procureurs généraux et de l'OBFG, ils sont ainsi libellés:

« En cas de concours d'infractions, la prescription est régie pour chacun des faits pris isolément et suivant les délais propres à chaque qualification.

En cas de faux et d'usage de faux, le délai de prescription commence à courir à partir de la perpétration du faux et de chaque usage pris isolément, sauf si la loi en dispose autrement. »

Le professeur Franchimont rappelle la différence entre concours idéal d'infractions, concours matériel d'infractions, et infraction collective.

En ce qui concerne le concours matériel d'infractions, il y a accord sur la solution consistant à prendre en considération chaque fait isolément pour apprécier la prescription.

Pour le concours idéal d'infractions, aucun problème ne se pose puisqu'il s'agit du même fait qui constitue plusieurs infractions.

Par contre, en ce qui concerne l'infraction collective, on peut remonter des années en arrière, pour ne prononcer qu'une seule peine.

Selon la jurisprudence, il ne peut pas y avoir, entre deux faits, un temps égal à la prescription.

Sur le plan de la sécurité juridique, la commission a estimé qu'il vaudrait mieux, dans les trois cas, calculer la prescription à partir de chacun des faits.

Cela n'entrave cependant pas l'application de l'article 65 du Code pénal, qui prévoit l'application d'une seule peine.

Une loi récente prévoit que, si des faits antérieurs ont été oubliés, on n'invoque plus l'absorption ou la chose jugée, mais qu'on peut revenir sur ces faits antérieurs, en tenant compte de la peine qui a été prononcée.

Il faut garder à l'esprit la distinction entre, d'une part, les faits et leur prescription et, d'autre part, la peine.

L'orateur souhaite que l'on évite des délais trop longs, qui engendrent une insécurité juridique.

En ce qui concerne le faux et l'usage du faux, il rappelle que, selon la jurisprudence actuelle, tant que le faux produit des effets, et s'il n'y a pas de rupture d'usage (c'est-à-dire tant qu'il n'y a pas d'inculpation ni de confiscation de la pièce), le faux est imprescriptible. Cela crée aussi une insécurité juridique considérable.

Certains juges considèrent même que le seul fait d'avoir invoqué, pour se défendre, un document susceptible d'être un faux, constitue un usage de faux.

L'orateur estime qu'il s'agit d'une situation dangereuse, à laquelle il faut remédier.

L'OBFG propose pour sa part de n'appliquer la solution qu'au concours matériel et au concours idéal, à l'exclusion de l'infraction collective.

Sur ce point, l'orateur rappelle qu'il faut distinguer la prescription des faits et la peine appliquée.

M. Mahoux estime qu'il faut poser, de façon générale, la question de savoir à qui sert la prescription: est-elle utile à la société ou à l'auteur du délit ?

Le problème n'est pas que certains faits deviennent imprescriptibles, mais que l'on prend tout son temps parce qu'ils le sont.

Certains délits sont rendus imprescriptibles par la loi en raison de leur gravité. Cela est compréhensible.

Pour le surplus, il faut plutôt prendre les mesures nécessaires pour qu'un jugement puisse être rendu dans un délai raisonnable, au lieu de régler la longueur de la procédure en fonction de la prescriptibilité du fait.

L'intervenant rappelle que le citoyen considère généralement que la prescription et la procédure sont là pour permettre au coupable d'échapper à la sanction.

Il faut éviter de renforcer ce point de vue, et délivrer un message pédagogique montrant qu'il n'en est pas ainsi.

M. Coveliers estime que le problème évoqué par M. Mahoux n'est pas d'ordre technique mais qu'il découle seulement d'une certaine conception du système de la prescription. Le préopinant souhaite nuancer quelque peu l'intervention de M. Mahoux. Il y a des systèmes où la prescription n'existe pas. C'est le cas du système anglais, par exemple, où cette absence a pour conséquence que les délits peuvent être poursuivis sans limite de temps.

En fait, la raison d'être principale du système de la prescription est l'idée que la peine doit amener celui qui a enfreint la norme à la respecter de nouveau. Dans le régime pénitentiaire aussi, le rapport Dupont pose comme principe que l'auteur de l'infraction doit s'adapter à la société. Dans cette optique, il faut maintenir la prescription. Si l'auteur ne se rend pas coupable d'autres faits dans un délai donné, il n'y a en fait pas de raison d'intervenir encore. Certes, un certain nombre de faits sont quasiment imprescriptibles, comme par exemple les délits sexuels commis envers des enfants, pour lesquels le délai ne commence à courir qu'à partir du jour où la victime atteint l'âge de 18 ans.

L'intervenant se réjouit qu'il soit mis un terme au débat sur la prescription des délits de faux en écriture. Selon lui, il est injuste que l'utilisation d'un faux par un tiers ait un effet sur la prescription alors que l'auteur du faux a depuis longtemps déjà regretté son acte.

L'intervenant ne voit pas non plus très bien quel lien il y a entre le délai de prescription et la durée des procédures.

Il est d'avis que les articles relatifs à la prescription sont bien formulés. On y précise à juste titre la différence avec le délai raisonnable, lequel est fondé sur les droits de l'homme.

Le professeur Vandeplas prend l'exemple d'une personne qui exerce une profession avec un faux diplôme. En réalité, elle fait un usage passif du diplôme et reste donc punissable pour des faits qui remontent à, mettons, trente ans.

Selon M. Hugo Vandenberghe, la personne qui exerce une profession avec un faux diplôme en fait un usage permanent et, de ce fait, la prescription ne commence pas à courir.

L'intervenant évoque également le cas des déclarations fiscales. Dans la proposition, la prescription commence à courir au moment où l'impôt a été établi.

Répondant à M. Mahoux, le professeur Franchimont souligne que la prescription ne vise pas à servir les intérêts d'une personne, mais ceux de la justice.

L'idée qui la sous-tend est qu'au bout d'un certain temps, et en fonction de la gravité des faits, il faut avoir égard à la fragilité des preuves (et notamment des témoignages), et qu'il n'est pas nécessairement bon de réactiver un remous social après de nombreuses années.

Comme le disait M. Braas, « la prescription, c'est l'oubli pénal complet ».

Certains mécanismes, comme le doublement du délai après un acte interruptif, et le point de départ de la prescription fixé à la majorité pour les infractions de mœurs, permettent déjà d'aller fort loin.

Il faut rappeler que les alinéas 3 et 4 de l'article 32 ne concernent que deux cas précis: l'infraction collective, et le faux en écriture.

Supposons qu'un petit commerçant fasse une banqueroute. Il risque d'être poursuivi et condamné quinze ans plus tard pour un faux, pour lequel il n'y a pas eu de rupture d'usage.

Voici un autre exemple: une personne consulte un avocat, et expose qu'elle a repris une entreprise qui établit de faux bilans depuis des années. Or, un faux bilan est imprescriptible, puisqu'on reprend le bilan de l'année précédente.

Soit la personne dénonce les faux, avec la conséquence probable que la société ne s'en remettra pas, soit elle tente de redresser la situation, mais le faux se perpétue.

M. Mahoux reconnaît qu'un individu ne peut vivre perpétuellement sous l'épée de Damoclès pour un délit relativement mineur, pour lequel l'action publique peut être introduite quelle que soit la date des faits.

Ce qui choque, ce n'est pas que la prescription joue pour certains délits. Cela, le citoyen peut l'admettre. Mais une fois l'action publique mise en mouvement, il a l'impression que l'on peut jouer sur la procédure pour échapper à la sanction. À partir de ce moment, les conditions de prescription sont moins claires. Il continue à y avoir des acquittements sous le bénéfice de la prescription.

Mme de T' Serclaes ajoute qu'il arrive que l'action publique soit intentée, et qu'ensuite, il ne se passe plus rien, parfois pendant des années.

Cette situation est inacceptable, et peut causer un préjudice grave à la personne concernée. La justice doit pouvoir, à un moment donné, prendre position.

M. Coveliers pense qu'il faut donc veiller à ce que les enquêtes soient menées en temps utile. Cela va nécessiter pas mal d'investissements.

M. Hugo Vandenberghe renvoie au système néerlandais, où l'on demande 1400 juges supplémentaires.

M. Coveliers signale qu'aux Pays-Bas, l'enquête suit plus ou moins le système allemand où, dans le cadre d'une enquête, on procède tous les trois mois à une analyse coûts-avantages.

L'intervenant ajoute que, pour l'inculpé, le dommage dépend dans une large mesure de la manière dont l'enquête est menée. Si les enquêtes traînent en longueur, sans que l'on procède à des arrestations et à des saisies spectaculaires, ce dommage ne sera pas bien grand. L'intervenant maintient son point de vue selon lequel après un certain laps de temps, il faut pouvoir oublier les infractions.

Mme Nyssens observe que le texte de l'article 32 ne parle que du concours d'infractions, sans autre précision.

Cela signifie-t-il que le texte vise l'ensemble des cas de concours possibles ? Ne faut-il pas préciser la formule ?

Par ailleurs, cette proposition est-elle plus favorable ou moins favorable au prévenu ?

Le professeur Franchimont répond qu'elle est à la fois favorable et défavorable au prévenu. C'est surtout l'infraction collective qui est visée. En effet, comme déjà indiqué, le concours idéal suppose un même fait, et ne soulève donc pas de problème. Quant au concours matériel, on considère, aujourd'hui déjà, chaque fait séparément.

Pour l'infraction collective, le texte est favorable au prévenu parce que l'on ne peut plus revenir des années en arrière.

Il est par contre défavorable parce que l'on appliquera peut-être des peines séparées, pour chacun des faits, à défaut d'unité d'intention.

L'orateur rappelle qu'il faut distinguer le problème de la prescription de celui de l'article 65, qui n'est pas modifié.

Il signale qu'une partie de la doctrine considère qu'à partir du moment où l'on peut revenir en arrière pour des faits qui n'auraient pas été visés, l'infraction collective n'existe plus.

L'idéal serait de considérer chaque fait séparément pour la prescription et, si certains faits ne sont pas prescrits, de n'appliquer qu'une seule peine.

Une intervenante a également fait état de ce qu'on pouvait rester sans nouvelles pendant des années d'une affaire mise à l'instruction.

Cela est vrai aussi de certaines informations, où l'on reçoit brutalement une citation à comparaître, sans avertissement.

M. Mahoux convient que cette situation est inacceptable, mais estime qu'il ne faut pas utiliser la prescription pour résoudre ce problème, et pour sanctionner, en quelque sorte, celui qui a tardé à informer ou à instruire.

Le professeur Franchimont répond que tel n'est pas le but poursuivi. Il s'agit avant tout d'éviter que des personnes vivent indéfiniment dans l'incertitude du sort que la justice va leur réserver, avec toutes les conséquence que cela suppose sur le plan personnel et professionnel.

M. Mahoux s'accorde avec ce dernier objectif, mais reste d'avis que la méthode utilisée n'est pas adéquate, car elle ne règle pas le fond du problème, qui se situe au niveau de l'information ou de l'instruction.

M. Coveliers fait remarquer que bien souvent, l'enquête ne débute que longtemps après les faits. Il faut éviter de décourager les enquêteurs d'encore instruire certaines affaires si celles-ci sont mises au jour peu de temps avant l'expiration du délai de prescription. L'intervenant estime néanmoins qu'après un certain temps, on doit pouvoir accepter que les faits sont prescrits et que l'on peut les oublier.

Le professeur Franchimont précise que les articles 33 et 34 ne contiennent aucun élément nouveau.

En ce qui concerne l'article 35, la commission n'a pas eu le temps matériel de reprendre la loi du 16 juillet 2002 qui en revient à la prescription ordinaire et abroge la loi « Securitas ».

Elle se réjouit de ce que l'article 3 de cette loi remplace l'article 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale en le clarifiant.

Enfin, les articles 36 et 37 reprennent quant à eux un texte existant.

Le professeur Vandeplas renvoie à l'article 36, alinéa 2: « lorsque l'infraction se prescrit par un délai de moins de six mois, ... ». L'article 32, par contre, dispose que l'action publique est prescrite après dix ans, cinq ans ou six mois. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

Le professeur Franchimont répond qu'il n'y a plus guère de cas de prescription de moins de six mois. On la rencontrait essentiellement en matière de chasse et de droit de réponse.

Le titre préliminaire du Code de procédure pénale prévoyait que, dans ce cas, on devait procéder à l'interruption dans les trois mois, jusqu'à un an, sans dépasser un an.

On conserve ce système.

Mme Nyssens demande quand la suspension prend fin, et s'il faut le préciser dans le texte.

Le professeur Franchimont répond que, si l'on supprime les causes de suspension de la loi « Securitas », il ne reste que l'obstacle légal (ex. un pourvoi en cassation). Quand cet obstacle est levé, la suspension prend fin.

M. Hugo Vandenberghe signale que l'immunité parlementaire a été modifiée. On peut accomplir des actes de poursuites à l'encontre d'un parlementaire, il peut faire l'objet d'une information et il peut être mis en accusation. Pour l'assigner, par contre, l'assentiment de la Chambre concernée est requis.

Si la Chambre refuse la levée de l'immunité parlementaire, l'action civile prend-elle fin ou est-elle suspendue ?

Le professeur Franchimont répond que lorsque le parlementaire perd cette qualité, il peut à nouveau être poursuivi.

Si l'assemblée refuse la levée de l'immunité parlementaire, la qualité de parlementaire constitue un obstacle légal.

M. Hugo Vandenberghe trouve le cas intéressant. Jadis, les actes de poursuite et de mise en accusation n'étaient pas possibles sans levée de l'immunité parlementaire.

Le professeur Franchimont précise que, même pendant ce temps, le parquet peut poser des actes interruptifs de prescription s'il est toujours dans le premier délai.

Le professeur Vandeplas fait observer qu'il en va de même lorsqu'une affaire est pendante au Conseil d'État. Le juge estime alors qu'il ne peut pas statuer en matière pénale avant que le Conseil d'État ou la Cour d'arbitrage ne se soit prononcé.

Le professeur Franchimont le confirme.

Dans le Code d'instruction criminelle, on citait trois cas: les questions préjudicielles, la diffamation et la calomnie, et la vérification d'écritures.

L'orateur estime préférable de ne pas énumérer les obstacles légaux, d'autant plus que cette liste peut évoluer au fil du temps.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que s'il s'agit d'une question préjudicielle, le juge du fond n'est pas tenu de la poser. On peut soutenir que ce n'est pas un obstacle légal parce que le juge a la possibilité d'agir, sans y être forcé. En l'occurrence, on dit que le juge a transféré sa compétence sur une question de droit à un autre juge sans épuiser sa juridiction et on considère donc qu'il y a un obstacle légal.

M. Coveliers renvoie à l'article 35, 1º, quatrième tiret. On devrait dire clairement qu'il n'y a pas de contradiction entre cette disposition et celle du 2º du même article. Les quatre exceptions prévues aux différents tirets ne s'appliquent qu'au 1º. Pourquoi pas au 2º ? Le délai d'un an prévu au quatrième tiret est-il suspendu par la demande de question préjudicielle et, dans l'affirmative, quand ce délai recommence-t-il à courir: le jour de l'arrêt de la Cour d'arbitrage ou le jour de la fixation devant le juge pénal ?

Le professeur Vandeplas répond qu'en général, la suspension court jusqu'au moment où le tribunal ou la cour prend connaissance de la décision (du Conseil d'État ou de la Cour européenne de Luxembourg ou de Strasbourg).

Le professeur Franchimont rappelle que le texte n'est plus adapté et doit être supprimé. Seul l'alinéa 1er, relatif à l'obstacle légal, devrait subsister.

Selon M. Coveliers, on va se trouver confronté à des discussions sur la portée exacte de l'obstacle légal.

L'intervenant demande par ailleurs ce que l'on entend exactement, à l'article 37, par « les dispositions qui précèdent ».

Le professeur Franchimont confirme que l'on renvoie par là uniquement au chapitre 3.

La ministre fait observer que, sur le plan légistique, il est préférable de viser des articles précis.

Le professeur Vandeplas demande si l'article 37 s'applique également aux mineurs.

Le professeur Franchimont le confirme.

Le professeur Vandeplas observe que cet article ne concerne pas les mineurs.

M. Coveliers se demande s'il faut mentionner explicitement les mineurs dans l'article en discussion. On pourrait se référer à la loi relative à la protection de la jeunesse. Il faut également vérifier si les dispositions à l'examen sont compatibles avec la loi relative à la protection de la jeunesse.

TITRE II

L'action civile

Art. 38

M. Mahoux fait observer que la formulation de cet article ressemble plutôt à celle d'une disposition déontologique.

Le professeur Franchimont répond que cette formule figure déjà dans l'article 5 de la loi du 12 mars 1998, qui avait été ajouté à l'initiative du ministre de la Justice de l'époque.

L'orateur s'accorde avec l'idée que l'obligation d'un traitement correct et consciencieux ne vaut pas seulement à l'égard des victimes et de leurs proches, mais à l'égard de tous.

Le professeur Vandeplas se rallie également à cette idée.

M. Hugo Vandenberghe fait observer que la formule utilisée se justifie sans doute par le fait que l'on traite ici de façon spécifique de l'action civile.

L'intervenant s'accorde à dire qu'à première vue, ces définitions ne semblent pas apporter grand-chose. Mais on sait par expérience que de telles définitions peuvent parfois servir à résoudre des problèmes auxquels le législateur n'avait pas pensé. Cela a par exemple été le cas des phrases liminaires purement déontologiques ou littéraires de certaines dispositions du Code civil. Ces dispositions ont donc parfois leur utilité.

Mme de T' Serclaes estime qu'il serait intéressant de pouvoir évaluer le fonctionnement sur le terrain de cette disposition, et en particulier de son dernier alinéa.

Mme Nyssens fait observer qu'il faudrait remplacer les termes « le ministère de la Justice » par les mots « le service public fédéral Justice ». Elle se demande en outre si les assistants de justice sont limités aux membres du personnel du service des maisons de justice.

M. Coveliers fait référence au dernier alinéa. Cette disposition est-elle conforme à la réglementation récente relative à l'intégration verticale du ministère public ? La proposition fait la distinction entre les assistants de justice, qui assistent le magistrat compétent, et les agents du Service des maisons de Justice. Quelle est la distinction correcte ?

Le professeur Franchimont rappelle que l'on a repris sur ce point le texte existant.

Mme Nyssens pense que l'on vise aussi les conseillers adjoints près les cours d'appel, qui sont des acteurs privilégiés dans l'accompagnement des victimes.

CHAPITRE 1er

La personne lésée (art. 39 à 42)

Le professeur Franchimont indique que l'article 39 reprend une disposition figurant dans la loi du 12 mars 1998, où elle avait été insérée par voie d'amendement.

La commission n'avait pas eu le temps d'examiner, à ce moment, la question du contrôle du procureur du Roi.

C'est à l'article 40, alinéa 3, que l'on pourrait donner suite à la suggestion d'un membre, et prévoir que l'on indique à la personne lésée qu'elle peut se constituer partie civile.

L'article 40, dernier alinéa, est nouveau. Il précise que « la personne ayant fait une déclaration de personne lésée peut, à tout moment, informer le procureur du Roi, dans une des formes mentionnées à l'article 39, qu'elle ne souhaite plus recevoir l'information visée à l'alinéa précédent. »

L'article 41 est également tout à fait nouveau. On craint en effet que certaines personnes se présentent à tort comme des personnes lésées.

C'est pourquoi l'article instaure un contrôle du procureur du Roi.

Il prévoit également que la personne qui se verrait refuser la qualité de personne lésée, peut néanmoins se constituer partie civile ou faire une citation directe.

Quant à l'article 42, il est tiré de la loi récente sur les confiscations.

M. Mahoux demande confirmation de ce que le ministère public ne peut pas, en l'état actuel des choses, dénier la qualité de personne lésée en fonction de l'appréciation qu'il fait du dommage.

Le professeur Franchimont le confirme.

Il faut toutefois qu'il y ait un dommage, qui peut être moral.

Il faut également un intérêt personnel, distinct de l'intérêt général.

Mme de T' Serclaes s'interroge sur la portée de la distinction faite, à l'alinéa 2 de l'article 39, entre le procureur du Roi et son secrétariat.

Le professeur Franchimont répond que l'on ne peut pas s'adresser à chaque fois au procureur pour une demande d'accès au dossier.

M. Coveliers est d'avis qu'il faut conserver cette possibilité. Le secrétariat se situe à l'intérieur du palais de justice et, dans chaque palais de justice, il y a du reste quelqu'un qui est chargé de fournir des « informations ».

Mme de T' Serclaes observe qu'à l'article 41, on met sur le même pied la télécopie et la lettre recommandée.

L'intervenante signale qu'elle avait constaté avec étonnement la manière assez compliquée dont avaient été traduites en pratique certaines dispositions du « petit Franchimont », en particulier celles relatives à la copie que l'on doit recevoir lorsqu'on fait une déclaration à la police.

Ne risque-t-on pas d'assister ici au même phénomène ?

Le professeur Franchimont répond que, la plupart du temps, les particuliers auront fait la déclaration par lettre recommandée, tandis que les avocats procéderont par télécopie.

Pour le surplus, l'orateur reconnaît avoir été surpris, comme la précédente intervenante, par le formalisme que l'on attache à une loi qu'il pensait assez claire.

M. Coveliers fait référence à l'article 39, alinéa 3, qui précise les données à mentionner sur la déclaration. Que se passe-t-il si ces données n'y figurent pas ? Les avocats oublient souvent de les indiquer. Le procureur peut-il opposer un refus si la déclaration est incomplète ?

Le professeur Franchimont répond que le texte a été repris du projet de M. Bekaert.

L'orateur estime peu vraisemblable qu'une déclaration soit considérée comme nulle parce que la mention de certaines données personnelles aurait été omise. Par contre, la mention de la nature du dommage et de l'intérêt personnel lui semblent plus importants.

M. Coveliers voudrait éviter que le procureur n'invoque la nullité de la déclaration parce que la date de naissance du client, par exemple, ne serait pas mentionnée.

M. Hugo Vandenberghe confirme qu'il s'agirait là d'une sanction disporportionnée.

Le professeur Franchimont souligne que le procureur doit répondre sans attendre.

M. Willems trouve effectivement que le texte est assez formaliste, contrairement à la pratique. La décision du procureur indiquant que l'intéressé n'a pas d'intérêt à intervenir est-elle notifiée dans les huit jours ?

Le professeur Franchimont confirme que le délai est de huit jours à dater de la décision.

Mme de T' Serclaes demande s'il est vraiment opportun de faire encore figurer la profession parmi les données à fournir.

M. Hugo Vandenberghe observe que cela permet de situer l'identité d'une personne.

Le professeur Franchimont souligne que la profession peut aussi être l'un des éléments du dommage.

Le professeur Vandenplas est d'avis qu'un problème se pose si le parquet n'avertit pas la partie lésée que l'affaire va être jugée. Dans ce cas, la partie lésée ne peut pas se constituer partie civile. Son statut se réduit alors à une coquille vide. Ce statut est trompeur. Que se passe-t-il si la partie lésée n'est pas avertie ? Ne faut-il pas prévoir une sanction en l'espèce ?

Le professeur Franchimont répond que l'obligation d'information figure à l'article 40, alinéa 3.

M. Hugo Vandenberghe pense que le juge de première instance contrôlera les pièces et vérifiera donc aussi si la personne lésée a été avertie.

Le professeur Vandenplas estime que, dans ce cas, cela devrait figurer expressément dans la loi.

M. Coveliers fait remarquer que la déclaration de la personne lésée est reçue au secrétariat du parquet. Comment un magistrat d'audience peut-il contrôler cela ?

M. Hugo Vandenberghe répond qu'on doit trouver trace de la partie lésée dans le dossier.

CHAPITRE 2

La partie civile (art. 43 à 49)

Le professeur Franchimont signale que selon l'article 43, alinéa 2, si une partie civile se désintéresse de son affaire, le ministère public peut ramener celle-ci à l'audience pour vider le problème.

Cette solution existe déjà dans la jurisprudence.

À l'article 46, une disposition nouvelle prévoit que l'exercice de l'action civile peut être suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.

Il a déjà été dit qu'il n'y avait plus d'autorité absolue de la chose jugée vis-à-vis des parties non présentes au procès. Dans la mesure où l'autorité de la chose jugée est une présomption juris tantum, il n'y avait pas de raison de maintenir le principe selon lequel le criminel tient le civil en état.

L'OBFG objecte que pour ceux qui ont été parties au procès, l'autorité de la chose jugée joue.

Le législateur doit en tout cas trancher le point de savoir s'il faut ou non maintenir le principe selon lequel le criminel tient le civil en état.

M. Mahoux demande quel est l'argument fondamental qui justifierait sa suppression.

Il constate qu'une nouvelle fois, on déroge à un principe par ce qu'au pénal, on n'est pas en mesure de juger dans un délai raisonnable.

Selon M. Coveliers, le régime proposé est positif. En effet, le principe selon lequel le criminel tient le civil en état a souvent été utilisé abusivement.

Le professeur Franchimont souligne que le délai n'est pas le seul élément en cause, mais que certains plaideurs font parfois aussi preuve de mauvaise foi. Ainsi, par exemple, supposons que le détenteur d'une traite acceptée assigne devant le tribunal de commerce.

L'adversaire prétend qu'il s'agit d'un faux, et dépose plainte de ce chef, puis se constitue partie civile entre les mains du juge d'instruction.

De cette façon, il bloque la procédure civile.

M. Mahoux envisage le cas inverse, où le juge civil statue le premier, la décision pénale intervenant ultérieurement. Que se passe-t-il si les deux décisions sont contradictoires ?

Le professeur Franchimont fait observer que cela est déjà possible actuellement, lorsqu'un jugement est rendu au civil, et qu'une plainte au pénal est déposée ultérieurement.

Il faut en tout cas faire preuve de prudence.

Si, par exemple, un avocat est suspecté de détournement, il serait dangereux de le condamner de ce chef sur le plan disciplinaire. Il faudra trouver une motivation différente, par exemple le fait qu'il n'a pas tenu correctement sa comptabilité.

M. Hugo Vandenberghe rappelle qu'en matière de responsabilité médicale, la Cour de cassation a, au début des années 90, fait une distinction entre la violation par le médecin de son devoir d'information et les coups et blessures involontaires, alors que le fait était identique (en l'occurrence, un objet avait été oublié dans le ventre du patient lors d'une opération).

La Cour a considéré que le devoir d'information était une obligation civile, indépendante de l'infraction de coups et blessures involontaires, de sorte que le médecin pouvait être condamné au civil, indépendamment de la procédure pénale.

Le texte proposé ne prévoit qu'une possibilité, et a pour objectif d'éviter les procédures dilatoires.

Cependant, lorsqu'il y a unité de la faute civile et de la faute pénale, le juge civil ne peut, selon l'orateur, que reporter le traitement de l'affaire jusqu'à ce que la cause pénale soit tranchée.

Reprenant l'hypothèse de la lettre de change, le professeur Franchimont indique qu'en cas de contradiction totale entre les deux décisions, par exemple si le tribunal de commerce reconnaît la validité de la lettre de change, et qu'une décision pénale ultérieure déclare qu'il s'agit d'un faux, il reste la possibilité de la requête civile.

Le professeur Vandenplas est d'avis que la règle proposée peut donner lieu à un grand nombre de révisions.

M. Hugo Vandenberghe demande si M. Vandeplas est donc favorable au maintien du principe selon lequel le criminel tient le civil en état.

Le professeur Vandenplas répond par l'affirmative, à la condition du moins qu'il s'agisse des mêmes faits.

M. Coveliers est d'avis qu'il faut faire une distinction. Si le fond de l'affaire est clair pour le juge civil, ce dernier doit pouvoir décider.

Mme Nyssens renvoie aux rapports d'activités des cours d'appel qui, pour la plupart, souhaiteraient la création de chambres civiles auxquelles on pourrait transférer le contentieux civil non vidé au pénal.

L'intervenante se demande cependant qui prend l'initiative dans le cadre de l'article 46.

Le professeur Franchimont répond que le juge civil suspend s'il l'estime nécessaire, ou statue.

M. Mahoux demande si le système proposé est plus ou moins favorable aux parties civiles. Comment résout-on la contradiction lorsqu'il y a indemnisation au civil, puis acquittement au pénal, ou débouté au civil et condamnation au pénal ?

M. Coveliers souligne qu'il faut faire une distinction entre le fondement juridique civil, sur la base duquel une action peut être intentée, et le fondement juridique pénal. Il arrive qu'une personne ne se constitue pas partie civile parce qu'elle pense qu'il y aura acquittement au pénal. Elle préférera dans ce cas entamer une procédure civile. Le juge civil est alors au courant qu'une procédure pénale est en cours et il fondera sa décision sur des éléments civils. Si un acquittement intervient ultérieurement, il n'y aura donc aucune raison de modifier le jugement en question.

M. Hugo Vandenberghe partage ce point de vue. Dans le cadre d'une action civile, l'avocat de la victime n'a des chances d'avoir gain de cause que s'il peut démontrer clairement que le fondement juridique sur lequel il s'appuie diffère de la qualification pénale potentielle.

Le professeur Franchimont le confirme.

À l'heure actuelle déjà, on a recours au référé-provision. En cas d'accident mortel, par exemple, si le dossier répressif démontre que la compagnie d'assurances est responsable, et que l'affaire traîne au pénal, on peut demander le paiement d'une provision pour le conjoint survivant, dans le cadre d'un référé-provision.

M Hugo Vandenberghe fait observer qu'il peut arriver exceptionnellement qu'après dix ou quinze ans, un fait nouveau survienne dans une affaire civile, par le biais d'une personne qui n'était pas partie au procès.

La tierce opposition au civil est possible pendant trente ans.

Mme de T' Serclaes suggère d'entendre le professeur Dalcq sur ce point.

L'intervenante demande également si les termes « toute personne lésée par l'infraction », figurant à l'article 46, visent la personne qui a fait une déclaration de personne lésée, ou sont utilisés dans un sens plus général.

Le professeur Franchimont répond que les termes en question n'ont pas ici le sens technique de « personne lésée ». On pourrait utiliser le mot « victime », mais il est très ambigu.

M. Mahoux estime qu'il faut éviter, par des règles nouvelles, de jeter la confusion sur la nature de l'indemnisation qui a été décidée. Cela ne facilitera pas la compréhension des procédures par le citoyen.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis que la proposition facilite les choses. La victime a clairement intérêt à citer directement au civil. Les débats montreront si une contradiction est susceptible d'apparaître entre l'action civile et une éventuelle instance pénale. Les victimes restent parfois sur la touche parce qu'elles n'ont pas prise sur l'affaire pénale. Le prévenu use alors de tous les moyens possibles pour ralentir la procédure et la victime doit prendre son mal en patience. À cet égard, l'intervenant fait référence au délai de prescription de 5 ans en ce qui concerne la responsabilité des pouvoirs publics. La partie lésée n'a que peu de moyens d'activer l'affaire sur le plan pénal.

M. Mahoux souligne que beaucoup d'actions sont intentées au pénal parce que les justiciables n'ont pas les moyens d'agir au civil.

Beaucoup d'assurances « défense en justice » refusent de couvrir les personnes pour des problèmes de cette nature.

M. Hugo Vandenberghe répond que ce problème existe, mais qu'il ne se pose pas dans le cadre de l'article en discussion et que sa solution ne dépend pas de l'application ou non du principe « le criminel tient le civil en l'état ».

M. Coveliers souligne que le principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » date d'une époque où l'on ne faisait guère de distinction entre la faute civile et la faute pénale. L'intervenant est convaincu que les compagnies d'assurances interviendront beaucoup plus rapidement avec cette nouvelle réglementation, dès lors qu'elles ne doivent pas reconnaître la faute pénale de leur assuré.

M. Vandenberghe déclare que la disposition à l'examen continuera d'être discutée au cours des auditions. Une règle de droit ne peut pas être trop absolue.

Le professeur Franchimont précise que la référence à l'article 25, figurant à l'article 46, vise l'hypothèse où l'on statue dans le cadre d'une médiation.

Dans ce cas, comme c'est déjà prévu aujourd'hui, on réserve d'office les intérêts civils.

En ce qui concerne l'article 47, il ne contient pas de nouveauté. Il concerne la manière de se constituer partie civile, selon que le juge d'instruction est déjà saisi ou pas.

Quant à l'article 48, il s'en déduit que la partie civile n'a pas à intervenir sur la question de la peine.

Enfin, l'article 49 énumère les droits de la partie civile.

Le professeur Vandeplas trouve exagérément formaliste, en cas de constitution de partie civile, l'obligation de mentionner à peine de nullité les nom, prénoms, lieu et date de naissance de la personne qui se constitue partie civile.

En outre, on ne prévoit rien pour le cas où la partie civile est une personne morale.

Le professeur Franchimont répond qu'il s'agit d'une nullité relative, qui peut être couverte.

M. Mahoux demande s'il y a lieu de prévoir dans le texte des règles spécifiques quant à la manière, pour une personne physique et une personne morale, de se constituer partie civile.

Le professeur Vandeplas fait remarquer qu'il n'est plus dit dans la loi qu'une consignation est nécessaire. Considère-t-on que l'on peut se porter partie civile sans consignation ?

Le professeur Franchimont répond que la consignation chez le juge d'instruction est réglée dans le Tarif criminel.

L'orateur précise qu'il n'est pas favorable à cette consignation, surtout lorsqu'elle n'est pas raisonnable.

M. Hugo Vandenberghe pense qu'il est important de savoir si l'on peut ou non exiger une garantie lors de la constitution de partie civile ou de la citation directe.

Le professeur Vandeplas craint que des parties n'ayant rien à voir avec l'affaire n'interviennent souvent, si cela ne coûte de toute façon rien. Il est vrai que des consignations exagérées sont parfois demandées, mais il ne faut pas perdre de vue que l'on peut interjeter appel devant la chambre des mises en accusation.

Le professeur Franchimont fait observer que la consignation ne concerne que la constitution de partie civile chez le juge d'instruction, et qu'il n'y a pas de consignation en cas de citation directe.

Le professeur Vandeplas répond qu'en cas de citation directe, la consignation est fixée par le président du tribunal. Ce sont des tarifs fixes et il y a peu de risques qu'ils soient exagérés.

M. Mahoux fait observer qu'à l'article 44, le texte français vise « celui qui » peut se prétendre personnellement lésé par l'infraction, alors que le texte néerlandais utilise le pluriel (« personen die beweren ... ».

CHAPITRE 3

La partie intervenante (art. 50 et 51)

Le professeur Franchimont indique qu'à partir du moment où l'on accepte l'action civile devant le juge répressif, il faut que ce soit une action complète.

L'orateur signale également que le collège des procureurs généraux a formulé une observation technique à propos de la référence aux articles 1026 et 1027 du Code judiciaire, figurant à l'article 51.

Sur le principe de l'intervention volontaire et forcée, le collège a marqué son accord, de même que l'OBFG.

CHAPITRE 4

Le civilement responsable (art. 52)

Le professeur Franchimont indique qu'une nouveauté a été introduite ici, qui est chaudement approuvée par le collège des procureurs généraux.

Jusqu'à présent, en effet, un prévenu ne pouvait en principe pas appeler à la cause son civilement responsable.

Or, cette présence peut s'avérer extrêmement utile.

C'est pourquoi l'article 52 instaure cette possibilité.

M. Hugo Vandenberghe se réfère à la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques. Cette loi dispose que l'agent qui est poursuivi au pénal peut contraindre la personne publique compétente à intervenir. La disposition à l'examen est une généralisation de cette règle.

Le professeur Vandeplas fait observer que jusqu'à présent, le législateur et la Cour de cassation ont toujours écarté la possibilité, pour le prévenu, de citer la partie civile en intervention. En effet, on ne voulait pas que le juge pénal se prononce sur des affaires ne relevant pas strictement du droit pénal. La disposition à l'examen va très loin.

M. Hugo Vandenberghe indique que dans la loi du 10 février 2003, on a appliqué, mutatis mutandis, l'article 1384, alinéa 3, du Code civil, à savoir la responsabilité du commettant pour les actes commis par le préposé. Si le préposé commettait une infraction, il ne pouvait pas citer le commettant, parce que le juge pénal n'était pas saisi en vertu de l'article 1384, alinéa 3.

M. Coveliers prend l'exemple d'un mineur d'âge qui allume un incendie. Les parents sont également cités et ils assignent l'assureur sur la base d'une police de responsabilité civile. La Cour de cassation a dit en l'espèce, dans un arrêt de 2003, que le juge pénal, en l'occurrence le juge de la jeunesse, pouvait très bien définir la relation assureur-commettant.

Le professeur Franchimont souligne qu'on ne sait pas toujours qui est le civilement responsable.

L'orateur cite le cas d'un policier qui, dans le cadre de sa fonction, avait donné un coup de pied à une personne détenue pour ivresse publique, lui causant un dommage sérieux.

Le problème était de savoir si c'était le bourgmestre qui était civilement responsable, ou si l'acte se plaçait dans le cadre judiciaire.

Le policier en question avait intérêt à savoir qui était le civilement responsable, étant donné l'importance des montants qui devaient être payés.

Le même genre de problème se pose en matière de prêt de main d'œuvre.

M. Hugo Vandenberghe considère que la citation, y compris dans l'exemple cité par M. Coveliers, vise alors à faire déclarer le jugement commun au civilement responsable, et non à condamner l'intéressé.

CHAPITRE 5

L'extinction de l'action civile (art. 53 et 54)

Le professeur Franchimont indique, à propos de l'article 53, que l'alinéa 1er est une disposition classique. L'alinéa 2 reprend la nouvelle disposition sur la prescription de l'action civile.

Quant à l'alinéa 3, il est ainsi libellé:

« Toutefois, les prescriptions spécifiques en matière sociale, commerciale ou fiscale sont d'application à partir de chacun des faits générateurs du dommage. »

M. Hugo Vandenberghe demande s'il en est ainsi sans préjudice de l'application des principes du concours idéal, de l'unité d'intention, etc.

Le professeur Franchimont répond que cette disposition est en relation avec le concours.

Quant à l'article 54, M. Coveliers fait observer qu'il doit être adapté de façon analogue à l'article 36, en remplaçant les mots « Les dispositions qui précèdent » par une référence aux dispositions du chapitre 5.

LIVRE III

Le procès pénal

TITRE Ier

L'information et la police judiciaire

CHAPITRE 1er

L'information (art. 55 à 63)

Le professeur Franchimont indique que certaines dispositions figurent déjà en partie dans la loi du 12 mars 1998.

L'article 55 ne comporte aucun élément nouveau.

Par contre, dans l'article 56, en ce qui concerne le procureur du Roi, les termes « droit général d'information » ont été remplacés par les mots « pouvoir général d'information », qui traduisent mieux l'idée d'action et ont une portée plus large.

Le même article prévoit également que « Sauf les exceptions prévues par la loi, les actes d'information ne peuvent, à peine de nullité, comporter aucun acte de contrainte ni porter atteinte aux libertés et aux droits individuels. Ces actes peuvent toutefois comprendre la saisie des choses citées aux articles 110 et 114, § 2. »

En dépit du souhait de certains, il ne s'agit ici que d'une nullité relative.

L'article 57, alinéa 1er, reprend l'ancien article 22 du Code d'instruction criminelle, et l'alinéa 2 reprend l'ancien article 28quater, alinéa 3, du même Code.

Cette disposition avait été discutée dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 12 mars 1998.

Par souci de cohérence, les termes « le droit d'information » devraient également être remplacés par les mots « le pouvoir d'information », comme à l'article 56.

L'article 58, alinéa 1er, reprend l'ancien article 28ter du Code d'instruction criminelle. L'alinéa 2 correspond à l'ancien article 26 de ce Code, tel que modifié par la loi sur la réforme des polices.

L'article 59 concerne la compétence territoriale. Au sein de la commission, certains auraient voulu que l'on donne une priorité quasi totale à cette compétence.

Dans les développements précédant la proposition, la commission précise qu'il est bien clair, à son avis, que le procureur du Roi du lieu de l'infraction est prioritairement compétent, puisque c'est là que l'on peut recueillir davantage de preuves.

Mme de T' Serclaes demande si l'article 59, alinéa 1er, n'est pas en contradiction avec la loi sur le parquet fédéral, où on prévoit une compétence dépassant le cadre d'un arrondissement.

Le professeur Franchimont répond qu'il n'y a pas de contradiction à cet égard. On pourrait envisager de renvoyer ici à la loi sur le parquet fédéral.

Dans la loi du 12 mars 1998 déjà, l'extension de compétence du procureur du Roi ou du juge d'instruction en dehors de son arrondissement était prévue.

L'article 59, alinéa 2, reprend d'ailleurs l'ancien article 23 du Code d'instruction criminelle, inséré par cette loi.

M. Mahoux demande si la priorité donnée au procureur du Roi du lieu de l'infraction ne doit pas figurer expressément dans le texte.

Le professeur Franchimont répond que, si le procureur du Roi du domicile est le premier saisi, il devrait alors se désister en faveur du procureur du Roi du lieu de l'infraction.

Or, la commission a souhaité que, de façon générale, le procureur du Roi premier saisi le reste, même si ce n'est pas celui du lieu de l'infraction.

Les développements précédant la proposition de loi précisent que « la prépondérance accordée au critère du lieu de l'infraction évite que certains parquets abusent de leur position de force et se saisissent de l'affaire en faisant référence à un critère de compétence accessoire. De tels comportements entravent trop souvent le cours de la justice ».

M. Hugo Vandenberghe en conclut que l'on devrait mentionner le lieu de l'infraction comme principal critère de rattachement. C'est là, en effet, que les preuves peuvent être rassemblées le plus facilement. Il faudrait aussi mentionner des critères de rattachement subsidiaires.

Le professeur Franchimont indique que l'article 60 traite de la compétence relative aux infractions commises à l'étranger.

Il rappelle que le ministre de la Justice avait désigné une autre commission pour examiner le droit pénal international, qui vise à la fois les infractions commises à l'étranger, l'extradition et l'entraide internationale. Une publication a d'ailleurs été faite.

Mme de T' Serclaes demande s'il ne serait pas plus cohérent d'insérer les dispositions en question dans le proposition à l'examen.

Le professeur Franchimont répond que les articles 6 à 14 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale visent, il est vrai, les infractions commises à l'étranger, la sentence étrangère, etc.

L'orateur estime qu'il vaut mieux faire un ensemble de toutes les dispositions pénales de nature internationale.

Le professeur Vandeplas propose qu'aux articles 59 et 60, on remplace les mots « dernière résidence » par les mots « dernière résidence connue ».

Le professeur Franchimont marque son accord sur cette suggestion.

L'article 61 reprend quant à lui l'ancien article 28ter, §§ 3 et 4 du Code d'instruction criminelle.

Mme Nyssens demande que, lors des auditions que la présente commission organisera, l'avis des parties concernées et en particulier du collège des procureurs généraux soit recueilli sur le fonctionnement de l'article 61 dans la pratique.

M. Mahoux estime que le problème doit aussi être envisagé du point de vue des forces de police auxquelles des tâches sont confiées.

À partir du moment où certaines polices locales sont « noyées » de tâches confiées par les procureurs, ces missions, qui semblent constituer environ 80 % de leur travail à l'heure actuelle, sont remplies dans les limites des possibilités des polices locales, ce qui suscite certains problèmes par rapport à leur mission de maintien de l'ordre.

Il serait en tout cas intéressant de disposer de statistiques relatives aux deux dernières années, sur le nombre de dossiers transmis par les parquets au procureur général, et par celui-ci au collège des procureurs généraux.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis que de telles questions de politique ne peuvent pas être réglées dans le droit de la procédure pénale. Si la police doit s'occuper en permanence d'infractions routières, elle ne peut pas se consacrer à d'autres tâches. C'est là un choix politique.

M. Mahoux déclare que l'on pourrait aussi envisager le problème en se demandant quelles sont les forces de police qui sont requises.

Le professeur Franchimont souligne que, lorsqu'on a décidé que les réquisitions ne s'adresseraient plus directement aux policiers, mais au chef de service de la zone de police, les choses ont changé.

M. Hugo Vandenberghe signale que l'on avait promis de réaliser pour décembre 2002 une étude sur la charge de travail de la police à la lumière des missions judiciaires du procureur du Roi. On s'était en effet demandé si, compte tenu de la disparition de la police judiciaire, les missions du procureur dans le cadre d'instructions judiciaires ou d'informations pourraient encore être exécutées de la même manière.

Mme de T' Serclaes souligne que s'ajoutent à cela les problèmes des expertises, de l'Institut national de criminalistique, et des limites du budget de la justice.

Une discussion générale sur ces sujets avec le collège des procureurs généraux et la ministre de la Justice serait très utile.

M. Hugo Vandenberghe s'accorde avec cette observation, mais souligne qu'il s'agit là d'un problème de politique générale.

En ce qui concerne l'article 62, le professeur Franchimont indique qu'il correspond à l'ancien article 28bis du Code d'instruction criminelle.

Il donne à la police la possibilité d'agir de manière autonome, mais en fonction des directives prises conformément aux articles 143bis et 143ter du Code judiciaire.

L'alinéa 2, qui reprend l'ancien article 28ter, § 2, du Code d'instruction criminelle, prévoit que, lorsqu'ils agissent d'initiative, les policiers doivent immédiatement en informer le procureur du Roi.

L'article 63, § 1er, qui correspond à l'ancien article 28quinquies, prévoit que, sauf les exceptions prévues par la loi, l'information est secrète.

Le § 2 de l'article 63 est ainsi libellé:

« Le procureur du Roi peut, à l'exclusion de tout autre, lorsque l'intérêt public l'exige, communiquer des informations à la presse. Il veille au respect de la présomption d'innocence, des droits de la défense des personnes soupçonnées, des victimes et des tiers, de la vie privée et de la dignité des personnes. Dans la mesure du possible, l'identité des personnes citées dans le dossier n'est pas communiquée. ».

La commission s'est demandé si le procureur du Roi n'avait pas le droit, voire l'obligation, lorsque des informations tout à fait incorrectes sont données dans la presse, de les rectifier. Cette possibilité n'est pas reprise dans le texte.

M. Zenner souligne qu'il s'agit d'une disposition qui, dans la pratique, soulève une série de problèmes.

L'intervenant se dit frappé du nombre d'informations annoncées qui se « dégonflent » très rapidement par la suite.

On se demande parfois quelle est l'utilité de ces informations, et comment le droit à la communication du parquet est utilisé.

Ainsi, par exemple, l'ordre public exige-t-il que le parquet, le juge ou les services de police informent la presse de l'heure à laquelle se tiendra une perquisition, afin que celle-ci puisse être filmée ?

L'intervenant estime que, comme en matière de détention provisoire, il y a là une forme de pression, qui mérite réflexion.

M. Willems estime également que l'article en question soulève beaucoup de questions sur le plan de la pratique. Dans le cadre de la loi de 1998, l'intervenant était très favorable à l'idée de légiférer au sujet des liens entre la presse et le parquet (journalisme d'investigation). Il arrive qu'en cas de perquisition, la presse soit sur les lieux avant la police. Cette situation va souvent de pair avec une atteinte grave à la vie privée, et tout cela pour finalement très peu de résultats.

En outre, l'intervenant indique que nombre de greffes ont pris l'habitude de ne plus communiquer le jugement rendu. En revanche, l'information figure dans la presse le lendemain.

Il estime dès lors qu'il est positif de créer un cadre mais, dans bien des cas, la presse ne recherche que le sensationnel et, en l'espèce, le parquet a une grande part de responsabilité.

M. Mahoux se demande, dans l'hypothèse où le parquet est autorisé à communiquer des informations, si le texte proposé permet de respecter la présomption d'innocence, en donnant une publicité à des demandes d'informations ou, a fortiori, à des actes d'instruction.

S'il s'agit par contre de fuites, les auteurs — y compris le parquet — sont punissables, comme l'indique le § 1er, alinéa 2, de l'article.

Alors que la règle est le secret, et la publicité l'exception, on a souvent l'impression, au vu de la pratique, que c'est l'inverse.

Cette question se pose à tous les stades de l'affaire, jusqu'au procès, qui est public.

M. Hugo Vandenberghe estime que le procureur du Roi doit prendre le critère de l'intérêt public en considération. Si l'on est confronté, par exemple, à un crime particulièrement sanglant, l'intérêt public et la tranquillité publique requièrent que le procureur du Roi communique s'il y a des indices ou si des suspects ont été arrêtés, etc. L'intérêt général exige que l'on sache si la justice a la maîtrise de tels faits ou si elle est à même de l'acquérir. Toutefois, certaines affaires sont rendues publiques sans que l'intérêt public ne soit en jeu. Dans ce cas, les critères que le procureur prend en considération manquent de transparence.

Mme de T' Serclaes fait observer que les fuites n'ont pas nécessairement lieu au niveau du procureur lui-même, mais plutôt à un niveau subalterne. Tant que les procureurs ne prendront pas les mesures et les sanctions nécessaires, le phénomène risque de continuer.

Le professeur Vandeplas est d'avis que les principes inscrits dans le texte sont excellents. Tout le monde est tenu au secret. Le procureur du Roi peut, à l'exclusion de toute autre personne, communiquer des informations à la presse.

M. Hugo Vandenberghe fait référence à un jugement du tribunal de Bruxelles, qui rend l'État responsable de la violation du secret de l'instruction. Pour une telle violation, il n'y a pas lieu de démontrer la faute in personam. En ce qui concerne le § 2, l'intervenant souligne qu'il n'existe pas d'inventaire objectif des communications faites par le procureur du Roi. Pourtant, si l'on veut invoquer la violation du secret de l'instruction, on devrait pouvoir prendre connaissance de toutes les communications relevant de l'exception prévue au § 2.

M. Zenner déclare partager, de façon générale, le sentiment du professeur Vandeplas.

Il estime qu'en dehors des réunions et communiqués de presse organisés par le substitut chargé des relations avec la presse, aucune divulgation ne devrait être possible jusqu'au procès.

Le professeur Franchimont indique que, lorsque le sujet a été débattu par la commission, la première question était de savoir s'il fallait maintenir le principe du secret. La réponse est clairement positive.

Quant aux communications par le parquet, il faut rappeler qu'il existait déjà trois circulaires ministérielles, et que dès lors, il était impossible de revenir en arrière.

La commission a dès lors tenté de trouver une solution moyenne, assortie de certaines garanties.

Au départ, la possibilité était prévue pour le procureur du Roi, à l'exclusion du juge d'instruction, et pour la défense.

Lors du colloque de 1994, ce dernier point avait suscité de vives réactions, qui avaient amené la commission à faire marche arrière.

Le Conseil d'État avait ensuite fait remarquer que l'on ne pouvait donner un droit au parquet, et le refuser à la défense.

La commission a donc rétabli le droit pour la défense de communiquer.

En ce qui concerne les perquisitions, il semble que les journalistes aient accès aux mêmes ondes radio que le parquet, ce qui leur permet d'être informés « en direct », sans qu'il y ait nécessairement une fuite.

Pour le surplus, les avocats font généralement l'expérience, lorsqu'ils déposent une plainte en raison d'une fuite, que le parquet dénie toute responsabilité dans celle-ci, et que l'on ne va pas plus loin.

Enfin, il arrive que les fuites soient organisées par la police elle-même, pour éviter le classement sans suite d'une affaire.

En ce qui concerne le § 4 de l'article 63, il s'agit d'une transposition de l'article 125 du Tarif criminel, qui prévoit que le procureur général peut autoriser les personnes justifiant d'un intérêt légitime à prendre connaissance ou copie de tout ou partie des actes de la procédure.

C'est notamment l'administration fiscale qui est ici visée.

CHAPITRE 2

Les modalités de l'information

Section 1re

Dispositions générales (art. 64 à 70)

Les articles 64 à 68 ne suscitent aucune difficulté particulière.

Les articles 69 et 70 correspondent aux anciens articles 29 et 30 du Code d'instruction criminelle.

L'article 29 du Code d'instruction criminelle pouvait éventuellement donner lieu à une sanction disciplinaire, mais pour l'article 30 du Code d'instruction criminelle, il n'y avait strictement aucune sanction.

M. Mahoux demande si la portée de l'article 69 est tout à fait générale, et vise dès lors, notamment, les autorités communales et toutes les infractions, y compris environnementales.

Le professeur Franchimont le confirme.

Selon le professeur Vandeplas, l'article 69 est effectivement général et ne prévoit aucune sanction, mais, en l'espèce, la responsabilité civile peut être engagée.

L'intervenant cite l'exemple des poursuites intentées contre certains directeurs d'école parce qu'ils savaient qu'il y avait un problème de pédophilie dans leur établissement.

M. Zenner demande confirmation de ce que le terme « fonctionnaire » doit être compris dans un sens large, c'est-à-dire toute personne qui participe à l'exercice de l'autorité publique.

Ainsi, on a considéré jusqu'à présent que le curateur de faillite était un fonctionnaire au sens de l'article 29.

Le professeur Franchimont le confirme.

En ce qui concerne l'article 69, alinéa 2, M. Zenner demande pourquoi, au moment où l'on est engagé dans une réforme de l'administration des Finances, l'on ne vise pas l'administration des douanes et accises.

Le professeur Franchimont répond que celle-ci est généralement traitée comme un « monde à part ». Il faudrait consulter le ministre des Finances à ce sujet.

M. Mahoux observe qu'il découle de l'article 69 que certains délits doivent être dénoncés, tandis que d'autres ne peuvent l'être que moyennant autorisation. On instaure ainsi de façon implicite et symbolique une hiérarchie parmi les délits, qui n'est en rien liée à la gravité de la peine encourue.

Quelle est la situation du directeur régional qui ne donne pas cette autorisation, alors que lui-même doit déclarer tout délit dont il a connaissance ? Les fonctionnaires subalternes, quant à eux, sont couverts.

Le professeur Franchimont répond que la règle date d'une loi de 1964, et avait pour but d'empêcher qu'un contrôleur exerce une pression inadmissible vis-à-vis d'un contribuable.

M. Zenner souligne qu'une série d'autres dispositions soumettent l'initiative de certains fonctionnaires fiscaux à des autorisations, parfois du directeur régional, parfois même de la hiérarchie supérieure, parce qu'il peut y avoir des interférences entre l'application du droit fiscal et le droit pénal.

L'engagement de poursuites pénales peut, dans certains cas, mettre en péril le recouvrement de l'impôt.

En réponse à M. Mahoux, l'intervenant souligne que le texte donne au directeur régional un pouvoir d'appréciation.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis qu'il y a un problème dans la mesure où toute erreur commise pourrait donner lieu à une dénonciation, ce qui aurait pour conséquence que le parquet serait submergé de plaintes.

Le même problème se pose en ce qui concerne la déclaration libératoire unique.

M. Zenner déclare que la réflexion de M. Mahoux a le mérite de souligner que la règle devrait peut-être être étendue à d'autres infractions. Il est vrai, par exemple, que des situations analogues existent dans le domaine de l'environnement, où de petits délits ne justifient peut-être pas d'encombrer le parquet.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis que, s'il y a pléthore de certains délits, c'est parce que le droit pénal particulier s'est considérablement développé et que l'on n'opère aucune sélection des délits qui mériteraient d'être dénoncés.

M. Coveliers renvoie à cet égard à l'article 1er de la proposition de Code qui consacre les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

En ce qui concerne la déclaration libératoire unique, il existe aussi un principe d'opportunité pour le directeur régional, qui doit apprécier lui-même de quelle manière il fera rentrer le plus facilement l'argent dans les caisses de l'État.

L'intervenant pense qu'en l'occurrence, il n'est pas possible de donner une réponse tranchée. L'article 1er est important. Le directeur régional aussi peut décider sur la base des principes de proportionnalité et de subsidiarité d'utiliser d'autres moyens.

M. Hugo Vandenberghe ajoute qu'il a le pouvoir de prononcer des amendes, alors que d'autres fonctionnaires ne l'ont pas.

M. Zenner estime que l'alinéa 2 de l'article 69 doit être lu comme une exception à l'alinéa 1er de cet article. Le directeur régional jouit en la matière d'un pouvoir d'appréciation.

M. Mahoux interprète l'article de façon différente: selon lui, lorsque le directeur général n'informe pas le procureur du Roi du délit dont il a connaissance, il enfreint l'alinéa 1er de l'article 69.

Quelles sont les conséquences pour celui qui est astreint à dénoncer et qui ne l'aurait pas fait ?

Selon M. Hugo Vandenberghe, il existe une différence majeure entre les agents du fisc et les fonctionnaires « ordinaires ». Les agents du fisc détiennent directement une part du pouvoir exécutif dont l'exécution ne peut être contrée sans plus. Seul le principe de subsidiarité joue en l'espèce. Le directeur régional a des prérogatives plus étendues que celles mentionnées à l'article 69.

Les possibilités de réaction d'un fonctionnaire du fisc lorsqu'il constate certaines infractions pouvant faire l'objet d'une qualification pénale, sont très variables. Les autres fonctionnaires n'ont pas les mêmes moyens. La distinction qui est faite entre les fonctionnaires habilités à se décerner un titre à l'égard de certaines infractions et les autres fonctionnaires se justifie donc.

Au sujet du fait que les agents des douanes et accises ne sont pas mentionnés à l'alinéa 2, le professeur Vandeplas précise que les douanes et accises sont elles-mêmes partie poursuivante.

M. Hugo Vandenberghe demande pour quelle raison l'article 70 ne mentionne que le cas de l'attentat.

Le professeur Franchimont s'accorde avec l'idée que le texte pourrait être élargi sur ce point.

Mme de T' Serclaes souligne que, sans tomber dans la délation généralisée, l'article rappelle au citoyen le devoir qui est le sien lorsqu'il est témoin d'un fait grave.

Le professeur Franchimont répond que, là encore, le principe de proportionnalité doit jouer.

À la demande de M. Mahoux, qui s'interroge sur la notion d'« attentat », il indique également que, s'agissant d'un attentat, le seul fait d'avoir commencé à agir constitue une infraction consommée.

L'article 70 ne fait que reprendre l'ancien article 30 du Code d'instruction criminelle.

Le professeur Vandeplas est d'avis que l'on pourrait remplacer le mot « attentat » par les mots « crime ou délit ».

M. Mahoux demande si cela signifie que toute personne qui est témoin d'une infraction doit en avertir le procureur du Roi, comme l'indiquent les développements précédant la proposition.

L'intervenant observe en outre que l'atteinte à la propriété des personnes morales n'est pas prévue dans le texte.

M. Coveliers pense qu'il faut bien garder à l'esprit la ratio legis de l'article 70. Le but n'est pas ici d'imposer une obligation sanctionnée par la loi pénale. Il est bon néanmoins de poser la norme.

M. Hugo Vandenberghe souligne que les articles 69 et 70 ne prévoient pas de sanction pénale en cas de non-respect de cette règle. En outre, les règles en matière de responsabilité civile connaissent une extension telle qu'une multitude d'actions civiles pourraient être intentées. Il y aura alors un effet induit. On va d'abord faire appel au droit civil, invoquer la négligence, et ensuite, on se retrouvera dans le droit pénal.

Il y a en effet identité de la faute civile et pénale quand il y a des conséquences sur l'intégrité physique de la personne.

Section 2

La police judiciaire (art. 71 à 73)

Le professeur Franchimont indique qu'il s'agit ici de la police judiciaire au sens large. Le texte reprend d'ailleurs la loi du 7 décembre 1998 sur la réforme des polices, et la loi du 27 décembre 1998 sur l'intégration verticale du ministère public.

M. Hugo Vandenberghe souligne que la section 2 concerne la police judiciaire, c'est-à-dire la police qui exécute les missions judiciaires. La police judiciaire a été supprimée, mais les autorités judiciaires peuvent confier des missions judiciaires à tout fonctionnaire de police.

M. Coveliers rappelle que l'ancienne dénomination de la police judiciaire était « police judiciaire près le parquet du procureur du Roi ». La section concerne le travail de police judiciaire.

M. Mahoux demande s'il ne faudrait pas plutôt parler de « la fonction de police judiciaire ».

L'intervenant demande également que l'on vérifie si la fonction de garde champêtre particulier existe toujours, et quelles sont les missions de police judiciaire exercées par les bourgmestres et échevins.

Le professeur Franchimont se demande, à propos de l'article 73, s'il faut conserver la notion d'« auxiliaire du procureur du Roi », alors que les autres fonctionnaires ont pratiquement les mêmes prérogatives.

M. Hugo Vandenberghe souligne qu'il faut vérifier si la référence à la loi sur l'intégration verticale du ministère public, faite à l'article 71, 2º, est toujours correcte, compte tenu de la modification récente de cette loi.

M. Coveliers fait observer, à la suite d'une remarque de M. Mahoux concernant le 1º de l'article 71 et, en particulier, la mention des bourgmestres, que, depuis la réforme des polices, les missions des bourgmestres se limitent au volet administratif et à la direction administrative de la police. Les bourgmestres et, a fortiori, les échevins, peuvent-ils poser d'autres actes ? Il faudrait vérifier aussi le statut des gardes forestiers.

Le professeur Vandeplas propose de mentionner également les gardes forestiers particuliers. Par ailleurs, l'intervenant demande ce qu'il en est des membres du parquet général. Sont-ils officiers de police judiciaire ? Ce point ne semble pas avoir été réglé par la loi.

M. Coveliers se réfère au rapport de la commission de la Justice sur l'intégration verticale. Le ministre de la Justice lui avait répondu que les substituts du procureur général et les avocats généraux n'ont pas de compétence de police judiciaire. Ce ne serait pas un problème de confier les missions aux parquets.

Peut-être serait-il préférable de profiter de l'occasion pour mentionner malgré tout ici les membres des parquets généraux.

Le professeur Vandeplas prend l'exemple d'une instruction ouverte à l'encontre d'un ministre. En principe, c'est le parquet général qui l'effectue lui-même et on conçoit difficilement qu'en l'occurrence, on puisse déléguer un substitut en vue de reprendre l'instruction.

Section 3

Les actes d'information

Sous-section 1re

Les interrogatoires et auditions (art. 74 à 88)

Sous-section 2

La protection des témoins menacés (art. 89 à 98)

Art. 74 et 75

À propos de l'article 74, qui est une disposition classique, le professeur Franchimont indique que la commission s'est demandée s'il ne fallait, même en l'absence de serment, prévoir une possibilité de faux témoignage.

Elle n'a finalement pas opté pour cette solution.

La responsabilité civile de l'intéressé reste par ailleurs engagée.

L'article 75 concerne la manière dont les personnes sont convoquées.

Il prévoit que si elles ne satisfont pas à leur obligation de comparaître, avis en est donné par procès-verbal au procureur du Roi qui peut les y contraindre par la force publique.

L'alinéa 2 prévoit que toute personne convoquée ne peut être retenue que le temps strictement nécessaire à son audition.

Mme de T' Serclaes demande ce qui se passe si la personne estime qu'on la fait attendre trop longtemps.

Le professeur Franchimont répond que, sauf s'il existe une possibilité d'arrestation, la personne convoquée pourra partir, sans que l'on puisse utiliser la contrainte.

Le professeur Vandeplas fait observer qu'il s'agit en fait d'un mandat d'amener. Quelle en est la durée ? Qu'en est-il si à 19 heures, le procureur n'est plus sur place ? Faut-il garder la personne convoquée toute la nuit en attendant que le procureur revienne ?

Le professeur Franchimont répond que la contrainte ne peut être exercée que pendant le temps strictement nécessaire.

De plus, ce n'est pas le procureur qui interroge, mais la police judiciaire.

Le procureur ne donne que l'autorisation d'exercer la contrainte.

Il ne s'agit absolument pas d'un mandat d'amener.

Il est en tout cas inadmissible de priver quelqu'un de sa liberté à 19 heures, et de ne l'interroger que le lendemain matin.

M. Mahoux demande si la commission a discuté du problème de la présence de l'avocat lors des interrogatoires et auditions au stade de l'information.

Le professeur Franchimont répond qu'il est question de ce problème dans le cadre de la loi sur la détention préventive.

Un projet de loi semble d'ailleurs être en préparation en matière de détention préventive.

La présence de l'avocat suscite déjà des difficultés dans le cadre de l'instruction.

Dès lors, dans les commissariats de police, elle semble presque irréalisable, tant pour les barreaux que pour les policiers.

Si l'orateur n'est pas opposé au caractère intégralement contradictoire de la procédure, il souligne cependant qu'un tel système rencontrera de nombreuses objections, et augmentera aussi considérablement le coût de la procédure.

M. Coveliers pense que ce problème est lié à d'autres options, notamment au rôle du juge d'instruction.

Mme de T' Serclaes demande s'il n'y a pas contradiction entre la possibilité de contrainte prévue à l'article 75, alinéa 2, et la possibilité de refuser de répondre prévue à l'article 76, 1º, f).

Le professeur Franchimont répond par la négative. Ainsi, un médecin convoqué doit comparaître, mais il peut invoquer le secret professionnel pour refuser de répondre.

À la demande de Mme de T' Serclaes, l'orateur précise que l'innovation par rapport à la situation actuelle est conçue comme une garantie.

Aujourd'hui, rien n'interdit à la police d'aller chercher quelqu'un sur son lieu de travail, parfois dans des conditions très dommageables pour la personne intéressée.

Art. 76

Le professeur Franchimont indique que l'article 76 correspond à l'article 47bis du Code d'instruction criminelle, introduit par amendement parlementaire dans le projet devenu la loi du 12 mars 1998.

Deux points ont cependant été ajoutés:

— le point e), qui concerne le droit de produire un mémoire ultérieurement, mais avant la clôture de l'information;

— le point f), qui prévoit le droit de s'abstenir de répondre. Ce dernier a été supprimé pour l'instruction, mais ici, dans le cadre de l'information, il s'agit d'un droit fondamental.

L'orateur signale également que, selon certains échos, l'article 76 serait jugé trop compliqué.

M. Willems se réjouit qu'en ce qui concerne les droits et les devoirs durant l'audition, on poursuive dans la ligne de la loi de 1998. L'intervenant estime également qu'il est important d'avoir ajouté que l'on peut s'abstenir de répondre (voir aussi CEDH). Il est d'avis qu'il faudrait aussi prévoir le droit à la présence d'un conseil. En effet, bon nombre d'auditions se déroulent d'une manière un peu trop intimidante. Par ailleurs, les services de police disposent de moyens toujours plus nombreux pour recueillir des informations. Le conseil pourrait alors vérifier si toutes les règles de l'audition ont été respectées.

Mme de T' Serclaes renvoie à la loi française, où existe la notion de « témoin assisté ».

Pourquoi n'est-elle pas reprise dans le projet à l'examen ?

La loi française prend aussi en considération le problème des personnes malentendantes ou atteintes de surdité.

Retrouve-t-on, dans le texte à l'examen, une disposition à ce sujet ?

M. Hugo Vandenberghe partage ce point de vue. Dans le droit français, il existe une figure intermédiaire du témoin qui peut éventuellement être inculpé. Il existe en effet une zone grise entre les témoins et l'auteur potentiel.

Toutefois, s'il apparaît clairement qu'il s'agit simplement d'un témoin, faut-il vraiment prévoir la possibilité pour la personne de se faire accompagner d'un avocat ? L'intervenant pense que cela n'est pas vraiment nécessaire. La question de la présence de l'avocat concerne essentiellement le prévenu ou le témoin qui pourrait éventuellement devenir suspect.

Le professeur Vandeplas inclinerait à prévoir une application plus large de l'enregistrement audiovisuel, du moins pour les délits graves. Cela éliminerait tout risque de contestation sur la question de savoir si une personne a été intimidée ou influencée. Un enregistrement sur bande offre de meilleures garanties que la présence d'un avocat. L'avocat ne dispose pas de preuves de l'influence ou de l'intimidation.

En ce qui concerne le problème des malentendants, le professeur Franchimont n'a pas d'objection à ce que le 4º de l'article 76 soit complété par une disposition à ce sujet.

Quant à la présence de l'avocat aux interrogatoires dans le cadre de l'information, l'orateur n'y est pas opposé. Il souligne cependant que ce système soulève des objections quant à son coût, quant à la rapidité de la justice, etc., dont la commission a voulu tenir compte.

L'instruction contradictoire existe depuis 1898 en France, mais l'orateur ne pense pas que durant l'enquête (l'équivalent de notre information), les avocats soient présents dans les commissariats de police.

Si l'on devait opter pour une telle solution, il faudrait à tout le moins prévoir un certain délai (car on ne peut, lorsqu'un crime vient de se commettre, tout arrêter pour attendre l'arrivée de l'avocat), et qu'il s'agisse d'une personne déclarée suspecte.

De plus, on risque d'alourdir considérablement la tâche de l'assistance judiciaire.

Le professeur Vandeplas indique qu'en France, la situation est différente dans la mesure où tout ne doit pas se faire dans les 24 heures. Si l'on veut instaurer le droit à la présence d'un avocat, il faut modifier ce délai, car l'avocat peut se faire attendre longtemps.

M. Hugo Vandenberghe rappelle que le délai de 24 heures figure dans la Constitution.

Mme Nyssens estime que l'argument du coût de la présence de l'avocat et de l'alourdissement de la tâche de l'aide juridique n'est pas pertinent.

Il s'agit d'un choix politique à faire.

La présence de l'avocat au stade de l'information est une revendication des barreaux, qui répond à un véritable problème de société.

Beaucoup de personnes confrontées à la justice sont surprises de ne pas pouvoir bénéficier de l'assistance immédiate d'un avocat.

L'efficacité de la justice est certes un élément important, mais les droits de la défense le sont aussi.

Selon M. Hugo Vandenberghe, le problème de l'interrogatoire d'un profane est que les questions posées peuvent avoir un sens bien déterminé. L'intéressé peut comprendre d'une toute autre manière les questions posées et les réponses qu'il fournit peuvent être interprétées dans un sens tout à fait différent.

M. Mahoux demande si l'on a les garanties que tout ce qui est recueilli au stade de l'information est bien consigné dans un procès-verbal signé par l'intéressé.

Le professeur Franchimont répond qu'il en est ainsi en principe, mais que les policiers reconnaissent eux-mêmes qu'ils ont parfois avec le suspect des conversations informelles qui ne font pas l'objet d'un procès-verbal et n'apparaissent donc pas dans le dossier.

Dans le cadre de la loi sur la détention préventive, une proposition prévoyait, avant la mise sous détention préventive, un premier interrogatoire en présence de l'avocat.

Cela est cependant assez difficile en fait.

C'est pourquoi on avait proposé qu'à tout le moins, la copie de l'interrogatoire soit délivrée à la personne intéressée, qui pourrait ainsi réagir à son contenu.

D'autre part, il était prévu que, dans les 5 jours avant la comparution en chambre du conseil, le juge d'instruction pouvait libérer sans l'accord du parquet.

Si le parlement décide de modifier le texte dans le sens indiqué, il faudrait à tout le moins prévoir que cela ne concerne pas les tout premiers interrogatoires, et que cela ne vaut que pour les personnes suspectées.

M. Willems se dit préoccupé par la manière dont les personnes interrogées sont traitées. Il s'agit souvent d'une expérience très traumatisante. Certaines techniques sont inacceptables. Il faudrait contrôler la manière dont l'audition se déroule.

Le professeur Franchimont ajoute que, étant donné que l'on a augmenté les pouvoirs du ministère public, il faut contrebalancer cela par des droits de la défense beaucoup plus précis. Il faut cependant veiller à ce que cela soit gérable.

Art. 77 à 98

Ces articles reprennent des dispositions existantes. En ce qui concerne les témoins menacés, le professeur Franchimont s'interroge sur la nécessité de reprendre dans le Code de procédure pénale tous les détails de la loi du 7 juillet 2002.

De manière générale, lorsqu'une loi présente un caractère évolutif sur le plan, non des principes, mais des modalités, il vaut mieux ne pas l'insérer dans le Code de procédure pénale.

Sous-section 3

La recherche des indices et les constatations matérielles des infractions (art. 99 à 109)

§ 1er. Disposition générale (art. 99)

Le professeur Franchimont indique que cet article précise ce que la police judiciaire s.l. peut faire dans le cadre de l'information.

Le 5º énonce que le procureur du Roi et la police judiciaire peuvent mettre en œuvre les techniques de police dans le respect des principes consacrés par l'article 1er et des dispositions légales particulières qui régissent éventuellement ces techniques.

Pour rappel, la loi sur les méthodes particulières n'a pas été intégrée dans le texte.

L'orateur est partisan d'une référence à cette loi dans le Code d'instruction criminelle, mais estime préférable de ne pas insérer dans celui-ci l'ensemble de cette loi, qui est susceptible d'évoluer.

M. Hugo Vandenberghe renvoie à un arrêt du 4 mars 2004 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a annulé plusieurs dispositions relatives aux techniques spéciales dans la loi allemande, en raison d'une intrusion trop radicale dans la vie privée.

La Cour constitutionnelle française a, quant à elle, annulé quelques dispositions de la loi Perben.

Le professeur Franchimont ajoute que la Ligue des droits de l'homme a introduit un recours devant la Cour d'arbitrage contre la loi sur les méthodes particulières de recherche.

M. Mahoux souligne que, s'agissant de techniques d'écoute non ciblées, et vu la sensibilité du système d'écoute, les écoutes ne se font pas par rapport à la personne concernée, mais par rapport à un environnement et à des personnes périphériques à celle-ci.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que l'avocat est tenu au secret professionnel, mais pas la personne qui vient le voir.

En outre, pour les médecins, le caractère absolu du secret professionnel a été supprimé. La ratio legis de cette exception — une « grande menace immédiate » — existe aussi pour les avocats.

Lorsqu'on abandonne un principe dans un contexte déterminé, on finit par l'abandonner partout.

Si la sécurité constitue la priorité, le secret professionnel tombera aussi bien pour le médecin que pour l'avocat.

Mme de T' Serclaes demande quelle est la raison d'être du mot « éventuellement » figurant au 5º de l'article 99.

Le professeur Franchimont répond qu'il a été inséré parce qu'à l'époque du dépôt du texte, la loi sur les techniques de police n'existait pas encore.

Le professeur Vandeplas fait référence à l'article 99, 6º, où il est précisé qu'une autopsie peut être ordonnée. Cela inclut-il aussi l'exhumation ?

Le professeur Franchimont répond par l'affirmative.

Le fait de pouvoir ordonner une autopsie était déjà prévu dans la loi du 12 mars 1998.

La question était de savoir s'il fallait demander l'autorisation de la chambre du conseil, ou assigner en référé.

Les travaux préparatoires visent aussi la déontologie médicale, selon laquelle le corps doit être remis en état, puisque les familles peuvent voir le défunt soit avant, soit après.

Quant au texte du 7º, qui permet de requérir tous les moyens de publicité, de télécommunication et de télévision pour diffuser les avis qu'exigent la recherche et la constatation des infractions, il est de M. Bekaert.

À l'heure actuelle, il n'existe aucune disposition en ce sens, mais la pratique existe déjà.

§ 2. L'expertise (art. 100 à 106)

Le professeur Franchimont précise que ces articles, qui concernent l'expertise, sont nouveaux.

La question s'est posée de la distinction entre une expertise et une simple demande de renseignements du parquet en matière de police technique.

Cette distinction est opérée dans les articles 100 et 101. Dans le premier, il ne s'agit pas d'une expertise, mais uniquement de constatations auxquelles il faut procéder d'urgence. Dans ce cas, on peut s'adresser directement à l'Institut national de criminalistique et de criminologie.

L'article 101 vise l'expertise. Celle-ci ne se limite pas à des constatations, mais suppose une analyse, un raisonnement.

L'alinéa 2 de l'article 101 reprend l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 24 juin 1998. La Cour d'arbitrage n'a pas dit que l'expertise devait nécessairement être contradictoire, mais bien que c'était un plus, à la fois pour la justice et pour les débats devant le juge du fond. (voir les développements précédant la proposition de loi, doc.Sénat, nº 3-450/1, pp. 67-68). L'alinéa 2 de l'article 101 laisse néanmoins un pouvoir d'appréciation assez important au ministère public.

Mme de T' Serclaes se demande s'il ne vaudrait pas mieux prévoir que l'expertise est contradictoire, à partir du moment où la personne lésée est connue.

Sinon, cela donnera systématiquement lieu à des discussions et des contestations.

Mme Nyssens estime qu'il faut tendre vers le principe du contradictoire, et que les exceptions doivent être restrictives.

Le professeur Vandeplas est d'avis qu'il y a incontestablement des cas où la présence de la personne suspectée est inconcevable lors d'une expertise. L'intervenant cite l'exemple d'un examen effectué sur une personne victime d'un viol.

M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'on peut désigner un médecin pour représenter l'inculpé.

Le professeur Franchimont souligne qu'il ne faut pas confondre l'expertise et l'exploration corporelle.

Celle-ci fait l'objet d'un texte spécifique (article 90bis du Code d'instruction criminelle — article 191 de la proposition à l'examen) et il n'est pas sûr qu'elle puisse être considérée comme une expertise. Cette discussion a déjà eu lieu en 1998.

Mme Nyssens demande s'il est des cas où la contradiction pourrait nuire à l'information ou à l'instruction.

Le professeur Franchimont répond par l'affirmative.

M. Hugo Vandenberghe est d'avis que l'examen corporel doit, en tout état de cause, être réalisé dans le respect des droits de la défense. Le fait que cet examen n'est pas une expertise ne signifie pas qu'il doit pouvoir s'effectuer de manière unilatérale.

M. Mahoux fait remarquer que les conditions de prélèvement, l'identification du prélèvement et le prélèvement lui-même sont des éléments décisifs, et qu'il paraît dès lors normal d'assurer leur caractère contradictoire.

L'intervenant préférerait donc que l'on prévoie comme principe la contradiction, sauf décision contraire motivée par le parquet (par ex.: parce que le caractère contradictoire de l'expertise nuirait à l'évolution de l'information).

M. Hugo Vandenberghe ajoute que, dans cette dernière hypothèse, les droits de la défense seront exercés ultérieurement.

Le professeur Franchimont rappelle qu'en ce qui concerne l'expertise dans le cadre de l'instruction, l'article 198 prévoit qu'elle est en principe contradictoire.

L'orateur n'a pas d'objection à ce qu'on le prévoie également pour l'information.

Cela n'a pas été fait parce que l'information se situe dans un temps très proche des faits, et qu'il faut agir très rapidement.

C'est pourquoi la commission n'avait pas voulu imposer de règles trop rigides.

M. Hugo Vandenberghe évoque le problème de l'avocat qui pose certaines questions après l'expertise. Souvent, l'expert est tenté de conclure et ne voit aucune raison de répondre à de nouvelles questions. Perçues comme une manoeuvre dilatoire, ces questions sont souvent rejetées.

En revanche, si l'avocat peut participer à l'expertise et poser des questions sur place, l'expert réagit souvent d'une toute autre manière.

L'intervenant conclut qu'une expertise contradictoire donne beaucoup plus de garanties pour la recherche de la vérité.

Le professeur Franchimont cite, à titre d'exception, le cas d'un accident mortel. Un expert est désigné, dans le cadre de l'information, pour se rendre sur les lieux et réaliser une expertise. Il est impossible de prévenir la famille, et l'on ignore encore qui seront les conseils.

M. Hugo Vandenberghe fait observer qu'on peut alors demander une deuxième expertise.

À propos de l'article 102, le professeur Franchimont précise que cet article prévoit que les experts doivent se limiter à leur mission technique, à l'exclusion de toute autre considération.

L'article 103 concerne la manière dont les experts sont choisis.

L'orateur attire l'attention sur le premier tiret de l'article, qui est ainsi libellé: « - soit dans une liste d'experts établie annuellement par les cours d'appel après consultation du procureur général, des présidents des tribunaux, des procureurs du Roi, des juges d'instruction les plus anciens et des bâtonniers des arrondissements faisant partie du ressort des cours d'appel suivant les modalités fixées par le Roi. »

Il est en effet souhaitable que les gens de terrain aient leur mot à dire dans l'établissement de la liste des experts.

Mme Nyssens fait observer que le Code judiciaire prévoit déjà cette liste d'experts, que l'on attend depuis 1967.

Une réforme de l'expertise est par ailleurs en cours, et donne lieu à de nombreuses réactions.

L'intervenante demande si les règles que l'on insère dans le Code de procédure pénale sont différentes de celles qui sont ou seront prévues dans le Code judiciaire et qui représentent en principe le droit commun.

Le professeur Franchimont répond que la question est de savoir si, compte tenu de la spécificité du droit pénal, il faut se contenter des règles générales en matière d'expertise.

En outre, il faudra voir quelles dispositions seront insérées dans le Code judiciaire.

M. Hugo Vandenberghe observe que, dans le texte actuel, on pose des exigences supplémentaires pour les experts en matière pénale.

Le professeur Vandeplas signale qu'il faut d'abord prendre un arrêté royal. La cour d'appel d'Anvers, par exemple, a refusé de dresser une liste d'experts.

Le professeur Franchimont répond que, selon le texte proposé, il s'agit d'une obligation.

Mme de T' Serclaes constate que les personnes qui, par leur profession et leurs qualifications personnelles, (ex. un architecte, un entrepreneur) disposent d'une expertise, ne peuvent être désignées que par les tribunaux.

L'intervenante juge cette solution trop limitée, et se demande sur quelle base ceux-ci désignent un expert plutôt qu'un autre.

Le professeur Franchimont présume qu'avant de procéder à la désignation, on consulte les instances compétentes, comme l'ordre des architectes ou celui des médecins.

D'autre part, il faut encore que la personne pressentie accepte, ce qui n'est pas toujours le cas.

M. Mahoux pense que la qualité des rapports précédents peut aussi constituer un critère.

M. Hugo Vandenberghe pense qu'il est important que les experts puissent être désignés rapidement et qu'ils déposent un rapport dans les meilleurs délais. Il faudrait insérer dans la loi un mécanisme pour faire en sorte qu'un arrêté royal soit pris à temps et qu'il soit toujours à jour. On pourrait, par exemple, insérer une disposition prévoyant qu'à défaut d'arrêté, une autorité de réserve (par exemple, le premier président de la cour d'appel) sera chargée de dresser une liste provisoire.

Cela permettrait de disposer d'une liste et de critères objectifs.

Mme Nyssens estime qu'il manque deux éléments au texte. Il s'agit, d'une part, du désir du secteur de s'organiser.

Actuellement, les experts ne sont pas regroupés dans des organisations représentatives donnant le label aux expertises.

De plus, un contrôle des experts doit être organisé. Il faut définir qui exerce le contrôle, sur la base de quels critères, et avec quel label.

M. Hugo Vandenberghe précise que l'idée est que le Roi doit réaliser le contrôle sur la base des avis. La liste des experts ne doit pas être trop rigide.

M. Mahoux souligne que se pose aussi le problème de l'impartialité de l'expert.

Le professeur Franchimont signale qu'à Liège, en matière de responsabilité consécutive à un accident, les experts désignés par le parquet ne peuvent plus accepter d'expertise pour des particuliers.

Quant à l'article 104, le professeur Franchimont indique que son contenu, qui concerne la récusation de l'expert, est le même que celui de l'article correspondant du Code judiciaire.

Mme de T' Serclaes demande ce qu'il advient si l'expert ne remplit pas sa mission dans le délai imparti. Pourrait-il être remplacé ?

Le professeur Franchimont répond par l'affirmative.

Le professeur Vandeplas déclare qu'il est prévu, dans le tarif en matière pénale, que l'indemnité peut être réduite de moitié si l'expert ne dépose pas son rapport dans le délai imparti.

À propos de l'article 105, le professeur Franchimont souligne que la communication des pièces à l'expert par la personne suspectée et la personne lésée a lieu par l'intermédiaire du procureur du Roi.

Quant à l'article 106, le professeur Franchimont souhaiterait qu'au dernier alinéa de cet article, les mots « en tout ou en partie » soient insérés entre les mots « à l'application » et les mots « du présent article ».

M. Mahoux demande confirmation de ce que, si le procureur du Roi s'oppose à l'application de l'article 106, il devra motiver sa décision.

Le professeur Franchimont le confirme.

Le dernier alinéa de l'article pourrait être complété par les mots: « Il doit motiver sa décision ».

§ 3. Les télécommunications (art. 107)

§ 4. La recherche informatique (art. 108)

§ 5. L'analyse ADN (art. 109)

Le professeur Franchimont rappelle que ces articles, qui concernent respectivement les télécommunications, la recherche informatique, et l'analyse ADN, reprennent les dispositions légales existantes, et que, dans les cas où de telles mesures sont prises, le référé pénal est toujours possible.

M. Mahoux demande si l'analyse ADN peut concerner aussi des personnes décédées.

M. Hugo Vandenberghe pense que oui.

Il peut par exemple être intéressant de réaliser un test ADN post mortem sur le défunt en cas d'agression afin d'établir un lien éventuel avec d'autres agressions.

Le professeur Franchimont ajoute que l'analyse ADN fait partie de l'autopsie.

M. Willems se réfère à la compétence qui est attribuée en l'espèce au procureur du Roi. Envisage-t-on d'attribuer en l'occurrence la même compétence au juge d'instruction ?

Le professeur Franchimont répond que l'on se situe ici dans le cadre de l'information. Lorsqu'il sera question de l'instruction, on verra que le juge d'instruction a les mêmes prérogatives que le procureur du Roi.

Pour ce qui concerne l'analyse ADN, rien n'a été modifié aux dispositions légales actuelles.

Sous-section 4

Les mesures conservatoires (art. 110 à 115)

Le professeur Franchimont indique que l'article 110 doit se lire en fonction des articles 114 (saisie immobilière) et 115 (saisie par équivalent), qui reprennent des dispositions existantes.

Il rappelle par ailleurs que le référé pénal peut, le cas échéant, faire échec à ces différentes saisies.

En ce qui concerne la nullité prévue à l'article 111, il ne s'agit pas d'une nullité d'ordre public.

L'article 112 vient du professeur Bekaert.

Sous-section 5

Les mesures relatives aux personnes (art. 116 à 118)

Le professeur Franchimont précise que ces articles reprennent pour l'essentiel les articles 1e r et 2 de la loi sur la détention préventive.

L'article 118 prévoit que l'article 35 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police est également applicable à tous les membres de la police judiciaire.

L'article 35 interdit de montrer des personnes arrêtées, menottées, ...

Or, cela se fait tous les jours.

C'est pourquoi l'orateur souhaiterait que cette interdiction soit assortie d'une sanction pénale.

M. Hugo Vandenberghe suggère de prévoir, à la fin du texte, des dispositions modificatives, où serait insérée la 2e phrase de l'article 118.

On pourrait intégrer cette disposition dans les obligations des fonctionnaires publics, telles qu'elles figurent dans le Code pénal.

Sous-section 6

Les rapports et les procès-verbaux (art. 119 à 122)

Ces articles concernent les rapports et les procès-verbaux.

L'article 119, alinéa 1er, vise les rapports écrits. Il prévoit que les renseignements recueillis par les officiers et agents de la police judiciaire au sujet des faits de nature à faire croire qu'une infraction de leur compétence a été commise ou est sur le point de se commettre sont transmis sans retard au ministère public sous forme de rapport écrit.

Aux alinéas 2 et suivants de cet article, il est question des procès-verbaux. L'alinéa 2 prévoit que les constatations de faits et les auditions de personnes relatives à une infraction sont transcrites sous forme de procès-verbaux qui sont adressés au ministère public ou au juge d'instruction.

L'article 120 est nouveau, et vise à décharger quelque peu la police. Il prévoit la possibilité d'autoriser l'officier de police judiciaire à dresser un procès-verbal simplifié, lorsqu'une infraction paraît présenter peu de gravité.

Le procès-verbal doit être mentionné dans un registre spécial dont le contenu est communiqué périodiquement au ministère public.

L'article 121 est également nouveau.

Il prévoit que, sauf les exceptions prévues par la loi, les procès-verbaux ne valent qu'à titre de simple renseignements des faits matériels qu'ils constatent.

Si le policier écrit le contraire de ce qu'il sait, il commet un faux en écriture.

L'article 122 est, lui aussi, nouveau.

Il est ainsi libellé: « Dans le cadre du procès-verbal initial, la police judiciaire recueille les renseignements adéquats avant de l'adresser au ministère public.

Les officiers et agents de police judiciaire peuvent demander des renseignements complémentaires directement à d'autres services de police situés en dehors du territoire où ils sont compétents. »

On a voulu éviter la pratique actuelle, où le procès-verbal est dressé, puis transmis au parquet, qui le transmet lui-même à un autre arrondissement, ce qui fait perdre beaucoup de temps.

M. Mahoux relève une apparente contradiction entre l'article 121, et l'article 76 qui précise que la personne interrogée doit être avertie de ce que ses déclarations peuvent être utilisées comme preuve en justice.

Le professeur Franchimont répond que l'article 121 concerne les faits matériels constatés par la police. L'article 76 vise quant à lui les déclarations des personnes auditionnées.

Section 4

Les droits de toute personne lésée par un acte d'information, de la personne ayant fait une déclaration de partie lésée et de la personne suspectée (art. 123 à 126)

Ces articles concernent les droits de toute personne lésée par un acte d'information, de la personne ayant fait une déclaration de personne lésée, et de la personne suspectée.

L'article 123 concerne le référé pénal (art. 28 sexies CIC) et ne comporte pas de nouveauté.

En ce qui concerne les articles 124 et suivants, le professeur Franchimont rappelle que, lors des travaux parlementaires relatifs à la loi du 12 mars 1998, on avait fait remarquer que des droits avaient été crées au stade de l'instruction (droit d'accès au dossier, droit de demander un acte d'instruction) mais pas au stade de l'information.

Il avait été répondu que l'intention était de le faire dans le cadre du grand projet.

Pour la personne qui a fait une déclaration de personne lésée, cela ne pose pas de problème.

Comme il n'y a pas d'inculpé dans le cadre de l'information, la commission a eu l'idée de proposer que, si une personne a été interrogée plusieurs fois, elle pourrait demander au procureur du Roi s'il la suspecte.

Si le procureur d