2-1084/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

20 MARS 2002


Proposition de loi modifiant diverses dispositions du Code judiciaire, du Code civil et du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe en matière de baux à loyer

(Déposée par M. Jean Cornil)


DÉVELOPPEMENTS


L'article 23 de la Constitution consacre le droit fondamental au logement. Cette inscription constitutionnelle est essentielle dans la mesure où l'absence de logement et les difficultés pour y avoir accès constituent souvent la première étape de la spirale de l'exclusion et de la misère. En effet, les citoyens les plus défavorisés, faute de disposer d'un capital suffisant, sont obligés de recourir au marché locatif qu'il soit privé ou public pour se loger. Et, malgré les efforts des pouvoirs publics, le parc du logement social ne permet pas de loger toutes les catégories de citoyens à revenu modeste. En effet, l'offre de logements sociaux est beaucoup plus réduite en Belgique que dans la plupart des États de l'Union européenne et cette offre est évidemment totalement insuffisante par rapport aux besoins des populations les plus démunies.

Le logement est aujourd'hui une matière essentiellement régionale. Toutefois, le pouvoir fédéral garde dans ses compétences l'organisation des relations contractuelles privées entre le bailleur et le preneur. Il convient donc de mettre en oeuvre, dans ce cadre, des mesures qui soutiennent les politiques volontaristes menées dans les trois régions du pays.

La loi du 20 février 1991, qui mettait fin à des lois temporaires en la matière, a profondément remodelé les dispositions du Code civil concernant les relations entre preneur et bailleur pour la location de la résidence principale du locataire. Des principes fondamentaux nouveaux ont été introduits dans le Code civil concernant notamment l'état du bien loué, la durée possible des baux, les possibilités de renon, la sous-location, l'indexation et la révision éventuelle des loyers. Ces nouvelles dispositions visaient à assurer un équilibre entre les impératifs du marché immobilier et la protection des locataires, particulièrement les locataires les plus vulnérables. Il convenait en effet à la fois d'assurer une rentabilité correcte pour le propriétaire de son investissement immobilier et la protection du locataire afin de lui assurer une stabilité dans le logement et afin de le prémunir contre les augmentations abusives de loyer.

La loi du 13 avril 1997 a modifié la loi de 1991 notamment en vue d'assurer une meilleure protection en ce qui concerne les conditions de sécurité, de salubrité et d'habitabilité, de même qu'elle instaurait une réglementation plus cohérente pour les baux de courte durée et pour les contrats de rénovation.

Cela étant, malgré ces incontestables avancées notamment en faveur de la protection du preneur, et compte tenu de l'évolution préoccupante des loyers dans certains grands centres urbains, il nous a semblé opportun de modifier à nouveau les dispositions du Code civil et du Code judiciaire afin de répondre à des situations récurrentes qu'engendre la législation actuelle.

C'est d'ailleurs le sens du volet fédéral du programme d'action nationale de lutte contre la pauvreté, déposé par le ministre de l'Intégration sociale et qui a été approuvé par le gouvernement le 17 octobre 2000. Ce plan contient d'ailleurs nombre de propositions particulièrement intéressantes, comme par exemple :

­ l'instauration de Commissions de conciliation en vue de régler les différends locatifs tant de manière préventive que curative;

­ l'adaptation avant fin 2001 de la loi relative aux baux à loyer afin d'assurer un rapport plus équitable entre le prix du loyer et la qualité du logement;

­ une diminution du montant de la TVA pour la construction et la rénovation de logements sociaux.

À notre connaissance, aucune de ces propositions n'a encore fait l'objet de propositions précises de la part du gouvernement. Il nous a dès lors paru opportun de prendre une initiative parlementaire afin de mettre en débat les actuelles dispositions qui régissent les baux à loyer.

Les différentes dispositions contenues dans la présente proposition reflètent d'ailleurs certains problèmes permanents rencontrés par les locataires les plus démunis notamment au travers des revendications des associations de défense des locataires.

En effet, compte tenu de l'insuffisance de l'offre en matière de logement social, les personnes démunies sont obligées de s'orienter vers le marché de la location du secteur privé. Et, non seulement la qualité du patrimoine connaît des insuffisances flagrantes, mais de plus, les prix du loyer augmentent toujours plus vite que le coût de la vie, particulièrement dans le segment inférieur du marché des loyers touchant donc principalement les personnes à bas revenus.

De plus, l'application de la loi sur les baux à loyer engendre devant les juges de paix un contentieux judiciaire particulièrement important, principalement suite aux actions des bailleurs avec toutes les difficultés que connaissent les locataires les plus démunis dans l'accès à la justice et la défense de leurs droits.


Afin de ne pas retarder les débats et compte tenu de la nécessité de répondre le plus rapidement possible à des situations d'urgence, particulièrement durant les mois d'hivert il nous a semblé opportun de diviser notre travail en deux phases. La première, qui fait l'objet de la présente proposition, vise principalement à instaurer une procédure de conciliation entre le preneur et le bailleur, à éviter des augmentations immodérées de loyer par la conclusion d'une succession de contrats de bail de courte durée et à modifier les règles en matière de renon au profit des locataires les plus démunis.

En effet, afin de lutter de manière plus volontariste contre la pauvreté, il nous paraît essentiel de prendre des dispositions particulières en faveur des locataires les plus démunis qui sont souvent les premières victimes de la spéculation immobilière et des loyers abusifs, tout en garantissant au propriétaire un rendement équilibré de son investissement immobilier.

La deuxième phase devra prendre en compte à plus long terme une réforme de la fiscalité immobilière notamment sur la base de l'avis du Conseil supérieur des finances de février 1997 et l'instauration d'un mécanisme permettant de fixer le loyer sur base de critères objectifs, comme cela existe dans certains pays de l'Union européenne.

La présente proposition n'aborde pas non plus la question préoccupante des résidents dans les campings, dans la mesure où il convient d'assurer une cohérence entre les dispositions prises par les régions et une éventuelle mise en application des dispositions civiles au profit de ces résidents.

Elle n'aborde pas non plus la question de la réquisition des immeubles abandonnés, telle qu'instaurée en 1993 dans une disposition de la loi communale, dans la mesure où là aussi des initiatives régionales ont été prises qui contournent les difficultés d'application de cette disposition. Il s'agit du droit de gestion sociale qui est déjà adopté en Région wallonne et en Région flamande et qui est à l'ordre du jour de la Région de Bruxelles-Capitale.

Enfin, d'autres problèmes tels que par exemple l'effectivité des dispositions relatives à l'adresse de référence au profit des sans-abri doivent trouver des solutions indépendamment de la révision des dispositions du Code civil sur les baux à loyer.


Le droit à un logement décent est consacré par la Constitution, il participe à une large définition de la dignité humaine. Bien que cette référence n'ait pas d'effet direct, elle peut être interprétée comme un objectif constitutionnel que des politiques publiques se doivent d'atteindre (1).

Le logement n'est pas seulement un besoin vital, il est aussi un point d'ancrage. L'exclusion du logement, ou l'exclusion par le logement, « amorce, nourrit et traduit la pauvreté » (2).

La loi relative aux baux à loyer engendre bon nombre de situations conflictuelles comme le reconnaît le gouvernement dans son « Programme d'action national contre la pauvreté » (octobre 2000). Et de préciser que : « dès lors, les litiges entre bailleurs et preneurs sont souvent portés devant le juge de paix et les locataires (plus démunis) sont souvent découragés de revendiquer leurs droits (...). En outre, il a été constaté que les catégories de personnes à bas revenus se présentent rarement chez le juge de paix et aucune médiation n'est dès lors possible » (3).

De plus, il apparaît que trop souvent les locataires hésitent à se présenter devant la justice de paix pour exiger que soient respectés leurs droits. Dans 80 % des cas, ce sont les bailleurs qui initient les procédures judiciaires (4).

Le gouvernement se propose de créer des commissions de conciliation afin de rassembler les différents acteurs et de régler les différends de location d'une manière préventive et curative. Il faut soutenir l'objectif de sortir de la procédure judiciaire le réglement des différends ayant trait à la location, soit par l'instauration de commisssions de conciliation, soit par le recours à un conciliateur de justice (5). La commission de conciliation ou le conciliateur de justice sont des modes de réglement à l'amiable des conflits qui ne se substituent pas au système judiciaire, mais qui interviennent en amont de celui-ci.

S'il est permis de croire que lorsque ces recours seront effectifs, nombre de litiges seront résolus de manière plus souple, il faut néanmoins modifier dès à présent la procédure judiciaire existante pour ramener l'ensemble des locataires dans le circuit judiciaire.

Nous savons que pour certaines personnes l'institution judiciaire peut apparaître comme une forteresse inaccessible, comme une machine désincarnée. Dans les litiges relatifs aux baux, certains locataires ne se présentent pas devant le juge de paix, persuadés que tout est perdu d'avance, qu'étant, par exemple, en retard de paiement, ils ne pourront échapper à l'expulsion.

Cette situation, même si elle ne se fonde que sur une perception, n'est pas admissible dans un état de droit. Il est nécessaire de tout mettre en oeuvre pour que tout jugement soit contradictoire.

Cette proposition de loi entend apporter trois réformes qui s'inscrivent dans cette perspective.

D'abord, renforcer le système d'information entourant la procédure judiciaire.

Ensuite, rendre obligatoire la conciliation devant le juge de paix dans toutes contestations relatives aux louages d'immeubles.

Enfin, autoriser les parties à participer à la conciliation en se faisant épauler par une association agréée représentant les locataires ou les propriétaires.

Plusieurs associations de défense de locataires mettent en avant que certaines condamnations par défaut s'expliquent simplement, si l'on peut dire, par le fait que le locataire n'était même pas au courant de l'existence même d'une procédure judiciaire à son encontre. La convocation à comparaître est envoyé par le greffier sous pli judiciaire ou par huissier sous forme d'exploit. Tant le pli judiciaire que l'exploit d'huissier sont remis à main propre. Si l'huissier ne trouve pas le destinataire, il dépose une copie de l'acte au domicile et envoie dans les 24 heures un recommandé pour signifier que l'acte peut être retiré à l'étude. Pour le pli judiciaire, si le facteur ne peut le remettre en mains propres, il laisse un avis de passage signalant que le pli peut être retiré dans les 8 jours au bureau de poste.

Il apparaît que certains locataires en détresse ne prennent pas la peine d'aller au bureau de poste pour retirer le pli. Paradoxalement, il semble que pour ceux-là, l'information aurait plus de chances d'aboutir par une simple lettre.

Il faut dès lors prévoir que la convocation sera envoyée par recommandé et par pli simple.

Face à la complexité de l'appareil judiciaire et de législation en matière de baux à loyer, la présente proposition veut porter à la connaissance des parties à un litige l'existence d'associations de locataires ou de propriétaires qui pourraient les aider. Les aider à connaître leurs droits, à trouver des solutions...

Pour ce faire, il est proposé d'annexer à tout courrier relatif à une convocation à se présenter au tribunal, à la signification du jugement, à l'exploit de l'huissier ... la liste des asssociations agréées de défense des locataires et des propriétaires actives dans le canton judiciaire dont les parties ressortent.

Cette initiative s'inscrit dans un souci de protection des droits de chacun et de responsabilisation des citoyens qui peuvent, s'ils le désirent, entamer une démarche volontariste pour faciliter le réglement de leurs litiges.

C'est souvent parce qu'ils ont l'impression que leur situation ne peut faire l'objet d'une transaction que certains locataires ne se présentent pas au tribunal, persuadés qu'ils seront condamnés d'office. La conciliation devant le juge de paix peut être requise aujourd'hui par l'une des parties ou par le juge avec l'accord des deux parties. En rendant la conciliation obligatoire, comme c'est d'ailleurs le cas en matière de bail à ferme par exemple, la présente proposition entend mettre en avant la médiation plutôt que le jugement. Si la demande en justice doit être précédée d'une tentative de conciliation, on sort le litige de l'apparence de la stricte application de la loi et on permet aux deux parties d'essayer de se réunir autour d'une solution négociée.

Pour encore faciliter cette négociation, et de manière plus générale pour mieux appréhender toute la procédure judiciaire, les associations de défense des locataires ou des propriétaires sont autorisées à accompagner les parties durant la procédure judiciaire relative à un litige locatif. Cette option ne se substitue pas à la possibilité de s'adjoindre un conseil. La faculté de se faire épauler par ce type d'association s'entend dans le cadre de l'aide juridique de première ligne. La connaissance de terrain et la maîtrise de la problématique qu'ont développées ces associations représentent un atout pour inciter ceux que l'appareil judiciaire inquiète à se défendre mais aussi en vue de la recherche de solutions alternatives.

Les objectifs principaux de ces réformes liées à la procédure judiciaire en matière de baux à loyers sont d'éviter les jugements par défaut et de tout mettre en oeuvre pour recourir à la négociation d'une solution concertée entre les deux parties.


Les associations de défense des locataires de certaines grandes villes constatent depuis quelques mois une hausse importante des préavis donnés par certains propriétaires qui débouchent, lors de la remise en location, sur d'importantes augmentations de loyers (6) (supérieures à l'indexation, en l'absence de travaux, etc.).

Cette tendance est surtout perceptible dans le cadre des baux de courte durée. Le législateur avait dès 1997 perçu ce risque d'augmentation du loyer pour les contrats de type court puisqu'il avait introduit la règle selon laquelle le loyer de base ne peut pas être plus élevé au cours des 9 années suivantes que le loyer indexé si des contrats de courte durée successifs ont chaque fois été conclus avec différents locataires après un congé donné par le bailleur. Si l'intention était belle et bien d'empêcher des augmentations contraires aux prescriptions légales, l'énoncé de la disposition est trop restrictif et imprécis. La présente proposition redéfinit les termes de cette disposition en ne cantonnant pas l'interdiction d'augmentation du loyer dans le cas d'un congé donné par le bailleur. Elle précise aussi que l'impossibilité d'augmenter le loyer sans condition court dès la conclusion du deuxième bail.


Il va de soi qu'une connaissance des droits et obligations en matière de location permettrait dans une certaine mesure d'éviter des situations litigieuses. Que se soient les principes particuliers du bail de courte durée (durée totale qui ne peut excéder 3 ans, une seule prorogation aux mêmes conditions, au-delà passage implicite à un bail de 9 ans), ou bien encore l'interdition, lorsque la garantie consiste en une somme d'argent, de remettre cette somme entre les mains du bailleur, des pans entiers de la loi sur les baux à loyer semblent ignorés par certains. Si nous savons tous que nul n'est censé ignorer la loi, nous connaissons aussi la nature déclaratoire de ce genre de précepte. L'un des nombreux obstacles à connaître la loi réside dans la difficulté à se procurer celle-ci. Afin d'offrir aux locataires et aux propriétaires l'information la plus large sur leurs droits et obligations, il est proposé que dorénavant une copie de la loi sur les baux à loyer soit jointe au contrat de bail.


Les dispositions de la loi sur les baux à loyer relatives à la procédure de résiliation du bail par le locataire sont trop rigides, eu égard à certaines situations, et présentent le risque d'entraîner certains dans la spirale de la pauvreté. Il est en effet prévu que le locataire peut mettre fin au bail à tout moment à la condition de signifier au bailleur un congé de trois mois. Or, ce délai peut s'avérer extrêmement long dans certaines circonstances. Prenons l'exemple d'un locataire qui voit sa demande de location d'un bien du parc social rencontrée : celui-ci doit occuper son appartement dans le mois qui suit l'acceptation par la société de logement, sous peine de se voir rayer de la liste des bénéficiaires. Concrètement, cela signifie que le locataire aux termes de la loi actuelle qui ne peut se permettre de payer pendant deux mois deux loyers ­ et qui peut se le permettre? ­ se voit contraint de renoncer au logement social. Au-delà de cette situation particulière, il est des accidents de vie qui peuvent frapper tout un chacun ­ perte de son emploi, séparation, par exemple ­ et entraîner une chute importante des revenus. Ces circonstances imprévisibles peuvent devenir intenables pour certains locataires qui se retrouvent avec un loyer démesuré par rapport à leurs nouveaux revenus. Là encore, un congé de 3 mois pour mettre fin au contrat de bail est beaucoup trop long et comporte le risque de précipiter le locataire dans une plus grande précarité encore, voire dans les cas les plus aigus dans une procédure d'expulsion.

La présente proposition ramène à un mois le congé que le locataire signifie au bailleur pour mettre fin à son bail si c'est pour bénéficier d'un logement social ou s'il est victime de circonstances exceptionnelles entraînant une chute importante de ses revenus.

Lorsqu'il s'agit d'un renon pour occuper un logement du parc social, le locataire joint à sa demande la copie certifiée conforme de son nouveau bail.

En ce qui concerne le renon suite à une chute brutale et importante de revenus, le locataire explique, par recommandé, sa situation et demande au bailleur de mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. Si les parties ne peuvent s'entendre à l'amiable, le locataire peut saisir le juge de paix qui statue sur les circonstances exceptionnelles et ramène, s'il l'estime pertinent, le congé à un mois. Il est évident que ces accidents de vie peuvent frapper tout un chacun, locataire comme propriétaire, mais ils ont indéniablement des répercussions différentes pour les uns ou les autres. Le propriétaire pour faire face à cette chute de revenus possède au moins un patrimoine qui lui permet d'y faire face plus facilement. Le locataire par contre est bien plus démuni. Dès lors, la présente proposition entend n'offrir cette possibilité de ramener le congé de trois mois à un mois qu'aux seuls locataires.


L'enregistrement du bail est déjà obligatoire selon les dispostions du Code des droits d'enregistrement. Mais il n'est pas précisé qui doit supporter cette obligation. Certains avancent néanmoins que « dans la mesure où l'enregistrement est une formalité qui protège les droits du locataire vis-à-vis des tiers, il est de son intérêt de faire procéder à la formalité de l'enregistrement, même s'il doit en supporter le coût » (7). Cette logique repose sur un a priori que la présente proposition ne partage pas. Bien qu'il n'y ait de meilleure certitude pour le locataire que d'enregistrer lui-même le bail afin de garantir ses droits, cette obligation d'enregistrement peut recouvrir d'autres objectifs qui ne coïncident pas avec cette logique. En effet, l'obligation d'enregistrement du bail s'inscrit aussi dans le but de constituer une photographie précise du marché locatif en Belgique. Ce dernier n'est aujourd'hui perçu par les pouvoirs publics qu'au travers différents prismes (parc public, impôts, etc.) qui permettent difficilement une bonne appréhension de la problématique. En rendant l'obligation d'enregistrement effective, les pouvoirs publics bénéficieront d'un outil absolument nécessaire à l'élaboration d'une politique du logement ambitieuse, comme celle permettant d'établir des critères objectifs pour la fixation du loyer par exemple. De plus, grâce aux informations récoltées, l'on pourrait s'atteler à une révision de la péréquation cadastrale qui date de 1980 et qui porte sur l'état du marché locatif de ... 1975 et ainsi réajuster à sa valeur réelle le revenu immobilier.

Dans cette optique, la logique impose que ce soit celui qui tire partie des revenus de ses biens immobiliers qui supporte l'obligation d'enregistrement du bail. Le propriétaire qui n'honorerait pas cette obligation se verrait condamné au paiement d'une amende.

Le risque que certains propriétaires, malgré l'amende, ne souscrivent pas à cette obligation, fait craindre une diminution de la protection des droits des locataires. La présente proposition entend faire disparaître celui-ci en donnant au contrat de bail non enregistré un caractère opposable d'office à des tiers.

Jean CORNIL

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Un article 47bis, rédigé comme suit, est inséré dans le Code judiciaire :

« Art. 47bis. ­ Dans les matières visées à l'article 591, 1º, les procédures telles que réglées dans le présent chapitre doivent être assorties, à chaque fois, de l'envoi, au destinataire de la signification ou de la notification, d'une lettre recommandée ainsi que d'une lettre ordinaire, reproduisant chacune les mentions de la signification ou de la notification. »

Art. 3

Un article 47ter, rédigé comme suit, est inséré dans le même code :

« Art. 47ter. ­ § 1. Dans les matières visées à l'article 591, 1º, une liste reprenant les coordonnées des associations agréées représentatives des intérêts des parties doit être annexée à toute signification et notification.

§ 2. Le Roi arrête les critères auxquelles les associations doivent se conformer aux fins de recevoir l'agrément. »

Art. 4

Un article 734septies, rédigé comme suit, est inséré dans le même code :

« Art. 734bis. ­ § 1er. Devant le juge de paix, tout débat relatif à une des demandes prévues à l'article 591, 1º, concernant les contestations relatives au louage d'immeubles destinés au logement, doit être précédé, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation, actée à la feuille d'audience.

Les parties peuvent être accompagnées par les représentants d'une association représentative de leurs intérêts, agréée conformément au prescrit de l'article 47ter, § 2.

Si les parties ne peuvent être conciliées, il en est fait mention dans le jugement. »

Art. 5

L'article 3, § 5, du Code civil, inséré par la loi du 20 février 1991 et modifié par la loi du 13 avril 1997, livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, est complété par les alinéas suivants :

« Dans le but de prendre en location un bien ressortissant au parc social, le preneur peut mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. Le preneur le notifie au bailleur en joignant une copie certifiée conforme de son nouveau bail. Le preneur ne sera pas redevable de l'indemnité prévue à l'alinéa 2.

Lorsque le preneur s'estime victime de circonstances exceptionnelles entraînant une diminution importante de ses revenus, il peut demander au bailleur de pouvoir mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. À défaut d'accord des parties, le juge statue sur ces circonstances exceptionnelles et ramène, le cas échéant, le congé à un mois. Le preneur ne sera pas redevable de l'indemnité prévue à l'alinéa 2, même si ces circonstances exceptionnelles interviennent au cours du premier triennat. »

Art. 6

À l'article 7, § 1erbis, alinéa 1er, de la même section, sont apportées les modifications suivantes :

A) les mots « Si un bien fait l'objet de baux successifs, conclus avec des preneurs différents » sont remplacés par les mots « Si, à un bail conclu pour une durée inférieure ou égale à trois ans, succède un ou plusieurs autres baux conclus, à chaque fois avec un preneur différent, »;

B) les mots « auxquels il est mis fin moyennant un congé donné par le bailleur, » sont supprimés.

Art. 7

À l'article 9 de la même section sont apportées les modifications suivantes :

A) les mots « Si le bail a date certaine antérieure à l'aliénation du bien loué, l'acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux » sont remplacés par les mots « En cas d'aliénation du bien loué, le bail est opposable de plein droit à l'acquéreur à titre gratuit ou onéreux, lequel »;

B) l'alinéa 2 est supprimé.

Art. 8

La même section est complété par un article 13, rédigé comme suit :

« Art. 13. ­ À peine de nullité, les contrats de bail doivent comprendre, en annexe, une copie des dispositions de la présente section. »

Art. 9

À l'article 35, alinéa 1er, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, sont apportées les modifications suivantes :

A) dans le 6º, modifié par la loi du 22 décembre 1998, les mots « visés à l'article 19, 2º, 3º et 5º » sont remplacés par les mots « visés à l'article 19, 2º et 5º »;

B) le 7º, abrogé par l'article 5, 3º, de la loi du 10 juin 1997, est rétabli dans la rédaction suivante :

« 7º aux bailleurs, lorsqu'il s'agit de baux relatifs à la résidence principale du preneur, pour les actes visés à l'article 19, 3º; »

Art. 10

L'article 41bis du même code, inséré par la loi du 22 décembre 1989 et modifié par la loi du 28 juillet 1993 et l'arrêté royal du 20 juillet 2000, est complété par l'alinéa suivant :

« Il est encouru une amende de 1 000 EUR par les bailleurs contrevenant au prescrit de l'article 35, alinéa 1er, 2º. »

19 décembre 2001.

Jean CORNIL.

(1) Sur cette quetion, voir N. Bernard, « L'effectivité du droit constitutionnel au logement », in Revue de Droit constitutionnel, 2, 2001, Bruxelles, Bruylant, pp. 155-176.

(2) S. Dion-Loye, Les pauvres et le droit, Que sais-je ?, 1997, p. 69.

(3) « Programme d'action national contre la pauvreté », octobre 2000, p. 9.

(4) « Mémorandum Droit à l'Habitat », Dossier trimestriel du RBDH, numéro 4, juillet-août-septembre 2001, p. 34.

(5) A cet égard, voir la proposition de la loi par K. Lalieux et T. Giet.

(6) cf. Solidarités Nouvelles, Régionale de Bruxelles, Rapport portant sur le travail réalisé au sein de l'ASBL dans le cadre de la convention logement pendant la période s'étendant du 1er janvier au 30 juin 2001, juillet 2001, p. 21.

(7) La loi sur les loyers, troisième édition, mai 2000, ministère de la Justice, p. 9.