2-923/1 | 2-923/1 |
4 OCTOBRE 2001
Suite aux conclusions du Conseil européen d'Helsinki (10 décembre 1999), complétées par celles du Conseil européen de Feria (19-20 juin 2000), la CIG 2000, qui s'est tenue du 14 février au 11 décembre 2000, avait pour mandat de procéder aux réformes nécessaires des traités et de régler de manière satisfaisante les questions qui avaient été laissées en suspens à Amsterdam afin de préparer l'Union à l'élargissement. L'efficacité des institutions et le renforcement de la légitimité démocratique d'une union d'États et de peuples devaient être garantis. Répondre aux reliquats d'Amsterdam devait permettre de lever les hypothèques institutionnelles qui pesaient sur l'élargissement.
Le Traité de Nice répond au mandat qui a été défini par les Conseils européens, malgré les difficultés dues au caractère sui generis de la construction européenne qui allie des traits supranationaux et intergouvernementaux. Désormais, la voie est ouverte à l'élargissement de l'Union suite à la mise en vigueur des adaptations institutionnelles jugées nécessaires à l'adhésion de nouveaux États membres. Mais pour conserver une garantie intégrale de sa capacité d'action, une Union élargie et approfondie exige des réformes plus profondes de façon à garantir dans l'Union la démocratie, l'efficacité, la transparence et la bonne gouvernance.
Le processus de la construction européenne est, par nature, dynamique : il vise a créer une Union toujours plus étroite entre ses membres (article 2 TUE). C'est dans ce cadre qu'il faut interpréter la déclaration sur l'avenir de l'Union inscrite à l'acte final de la Conférence. Comme l'article N du Traité de Maastricht ou la déclaration sur les institutions dans la perspective de l'élargissement de l'Union du Traité d'Amsterdam, le Traité de Nice renvoie à la déclaration de Laeken pour ouvrir la négociation d'un nouvel approfondissement de l'Union. La CIG 2004 ne se limitera pas à une simple révision des traités vu la nature constitutionnelle des thèmes qui ont déjà été arrêtés à Nice.
Le mandat qui a été confié aux présidences suédoise et belge est d'organiser un débat plus large et plus approfondi sur l'avenir de l'Union européenne et la détermination des finalités politiques de la construction européenne, en coopération avec la Commission, avec la participation du Parlement européen et des parlements nationaux, et de toutes les parties intéressées, dont les États candidats. La présidence belge devra parvenir à l'adoption de la déclaration de Laeken déterminant de façon ouverte les thèmes de la discussion et la méthode à adopter. Les questions traitées, par leur nature constitutionnelle ou par la perspective de l'élargissement, entraîneront un saut qualitatif dans l'évolution continue de l'Union européenne.
François ROELANTS du VIVIER. Philippe MONFILS. |
Le Sénat,
A. Vu la Déclaration sur l'avenir de l'Union (Déclaration 23) annexée au Traité de Nice;
Invite le gouvernement belge, dans le cadre de sa réflexion sur la déclaration de Laeken, à prendre en considération les principes et les propositions suivants :
1. à veiller à ce que le débat qui s'engage ne porte pas uniquement sur la question des institutions et de leur réforme : l'Europe est d'abord un projet politique, qui doit être soutenu par une vision globale de l'approfondissement de l'Union au service d'une vision commune des valeurs des sociétés européennes. La communauté de destin qui se forme au sein du continent réunifié doit permettre de renforcer l'intégration entre les États et les peuples qui le composent, et la solidarité vis-à-vis des ensembles régionaux qui l'entourent;
2. à faire en sorte que le débat sur la refondation de l'Union européenne débouche sur les réformes qui détermineront les contours et le contenu de l'Union politique élargie. L'Union doit définir les objectifs, les politiques et les instruments nécessaires pour que son poids politique corresponde à son poids économique. En son sein, elle doit développer en face d'une Union économique et monétaire approfondie une Union politique qui donnera un sens à son action. Elle doit donc définir d'abord un projet et une identité politique pour une Union élargie (Que veut-on faire ensemble ?) afin de déterminer en conséquence les institutions adéquates, les deux dimensions formant un projet européen défini et légitime;
3. à prendre toutes les dispositions pour rassembler les normes européennes actuelles dans un nouveau texte fondateur, appelé « La Constitution européenne », afin d'oeuvrer à la clarification du modèle institutionnel de l'Union et de rapprocher les citoyens de l'ambition européenne. Cette « Constitution européenne » serait constituée de la manière suivante :
a) elle regrouperait les principes et structures fondamentaux, y compris la Charte des droits fondamentaux.
b) une série d'annexes révisables selon les modalités moins contraignantes serait ajoutée afin de rassembler de façon cohérente les textes juridiques de l'Union.
4. à préciser les compétences des différents niveaux de pouvoir selon le critère d'attribution, tout en respectant les compétences matérielles de l'Union (articles 2 et 3 TUE) et le besoin de flexibilité y afférent par une application effective du principe de subsidiarité et de proportionnalité. Un contrôle juridictionnel de ce principe devrait être confié à la CJCE. Les compétences partagées devraient être cogérées selon le principe du fédéralisme coopératif. La question de l'avant-garde, qui devra avoir une nature communautaire, pourrait également y trouver sa place, comme l'attribution de la personnalité juridique à l'Union ou son mode de financement;
5. à veiller à ce que les institutions européennes répondent à un certain nombre de critères transversaux comme la transparence, la légitimité démocratique et la responsabilité politique, et l'efficacité de la manière suivante :
a) la relation hiérarchique Coreper/Conseil affaires générales/Conseil européen et le triangle institutionnel Commission/Parlement/Conseil devrait être redéfinie et les institutions correspondre aux nouvelles articulations établies entre elles;
b) les fonctions et l'organisation du travail du Coreper et du Conseil affaires générales devraient être redéfinies afin de remettre en avant leur rôle de coordinateur des différents conseils et comités spécialisés, ainsi que la préparation des Conseils européens;
c) la différenciation des fonctions législatives et exécutives des Conseils permettrait l'application de règles de transparence appropriées;
d) une préparation adéquate du Conseil européen au sein des institutions européennes (Secrétariat général et Commission) devrait lui permettre d'exercer pleinement les compétences qui lui ont été attribuées par les traités;
e) la Commission doit pouvoir réaffirmer son caractère supranational et son indépendance vis-à-vis des États, en tant qu'institution déterminant l'intérêt européen et en tant que gardienne des principes fondateurs de l'Union. Elle devrait être dotée du monopole d'initiative pour l'ensemble des politiques de l'Union afin d'en garantir la cohérence et l'obligation de suivi. Un lien de responsabilité individuelle et de représentativité politique devrait être établi avec le Parlement européen, et le Conseil européen;
f) le rôle des parlements nationaux dans le contrôle parlementaire des politiques européennes doit être renforcé, plus spécifiquement pour les compétences de l'Union où le pouvoir de codécision du Parlement européen ne s'applique pas encore;
g) la création d'une hiérarchie des normes communautaires permettrait la mise en place d'une norme cadre supérieur (acte législatif) pour laquelle la codécision serait automatique;
6. l'Union réposant entre autres sur un ensemble de politiques communes ou partagées, à continuer à approfondir celles-ci afin d'en garantir l'efficacité et la pertinence. Des pistes devront être dégagées au sein de la convention afin que la CIG puis chaque Conseil spécialisé puissent décider des adaptations et les mettre rapidement en oeuvre :
a) la PESC devrait voir sa nature communautaire accentuée, par la concentration des compétences dans les mains d'un seul commissaire, désigné vice-président de la Commission. Le financement des actions communes, la réprésentation diplomatique de l'Union, l'extension des coopérations renforcées au domaine de la défense, l'adoption de la majorité qualifiée comme mode de prise de décision, le contrôle parlementaire (1) et l'introduction d'une clause de solidarité politique pourrait être une liste non exhaustive de thématiques à aborder par la convention;
b) le troisième pilier devra, après la mise en application intégrale du programme de Tampere, poursuivre son développement, par exemple, en définissant plus précisément la notion d'espace de liberté, de sécurité et de justice en liaison avec la Charte des droits fondamentaux et la liberté de circulation, en envisageant la création d'un paquet européen, à la communautarisation de la coopération pénale, à la définition de l'équilibre entre Eurojust et Europol, et aux modalités du contrôle parlementaire et juridictionnel sur ces matières;
c) les politiques communes (recherche, énergie, emploi et affaires sociales, éducation) devront être réévaluées en fonction des élargissements, ce qui impliquera de veiller à la pertinence des instruments et des moyens de financement. La PAC devra conserver son caractère supranational dans le cadre de la redéfinition d'un modèle agricole européen intégrant les dimensions de l'environnement, de la sécurité alimentaire et de l'aménagement du territoire. La convention pourrait s'attacher à réaffirmer un certain nombre de principes directeurs qui devront être pris en compte, dans la négociation du paquet global 2007-2013;
7. prie le gouvernement d'arrêter la méthode et le calendrier à Laeken, sur base des considérations suivantes :
a) nourrie par le large débat public ayant cours pendant toute l'année 2001, une convention sous la direction d'un président désigné à Laeken, pourra poursuivre et approfondir pendant deux ans la réflexion sur les thématiques arrêtées à Laeken, sans préjuger de la liste définitive des thèmes soumis à sa réflexion. Des groupes techniques et juridiques pourront lui proposer sur des questions spécifiques des avis et des propositions. Elle aura pour tâche de dégager des solutions consensuelles ou différentes options en cas d'avis divergents; ces propositions serviront de bases aux travaux de la CIG 2004;
b) afin d'être représentative, cette convention devra rassembler des représentants des assemblées parlementaires et des exécutifs nationaux, des représentants de la Commission et du Parlement européen, des représentants du Comité des régions, ainsi que les États candidats avec un rang d'observateur. Ces travaux pourront être enrichis par des contributions émanant de la société civile;
c) en vertu de l'article 48 TUE, une CIG devra être réunie en 2004 afin de se prononcer sur le travail effectué par la convention et arrêter les propositions définitives. Les États candidats qui auront signé leur adhésion à l'Union pourront participer à la CIG avec un rang d'observateur.
François ROELANTS du VIVIER. Philippe MONFILS. |
(1) Comme le prévoit la proposition de résolution sur le contrôle parlementaire de la Politique européenne de sécurité et de défense du 28 juin 2001 (doc. Chambre, 50-1312/003).