2-244/22

2-244/22

Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

9 JUILLET 2001


Proposition de loi relative à l'euthanasie


RAPPORT

FAIT AU NOM DES COMMISSIONS RÉUNIES DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES SOCIALES PAR MMES LALOY ET VAN RIET


SOMMAIRE


Introduction

  1. Auditions de représentants du Comité consultatif de bioéthique
    1. Exposé de M. E. Vermeersch, président du Comité consultatif de bioéthique
    2. Exposé de M. Y. Englert, vice-président du Comité consultatif de bioéthique
    3. Exposé de M. Van Orshoven, vice-président du Comité consultatif de bioéthique
    4. Exposé de M. Cassiers, vice-président du Comité consultatif de bioéthique
    5. Échange de vues
  2. Présentation des propositions dont les commissions réunies étaient initialement saisies
    1. Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable (de M. Philippe Mahoux et Mme Myriam Vanlerberghe); nº 2-10/1
    2. Proposition de loi relative à la demande d'interruption de vie (de M. Philippe Monfils); nº 2-22/1
    3. Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l'institution d'une déclaration de volonté relative au traitement (de M. Frans Lozie et Mme Jacinta De Roeck); nº 2-86/1
    4. Proposition de loi relative à l'euthanasie (de Mme Jeannine Leduc et consorts); nº 2-105/1 et 2
    5. Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exerce de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (de Mme Clotilde Nyssens et consorts); nº 2-151/1
    6. Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort (de M. Hugo Vandenberghe et consorts); nº 2-160/1
    7. Proposition de résolution relative au développement d'un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient (de Mme Iris Van Riet et consorts); nº 2-106/1
  3. Présentation de trois nouvelles propositions de loi déposées par six sénateurs
    1. Proposition de loi relative à l'euthanasie (de M. Philippe Mahoux et consorts); nº 2-244/1-9
    2. Proposition de loi visant à créer une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi du ... relative à l'euthanasie (de Mme Jacinta De Roeck et consorts); nº 2-245/1
    3. Proposition de loi relative aux soins palliatifs (de Mme Myriam Vanlerberghe et consorts); nº 2-246/1
  4. Début de la discussion générale
  5. Présentation de deux propositions de loi relatives aux soins palliatifs (nºs 2-249/1 et 2-402/1)
  6. Auditions
  7. Reprise de la discussion générale (après les auditions)
  8. Débat relatif aux soins palliatifs
    1. Audition de M. Manu Keirse, chef de cabinet du ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement et de M. Rik Thijs, conseiller de cabinet du ministre des Affaires sociales et des Pensions
    2. Échange de vues et questions suscités par l'audition de MM. Keirse et Thijs
    3. Audition de Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement et de M. Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions
  9. Discussion des articles de la proposition de loi relative à l'euthanasie (de M. Philippe Mahoux et consorts); nº 2-244/1

INTRODUCTION

Les commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales ont consacré 86 réunions à la discussion de la problématique de l'euthanasie et des soins palliatifs.

Les travaux ont débuté le 20 octobre 1999 pour se terminer le 9 juillet 2001.

À l'origine, les commissions réunies étaient saisies des propositions de loi suivantes :

­ Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable (de M. Philippe Mahoux et Mme Myriam Vanlerberghe) (nº 2-10/1);

­ Proposition de loi relative à la demande d'interruption de vie (de M. Philippe Monfils) (nº 2-22/1);

­ Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l'institution d'une déclaration de volonté relative au traitement (de M. Frans Lozie et Mme Jacinta De Roeck) (nº 2-86/1).

Au fur et à mesure de leur dépôt, d'autres propositions de loi relatives à la problématique en discussion ont été jointes aux travaux :

­ Proposition de loi relative à l'euthanasie (de Mme Jeannine Leduc et consorts) (nº 2-105/1);

­ Proposition de résolution relative au développement d'un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient (de Mme Iris Van Riet et consorts) (nº 2-106/1);

­ Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (de Mme Clotilde Nyssens et consorts) (nº 2-151/1);

­ Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort (de M. Hugo Vandenberghe et consorts) (nº 2-160/1);

­ Proposition de loi relative à l'euthanasie (de M. Philippe Mahoux, Mme Jeannine Leduc, M. Philippe Monfils et consorts) (nº 2-244/1);

­ Proposition de loi visant à créer une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi du ... relative à l'euthanasie (de Mme Jacinta De Roeck, M. Philippe Monfils, Mme Myriam Vanlerberghe et consorts) (nº 2-245/1);

­ Proposition de loi relative aux soins palliatifs (de Mme Myriam Vanlerberghe, Mme Marie Nagy, Mme Jacinta De Roeck et consorts) (nº 2-246/1);

­ Proposition de loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs (de Mme Clotilde Nyssens et consorts) (nº 2-249/1).

­ Proposition de loi visant à instaurer le droit à l'accès aux soins palliatifs et à améliorer la pratique des soins palliatifs (de Mme Ingrid van Kessel et consorts) (nº 2-402/1)


Avant de commencer l'examen des diverses propositions de loi déposées, les commissions réunies ont tout d'abord procédé à l'audition de quatre représentants du Comité consultatif de bioéthique : MM. Vermeersch, Van Orshoven, Cassiers et Englert.

Il convient de rappeler en effet que ce Comité a rendu deux avis en matière d'euthanasie.

Le premier avis (avis nº 1), rendu le 12 mai 1997, concerne l'opportunité d'un réglement légal de l'euthanasie. Il a fait l'objet d'un large débat tenu les 9 et 10 décembre 1997 au Sénat sur le thème de l'euthanasie (1).

Le deuxième avis (avis nº 9), rendu le 22 février 1999, concerne l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

A. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS DU COMITÉ CONSULTATIF DE BIOÉTHIQUE

I. Exposé de M. E. Vermeersch, président du Comité consultatif de bioéthique

M. Vermeersch fait observer que le Comité consultatif de bioéthique a, jusqu'à présent, émis deux avis concernant l'euthanasie, dans lesquels différentes propositions sont juxtaposées. En effet, la rédaction des avis visait non pas à adopter un point de vue uniforme, mais à définir le plus précisément possible les différentes opinions que l'on rencontre à ce sujet.

Avis nº 1 concernant l'opportunité d'un règlement légal de l'euthanasie

Dans cet avis, quatre propositions sont juxtaposées :

La proposition nº 1 plaide pour une modification de la loi permettant au médecin, à la demande expresse du patient, de pratiquer l'euthanasie dans le respect d'un certain nombre de conditions.

La proposition nº 2 est proche de la première du point de vue éthique, mais elle part du principe que la loi pénale reste inchangée. Le médecin qui pratique l'euthanasie peut toutefois, dans des conditions identiques à celles de la première proposition, invoquer un état de nécessité pour justifier juridiquement son acte. L'action de la justice doit être adaptée en conséquence. Cette proposition est la plus proche de la « procédure a posteriori » appliquée actuellement aux Pays-Bas.

La proposition nº 3, qui a suscité énormément d'intérêt au sein de la commission et du comité consultatif, préconise de soumettre à une procédure a priori les principales décisions médicales touchant à la fin de la vie.

Les partisans de cette proposition considèrent que toute une série de décisions médicales relatives à la fin de la vie, parmi lesquelles l'euthanasie, ne peuvent être prises qu'après une concertation éthique entre le patient, le médecin, un second médecin, qui examine notamment si le malade est réellement incurable, la famille et l'équipe soignante.

Devrait en outre participer à la concertation, une tierce personne, non-médecin, qui serait désignée par le comité d'éthique de l'hôpital en question. Il importe de préciser qu'au sein du comité consultatif, personne n'a proposé; plutôt que la consultation de cette personne, celle d'une commission ou du comité éthique lui-même.

Dans cette conception également, ce sont finalement le médecin et le patient qui décident si l'on procédera ou non à l'euthanasie. Ici aussi, il y a encore un contrôle a posteriori pour vérifier si les procédures imposées ont été appliquées correctement.

La quatrième proposition, enfin, plaide pour le maintien de l'interdiction actuelle qui frappe l'euthanasie.

Avis nº 9 concernant l'actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté

Différentes propositions ont également été formulées au sein du Comité consultatif en ce qui concerne l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

La première proposition est appuyée par les membres qui, dans l'avis nº 1, soutenaient les propositions 1 et 2. Elle plaide pour qu'il soit possible de mettre fin à la vie de personnes incapables d'exprimer leur volonté, de préférence en modifiant la loi. Cet acte ne serait toutefois possible que si le médecin :

­ est en possession d'une directive anticipée du patient allant dans ce sens, ou

­ a pris connaissance de l'opinion de la personne de confiance désignée par le patient, ou

­ en l'absence de directive anticipée et de personne de confiance, a été avisé du désir qu'ont exprimé les représentants légaux du patient. Ce dernier cas n'est possible qu'à des conditions précises et n'est pas possible si le patient a été capable d'exprimer sa volonté.

Dans toutes ces hypothèses, le médecin doit, dans l'appréciation de la situation du patient, procéder à une large concertation, non seulement avec la personne de confiance ou les représentants légaux, mais aussi avec les proches parents et l'équipe soignante.

C'est toutefois au médecin concerné, et non aux proches parents ou à l'équipe soignante, qu'il appartiendra de décider, en fin de compte, si l'on procédera ou non à l'acte.

La deuxième proposition ne juge acceptable l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté que dans le respect d'une procédure a priori, et uniquement chez les patients qui ont fait la demande d'un tel arrêt actif de la vie dans une directive anticipée.

Dans la première comme dans la deuxième proposition, une procédure a posteriori doit être respectée.

Les partisans de la troisième proposition plaident en faveur du maintien de l'interdiction actuelle qui frappe l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

Synthèse des avis nº 1 et nº 9

Le tableau ci-dessous confronte les deux avis.

Eerste Advies :
Euthanasie bij wilsbekwamen
­
Premier avis :
Euthanasie des personnes capables
Tweede Advies :
Levensbeëindigend handelen
bij wilsonbekwamen met
voorafgaande wilsverklaring
en/of vertrouwenspersoon
­
Deuxième avis :
Arrêt actif de la vie des
personnes incapables
avec directive anticipée
et/ou personne de confiance
Tweede Advies :
Levensbeëindigend handelen
bij wilsonbekwamen zonder
voorafgaande wilsverklaring
en zonder vertrouwenspersoon
­
Deuxième avis :
Arrêt actif de la vie
des personnes incapables
sans directive anticipée,
ni personne de confiance
Standpunt A. ­ Position A JA. ­ OUI JA. ­ OUI JA. ­ OUI
Beslissing van arts en patiënt (voorstel 1 en 2 van het eerste Advies). ­ Décision du médecin et du patient (propositions 1 et 2 du premier Avis) Beslissing bij arts met eventueel vertrouwenpersoon (voorstel 1 van het tweede Advies). ­ Décision du médecin et/ou de la personne de confiance éventuelle (proposition 1 du deuxième Avis) Op verzoek van wettelijke vertegenwoordigers (voorstel 1 van het tweede Advies). ­ Sur demande des représentants légaux (proposition 1 du deuxième Avis)
NEEN. ­ NON
Wanneer de patiënt wilsbekwaam is geweest (voorstel 1 van het tweede Advies). ­ Quand la personne a été capable (proposition 1 du deuxième Avis)
Standpunt B. ­ Position B JA. ­ OUI JA. ­ OUI NEEN. ­ NON
Mits noodtoestand en procedure a priori (voorstel 3 van het eerste Advies). ­ Moyennant état de nécessité et procédures a priori (proposition 3 du premier Avis) Mits noodtoestand en procedure a priori (voorstel 2 van het tweede Advies). ­ Moyennant état de nécessité et procédures a priori (proposition 2 du deuxième Avis) Voorstel 3 van het tweede Advies. ­ Proposition 3 du deuxième Avis)
Standpunt C. ­ Position C JA. ­ OUI NEEN. ­ NON NEEN. ­ NON
Mits noodtoestand en procedure a priori (voorstel 3 van het eerste Advies). ­ Moyennant état de nécessité et procédures a priori (proposition 3 du premier Avis) Voorstel 3 van het tweede Advies. ­ Proposition 3 du deuxième Avis Voorstel 3 van het tweede Advies. ­ Proposition 3 du deuxième Avis)
Standpunt D. ­ Position D NEEN. ­ NON NEEN. ­ NON NEEN. ­ NON
Voorstel 4 van het eerste Advies. ­ Proposition 4 du premier Avis Voorstel 3 van het tweede Advies. ­ Proposition 3 du deuxième Avis Voorstel 3 van het tweede Advies. ­ Proposition 3 du deuxième Avis

On constate que quatre points de vue peuvent se dégager dans l'ensemble de la problématique.

Le point de vue A est adopté par les membres du Comité consultatif qui ont soutenu les propositions nºs 1 et 2 de l'avis nº 2. Selon ce point de vue, l'euthanasie peut être pratiquée sans procédure a priori sur une personne capable d'exprimer sa volonté, après concertation entre le médecin et le patient, et de préférence par une modification de la loi.

L'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté est possible s'il se fonde sur une déclaration de volonté préalable du patient ou si ce dernier a désigné une personne de confiance. La décision appartient au médecin, éventuellement de concert avec la personne de confiance.

L'arrêt actif de la vie à la demande d'un représentant légal est possible à certaines conditions, mais uniquement si le patient n'a jamais eu la capacité juridique.

Dans tous les cas, l'intervention du médecin est liée à une procédure a posteriori.

Le point de vue B est soutenu par ceux qui estiment que l'euthanasie ne peut se justifier sur le plan éthique que dans des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire quand il se produit un état de nécessité (troisième proposition de l'avis nº 1).

Dans cette conception, l'arrêt actif de la vie d'une personne incapable d'exprimer sa volonté qui n'a pas rédigé de directive ne peut jamais être justifié sur le plan éthique. S'il y a bel et bien une directive, on peut, dans des cas exceptionnels, procéder à l'arrêt actif de la vie si l'on peut faire valoir le principe « nécessité fait loi ».

Dans tous les cas, une procédure a priori doit être respectée.

Le point de vue C est adopté par les partisans de la troisième proposition de l'avis nº 1, qui estiment que c'est là l'extrême limite à ne pas dépasser. Selon cette conception, aucune forme d'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté ne peut se justifier sur le plan éthique.

Ont souscrit au point de vue D, ceux qui souhaitent maintenir tel quel l'interdit légal de pratiquer l'euthanasie et l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

En conclusion, M. Vermeersch tient à souligner que dans ses avis, le Comité consultatif utilise des définitions très strictes pour désigner par exemple les notions d'euthanasie, de personnes incapables d'exprimer leur volonté, de directive anticipée, etc.

Il souligne qu'il y a au sein du Comité consultatif une parfaite unanimité concernant cette terminologie. Il recommande dès lors très instamment aux membres des commissions de s'en tenir à ces définitions dans les discussions et dans l'élaboration de dispositions légales. Cela permettrait d'éviter beaucoup de discussions inutiles.

À la demande des commissions réunies, l'orateur leur a communiqué les tableaux récapitulatifs suivants :

EUTHANASIE

AVIS 1

Proposition 1 : procédure a posteriori après modification de la loi

Proposition 2 : procédure a posteriori ­ recours à l'« état de nécessité » et action adaptée de la Justice

Proposition 3 : procédure a priori

Proposition 4 : l'euthanasie reste totalement interdite

ARRÊT ACTIF DE LA VIE DES PERSONNES INCAPABLES D'EXPRIMER LEUR VOLONTÉ

AVIS 9

Proposition 1 : procédure a posteriori après modification de la loi (ou autre réglementation)

­ directive anticipée et/ou personne de confiance

­ représentants légaux

Proposition 2 : procédure a priori

­ directive anticipée

Proposition 3 : interdiction de l'arrêt actif de la vie

SYNTHÈSE

AVIS 1 ET 9

Point de vue A : procédure a posteriori après modification de la loi (ou une autre réglementation)

­ euthanasie

­ arrêt actif de la vie (par une directive et/ou personne de confiance ou représentants légaux)

Point de vue B : procédure a priori ­ « état de nécessité »

­ euthanasie

­ arrêt actif de la vie (après directive anticipée)

Point de vue C : procédure a priori ­ « état de nécessité »

­ uniquement euthanasie

Point de vue D : interdiction légale de l'euthanasie et de l'arrêt actif de la vie

PROCÉDURES

A priori : conditions

pour l'euthanasie :

­ après une demande du patient, appréciation éthique du médecin, de la famille, de l'équipe soignante et d'une tierce personne (non-médecin) désignée par le comité éthique

­ le médecin prend la décision finale

­ contrôle social ultérieur

pour l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté :

­ même procédure, mais uniquement en cas de directive anticipée

PROCÉDURES

A posteriori : conditions

pour l'euthanasie :

­ souffrance insupportable

­ demande persistante

­ le médecin doit consulter un confrère

­ informer les parents et l'équipe soignante

pour l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté :

­ directive anticipée et/ou personne de confiance

­ si l'intéressé n'a jamais eu la capacité d'exprimer sa volonté : à la demande de représentants légaux et après consultation de l'équipe soignante

­ après l'accomplissement de ces conditions, la décision ultime incombe au médecin

Le médecin doit transmettre les données a posteriori à l'autorité judiciaire sur un formulaire prescrit

II. Exposé de M. Y. Englert, vice-président du Comité consultatif de bioéthique

L'orateur remercie la commission pour l'invitation adressée au bureau du Comité consultatif.

Cette invitation, qui témoigne d'un intérêt pour le travail très long et très ardu qui a été réalisé autour de la question de l'euthanasie, suscitera certainement, lors de la prochaine assemblée plénière du Comité, la satisfaction de tous ceux qui, quelle que soit leur position, ont consacré beaucoup d'énergie à ce dossier difficile.

L'orateur souhaite présenter brièvement la situation aux Pays-Bas, qui influence évidemment le débat de façon importante, non seulement en Belgique, mais aussi à l'échelle de la planète.

Aux Pays-Bas, l'histoire de la tolérance autour de l'euthanasie, telle que l'a définie M. Vermeersch, date du début des années 70, suite au procès d'un médecin qui avait mis fin aux souffrances de sa mère. Ce procès, qui date de 1973, est connu sous le nom de « procès de Leeuwarden ». Il s'est alors développé dans ce pays un large débat public autour du problème de l'euthanasie.

Entre 1973 et le début des années 80, un certain nombre de critères se sont développés, autour de la notion de force majeure, qui légitimaient l'intervention du médecin. On parle ici du patient conscient qui demande que l'on mette fin à ses souffrances dans le cadre d'une maladie incurable.

Ces critères sont les suivants :

­ le souhait durable et réfléchi du patient (il faut donc prendre garde aux influences de tiers, aux états dépressifs, à toutes les situations transitoires, qui doivent être évaluées);

­ une souffrance insupportable ou éprouvée comme telle (il s'agit ici tant d'une souffrance physique que d'une souffrance psychologique);

­ la présence d'un deuxième avis médical;

­ l'administration par le médecin lui-même de la substance létale, avec déclaration a posteriori.

Ces critères ont été recommandés par l'Association royale néerlandaise des médecins.

Depuis 1980, on considère qu'il s'agit d'une pratique très ouverte aux Pays-Bas.

Devant cette situation, le ministère de la Justice a demandé, au début des années 80, que toutes les déclarations soient non plus évaluées par les procureurs des différentes régions des Pays-Bas, mais envoyées au collège des procureurs généraux, afin que ceux-ci marquent leur accord sur le fait de ne pas poursuivre. Pendant les années 80, en effet, il n'y avait pas eu de poursuites.

En 1991, la justice et l'Association royale néerlandaise des médecins se sont mis d'accord sur un document de déclaration pour les euthanasies pratiquées. À l'époque, l'enquête était confiée au médecin légiste municipal, qui faisait rapport au procureur.

Depuis l'accord de 1991, on a constaté que le nombre de déclarations ne cessait d'augmenter : au début des années 90, il n'y en avait que 30 à 40, alors qu'en 1995, il y en avait environ 1 500. On estime que ce chiffre représente un peu plus de la moitié des actes actifs posés aux Pays-Bas au cours d'une année.

Une autre particularité de la situation hollandaise est que cette évolution s'est accompagnée d'une évaluation extrêmement transparente de la situation. En effet, le ministre de la Justice a commandé à l'École de santé publique de Rotterdam une étude faite en collaboration avec une équipe d'Amsterdam, publiée dans les plus grands journaux internationaux, et connue sous le nom de « rapport Van der Maas ». C'est le seul pays du monde où de telles données existent.

Les éléments essentiels qui ressortent de l'étude sont les suivants.

Tout d'abord, l'étude Van der Maas est extrêmement rigoureuse du point de vue épidémiologique. Six mille dossiers, pris au hasard, et plusieurs centaines d'euthanasies ont été analysés. Des échantillons représentatifs des médecins hollandais ont été interrogés.

Ensuite, on a procédé à une extrapolation des données à l'ensemble de la population hollandaise.

Le ministère de la Justice s'était engagé à ne prendre aucune mesure à partir des données réunies dans ce rapport.

Une particularité de la situation hollandaise, qui ne sera jamais extrapolable à la Belgique, est que c'est le procureur qui a, seul, l'initiative des poursuites. Par conséquent, il n'y a pas de poursuites s'il y a un accord des procureurs généraux en ce sens, et ce même s'il n'y a pas de légalisation.

L'étude Van der Maas montre qu'un très grand nombre de patients (environ 40 % des décès) meurent en contact avec un médecin dont les décisions ont modifié le moment du décès. Ceci est illustré par le tableau ci-après.

Incidence estimée des décisions médicales concernant la fin de vie (% du total des décès)

Décision de non-traitement 17,5
Soulagement de la douleur et des symptômes 17,5
Euthanasie et autres interventions en fin de vie 2,9
Euthanasie 1,8
Suicide assisté 0,3
Interruption de vie active sans demande explicite 0,8
Total 38,0

(Van der Maas et al., « The Lancet », 338, 14 septembre 1991.)

L'autre moitié des décès regroupe les décès inopinés, sans intervention d'un médecin.

La plupart des interventions du médecin qui peuvent amener à modifier le moment du décès sont des décisions de non-traitement (17,5 %) ou une administration de doses importantes d'anti-douleurs (17,5 %), dont on considère rétrospectivement qu'elle a modifié le moment du décès.

Ces deux pratiques médicales semblent unanimement acceptées, en tout cas au sein du Comité consultatif de bioéthique, et constituent des pratiques normales de gestion des patients en fin de vie.

2,9 % des décès sont provoqués par l'intervention active des médecins qui a précipité le moment du décès.

La plupart de ces cas sont des cas d'euthanasie au sens strict (1,8 %); le suicide assisté, au cours duquel le patient prend une préparation que le médecin a préparée à sa demande, représente 0,3 % des cas. Enfin, les interruptions de vie actives sans demande explicite représentent 0,8 % des cas. Dans ce dernier groupe, on trouve un certain nombre de personnes qui ont fait une déclaration préalable, mais, dans la situation hollandaise, ces cas sont bien distincts de l'euthanasie elle-même.

Les raisons pour lesquelles les patients demandent qu'il soit mis fin à leurs jours sont souvent multiples, ainsi qu'il résulte du tableau ci-après.

Raisons exprimées par les patients demandant l'euthanasie ou le suicide assisté (plus d'une raison par patient) (n = 187)

Perte de dignité 57 %
Douleurs 46 % Douleur seule :
10 %
Agonie qui n'en vaut pas la
peine
46 %
Dépendance des autres 33 %
Fatigue de vivre 23 %

(Van der Maas et al., « The Lancet », 338, 14 septembre 1991.)

La raison la plus fréquemment exprimée est la perte de dignité. Ensuite viennent, à égalité, les douleurs et l'agonie qui n'en vaut pas la peine, et enfin la dépendance et la fatigue de vivre.

La douleur seule n'est présente que dans 10 % des 187 demandes d'euthanasie analysées dans l'étude Van der Maas.

La douleur physique qui est, la plupart du temps, bien maîtrisable par les techniques médicales, n'est donc pas la raison principale pour laquelle les patients demandent qu'il soit mis fin à leur vie.

Aux Pays-Bas, ce sont en majorité des médecins généralistes qui sont confrontés à la fin de vie chez des patients à domicile; 62 % des généralistes ont déjà pratiqué une euthanasie ou un suicide assisté, de même que la moitié des médecins spécialistes, alors que les médecins travaillant dans les maisons de retraite ont pratiqué peu d'euthanasies (12 %), ainsi qu'il résulte du tableau ci-après.

Attitudes et pratiques des médecins hollandais face
à l'euthanasie ou au suicide assisté

Euthanasie of hulp bij zelfdoding
­
Euthanasie ou suicide assisté
Huisarts
(n = 152)
­
Médecin
généraliste
(n = 152)
Specialist
(n = 203)
­
Médecin
spécialiste
(n = 203)
RVT-
arts
(n = 50)
­
Médecin en
maison de retraite
(n = 50)
Totaal
(n = 405)
­
Total
(n = 405)
Heeft ze reeds toegepast. ­ L'a déjà pratiqué un jour 62 % 44 % 12 % 54 %
In de loop van de voorbije 24 maanden. ­ Dans les 24 derniers mois 28 % 20 % 6 % 24 %
Heeft ze nooit toegepast maar zou daar onder bepaalde voorwaarden toe bereid zijn. ­ Ne l'a jamais pratiqué mais y serait disposé sous certaines conditions 28 % 40 % 60 % 34 %
Zou zelf weigeren maar naar een collega verwijzen. ­ Ne voudrait jamais mais référerait à un confrère 6 % 9 % 26 % 8 %
Zou zelf weigeren en niet doorverwijzen. ­ Ne voudrait jamais ni ne référerait 3 % 8 % 2 % 4 %

(Van der Maas et al., « The Lancet », 338, 14 septembre 1991.)

Il s'agit clairement d'une pratique associée à des maladies extrêmement délabrantes, et non à des considérations économiques. Le nombre de médecins qui refuseraient de pratiquer l'euthanasie et ne référeraient pas à un confrère est extrêmement limité (3 % des généralistes, 8 % des spécialistes et 2 % des médecins en maison de retraite). Par ailleurs, la grande majorité de ceux qui ne l'ont jamais fait seraient prêts à le faire.

Selon l'étude Van der Maas, les médecins qui ont pratiqué une euthanasie sont ceux qui sont le plus fréquemment enclins à dire qu'ils seraient plus restrictifs pour un second cas que pour le premier, car il s'agit d'une expérience très dure, ce qui est d'ailleurs une garantie de sécurité pour le citoyen.

En outre, comme le montre le tableau suivant, la tendance des médecins à donner suite à une demande augmente avec leur expérience pratique, sans doute parce qu'ils sont plus familiarisés avec la situation du malade incurable.

Changes in Physicians' Opinions About Active Euthanasia in Relation to the Number of Years They Have Practiced Medicine

Years of Medical
Practice
No. (%) of Physicians
More
Permissive
More
Restrictive
No
Change
Total
2-9 24 (14) 24 (17) 89 (69) 137 (100)
10-19 49 (27) 25 (14) 117 (59) 191 (100)
>= 20 27 (39) 6 (9) 40 (52) 73 (100)
Total
401 (100)
100 (25) 55 (14) 246 (61)

Percentages cannot be computed directly from absolute numbers in the sample (percentages are based on weighted data).

Cette étude a été commandée une nouvelle fois cinq ans plus tard, suivant la même méthodologie de façon à évaluer l'influence de l'ouverture assez importante que représentait l'accord signé entre l'Association royale néerlandaise des médecins et le ministère de la Justice en vue de produire un document commun, et d'entraîner une certaine institutionnalisation de la tolérance qui existait pendant la décennie précédente.

Cette étude a été publiée dans le journal « New England Journal of Medicine », publication médicale la plus prestigieuse et extrêmement sévère du point de vue des critiques de méthodologie. On se référera au tableau ci-après.

Évolution des caractéristiques générales des interventions médicales en fin de vie en Hollande (1990-1995)

1990* 1995**
Aantal sterfgevallen ­ Nombre de décès 128,786 (+ 5 %)
Hebben aan hun arts de verzekering van bijstand gevraagd indien het lijden ondraaglijk wordt ­ Ont demandé à leur médecin l'assurance de leur assistance si les souffrances deviennent intenables 25,000 34,500 (+ 37 %)
Uitdrukkelijk euthanasieverzoek ­ Demande explicite d'euthanasie 8,900 9,700 (+ 9 %)
Gevallen van euthanasie ­ Euthanasies pratiquées 2,300 (1,9 %) (2,3 %) (+ 0,4 %)
Gevallen van hulp bij zelfdoding ­ Suicides assistés pratiqués 400 (0,3 %) (0,4 %) (+ 0,1 %)
Levensbeëindiging zonder uitdrukkelijk verzoek ­ Interruptions de vie non expli citement demandées 1,000 (0,8 %) (0,7 %) (- 0,1 %)

(Van der Maas et al.,
* « The Lancet », 338, 14 septembre 1991.
** « New Engl. J. Med. », 335, 28 novembre 1996.)

Il apparaît une légère évolution de la structure de mortalité aux Pays-Bas, une légère augmentation des maladies cancéreuses au cours de cette demi-décennie. Dès lors, en analysant la partie cruciale des chiffres, à savoir les euthanasies pratiquées, les suicides assistés, et les interruptions de vie non explicitement demandées, les auteurs concluent qu'il n'y a pas de modification significative de la pratique en cinq ans.

La situation décrite n'est pas très différente de celle de la Belgique : 128 000 décès par an (contre 120 000 en Belgique), des structures de population et des causes de mortalité comparables.

Par conséquent, les données receuillies aux Pays-Bas sont sans doute relativement transposables en Belgique.

L'étude fait état d'un peu plus de 2 000 euthanasies actives, 400 suicides assistés et un millier d'interruptions de vie non explicitement demandées, par an.

Cela représente donc une petite proportion des décès, mais c'est loin d'être la situation tout à fait exceptionnelle décrite par certains.

Aux Pays-Bas, l'ouverture à la tolérance a entraîné une augmentation très significative du dialogue entre les médecins et les patients. Alors qu'en 1990, 25 000 patients ont demandé à leur médecin l'assurance de leur assistance, si leurs souffrances devenaient un jour intolérables, il y en a eu 34 500 (soit une augmentation de 37 %) cinq ans plus tard, sans pour autant que le nombres de gestes actifs posés ait évolué de façon significative.

Depuis les études Van der Maas de 1990 et 1995, un autre changement a eu lieu dans la procédue hollandaise, en vue d'améliorer le « reporting », c'est-à-dire la déclaration, par les médecins, des euthanasies pratiquées. En effet, l'étude Van der Maas mentionne 2 700 cas, soit le double des cas déclarés.

C'est pourquoi on a instauré des commissions régionales qui examinent les actes d'euthanasie, et qui sont constituées d'un expert-médecin, d'un juriste et d'un expert-éthicien.

Dans la procédure actuelle aux Pays-Bas le médecin qui a pratiqué une euthanasie le signale au médecin-légiste, qui fait un rapport et envoie celui-ci, ainsi que le rapport du médecin, au procureur de la Reine et à la commission régionale de contrôle.

Celle-ci fait une enquête et donne son avis au procureur de la Reine ­ qui décide soit d'initier des poursuites, soit de classer le dossier ­ et à l'inspecteur régional de la santé, qui peut faire une démarche disciplinaire auprès de l'ordre, distincte de celle à l'égard de la justice. Une copie de l'avis de la commission régionale de contrôle est adressée au médecin, qui a l'occasion de formuler des observations et, le cas échéant, de se défendre.

L'orateur communique encore les tableaux ci-après.

Situations d'euthanasie ou de suicide assisté
rapportées par des infirmières
des soins intensifs (USA) (n = 827)

Omstandigheden
­
Circonstances
Aantal verpleegsters
­
Nombre d'infirmières
Aantal gevallen
­
Nombre de situations
n (%) totaal
­
total
in het
voorbije jaar
­
au cours de la
dernière année
Totaal. ­ Total 129 (15.6) 553 124
Niet in een instelling (ziekenhuis of andere) ­ en dehors d'une institution (hospitalière ou autre) 5 ( 0.6) 4 0
Op vraag van ­ À la demande
de patiënt ­ du patient 40 ( 4.8) 133 19
de omgeving ­ de l'entourage 72 ( 8.7) 264 67
een andere verpleegster ­ d'une autre infirmière 10 ( 1.2) 60 8
de behandelende arts ­ du médecin traitant 83 (10.0) 371 70
een andere arts ­ d'un autre médecin 25 ( 3.0) 146 30

(Asch. D.A., « New Engl. J. Med. », 334, 23 mai 1996.)

Pourcentage de médecins acceptant le principe
de l'euthanasie active (méta-analyse)

Années %
1984 31
1985 34
1987 40
1988 52
1993 54

(Kennis Y., Bull. Ordre nat. des médecins, 1994.)

Physicians' Practice and Attitudes Regarding Active Euthanasia

Variable No. (%) of Physicians
More
Permissive
More
Restrictive
No Change Total
Ever performed active euthanasia 40 (44) 29 (66) 106 (48) 175 (49)
Never performed, but would be willing under certain circumstances 47 (47) 17 (20) 99 (38) 163 (38)
Never performed and believe it not conceivable ever to do so 13 (9) 9 (14) 41 (14) 63 (13)
Total 100 (100) 55 (100) 246 (100) 401 (100)

Percentages cannot be computed directly from absolute numbers in the sample (percentages are based on weighted data).

M. Vermeersch ajoute qu'on a organisé récemment, en Flandre, une enquête approfondie sur les causes de décès, en appliquant la méthode Van der Maas qui a été décrite par le préopinant.

Les résultats de cette enquête n'ont pas encore été publiés. On dispose toutefois des données d'une étude pilote portant sur 269 décès, qui a été réalisée à Hasselt avant l'enquête.

Il ressort de cette étude pilote que, à Hasselt, le pourcentage de cas d'euthanasie s'élevait à 1,1 %, contre 1,7 % dans la première étude néerlandaise et 2,4 % dans la seconde.

L'assistance au suicide représentait 0,2 % des décès dans les deux enquêtes néerlandaises. À Hasselt, le pourcentage était de 0,7 %.

Cependant, les chiffres relatifs à l'interruption de la vie à l'initiative du médecin, en l'absence de demande du patient, sont plus étonnants. Dans la première étude néerlandaise, cette forme d'interruption de la vie représentait 0,8 % des cas. À Hasselt, ce chiffre atteignait 3 %. Cela signifie qu'à Hasselt, le nombre d'interruptions de la vie effectuées par un médecin en l'absence de demande du patient, est quatre fois plus élevé qu'aux Pays-Bas, où il existe une réglementation de l'euthanasie.

Lorsqu'on extrapole ces chiffres, on peut en déduire qu'il y a en Flandre environ 700 cas d'euthanasie ou d'assistance au suicide par an, mais qu'il y a 1 800 cas d'interruption de la vie non demandée par le patient.

Dans les développements de certaines des propositions de loi en question, on peut lire qu'on ne dispose pas de chiffres sur l'interruption de la vie. Dès que les résultats de l'étude susvisée seront publiés, on disposera de données scientifiques. Au cas où celles-ci s'inscriraient dans la ligne des résultats du projet pilote de Hasselt ­ et rien ne permet de supposer que ce ne sera pas le cas ­ le législateur ne pourrait pas les ignorer.

III. Exposé de M. Van Orshoven, vice-président du Comité consultatif de bioéthique

M. Van Orshoven résume brièvement en quoi consistent les quatre propositions qui ont été présentées dans l'avis nº 1 :

­ la première consiste à modifier le droit pénal pour accorder de facto à l'euthanasie le même statut qu'aux autres actes médicaux;

­ la deuxième consiste à autoriser l'euthanasie dans certaines conditions sans modifier le droit pénal, la décision étant prise par le médecin à la demande du patient, mais suivant une procédure a posteriori qui permet de contrôler s'il y a « état de nécessité »;

­ la troisième consiste à autoriser l'euthanasie sous certaines conditions sans modifier le droit pénal, mais en instaurant une procédure a priori, selon laquelle le médecin traitant doit consulter au moins un autre médecin et un tiers qui n'est pas médecin, d'une part, et où l'on rédige préalablement un rapport permettant un contrôle a posteriori;

­ le maintien pur et simple de l'interdit de l'euthanasie.

En ce qui concerne l'euthanasie des incapables, l'intervenant tient à être bref. Il a toujours tenu pour absolument inconcevable que l'on puisse un jour donner à autrui le pouvoir de décider que la vie d'une personne ne vaut plus rien et de tuer ensuite cette personne. Il estime que c'est totalement contraire aux droits de l'homme. Il pense de même en ce qui concerne le « testament de vie ». Comment une personne pourrait-elle en effet prévoir les circonstances dans lesquelles elle va se trouver ou ce qu'elle souhaitera à l'heure de sa mort ? Les développements de la proposition de loi de M. Monfils sont suffisamment clairs sur ce point.

Personnellement, il est de ceux qui rejettent l'euthanasie au sens propre du terme. Il estime que l'on ne peut pas, en la matière, invoquer le droit à l'autodétermination absolue ou à l'autonomie de l'individu. Nul ne vit ni ne meurt exclusivement pour soi-même.

Il n'est pas davantage convaincu par l'argument selon lequel chacun a « droit à une mort digne ». Une personne, même malade, faible ou âgée, estropiée, handicapée ou démente conserve sa dignité humaine.

À ce sujet, on fait souvent référence à la notion de souffrance indescriptible ou insupportable. Il s'agit toutefois en l'occurrence et, en particulier, compte tenu de l'état d'avancement actuel des techniques médicales, d'un pourcentage très limité de patients. À ce sujet, il se fonde sur sa propre expérience de médecin ayant accompagné des centaines de patients dans leur derniers jours.

Malgré les considérations qu'il vient d'émettre, M. Van Orshoven est d'avis que l'idée de réglementer l'euthanasie est envisageable pour autant que l'on ait la garantie absolue que l'euthanasie ne sera pratiquée qu'en ce qui concerne les patients qui la souhaitent réellement. Il faudrait par ailleurs que la règlementation de l'euthanasie que l'on adopterait mette fin à une pratique largement répandue qui consiste à provoquer la mort de patients qui n'ont rien demandé.

Il estime qu'il faudra, pour que l'on puisse atteindre ces objectifs, que la réglementation adoptée remplisse au moins trois conditions :

­ Elle devra obliger le médecin traitant à consulter un autre médecin. Ce deuxième médecin ne pourra pas être n'importe qui. Il devra, par exemple, être choisi parmi un groupe d'une dizaine de médecins spécialement habilités. Ce deuxième médecin devra déterminer, avec le médecin traitant, si les conditions objectives pour que l'on puisse pratiquer l'euthanasie sont réunies, ce qui signifie que le patient devra être atteint d'une maladie incurable et se trouver en phase terminale et qu'il devra éprouver des douleurs et des souffrances insupportables.

­ Elle devra imposer l'obligation de consulter une troisième personne qui n'est pas un médecin. Cette personne pourra être un spécialiste des questions éthiques, un psychologue, un juriste, etc. choisi également parmi un groupe déterminé à l'avance. Elle devra déterminer entre autres si le patient a reçu toutes les informations auxquelles il a droit, et juger de la volonté expresse du patient que l'on interrompe sa vie. Elle devra en outre veiller à ce que toutes les autres personnes que le patient souhaite consulter soient consultées effectivement.

Comme M. Vermeersch l'a déjà fait remarquer, il est question en l'espèce de la consultation d'individus et non pas de la consultation d'un comité éthique ou d'une commission quelconque. Il s'agit en outre d'une consultation. La décision finale d'accéder à la demande du patient est du ressort du médecin traitant.

­ Elle devra prévoir un contrôle a posteriori suffisant des préposés du pouvoir judiciaire. Ce contrôle devrait être confié de préférence à un organe collectif, qui serait chargé non pas seulement d'examiner les cas de décès résultant officiellement d'un acte d'euthanasie, mais aussi les autres cas de décès, ainsi que leurs causes.

M. Van Orshoven estime que c'est seulement lorsque ces critères de prudence seront remplis que l'on pourra garantir une protection suffisante aux personnes qui ne souhaitent pas que leur vie soit interrompue prématurément, aux patients qui souhaitent exercer leur droit à « disposer d'eux-mêmes » et aux médecins qui sont disposés à pratiquer l'euthanasie parce qu'ils se préoccupent réellement des heurs et malheurs de leurs patients. Le législateur doit également offrir la sécurité juridique nécessaire à ces personnes.

IV. Exposé de M. Cassiers, vice-président du Comité consultatif de bioéthique

Question préliminaire

Le président se réfère au compte-rendu du débat qui a eu lieu au Sénat les 9 et 10 décembre 1997.

À cette occasion, M. Cassiers a donné de l'euthanasie la définition suivante : « L'acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne suite à la demande de celle-ci ». Cette définition est-elle acceptée par les quatre membres présents du Comité consultatif ?

M. Vermeersch répond qu'elle est acceptée par tout le Comité.


M. Cassiers souhaite attirer l'attention sur la difficulté de la question, qui a pour effet que les clivages apparaissant dans l'avis du Comité ne sont pas aussi évidents qu'il y paraît. En effet, il s'agit d'un problème où personne n'est entièrement satisfait des positions qu'il prend, parce que les arguments pour et contre sont trop nombreux.

L'orateur illustre ceci en soulignant plusieurs points qui ressortent du rapport, mais dont l'importance n'est généralement pas soulignée. Ils constituent cependant des enjeux essentiels des débats que le Parlement aura à mener.

Tout d'abord, il y a deux façons de comprendre les mots « une maladie sans issue » ou « une situation sans issue ».

Pour les uns, on vise un processus terminal, où la mort interviendra de toute façon dans quelques jours, quelques semaines ou au plus tard quelques mois. On vise par exemple les cas de cancer extrêmement métastasé, de nature à entraîner une mort prochaine. Certains pensent que l'on ne peut accepter une demande d'euthanasie venant du patient que dans ce type de cas, voire, éventuellement, dans le cas d'une déclaration anticipée.

Dans une autre conception, on vise une maladie qui, comme telle, ne conduit pas à la mort, mais que le patient considère comme tout à fait intolérable. Il s'agit par exemple du jeune qui s'est cassé la colonne vertébrale dans un accident et est devenu tétraplégique.

Dans cette seconde interprétation, on viserait aussi une maladie dont l'issue mortelle est beaucoup plus lointaine, telle une démence sénile débutante, ou une sclérose en plaques.

Ces deux conceptions sont très différentes puisque, dans la première interprétation, il s'agit de hâter une mort proche, alors que dans la seconde, il s'agit de demandes d'assistance active à un suicide.

Ces deux types de situations recouvrent plus ou moins une autre sorte d'option qui, elle, concerne davantage le fond de la question, à savoir la conception que l'on a de la dignité humaine.

Cette conception se retrouve en filigrane de beaucoup de positions adoptées par les membres du Comité d'éthique.

Ainsi, pour les uns, c'est la personne atteinte elle-même qui seule peut juger de sa déchéance, alors que, pour les autres, la dignité humaine vient de ce qu'elle est conférée par les autres.

Dans cette dernière conception, un malade qui a le sentiment d'avoir perdu sa dignité pose en fait beaucoup plus la question de savoir comment on ne la lui a pas donnée, que celle de savoir s'il l'a perdue plus ou moins objectivement, parce qu'il souffre de telle maladie.

Ces deux approches ne sont pas absolument exclusives l'une de l'autre, mais accentuent davantage un aspect plutôt que l'autre.

Elles sont importantes car elles déterminent beaucoup de choix qui sont faits en la matière.

Ainsi, si l'on estime que c'est avant tout au malade lui-même de juger de la perte de sa dignité, on donnera la préférence au colloque singulier entre le patient et le médecin.

Dans la seconde approche, au contraire, on aura tendance à faire intervenir l'entourage et l'équipe soignante dans la concertation.

À plus long terme, ceux qui veulent privilégier l'avis du seul malade, et ont une approche individualiste, auront tendance à accentuer les qualités qui font que l'on est libre de sa décision, lucide, etc.

Dans l'autre position, qui considère davantage la dignité comme conférée par les autres, on est beaucoup plus sensible au fait que, si l'on ne s'en tient pas à cette position, l'on risque de poser des évaluations de perte de dignité, par exemple, pour des débiles mentaux, des personnes atteintes de démence sénile, etc.

Une autre question concerne la modification éventuelle du Code pénal. Une tendance est très sensible au fait que toute société doit impérativement poser comme principe que personne n'a le droit de mettre fin à la vie d'autrui.

Certains ­ plutôt minoritaires ­ adoptent ce point de vue pour des motifs religieux, mais d'autres pensent que ce principe est essentiel pour garantir un lien social et une sécurité, en particulier pour ceux qui sont les plus faibles et les plus vulnérables (cf. un article récent de M. Roger Lallemand qui, tout en estimant qu'il doit y avoir des exceptions, insiste fortement sur la valeur de l'argument selon lequel il ne faut pas toucher au Code pénal parce que, symboliquement, il s'agit d'une garantie dont chacun doit pouvoir bénéficier).

D'autres accentuent davantage le contexte médical dans lequel les actes sont posés, et estiment qu'il faut englober ces actes dans l'ensemble des pratiques médicales, compte tenu du rôle essentiel que jouent en tout état de cause les médecins dans la vie et la mort des gens.

C'est pourquoi les partisans de la troisième option contenue dans l'avis estiment qu'il ne faut pas modifier le Code pénal, le concept d'état de nécessité suffisant à gérer le problème.

Dans la première et la deuxième option reprises dans l'avis, on considère au contraire que la sécurité des médecins et des actes médicaux demande au contraire que l'on modifie le Code pénal.


V. Échange de vues

Un membre remercie les membres du bureau du Comité consultatif de bioéthique pour leurs exposés, et les félicite pour les nuances qu'ils y ont exprimées.

Dans un problème aussi grave, il faut éviter toute forme d'erreur par défaut et par excès, et ce d'autant plus qu'il s'agit de situations qui, par définition, ne se présentent qu'une fois, et où la victime éventuelle n'est plus là pour se faire entendre.

L'intervenant se dit frappé par l'information qui vient d'être communiquée par M. Vermeersch. Il serait intéressant d'analyser l'article du « New England » quand il paraîtra.

S'il faut s'en tenir au chiffre brut de 3 % qui est cité, on peut considérer que la situation actuelle ne protège pas le patient par rapport à des erreurs par excès. Il s'agit peut-être là d'un argument supplémentaire pour légiférer.

L'intervenant aimerait connaître le point de vue des membres du Comité consultatif à cet égard.

Une seconde réflexion fait suite à l'intervention de M. Cassiers. Selon les statistiques hollandaises mentionnées dans l'exposé de M. Englert, la motivation la plus fréquemment invoquée à l'appui d'une demande d'euthanasie est le sentiment de déchéance.

Or, seul le patient lui-même peut mesurer l'ampleur de ce sentiment, et il faut formuler des réserves quant aux considérations que l'entourage pourrait avoir sur l'évaluation de la déchéance.

C'est le patient qui ressent celle-ci, qui l'exprime, et qui la vit. Lui seul peut en avoir une évaluation tout à fait exacte, et apprécier le temps et les possibilités de communication qui restent. C'est aussi le patient qui choisit son interlocuteur.

Dès lors, indépendamment des structures de vérification de la formulation de la demande, et de la consultation d'un médecin, comment pourrait-on justifier que des tiers qui n'auraient pas été choisis par le patient s'érigent en juges du sentiment que celui-ci peut avoir de sa situation ?

Une troisième question concerne la notion de détresse. On parle souvent de la douleur physique. L'expérience montre bien que quand la prise en compte de la douleur physique est bien faite, il reste peut-être un nombre moins important de cas où cette douleur représente la raison de la demande du malade.

Se pose cependant la question de la douleur morale, exprimée de manière régulière par le patient, quand elle peut l'être.

Il s'agit ici notamment du patient en fin de vie, mais on sait aussi qu'il est difficile pour ceux qui ne sont pas victimes, par exemple, d'une maladie mentale, de comprendre ce que peut être le degré de souffrance morale de malades psychiatriques.

En effet, il est extrêmement difficile d'établir des échelles de douleur, même si on a tenté de le faire dans d'autres cas, pour la douleur physique.

Comment, en termes d'évaluation, sortir de la règle selon laquelle c'est le malade, et lui seul, qui peut exprimer la demande à quelqu'un qu'il choisit, et qui sera d'ailleurs celui qui répondra à sa demande ?

Enfin, l'intervenant soulève une question relative au deuxième avis du Comité consultatif de bioéthique, qui concerne les personnes incapables d'exprimer leur volonté.

Il paraît légitime d'exprimer des réserves sur la valeur, en continuité, de ce que l'on a appelé le « testament de vie », et qui pourrait sans doute faire l'objet d'une autre dénomination, plus précise.

Il est vrai que de telles déclarations sont faites par des personnes bien portantes, qui sont peut-être dans l'incapacité d'apprécier ce que sera la sensation de déchéance, d'évaluer le caractère relatif du temps qui reste, surtout s'il est limité, et d'évaluer à sa juste mesure ce qu'il reste comme possibilité de communication à un patient en fin de vie.

Les membres du Comité consultatif de bioéthique considèrent-ils que, en raison de ces réserves, on est en droit d'éliminer rapidement la valeur de cette déclaration préalable, formulée par des gens conscients et en pleine maîtrise de leurs facultés intellectuelles, alors que, précisément, ce qu'ils craignent, c'est de ne plus pouvoir exprimer, le moment venu, le sentiment profond qu'ils auraient de leur déchéance ?

Un autre membre relève que MM. Vermeersch et Cassiers ont insisté sur l'importance de la terminologie. L'intervenant souhaiterait disposer d'un glossaire reprenant l'essentiel des définitions nécessaires au bon déroulement des débats.

M. Vermeersch répond que toutes ces définitions figurent dans les avis, mais qu'il est diposé à les rassembler, pour la facilité.

Une membre dit comprendre que pour la clarté du débat, à la fois entre les scientifiques et entre les politiques, il est nécessaire de recourir à des définitions claires et uniformes. Toutefois, et c'est particulièrement vrai dans une matière comme celle-ci, il y a aussi la manière dont certains termes sont perçus. Pour les politiques, il ne suffit pas de s'entretenir entre soi d'une telle matière; il faut également pouvoir formuler ses points de vue et ses solutions à l'adresse du grand public.

Vu sous cet angle, le terme général « euthanasie », même défini avec précision, est très limité et la notion peut être perçue différemment en fonction de la sensiblité personnelle. Beaucoup de gens entendent par euthanasie toutes les formes d'acte ou d'absence d'acte pouvant adoucir le départ du patient. Dans le contexte international aussi, cette notion est abordée d'une manière très nuancée et on parle par exemple d'euthanasie indirecte ­ consécutive au soulagement de la douleur ­ ou d'euthanasie passive ­ désignant l'arrêt du traitement. Dans une recommandation récente, le Conseil de l'Europe fait une distinction entre les actes qui ont la mort pour conséquence et les actes qui ont la mort pour but.

La membre souligne ensuite que les intervenants ont fourni des informations détaillées sur la situation aux Pays-Bas. Il ne faudrait cependant pas perdre de vue que ce pays reste une exception sur le plan mondial. Un débat sur l'euthanasie a bien eu lieu dans un grand nombre de pays comme le Danemark, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Australie, les États-Unis et la Suisse, mais, à l'exception d'un seul État des États-Unis, on est arrivé partout à la conclusion qu'il fallait maintenir l'interdit de tuer. Au centre de cette décision, se retrouvent presque toujours les considérations relatives aux droits de l'homme et à la protection juridique.

À cet égard, la brochure néerlandaise distribuée au cours de la réunion est significative. Il ne s'agit pas d'une publication émanant des services chargés de la santé publique et visant à informer le justiciable, mais d'un document du ministère néerlandais des Affaires étrangères qui a apparemment éprouvé le besoin de justifier la réglementation néerlandaise de l'euthanasie à l'intention du reste du monde.

Peut-on donner une explication objective à la situation unique des Pays-Bas ? Cette situation est-elle due à une mentalité particulière, à des différences dans le concept de santé, à la spécificité culturelle des Pays-Bas, etc. ?

Un autre membre demande, à propos du chiffre des « euthanasies non demandées » mentionné dans les études dont il a été question, sur quelle base on peut déterminer un tel chiffre, puisqu'une réglementation existe et que des formulaires doivent être remplis.

Quant à l'étude réalisée en Flandre, sur quelle base scientifique a-t-elle été menée, puisqu'aujourd'hui, rien ne permet de distinguer une euthanasie demandée d'une euthanasie non demandée ou d'une aide au suicide ?

En ce qui concerne le second avis du Comité, et la difficile problématique du patient incapable d'exprimer sa volonté, l'intervenante suppose que les chapitres 1, 2 et 3 de cet avis, qui exposent les divers points de vue, font l'unanimité et que les divergences ne commencent qu'à partir du chapitre 4.

Par ailleurs, on a insisté sur l'importance des définitions.

S'agissant du « testament de vie » ou de la déclaration anticipée, il ne semble pas que ceux qui estiment cela suffisant pour un patient inconscient aillent fort loin dans les conditions requises pour rendre une telle déclaration « sérieuse ».

Quelles sont ces conditions, et quel poids une déclaration de ce genre peut-elle avoir ?

Enfin, s'agissant de patients incapables, M. Cassiers a distingué deux types de situations : d'une part, celle où le patient se trouve dans la phase terminale d'une maladie, et, d'autre part, celle où se trouve, par exemple, un patient gravement handicapé à la suite d'un accident. La définition de l'euthanasie qui vient d'être rappelée s'applique-t-elle aussi à ce deuxième type de cas ? Qui décide, par exemple, de débrancher un appareil ?


M. Englert insiste tout d'abord sur le fait qu'à ce stade des débats, les membres du Comité s'expriment en leur nom personnel.

En ce qui concerne la validité des données, les méthodes utilisées pour les études hollandaises sont des méthodes d'investigation épidémiologiques, qui n'ont rien à voir avec une étude des déclarations faites au ministère de la Justice. Cela permet de dire qu'une partie importante des actes posés ne donnent pas lieu à déclaration, et de montrer qu'il y a une évolution positive dans le nombre de déclarations entre 1990 et 1995, alors que le nombre de cas est stable.

Cette situation est due au fait que le ministre de la Justice s'est engagé à ne pas poursuivre, et qu'une motivation très forte existe, dans la communauté médicale hollandaise, pour participer à la description de la situation, indépendamment de l'opinion personnelle que chaque médecin peut avoir en la matière.

L'intervenant déclare qu'il est extrêmement favorable à une modification législative ­ sans avoir de préférence pour tel ou tel type de structure législative ­ en vue de créer un espace de liberté permettant, entre le patient et son médecin, une discussion ouverte sur le problème de fin de vie et, dans certaines situations, la pratique d'une euthanasie au sens strict, c'est-à-dire le fait de mettre activement fin à la vie d'un patient qui le demande, qui est conscient, et qui présente des souffrances qu'il considère lui-même comme intolérables.

Dans les positions 1 et 2 du premier avis, et la position A du second avis, dans lesquelles l'intervenant se situe, la volonté est de déplacer la responsabilité d'un tel acte, autant que faire se peut, entre les mains du patient lui-même.

Dans cette optique, le médecin joue un rôle de modérateur, de façon à éviter les décisions précipitées, et des situations inacceptables dans les deux sens. Le but est de voir améliorer l'autonomie du patient, ce qui est une évolution très constante dans la médecine occidentale depuis une quinzaine d'années, même si l'étude de M. Vermeersch a bien montré que l'on en est encore loin.

Dans cette vision des choses, en ouvrant la porte à une protection juridique, on veut précisément permettre un meilleur dialogue et, le cas échéant, permettre de poser un acte dans les meilleures conditions d'éthique, sans passer outre à la volonté du patient, dans des situations où, à l'heure actuelle, certaines décisions sont prises par le médecin de manière clandestine, souvent très tard, et probablement trop tard par rapport à ce qu'auraient voulu les patients.

L'intervenant estime qu'il existe des situations où il est éthiquement légitime de mettre fin à la vie d'un patient qui ne l'a pas demandé.

Les tenants de cette thèse ont cependant pris pour option de ne pas recommander la légalisation de ce type d'actes, pour éviter d'ouvrir la porte à des décisions arbitraires.

Mais, dans ce cas, il est très important de ne pas se limiter à l'euthanasie, et de reconnaître aussi une place à la directive anticipée, c'est-à-dire de permettre au patient qui ne veut pas vivre dans un état de coma prolongé, d'exprimer par avance son refus d'une telle situation et de demander que son médecin puisse respecter cette volonté, tout en protégeant les patients qui ne partageraient pas cette vision contre une décision qui serait prise contre leur volonté. Tel est le sens de la directive anticipée.

On voit d'ailleurs qu'aux Pays-Bas, libérer la parole permet peut-être même de diminuer le nombre d'actes, parce que le patient dispose d'une plus grande sécurité et qu'il peut établir un lien de confiance plus grand avec son médecin.

En tant que praticien, l'intervenant souhaite encore souligner trois points.

Tout d'abord, le danger du critère de « maladie terminale » réside dans son caractère flou, qui risque de mener à une insécurité de fait : à partir de quand une situation est-elle terminale ?

L'intervenant préfère pour sa part la notion de « maladie incurable », c'est-à-dire une maladie pour laquelle il n'y a plus d'espoir d'amélioration ni, a fortiori, de guérison. Ce critère, associé à celui de la souffrance intolérable, permet d'éviter des abus (ex. : un patient diabétique a, lui aussi, une maladie incurable ...).

En outre, dans les études de population menées non seulement en Belgique, mais dans beaucoup d'autres pays, on constate que les médecins sont certainement plus réticents que la population générale à l'égard d'une dépénalisation, sous quelque forme que ce soit.

En Belgique, un grand nombre d'études ont été réalisées, qui montrent que les taux de la demande de dépénalisation sont très élevés (80 à 90 %). Chez les médecins, le taux est légèrement supérieur à 50 %.

Cette réticence s'explique vraisemblablement par trois raisons : la crainte d'une bureaucratisation, la crainte de créer une insécurité par des critères insuffisamment précis, et la crainte d'être mis sous pression par une législation qui ne respecterait pas suffisamment leur autonomie. Ces trois aspects doivent être pris en compte dans une législation.

En conclusion, la notion de maladie incurable (beaucoup plus approprié que celle de maladie au stade terminal, pour autant qu'on y associe le critère de souffrance intolérable), et le passage d'une responsabilité médicale paternaliste à une autonomie du patient sont les instruments juridiques qui permettraient une ouverture du débat dans notre population, et le développement d'une culture où l'on assume sa fin de vie, culture entravée par l'illégalité actuelle des actes en question.

M. Vermeersch ajoute qu'en tant que vice-président des deux commissions qui ont émis ces avis, il peut dire clairement au moins une chose. Les praticiens, médecins et personnel soignant, quelles que soient leurs convictions, insistent sur le fait que les problèmes de la fin de vie ne peuvent s'enliser dans des procédures bureaucratiques, que ce soit en raison des diverses instances à consulter ou des documents à remplir.

À son avis, les diverses propositions de loi à l'examen renferment clairement l'amorce d'une complication administrative.

Concernant la déclaration de volonté anticipée, par exemple, la proposition nº 2-10 exige qu'elle soit contresignée par deux personnes et qu'une personne de confiance soit désignée. On peut craindre qu'en pratique, ces conditions n'empêchent les personnes isolées de bénéficier de la réglementation proposée.

Il est naturellement souhaitable de prévoir des garanties supplémentaires comme celles-ci, mais on ne peut pas les imposer par la loi. C'est pourquoi dans son avis nº 9, le Comité consultatif envisage une directive anticipée et/ou une personne de confiance, mais pas nécessairement les deux à la fois. Il faut donner à des personnes qui se trouvent dans une position de faiblesse extrême le plus de chances possible pour décider de leur propre sort.

Une autre proposition parle d'un recours au tribunal en cas de désaccord entre les médecins. Le législateur ne doit pas perdre de vue que dans l'intervalle, le patient souffre beaucoup. Si le patient estime que sa situation est insupportable ­ « je n'en peux plus » ­ la consultation d'un deuxième médecin devrait suffire pour accéder à son désir de mourir.

Pour ce qui est de la terminologie, l'intervenant souligne que le Comité consultatif utilise une définition univoque de la notion d'euthanasie qui exclut toutes les autres significations que l'on donne à cette notion : « l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ». Cela signifie qu'on ne fait pas de distinction entre l'euthanasie passive et l'euthanasie active, ou l'euthanasie directe et l'euthanasie indirecte.

La première raison est que l'on considère qu'arrêter les appareils est un acte médical normal. « L'acharnement thérapeutique » est généralement considéré comme une pratique condamnable sur le plan éthique et contraire à la déontologie médicale. Par conséquent, on ne peut jamais considérer l'arrêt d'un traitement comme une euthanasie (passive).

Il en va de même pour l'administration de médicaments très puissants en vue de soulager une douleur insupportable. L'administration de tels médicaments est conforme à la déontolgoie médicale normale, même s'ils accélèrent le processus de décès. Là encore, il n'est donc pas question d'euthanasie (indirecte).

En ce qui concerne la situation dans les autres pays, M. Vermeersch souligne que l'Australie a mené une étude comparable à celle des Pays-Bas. Il en ressort que l'euthanasie est la cause de 1,7 % des décès, l'assistance au suicide représentant 0,1 % des décès et l'interruption de la vie sans demande de l'intéressé 3,5 %.

Il s'agit en l'occurrence, tout comme aux Pays-Bas et dans une enquête récente réalisée en Flandre, de données recueillies au moyen de questionnaires anonymes soumis aux médecins. Pour les États-Unis également, des chiffres sont disponibles montrant que, bien qu'interdit par la loi, l'arrêt actif de la vie est effectivement pratiquée.

En pratique, il y a donc peu de différences entre les pays. Il est difficile de dire pourquoi cette pratique a été légalisée, encadrée et contrôlée aux Pays-Bas, plutôt que dans un autre pays. Sans doute plusieurs facteurs ont-ils joué. L'important est que toutes les études réalisées montrent qu'une interdiction légale ne signifie pas que la pratique n'existe pas.

M. Cassiers déclare, à titre personnel, et en réponse à un intervenant, qu'il comprend parfaitement que le patient est seul juge de son état de détresse, et que sa demande doit être respectée.

En tant que psychiatre, l'intervenant sait cependant aussi que ce qu'une personne demande ou dit est influencé par l'ambiance, par son milieu, ses relations. Par conséquent, il lui paraît imprudent de croire que chacun fonctionne dans un état de parfaite lucidité, dans une parfaite maîtrise des idées qui lui viennent.

Il existe, à propos des soins palliatifs, de nombreuses études qui montrent que, lorsque des soins palliatifs adéquats sont dispensés (c'est-à-dire non seulement des anti-douleurs et des soins physiques, mais aussi la création d'un environnement psychologique valorisant, attentif et chaleureux), 90 à 95 % des demandes d'euthanasie disparaissent. C'est pourquoi certains, dont l'intervenant, pensent qu'il faut être vraiment attentif à la chaleur humaine que l'entourage donne.

Il ne faut pas soupçonner systématiquement l'entourage d'être mal intentionné, et de ne pas respecter le patient car, en règle générale, ce n'est pas le cas.

Il est inévitable que, quand des patients sont abandonnés à eux-mêmes, ils se désespèrent.

En tant que psychiatre, l'intervenant a entendu de nombreuses demandes de suicide. Ces demandes ne sont pas nécessairement à prendre au pied de la lettre. Il faut voir tout d'abord s'il ne s'agit pas d'un appel au secours, et une demande de chaleur humaine et de soutien affectif, qu'il faut prendre en compte.

Le danger est, dans un position trop « logique », d'accorder une valeur absolue à la demande, parfois répétée, du malade. Ainsi, il est fréquent qu'un jeune devenu tétraplégique à la suite d'un accident soit extrêmement découragé, voire désespéré, pendant plusieurs semaines.

Certaines personnes qui ont subi un deuil peuvent se trouver dans un état comparable ­ et parfois durable ­ de désespoir.

En conclusion, l'intervenant reste attaché au respect de la liberté individuelle, mais sans en faire un absolu.

M. Van Orshoven fait remarquer que les chiffres publiés sur ces matières doivent être pris pour ce qu'ils sont. Il accorde pour sa part au moins autant d'importance à une note transmise par les directeurs de plusieurs hôpitaux bruxellois dans le cadre de la préparation des avis du Comité consultatif. Il en ressort qu'un grand nombre d'interventions ayant conduit au décès des patients ont été réalisées sans que les intéressés en aient fait la demande. D'autres ont pris la décision à leur place.

Le chiffre de 3 % pour Hasselt, qui a été cité par M. Vermeersch, n'a dès lors rien d'étonnant.

La note fait état aussi de toute une série de patients, notamment dans les services de soins palliatifs, qui appellent à l'aide pour qu'on les délivre de leurs souffrances. Reste à savoir si cet appel à l'aide doit être interprété par la médecin comme une demande d'aide à mourir.

Le « je n'en peux plus » est avant tout un appel au secours. La note indique plus que clairement que la demande de mourir s'estompe en grande partie lorsque l'on fournit à ces patients l'assistance physique et psychique voulue.

Il n'empêche que dans un nombre très limité de cas, des patients continuent à réclamer sciemment que l'on mette fin à leurs jours.

C'est pourquoi, bien qu'il soit personnellement fortement opposé à cette pratique, M. Van Orshoven peut admettre que l'on adopte des règles rendant l'euthanasie possible. Mais, comme il a déjà été dit, ces règles doivent garantir qu'il ne sera mis fin à la vie d'un être humain que si l'intéressé en fait la demande expressément et en pleine conscience.

Une membre se réfère à la déclaration d'un membre du Comité consultatif, selon lequel les médecins sont réticents à répondre à une demande d'euthanasie, en raison du fait qu'il s'agit toujours d'un acte très pénible à poser.

La procédure de demande d'avis à des tiers, que certains envisagent, ne soulagerait-elle pas le médecin, en lui évitant d'être seul face à une décision aussi difficile, étant entendu que c'est lui qui prendrait la décision finale ?

La même intervenante observe que la troisième proposition du premier avis veut rendre des procédures légalement obligatoires pour un certain nombre de décisions médicales concernant la fin de vie.

Une de ces décisions serait la demande d'euthanasie. Cela signifie-t-il que les avis ont été raisonnés, de façon beaucoup plus globale, dans le cadre de l'ensemble des actes médicaux, ou uniquement dans celui des demandes d'euthanasie ?

D'autre part, n'y a-t-il pas une certaine contradiction dans le fait de faire entrer les personnes de confiance dans la procédure, et de refuser par ailleurs l'intervention de tierces personnes, pour éviter une certaine « tribunalisation » de la procédure ? En effet, la personne de confiance est aussi un tiers.

Enfin, y a-t-il des effets induits négatifs qui pourraient résulter d'une législation en la matière ? Les chiffres recueillis aux Pays-Bas semblent apporter des éléments de réponse à cet égard.

Un autre membre rappelle que M. Englert a cité deux critères qui lui paraissent être à la base d'une décision d'euthanasie, à savoir une maladie incurable, et des souffrances insupportables.

M. Englert semblait dire que la notion de phase terminale était sans intérêt; dans d'autres propositions, il est question de « maladie incurable entraînant inéluctablement le décès dans un délai rapproché ».

Si l'on supprime la notion de décès rapproché, n'y a-t-il pas un risque de revenir à l'assistance au suicide, par exemple dans le cas d'un patient atteint de sclérose en plaques, maladie dont on sait qu'elle est incurable ?

Un membre constate qu'en Belgique, le débat sur l'euthanasie a porté jusqu'ici sur les adultes, capables ou non de manifester leur volonté. Les propositions à l'examen évitent délibérément d'aborder le problème de l'euthanasie chez les mineurs.

C'est compréhensible car il s'agit d'une matière très délicate. Il semble cependant qu'aux Pays-Bas, la discussion sur le sujet s'amorce progressivement. L'on constate en effet que des patients mineurs atteints d'une affection en phase terminale demandent parfois qu'on les délivre de leur souffrance insupportable.

Quel est le point de vue du Comité consultatif sur ce problème ?

Répondant à une précédente intervenante, un membre déclare que la différence fondamentale entre la personne de confiance et les tiers qui seraient consultés est que le recours à la personne de confiance est envisagé comme solution spécifique dans le cas de personnes inconscientes, alors que le malade conscient a, par hypothèse, la liberté d'exprimer ce qu'il souhaite.

L'euthanasie est un acte ultime. Il l'est dans le temps, parce que c'est le dernier acte que l'on peut poser par rapport au patient. Il l'est aussi dans la gradation, car il ne peut être posé que lorsqu'il a été recouru à l'ensemble des autres approches.

C'est pourquoi l'intervenant considère que la problématique de l'euthanasie n'est pas liée de manière automatique à celle des soins palliatifs.

Il est certes important de développer ceux-ci, mais cela ne permet pas d'éviter d'aborder la problématique de l'euthanasie.

Enfin, ceux qui sont partisans d'une avancée significative dans le domaine de l'euthanasie sont peut-être ceux qui ont envisagé jusqu'au bout toute l'importance de l'écoute, de la prise en compte de la plainte, mais aussi de la relativisation de la plainte.

Cela vaut pour le malade, mais aussi pour l'entourage. On peut remarquer que la douleur ou la souffrance de l'entourage est parfois plus importante que celle du patient lui-même, et que l'entourage projette parfois sur le patient ce qu'il peut ressentir comme douleur.

Il est donc évident que la plainte ou la demande du malade doit être reçue, analysée et relativisée, mais il est tout aussi évident qu'elle ne peut pas être niée, y compris sous sa forme ultime de demande d'euthanasie.

Le caractère ultime de l'euthanasie tient à ce qu'elle constitue le geste ultime de solidarité et d'humanité que l'on peut poser à l'égard d'un patient pour lequel toute autre forme de solution a été épuisée.

En réponse à un précédent intervenant, M. Englert déclare qu'une insécurité importante subsisterait en retenant la notion d'état terminal, de mort rapprochée, etc.

Beaucoup des interruptions de vie que rapporte l'étude de Hasselt correspondent en réalité à une accélération de l'agonie. Dans ce cas, on manque l'un des buts essentiels d'une dépénalisation de l'euthanasie, c'est-à-dire de permettre à quelqu'un de quitter la vie en restant maître d'une situation qu'il ne veut plus subir.

Si l'on s'écarte de l'hypothèse de la maladie au stade terminal, les choses deviennent très floues. Ainsi, qu'est-qu'une fin de vie « rapprochée » ? Doit-il s'agir d'une mort prévisible dans un jour, un mois... ?

L'une des propositions définit la phase terminale comme étant le moment où la maladie n'est plus susceptible d'amélioration ou d'évolution favorable. Dans un film intitulé « Johnny s'en va-t-en guerre », on aborde le cas d'un soldat victime d'une fracture très haute de la colonne vertébrale, et qui ne peut plus communiquer que grâce à un muscle du cou, qui lui permet de s'exprimer en morse. Il demande que l'on mette fin à ses souffrances.

La personne qui se trouve dans un tel cas n'est pas dans une situation de mort rapprochée. Or, l'intervenant pense que, s'il s'agit d'une demande répétitive, que l'on a traité la dépression, qu'un contact a été établi autant que possible avec l'intéressé, mais que la demande subsiste, elle devrait pouvoir être prise en compte.

En ce qui concerne le problème de la tribunalisation, l'intervenant est personnellement très réticent à l'égard des décisions collectives, car il craint qu'en soulageant le médecin, elles ne diluent la responsabilité.

Or, la gravité de l'acte impose que la responsabilité reste entière.

De plus, la crainte des médecins est, dans le cas du recours à une structure tierce, de se voir imposer de façon plus ou moins explicite des positions avec lesquelles ils ne se sentent pas tout à fait en accord.

Quant au recours à la personne de confiance, il s'agit de substituer au patient une personne qui puisse dialoguer avec le médecin dans la situation où le patient ne le peut plus.

Cela permettrait idéalement d'expliciter la directive anticipée, qui ne peut pas prendre en compte de manière précise toutes les situations possibles.

Il s'agit de rétablir, par un intermédiaire, et de façon certes imparfaite, le colloque singulier, qui paraissait extrêmement important aux yeux des tenants des première et deuxième propositions contenues dans l'avis du Comité consultatif de bioéthique.

Enfin, en ce qui concerne le cas des enfants, l'intervenant pense qu'il n'y a que si l'on considère le geste euthanasique comme un mal qu'on l'exclut a priori pour un enfant, tout en le tolérant, le cas échéant, pour un adulte qui le demande. Si l'on considère au contraire la pratique d'une euthanasie comme le dernier geste de solidarité et de tendresse que l'on puisse poser à l'égard de quelqu'un, on ne comprendrait pas que les enfants en soient exclus.

Souvent, d'ailleurs, les enfants atteints de maladies cancéreuses, qui ont vu d'autres enfants mourir, ont développé une certaine maturité à ce sujet. D'après les cancérologues qui se sont exprimés, aux Pays-Bas mais aussi en Belgique, un nombre non négligeable de ces enfants sont parfaitement capables, mieux que les médecins, de parler de leur propre mort.

Cependant, il s'agit là d'un sujet tellement difficile et émotionnel qu'il vaut peut-être mieux ne pas vouloir tout réglementer en même temps.

M. Vermeersch, dans sa réponse à la question d'un membre concernant les éventuels effets induits d'une réglementation sur l'euthanasie, fait référence à la situation aux Pays-Bas. Les deux enquêtes nous apprennent que le nombre de cas d'euthanasie proprement dits est passé de 1,7 % en 1990 à 2,4 % en 1995. Durant cette même période, le nombre d'euthanasies non demandées par le patient a diminué de 0,8 à 0,7 %.

Il n'y a donc pas de différence substantielle dans les chiffres. Ce qui est plus important par contre, c'est que l'on soit arrivé à une plus grande transparence dans toute cette question. Nombre de demandes d'euthanasie sont rejetées après un entretien approfondi. Une nouvelle culture de l'approche des problèmes liés à la fin de vie se développe ainsi progressivement.

Cela explique sans doute pourquoi le nombre d'euthanasies sans demande de la part du patient est beaucoup plus élevé en Flandre qu'aux Pays-Bas. Grâce à une ouverture et à un dialogue accrus dans ce domaine, les médecins éprouvent moins le besoin de procéder à un acte euthanasique sans en avoir discuté avec le patient.

Par ailleurs, dans une situation telle que celle que l'on rencontre aux Pays-Bas, la discussion sur l'euthanasie entre le médecin et le patient est considérablement facilitée. Dans pareille situation, le patient peut vivre avec la promesse de son médecin que celui-ci l'aidera, sans autre discussion, à être délivré de sa souffrance s'il en fait la demande. Souvent, cette certitude a pour effet de reporter la décision d'euthanasie proprement dite.

En ce qui concerne l'euthanasie chez les enfants, il peut se rallier au point de vue de M. Englert. D'un point de vue éthique, on ne peut pas faire sans plus une distinction entre enfants capables et enfants incapables. Un mineur âgé de 15 ans sera plus autonome qu'un enfant de 7 ans et d'un point de vue éthique, il faut en tenir compte, y compris face à une demande d'euthanasie. Il importe bien évidemment aussi de tendre vers un accord maximal entre les parents et l'enfant.

Une des raisons pour lesquelles les initiatives législatives n'abordent pas cette question réside sans doute dans le fait qu'il est loin d'être évident de couler ces principes éthiques dans des textes juridiques. Il s'agit en tout état de cause d'un problème très délicat.

Enfin, l'intervenant déclare être opposé à l'utilisation du terme « terminal » lorsqu'il s'agit de fixer les conditions auxquelles l'euthanasie peut être pratiquée, parce que cela aurait pour effet d'exclure un grand groupe de patients. On a en effet connaissance de cas de patients qui souffrent très sévèrement ou qui sont paralysés gravement depuis des décennies et qui ne supportent plus leur situation, mais sans être atteints pour autant d'une maladie entraînant la mort. La société ne peut pas non plus ignorer purement et simplement la demande explicite de ces personnes.

M. Cassiers déclare être partisan de la troisième proposition contenue dans l'avis du Comité consultatif, c'est-à-dire celle qui accepte que l'euthanasie soit pratiquée dans certains cas. L'intervenant ne pense pas que cette position doive être comprise comme une tribunalisation. Les partisans de cette option sont très sensibles à l'importance des relations humaines dans tout ce que les personnes pensent et ressentent. Ils trouvent donc difficilement acceptable qu'une euthanasie soit tribunalisée à travers des structures juridiques administratives, fût-ce par le biais d'un accord du comité d'éthique de l'hôpital.

Dans cette optique, on tient à ce que ce soit le médecin qui décide, mais aussi à ce que ce dernier doive rendre compte dans le dossier de ce qu'il a pris toutes les informations, et qu'il ait eu l'occasion d'en parler avec l'entourage, de telle sorte que sa décision ne soit pas prise dans le cadre du colloque singulier, considéré comme trop étroit par rapport à l'ensemble des relations humaines d'un malade.

Par ailleurs, l'intervenant ne croit pas que le concept de « maladie incurable » clarifie tellement les choses par rapport à celui de « mort rapprochée ». L'interprétation de cette notion est en effet aussi très subjective; elle ne dépend pas seulement des techniques médicales mais aussi de la culture ambiante.

Enfin, autant l'intervenant partage la position de MM. Englert et Vermeersch sur la question des enfants, autant il estime important d'être attentif à ce que l'on crée comme culture.

Ainsi, actuellement, on considère comme relativement banal de procéder à un avortement, lorsqu'on sait que l'enfant à naître serait mongolien.

Dans certains cas, il est explicitement question de pratiquer, à la demande des parents, une euthanasie sur un nourrisson mongolien.

Dans notre culture, et avec nos critères scientifiques, un enfant mongolien est souvent considéré comme étant une souffrance intolérable pour ses parents. Cependant, l'enfant lui-même est sans doute aussi heureux qu'un autre, pour peu qu'il reçoive les soins et l'affection nécessaires.

Les partisans de la troisième proposition contenue dans l'avis, s'ils ne sont pas opposés à toute forme d'euthanasie, veulent éviter que celle-ci soit banalisée. C'est pourquoi ils sont opposés, notamment, à une modification du Code pénal. Ils estiment que, même si les médecins doivent assumer des responsabilités parfois très difficiles, ils doivent continuer à apprécier si, dans tel cas précis, ils peuvent transgresser le Code pénal en raison d'un état de nécessité.

L'intervenant ne pense pas que ce système entraîne une insécurité grave pour les médecins.

Un membre dit en tout cas se rallier aux plaidoyers des orateurs précédents pour l'adoption d'un ensemble de notions précises. Comme il y a unanimité à ce sujet au sein du Comité consultatif, il ne voit pas pourquoi la commission ne s'inspirerait pas du travail qui y a été réalisé.

Par ailleurs, il souhaite malgré tout souligner que, quelle que soit la réglementation que l'on instaurera en matière d'euthanasie, elle devra reposer sur le principe de plus parfaite liberté, tant de la part du médecin que du patient. Personne ne peut faire l'objet d'un acte euthanasique si telle n'est pas sa volonté, mais, par ailleurs, aucun médecin ne peut être contraint de mettre fin à la vie de quelqu'un.

Si, dans un tel système, on a en plus la garantie que l'euthanasie ne peut être pratiquée qu'après la consultation d'un deuxième médecin, l'intervenant se demande pourquoi d'aucuns estiment qu'il faut encore recueillir l'avis d'un tiers non-médecin. Faut-il y voir une marque de méfiance à l'égard des médecins, qui sont pourtant déjà soumis à des régles déontologiques strictes ?

Un membre se déclare très sensible à l'insistance de M. Englert sur l'autonomie raisonnée de la personne, mais aussi au rappel fait par M. Cassiers des dimensions affectives et subjectives des êtres humains. Même si, par son vécu ou ses réflexions personnelles, on peut être plus sensible à l'un ou l'autre de ces aspects, il doit y avoir une possibilité de les prendre tous deux en compte, et l'on peut supposer que les membres du Comité consultatif s'y sont efforcés.

L'intervenant demande comment on peut arriver à concilier ces deux points de vue, dans la perspective de l'élaboration d'une législation en la matière.

Un autre membre évalue positivement les deux avis du Comité consultatif, qui sont très objectifs et qui contribuent largement à rationaliser le débat sur cette question. En revanche, la prise de décisions politiques, surtout dans un tel domaine, n'est pas une activité scientifiquement neutre. Elle relève d'un choix entre des principes éthiques qui peuvent être en conflit les uns avec les autres. On peut donner la priorité soit au droit à l'autodétermination du patient soit à la dignité humaine ou au respect de la vie humaine. Dans la législation, il faudra par conséquent trancher entre ces deux principes ou essayer de les concilier.

Dans cette optique, l'intervenant souhaiterait qu'on lui dise où exactement, dans l'avis nº 1, est faite la distinction entre la première et la deuxième proposition, d'une part, et la troisième proposition, d'autre part. Si les partisans des deux premières propositions ne peuvent pas marquer leur accord sur la troisième, est-ce parce qu'ils veulent donner la priorité absolue au principe du libre arbitre ? Considèrent-ils que ce principe est bafoué par une réglementation qui prévoit qu'une série de conditions doivent être remplies avant que l'on puisse accéder au souhait du patient ?

À son avis, le respect de conditions n'est pas imposé pour limiter le libre arbitre du patient. Il est simplement question en l'espèce de mécanismes de contrôle normaux que l'on trouve également dans d'autres domaines. Il n'y a pas si longtemps encore, le corps médical estimait qu'il n'appartenait pas aux juristes de juger à qui incombait la responsabilité d'un acte médical, hormis dans les cas d'erreur grossière ou intentionnelle.

On admet généralement que, du point de vue éthique, on ne peut pas considérer l'euthanasie comme un acte médical normal. N'est-il pas normal dès lors que l'on fasse précéder une telle intervention d'une série de procédures a priori afin d'offrir une sécurité optimale au patient et de permettre un contrôle social a posteriori ? Si l'on peut considérer, comme certains le font manifestement, que les procédures de ce type constituent une menace, on peut tout autant voir en elles un ensemble de mesures d'apaisement, tant du patient que du médecin.

M. Cassiers souligne que les questions posées par les deux derniers intervenants se rejoignent. En effet, les positions nºs 1 et 2, d'une part, et la position nº 3, d'autre part, se rapprochent très fort si l'on a une vue positive des choses, de bonnes relations interpersonnelles et une médecine de qualité.

Ces positions ne divergent que dans un contexte de méfiance.

Ainsi, dans la position nº 3, on souhaite que le dossier montre que l'on connaît l'opinion de la famille sur la demande d'euthanasie et sur l'état du patient.

L'intervenant pense que les partisans des positions nºs 1 et 2 sont d'accord avec l'idée que, normalement, si les relations sont chaleureuses ou, à tout le moins, saines dans une famille, une demande d'euthanasie ne sera pas gérée sans que la famille soit informée et impliquée dans la relation avec le mourant et le médecin.

Le problème ne se pose que dans l'hypothèse, moins fréquente, où le patient a des relations assez froides, voire hostiles, avec sa famille, et craint que celle-ci ne veuille intervenir sans respecter suffisamment son avis, et, le cas échéant, n'exerce de fortes pressions psychologiques qui porteraient atteinte à la liberté du patient.

C'est pourquoi certains textes écrits au sein du Comité prévoient que la famille peut être « éventuellement » mise au courant, le cas échéant a posteriori. C'est cela qui choque les tenants de la position nº 3, qui sont plus sensibles à l'importance des relations humaines en tant que telles.

Cependant, il est vrai qu'il est impossible de rendre compte dans les lois de l'extraordinaire variété des situations et des difficultés intellectuelles (diagnostic, pronostic, ...) et affectives qui peuvent se présenter dans le contexe d'une fin de vie. C'est pourquoi il faut éviter d'aller trop loin dans les réglementations que l'on envisage.

Pour le surplus, les partisans de la position nº 3 parlent d'une procédure. Il ne s'agit pas d'une procédure devant un tribunal, mais bien de la tenue d'un dossier.

Là encore, il est plus que vraisemblable que les tenants des positions nºs 1 et 2 s'accordent avec la nécessité de tenir un dossier.

En conclusion, les positions nºs 1 et 2, et la position nº 3 se rapprochent assez fort dans des situations normales. Les divergences ne s'accusent que lorsque la situation se détériore et devient conflictuelle.

M. Englert souligne que dans la vision défendue par les positions nºs 1 et 2, le médecin est déjà le modulateur de l'autonomie du patient (cf. l'étude hollandaise, qui montre que les médecins qui ont pratiqué une euthanasie sont plus réticents à en pratiquer une autre). Comme déjà indiqué, cette autonomie n'est pas la seule valeur prise en considération. Il serait contraire à la culture médicale de considérer qu'une euthanasie est légitime au seul motif qu'elle est demandée. Une dépénalisation créerait un espace dans lequel il serait possible pour les praticiens de développer une culture d'interprétation de la demande. Il va de soi qu'un dossier médical doit être tenu. Comment, dans le cas contraire, une vérification a posteriori serait-elle possible ?

Par contre, les tenants des positions nºs 1 et 2 sont opposés à ce qu'on impose un avis extérieur autre que celui d'un second médecin, qui paraissait à tous une précaution raisonnable à titre de seconde modulation.

Cela n'empêche pas un médecin ou un patient de demander la présence de la famille, un autre avis, etc.

La différence essentielle entre les positions nºs 1 et 2, d'une part, et la position nº 3, d'autre part, est que, dans les deux premières, c'est le médecin qui est vu comme le modulateur; on lui demande un rétrocontrôle double sous la forme d'un second avis et d'une déclaration a posteriori, qui garantit qu'il assume la responsabilité de ses actes. Dans la position nº 3, on impose une autre interaction a priori.

Cependant, il est vrai que sur une série de points, ces trois positions se rejoignent.

M. Van Orshoven répond à la question d'un membre que la « troisième option » n'est en aucun cas inspirée par un sentiment de méfiance à l'égard des médecins. Ce qui est en cause, c'est qu'une telle législation dans une matière comme celle-ci ne sera acceptée par la population que si chaque patient se voit offrir une sécurité juridique absolue.

Cette sécurité juridique n'existe pas actuellement pour les patients qui souhaitent que l'on mette fin à leur vie si leurs souffrances deviennent insupportables. Une réglementation tendant à remédier à cette situation ne peut cependant pas aller à l'encontre de la sécurité juridique des patients qui ne veulent pas que l'on abrège leur vie. Des exposés antérieurs ont d'ailleurs suffisamment montré que cela n'était pas évident non plus à l'heure actuelle.

Quiconque a pratiqué l'art de guérir sait que les patients en phase terminale se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, et connaît les sentiments d'angoisse et de méfiance que celle-ci engendre. Il appartient au législateur de dissiper ces angoisses et de garantir que l'on n'abrégera la vie de ces patients que s'ils le veulent réellement, ce qui nécessite un minimum de procédure.

Une réglementation doit aussi apporter la sécurité juridique aux médecins. Le médecin qui, profondément touché par le sort de son patient, pratique l'euthanasie à la demande expresse de celui-ci, doit avoir la certitude qu'il ne sera pas poursuivi pour cet acte. Actuellement, il n'a pas cette garantie.

Répondant à un intervenant, le président déclare qu'il ne lui appartient pas de sanctionner l'utilisation impropre que feraient les membres des commissions réunies de tel ou tel terme.

Il rappelle que M. Vermeersch a accepté de fournir aux commissions un glossaire reprenant l'essentiel des termes techniques utiles au débat.

Une membre se demande si, outre les éléments déjà cités par MM. Englert et Cassiers, une autre différence entre les positions nºs 2 et 3 ne réside pas dans le fait que dans la position nº 3, il est encore question de l'état de nécessité.

M. Englert a évoqué le rôle de modulateur de la demande dévolu au médecin selon la position nº 2.

L'intervenante demande si, dans ce cas, on reste dans la notion jurisprudentielle classique d'état de nécessité.

M. Englert répond que l'idée est de codifier un certain nombre de critères qui permettent d'objectiver l'existence d'un état de nécessité légitimant la transgression de la règle « tu ne tueras point ».

L'intervenant ne pense pas que, de ce point de vue, on puisse mettre en évidence des différences entre les positions nºs 2 et 3.

L'évolution hollandaise a d'ailleurs été de trouver entre le ministère de la Justice et le collège des procureurs, d'une part, et les associations médicales, d'autre part, un terrain d'entente permettant de définir les critères dont la présence indiquerait l'existence d'un état de nécessité, bien que les textes hollandais n'utilisent pas exactement cette dernière terminologie.

Il est vrai que les juristes considèrent généralement que, par définition, l'état de nécessité ne peut être défini a priori et qu'il résulte de l'appréciation a posteriori du juge.

Cette critique s'applique cependant à l'égard tant de la position nº 2 que de la position nº 3.

Un membre souhaiterait disposer de l'enquête européenne qui a été réalisée sur la fin de vie dans les unités de soins intensifs (cf. le professeur J.L. Vincent, de l'hôpital Erasme, qui en a fait état dans des revues scientifiques).

M. Englert répond qu'il existe en réalité deux études, l'une de 1993 et l'autre toute récente, qui étudient les attitudes en milieu de soins intensifs, et s'intéressent plus à l'interruption des soins et au non-acharnement thérapeutique qu'au problème de l'euthanasie. Ces études démontrent que l'autonomie du patient est plus importante au Nord qu'au Sud de l'Europe.

B. PRÉSENTATION DE PROPOSITIONS DONT LES COMMISSIONS RÉUNIES ÉTAIENT INITIALEMENT SAISIES

1. Proposition de loi relative aux problèmes de fin de la vie et à la situation du patient incurable (de M. Philippe Mahoux et Mme Myriam Vanlerberghe); nº 2-10/1

Exposé introductif l'un des auteurs de la proposition de loi

L'auteur tient tout d'abord à rendre hommage à MM. Roger Lallemand et Fred Erdman, qui ont, avant lui, déposé le texte de la proposition de loi, lors de la précédente législature (doc. Sénat, nº 1-1261/1).

Le problème de l'euthanasie a fait l'objet de longues discussions, auxquelles ont participé notamment des juristes et des médecins.

Le débat s'est trouvé enrichi par la différence des points de vue exprimés, mais il s'en dégage aussi une adhésion aux mêmes valeurs.

Certains ont dit qu'il ne fallait pas céder à la précipitation en cette matière.

Il est vrai que ce débat doit être abordé avec sérénité.

Cependant, il faut tenir compte également du fait que la problématique de l'euthanasie n'est pas neuve et que l'on en discute depuis longtemps déjà.

Les travaux du Sénat au cours de la précédente législature ont eu pour mérite principal d'ouvrir la parole, non seulement dans le cadre des assemblées parlementaires, mais aussi dans tous les partis politiques et dans beaucoup l'associations. Des débats publics très nombreux ont été consacrés au sujet. Les citoyens y participent aussi, ce qui est extrêmement positif.

Pour l'auteur, même si cela peut paraître paradoxal, l'acte d'euthanasie est l'ultime acte de soigner, peut-être le plus difficile à accomplir pour le médecin.

Les auteurs de la proposition de loi sont aussi particulièrement attentifs à toute forme de dérive économique; une vision où le marché, l'argent, le coût représenteraient en eux-mêmes des valeurs leur paraît inacceptable.

Ils soulignent par ailleurs tout l'intérêt qu'ils attachent aux soins palliatifs, qui leurs paraissent insuffisamment développés dans notre pays.

Ils estiment qu'il faut tout mettre en oeuvre pour les développer davantage, c'est-à-dire faire prendre conscience de leur importance, veiller à la prise en compte de la douleur, prévoir les moyens budgétaires adéquats.

L'orateur se fit frappé par les considérations émises par les représentants du Comité consultatif de bioéthique sur les travaux d'évaluation existant déjà en matière d'euthanasie, sans qu'une loi impose une telle évaluation.

Si de tels travaux existent déjà à l'heure actuelle, il paraît souhaitable qu'au-delà du vote d'une loi dépénalisant l'euthanasie dans certaines conditions, on puisse envisager la constitution d'une commission d'évaluation, qui ferait rapport de manière régulière sur l'évolution de la situation, et qui pourrait rendre compte des situations concrètes vécues sur le terrain, après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

L'orateur souhaite vivement que le présent débat permette de dégager un maximum de convergences entre les convictions des uns et des autres, qui paraissent également respectables.

Il faudra cependant aussi pouvoir déterminer ce qui les sépare, peut-être de façon irréductible, et se prononcer en âme et conscience.

Quant au fond, l'orateur pense qu'il faut adopter la définition de l'euthanasie donnée par le Comité consultatif de bioéthique.

L'euthanasie suppose tout d'abord une information complète du malade sur sa situation, sur le caractère de sa maladie, et sur toutes les possibilités de prise en charge, de quelque nature qu'elles soient, c'est-à-dire non seulement de nature thérapeutique, mais aussi sous la forme de soins palliatifs.

Ce dernier terme vise non seulement le traitement de la douleur, mais également la prise en charge du vécu psychologique souvent douloureux de la fin de vie.

Il faut aussi pouvoir expliquer au patient quelles possibilités existent en matière d'euthanasie. Celle-ci doit être possible lorsqu'il existe un état de souffrance ou de détresse constante et insupportable, qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique incurable, et que le médecin ne peut apaiser.

Un autre médecin doit être consulté sur le caractère incurable de la maladie.

Il devrait s'agir d'un praticien qui ne soit pas lié directement à la situation, et qui puisse ainsi avoir plus de distance par rapport à la situation concrète envisagée.

Il faut aussi s'assurer d'une demande formulée à plusieurs reprises par le patient. Il s'agit là d'un élément fondamental et évidemment indispensable.

Il faut en outre que soient mis par écrit l'ensemble de l'évolution du cas, et le caractère réitéré des demandes.

En effet, le fait que la décision à prendre in fine résulte du colloque singulier entre le malade et le médecin n'empêche nullement que les demandes réitérées, la nature de la maladie, son caractère incurable, les personnes consultées, ... soient transcrits au jour le jour. Il doit résulter de cette transcription que le patient a été écouté et pris en charge, et que toutes les précautions ont été prises.

Enfin, il faut, à la demande du patient, s'informer, discuter avec la famille, l'entourage, l'équipe soignante ...

Ce serait une grave erreur que d'exclure un tel dialogue.

Mais il faut que la décision résulte de façon quasi-irréductible de la demande expresse du patient.

L'orateur estime en effet qu'il ne convient pas, pour une décision aussi grave, de diluer des responsabilités qui sont à prendre entre patient et médecin.

Quant à la déclaration anticipée (terminologie préférable à celle de « testament de vie »), l'orateur pense que la volonté manifestée de terminer ses jours de manière décente est légitime, et qu'elle ne pourra peut-être plus s'exprimer, au dernier moment, par un patient inconscient et incapable. Le refus de la déchéance, de l'incommunication paraît lui aussi légitime.

La proposition envisage dès lors une déclaration anticipée selon laquelle, dans les cas ultimes, le signataire souhaite qu'il soit mis fin à ses jours, et délègue une personne pour le remplacer au moment ultime.

L'orateur pense toutefois qu'il peut être difficile pour une personne bien portante d'envisager ce que sera sa situation dans de tels moments.

C'est pourquoi il est d'avis que la déclaration anticipée doit être faite devant témoin, et renouvelée de façon régulière.

En ce qui concerne la procédure, elle est nécessaire, même s'il n'est pas souhaitable de « procéduraliser » l'euthanasie.

La procédure consiste tout d'abord en l'obligation, au moment du décès résultant de la pratique d'une euthanasie, d'effectuer, non seulement à l'état civil, mais aussi auprès du procureur du Roi, une déclaration reprenant l'identité, l'affection, la procédure suivie, les personnes consultées, la date et l'heure du décès.

En effet, il est fondamental qu'à la fois, la mort par euthanasie soit considérée comme une mort naturelle (notamment pour ce qui concerne la problématique des assurances), et qu'il y ait une déclaration au parquet.

Il n'existe évidemment aucune obligation pour aucun médecin de répondre positivement à une demande d'euthanasie.

L'éthique impose cependant que si un praticien refuse cette demande d'euthanasie, pour des raisons qui lui sont propres et qui sont respectables, il en informe le patient.

Ces raisons peuvent avoir trait à l'état du patient lui-même, ou encore aux convictions philosophiques ou religieuses personnelles du médecin.

Enfin, la proposition de loi prévoit qu'en ce qui concerne les femmes enceintes porteuses d'un enfant viable, l'euthanasie ne serait pas autorisée.

Les auteurs de la proposition de loi estiment important que l'on procède par la voie d'une modification du Code pénal, si l'on veut sortir de la situation actuelle. Il a déjà été souligné qu'il convenait d'éviter les erreurs par excès et celles par défaut, dans une matière où, par définition, la victime n'est plus en mesure de se faire entendre.

À l'heure actuelle, il s'agit d'erreurs par défaut, parce qu'un nombre très important de médecins ne veulent pas prendre cette responsabilité ultime, mais aussi, parfois, d'erreurs par excès que l'on ne peut contrôler, et que la loi à venir devrait permettre de réduire (cf. les 3 % d'euthanasies pratiquées sans la demande du patient, évoquées dans l'étude de Hasselt).

La loi nouvelle devrait donc entraîner une amélioration significative de la situation actuelle, sur les plans humain et éthique.

Enfin, il faudra modifier le Code civil en ce qui concerne la délivrance du permis d'inhumer, y compris la mention dans les registres de l'état civil qu'il s'agit d'une mort par euthanasie.

Pour conclure, l'orateur souligne qu'en ce qui concerne le douloureux problème de l'euthanasie, l'on pourrait avoir tendance, dans une enceinte parlementaire, à théoriser.

Le fruit du travail parlementaire sera un texte de loi, avec tout ce qu'il peut comporter de rigueur, voire de sécheresse, mais aussi d'inintelligibilité.

Il faut, au-delà de ce travail parlementaire, avoir à l'esprit tous ceux et toutes celles qui souffrent et se sentent abandonnés.

Si l'on souhaite avancer dans cette problématique, c'est précisément pour pouvoir les aider davantage par tous les moyens ­ multiples ­ qui existent et qui comprennent notamment une dépénalisation de l'euthanasie.

L'orateur souhaite vivement que grâce au présent débat, dans la plus large convergence possible, en marquant les divergences s'il y a lieu, on puisse procéder à une avancée significative.

On aurait ainsi fait un grand pas en avant, tant sur le plan parlementaire que sur le plan humain.


2. Proposition de loi relative à la demande d'interruption de vie (de M. Philippe Monfils); nº 2-22/1

Exposé introductif l'auteur de la proposition de loi

L'orateur se réjouit de la tenue du présent débat, car, jusqu'ici, aucune action parlementaire dans ce domaine ne pouvait intervenir si, préalablement, il n'y avait pas consensus au sein de la majorité gouvernementale.

Cette volonté de bloquer le débat ne s'est pas cantonnée au seul domaine de l'euthanasie. C'est tout le secteur bioéthique qui a été frappé par cette paralysie parlementaire.

Le résultat en est que, par exemple, aucune décision n'est intervenue en ce qui concerne le point de savoir s'il faut on non ratifier la Convention européenne de bioéthique.

Aucun débat n'a été sérieusement entrepris, ou, à tout le moins, mené à son terme sur un certain nombre d'éléments fondamentaux, comme la recherche sur les embryons, la thérapie germinale, etc.

La situation a cependant changé, et le débat parlementaire est maintenant possible, au terme duquel des décisions pourront être prises selon les règles de la majorité.

En matière d'euthanasie, la situation peut être résumée d'une phrase lapidaire : l'euthanasie est interdite, mais elle est pratiquée. Les chiffres récents présentés par le Comité consultatif de bioéthique ont bien montré que le nombre d'euthanasies pratiquées dans notre pays était sensiblement analogue au chiffre relevé aux Pays-Bas, pays où, on le sait, l'acte d'euthanasie n'est pas poursuivi s'il respecte un certain nombre de conditions.

Mais, à la différence des Pays-Bas, il semblerait qu'en Belgique, ce soient les interruptions de vie sans demande du patient qui soient plus nombreuses (4 fois plus qu'aux Pays-Bas).

Cette situation démontre les risques présentés par la clandestinité dans laquelle s'opèrent les euthanasies dans notre pays. Dans un tel système de secret, d'illégalité, l'on n'a aucune assurance que les choses se passent de manière digne et sans abus.

Ainsi, par exemple, l'on n'a actuellement aucune assurance que les demandes d'euthanasie soient faites en respectant un certain nombre de conditions qui font l'objet d'un consensus chez les divers auteurs, comme la maladie incurable entraînant des souffrances insupportables. L'on n'a pas davantage l'assurance qu'un véritable dialogue a eu lieu entre le patient et le médecin, et que la demande d'euthanasie n'était pas formulée sous le coup d'un désespoir qui, peut-être, eût pu être apaisé si un tel colloque avait eu lieu.

L'on n'a pas l'assurance que, dans certaines circonstances, l'euthanasie ne serait pas pratiquée avec une arrière-pensée économique.

Il n'est pas sûr non plus que l'euthanasie soit toujours pratiquée par un médecin, et que l'interruption de vie n'entraîne pas certaines difficultés au niveau successoral ou financier.

En résumé, la clandestinité amène nécessairement à se poser un certain nombre de questions sur ce qui se passe réellement dans ce domaine.

De surcroît, d'un point de vue plus juridique, il est étonnant que certains souhaitent maintenir la situation actuelle ­ c'est-à-dire la clandestinité de l'euthanasie ­ alors que, si les chiffres sont exacts, il faudrait considérer qu'on transgresse sciemment, 3 000 fois par an, l'interdiction de tuer prononcée par le Code pénal.

Et si, demain, le parquet décidait d'intervenir, et de mettre en prison un médecin qui aurait transgressé l'interdit pénal ?

Faudra-t-il attendre une nouvelle affaire Peers pour qu'enfin, comme il l'a fait après de nombreuses années et sous le coup du drame que l'on sait, le Parlement se penche sur le problème de l'euthanasie ?

Pourquoi changer le système actuel ?

On dit parfois qu'il ne faut pas légiférer en matière d'euthanasie.

On oublie que la loi existe déjà, puisque le Code pénal réprime les homicides.

Il faut donc être logique.

Soit il existe au Parlement une majorité pour estimer que donner la mort, même à la demande d'un patient, et dans certaines conditions, est toujours, ou presque toujours, considéré comme une violation de l'interdit du Code pénal.

Dans ce cas, il faut évidemment poursuivre ceux qui pratiquent l'euthanasie dans la clandestinité.

Soit il faut considérer que cette interdiction ne se justifie pas dans certaines circonstances, et il faut alors légiférer pour déterminer avec le plus d'exactitude possible les circonstances dans lesquelles donner la mort n'est pas considéré comme une infraction à la loi pénale.

Certains ont voulu voir dans les propositions sur l'euthanasie déposées par les parlementaires une forme de passivité, voire même de lâcheté par rapport à la situation actuelle.

Il s'agirait simplement de couvrir légalement ce qui est actuellement une illégalité. En réalité, le problème ne se présente pas de cette façon.

Si, avec d'autres, l'orateur a déposé une proposition en matière d'euthanasie, c'est parce qu'il croit que, dans certaines circonstances (maladie grave incurable, souffrances insupportables, ...), il convient de prendre en compte l'autonomie de la personne humaine.

Depuis fort longtemps, un débat s'est engagé sur les fondements de toute éthique.

Le Comité consultatif de bioéthique rappelle d'ailleurs que deux positions sont en présence.

D'une part, celle selon laquelle « la condition humaine est fondée sur l'intersubjectivité, c'est-à-dire sur le caractère irréductible de la relation de tout homme à l'autre. On ne peut échapper à la « loi » de cette relation, fondatrice de tout lien social ­ c'est à dire de toute éthique comme de tout droit. Même l'autonomie, tant revendiquée par les partisans de l'euthanasie trouve là sa propre condition de possibilité. C'est pourquoi un geste comme le geste euthanasique est contraire au fondement de toute humanité. »

D'autre part, celle selon laquelle, « à côté de la valeur de la défense de la vie se sont développées d'autres valeurs comme la qualité de la vie, le respect de la dignité humaine, le désir de ne pas souffrir inutilement, etc. Dans une société pluraliste, les conflits de valeurs sont tranchés par l'autonomie de l'agent, sous la seule condition que le choix opéré par celui-ci ne porte pas atteinte aux membres de la société qui penseraient autrement. Or, le choix euthanasique répond manifestement à cette condition. Une société pluraliste se doit de créer les cadres indispensables à la réalisation de ce choix dans des conditions où la dignité humaine est intégralement respectée. »

Le débat sur ces conceptions ­ autonomie de la personne comme valeur absolue ou comme élément d'intersubjectivité ­ ne sera évidemment jamais vidé. Dans toute société humaine, on retrouve d'ailleurs des partisans de l'une ou de l'autre attitude.

Même au sein du Comité consultatif de bioéthique, des divergences de vue extrêmement profondes se sont manifestées, qui ont finalement abouti à la détermination de quatre positions.

La responsabilité de l'homme politique est évidemment de trancher. En conscience, chaque parlementaire doit prendre attitude.

Pour sa part, l'orateur se rallie à l'une des positions contenues dans l'avis du Comité consultatif de bioéthique, à savoir que, dans une société démocratique, la loi ne peut interdire un acte qui ne constitue pas un danger, au moins potentiel, pour autrui ou pour la société.

La loi doit garantir explicitement le droit de tout individu à disposer de lui-même, de sa vie, et de vivre selon ses convictions propres, dans le respect de celles des autres.

C'est dans cette mesure que l'auteur de la proposition de loi souhaite que la loi pénale soit modifiée, afin de considérer qu'il n'y a ni crime, ni délit, lorsque l'interruption de vie est le résultat d'un acte posé par un médecin, à la demande d'une personne, en cas de maladie incurable causant des souffrances insupportables.

Il semble maintenant que le débat est mûr pour être mené à son terme.

Depuis des années, des propositions ont été déposées, et la population elle-même a pris conscience du problème.

Au Sénat, un débat extrêmement approfondi a eu lieu. Une vingtaine de personne ont été entendues. Le Comité consultatif de bioéthique vient d'être à nouveau entendu par les présentes commissions réunies.

Il appartient maintenant à celles-ci d'aborder le problème sur un plan concret, comme cela se passe pour tous les sujets, dans une assemblée parlementaire.

Si l'on aborde plus concrètement les conditions d'une loi autorisant l'euthanasie, il faut que le texte soit suffisamment précis pour ne pas ouvrir la porte à n'importe quel acte ou n'importe quelle manipulation.

À cet égard, si la définition de l'euthanasie a été adéquatement donnée par le Comité consultatif de bioéthique, il faut préciser que cet acte ne peut être posé qu'à la demande du patient, en cas de maladie incurable, entraînant des souffrances insupportables.

Le débat apportera certainement des éclaircissements sur ces dernières notions.

Tous les témoignages montrent clairement que plus souvent qu'on ne le croit, la demande d'euthanasie est formulée par un patient, non en raison de sa souffrance physique, mais parce que sa souffrance morale est insupportable. Il s'agit d'une atteinte à sa dignité.

L'auteur de la proposition de loi n'a jamais voulu, dans le débat sur l'euthanasie, faire état de témoignages concrets qu'il a reçus.

Cependant, de nombreuses interventions, y compris celles qu'on peut lire dans les médias, montrent bien que l'état de détresse morale est parfois tel qu'il amène l'intéressé à demander un acte d'euthanasie.

Un point très délicat est celui de savoir si, dans les critères, il faut ajouter le fait que le décès doit intervenir dans un délai rapproché, ou que la demande doit être formulée dans la phase terminale d'une maladie.

Là encore, les avis reçus montrent clairement que la notion de phase terminale, à supposer même qu'on puisse la définir de façon plus ou moins précise, crée de nombreuses difficultés par rapport à certaines demandes qui ne pourraient pas être rencontrées, alors même que, manifestement, la détresse y est extrême, et la volonté d'en finir avec elle est évidente et a été affirmée à de multiples reprises par le patient.

L'orateur entendra les interventions des autres membres sur ce point, afin de voir comment on pourrait s'orienter vers un consensus avec les auteurs des autres propositions.

Par ailleurs, il est évident qu'on ne peut considérer la demande d'euthanasie comme un simple acte administratif.

Il est question d'un patient qui souffre, et d'un médecin qui s'efforce de le soigner et qui arrive au bout des possibilités de la médecine.

C'est bien la raison pour laquelle le colloque entre le patient et le médecin est essentiel.

Mais on peut aussi considérer qu'une demande d'euthanasie est un appel au secours, qui demanderait d'autres solutions qu'une réponse purement médicale de mettre fin à la vie du patient.

C'est la raison pour laquelle, dans sa proposition, l'orateur suggère que la demande d'euthanasie soit exprimée deux fois, séparées par un délai pendant lequel le patient a la possibilité de s'entretenir avec la ou les personnes de son choix.

Si, à la seconde fois, il maintient son point de vue, la procédure peut se déclencher.

L'orateur rappelle que, pour lui, la décision d'euthanasie appartient fondamentalement au patient.

Dans cette mesure, il ne lui paraît pas souhaitable d'aboutir à une sorte de contrôle social de la volonté du patient, en entourant la décision à prendre d'une foule d'avis plus ou moins officiels, qui finiraient par se substituer, en fait sinon en droit, à la volonté du patient.

C'est son autonomie, sa responsabilité, et c'est lui qui, en dernière analyse, est maître de son destin.

Il doit, bien sûr, recevoir des informations sur le caractère incurable de sa maladie; il faut lui donner toutes les possibilités, et lui expliquer tous les moyens qu'il est possible de mettre en oeuvre afin d'éviter que sa souffrance soit insupportable.

Le patient doit aussi pouvoir s'adresser à toutes les personnes qu'il juge utile de consulter. Mais, en dernière analyse, ce sont sa vie et sa mort qui sont en cause, et c'est à lui que revient la décision.

En ce qui concerne la déclaration anticipée de volonté, la proposition présentée par l'orateur au Sénat, voici quelques années, n'est faisait pas mention.

Dans l'état des réflexions de l'époque, il lui paraissait difficile d'admettre qu'un jeune rédige un testament de vie que l'on ressortirait de nombreuses années plus tard, pour décider de la manière dont on va traiter son cas.

Depuis lors, la réflexion a été poursuivie. Il paraît possible de considérer que ce testament de vie doit être renouvelé tous les cinq ans, et que l'on pourrait remettre en cause la désignation d'un éventuel mandataire tous les cinq ans également, de sorte que la volonté de l'intéressé soit réellement avérée. En effet, il est évident qu'en cette matière, l'on ne raisonne pas à vingt ans comme à soixante.

Enfin, certains ont demandé de lancer un débat sur le problème des incapables en relation avec l'euthanasie.

Pour l'orateur, ce débat, aussitôt ouvert, doit être refermé.

Aucune indication, dans la forme d'un testament de vie émanant d'un mineur d'âge, ne pourrait pour lui être prise en compte.

De surcroît, il n'est évidemment pas question d'autoriser l'euthanasie, sous quelque forme que ce soit, pour des personnes qui ne sont pas capables d'exprimer leur volonté, notamment les personnes souffrant d'un handicap mental.

L'euthanasie vise les personnes majeures, capables d'exprimer leur volonté, ou ayant rédigé une déclaration d'intention, indiquant la manière et les conditions dans lesquelles il serait mis fin à leur vie, pour autant que l'on ait la garantie que cette déclaration reflète réellement la volonté persistante de la personne.

La proposition de loi ne vise pas les soins palliatifs, non parce que l'auteur porte un jugement négatif sur ce système de soins, mais parce qu'il estime que l'attitude visant à essayer d'opposer l'euthanasie aux soins palliatifs n'est pas la bonne.

Selon lui, ces soins sont complémentaires à la procédure d'euthanasie.

Il ne peut être question d'imposer à la personne demanderesse d'euthanasie de passer d'abord par un système de soins palliatifs.

Là encore, c'est l'autonomie du patient qui doit prévaloir.

Cependant, les soins palliatifs peuvent offrir une possibilité d'adoucir les souffrances physiques et/ou psychologiques d'une personne.

C'est pourquoi l'orateur trouverait logique qu'indépendamment des propositions de loi sur l'euthanasie, une autre proposition de loi soit mise au point, qui détermine les règles d'organisation et de fonctionnement de ces systèmes de soins palliatifs.

En ce qui concerne le traitement judiciaire des décisions d'euthanasie, la proposition de l'orateur, comme d'autres, a choisi la voie du transfert a posteriori, au procureur du Roi, du dossier contenant les informations exigées. Si aucun problème ne se pose, le dossier sera classé. Dans le cas contraire, il y aura poursuite.

L'orateur se dit néanmoins sensible à la réflexion de certains collègues, qui envisageraient la création d'une commission d'évaluation composée de personnes compétentes (juristes, médecins, ...). Il ne paraît pas possible de créer une commission quasi-juridictionnelle, ce qui risquerait de causer de sérieux problèmes.

Par contre, on pourrait étudier la possibilité de mettre au point un système analogue à celui mis en place pour l'évaluation de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse.

Enfin, des éléments évoqués dans d'autres propositions, comme les garanties sur le plan financier, la liberté des médecins, etc., interviendront sans doute dans la discussion.

L'orateur a souhaité quant à lui s'en tenir, dans le cadre du présent exposé, aux éléments fondamentaux du problème.

En conclusion, il déclare que le dossier lui paraît mûr.

Chacun aura l'occasion, dans le cadre de la discussion qui va s'ouvrir, de faire valoir ses arguments et de déposer ses amendements.

Ensuite, comme dans toutes les assemblées parlementaires démocratiques, chacun devra prendre ses responsabilités devant sa propre conscience et devant l'opinion publique.

Pour sa part, l'orateur l'a déjà fait voici cinq ans, en déposant une proposition de loi, et continuera dans cette voie.


3. Proposition de loi élargissant le droit de codécision du patient par l'institution d'une déclaration de volonté relative au traitement (déposée par M. Frans Lozie et Mme Jacinta De Roeck); nº 2-86/1

Exposé introductif d'une des auteurs

L'intervenante souhaite tout d'abord remercier le groupe de personnes qui ont contribué à l'élaboration de la proposition de loi et, plus particulièrement, MM. Jo Cuyvers et Eddy Boutmans, qui ont intégré dans le texte, respectivement, les aspects éthiques et juridiques du problème.

Elle constate que l'euthanasie est devenue un sujet dont on peut débattre au sein de la société. En partie à cause de l'évolution de la médecine, un grand nombre de familles sont confrontées à ce problème. Par ailleurs, il ressort d'une émission diffusée récemment à la télévision que 47 % des enfants de 11 à 12 ans connaissent la signification du mot.

En outre, les médecins se trouvent dans une situation très équivoque. Lorsqu'ils souhaitent accéder à une demande d'interruption de la vie parce qu'ils se préoccupent de la situation de leur patient, ils ne peuvent le faire qu'en enfreignant sciemment la loi. De plus en plus, on estime que c'est là une situation intenable.

Par conséquent, il existe une justification sociale pour non seulement poursuivre le débat qui est en cours depuis longtemps, mais aussi pour parvenir à un résultat.

La proposition à l'examen prévoit une définition stricte de la notion d'euthanasie. L'euthanasie n'est pas :

­ laisser le patient mourir de mort naturelle sans plus intervenir sur le plan thérapeutique lorsque de telles interventions sont devenues inutiles;

­ l'administration d'anti-douleurs puissants visant à soulager la souffrance du patient et pouvant indirectement accélérer sa mort.

Dans l'optique de la proposition, il s'agit là de deux manières d'agir qui relèvent de la déontologie médicale normale et ne nécessitent donc pas de réglementation particulière.

L'euthanasie suppose une intervention active de la part du médecin, par laquelle il est mis fin à la vie du patient, à sa demande expresse.

Dans le texte, l'ancienne expression « testament de vie » a été remplacée par la notion de « déclaration de volonté ». Le but est de souligner que le choix de mettre fin à la vie appartient en définitive au patient, mais que son choix doit être élaboré dans le cadre d'une relation de confiance entre lui et le médecin. Ce dernier ne peut en effet jamais être obligé d'accéder au souhait du patient de mettre fin à ses jours. Si le médecin traitant, pour des raisons morales ou pour d'autres raisons, ne peut ou ne veut accéder à la demande du patient, il devra avertir à temps un collègue qui pourra le remplacer.

Il est essentiel à cet égard que le patient soit informé de manière précise sur sa situation. Élaborer des règles sur la manière dont cette information doit être communiquée est malaisé. En effet, elle est déterminée en fonction de la situation individuelle et dans le contexte de la relation de confiance entre le patient et le médecin. Le fait que le médecin doit tenir compte autant que possible de la situation personnelle du patient n'empêche pas que le droit du patient à l'information, par exemple au sujet de la question de savoir si sa maladie est ou non sans issue, est légalement obligatoire.

Dans l'optique de la proposition, une déclaration de volonté peut être rédigée uniquement par une personne majeure et capable, mais cette personne peut la rédiger à n'importe quel moment, y compris lorsqu'elle est en parfaite santé. Cela implique bien entendu que le patient peut retirer ou modifier sa déclaration à tout moment. En effet, l'attitude d'une personne de 25 ans vis-à-vis de la souffrance ou de la mort peut changer à mesure que cette personne prend de l'âge.

De plus, la modification de la déclaration de volonté n'est possible qu'à la condition que le patient soit pleinement conscient. Par conséquent, il n'est pas possible de la changer lorsque la personne est démente sénile ou lorsqu'elle est dans le coma. On doit en effet partir du principe que l'élaboration d'une déclaration de volonté est le résultat d'une réflexiuon approfondie, d'un cheminement mental que le patient a accompli.

Le fait que la déclaration de volonté concerne avant tout le médecin et son patient ne signifie pas qu'il ne faut pas prévoir un cadre légal et respecter certains critères de prudence.

Tout d'abord, il est crucial que la déclaration de volonté s'inscrive dans une politique de soins palliatifs et d'accompagnement de la mort. Des progrès ont été enregistrés dans ce domaine, mais il y a encore beaucoup à faire dans plusieurs domaines, par exemple pour la formation du personnel médical. La question de la fin de la vie ne sera posée que lorsque toutes les possibilités en la matière auront été épuisées.

L'intervention du législateur est nécessaire pour combattre les abus éventuels. Une déclaration de volonté ne peut être rédigée que par une personne qui, non seulement est pleinement consciente de la décision qu'elle prend, mais en outre est parfaitement informée des conséquences possibles. Le médecin peut informer son patient sur la possibilité de rédiger une déclaration de volonté, mais il va de soi que cette déclaration ne peut jamais être imposée.

La déclaration doit être rédigée en trois exemplaires. Le médecin qui traite normalement le patient en conserve un. Le patient lui-même en conserve bien entendu un autre. De la sorte, on pourra exécuter sa volonté (et retrouver son médecin habituel) dans les cas où il serait traité par un autre médecin ou se retrouverait dans un hôpital qu'il ne connaît pas.

L'exécution de la déclaration doit elle aussi être assortie des garanties nécessaires. Elle n'est possible qu'après la consultation d'un deuxième médecin. Celui-ci doit confirmer par écrit que la situation du patient est sans issue. Il pourra éventuellement être appelé à exécuter la déclaration si le médecin traitant est confronté in extremis à un problème de conscience.

Il est fondamental que la décision définitive sur l'exécution, quelle qu'elle soit, soit prise par le patient et lui seul.

Enfin, les dispositions modifiant la législation sur les assurances ont également leur importance. Dans ce domaine, on ne doit en effet pas faire de distinction entre l'exécution d'une déclaration de volonté et une mort naturelle.

Une fois la déclaration exécutée, le médecin rédige un rapport détaillé, qu'il transmet au procureur du Roi. Celui-ci doit notamment disposer de toutes les données pour vérifier si les procédures prévues ont été suivies et les droits du patient respectés.

Partant de ces rapports, le procureur du Roi remet annuellement un rapport au ministre de la Justice sur les déclarations de volonté qui ont été exécutées et les contestations auxquelles elles ont éventuellement donné lieu. Le ministre de la Justice adresse à son tour un rapport aux commissions parlementaires compétentes ainsi qu'au Comité consultatif de bioéthique. Cette procédure doit permettrre, d'une part, d'exercer un contrôle permanent sur la politique qui est menée et, d'autre part, d'apporter éventuellement des correctifs à la législation.

L'intervenante conclut que les quatres propositions de loi qui sont inscrites à l'ordre du jour sont très proches. Il s'ensuit que les chances de parvenir enfin à un résultat concret dans ce domaine sont meilleures que jamais. Toutefois, elle juge qu'il est de la plus haute importance que dans ce débat, chacun ait la possibilité de formuler son point de vue, avant que les textes législatifs ne soient mis aux voix.


4. Proposition de loi sur l'euthanasie (de Mme Jeannine Leduc); nº 2-105/1

4.1. Exposé introductif de l'auteur de la proposition de loi

L'intervenante souhaite à son tour rendre hommage aux personnes qui ont préparé ce débat durant des années. Cette problématique n'est pas neuve. Il y a 20 ans, elle a pu voir, dans sa propre famille, la manière dont un patient a dû être abandonné à son sort parce que les médecins concernés ne pouvaient pas prendre leurs responsabilités.

La proposition de loi qu'elle a déposée avec d'autres repose sur deux principes :

­ lorsque la vie n'est plus une vie et que la souffrance, tant physique que psychique, est devenue indescriptible et insupportable, une mort douce doit pouvoir être envisagée;

­ rien n'est plus personnel que la mort et la décision doit revenir au malade qui a le droit d'être totalement informé sur son état de santé.

Le souhait d'euthanasie peut être formulé dans un testament de vie ou en exprimant, pendant une maladie en phase terminale, sa volonté d'être délivré d'une souffrance insupportable.

Le débat sur l'euthanasie n'est pas nouveau. Il y a quelques années déjà, notamment au Sénat, on a pu constater à quel point les opinions s'étaient rapprochées sur ce point. Cependant, on constate encore que nos médecins, que ce soit ou non à la demande du patient, mettent fin à des vies dans la clandestinité et dans une zone grise du point de vue juridique. La situation actuelle est empreinte d'une forte hypocrisie. Chacun sait que cela arrive mais on en parle le moins possible.

Inutile de dire qu'une telle situation est extrêmement lourde à supporter pour les médecins qui procèdent à cet acte par compassion pour leur patient.

Celui qui connaît la réalité médicale connaît aussi l'impuissance des patients en phase terminale qui, à cause de la douleur, ont perdu le contrôle de leurs fonctions vitales. Ces patients doivent évidemment pouvoir recourir au maximum aux soins palliatifs. Toutefois, lorsque ceux-ci ne leur apportent plus rien et que la vie n'est plus une vie, la vie du patient doit pouvoir être abrégée si celui-ci le demande expressément.

C'est pourquoi il est indispensable que l'on arrive, à court terme, à une réglementation légale claire et applicable qui fasse une distinction, dans notre législation, entre, d'une part, l'homicide, et, d'autre part, l'euthanasie pratiquée par un médecin sur un patient en phase terminale qui la réclame expressément et de façon mûrement réfléchie parce qu'il ne peut plus endurer ses souffrances.

L'intervenante aborde ensuite plus en détails le texte de la proposition de loi. Tant les avis du Comité consultatif de bioéthique que les autres ouvrages traitant de ce problème soulignent l'importance d'une terminologie précise. Qu'est-ce que l'euthanasie, qu'entend-on par patient en phase terminale ... ? On trouve ces définitions à l'article 2.

La proposition concerne seulement les patients majeurs et les mineurs émancipés capables. Les auteurs ne contestent pas que d'autres mineurs en phase terminale d'une maladie puissent également souhaiter l'euthanasie. Ils trouvent cependant que cette mantière très délicate n'est pas suffisamment clarifiée à l'heure actuelle pour faire l'objet d'une travail législatif.

Les personnes atteintes de démence ne peuvent pas davantage faire de testament de vie ou exprimer la volonté qu'il soit mis fin à leur vie.

Dans le « testament de vie » ou la « déclaration anticipée » comme d'autres l'appellent, une personne fait savoir, avant de se trouver dans un état terminal, que le médecin qui la traitera à ce moment peut procéder à une forme d'euthanasie. Elle le fait dans la perspective du moment où elle ne sera plus capable de manifester sa volonté.

Il va de soi que le testament de vie peut être révoqué à tout moment.

Tout patient qui n'a pas fait de testament de vie peut, lorsqu'il est en phase terminale, demander au médecin que sa vie soit abrégée. Cette volonté est, comme l'exécution du testament de vie, soumise à des conditions strictes. Elle doit être exprimée par écrit. Si c'est impossible en raison de l'état du patient, elle doit être exprimée oralement en présence de deux témoins indépendants. Le médecin dresse un acte de cette déclaration orale, lequel est contresigné par les deux témoins.

L'exécution du testament de vie ou de la manifestation de la volonté est encore subordonnée à une série d'autres conditions. Elle doit être confirmée dans les 48 heures par le patient; un deuxième médecin doit confirmer que le patient se trouve dans une phase terminale; un dossier médical doit être établi, lequel contiendra toutes les pièces justificatives requises, etc.

Lorsque le patient n'est pas en état de confirmer sa volonté ou son testament de vie, une procédure spéciale encore plus sévère est appliquée.

L'euthanasie ne peut pas être pratiquée sur des patientes enceintes d'un enfant viable.

Comme les autres propositions qui ont été déposées, ce texte respecte la liberté de conscience du médecin. Aucun médecin ne peut être contraint de pratiquer l'euthanasie.

Du point de vue juridico-technique, un patient dont la vie est abrégée dans le respect des critères définis dans la proposition est considéré comme étant décédé de mort naturelle. L'acte de décès stipule cependant que la vie de l'intéressé a été abrégée à sa demande.

Dans le Code pénal est inséré un article 417bis précisant les conditions dans lesquelles l'euthanasie, pratiquée à la demande d'un patient en phase terminale, n'est pas considérée comme un crime ou un délit.

Outre les conditions de base qui doivent être remplies pour pratiquer l'euthanasie, cet article stipule explicitement les neuf critères de prudence qui doivent être pris en considération. Le neuvième critère prévoit de transmettre le rapport du médecin à une commission d'évaluation. De cette manière, les auteurs disposent d'un organe quelque peu comparable à la commission actuelle qui veille au respect de la législation en matière d'interruption de grossesse. Cette commission est composée d'un nombre égal de médecins et de juristes et doit respecter les équilibres idéologiques.

La commission d'évaluation a une mission générale en ce qui concerne l'enregistrement des traitements et le rapport aux autorités publiques. Parallèlement, elle peut décider, à la majorité des deux tiers, de transmettre un dossier à la justice lorsqu'on soupçonne que les critères de prudence n'ont pas été respectés. Cependant, il est évident que la commission fonctionne de façon autonome. Elle ne peut être une instance d'appel pour, par exemple, les personnes qui s'estimeraient lésées par l'euthanasie.

Outre cette proposition, le groupe de l'auteur a déposé une proposition séparée sur les soins palliatifs. Un des critères de prudence en matière d'euthanasie est, d'ailleurs, d'avoir une concertation approfondie avec le patient sur les possibilités qui existent en ce domaine. Comme d'autres intervenants l'ont déjà déclaré, les soins palliatifs, quelle que soit leur importance, ne suffisent pas pour délivrer tous les patients de leurs souffrances insupportables.

L'intervenante conclut en disant que ce débat a été préparé minutieusement les années précédentes. Toutes les données permettant de parvenir à un résultat sont connues et les présentes propositions indiquent que la volonté d'aboutir est également réelle. Elle espère dès lors que le Sénat prendra ses responsabilités et qu'il ne renverra pas une nouvelle fois ce problème aux calendes grecques en consultant de nouveau toutes sortes d'instances.

4.2. Commentaires de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne sur leurs amendements nºs 1 à 3 à la proposition de loi relative à l'euthanasie nº 2-105/1

Un des auteurs fait remarquer que son groupe attache également une grande importance aux soins palliatifs mais que, dans le même temps, il est conscient que cette forme d'assistance ne peut résoudre tous les problèmes ni offrir une réponse à toutes les questions qui se posent au sujet de la fin de la vie, à savoir qu'elle ne permet pas toujours de soulager les souffrances extrêmes de certains patients.

Ceux qui ont des contacts réguliers avec des médecins savent que la législation actuelle les place devant un sérieux problème de conscience. Lors des contacts étroits qu'ils ont avec le patient, ils peuvent avoir la conviction que celui-ci souhaite que sa vie soit abrégée pour être délivré de ses souffrances. S'ils sont prêts, en âme et conscience, à exaucer ce voeu, ils enfreignent toutefois sciemment la loi. Par conséquent, ce problème justifie certainement une modification de la loi.

Il estime que, parmi les cinq propositions de loi déposées en ce sens, la proposition nº 2-105/1 a le plus de chances de faire l'objet d'un consensus entre les membres. Le texte est équilibré et détaillé. En outre, il contient un certain nombre de critères de prudence qui garantissent que les droits du patient sont totalement respectés. Malgré ces critères de prudence qui doivent assurer la sécurité juridique, la proposition insiste fortement sur la relation de confiance qui doit exister entre le médecin et le patient.

C'est pourquoi les auteurs des amendements ont décidé de prendre cette proposition comme base de travail et d'y déposer des amendements. Bien que les auteurs marquent, globalement, leur accord sur les objectifs de cette proposition, ils souhaitent quand même fixer certaines priorités.

C'est ainsi qu'ils estiment que la problématique de l'euthanasie n'est pas suffisamment développée en ce qui concerne les personnes incapables de manifester leur volonté. Lors de la discussion, il s'est avéré que certains groupes souhaitent, en tout cas dans un premier temps, exclure cette question du débat. Toutefois, la commission ne peut ignorer sans plus les problèmes des personnes incapables de manifester leur volonté. Cette problématique devrait au moins être abordée dans les documents explicatifs et il faudrait indiquer qu'il est nécessaire de légiférer.

Article 4

MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne déposent les amendements nº 1, A à F, à l'article 4 (doc. Sénat, nº 2-105/2).

Un des auteurs fait observer que les amendements A et B s'inspirent de la proposition de loi nº 2-86/1 de M. Lozie et Mme De Roeck. Ils concernent la désignation d'une personne de confiance qui doit veiller à l'exécution du testament de vie lorsque le patient n'est plus capable de le faire lui-même. La désignation d'une telle personne est une mesure logique, a fortiori lorsque le patient aboutit chez un médecin étranger qui n'a pas connaissance du testament de vie.

Il estime que les amendements C, D et E sont très importants. À l'article 4, paragraphes 1er et 2, de la proposition de loi, en plus de l'euthanasie au sens strict du terme ­ « l'euthanasie délibérée, pratiquée par une personne autre que l'intéressé, à la demande de ce dernier » ­, on mentionne encore deux autres pratiques médicales qui, en fait, sont totalement distinctes de cette problématique, à savoir l'administration d'analgésiques puissants susceptibles d'abréger la vie et l'interruption d'un traitement dans certaines circonstances. Les amendements visent à ne pas mentionner ces deux pratiques dans la proposition de loi.

L'administration d'analgésiques susceptibles d'abréger la vie est actuellement considérée comme un acte médical correct tant sur le plan de l'éthique que de la déontologie. Faire figurer ce type de traitement dans une législation sur l'euthanasie et le subordonner à une volonté expresse du patient constituerait un recul. Cela signifierait qu'il ne correspond plus à la bonne pratique médicale lorsqu'il ne satisfait pas à toutes les conditions particulières prescrites en matière d'euthanasie.

L'administration d'analgésiques puissants fait partie de l'orthothanasie, l'ensemble des mesures que le médecin peut prendre pour adoucir la mort. Il est inopportun, et d'ailleurs impossible, d'extraire l'ensemble de cette matière de la déontologie médicale et de la régler dans la loi.

Cette remarque vaut également pour l'interruption du traitement médical lorsque celui-ci devient inutile. La logique suivie par les auteurs de la proposition est compréhensible : lorsqu'un patient peut demander, sous certaines conditions, que sa vie soit abrégée par une intervention active, on doit pouvoir, a fortiori, interrompre le traitement à sa demande.

Ici aussi, il s'agit d'une pratique médicale normale. De plus, l'acharnement thérapeutique est de plus en plus considéré comme étant contraire à la déontologie médicale. Extraire ces actes de la déontologie et les faire relever d'une loi sur l'euthanasie constituerait dès lors un recul. Le patient doit toujours avoir le droit de refuser une thérapie et la confirmation légale de ce droit n'a pas sa place dans une réglementation sur l'euthanasie.

Les soins palliatifs sont actuellement reconnus comme une thérapie médicale. Au sens strict, la disposition voudrait dire que le patient n'a pas le droit de passer aux soins palliatifs.

C'est la raison pour laquelle il est préférable que les dispositions en question soient simplement supprimées. Les amendements offrent une alternative en imposant au médecin d'envisager tout acte thérapeutique en fonction d'une bonne mort (amendement D) et de se concerter avec le patient sur tout acte thérapeutique (amendement E).

Cette dernière disposition serait plus à sa place dans une législation plus générale réglant les droits des patients. Trop souvent, des traitements sont entamés sans réelle concertation avec le patient, ou même sans qu'il en soit informé.

L'amendement F a trait au paragraphe 4 de l'article qui règle l'euthanasie pour les patients qui ne sont plus en mesure de confirmer leur testament de vie ou leur volonté. Si le médecin traitant et les deux médecins désignés n'arrivent pas à un accord, un troisième médecin doit être désigné dans les 24 heures. L'amendement précise que ce médecin dispose d'un délai de 24 heures pour rendre son avis. Ceci doit garantir au patient le droit à une procédure rapide.

Article 9

L'amendement nº 2 de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne tend à supprimer cet article (doc. Sénat, nº 2-105/2).

Un des auteurs fait observer que, par l'insertion d'un article 397bis dans le Code pénal, les auteurs de la proposition de loi ont vraisemblablement voulu de nouveau confirmer expressément que l'euthanasie qui n'est pas pratiquée dans le respect des critères de prudence définis à l'article 417bis demeure punissable en tant que meurtre ou assassinat.

À son avis, cette disposition est superflue étant donné que les articles 392 et suivants décrivent et sanctionnent suffisamment le meurtre et l'assassinat.

Article 10

À propos de l'amendement nº 3, A, B, C et D, déposé par MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne (doc. Sénat, nº 2-105/2), l'un des auteurs déclare qu'il peut marquer son accord sur une modification du Code pénal en vue de dépénaliser l'euthanasie. L'article 417bis proposé n'exclut toutefois pas que l'euthanasie légalement autorisée, pratiquée dans le respect des critères de prudence imposés, soit poursuivie en tant qu'infraction.

C'est pourquoi l'amendement A propose de remplacer les mots « ni crime ni délit » par les mots « pas d'infraction ».

L'autre auteur précise que les amendements B, C et D se rapportent aux critères de prudence imposés au médecin. Ceux-ci sont importants, mais ils ne peuvent entraîner une insécurité juridique due au fait qu'ils sont quasiment inapplicables. Le douzième critère stipule qu'il faut indiquer de façon détaillée les personnes avec qui la concertation a eu lieu. Toutefois, dans la pratique, le médecin aura des contacts avec tout l'entourage du patient : famille, personnel soignant, ... En demandant au médecin qu'il renseigne les noms et fonctions de toutes ces personnes et qu'il enregistre leur avis, on le place dans une situation quasiment impossible et incertaine en ce qui concerne les conséquences juridiques éventuelles. Cela peut dès lors être une raison de ne pas accéder au souhait d'euthanasie du patient.

C'est pourquoi l'amendement D remplace ce passage par l'obligation plus générale de prouver qu'il y a eu concertation avec les personnes qui soignent le patient et, éventuellement, avec la famille.


5. Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales (de Mme Clotilde Nyssens et consorts); nº 2-151/1

Exposé de l'un des auteurs de la proposition de loi

La proposition de loi qui vient d'être déposée a été affinée au cours des derniers jours grâce à une série d'acteurs de terrain (médecins, personnel infirmier, ...) qui ont contribué à enrichir le texte.

Les développements en sont relativement longs, afin de resituer le problème, non seulement dans un cadre pénal, mais aussi dans un cadre beaucoup plus large de justice et de santé.

Le groupe dont l'oratrice fait partie souhaite vivement que ce second aspect soit pris en compte autant que le premier, car il estime qu'en amont du Code pénal se posent des problèmes de santé publique, et que l'on touche non seulement à la problématique importante de l'euthanasie, mais aussi à toutes les situations de fin de vie, vécues dans nos établissements hospitaliers et à domicile.

C'est pourquoi le groupe dont l'oratrice fait partie souhaite engager un vrai dialogue avec l'ensemble des partis, car il trouve inutile de susciter un clivage archaïque entre des idéologies que certains pouvaient qualifier de dogmatiques.

Il préfère aborder cette problématique par le biais du patient, du mourant et des personnes qui l'entourent (pour ceux qui en ont la chance, en soins palliatifs et continus, et pour ceux qui en ont moins, avec un médecin, dans le cadre actuel d'un colloque singulier).

Les principes qui sous-tendent la proposition sont les suivants.

Il s'agit tout d'abord du respect, en toutes circonstances, de la dignité de l'homme.

Il existe, il est vrai, différentes conceptions de cette dignité, qui entraînent des conséquences diverses.

Les auteurs de la proposition estiment que la personne humaine doit être envisagée dans sa totalité, non seulement dans sa dimension rationnelle et affective au moment où il rédige une éventuelle déclaration anticipée, mais aussi dans sa dimension humaine, affective, sociologique, au moment de sa mort.

Il est tout à fait différent d'envisager, en tant que bien portant, le moment de notre fin de vie, ou d'être confronté réellement à cette situation où, tous, nous craindrons deux choses : souffrir, et faire l'objet d'acharnement thérapeutique.

C'est pourquoi la proposition débute par un chapitre consacré aux soins palliatifs et continus, en y insérant des dispositions qui relèvent de la déontologie médicale, et traitent, d'une part, de l'acharnement thérapeutique, et d'autre part, de l'abandon thérapeutique.

Les auteurs de la proposition ont été alarmés notamment par des médecins, qui ont attiré l'attention sur le fait que le législateur ne doit pas se cantonner au rôle de bien portant qui légifère au sujet d'autres qui ne le sont pas, mais qu'il doit aussi avoir égard à la situation de fragilité et de faiblesse où se trouvent les personnes en fin de vie, qui raisonnent nécessairement différemment.

L'oratrice se dit particulièrement impressionnée par l'article du professeur Felice Dassetto, récemment paru dans Le Soir, et où l'auteur mettait en garde contre le risque d'élaborer une législation qui se retournerait contre les plus faibles.

Le groupe dont l'oratrice fait partie insiste pour que la dimension sociale du problème soit prise en compte. En effet, il paraît clair que la condition économique et sociale du patient n'est pas sans incidence sur la façon dont on le traite.

Ainsi, certains étrangers, les personnes appartenant au Quart-Monde n'ont pas droit à la parole. Cet aspect des choses devrait être pris en compte dans la réflexion.

Les auteurs de la proposition souhaiteraient aussi, au nom d'un principe de vigilance et de précaution à l'égard des générations futures, ne pas aboutir à un texte qui abîmerait notre humanité.

Il serait regrettable que la Belgique soit le premier pays en Europe, voire dans le monde, à dépénaliser une matière aussi complexe et sensible que celle de l'euthanasie.

Le groupe de l'oratrice est demandeur d'un débat à mener sans tarder, mais les conclusions n'en sont pas encore connues.

Les auteurs de la proposition ont refait récemment le tour de certains acteurs de terrain, et ont également procédé à une étude de droit comparé.

Ainsi, en France, pays laïque, un consensus s'est dégagé, au terme d'une réflexion philosophique approfondie, pour ne pas légiférer dans le cadre du Code pénal, et pour aborder plutôt la question sous un autre angle.

Au Canada, un long débat a eu lieu au Sénat, au départ, là encore, d'une demande de la population qui, à 80 %, souhaitait qu'on légifère en matière d'euthanasie.

Au terme de leur réflexion, les sénateurs canadiens ont, tous groupes politiques confondus, conclu que l'euthanasie n'était que la partie visible de l'iceberg, et que l'on touchait en fait à la problématique plus large de la fin de vie, à la manière dont on vit la mort dans notre société, à la santé publique, aux relations entre patient et médecin.

Ils ont dès lors estimé qu'il était trop tôt pour légiférer.

Le groupe dont l'oratrice fait partie n'a nullement pour objectif de retarder les débats, et a donc déposé une proposition, pour tenter de faire rentrer la problématique dans un cadre juridique.

Il est vrai que l'état de nécessité est une catégorie juridique floue, mais ce flou comporte un aspect positif, car il permet de répondre aux nécessités d'une société complexe et évolutive.

La proposition de loi a un cadre original, qui présente une grande similitude avec celui de la proposition nº 2-160/1.

Le texte s'insère dans l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir.

La volonté politique est d'indiquer par là que l'on touche à un problème de santé publique et privée, et qu'une approche strictement pénale serait extrêmement réductrice.

Il s'agit de donner des directives et une certaine modernité aux relations entre médecin, équipe soignante et patient.

Comme déjà indiqué, le premier chapitre est relatif aux soins palliatifs et continus.

Ce dernier terme a une portée plus large, et a été suggéré par certains médecins, pour indiquer qu'il faut s'efforcer de prendre le patient en charge le plus tôt possible, dès qu'il souffre d'une maladie grave, et de lui offrir un accompagnement complet, qui ne se limite pas à l'administration de soins strictement médicaux, mais qui prenne en compte la personne dans sa totalité.

Les soins palliatifs concernent plus spécifiquement la phase terminale. L'article 36bis proposé reprend uniquement la définition de ce que l'on entend actuellement par soins palliatifs dans la pratique.

L'article 36ter consacre un droit subjectif à des soins palliatifs et continus de qualité, que le patient pourra invoquer, et qui favorisera le développement d'une véritable politique en la matière.

Sans doute faudra-t-il légiférer davantage sur la question des soins palliatifs, même si, à partir du 1er janvier 2000, de grands progrès seront faits dans le remboursement des forfaits en la matière, notamment en ce qui concerne les soins à domicile.

Les auteurs de la proposition de loi veulent insister sur la formation des professionnels. Ils se sont aperçus que, si une partie de ces professionnels sont prêts à s'inscrire dans une dynamique en cette matière, parce qu'ils jouent un rôle de pionniers, certains médecins sont encore peu familiarisés avec les soins palliatifs, et sont demandeurs de la formation d'équipes modernes et pluridisciplinaires.

En cette matière, les principes non seulement d'équité mais aussi d'égalité (considérée tant du point de vue du patient que de celui des structures et des équipes) doivent être respectés.

Le chapitre IIIter est intitulé « Fin de vie », pour indiquer qu'au cours de cette nouvelle législature, d'autres dossiers éthiques seront probablement abordés, la réflexion actuelle n'étant qu'une étape vers une discussion plus large relative à l'ensemble de la problématique de la fin de vie.

Dans ce chapitre, l'article 36quater proposé reprend un article qui figure actuellement dans les codes de déontologie médicale, et selon lequel il appartient au médecin d'assister le patient pour soulager ses souffrances tant morales que physiques et préserver sa dignité.

L'article 36quinquies a deux volets.

Le paragraphe premier proscrit l'acharnement thérapeutique, sans préjudice, bien évidemment, de la liberté thérapeutique.

Cet article tend à répondre à la crainte exprimée par certains patients, qui craignent d'être victimes d'un tel acharnement, pour des motifs de rentabilisation du matériel médical.

Le second paragraphe vise au contraire l'abandon thérapeutique. Là encore, il s'agit de répondre à la préoccupation exprimée par certains patients, que ce soit à domicile ou à l'hôpital, qui se plaignent de ne pas être traités, d'être abandonnés à eux-mêmes, parfois même pour les choses les plus simples.

L'article 36sexies consacre la position actuelle du groupe auquel appartient l'oratrice sur les demandes d'euthanasie.

On vise ici uniquement la demande exprimée par un patient conscient.

L'article établit, sous les littera a) à f), une série de conditions procédurales minimales, que le médecin doit respecter avant de faire droit à une demande d'euthanasie.

Il s'agit bien ici du règlement procédural a priori visé dans la position 3 décrite dans l'avis du Comité consultatif de bioéthique.

Les auteurs de la proposition estiment que des dispositions régissant les relations entre patient et médecin ont davantage leur place dans un texte relatif à l'art de guérir que dans le Code pénal.

Les conditions procédurales sont les suivantes :

­ la demande doit avoir été formulée de façon expresse et sans équivoque par le patient lui-même; en effet, si l'avis de la famille revêt une grande importance, on sait aussi que celle-ci n'est pas toujours sur la même longueur d'ondes que le patient;

­ le médecin doit établir un lien privilégié avec le patient afin de s'entretenir avec lui au sujet de sa demande d'euthanasie; on rejoint ici l'idée du colloque singulier, reprise dans d'autres propositions. Si beaucoup de médecins le font, d'autres, selon certains patients, ne prennent pas le temps de le faire, n'en ont pas l'habitude, ou ne savent pas comment aborder la problématique de la fin de vie. Des efforts de formation seraient nécessaires en la matière;

­ le patient doit être informé. Les auteurs de la proposition n'ont pas voulu reprendre dans celle-ci tous les droits des patients (cf. l'avant-projet de loi existant à ce sujet lors de la précédente législature), car il s'agit d'une problématique fort large. Cependant, les auteurs de la proposition se déclarent prêts à joindre cette question au débat, si les commissions le souhaitent. Par ailleurs, ils désirent souligner la nécessité d'informer le patient sur les possibilités de prises en charge palliatives existantes;

­ le médecin doit ensuite s'assurer de la détermination réelle et personnelle du patient à ce qu'il soit mis fin à ses jours;

­ en cas de volonté persistante du patient, le médecin doit recueillir l'avis d'un médecin tiers, de l'équipe soignante, et éventuellement des proches.

Les auteurs de la proposition sont en effet convaincus que le médecin doit pratiquer une éthique de la discussion, et avoir la modestie de prendre des avis, qui seront du reste non-contraignants (personnel infirmier, confrère, comité d'éthique, ...).

Au terme de toutes ces démarches, le médecin apprécie la demande du patient au regard du caractère irréductible et insupportable de la souffrance (le second de ces deux termes revêtant un aspect plus subjectif), du caractère incurable de sa maladie (ce qui n'est pas toujours aisé à apprécier), et du pronostic d'un décès à brève échéance (cette échéance étant laissée à l'appréciation du médecin).

Le médecin qui accepte d'intervenir dans ces circonstances exceptionnelles est présumé se trouver en état de nécessité.

On répond ainsi au souci de sécurité juridique, exprimé dans la position nº 3 de l'avis du Comité consultatif de bioéthique.

Un état de nécessité est avant tout une situation que le médecin apprécie.

Il s'agit d'un concept bien connu des cours et tribunaux, mais aussi des médecins.

La présomption établie par la proposition ne change pas grand-chose par rapport au droit commun, puisqu'en matière pénale, c'est au plaignant ou au ministère public que revient la charge de la preuve.

Cependant, l'appréciation de l'état de nécessité n'est pas aisée. C'est pourquoi les auteurs de la proposition ont introduit la notion de « médecin de référence ».

Lorsque le médecin pratique l'acte d'euthanasie, il ne transmet pas le dossier qu'il a constitué directement au parquet, dont on sait qu'il est généralement surchargé.

Le but est de créer un interface entre les médecins et la justice, les rapports entre eux étant de plus en plus tendus.

Ainsi, au cours de la précédente législature, on a connu le problème du secret professionnel en matière de délinquance sexuelle, et le dossier de la libération conditionnelle.

On a pu percevoir le malaise que ressentent les médecins, les psychologues, les assistants sociaux à l'égard de la justice, parce qu'ils ne savant pas s'ils sont réellement partenaires de celle-ci, ou si leurs rapports avec elle obéissent à une autre logique.

La notion de « médecin de référence » a été proposée également dans le cadre de l'aménagement du secret professionnel. Elle n'existe pas à l'heure actuelle, le Code judiciaire ne prévoyant que les experts près les tribunaux; les médecins légistes sont choisis sur une liste déposée près les cours et tribunaux, sans autre forme de réglementation.

Le médecin de référence figurerait sur une liste reconnue par les tribunaux. On pourrait, par arrêté royal, prévoir ultérieurement une agréation garantissant une formation particulière en matière de fin de vie.

Ce médecin vérifierait, sur base du dossier, que les conditions de fond et de forme ont été respectées.

Ensuite, conformément au droit commun, il enverrait un certificat à l'officier d'état civil (article 77 du Code civil). On ne changerait donc rien aux dispositions actuelles sur l'inhumation.

En ce qui concerne l'article 5 de la proposition, il prévoit des peines d'amende pour les médecins qui ne respectent pas les conditions de forme, sans préjudice des sanctions pénales existant en matière d'homicide.

En effet, dans l'art de guérir, toute obligation que l'on impose à un médecin est sanctionnée.

L'appréciation de l'état de nécessité demeure quant à elle dans le volet pénal.

Enfin, l'article 6 de la proposition concerne l'entrée en vigueur. À cet égard, on pourrait créer, comme le suggèrent certains, une commission d'évaluation comparable à celle créée en matière d'interruption volontaire de grossesse.

Les auteurs de la proposition ont été impressionnés par les argument développés par les docteurs Markstein et Clumeck dans la carte blanche publiée dans Le Soir du 9 décembre 1997, et par une intervention récente du docteur Clumeck lors d'un débat télévisé.

Ces praticiens insistaient sur le caractère complexe et évolutif de la matière, et suggéraient de prévoir une période probatoire.

La proposition fixe cette période à trois ans; au terme de celle-ci, on pourrait évaluer la législation nouvelle, au départ de toutes les informations qu'auraient centralisées les médecins de référence, et déterminer s'il faut adapter cette législation.

La méthode moderne consistant à légiférer par le biais de lois provisoires est de plus en plus appliquée, notamment dans les pays anglo-saxons, qu'il s'agisse ou non de matières éthiques.

Bien d'autres débats éthiques que celui de l'euthanasie attendent le législateur dans les années à venir.

Celui-ci doit avoir le souci de ne pas s'enfermer dans une législation figée.


6. Proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort (de M. Hugo Vandenberghe et consorts); nº 2-160/1

Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi

L'intervenant fait remarquer que les problèmes relatifs à l'approche de la mort sont abordés d'une façon cohérente et générale dans la proposition de loi soumise. La réduction de cette problématique à la question de savoir dans quelle mesure le Code pénal doit être modifié est une approche trop limitée pour saisir la complexité de tous les problèmes qui surviennent à la fin de la vie.

Dans cette matière, le discours purement pénal est l'expression d'une vision purement politico-mécanique où la complexité de la vie est par trop réduite à la simple question suivante : le tabou séculaire « tu ne tueras point » doit-il être levé ?

En adoptant un tel point de vue réducteur, on pourrait donner l'impression que l'euthanasie est surtout une soupape de sécurité aux problèmes précis qui se posent lors d'une pénurie de soins.

C'est pourquoi le chapitre Ier de la proposition de loi vise à faire reconnaître les soins palliatifs comme un droit fondamental pour tous. Il est compréhensible que le patient qui endure les formes de souffrances les plus extrêmes demande l'euthanasie. Toutefois, la dépénalisation de l'euthanasie pourrait être un argument facile pour ne plus devoir faire les efforts maximums en vue de garantir un éventail de soins complet à l'approche de la mort. C'est pour cette raison que la proposition opte pour une autre voie : celle du droit absolu aux soins palliatifs.

Les soins palliatifs sont un sujet assez récent, dont on a beaucoup parlé sans aller plus loin. La politique y afférente est cependant très difficile à mettre en oeuvre, entre autres en raison de problèmes de répartition de compétences. La proposition veut mettre fin à cette situation en reconnaissant en premier lieu le droit fondamental de chacun de recourir à de tels soins. Le Roi a été chargé d'élaborer, dans un délai de deux ans, un système complet d'assistance en la matière. Cela implique entre autres que ces soins ne soient pas seulement organisés dans les hôpitaux mais également dans les MRS et les soins à domicile.

L'intervenant souligne que ces dispositions n'ont nullement pour but de reporter aux calendes grecques le débat sur l'euthanasie. Elles s'appuient sur la conviction que la loi pénale est indispensable pour protéger la vie humaine mais totalement insuffisante pour assurer une fin de vie digne au patient.

Il poursuit en disant qu'une législation portant sur des problèmes éthiques est toujours établie au départ de prises de positions éthiques qui peuvent évidemment être différentes. Le point de départ de cette proposition est que la vie humaine a une valeur autonome, qui n'est pas déterminée par un jugement individuel propre. Ce principe est également exprimé à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. »

Celui qui estime que le législateur doit être attentif à certaines situations concrètes ne peut pas éluder ce principe de base.

On oppose souvent à cette conception l'autonomie de la personne humaine, sur base de laquelle chaque personne devrait pouvoir disposer d'elle-même. Le droit à l'autodétermination n'est cependant jamais formulé en tant que tel. Un principe général d'autodétermination est, certes, reconnu et se trouve à la base d'une série de droits de l'homme. Une caractéristique de ces derniers, qui expriment l'autonomie individuelle, réside dans le fait que cette autonomie peut être limitée en fonction du droit.

Par conséquent, le principe de l'autodétermination ne signifie pas que la société doive purement et simplement accéder à chaque demande de l'individu concernant sa propre vie. Cela mènerait à des situations sociales très peu souhaitables. Ce principe implique que l'individu intervienne de façon autonome dans le processus décisionnel relatif à sa personne, qui doit être pris au sérieux et auquel la société doit répondre.

Que signifie cela par rapport à une réglementation légale possible au sujet des problèmes de fin de vie imminente ? Étant donné que la loi se situe au niveau normatif et non au niveau des faits, elle présente toujours une dimension éthique et ne peut pas simplement être une confirmation de situations de fait. La loi ne peut pas davantage se limiter à la simple reproduction de principes éthiques, mais elle doit tenir compte de la complexité de la société. Elle ne peut pas être étrangère aux situations de fait et aux convictions existant dans une société.

Il faut en permanence confronter la loi à la réalité.

Les chiffres relatifs aux causes de décès, auxquels il a déjà été fait référence, peuvent donner une indication de la situation réelle en Belgique, mais ils ne sont pas un reflet fiable de la réalité. Contrairement aux Pays-Bas, la Belgique ne dispose toujours pas d'un système objectif et contraignant d'enregistrement des causes de décès. Les données pour notre pays fournissent, certes, une indication, mais elles sont, en tout état de cause, le résultat d'une estimation subjective.

Ces quelques éléments n'empêchent pas que l'on puisse actuellement accepter, à la demande ou non du patient, qu'il soit mis fin à la vie de manière active. Le principe de l'autodétermination exige en tout cas que le patient sache ce qui lui arrive, qu'il puisse donner son avis, que le processus décisionnel médical soit plus transparent pour toutes les décisions médicales prises à l'approche de la fin de vie. Le législateur ne peut absolument pas faire abstraction de ce problème très important et se limiter à une réglementation de l'euthanasie, qui n'est qu'un élément très limité de la question.

La garantie de cette transparence dans le traitement médical à l'égard du patient en phase terminale est l'objectif le plus important du deuxième chapitre de la proposition de loi.

L'intervenant souligne qu'il n'a pas l'intention de donner des leçons de morale mais que, dans le plus grand respect des points de vue de chacun, il souhaite défendre sa conception. Le principe du « colloque singulier » entre le médecin et le patient est un élément important de notre médecine. Cette dernière ne peut fonctionner si la société n'a pas confiance dans le corps médical. Cette confiance ne peut cependant pas être illimitée. On constate que les pouvoirs publics ont élaboré un vaste système de contrôle du comportement des médecins en matière de prescriptions dans le cadre de l'assurance soins de santé, sans rencontrer de grande résistance.

Toutefois, dans un domaine important comme les décisions à prendre à l'approche de la fin de vie, d'aucuns estiment que tout contrôle des actes médicaux est totalement inadmissible. En respectant sur ce plan, et pas seulement en matière d'euthanasie, des exigences minimales de concertation et de contrôle, toute la matière serait non seulement beaucoup plus transparente, mais sortirait également du domaine des tabous.

C'est pour cette raison aussi que, dans la proposition, une réglementation légale de l'euthanasie pour les personnes incapables d'exprimer leur volonté n'a pas été retenue. Ce rejet ne signifie pas que l'on ne puisse pas être sensible à certaines situations concrètes. On ne peut cependant exiger du législateur qu'il réponde par oui ou par non à chaque question qui lui est posée dans une telle matière. La complexité de cette matière est trop méconnue. Le législateur peut, certes, créer un cadre général qui offre un maximum de sécurité juridique, en fin de vie également, lorsque le patient est en position d'extrême faiblesse.

Selon l'intervenant, il est absurde d'attribuer une reconnaissance légale au testament de vie. La problématique des personnes incapables d'exprimer leur volonté s'inscrit dans le cadre des dispositions du deuxième chapitre de la proposition. Si le patient, pleinement conscient, a, par écrit, émis un souhait ou désigné une personne de confiance, ce sera pour le médecin traitant un élément à prendre en compte lorsque l'intéressé se trouvera dans un état comateux et qu'il faudra prendre des décisions au sujet du traitement à lui administrer pour le maintenir en vie.

C'est différent de l'élaboration d'un système réglant de manière rigide l'interruption de vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

Dans la proposition de loi, comme dans une série d'autres textes dont nous disposons, l'euthanasie est abordée sous l'angle de l'état de détresse. Cette approche coïncide avec la troisième proposition formulée par le Comité consultatif de bioéthique qui fait remarquer ­ et le fait est important ­ que l'examen de la proposition 3 avait mené à un rapprochement entre plusieurs partisans et adversaires de la disposition d'interdiction relative à l'euthanasie.

Il est normal que le législateur, lorsqu'il doit prendre des décisions dans le domaine éthique, soit confronté à différentes conceptions. Il est illégitime que, lors de la prise de décision, il se prononce purement et simplement en faveur de l'une de ces conceptions et repousse l'autre. Il lui appartient, certainement dans de telles matières, de chercher à obtenir une adhésion maximale de la population à l'égard de la réglementation concernée. Cela implique que les différentes conceptions circulant au sein de la population soient autant que possible intégrées à la réglementation.

Partant de ce point de vue à la lumière de l'avis du Comité consultatif de bioéthique, on peut, à certaines conditions et dans des situations déterminées, reconnaître un état de détresse pour pratiquer l'euthanasie à la demande du patient.

Dans le chef du patient, on peut parler d'état de détresse en cas de souffrance insupportable qui ne peut être soulagée et qui est le motif de la demande persistante d'euthanasie. Une approche strictement légaliste du droit pénal ne peut offrir de réponse à une telle question. C'est pourquoi il faut prévoir la possibilité d'opter pour une solution fondée sur l'équité. La reconnaissance de l'état de détresse existe déjà depuis plusieurs siècles dans notre système juridique.

Le recours à l'état de détresse n'est possible, dans l'optique de la proposition, qu'en respectant des conditions minimales, tant avant qu'après l'acte. Celles-ci doivent offrir au patient la sécurité juridique nécessaire et rendre possible un contrôle a posteriori. Ce contrôle implique entre autres que le dossier soit examiné par un expert agréé en médecine légale, avant d'être transmis au parquet.

Les quatrièmes et cinquième chapitres ont pour but de moderniser la législation belge en matière de déclarations de décès. Le système d'enregistrement actuel date de 1804 et est totalement dépassé. Cette problématique est évidemment plus large que la question de l'euthanasie, mais ici aussi la législation ne remplit pas complètement son rôle sur le plan de la protection de la vie privée.

L'intervenant conclut en disant que la déclaration du gouvernement stipule que les problèmes éthiques doivent faire l'objet d'un débat parlementaire serein. Le groupe auquel appartient l'intervenant a clairement indiqué dès le début de cette législature qu'il ne souhaitait pas jouer son rôle de parti d'opposition d'une matière simplement négative. Par conséquent, le groupe collaborera activement, de façon à aboutir à un consensus en cette matière. Il espère pouvoir y retrouver dans une large mesure les principes exposés ci-dessus.


7. Proposition de résolution relative au développement d'un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient (de Mme Iris van Riet et consorts); nº 2-106/1

Les auteurs de la proposition de résolution demandent au gouvernement d'élaborer un plan de soins palliatifs axés sur les besoins du patient en phase terminale et prenant en compte toutes les formes de soins (soins à domicile, centres de jour, réseaux de soins palliatifs, associations de soins palliatifs et unités de soins palliatifs) de manière, précisément, à répondre aux besoins du patient.

La proposition de résolution doit être lue en corrélation avec la proposition de loi sur l'euthanasie (doc. Sénat nº 2-105/1).

Afin que le respect de la volonté du patient et le droit de s'éteindre dans la dignité soient garantis au maximum, il faut, d'une part, créer un cadre légal en ce qui concerne l'euthanasie et, d'autre part, élaborer un système de soins palliatifs. La demande impliquant une intervention euthanasique ne peut résulter d'une carence du système de soins palliatifs, mais elle continuera à être formulée, même en présence d'un système de soins palliatifs étendu et de qualité. Les pouvoirs publics doivent éviter que des patients n'optent pour l'euthanasie parce qu'ils ne peuvent bénéficier de soins de qualité. Le respect de la volonté du patient ne peut être garanti que si les deux options existent en parallèle et si l'offre de soins palliatifs répond aux besoins du patient.

Une des missions essentielles incombant aux pouvoirs publics dans le domaine des soins de santé est de parvenir à une adéquation entre les besoins de la population et l'offre de services. Il n'en va pas autrement en ce qui concerne les soins palliatifs. Les besoins sont en effet connus. On sait que plus de 70 % des personnes souhaitent mourir chez elles, alors que 70 % des gens meurent dans des hôpitaux et seulement 3 % dans des unités spécifiques de soins palliatifs. Seulement 20 % des mourants peuvent bénéficier d'un accompagnement à domicile.

Bon nombre d'initiatives ont été prises par le passé, tant au niveau fédéral qu'au niveau des communautés, en matière de soins palliatifs. Récemment encore, le gouvernement a décidé d'accorder, à partir du 1er janvier 2000, une aide financière pour les patients en phase terminale qui bénéficient de soins à domicile. L'arrêté royal qui sera pris prochainement prévoit l'octroi d'une intervention forfaitaire, d'un montant de 19 500 francs pour trente jours, pour les médicaments, les produits de soins et les dispositifs médicaux destinés aux patients bénéficiant de soins palliatifs à domicile. Cette intervention pourra être accordée deux fois.

Ces diverses initiatives donnent parfois l'impression, erronée, que l'organisation des soins palliatifs est optimale dans notre pays. À y regarder de plus près, on s'aperçoit toutefois que les initiatives actuelles présentent encore de nombreuses lacunes :

­ le vieillissement de la population, l'augmentation du nombre de cancéreux et de sidéens et la progression des maladies chroniques entraînant une dégradation rapide de l'état des patients exigeront que soit étoffée l'offre en matière de soins palliatifs;

­ le financement des initiatives existantes pèche actuellement par un manque de continuité. Certaines initiatives ne subsistent que grâce à la philanthropie, alors que d'autres sont contrariées dans leur mise en oeuvre en raison d'un soutien financier insuffisant;

­ il ressort des statistiques relatives à la mortalité que sur les 102 215 personnes qui sont décédées en 1990, 60 427 sont mortes à l'hôpital, 12 401 dans une maison de retraite et 25 269 chez elles. Une autre étude montre que la majorité des patients souhaitent mourir chez eux, alors que, dans la pratique, il s'avère que seule une faible minorité des patients arrivés en phase terminale peut bénéficier d'une aide aux mourants à domicile. À l'heure actuelle, le patient qui est soigné à domicile subit un préjudice financier par rapport à celui qui bénéficie de soins hospitaliers. Si l'on veut garantir la liberté de choix du patient, il convient d'affecter davantage de moyens aux soins palliatifs à domicile. Le manque de préparation des dispensateurs de soins, l'insuffisance de l'aide apportée à la personne qui dispense les soins de proximité et le manque de services de gardes-malades constituent également des entraves aux soins palliatifs.

L'accompagnement des mourants est une mission essentielle de la médecine, même si elle est souvent négligée. Il va de soi qu'il est nécessaire, pour assurer la qualité des soins palliatifs, que les médecins et le personnel infirmier bénéficient d'une formation et d'un recyclage dans le domaine de l'analgésie.

Il convient non seulement d'adopter une approche interdisciplinaire des soins palliatifs dispensés aux cancéreux, mais également d'accroître l'expertise dans le domaine des soins palliatifs dispensés dans le cadre d'autres maladies en phase terminale, telles que la démence, et dans le domaine de la pédiatrie palliative.

Les compétences en matière de soins palliatifs étant réparties entre l'autorité fédérale et les communautés, la mise en oeuvre d'une politique élaborée en matière de soins palliatifs suppose une collaboration approfondie entre les différents niveaux de pouvoir concernés. C'est pourquoi la proposition de résolution demande au gouvernement de prendre les initiatives nécessaires à la conclusion d'un accord de coopération entre l'État fédéral et la Communauté française, d'une part, et entre l'État fédéral et la Communauté flamande, d'autre part, dans le domaine des soins palliatifs.

La proposition de résolution demande également au gouvernement de développer un plan de soins palliatifs, afin de permettre l'élaboration d'une politique axée sur les besoins du patient dans le domaine des traitements palliatifs.

Il convient donc qu'un plan de soins palliatifs définisse une approche cohérente de l'accompagnement de la fin de vie. S'il faudra, dans ce cadre, harmoniser entre elles toutes les formes de soins, il faudra, avant tout, les moduler en fonction des besoins du patient.

Ce n'est qu'alors que l'on pourra parler de soins sur mesure et de « respect du libre choix du patient ».

Pour memorie

C. PRÉSENTATION DE TROIS NOUVELLES PROPOSITIONS DE LOI DÉPOSÉES PAR SIX SÉNATEURS

1. Proposition de loi relative à l'euthanasie (de M. Philippe Mahoux et consorts); nº 2-244/1

Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi

La proposition de loi s'inscrit dans un ensemble de trois propositions traitant respectivement de l'euthanasie, de la création d'une commission d'évaluation sur l'application de la loi nouvelle, et des soins palliatifs.

Il est nécessaire que ces trois propositions, dont les six auteurs assument la responsabilité de façon égale, soient déposées en même temps et qu'elles forment un ensemble.

Il paraît en effet à leurs auteurs qu'en ce qui concerne plus particulièrement l'euthanasie et les soins palliatifs, une approche n'est pas opposable à l'autre.

C'est l'ensemble de ces propositions de loi qui, dans la problématique des maladies incurables, souhaite apporter la solution la plus humaine, qui assure à la fois la sécurité juridique maximale, la liberté du patient, et le fait que, dans ces circonstances difficiles, si la volonté du patient se manifeste dans ce sens, l'ensemble des intervenants puissent à la fois exprimer leur opinion et intervenir, afin que les soins prodigués soient les meilleurs possibles.

Si c'est le patient qui, en définitive, prend la décision, tout, dans les propositions de loi, indique que l'ensemble de ceux qui entourent le malade seront concernés par la décision.

La problématique de l'euthanasie fait depuis longtemps l'objet de discussions au niveau du Sénat.

De nombreux intervenants ont été entendus au cours du débat public tenu lors de la précédente législature. Des représentants du Comité consultatif de bioéthique ont été réentendus par les présentes commissions réunies, sur l'ensemble des problèmes relatifs aux propositions de loi déposées.

Si l'ensemble des partis de la majorité et certains partis de l'opposition ont voulu aborder ces problèmes de manière ouverte, il est apparu, après analyse de toutes les propositions de loi déposées sur le sujet, des convergences mais aussi des divergences fondamentales, malgré le chemin parcouru par certains.

Il y a lieu de souligner que les trois dernières propositions de loi déposées ont fait l'objet de réactions venant de représentants de partis, et non de parlementaires.

Ces réactions faisaient état de politisation, alors que les propositions en question ont été déposées au Parlement après un débat autour des convergences existant entre les propositions défendues par les six auteurs.

En effet, les auteurs des trois propositions de loi se sont entendus, à la fois dans le cadre d'une avancée en matière de soins palliatifs et en matière d'euthanasie, sur la volonté que, si le patient atteint d'une maladie incurable, présentant des souffrances physiques ou une détresse qu'on ne peut soulager, exprime de façon réitérée une demande d'euthanasie, le médecin puisse répondre à cette demande.

Les auteurs des trois propositions ont souhaité que, si telle était la volonté du patient, d'autres personnes soient associées au processus, ce qui sera le cas si les conditions optimales sont réunies. C'est pourquoi, même si les auteurs des trois propositions de loi restent convaincus que c'est le patient qui décide, avec le médecin auquel il a adressé la demande, le texte prévoit que le médecin doit s'assurer que le malade a eu l'occasion de s'entretenir avec l'ensemble des personnes de son entourage, y compris, le cas échéant, l'équipe soignante.

En outre, si le patient exprime la volonté que certaines personnes soient consultées, le médecin a l'obligation de le faire.

Cependant, une fois encore, c'est le malade qui est maître de sa décision, exerçant en cela sa liberté et sa responsabilité, puisque c'est lui qui est le mieux placé pour apprécier la situation où il se trouve, même si celle-ci peut ­ et, s'il le souhaite, doit ­ être éclairée par son entourage.

En ce qui concerne la sécurité juridique, les auteurs des trois propositions estiment que, lorsqu'une euthanasie est pratiquée dans le respect des conditions, il convient de dépénaliser l'acte ainsi posé. Il s'agit en effet d'assurer une véritable sécurité juridique, non seulement pour le patient, mais aussi pour le médecin, en lui permettant de répondre à la demande qui lui est adressée.

La sécurité juridique est également assurée par la déclaration obligatoire au procureur du Roi, et par l'obligation pour le médecin de consigner dans un dossier l'ensemble des étapes qui ont été franchies.

Quelle sécurité résulterait de l'inscription dans un texte de la notion d'état de nécessité, surtout s'il s'agit d'un texte relevant de l'art de guérir ?

Les trois propositions ont de l'euthanasie et des soins palliatifs une approche qui se veut respectueuse de l'ensemble des opinions, y compris de l'opinion de celles et ceux qui pensent que l'euthanasie doit être dépénalisée et peut être pratiquée, et de la volonté des malades qui la demandent.

En effet, la liberté de conscience de l'ensemble des intervenants est parfaitement respectée par les trois propositions.

Le médecin est libre d'accepter ou non la demande du malade, même si, dans ce dernier cas, il doit, en temps utile, informer le malade de son refus.

Mais un médecin ou une équipe soignante pourraient aussi mettre certaines conditions à la réponse qu'il(s) accorde(nt) au malade.

Les trois propositions tendent en effet à offrir la solution la plus ouverte, y compris en termes de pratiques.

En ce qui concerne la problématique des malades inconscients, les trois propositions indiquent clairement que le malade inconscient est celui qui ne peut pas exprimer sa volonté et qui ne peut pas être ramené à la conscience.

La problématique des mineurs pose quant à elle des problèmes extrêmement douloureux, même s'il n'y a pas, en la matière, de gradation dans la douleur.

Les auteurs des trois propositions de loi n'ont pas voulu la régler ici.

En ce qui concerne les patients inconscients, la position des auteurs des trois propositions est la suivante : quand un individu aura considéré, au cours de son existence, que s'il se trouve dans une circonstance où il ne peut exprimer sa volonté, et qu'il a rédigé une déclaration anticipée selon laquelle, dans telles circonstances ­ décrites dans la proposition de loi sur l'euthanasie ­, c'est une autre personne ­ clairement et préalablement désignée par lui ­ qui s'exprimera en son nom, on se trouvera dans les mêmes circonstances qu'à l'égard d'un patient à même d'exprimer sa volonté.

On a cependant pris en compte le fait que l'on ne raisonne pas nécessairement de la même manière, selon que l'on est malade ou bien portant et que, d'autre part, au cours de l'existence, la personne que l'on mandate peut changer.

C'est pourquoi les auteurs ont prévu que la déclaration doit être renouvelée tous les cinq ans. Pour être valable, elle doit avoir été rédigée dans les cinq ans qui précèdent. D'autre part, les mandataires peuvent être multiples, et un ordre pourra être établi entre eux.

Il paraît essentiel aux auteurs des trois propositions de loi que la liberté fondamentale et existentielle de chaque individu de déterminer ce qu'est sa vie soit respectée, dans le respect, bien évidemment, de la liberté d'autrui.

Le système qu'ils proposent permet de respecter cette volonté, à la fois pour les patients conscients, qui peuvent s'exprimer personnellement, et pour les patients inconscients, qui le font par l'intermédiaire de la personne qu'ils ont choisie anticipativement.

Que de chemin parcouru depuis les résistances exprimées, il n'y a pas si longtemps, dans les hôpitaux, les associations, les églises, ..., à propos de la problématique de l'acharnement thérapeutique et de celle des soins palliatifs.

Que d'énergie n'a-t-il pas fallu déployer pour aboutir à des situations qui rendent à chaque individu sa liberté, et la possibilité de voir sa volonté rencontrée, et pour faire considérer l'acharnement thérapeutique comme un déni d'humanité, et les soins palliatifs comme une chose souhaitable.

Que de chemin parcouru par rapport à une forme de sacralisation de la douleur, où s'opposaient, d'une part, l'argument d'autorité et la référence à une transcendance, et, d'autre part, une société rendant à l'homme toute sa valeur, où l'humanisme ­ au sens philosophique du terme ­ reprend toute sa place, où l'individu assume pleinement ce qu'est son destin, dans une volonté de solidarité, mais aussi de révolte par rapport à la condition qui lui est faite dans la nature, et au nom d'une loi qui dépasse l'homme lui-même.

L'orateur se réfère à cet égard à l'ouvrage d'Albert Camus, intitulé L'homme révolté. Cet auteur développe un humanisme qui, à la fois, aurait fait le deuil de la transcendance, et aurait pris conscience, parce qu'il s'agit d'une démarche de solidarité, de la nécessité de prendre en compte la situation de ses semblables.

Il semble à l'orateur que le contenu des trois propositions de loi est en adéquation avec la philosophie développée dans l'ouvrage précité : volonté de résister et de se révolter par rapport à ce que certains considèrent comme la fatalité, et par rapport à des conditions qui seraient imposées à tous les individus, quelles que soient leurs convictions, au nom d'un impératif supérieur qu'ils ne partagent pas nécessairement; volonté de partager autant que faire se peut la souffrance et la détresse de ceux et celles qui se trouvent dans ce type de situations, même s'il est un endroit au-delà duquel on ne peut plus accompagner, c'est-à-dire la mort, qui nous renvoie à notre destin individuel; jusqu'au dernier moment, volonté à la fois de respecter la liberté et la responsabilité de tout un chacun, l'opinion des uns et autres de façon tout à fait pluraliste, et d'aider son semblable au maximum des possibilités dont on dispose.

Pour conclure, l'orateur souligne une fois encore que les propositions déposées constituent un tout.

D'autres intervenants diront le souci de leurs auteurs du développement des soins palliatifs, considérant qu'il s'agit de l'une des réponses possibles à des demandes différenciées, que ce soit par leur contenu ou par le moment auquel elles s'expriment.

Les soins palliatifs se développent. Des efforts ont été faits en la matière, mais ils sont encore insuffisants.

Les auteurs ont voulu qu'un texte de loi impose à l'exécutif l'obligation d'instaurer ces soins partout où ils peuvent l'être.

Il leur paraît fondamental que les soins palliatifs, comme l'euthanasie, puissent être accessibles à tous, dans une société où la valeur que constitue l'égalité rejoint les principes de liberté et de solidarité.


2. Proposition de loi visant à créer une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi du ... relative à l'euthanasie (de Mme Jacinta De Roeck et consorts) (nº 2-245/1)

Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi

L'intervenante signale que cette proposition de loi est liée à la proposition de loi nº 2-244/1 qui vient d'être exposée.

Tout le monde conviendra que, si la Belgique adopte une réglementation pour l'euthanasie, celle-ci ne sera pas fixée pour l'éternité. Elle devra continuellement être évaluée, corrigée et adaptée aux nouvelles circonstances sociales.

Ces missions seront confiées à une commission d'évaluation fédérale, laquelle aura pour tâche principale de suivre et d'évaluer, de la manière prescrite, la mise en oeuvre pratique de la loi sur l'euthanasie.

La première mission de la commission consistera à élaborer un formulaire d'enregistrement qui sera anonyme et, pour une grande part, dépersonnalisé. Le document indiquera :

­ l'année et le mois du décès;

­ si le patient est décédé en institution ou à domicile;

­ la province du décès;

­ la nature de la maladie dont souffrait le patient;

­ le sexe et l'âge du patient.

Le document n'est pas anonyme seulement en ce qui concerne le patient, puisque le nom du médecin n'y figure pas non plus. Il va de soi que la commission d'évaluation doit respecter cet anonymat. Les discussions se déroulent à huis clos et ont un caractère confidentiel. Tout ceux qui prennent part à la discussion doivent en respecter le secret.

La composition de la commission est, sinon identique, du moins dans une certaine mesure comparable à celle de la Commission nationale d'évaluation de la loi du 3 avril 1990 concernant l'interruption de grossesse. Elle est composée de 16 membres qui sont désignés en tenant compte de la parité linguistique, et chaque groupe linguistique comporte un nombre égal d'hommes et de femmes. Huit membres sont docteurs en médecine, dont quatre au moins sont professeurs dans une université belge. Quatre sont professeurs de droit ou avocats. Le dernier groupe de quatre membres, mais certainement pas le moins important, provient de milieux chargés de la problématique des patients incurables.

La commission établit un rapport tous les deux ans. Elle rassemble d'abord toutes les données statistiques. Sur la base de celles-ci, elle évalue la mise en oeuvre de la loi et, enfin, elle émet des recommandations en vue de l'adaptation éventuelle de la législation elle-même ou de son exécution. Pour remplir ces tâches, la commission peut recueillir toutes les informations utiles auprès de divers services publics et institutions.

Le rapport est rédigé à l'intention des Chambres législatives qui, dans les six mois, le soumettent à un débat.

L'intervenant estime essentiel que ce débat ait lieu à des intervalles réguliers. Cela doit garantir une remise en question constante de la loi sur l'euthanasie et l'adaptation de celle-ci si nécessaire.


3. Proposition de loi relative aux soins palliatifs (de Mme Myriam Vanlerberghe et consorts); nº 2-246/1

Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi

L'intervenante signale que les auteurs ont choisi de traiter le problème des soins palliatifs dans une proposition de loi distincte, pour souligner qu'ils estiment que cette matière est aussi importante que celle de l'euthanasie. Après avoir été complètement informé, le patient doit pouvoir décider librement du traitement qu'il souhaite.

Cela implique que les soins palliatifs à domicile ou à l'hôpital doivent s'entendre comme un droit du patient. La garantie d'un tel droit et d'un accès identique de tous les patients n'est possible que si l'offre et la mise en pratique de cette forme de soins sont fortement développés.

Ces principes sont exprimés dans le texte, qui comprend trois volets :

­ assurer à tous les patients un droit aux soins palliatifs;

­ obliger les pouvoirs publics à libérer les moyens nécessaires pour mettre ce droit en oeuvre dans toutes les régions du pays et pour toutes les couches sociales;

­ assurer au patient un droit absolu à l'information sur sa situation et sur les possibilités existant en matière de soins et de traitements.

Il est essentiel que les soins palliatifs soient définis comme une mission légale, non seulement du corps médical mais aussi des pouvoirs publics. Il incombe à ces derniers de garantir au patient un droit absolu à ce type de soins.


D. DÉBUT DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Une intervenante déclare que le débat qui s'entame en commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales du Sénat sur base de plusieurs propositions de loi relatives à l'euthanasie est la suite logique d'un certain nombre de débats menés depuis plusieurs années autour de cette question.

Cette délicate question, en ce qu'elle touche à la vie et à la mort de tout un chacun, fait l'objet de débats animés, et pas seulement dans notre pays. Débats à ce point délicats que, seuls parmi les pays européens, les Pays-Bas, et encore sans toucher directement à l'interdit affirmé dans la loi pénale, ont « légiféré » sur cette question.

Dans notre pays, bien que le débat date de plusieurs années (la première proposition de loi déposée à ce propos date de 1986), ce n'est que récemment, notamment suite à la mise sur pied du Comité consultatif de bioéthique, qu'il a pris une certaine ampleur. Le Comité consultatif de bioéthique a rendu à la demande des présidents de la Chambre et du Sénat deux avis relatifs à cette question. Le premier, relatif à la fin de vie des patients capables d'exprimer leur volonté, date du 12 mai 1997; le second, relatif à l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté, date du 22 février 1999.

Pour sa part, le Sénat a consacré deux journées à cette question, les 9 et 10 décembre 1997. Ce premier débat parlementaire a essentiellement porté sur l'avis nº 1 du Comité consultatif de bioéthique. Un certain nombre de choses intéressantes y ont été dites.

Dans le cadre de la discussion générale relative aux propositions de loi actuellement déposées, l'intervenante souhaite aborder les points suivants :

1. De la nécessité de bien définir ce qu'est (et donc n'est pas) l'euthanasie.

2. Euthanasie et soins palliatifs : deux aspects indissociables du débat sur la fin de vie.

3. Doit-on nécessairement modifier le Code pénal pour répondre aux demandes d'euthanasie ?

4. « Encadrer » les actes médicaux de fin de vie, une autre approche d'un même débat ?

5. La nécessité d'un débat ouvert et serein et la liberté de conscience pour chaque parlementaire.

1. Bien définir ce qu'est « l'euthanasie »

Avant toutes discussions relatives à l'euthanasie, il convient de bien définir ce qu'est, et donc ce que n'est pas l'euthanasie. Il règne trop d'ambiguïté dans la tête de beaucoup de gens, pour que l'on puisse se passer d'une définition claire.

L'intervenante pense qu'il faut se rallier ici à la définition qu'en donne de manière unanime le Comité consultatif de bioéthique, à savoir : « L'euthanasie est un acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. » Pour le Comité d'éthique, « l'accent mis dans la définition sur l'intention de mettre fin à la vie, impose de distinguer l'euthanasie proprement dite d'autres actes posés par un médecin tels que l'administration de calmants ou d'analgésiques qui entraînent le risque d'abréger la vie, ou l'arrêt de traitements médicaux vains ».

Il doit donc être bien clair que les actes médicaux visant à soulager la souffrance du patient, même s'ils ont pour conséquence d'abréger la vie du patient, ne sont pas des actes d'euthanasie, de même que l'arrêt de traitements curatifs lorsque ceux-ci ne se justifient plus (acharnement thérapeutique). Quel que soit le texte qui serait adopté, il doit être clair à ce sujet. À la lecture des différentes propositions de loi, cela ne paraît pas évident. Il faudra donc y veiller dans la discussion des différents textes.

2. Euthanasie et soins palliatifs : ne pas dissocier les deux

Lorsque l'on aborde le problème de l'euthanasie, on ne peut pas le dissocier de la problématique des soins continus et palliatifs, de leur qualité et de la possibilité pour tout un chacun d'y avoir accès, de même que d'une réflexion approfondie sur la manière dont fonctionne dans le concret, sur le terrain, au jour le jour, le rapport médecin/patient, médecin/équipe soignante, patient/famille et entourage.

À cet égard, l'intervenante voudrait reprendre à son compte une partie de l'éditorial du nº 5 de juin 1999 du périodique du Comité consultatif de bioéthique, lorsqu'il y est affirmé : « Chacun conviendra que la mort est un moment des plus intimes qui soient, moment que la personne, même entourée de l'affection de ses proches, doit affronter pour elle-même.

Moment qu'elle vit forte ou faible de ses croyances en un au-delà et/ou de ses certitudes.

Moment enfin où elle laisse derrière elle des proches plus ou moins meurtris, avec eux aussi, leurs propres croyances, leurs propres certitudes et leur aptitude plus ou moins grande à vivre l'absence d'un être cher.

Une société qui se veut humaniste ne se doit-elle pas de garantir à chacun de vivre cette étape de la vie en toute sérénité ? Le débat en matière de fin de vie devrait ainsi dans l'idéal permettre que soient effectivement réunies les conditions propices à cette sérénité le moment venu.

L'existence généralisée d'un accès à des soins appropriés (palliatifs ou continus), l'absence de soucis naissant de la prise en charge de leur coût, l'encadrement psychologique du patient et de ses proches, la formation du personnel médical et de soins à l'accompagnement du mourant, sont autant d'éléments indispensables à cette sérénité. Les membres du comité sont unanimes à cet égard. »

Pour l'intervenante, dissocier le débat sur l'euthanasie d'une réflexion sur la manière dont le patient en fin de vie est considéré, sur ce qu'il vit et ressent profondément à l'approche de cette phase inévitable de la vie, sur ce que la société lui offre comme aide et soutien, comme écoute approfondie à ce moment-là, est une forme d'abandon de la société à l'égard des plus vulnérables et des moins autonomes d'entre eux.

Réfléchir à la signification profonde d'une demande d'euthanasie par un malade est indispensable et doit être l'objet d'une écoute attentive. Derrière une telle demande s'en cachent parfois bien d'autres qu'il faut savoir décoder.

Le débat sur l'euthanasie doit aborder ces questions, au risque de voir l'euthanasie être considérée comme une réponse facile d'un État qui, aujourd'hui déjà, a tendance à vouloir rationner l'offre de soins face aux coûts de plus en plus importants de la médecine et des soins, particulièrement chez les personnes âgées. Ne soyons pas naïfs. Qu'on le veuille ou non, la dimension économique, la question des coûts des soins de santé n'est pas absente de tels débats. Nous devons être très clairs à ce sujet : quels sont les moyens que la société accepte de mettre en oeuvre pour assurer à chaque patient une fin de vie la plus sereine possible, comme le rappelle le Comité consultatif de bioéthique lui-même ?

La lettre reçue récemment des docteurs Markstein de Brugmann et Bouckenaere de Saint-Michel est suffisamment explicite à cet égard.

3. Doit-on modifier la loi pénale pour rencontrer les demandes d'euthanasie ?

Plusieurs des propositions actuellement déposées ont choisi la voie de la modification de la loi pénale pour pouvoir rencontrer les demandes d'euthanasie. On peut légitimement se demander si c'est la bonne voie, et ce d'autant plus que ce n'est pas la voie choisie jusqu'ici par nos voisins hollandais, ni par la plupart des membres du Comité consultatif (positions 2, 3 et 4). La note reçue récemment le souligne bien : seuls les tenants de la position 1 proposent une modification de la loi pénale en tant que telle. Il y a là au moins matière à réflexion pour le législateur.

Il n'est pas inutile de rappeler ici la portée de la loi pénale, à l'instar de nombreux professeurs et praticiens du droit pénal. Ceux-ci rappellent que la loi pénale a notamment pour fonction d'assurer le respect d'un ordre moral et social, de valeurs fondamentales comme le respect des droits de l'homme, de la liberté individuelle, le respect de l'intégrité physique et psychique de chaque être humain. C'est ainsi qu'en son titre VIII du livre II, notre Code pénal garantit le respect de l'intégrité d'autrui sous le libellé « Des crimes et délits contre les personnes », plus précisément aux articles 393 à 397.

La loi pénale, en ce qu'elle punit celui qui donne la mort, veut ainsi assurer la protection de toute vie humaine. Elle donne une indication claire de ce que la société considère comme un droit inaliénable de chaque être humain, à savoir la protection absolue de son intégrité physique.

Rappelons aussi le code de déontologie médicale qui date de 1992, et qui prévoit en son article 95 : « Le médecin ne peut provoquer délibérément la mort d'un malade ni l'aider à se suicider. » On peut se demander ce que deviendrait cette disposition si notre droit pénal venait à être modifié.

L'intervenante voit là, pour le moins, une contradiction majeure qui devrait être soulevée auprès de ceux qui, en 1992, ont été à la base de la rédaction de cet article du code de déontologie médicale, situé dans le chapitre intitulé « Vie finissante ».

Cependant, en édictant la règle, le législateur a également accepté que des circonstances exceptionnelles puissent se produire, qui non seulement rendent la sanction pénale inopportune mais peuvent même donner à l'acte posé un caractère licite et conforme au droit.

La possibilité pour les infractions d'être objectivement justifiées s'exprime à travers les trois causes générales de justification que sont l'état de nécessité, la légitime défense et l'autorisation de la loi.

Ajoutons à cela que chez nous, le ministère public bénéficie du pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites, et ce même lorsqu'une juridiction de jugement est saisie. Cela permet également au ministère public de ne pas poursuivre lorsque, manifestement, la situation ne le justifie pas.

Plusieurs des propositions de loi actuellement déposées en matière d'euthanasie ont emprunté la voie de la réglementation, c'est-à-dire de la définition des circonstances dans lesquelles l'acte de tuer peut être justifié, en prévoyant toutes l'ajout d'un article 417bis à la section 4 intitulée « De l'homicide, des blessures et des coups justifiés » du titre VIII (Des délits et crimes contre les personnes).

Cette voie paraît délicate à plusieurs égard.

D'abord, elle touche à un principe essentiel dans une société, qui est la garantie du respect de l'intégrité physique de chaque être humain. Ce droit est non seulement garanti par notre droit pénal mais également par de nombreuses conventions internationales comme la Convention européenne des droits de l'homme, tout particulièrement en son article 2.

Ensuite, il paraît difficile, voire quasiment impossible, de rencontrer dans un texte de loi de cette nature la diversité et la complexité des situations qu l'on peut rencontrer chez les personnes en fin de vie.

Soit les exceptions seront trop étroites, et un certain nombre de situations qui devraient être éventuellement justifiées ne pourront pas l'être. Soit la définition est trop large, et les risques de dérives sont trop grands. Dans un article récent tout à fait remarquable, et publié dans la revue Louvain de novembre 1999, Roger Lallemand lui-même reconnaît : « Il y aura toujours des cas limites qui ouvriront le débat de conscience. Ils sont difficilement définissables par une norme. Nous le sentons au plus profond de nous : la loi ne pourra jamais, à elle seule, régler de façon satisfaisante la pratique de la mort. »

Un tableau comparatif des propositions qui a été dressé montre bien la difficulté de l'exercice. Les uns parlent d'un malade en phase terminale (proposition nº 2-105/1), d'autres de maladie incurable entraînant le décès dans un délai rapproché et causant des souffrances insupportables, (proposition nº 2-22/1), d'autres encore d'état de détresse ou de la souffrance physique d'un malade incurable (proposition nº 2-10/1), pour ne citer que quelques exemples.

Il est évident que chacune de ces dispositions pose question, et qu'aucune ne parviendra à englober l'ensemble des différentes situations qui peuvent se présenter et qui pourraient justifier un acte d'euthanasie.

Quoi qu'on fasse, toute formule réglementaire constituera inévitablement au regard du fait à appréhender une « cotte mal taillée », sans jamais pouvoir circonscrire et atteindre réellement et exclusivement les seules hypothèses visées.

On le voit, le recours à une règle générale est particulièrement périlleux dans une matière où l'on touche à un droit fondamental de chaque être humain.

Il est intéressant à ce propos de relire également les débats menés au Sénat les 9 et 10 décembre 1997, et plus particulièrement les interventions de M. Jules Messine, par ailleurs seul spécialiste de droit pénal parmi les intervenants du Comité de bioéthique.

« Dans le cas de l'euthanasie comme pour toute autre infraction, l'auteur peut ne pas être puni s'il démontre l'existence légale d'une cause de justification. On connaît ainsi le cas d'un médecin qui n'a jamais été attrait devant la cour d'assises alors qu'il y avait eu constitution de partie civile, le ministère public ayant estimé son acte excusable.

Cette construction juridique a l'avantage de poser avec force le principe du respect de la vie d'autrui tout en tempérant ses conséquences par des causes de justification et par la faculté pour le ministère public de décider de ne pas poursuivre (...). »

En réponse aux questions posées par un membre de l'assemblée, Mme Mayence-Goossens, M. Messine précise : « ... c'est précisément la raison pour laquelle je propose de ne pas modifier la loi. Il est vrai que l'état de nécessité ne figure pas dans le texte mais a été développé par la jurisprudence et confirmé par la Cour de cassation. Mon propos est d'essayer de sécuriser la relation entre le patient et son médecin en objectivant la cause de justification. La mise à mort d'une personne suppose que celui qui commet l'acte rende compte à la société.

... La question est de savoir s'il faut légiférer ou non. Je vois personnellement un double inconvénient.

La loi va autoriser de tuer un être humain et cela dans des circonstances dont les nuances échapperont toujours au législateur. »

Aux yeux de l'intervenante, le recours aux causes de justification, et plus particulièrement à la notion « d'état de nécessité », paraît dès lors plus approprié pour rencontrer la diversité et la complexité des cas d'espèce. C'est une notion bien connue de notre jurisprudence et que connaissent aussi tous les systèmes de droit européen. On retrouve même dans le droit allemand et le droit autrichien cette notion définie dans le code pénal lui-même.

Comme pour toute infraction, celui qui, aux yeux de la loi pénale, commet un meurtre ne sera pas puni si, à ce moment, il était justifié. Le recours à cette cause de justification que représente l'état de nécessité permet d'éviter que la rigueur de la loi ne soit appliquée dans des situations où elle ne doit manifestement pas l'être. Cela peut parfaitement être le cas pour le médecin qui, en âme et conscience, et après avoir longuement pesé les différents éléments en présence, décide de répondre positivement à la demande d'euthanasie exprimée par son patient.

Rappelons aussi que les poursuites pour euthanasie ont été extrêmement rares, pour ne pas dire inexistantes, dans notre pays. Où serait dès lors l'urgence à modifier notre Code pénal en cette matière ?

4. Faut-il dès lors ne pas légiférer du tout ?

Au vu des limites même du droit pénal qui, quelle que soit la voie empruntée, ne pourra pas répondre à l'ensemble des situations concrètes de la réalité quotidienne, on peut se demander si la question de l'euthanasie ne doit pas d'abord être abordée par un autre biais : celui de l'écoute du patient dans le cadre d'un véritable dialogue interdisciplinaire.

À l'instar des tenants des positions 2 et 3 du Comité de bioéthique, l'intervenante estime que c'est dans un dialogue où le patient est au centre des préoccupations que doivent s'analyser et se traiter les demandes d'euthanasie.

La question de la modification de la loi pénale devient alors secondaire puisque ce n'est pas le médecin que l'on cherche à sécuriser ici, mais bien le dialogue entre le patient et le médecin que l'on veut mettre en avant.

Pour l'intervenante, il est clair que ce type de dialogue est fondamental et qu'il doit être la clé de voûte de toute législation en la matière, qu'on décide de modifier la loi pénale ou non.

Cette approche permet de garantir au mieux que la demande d'euthanasie formulée par un malade sera écoutée et traitée avec toute la rigueur et le sérieux nécessaires à un acte aussi grave. Tous médecins ou soignants, membres des équipes d'accompagnement, savent bien que les demandes d'euthanasie recouvrent bien d'autres demandes, et que c'est d'abord à celles-ci qu'il faut répondre parce qu'un homme ou une femme, même malade, paralysé, ou en fin de vie, reste un être humain à part entière, qui a droit à être écouté et entendu dans ce qu'il a vraiment à dire.

Et à cet égard, on est encore loin du compte. Combien d'hommes ou de femmes souffrants sont écoutés et entendus pour ce qu'ils sont vraiment ? C'est une manière de traiter les patients qui doit être remise en cause. Que sont-ils aujourd'hui, particulièrement dans les hôpitaux, face à une médecine toute puissante et des équipes soignantes surchargées ?

Pour certains, le dialogue médecin/patient, c'est le colloque singulier et lui seul. L'intervenante ne partage pas ce point de vue, parce qu'elle ne croit pas à l'égalité du dialogue patient/médecin. Allongé dans un lit, souffrant ou affaibli, le patient n'est pas en position d'égal à égal avec le médecin. Ceci est une fiction d'intellectuels. Face à la demande réitérée d'un patient, le médecin doit pouvoir se concerter avec l'équipe soignante, les proches, prendre du recul par rapport à sa propre perception de la situation du patient, par rapport à ses propres inhibitions. Mais il est évident qu'en définitive, c'est le seul médecin qui prend la responsabilité d'un acte d'euthanasie. Personne ne peut prendre à sa place la décision de répondre à la demande d'euthanasie d'un patient.

5. La liberté de conscience en matière d'éthique

Dans sa déclaration d'investiture, le gouvernement a très clairement indiqué qu'un tel débat devait pouvoir se dérouler dans une atmosphère ouverte et libre.

Il importe, rappelle le ministre de la Justice dans sa note de politique générale, que « l'on prenne pour principe que chaque membre du Parlement puisse se prononcer librement en son âme et conscience sur cette question ».

C'est pour que l'on puisse répondre à cette préoccupation que l'intervenante souhaite que la discussion qui s'entame sur ce sujet difficile puisse se faire en toute clarté et sérénité. Elle souhaite que chacun des collègues qui aura à se prononcer sur cette difficile question puisse le faire en toute connaissance de cause. Elle voudrait que l'on prenne le temps d'un débat approfondi sur cette question, que l'ensemble des questions de fond qui doivent être posées puissent l'être, et qu'aucune ne soit éludée.

Il ressort des travaux du Sénat des 9 et 10 décembre 1997 que beaucoup se posaient la question de la nécessité d'une législation en la matière. L'intervenante pense que beaucoup de collègues continuent à se poser cette même question, même si plusieurs textes sont aujourd'hui sur la table.

La note reçue des docteurs Markstein et Bouckenaere suggère de travailler par phases, sur la base d'une bonne analyse de la situation sur le terrain, et en se donnant le temps de travailler sur les mentalités dans le monde médical. Cette approche paraît intéressante. C'est un peu celle des Pays-Bas, qui ont privilégié une approche « pragmatique et procédurale » du problème, sans se lancer d'emblée dans une modification de leur Code pénal.

Quoi qu'il en soit, le débat sera difficile parce qu'il pose des questions difficiles. Ce n'est évidemment pas une raison pour ne pas le mener. L'intervenante souhaite néanmoins que ce débat puisse se faire dans la plus grande transparence possible, et sur ce point, elle n'a pas ses apaisements. Les débats sont à huis clos. Certains semblent croire aux vertus du huis clos, mais elle-même ne partage pas ce point de vue. Elle estime qu'il s'agit d'un débat trop important pour qu'il soit en quelque sorte confisqué par les seuls politiques. Les parlementaires ont d'ailleurs reçu un certain nombre de prises de position de la société civile, ce qui est une bonne chose.

L'intervenante espère que tout au long du débat, on aura l'occasion d'écouter ceux et celles qui sont confrontés au quotidien aux demandes d'euthanasie, afin que ce débat soit branché sur la réalité, et non une discussion où des tendances philosophiques et idéologiques s'affronteraient, pour on ne sait quelle victoire de l'un sur l'autre. Cela ne correspond en rien à la réalité de terrain, où l'on trouve côte à côte des personnes provenant d'horizons idéologiques ou philosophiques différents. De la même manière, au Comité consultatif de bioéthique, des rapprochements ont pu être opérés entre personnes venant d'horizons différents. L'intervenante espère qu'au sein des présentes commissions, il sera possible de travailler de la même manière.

Un membre souhaite s'exprimer sur les trois dernières propositions de loi qui viennent d'être déposées, tout en rappelant les positions du groupe auquel elle appartient, positions qui ont été traduites en une proposition de loi.

L'intervenante rappelle que son groupe vient de déposer une seconde proposition de loi, relative aux soins palliatifs.

L'intervenante s'interroge sur le rapport existant entre les propositions de loi qui viennent d'être commentées. Compte tenu des contacts qu'il a eus, sans doute comme beaucoup d'autres parlementaires, avec le terrain, le groupe auquel appartient l'intervenante a des observations à formuler sur la manière dont les propositions seront discutées, et sur l'ordre chronologique dans lequel elles le seront.

En ce qui concerne tout d'abord la proposition de loi relative à l'euthanasie, si l'on considère les demandes d'euthanasie, qui sont de l'ordre de ± 10 % des décès, on sait que le nombre des demandes persistantes tombe à 1 ou 2 % quand elles sont correctement décodées.

C'est pourquoi il semblerait préférable d'examiner en premier lieu les textes relatifs aux soins palliatifs et continus. Chaque groupe politique devrait se prononcer sur la chronologie de la discussion et du vote des différents textes.

Le lien entre l'euthanasie et les soins palliatifs est évident et étroit.

Il y a différentes manières d'envisager les soins palliatifs. La culture palliative varie selon les établissements et le type de soins prodigués (à domicile ou en milieu hospitalier, en maison de repos, etc.).

Il serait intéressant que les différentes philosophies existant en la matière puissent être exposées dans le cadre des auditions à venir.

La deuxième observation concerne l'option selon laquelle on procède par la voie d'une modification du Code pénal.

Le groupe auquel appartient l'intervenante maintient pour sa part sa volonté de ne pas modifier le Code pénal, non pour des raisons de technique juridique ou législative, mais parce qu'une telle modification lui paraît dangereuse, l'interdiction de tuer devant rester un point de repère fondamental dans notre société.

Il s'agit de l'un des quelques grands repères symboliques, sans doute traditionnels, mais qui sont des balises importantes, de moins en moins nombreuses, dans une société civile et politique en pleine mutation.

Le souhait de préserver l'interdit de tuer s'inspire de raisons sociologiques et anthropologiques, indépendantes de conceptions philosophiques ou religieuses.

Trop de personnes s'inquiètent de possibles dérapages. L'expérience étrangère montre qu'il serait imprudent de toucher au Code pénal : mis à part l'Oregon, aucun État n'a procédé à une telle modification, même pas les Pays-Bas.

D'autres manières de réglementer la matière sont possibles, et notamment une modification de l'arrêté royal relatif à l'art de guérir.

Beaucoup d'États, et notamment la Suisse, ont agi par le biais de la déontologie médicale. Il serait intéressant de demander aux médecins, qui seront directement confrontés au problème, par quel biais il leur paraît préférable de travailler.

Un autre point paraît choquant dans la proposition relative à l'euthanasie : il s'agit du champ d'applications du texte proposé.

On se situe dans un débat relatif à la fin de vie. Le groupe auquel appartient l'intervenante pensait que la discussion était limitée à ce sujet, et estimait qu'il fallait s'en tenir aux cas où la mort était prévisible à brève échéance.

Or, le champ d'application de la proposition de loi a été considérablement étendu, puisqu'il vise non seulement des situations de fin de vie, mais aussi les malades incurables qui ne seraient pas en phase terminale.

En outre, les motifs que peuvent invoquer les patients sont eux aussi extrêmement larges, puisqu'il peut s'agir de patients en état de souffrance ou de détresse physique ou psychique.

Ces termes pourraient donner lieu à des demandes d'euthanasie que l'on n'aurait pas imaginées, voici quelques mois, au départ des textes déposés : ainsi, un patient dépressif, en état de détresse morale, pourrait demander l'euthanasie.

Cela pose problème, même si l'on ne peut ignorer l'étendue des souffrances et détresses psychiques existant dans notre société. Les suicides de jeunes en sont une illustration dramatique. Mais un champ d'application aussi large constitue un message insupportable à l'égard de beaucoup de personnes malades ou handicapées, comme en témoigne le courrier suscité par le texte proposé. Ce texte paraît trop audacieux, et comporte un risque de banalisation.

Trop de personnes l'ont déjà interprété comme une autorisation de demander à mourir ou de faire droit à une telle demande, à l'égard de personnes vulnérables.

C'est pourquoi le groupe auquel appartient l'intervenante souhaiterait vivement que le champ d'application du texte soit restreint, l'euthanasie devant rester un acte exceptionnel fondé sur des motifs plus restrictifs (souffrance insupportable, caractère incurable de la maladie, pronostic de décès à brève échéance).

En ce qui concerne le rôle du médecin, il est vrai que le texte semble entourer davantage celui-ci que ne le faisaient les précédentes propositions de loi, mais le médecin n'en reste pas moins seul face à la demande d'euthanasie.

Le texte prévoit la consultation d'un collègue indépendant, non pas sur la demande d'euthanasie, mais sur le caractère incurable de la maladie.

L'intervenante estime que, par comparaison avec la proposition de loi déposée par son groupe, le texte ne renforce pas suffisamment la concertation du médecin avec l'équipe soignante (y compris, le cas échéant, un délégué du comité d'éthique), ni la consultation des proches.

Le risque existe que le médecin reste seul face à la demande d'euthanasie, et qu'il ne détienne de ce fait un pouvoir trop grand par rapport au malade.

Le texte opte sans surprise pour un contrôle a posteriori, alors que le groupe de l'intervenante est plutôt favorable à un contrôle a priori.

En outre, le texte mentionne une prise en charge palliative, mais passe sous silence l'obligation d'assistance morale du médecin et du personnel soignant. Or, la dimension de l'accompagnement et de l'aide psychique au patient en fin de vie paraît fondamentale, dans le cadre tant des soins palliatifs que, si ceux-ci s'avèrent inopérants, dans celui de l'euthanasie.

Cet élément devrait figurer explicitement dans la loi future, et devrait être encouragé par le biais de la formation des médecins et des infirmières.

L'intervenante souligne à cet égard que, contrairement à ce que certains ont cru pouvoir déclarer, la souffrance doit, à ses yeux, être soulagée autant que faire se peut, et que le groupe dont l'intervenante fait partie ne s'inspire nullement d'une idéologie selon laquelle la souffrance serait valorisée, et par conséquent devrait être acceptée. Notre pays accuse en matière d'accompagnement de la fin de vie un retard par rapport à d'autres, comme le Canada. Dans ce dernier pays, un débat semblable au nôtre a eu lieu, mais la voie de la dépénalisation a été abandonnée, et l'accent a été mis sur le développement d'une culture palliative.

Il serait intéressant que les commissions réunies puissent, si elles disposent du temps nécessaire, entendre un représentant canadien sur le sujet.

En ce qui concerne la déclaration de volonté anticipée du patient, elle présente un lien évident avec la problématique des patients inconscients. Il s'agit d'un point sur lequel il serait utile d'avoir un éclairage de la part des spécialistes de terrain.

L'intervenante se réfère aux travaux menés par le Sénat lors de la précédente législature, ainsi qu'à des éléments de droit comparé.

Dans quelques États où le principe d'une déclaration de volonté anticipée existe (cf. l'Oregon et la Suisse, où aucune réglementation n'existe en matière d'euthanasie, mais où la déontologie médicale accepte le principe d'une telle déclaration), il n'est pas évident que cela facilite toujours la tâche du médecin.

Des médecins américains soulignent à cet égard qu'une déclaration anticipée peut parfois mettre le médecin en difficulté, compte tenu du caractère évolutif de la maladie, de l'attitude du patient, de l'entourage, voire même du mandataire.

Chacun peut, bien entendu, mettre sur papier ses dernières volontés.

Le groupe auquel appartient l'intervenante souhaiterait cependant que la déclaration de volonté anticipée du patient ne constitue qu'un élément d'appréciation, et non une preuve définitive, juridiquement acceptée, de la volonté du patient.

La proposition de loi prévoit que la déclaration de volonté anticipée est valable si elle a été établie moins de cinq ans avant le début de l'incapacité. Ce délai paraît trop long, compte tenu de l'évolution parfois très rapide de la personne en fin de vie.

Un éclairage sur les déclarations de volonté anticipée serait souhaitable, notamment en consultant les médecins qui pourraient avoir une expérience en la matière, et en examinant la situation des pays où une telle déclaration existe.

La proposition de loi opte pour un contrôle a posteriori. L'intervenante exprime des doutes sur l'efficacité d'un tel système, qui pourrait s'avérer purement formel, d'autant plus que certains médecins ont déjà déclaré que la loi nouvelle n'aurait pas d'incidence sur leurs pratiques.

Par ailleurs, le texte ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de non-respect des conditions procédurales.

La proposition déposée par le groupe de l'intervenante s'insérait dans le texte relatif à l'art de guérir; elle prévoyait, outre le maintien des dispositions pénales existantes, des dispositions pénales spécifiques sanctionnant chaque obligation procédurale à respecter.

Ne faudrait-il pas trouver un moyen ­ non nécessairement pénal ­ pour sanctionner la manière dont le médecin a procédé ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas, dans la loi en préparation, parler explicitement de la lutte contre l'acharnement et l'abandon thérapeutiques ?

La majorité des demandes d'euthanasie exprimées surviennent en effet après un acharnement ou un abandon thérapeutiques, ou procèdent de la crainte de ceux-ci.

Un texte explicite serait donc souhaitable sur ce point, mais le cadre du Code pénal semble inadéquat.

Enfin, l'intervenante répète que son groupe préférerait que l'on traite de toutes les situations de fin de vie dans un seul texte, qui ne s'insérerait pas dans le Code pénal.

En effet, il s'agit essentiellement de problèmes de santé publique.

Le droit pénal a ses limites, et est maladroit à cerner ce type de problématique.

Il risque de figer la situation, de bouleverser des repères symboliques, et d'avoir un effet négatif sur l'inconscient collectif.

À l'heure où, dans nombre de matières, on s'efforce de préserver le lien social, et de garder quelques mécanismes d'aide et d'accompagnement et quelques points de repère pour les générations futures, le texte proposé paraît dangereux.

Les textes internationaux nous le rappellent, de même que la situation dans les pays voisins : il est hautement symbolique de toucher au Code pénal. Il faut éviter la banalisation qui risque de s'ensuivre.

Chacun sait que des euthanasies sont pratiquées, et que ces pratiques doivent être contrôlées. Il est des cas où l'euthanasie peut et doit être permise. Le groupe auquel appartient l'intervenante a voulu poser un geste symbolique, en déposant une proposition de loi en la matière, ce qui n'était pas anodin. Il veut aboutir à une loi qui évite les dangers suscités par le texte beaucoup trop large qui vient d'être déposé.

En ce qui concerne la deuxième proposition de loi, qui traite de la commission d'évaluation, il est vrai qu'elle instaure un système comparable à celui appliqué en matière d'IVG.

Le groupe auquel appartient l'intervenante croit certes à un contrôle de la société sur les pratiques, mais souhaiterait un contrôle différent. Il ne croit pas que la commission d'évaluation dont la création est envisagée soit un outil adéquat, car il s'agit d'un instrument de nature essentiellement politique.

Il serait préférable de créer un organe de contrôle où les médecins seraient davantage partie prenante, et de prévoir un mécanisme d'évaluation plus temporaire.

Une loi temporaire, qui serait remise sur le métier dans quelques années, paraît une solution plus intéressante, car il est peu probable que les recommandations de la commission d'évaluation permettront de modifier la loi ou de l'améliorer.

L'expérience de la commission d'évaluation en matière d'IVG montre en effet que le système livre certes des éléments statistiques intéressants, mais ne permet pas de revenir sur une disposition fondamentale du Code pénal.

L'intervenante s'interroge également sur la manière dont les documents seront transmis par les médecins à la commission d'évaluation.

L'expérience hollandaise montre en effet que les médecins n'ont pas changé fondamentalement leurs pratiques suite aux dispositions nouvelles, et l'on voit mal pourquoi les médecins belges seraient plus audacieux, en transmettant leurs documents à une commission de nature, non médicale, mais politique.

Enfin, la proposition de loi relative aux soins palliatifs suscite quelques remarques générales. Ce texte paraît très large et très vague, et mériterait d'être précisé.

Il s'agit d'une matière difficile à cerner, car plusieurs niveaux de pouvoirs (fédéral, régional, communautaire) y sont impliqués.

Il n'est dès lors pas facile pour un non-spécialiste de comprendre les diverses réglementations, notamment sociales, applicables.

Il serait préférable d'élaborer une proposition de loi-cadre reprenant non seulement tous les principes que l'on veut voir développer à l'avenir dans nos soins palliatifs (droit d'accès, égalité de traitement, financement structurel, ...), mais aussi, de façon beaucoup plus concrète, ce qui se passe actuellement.

Une nouvelle réglementation est en vigueur depuis le 1er janvier 2001; le milieu des soins palliatifs a déjà fait savoir que, selon lui, l'arrêté ne va pas assez loin dans le financement et le forfait journalier.

La proposition devrait donc comporter un volet relatif aux principes.

Il faudrait éviter de déléguer au Roi l'ensemble de la matière, qui est fondamentale et, aux yeux de l'intervenante et de son groupe, première par rapport au texte sur la dépénalisation de l'euthanasie.

L'intervenante conclut en indiquant que son groupe a déposé un texte en la matière, qui est assez long, parce qu'il reprend à la fois ce qui existe, et ce qui peut être amélioré. Il sera commenté ultérieurement.

Un sénateur estime que les soins palliatifs sont une matière trop importante que pour l'aborder comme un complément à la réglementation sur l'euthanasie. Cette matière exige un cadre propre et il n'est dès lors pas souhaitable qu'elle soit traitée par l'insertion de quelques articles dans une loi réglant l'euthanasie.

Les soins palliatifs sont d'ailleurs en premier lieu une question de moyens financiers et de personnel ainsi que de formation. Les pouvoirs publics ne peuvent pas partir du principe que cette matière peut être réglée par l'insertion d'une série de grands principes dans la loi.

Lors d'une réunion précédente, l'intervenant s'est dit partisan d'une réglementation légale en matière d'euthanasie, qui garantisse la sécurité juridique nécessaire tant aux médecins qu'aux patients.

Une telle réglementation n'est cependant acceptable que si une série de critères de prudence sont prévus. Compte tenu de cela précisément, son groupe a choisi de déposer des amendements à la proposition de loi nº 2-105/1, laquelle offre les meilleures garanties en la matière.

L'intervenant est dès lors fort déçu que ce texte ait été écarté au profit de la proposition de loi nº 2-244/1, déposée par les présidents des groupes de la majorité. On ne peut se départir de l'impression qu'il s'agit d'un texte composé à la hâte, dans lequel une série de critères de prudence ont été négligés et dont la clarté laisse à désirer.

C'est pourquoi il espère que la discussion de ce texte demeure tout à fait ouverte. Si ce n'est pas le cas, il se verra obligé de réintroduire sous son propre nom la proposition de loi nº 2-105/1, avec une série d'adaptations définies dans des amendements déposés précédemment (voir document Sénat nº 2-105/2).

L'intervenant souhaite ensuite énumérer dix lacunes concrètes de la proposition de loi nº 2-244/1.

1. La notion « terminal » ne figure plus dans le texte. Il est exact que cette notion est difficile à définir, mais on ne résout rien en utilisant plutôt des termes comme « maladie grave et incurable », avec lesquels on s'aventure en terrain glissant. Quelle est par exemple la différence entre une maladie chronique habituelle et une « maladie grave et incurable » ? Le terme « terminal » ne doit pas nécessairement signifier que le patient n'a plus que quelques jours à vivre. Il est tout à fait possible de définir cette notion et la commission doit s'y employer.

2. Une série de critères de prudence figurant dans la proposition de loi nº 2-105/1 ont purement et simplement été éliminés. Ainsi, la notion « de plein gré » ne figure plus dans le texte. Une partie des objections à l'égard d'une réglementation de l'euthanasie est inspirée par la crainte que le patient soit mis sous pression par son entourage ou qu'il demande l'euthanasie parce qu'il se sent une charge pour ce dernier. C'est la raison pour laquelle le législateur doit imposer au médecin l'obligation d'examiner si la demande d'euthanasie n'est pas inspirée par de telles considérations. Le médecin et le patient doivent arriver ensemble, sans la moindre pression de l'extérieur, à la conclusion qu'il n'y a aucune autre possibilité d'atténuer la souffrance insupportable du patient.

3. Le texte prescrit que l'avis d'un deuxième médecin doit être demandé. On ne précise cependant pas ce qu'implique exactement cette obligation, ce qui a pour conséquence que cet avis devient une simple formalité. Il est théoriquement possible que ce deuxième médecin donne son avis sans même avoir vu lui-même le patient. Aux Pays-Bas, par exemple, le deuxième médecin doit examiner le patient et s'assurer du caractère insupportable et sans issue de la maladie.

4. L'expression de la volonté peut être constatée par le médecin, simplement sur la base d'une conversation avec le patient, même si celui-ci est capable de faire connaître son avis par écrit. De plus, lors de cette déclaration orale de volonté, aucun témoin ne doit être présent. Il suffirait que le médecin indique dans le formulaire d'enregistrement que le patient a demandé l'euthanasie. C'est inacceptable. Dans un tel système, comment peut-on vérifier a posteriori si une série de critères de prudence ont été respectés ?

5. La proposition de loi précise bien que l'euthanasie n'est possible qu'à la suite d'une demande persistante du patient, mais ne dit pas comment doit se manifester ce caractère persistant. Le moins que l'on puisse demander dans ce contexte est qu'une déclaration de volonté ou une expression de volonté soit formellement confirmée avant que l'euthanasie soit pratiquée. Cette confirmation devrait également s'effectuer par écrit ou en présence de témoins. La proposition de loi nº 2-105/1 prévoyait à cet effet une formule claire et disposait que, si le patient était incapable de confirmer sa volonté, ce n'était pas un, mais deux médecins qui devaient être consultés.

Il est important que l'euthanasie se déroule suivant une procédure comprenant plusieurs phases, chacune d'elles étant sérieusement contrôlée.

6. La plupart des propositions déposées précédemment prévoyaient une réglementation particulière pour les femmes enceintes. Il est incompréhensible qu'elle ne figure pas dans le présent texte. Lorsqu'une patiente porte un enfant viable, celui-ci doit pouvoir venir au monde. Cela ne doit pas nécessairement signifier que la période de grossesse est entièrement terminée. Puisqu'il s'agit d'un enfant viable, un accouchement peut être provoqué.

7. La proposition de loi nº 2-105/1 prévoyait une commission d'évaluation qui devait veiller au respect des critères de prudence. La commission instituée par la proposition nº 2-245/1 n'a encore pour mission que de rassembler des données statistiques et de formuler des recommandations à l'intention des pouvoirs publics. Il est indispensable de créer une commission de contrôle, comprenant de représentants des groupes professionnels concernés et composée de façon équilibrée sur le plan idéologique, qui aurait pour mission d'évaluer toutes les euthanasies actives, de manière conséquente et homogène, selon des règles clairement déterminées. Un système d'évaluation reposant exclusivement sur des plaintes occasionnelles auprès de tribunaux est totalement insuffisant pour aboutir à une jurisprudence sur laquelle on peut s'appuyer.

8. Le rapport établi par le médecin doit rendre une telle évaluation possible. En plus de la nature de la maladie, il faudrait également pouvoir y indiquer la nature de la souffrance et les raisons pour lesquelles la souffrance est sans issue. En outre, des copies de la déclaration de volonté, de l'expression de volonté et de la confirmation de celle-ci devraient y figurer, de même que d'autres données dont ressortirait le caractère persistant de la demande d'euthanasie.

9. La proposition de loi nº 2-86/1 prévoyait la désignation d'un mandataire chargé de veiller à l'exécution de la déclaration anticipée, si le patient se trouvait par exemple dans un hôpital étranger. Cette méthode de travail est souhaitable. Dans la proposition de loi nº 2-244/1, ce mandataire devient cependant un interlocuteur du médecin et participe à la prise de décision. Il ne peut en être question. Le mandataire doit certes indiquer au médecin qu'il y a une déclaration anticipée mais la décision revient au médecin. Ce texte fait peser une pression inacceptable sur le mandataire.

10. Selon la proposition de loi, l'euthanasie est enregistrée comme une mort naturelle. Il est cependant nécessaire, notamment dans le cadre des études épidémiologiques, que l'on puisse retrouver dans les statistiques sur les causes des décès, les affections dont les patients souffraient.

L'orateur conclut en disant qu'il n'est pas opposé à une réglementation qui permet l'euthanasie dans certains cas. Il faut cependant qu'une telle réglementation soit assortie de critères de prudence sévères empêchant tout abus. Partant de ce point de vue, il considère que certaines propositions de loi déposées antérieurement sont préférables au texte discuté actuellement.

Par conséquent, l'orateur déposera des amendements qui reflètent les dix remarques qu'il vient de formuler à propos de cette proposition de loi.

Un membre déclare que l'on peut tout d'abord se demander pourquoi cette question de l'euthanasie et des soins palliatifs se pose aujourd'hui à notre société, mais aussi dans d'autres pays. Nous vivons une époque tout à fait nouvelle, notamment sur le plan démographique, où le temps de la vie s'allonge de façon impressionnante, et où plusieurs générations coexistent.

Le temps qui reste à vivre après la fin des activités professionnelles s'allonge également, et se passe parfois dans des conditions de bonne santé, mais parfois aussi, durant de longues périodes, dans des conditions de santé aléatoires de fragilité physique, parfois de diminution des capacités intellectuelles, d'exclusion sociale et de solitude.

Nos sociétés ne sont pas suffisamment organisées pour prendre en compte la révolution énorme qui découle de cette situation.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le débat sur l'euthanasie et les soins palliatifs.

À titre personnel, l'intervenant n'est pas opposé à répondre de manière positive à des demandes d'euthanasie.

Néanmoins, la question ne se pose pas, comme on l'a dit parfois, en termes d'alternative entre soins palliatifs et euthanasie.

Il serait d'ailleurs inquiétant qu'il en soit ainsi.

En tant que médecin, l'intervenant considère que la lutte pour la vie, contre la maladie, la souffrance et la mort est l'un des motifs premiers de l'action d'un médecin.

Pour lui, le fait de donner la mort à quelqu'un, même s'il peut le concevoir dans certains cas exceptionnels, constitue un échec.

La question majeure aujourd'hui est de pouvoir donner une réponse humaniste, allant dans le sens de la dignité des personnes, et qui, avant tout, préserve la vie dans des conditions de qualité acceptables.

C'est pourquoi le droit aux soins palliatifs, défendu aujourd'hui par tous les groupes politiques, paraît extrêmement important.

Encore faut-il que cette défense ne soit pas seulement incantatoire. Il faut se donner les moyens pour que l'accès égal aux soins palliatifs soit effectif.

Un second élément important est que l'essentiel de la demande d'euthanasie ne vient pas, selon les échos recueillis auprès de certains médecins et associations de médecins, de personnes gravement malades, mais de personnes très âgées et bien portantes, qui expriment par là leur détresse, leur solitude, leur impression de ne plus être considérées comme des personnes à part entière ayant un rôle à jouer dans notre société.

Le troisième point concerne le fait que l'on ne retrouve pas, dans le dernier texte déposé, la notion de « fin de vie ».

L'intervenant estime qu'il s'agit là de l'une des questions les plus cruciales du débat actuel.

Se baser uniquement sur la souffrance et la détresse ne permet pas d'éviter des dérapages et une interprétation extrêmement large, même si telle n'est pas l'intention des auteurs du texte.

Qu'est-qu'une détresse ou une souffrance insupportable ? S'agit-il du jugement extérieur qu'un tiers porte, ou de celui de la personne elle-même ? Dans quelle mesure la souffrance sera-t-elle prise en compte, et selon quels critères précis ?

Dans la société actuelle, 15 à 20 % de la population souffrent d'un handicap. Certaines de ces personnes peuvent éprouver une détresse insupportable uniquement en raison du regard que la société en général et les bien-portants portent sur leur handicap.

Un autre point concerne l'avis à demander par le médecin confronté à une demande d'euthanasie réitérée.

On peut comprendre que certains veuillent faire dépendre la décision d'euthanasie du seul colloque singulier entre le patient et le médecin.

Mais cette conception des choses a évolué dans tous les aspects de la médecine aujourd'hui.

Dès lors, pourquoi n'évoluerait-elle pas pour l'un des actes les plus importants que le médecin ait à poser à l'égard du patient, à savoir l'acte d'euthanasie ?

L'intervenant ne voit pas comment on pourrait se passer de l'avis d'un confrère, mais aussi de celui du personnel soignant paramédical, qui joue un rôle fondamental dans les soins en fin de vie.

Nombre d'infirmières, de kinésithérapeutes ont dit à quel point leur rôle était finalement déterminant, puisqu'en fin de vie, il s'agit moins d'administrer des thérapeutiques que de pouvoir aider, entourer, soigner, apaiser le malade.

Il ne s'agit nullement là d'une tribunalisation, mais bien d'une manière de faire qui est conforme au simple bon sens et à la pratique médicale actuelle.

Au vu des opinions de médecins et de membres du personnel infirmier qu'il a pu recueillir, l'intervenant ne pense pas que ceux-ci soient rassurés, sur le plan de la sécurité juridique, par les mesures proposées aujourd'hui.

Celles-ci, au contraire, les inquiètent. Ils considèrent que la procédure a posteriori constitue une épée de Damoclès, qui les empêcherait de poser les actes qu'ils estimeraient devoir poser.

L'intervenant ne croit pas davantage que cette procédure engendre une sécurité juridique pour le patient. Comment permettra-t-elle en effet d'éviter à coup sûr des euthanasies pour raisons sociales ou économiques ? Il suffira de ne pas déclarer l'euthanasie, comme l'ont dit certains médecins, qui pourraient continuer à la pratiquer dans la clandestinité.

En ce qui concerne les malades inconscients et la déclaration anticipée, l'opinion de l'intervenant n'est pas définitivement établie. Aussi aimerait-il pouvoir entendre des praticiens et des éthiciens sur ces sujets.

En ce qui concerne l'évaluation de la future législation, l'intervenant estime que le système d'une loi provisoire est utile en matière éthique, pour apprécier s'il y a lieu de modifier son jugement, et, le cas échéant, pour améliorer le texte.

La commission d'évaluation ne paraît pas constituer un outil très adéquat pour évaluer l'impact de la législation sur l'euthanasie en Belgique, puisqu'il s'agit avant tout de rassembler certaines données statistiques.

On ne pourra notamment pas voir, d'après les données transmises à cette commission, quelle est l'importance des euthanasies pratiquées en dehors de la loi.

L'intervenant se demande dès lors, si la commission d'évaluation est créée, s'il ne faudrait pas revoir les instruments dont elle dispose, afin d'avoir réellement une évaluation globale de l'évolution de la pratique de l'euthanasie dans notre pays.

Un autre membre se réjouit que le débat de fond ait enfin commencé et observe qu'à une seule exception près, l'ensemble des interventions qui ont eu lieu jusqu'à présent montrent bien le fossé profond séparant les propositions présentées par les six auteurs, et la position des groupes démocrates-chrétiens.

Cela démontre aussi l'inanité du reproche fait aux auteurs des trois propositions de ne pas avoir pris de contact avec les auteurs des propositions de ces groupes.

De profondes divergences subsistent notamment sur les points suivants : modification du Code pénal, champ d'application du texte, rôle du médecin, problème du patient inconscient, évaluation de la future législation.

Le précédent intervenant a déclaré que, selon lui, le problème de l'euthanasie se posait maintenant en raison de l'allongement considérable de la durée de la vie, et de l'incapacité de notre société à gérer cette situation.

L'intervenant estime pour sa part que la cause est ailleurs; outre le fait que la médecine a fait des progrès considérables, une prise de conscience a eu lieu de ce que, peut-être pour des raisons de confort individuel, mais aussi en raison d'une certaine idée de leur autonomie individuelle et de leur dignité, certaines personnes ne veulent plus souffrir physiquement ou moralement, et demandent qu'il soit mis un terme à cette situation.

Jusqu'à présent, l'intervenant s'est toujours efforcé de ne pas faire état des cas individuels dont il pouvait avoir connaissance, mais d'autres orateurs l'ont fait.

Il renvoie aux déclarations de certains patients qui se sont exprimés dans la presse. Ainsi, une personne handicapée de 45 ans exposait avoir lutté pendant 20 ans dans une situation de déchéance physique particulièrement difficile, et demandait que l'on adopte d'urgence une loi en matière d'euthanasie, afin de lui permettre de mourir dans la dignité.

Il y a des moments où, quelles que soient les possibilités de la médecine, une personne doit pouvoir décider souverainement de son choix de mort.

Fondamentalement, et au-delà des problèmes techniques, la question est de savoir si l'on admet que la personne a une autonomie totale de décision par rapport à sa vie et à sa mort ou si, au contraire, un élément collectif de contrôle social doit intervenir dans le choix individuel exercé par une personne privée.

Récemment, un philosophe, parlant de l'évolution de la société au-delà de l'an 2000, rappelait que l'être humain est « un génie individuel mais un crétin collectif », alors que dans le monde des fourmis, c'est l'inverse.

Nous vivons dans une société individualiste, ce qui comporte certains inconvénients, mais doit être pris en compte.

Ne pas accepter le principe de l'autonomie constitue bel et bien une forme d'interdit social, bien que certains s'en défendent. Cette position, si elle est parfaitement honorable, n'est pas celle défendue par les six auteurs des trois propositions de loi.

En ce qui concerne le lien entre celles-ci, et l'ordre chronologique de leur discussion, on sait qu'il s'agit, là aussi, d'un point fondamental de divergence.

Certains considèrent en effet les soins palliatifs comme une sorte de phase préalable à l'euthanasie.

Tel n'est pas le point de vue des auteurs des trois propositions de loi.

À leurs yeux, il s'agit d'un élément complémentaire. Ils souhaitent offrir aux malades le choix le plus large de possibilités, et veulent dès lors discuter de l'euthanasie et des soins palliatifs, sans toutefois que ces derniers constituent, du point de vue chronologique, le premier point.

Si les travaux des commissions réunies progressent de façon satisfaisante, les trois propositions seront présentées et discutées ensemble en séance plénière. Il ne faut donc pas imaginer de manoeuvre par laquelle on voterait la proposition relative à l'euthanasie, en renvoyant à une date indéfinie le vote de la proposition sur les soins palliatifs.

L'intervenant constate par ailleurs que le problème est bien réel. Même les représentants de l'opposition l'ont affirmé : on pratique des euthanasies. Quel que soit leur nombre, elles sont illégales et pourraient être réprimées.

Que l'on songe au précédent de l'avortement, où il a fallu des drames humains pour que le Parlement se décide à intervenir, contraint, en quelque sorte, par le parquet, qui avait voulu faire un exemple.

Il faut éviter que la même situation se répète en matière d'euthanasie.

Il semble donc que le moment est venu de légiférer en la matière, d'autant que le gouvernement a laissé aux parlementaires la possibilité de discuter de tous les problèmes éthiques, sans vision majoritaire, qui imposerait son point de vue. C'est là un élément fondamentalement nouveau de la problématique.

La constatation que des euthanasies se pratiquent constitue aussi une réponse aux inquiétudes de ceux qui craignent que la législation envisagée ne permette pas d'éviter des euthanasies pour des raisons économiques ou sociales.

L'intervenant souligne qu'à l'heure actuelle, on n'a aucune garantie sur la manière dont les euthanasies sont pratiquées, à l'égard de quels patients, après avoir ou non interrogé ceux-ci, et pour quels motifs on les pratique.

L'intervenant préfère dès lors un système où les choses se passent dans la clarté. Une loi est donc nécessaire. Elle permettra d'éviter les dérapages que certains semblent imputer aux propositions déposées, mais dont le risque est bien plus grand dans la situation actuelle.

En ce qui concerne le choix de modifier ou non le Code pénal, les six auteurs considèrent qu'il s'agit là d'une question de sécurité juridique.

L'intervenant estime que la notion d'état de nécessité figurant dans les propositions des groupes démocrates-chrétiens n'en offre aucune. En outre, la faire figurer dans une loi n'apporterait rien puisque, conformément au droit commun, le juge peut toujours l'appliquer.

Il ne s'agit pas, dans la proposition de loi des six auteurs, de faire disparaître du Code pénal l'interdit de tuer.

Il s'agit d'un cas particulier, où l'on détermine que, lorsque la mort est administrée en suivant un certain nombre de prescrits bien précis, et dans des cas eux aussi très précis, il n'y a ni crime ni délit. Le procureur du Roi qui reçoit le dossier et estime que le prescrit légal n'a pas été respecté peut poursuivre, conformément au droit commun.

En ce qui concerne le champ d'application du texte, il est vrai qu'il est relativement large, mais l'intervenant ne voit pas comment on pourrait expliciter davantage la définition que donne la proposition de loi.

Il lui paraît important de viser la souffrance morale, à côté de la souffrance physique, parce que personne ne peut se mettre à la place de quelqu'un dont la dignité est atteinte par la maladie.

À titre personnel, l'intervenant ne se permettrait jamais de porter un jugement sur une personne qui pourrait encore vivre un certain temps mais qui refuse de le faire, en raison de l'état de détresse morale ou de perte de dignité physique où elle se trouve.

Lorsqu'il était ministre des Affaires sociales, l'intervenant a pu approcher beaucoup de situations de détresse; il souligne que l'on ne peut s'imaginer ce que représente celle-ci.

Il arrive un moment où, quelle que soit l'aide qu'on peut leur proposer, certaines personnes se trouvent au-delà de tout cela, et formulent une demande que, personnellement, l'intervenant se sent incapable de ne pas respecter.

En ce qui concerne la notion de « phase terminale », l'intervenant admet qu'elle pose problème. Elle figurait d'ailleurs dans le texte initial qu'il avait déposé en 1995.

L'intervenant a été ébranlé par les auditions des représentants du Comité supérieur de bioéthique qui ont mis en évidence le fait que cette notion ne recouvrait pas grand-chose.

En effet, on ne saurait la limiter aux quelques heures ou jours qui précèdent le décès.

S'il s'agit des quelques mois précédant le décès, sur base de quels critères la déterminer de façon plus précise ?

Enfin, n'y a-t-il pas des détresses plus graves que celle d'une personne qui se trouve aux portes de la mort ? L'intervenant renvoie à l'exemple déjà cité de cette personne de 45 ans qui luttait depuis 20 ans contre une maladie incurable, qui n'en pouvait plus, estimant qu'elle se détruisait, et n'osait même plus se montrer.

Quant au fait que ce serait l'attitude des autres qui serait déterminante, l'intervenant souligne que la situation a considérablement évolué, et que la Belgique peut s'enorgueillir d'un grand respect des personnes en difficulté.

Pourquoi ne pas accepter, si on a la garantie que telle est bien la volonté de la personne, la demande d'euthanasie qui n'est pas formulée en phase terminale, mais bien dans le cadre d'une maladie incurable, lorsque l'intéressé, après avoir lutté pendant des années, ne veut plus poursuivre le combat ?

L'intervenant a donc abandonné la notion de « phase terminale », car il ne voyait pas sur quelle base opérer une discrimination entre les patients en fin de vie, et ceux qui ne l'étaient pas, mais dont la détresse était aussi grande, sinon plus.

L'intervenant insiste une fois encore sur le fait que le système envisagé repose sur la volonté des personnes, et que nul n'est obligé ni de demander l'euthanasie, ni de répondre à une telle demande.

Par conséquent, le sentiment que la législation future permettrait d'« éliminer » contre leur gré une série de personnes est absurde et faux.

Quant au rôle du médecin, la proposition de loi est fondée, une fois encore, sur l'autonomie du patient et sur son colloque singulier avec le médecin.

L'intervenant a le sentiment que l'on est allé assez loin en ce qui concerne ce colloque. On a eu le souci de permettre au patient d'exprimer clairement sa volonté, et d'avoir la garantie que ce qu'il avait exprimé correspondait à sa volonté profonde.

À cet égard, il lui semble que l'article 3 donne toutes les garanties voulues. Les six auteurs ne veulent pas de contrôle a priori proposé par les groupes démocrates-chrétiens. Ils ne veulent pas « sociétaliser » l'autonomie individuelle, ni que la décision de quelqu'un soit suspendue à un tel contrôle, dont on sait, en Belgique, ce qu'il peut advenir, surtout si la personne qui demande l'euthanasie est relativement connue. On finirait par débattre en public de la question de savoir s'il faut ou non donner suite à sa demande.

Il est vrai que le deuxième médecin qui doit, selon la proposition, être consulté, pourrait, en théorie, rendre un avis par téléphone. Cependant, il doit communiquer son avis au patient. Il est peu vraisemblable qu'il se prononce sans avoir revu le dossier médical, sans s'être entretenu avec son confrère, sans avoir pris, le cas échéant, d'autres contacts, et sans avoir probablement aussi vu le patient.

C'est une véritable consultation sérieuse sur la situation du patient qu'envisage la proposition de loi.

En ce qui concerne les soins palliatifs, il faut souligner que les auteurs des propositions de loi ont, contrairement à ce que certains ont prétendu, écouté les opinions formulées par d'autres, et y ont réfléchi.

À l'origine, certaines propositions ne parlaient pas des soins palliatifs parce que leurs auteurs estimaient que ce débat n'était pas nécessairement lié à celui de l'euthanasie.

Après avoir entendu certains arguments développés, notamment par les démocrates-chrétiens francophones, il a paru utile aux auteurs de la proposition de légiférer également en la matière. La proposition des six auteurs relative aux soins palliatifs n'est pas moins développée que le chapitre consacré au même sujet dans la proposition nº 2-151/1 de Mme Nyssens et consorts.

Il est difficile de développer davantage le sujet, car on touche à des matières relevant de la sécurité sociale, et il est rare qu'une proposition de loi énumère des montants financiers, des taux de remboursement, etc., qui sont généralement déterminés par arrêté royal.

D'autre part, les soins palliatifs touchent à des matières communautaires et régionales (médecine préventive, prévention morale, etc.).

Le législateur fédéral doit veiller à se maintenir dans sa sphère de compétences, mais rien ne l'empêche d'exprimer le souhait que les législations communautaire et/ou régionale soient modifiées.

En ce qui concerne le patient inconscient, il existe également des divergences entre la proposition des six auteurs et la position des démocrates-chrétiens francophones et néerlandophones.

L'intervenant estime que le système de la déclaration anticipée, tel qu'il est maintenant réglé par le texte proposé, est satisfaisant.

Initialement, il n'y était pas favorable parce que la déclaration n'était pas entourée de suffisamment de garanties. On a maintenant prévu un délai de cinq ans, ce qui permet de s'assurer que la déclaration a été faite dans les mêmes conditions, notamment d'âge, que celles où le déclarant est devenu inconscient. Ici encore, la liberté du médecin est totale. Il peut parfaitement refuser de pratiquer l'euthanasie.

Quant au problème du contrôle, la proposition opte pour la communication a posteriori du dossier au procureur du Roi. Ce système de contrôle a paru plus clair et précis que celui d'une commission de contrôle, qui aurait eu le visage d'une sorte de juge d'instruction, sans être vraiment juridictionnelle.

Après débat, les six auteurs ont jugé préférable, d'une part, de confier au procureur du Roi le soin de vérifier si les choses s'étaient déroulées conformément à la loi, et d'autre part, de créer une commission d'évaluation, pour suivre l'évolution de cette matière délicate.

Cette commission d'évaluation ne fait nullement office de juge d'instruction, puisque les documents lui sont transmis anonymement. Elle permettra à l'opinion publique, à travers les parlementaires, de suivre l'évolution de la matière.

Ce système paraît préférable à celui d'une loi provisoire qui, même si elle est bonne, deviendrait caduque après quelques années, ce qui imposerait en tout état de cause de tenir un nouveau débat. Il appartiendra aux parlementaires, s'ils l'estiment nécessaire au vu des travaux de la commission d'évaluation, de prendre leurs responsabilités en déposant des propositions de modification de la loi.

Quant aux auditions préconisées par une précédente oratrice sur une série de points, l'intervenant répète qu'il faudra apprécier, au cours de la discussion, si tel ou tel point précis mérite des éclaircissements. Cependant, il est des questions de nature fondamentalement politique ­ telle la question de la modification du Code pénal ­ pour lesquelles les auditions n'apporteront rien et où il incombe à chaque parlementaire de prendre ses responsabilités.

Un membre se déclare satisfait de ce que la notion de « phase terminale » n'ait pas été retenue dans le texte déposé par les six auteurs.

De nombreux exemples montrent en effet que, lorsque la personne souhaite mettre un terme à sa vie parce qu'elle estime que sa dignité n'est plus respectée, on ne se situe pas nécessairement en phase terminale, mais plutôt dans un cas de maladie incurable telle que la sclérose latérale amyotrophique ou une paralysie générale.

Dans ces cas, il faut admettre que c'est le patient qui est le mieux à même d'apprécier s'il souffre de manière excessive ou pas.

Par ailleurs, l'intervenant partage assez largement les observations formulées par un précédent orateur.

En lisant l'article 3, on ne voit pas comment l'ensemble des garanties prévues s'inscrivent dans le cadre d'un minimum de procédure à respecter.

L'intervenant serait dès lors partisan d'une reformulation assez large de cet article, par l'ajout d'un certain nombre d'éléments.

Le premier serait l'exigence d'un accord écrit du patient, ou du recours à des témoins, lorsque l'accord écrit ne peut être recueilli.

En effet, on ne voit pas comment s'exprime la « volonté réitérée » du patient, en dehors du colloque singulier.

Un second point concerne précisément le colloque singulier qui, dans un cas aussi grave que celui de l'euthanasie, paraît un peu limité.

L'intervenant est partisan d'un recours, non à un seul autre médecin, mais à un collège de trois médecins.

D'une part, en effet, au vu de l'évolution des techniques médicales, et certainement s'il s'agit d'une maladie grave, la prise en charge se fait souvent par plusieurs médecins.

D'autre part, un collège de trois médecins serait plus à même de vérifier le caractère incurable de la maladie et la volonté du patient.

Mais il ne s'agit pas de consulter l'équipe soignante ou d'autres personnes, qui n'ont pas à être impliquées dans la décision. En la matière, deux choses sont à vérifier : le caractère incurable de la maladie, et la libre volonté du patient.

Par ailleurs, l'intervenant n'est pas favorable à l'article 5 de la proposition, et au contrôle a posteriori par le parquet. D'une part, ce dernier ne paraît pas équipé pour un tel contrôle, et, du reste, on ne voit pas comment il pourrait l'exercer, si l'article 3 n'est pas adapté dans le sens qui vient d'être indiqué.

D'autre part, en tant que juriste, le procureur ne dispose pas des compétences pour apprécier la validité de l'acte qui a été posé. Il devrait dès lors recourir à des experts, ce que l'on a précisément voulu éviter.

De plus, le procureur peut toujours être saisi d'une plainte, conformément au droit commun.

Par ailleurs, l'épée de Damoclès que constitue le contrôle a posteriori par le parquet risque de limiter considérablement les interventions des médecins, car ceux-ci n'ont aucune indication sur la manière dont le parquet contrôlera la légitimité et la légalité de l'acte d'euthanasie.

Peut-être le contrôle a posteriori pourrait-il être confié à l'Ordre des médecins.

Enfin, la commission d'évaluation paraît une bonne chose.

Pour conclure, l'intervenant constate que c'est bien la notion de « libre arbitre » et de « libre détermination » qui constitue le point de divergence essentiel entre les thèses qui s'expriment en matière d'euthanasie.

Personnellement, ce sont les lettres de malades parues dans Le Soir, La Libre Belgique et la brochure éditée par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui l'ont convaincu.

Les soins palliatifs ne peuvent pas être une réponse, dans un certain nombre de cas, à la demande d'euthanasie.

Personnellement, s'il se trouvait, en tant que malade, dans une situation où il souffrirait et estimerait sa dignité affectée, il n'accepterait pas qu'une équipe de soins palliatifs ou une structure de soins quelconque interfère dans la décision qu'il aurait librement prise.

Il y a, sur ce point, une opposition d'opinions insurmontable et irréductible qu'il faut accepter.

En ce qui concerne le climat présidant aux travaux, un autre intervenant souligne que, pour le législateur, les phénomènes de la souffrance et de la détresse inapaisable, et le processus de mort vécu par un être humain, ne peuvent être vécus anticipativement, et sont dès lors, pour une part, impossibles à appréhender pleinement.

Vis-à-vis de ces phénomènes, nos révoltes sont impuissantes, et nos certitudes éventuelles inopérantes. C'est pourquoi l'intervenant tente d'avancer dans le débat avec mesure et modestie, avec le plus d'attention possible pour les arguments des uns et des autres, et surtout avec une écoute privilégiée pour les témoignages des personnes qui souffrent de maladies incurables, des travailleurs de la santé qui sont à leur chevet, et des proches de ces patients.

Il faudrait qu'ils puissent un tant soit peu ressentir que ce qu'ils vivent, leurs angoisses et leurs espérances, n'auront pas été trop éloignées du présent débat, et que les difficultés intrinsèques des questions à l'ordre du jour auront été abordées à partir d'eux et de leur témoignage.

Cela paraît important pour que l'approche que le Sénat fait des questions d'accompagnement de fin de vie et d'euthanasie soit une contribution à réintroduire la mort comme liée à la vie, et comme limite inhérente au pouvoir curatif de la médecine, et non comme échec systématique de celle-ci.

La préoccupation de partir avec modestie des divers vécus de patients, de soignants et de familiers, et de réfléchir au contexte culturel et socio-économique d'aujourd'hui vise aussi à éviter une approche de l'euthanasie qui, insidieusement, en ferait, à l'instar de l'acharnement thérapeutique, l'autre face du refus d'accepter les limites de la médecine ou de la vie, ou du refus d'accepter, par l'exécution d'un acte exclusivement technique d'anticipation, qu'in fine, la vie s'échappe par la mort, quelle que soit la puissance de nos moyens d'action.

Il semble à l'intervenant que les travaux du Sénat sous la législature précédente ont déjà eu le grand mérite de ne pas réduire le débat à une opposition simpliste entre une réprobation de toute euthanasie comme meurtre camouflé et une approbation de l'euthanasie comme la bonne façon de mourir dans la dignité, en cas de maladie incurable et grave.

En termes de société, il ne peut y avoir de mise en avant d'une bonne façon de mourir. Chacune est personnelle.

Les travaux du Sénat avaient également permis de s'écarter de clivages prédéterminés, et de rassembler une documentation abondante dont la seule prise de connaissance, pour un nouveau parlementaire, représente déjà, rien qu'en temps, un investissement important.

L'intervenant en appelle donc à une certaine compréhension de la part des collègues qui ont déjà pu participer à tous ces travaux.

Cependant, dans les débats bioéthiques, où chacun est appelé à se prononcer en liberté de conscience, il souhaite qu'un certain processus de maturation puisse se faire. Ceci est d'ailleurs dans la logique de ce que l'on fait pour placer le patient, ses paroles, ses modalités de relation aux autres, sa liberté de conscience, au centre de ce débat, et pour veiller à lui assurer le plus possible de compréhension, de respect, de qualité de soins, et d'adéquation de traitement.

En ce qui concerne le débat philosophique, un précédent orateur a bien situé l'option prioritaire, à savoir l'autonomie de la personne, qui doit être respectée.

Un autre membre a insisté sur l'importance d'interdits fondateurs dans une société, en l'occurrence l'interdit de tuer.

L'intervenant se demande s'il n'existe pas une option, qui se situe à un autre niveau.

Il s'agirait non pas de s'interroger sur la bonne option philosophique sur la façon de vivre sa mort, mais sur la procédure démocratique qui assure une place à chaque option, qui respecte cette option et qui ne contredise pas le fonctionnement démocratique et les droits de l'homme qui en résultent.

À ce sujet, les travaux de personnes comme Claude Lefort ont été extrêmement éclairants. Selon cet auteur, « la spécificité de la démocratie est que, pour la première fois dans l'histoire, le lieu du pouvoir s'y présente comme un lieu vide ».

L'auteur veut dire qu'il n'y a plus de vérité absolue qui puisse dire quelle est la bonne façon de se conduire, et que la règle démocratique est alors qu'il y ait une place respectée pour chacune des options philosophiques.

La tentative qui est faite ici est que la loi puisse garantir cela, et ce dans un moment crucial pour chacun de nous, celui de la fin de notre existence.

Il faudrait aussi s'entendre sur ce qu'est l'interdit du meurtre qui, aux yeux de l'intervenant, ne s'identifie pas avec l'euthanasie.

Peut-être, en démocratie, est-ce moins l'interdit qui est fondateur que la garantie que les différentes options puissent trouver leur place.

Quant à la qualité juridique des textes, il faut avoir à l'esprit que ceux-ci seront lus dans le monde entier.

À cet égard, l'intervenant a entendu avec intérêt les observations formulées par un sénateur et dont certaines rejoignent celles de la Ligue des droits de l'homme, qu'il conviendrait de communiquer aux membres des commissions réunies.

De façon plus précise, l'intervenant aborde le problème de la demande, et de la façon dont celle-ci est entendue. Il lui paraît que la question n'est pas aussi simple qu'elle peut le paraître, même si la demande est réitérée.

Des garanties et des précisions dans le texte sont donc extrêmement importantes.

L'intervenant renvoie à l'ouvrage de Guy Haarscher, intitulé Le fantôme de la liberté, où l'auteur montre la difficulté pour l'être humain d'arriver à savoir ce qu'est sa propre volonté par rapport à lui-même, et que le type d'écoute nécessaire pour que cela puisse advenir n'est pas non plus une question aussi simple qu'il y paraît.

Dans ce livre, le philosophe développe ce qu'est, à ses yeux, l'interprétation, le décodage de l'expression d'un autre être humain.

Il conclut : « L'attitude normale consiste à se situer de nouveau à la bonne distance entre la fausse rationnalité paranoïaque et le chaos schizophrénique, à tenter d'interpréter les quelques signes dont on dispose pour se forger une image du monde, et à toujours rechercher d'autres signes qui permettent avec quelque vraisemblance de distinguer un sens d'un autre, l'amour de l'indifférence, ou de faire la distinction entre la nécessaire lenteur de la justice, pesant précautionneusement le pour et le contre, et le renvoi des investigations aux calendes grecques. »

Dès lors, pour préciser les textes proposés (par exemple sur le point de savoir si deux ou trois autres médecins devront être consultés), quelques auditions, en fin de débat, seront nécessaires.

Un autre membre ne peut que se réjouir de la tournure que prend cette discussion. On pose des questions sur les textes proposés tant du point de vue de la philosophie générale que sur des points concrets. Ces questions et remarques émanent de tous les groupes politiques. Cela prouve bien qu'il est possible de mener un débat constructif.

Plusieurs orateurs ont déjà, à juste titre, mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un bon système de soins palliatifs. La mise en place d'un tel système, accessible à tous, coûtera beaucoup d'argent et implique la libération de moyens importants tant au niveau fédéral qu'au niveau des communautés. Cela doit être réalisé.

Il n'en reste pas moins vrai qu'il subsistera toujours des cas ­ espérons qu'ils soient le moins nombreux possible ­ où les soins palliatifs n'apportent pas de solution aux souffrances du patient. Une réglementation claire en matière d'euthanasie est nécessaire pour faire face à ces cas-là. Il faut régler cette question de manière légale afin de garantir au patient qui est en fin de vie que sa volonté sera respectée. Personne ne doute du fait qu'à l'heure actuelle, des médecins mettent fin à des vies sans que le patient l'ait demandé. Une étude récente indique que cela concerne plus de 2 % des décès.

Actuellement, on pratique simplement une politique de tolérance en matière d'euthanasie qui ne permet pas au patient de faire valoir ses droits. On ne peut considérer que ces textes font fi des droits du patient. Au contraire, ils ont pour objectif explicite d'insérer dans le droit pénal, certains critères de prudence réglementant des pratiques qui sont actuellement en usage sans aucun contrôle.

L'intervenante est personnellement d'avis que limiter la réglementation sur l'euthanasie aux patients en phase terminale est une conception trop étroite. Dans la proposition de loi nº 2-86/1, on parle donc de patients qui se trouvent « dans une situation sans espoir du point de vue médical ». On peut concevoir la souffrance comme un processus de purification mais ce n'est certainement pas le cas pour tout le monde. Les patients qui n'ont aucun espoir de guérison et souffrent beaucoup, ont droit à une mort digne.

L'intervenante déclare qu'elle a été quelque peu indignée par la demande formulée il y a peu, d'organiser des auditions sur les patients incapables d'exprimer leurs volontés. Cette catégorie est parfaitement définie juridiquement, il ne peut y avoir de doute à ce sujet. En outre, dans aucune des propositions déposées, il n'est question d'euthanasie pour les personnes incapables d'exprimer leurs volontés. Il y a aussi un consensus dans la société, pour considérer qu'il est prématuré d'élargir le débat sur l'euthanasie à cette catégorie. Il faut pour ce faire que d'autres choses soient d'abord clarifiées.

Enfin, en ce qui concerne les remarques d'un des orateurs précédents, l'intervenante dément que la proposition de loi nº 2-244/1 ait été élaborée dans la précipitation et sans beaucoup de concertation. Il n'empêche que le texte est cependant perfectible. Pour sa part, elle est d'avis que la discussion reste ouverte et que les amendements déposés devront être examinés et débattus en profondeur.

Un membre précise que son intervention est faite à titre personnel.

Le médecin pratiquant aujourd'hui une euthanasie, c'est-à-dire qui donne la mort à une personne à la demande de celle-ci, se rend coupable du crime de meurtre, voire d'assassinat si, en toute logique, la préméditation est retenue à son encontre.

En effet, le consentement de la victime ne constitue jamais une cause de justification proprement dite : les lois pénales étant d'ordre public, il n'est pas permis d'y déroger par des conventions particulières (2) ! Cela va de soi ...

Or, les auteurs d'euthanasie sont, actuellement, rarement poursuivis, et encore moins condamnés. Il faut constater d'emblée que l'existence même de la législation répressive actuelle fausse le rapport entre le médecin et le malade et entraîne, dans les faits, une inégalité devant la mort.

La quasi-absence de poursuites ou de condamnations est due en effet à l'attitude du pouvoir judiciaire, qui tend à considérer actuellement que les médecins auteurs d'euthanasie agissent sous l'emprise de l'état de nécessité.

Que recouvre cette notion ? Est-elle une réponse pertinente ? Son action au présent cas correspond-elle à l'évolution des esprits dans notre société ?

L'intervenant rappelle que l'état de nécessité n'est pas pris en considération par le Code pénal comme une cause générale de justification. Il est mentionné de manière éparse dans celui-ci ou dans des lois particulières qui en font une circonstance exclusive de criminalité (3). Encore cette mention est-elle particulière, puisqu'elle fait de l'absence de nécessité une condition d'existence de l'infraction. Depuis sa réforme en 1992, le Code pénal français en fait formellement une cause de justification objective (4), et l'avant-projet de Code pénal rédigé par Robert Legros prévoit de le consacrer également (5).

Actuellement, en Belgique, ce sont donc la doctrine et la jurisprudence qui reconnaissent de façon explicite cette cause de justification, considérée comme le « remède ultime » apporté à la rigidité de la loi dans les circonstances exceptionnelles et fatalement imprévisibles où le respect de l'interdit entraînerait un dommage objectivement inacceptable (6). Celui, cas extrême, où la prolongation de la vie constituerait un mal plus grand pour la personne humaine que la mort elle-même.

Si l'existence et l'acceptation de cette construction doctrinale et jurisprudentielle ne font plus l'objet de controverses, son fondement et sa nature soulèvent toujours certaines hésitations.

Deux conceptions se sont longtemps opposées : l'une, défendue essentiellement par la jurisprudence, assimilait l'état de nécessité aux notions de contrainte ou de force majeure (7); l'autre, soutenue surtout par la doctrine moderne, y voit une notion autonome (8).

Paul Foriers a bien montré la différence entre les deux concepts : dans la contrainte morale, la solution est dictée à l'agent, alors que dans l'hypothèse de l'état de nécessité, l'agent se voit obligé de délibérer. Sous l'empire de la nécessité, l'agent choisit librement et volontairement, sa volonté n'est nullement annihilée.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 mai 1987 (9), a consacré cette solution. Le fondement de l'état de nécessité n'est donc pas l'article 71 du Code pénal, dans une quelconque version « atténuée », mais bien un principe général plus large.

La Cour se prononçait sur un pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Liège qui exprimait clairement que le défendeur « avait été contraint de faire un choix entre deux valeurs », et avait estimé devoir « accorder la primauté » à l'une d'elles. Ce choix, dit la cour d'appel, « ne pouvait que recevoir l'adhésion de la conscience sociale, qui constitue un des supports de la règle pénale ».

La Cour de cassation a approuvé l'arrêt prononcé en appel, disant pour droit que « l'état de nécessité allégué par le défendeur ne pouvait être écarté dès lors que, eu égard à la valeur respective des droits en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour autrui, le défendeur avait pu estimer qu'il ne lui était pas possible de sauvegarder, autrement qu'en commettant les faits qui lui sont reprochés, un intérêt général plus impérieux qu'il avait le devoir ou qu'il était en droit de sauvegarder avant tous les autres ».

Désormais, il est donc généralement admis que l'état de nécessité est une situation où l'auteur, en pleine possession de son libre-arbitre, choisit, entre deux impératifs contradictoires, la ligne de conduite qu'il doit suivre.

Il s'agit donc d'une cause de justification dite « objective », qui rend l'acte licite, bien qu'il corresponde aux éléments légaux d'une incrimination, et non une cause de non-imputabilité qui supprime la faute au sens pénal dans le chef de l'agent.

Le juge a donc actuellement un rôle primordial et exclusif dans l'appréciation de l'existence même de l'état de nécessité : il doit apprécier la « mise en balance » des valeurs en conflit à laquelle a procédé une personne qui a commis un acte d'euthanasie.

Pour ce faire, le magistrat fait référence évidemment à la loi et aux textes fondateurs. Mais, au-delà, il doit cerner une échelle de valeurs communes beaucoup plus large, échelle qui est tributaire d'une certaine philosophie et d'une conception du monde qui lui est personnelle.

Cette responsabilité, il est normal que le magistrat l'assume dans des cas exceptionnels. Ceux que le législateur, qui ne peut tout prévoir, n'a pas pu régler formellement.

Faut-il continuer à charger les juges de traduire seuls les évolutions de la « conscience sociale » sur des sujets aussi fondamentaux, et qui touchent à l'intégrité physique et à la dignité des personnes ? L'intervenant ne le pense pas. Le recours à l'état de nécessité peut-il être érigé, comme il l'est aujourd'hui, en solution jurisprudentielle unique aux problèmes liés à la fin de vie ? L'intervenant ne le pense pas. Le législateur doit-il se dérober à la responsabilité, qui lui appartient, de traduire dans la loi, la volonté de la majorité du corps social sur la pratique de l'euthanasie dont l'existence n'est niée par personne ? Une troisième fois, l'intervenant ne le pense pas !

Il ne peut donc que se réjouir de voir tous les partis démocratiques estimer que le législateur doit intervenir. Et la plupart, sinon toutes les propositions de loi, semblent d'accord pour reconnaître que dans certains cas, la solution extrême que représente l'euthanasie doit être rendue licite par la loi.

Si la société accepte l'euthanasie dans sa grande majorité, le législateur a le devoir de traduire ce choix dans la loi et de fixer les conditions dans lesquelles la société est prête à accepter cette pratique. Il n'est donc pas question de laisser aux seuls médecins cette responsabilité, responsabilité que les magistrats évalueraient sans indication de la loi.

Certains prétendent pouvoir régler la question en fixant de simples repères au juge, indiquant dans la réglementation les éléments qui permettent de cerner l'état de nécessité.

L'intervenant ne pense pas que ce soit opportun. Au contraire, il estime que c'est dans le Code pénal, lui qui est porteur de l'interdit fondamental de tuer, que notre société doit à présent inscrire le droit de la personne à disposer de son propre corps jusqu'au moment ultime de la mort. Toute autre solution lui paraît hypocrite et conservatrice, parce que ne répondant pas franchement et réellement au problème de société posé. C'est pourquoi il partage et soutient entièrement les propositions de loi présentées par les six chefs de groupe de la coalition de l'arc-en-ciel.

Ce faisant, il ne croit pas qu'il faille entamer la portée des articles 417 et suivants du Code pénal, qui subsisteront après l'adoption de cette nouvelle loi, ne l'oublions pas. On entend, en réalité, préciser les conditions très strictes dans lesquelles ces articles ne s'appliqueront plus en cas d'euthanasie, parce qu'on se trouvera dans une situation, balisée par la loi, où l'auteur de celle-ci sera justifié.

L'intervenant tient à dire que selon lui, la notion d'état de nécessité continuera à s'appliquer, le cas échéant, pour des circonstances non réglées par la loi en discussion. Il se risque à dire que ceci concerne les cas où la personne n'a pas déclaré préalablement sa volonté et n'est pas ou n'est plus capable de le faire. L'état de nécessité doit pouvoir continuer à s'appliquer, le cas échéant, selon l'éthique et la conscience des médecins et sous le contrôle judiciaire dans le respect du droit commun.

Mais on aura rendu à la notion d'état de nécessité son statut d'exception. Elle ne pourra plus intervenir, comme c'est le cas aujourd'hui, presque « automatiquement » dans de très nombreux cas.

En outre, en cas de contestation, le rôle du juge sera, selon cette conception, de vérifier si les conditions édictées par le nouvel article 417bis sont réunies, auquel cas on se trouvera bien dans un cas d'euthanasie admis par le corps social. Dans le cas contraire, le droit commun aurait à s'appliquer. En dehors des règles qui vont être fixées, le consentement seul n'est pas suffisant : personne ne peut consentir à être tué !

Selon l'intervenant, on ne crée pas une exception nouvelle à l'interdit fondamental de tuer. Au contraire, on formalise dans la loi, de la manière qu'il convient de rendre la plus rigoureuse possible, la notion jurisprudentielle d'état de nécessité, sur laquelle on continue en réalité à s'appuyer. Les conditions, fixées dans la loi, garantiront, le cas échéant, un contrôle juridictionnel dont l'effet dissuasif ne doit pas être sous-estimé.

Ce faisant, on pense pouvoir assurer une sécurité juridique beaucoup plus solide. D'abord aux médecins qui le voudront en conscience, et qui n'agiront plus dès lors dans la crainte, toujours présente actuellement, de poursuites judiciaires à leur encontre, si tel magistrat le décide subitement et arbitrairement, pour quelque motif que ce soit. Mais aussi aux demandeurs d'euthanasie qui trouveront dans les conditions et les modalités d'application de la loi le strict respect de leur propre volonté et la garantie que celle-ci ne sera pas détournée pour des motifs inacceptables, grâce au contrôle judiciaire toujours possible.

C'est le principe mérite des propositions présentées par Philippe Mahoux, avec la référence que font tous les membres du groupe auquel appartient l'intervenant, aux propositions qui étaient celles à l'origine, notamment, de Roger Lallemand et de Fred Erdman. Ce faisant, l'intervenant pense que la loi nouvelle reflètera mieux l'état moral qui prévaut actuellement dans la société belge, sans l'abaisser d'aucune façon. Peu importe ce qui se fait ou ne se fait pas ailleurs.

Il ne sera certes jamais possible d'éviter tous les abus. Mais l'intervenant pense que ceux-ci seront moins graves et bien moins nombreux que ceux qui sont commis aujourd'hui clandestinement, malgré la loi répressive, à cause de l'insuffisance de contrôle, de l'absence de concertation obligatoire, de l'utilisation de moyens inadéquats pour provoquer une mort douce et rapide. Ce qui entraîne, en définitive, une inégalité intolérable devant la mort !

L'intervenant ajoute enfin que ce raisonnement juridique, qui se traduira bientôt, il l'espère, dans la loi, respecte entièrement les conceptions philosophiques et religieuses de chacun, patients et médecins. En particulier, les convictions de ceux qui croient que la vie n'appartient pas à l'homme qui en bénéficie. Nul ne sera ainsi poussé à commettre ou subir un acte qui serait contraire à sa conscience. Mais également, grâce à la loi libératrice, nul n'aura plus le pouvoir d'imposer à tous les autres ses conceptions dogmatiques.

Un autre membre renvoie à sa précédente intervention, au cours de laquelle elle avait évoqué un certain nombre d'éléments, et fait part de sa perplexité, face au débat qui débute aujourd'hui. Un élément neuf justifie sa nouvelle intervention, à savoir le dépôt, par certains parlementaires de la majorité, d'une proposition conjointe ou plus exactement, de trois propositions formant un tout, et destinées à cheminer ensemble. Les auteurs avaient précédemment déposé des propositions distinctes allant, il est vrai, dans le même sens (puisque toutes optaient pour une modification du Code pénal), même si des nuances parfois importantes étaient contenues dans les diverses propositions.

L'intervenante souhaite formuler certaines observations et questions par rapport aux 3 propositions nouvelles qui viennent d'être déposées.

Il est bon que celles-ci, qui concernent respectivement l'euthanasie, les soins palliatifs, et la création d'une commission d'évaluation, soient traitées ensemble, car ces divers sujets doivent, selon l'intervenante, faire l'objet d'un débat commun.

Pour fournir un travail de qualité dans une matière aussi difficile, il faut tout d'abord un débat approfondi sur chacun des éléments contenus dans les propositions, débat qui doit aller bien au-delà des clivages philosophiques et idéologiques, et se préoccuper avant tout de ce que la loi future pourra apporter par rapport aux problèmes réels et concrets rencontrés par les personnes en fin de vie.

Le débat devrait également revêtir une dimension pédagogique. Il s'agit de bien définir ce que l'on vise exactement lorsqu'on parle d'euthanasie, de soins palliatifs, d'acharnement thérapeutique, d'arrêt de traitement etc.

L'intervenante constate en effet, dans les discussions avec des collègues non membres des commissions réunies ou avec d'autres personnes non professionnelles, qu'il existe une énorme confusion à cet égard. Nombreux sont ceux qui parlent de ce qu'ils ont vécu, de ce qu'ils ressentent comme patients, dans des situations qui peuvent être extrêmement différentes, et ne touchent pas nécessairement à l'euthanasie en tant que telle, mais plutôt aux relations entre le patient et son médecin, et à la volonté de voir, dans ces relations, les droits du patient respectés, notamment dans le cadre des hôpitaux. Ce point est essentiel, et c'est probablement l'un des éléments qui ont amené un débat sur le point plus précis de l'euthanasie.

Toute la difficulté vient du fait que l'on touche là à un autre volet du problème, ce que l'on pourrait qualifier de « droits du patient » par rapport au médecin.

L'intervenante croit avoir compris que l'intention des auteurs des 3 propositions est de ne pas entrer dans ce débat, faute de quoi d'autres actes que l'euthanasie devraient également être visés par le texte. Ce point mériterait d'être clarifié.

Il serait aussi intéressant de faire l'inventaire des points de convergence et de divergence entre les différents points de vue exprimés.

Il semble y avoir un large consensus sur le fait que les soins palliatifs doivent devenir un droit pour chaque patient, et qu'il est nécessaire de développer ces soins dans notre pays, ce qui est loin d'être le cas actuellement.

Lorsque la question des soins palliatifs sera abordée, il faudrait discuter de ce qui existe dans notre pays, de l'état actuel de la législation, des moyens que l'on peut dégager. Le débat sur les soins palliatifs en amène un autre, sur une certaine conception de la médecine, sur la manière dont on considère le patient comme une personne à soigner de manière continue.

Ce n'est pas parce qu'à un moment donné, on doit constater que les soins curatifs deviennent inopérants, que le médecin doit se désintéresser du patient et considérer qu'il n'est plus de son ressort.

Une évolution importante se fait à cet égard dans le domaine de la médecine, où l'on considère qu'à aucun moment, on ne peut abandonner son patient lorsqu'on doit constater que sa maladie elle-même n'est plus curable. Ce qui s'est fait jusqu'ici en matière de soins palliatifs, a amené à une réflexion dans les hôpitaux, et nous force à réfléchir à une meilleure organisation de la médecine, notamment par la formation, bien que celle-ci ne soit pas, sur le plan institutionnel du ressort du législateur fédéral. À cet égard, la proposition pose des problèmes sur lesquels l'intervenante reviendra ultérieurement. Il faudra en tout cas, d'une manière ou d'une autre, rendre les communautés et les régions conscientes du travail qu'elles ont à effectuer en la matière.

Il faut souligner aussi que la pratique médicale commence à évoluer, mais c'est loin d'être le cas dans tous les hôpitaux (cf. la lettre envoyée par les infirmières du CHU de Brugmann, indiquant les problèmes rencontrés dans nos hôpitaux, et qui suscitent la réaction du citoyen à l'égard de la médecine).

Quant à la proposition de loi elle-même relative à l'euthanasie, on peut constater une évolution importante, sur un certain nombre de points, par rapport aux propositions de loi initiales, en ce qui concerne le champ d'application, la procédure, le contrôle, etc.

La première question concerne la notion de « phase terminale », que l'on trouvait dans deux des propositions initiales, et qui ne figure plus dans la proposition conjointe.

L'intervenante estime qu'il s'agit là d'une évolution importante, qui pose problème parce qu'elle ouvre de manière beaucoup plus large qu'avant le champ d'application de l'éventuelle modification de la loi pénale.

L'intervenante souhaiterait également une plus grande clarté par rapport à la définition que l'on donne de l'euthanasie. D'une certaine manière, en élargissant le champ d'application, ne risque-t-on pas de glisser vers l'aide au suicide, qui ne doit pas être confondue avec l'euthanasie ?

Un deuxième point concerne la souffrance physique et psychologique. À cet égard, on note aussi un élargissement des textes initiaux, puisqu'il est maintenant question d'état de détresse.

L'intervenante n'aperçoit pas la pertinence, dans le contexte de l'euthanasie, de cette dernière terminologie, qui a été utilisée en matière d'avortement.

L'intervenante estime personnellement, en dépit du parallèle que l'on établit souvent entre les deux débats, qu'ils sont de nature fondamentalement différente.

Tous les auteurs de propositions font référence au caractère incurable de la maladie, et aux souffrances insupportables, inapaisables et constantes. L'état de détresse, considéré dans le cadre d'une telle maladie, paraît une manière trop subjective d'appréhender l'état de souffrance physique et psychique du patient.

Si l'on considère l'ensemble des propositions déposées, indépendamment de la façon de procéder qu'elles proposent, toutes font état, outre le caractère incurable de la maladie, de souffrances insupportables, inapaisables et constantes. Toutes considèrent qu'il doit s'agir d'une demande mûrement réfléchie, persistante et réitérée du patient. Les convergences sont importantes, et doivent pouvoir être prises en considération dans le cadre du débat.

Un troisième point concerne la problématique du statut des capables et des incapables, des personnes conscientes et inconscientes, des majeurs et des mineurs.

Il s'agit là de problèmes extrêmement délicats, que les auteurs des propositions de loi initiale réglaient de manière très différente.

Ils méritent un débat approfondi, où l'on doit se reposer les questions fondamentales que se sont posées ceux qui, au départ, entendaient limiter le champ d'application de la loi aux patients conscients. Car le problème des patients inconscients obéit à une autre logique que celui des patients conscients, et les règles régissant les seconds ne peuvent, par définition, s'appliquer aux premiers. Il se pose donc, en premier lieu, un problème d'égalité de traitement entre patients conscients et patients inconscients. Le même problème se pose à propos de la différence entre les patients capables et les patients incapables sur le plan juridique.

Enfin, en ce qui concerne la distinction entre majeurs et mineurs, la proposition fait référence aux mineurs non émancipés.

L'intervenante estime qu'il faut mettre tous les mineurs sur le même pied, et que sur le plan éthique, une discrimination fondée sur l'émancipation ne se justifie pas en l'occurrence.

Pour le patient inconscient, la proposition de loi prévoit le système de la déclaration anticipée.

On introduit cependant une chose dont il n'est pas question pour le patient conscient; à l'alinéa premier, on parle d'une déclaration anticipée dans laquelle le patient indiquerait ses préférences ou ses objections pour certains types de prise en charge médicale.

L'intervenante estime que l'on ne se trouve plus là dans le champ d'application de l'euthanasie proprement dite, mais dans celui, plus général, des droits du patient.

On sort donc du cadre de la définition donnée par le Comité de bioéthique. L'on va au devant de nombreuses difficultés pour tous les actes pratiqués quotidiennement par les médecins, et difficiles à poser, qui ne sont pas des actes d'euthanasie, mais qui relèvent de la responsabilité médicale : autres actes de fin de vie, de soins intensifs, etc.

Le système de la déclaration anticipée peut, il est vrai, rassurer et soulager beaucoup de gens, parce que ceux-ci peuvent par ce biais faire part de leurs volontés au sujet de leur fin de vie.

Cependant la déclaration est faite dans des conditions non nécessairement identiques à celles où se trouvera le patient lorsqu'il s'agira de l'appliquer.

Or, le patient inconscient est privé du droit de se rétracter.

Dès lors, l'intervenante considère que la déclaration anticipée, telle qu'elle est envisagée, ne peut constituer pour le médecin qu'un élément parmi d'autres, et ne peut jamais avoir une valeur absolue à l'égard d'un patient inconscient.

En ce qui concerne le rôle d'un mandataire, l'intervenante n'est pas opposée à l'idée qu'une tierce personne puisse défendre les intérêts du patient, mais le problème est de savoir quel contenu juridique on donne à la notion de mandataire.

La question du dialogue pourra être approfondie dans le cadre de la discussion des articles. Aux yeux de l'intervenante, s'agissant de décisions aussi difficiles, le dialogue doit être le plus large possible.

Cependant, et chacun semble s'accorder sur ce point, la décision finale revient évidemment au patient, qui réitère sa demande, et au médecin, qui l'accepte ou non.

Il n'est pas question que ce dialogue soit, de quelque manière, un tribunal, comme certains le redoutent.

Il doit permettre aux uns et aux autres de prendre du recul par rapport à la situation, et d'entendre la demande du patient. À cet égard, il serait nécessaire d'avoir une discussion sur la manière concrète d'entendre et de décoder cette demande.

Une série de problèmes plus techniques se posent également à propos de certains articles.

Ainsi, la rédaction de l'article 8, qui insère un article 417bis dans le Code pénal, pose problème, au regard notamment de ce qui figure à l'article 3.

Il n'est pas certain que la terminologie utilisée dans ces deux articles soit identique. De plus, l'intention est-elle vraiment d'exclure du champ d'application de la loi pénale les faits visés aux articles 395 (parricide) et 396 (infanticide) du Code pénal ?

Enfin, un élément fondamental n'est pas repris dans l'article 417bis proposé : il s'agit de la condition selon laquelle une euthanasie ne peut être pratiquée qu'à la demande du patient. Tout dépend évidemment de la manière dont on conçoit la disposition à insérer dans le Code pénal : soit il s'agit d'une disposition très générale faisant référence à tous les critères figurant à l'article 3, soit il s'agit d'un article très précis, où tous les éléments essentiels, dont la volonté du patient, doivent se retrouver.

Enfin, en ce qui concerne la question du contrôle et de l'évaluation, il s'agit de deux éléments indispensables.

En matière de contrôle, plusieurs voies ont été explorées.

Les six auteurs de la proposition nouvelle ont opté pour la transmission du dossier au procureur du Roi, qui peut demander le dossier médical.

En termes de sécurité juridique, ce système pose question, car certains procureurs demanderont peut-être systématiquement communication du dossier médical, tandis que d'autres se contenteront du premier dossier, dont les indications seront sans doute limitées.

Quant à la commission d'évaluation, les données qui sont demandées paraissent insuffisantes à l'intervenante, si l'on veut réellement faire une évaluation qui puisse, le cas échéant, faire évoluer la législation ultérieurement.

À cet égard, le contrôle prévu par le système hollandais, et le contenu de la première proposition déposée par Mme Leduc et consorts paraissent ­ aux yeux de l'intervenante ­ plus efficients que ce que prévoit la proposition conjointe.

En conclusion, l'intervenante pense qu'en dehors des clivages résultant de la méthode de travail choisie ­ modification du Code pénal ou de l'arrêté royal relatif à l'art de guérir ­ il existe des éléments communs aux diverses opinions exprimées.

Il est en tout cas nécessaire de mener un débat de fond sur les questions essentielles qui se posent. À cet égard, l'un des mérites de la proposition conjointe est peut-être de faciliter la discussion, en rassemblant en un seul texte divers éléments, ce qui fait mieux ressortir les points à discuter.

L'intervenante souhaite pouvoir mener un débat serein et constructif, au-delà des clivages idéologiques et philosophiques.

Quelles que soient les conclusions de ce débat, et quoi que l'on puisse penser à titre personnel de la manière de traiter le problème de l'euthanasie, il est important que la discussion puisse avoir lieu, car on n'a jamais intérêt à évacuer les questions éthiques, comme on a pu le faire dans le passé.

Il s'agit de questions que les citoyens posent et se posent, et il est de la responsabilité des parlementaires de les traiter.

Un membre fait remarquer que certains commissaires se sont mis autour de la table pour élaborer une proposition commune, non dans le but de bloquer le débat mais au contraire pour faciliter la discussion sur une matière qui préoccupe les personnes depuis très longtemps.

Elle ne peut s'empêcher de dire qu'elle a été blessée par certaines déclarations de la presse qui caricaturent la proposition et suggèrent qu'il s'agit d'une banalisation de la mort. Quand on se donne la peine d'analyser les textes, on voit bien que ce n'est pas le cas.

Les auteurs de la proposition ont l'intention d'élaborer une réglementation claire et transparente en matière d'euthanasie qui se fonde sur trois préoccupations :

­ aider les patients qui endurent des souffrances insupportables et demandent d'être soulagés par l'euthanasie;

­ garantir que la volonté de ces patients sera respectée et empêcher les abus;

­ offrir la sécurité juridique aux médecins qui sont disposés à accéder à la requête persistante du patient.

La proposition de loi essaie de répondre à ces trois objectifs de la manière la plus correcte possible. Cependant, si d'autres membres estiment qu'elle présente des lacunes, il va de soi qu'il faut en discuter et qu'il faut pouvoir insérer des amendements qui sont dans l'intérêt du patient.

Dans la logique de la proposition, l'euthanasie est possible à la demande d'un patient majeur ou d'un mineur émancipé qui est capable et conscient. La demande doit être expresse, univoque, mûrement réfléchie et persistante. Le patient doit se trouver dans une situation de détresse et de souffrance persistante et insupportable qui ne peut être soulagée et qui est la conséquence d'une affection grave et incurable due à une maladie ou à un accident.

L'intervenante explique que le concept de « détresse » a donné lieu à des réactions. Personnellement, elle estime qu'il doit être maintenu. On parle de détresse quand la souffrance est insupportable mais aussi lorsque la déchéance de la condition humaine est telle que l'on perd toute dignité; bref, quand la vie n'est plus une vie. C'est notamment pour cela qu'on a opté pour la suppression du mot « terminal ». Il est possible qu'un patient ait encore un certain temps à vivre mais que son état l'empêche de vivre dignement et qu'il demande tout de même qu'on mette fin à ses jours. La société doit aussi respecter cette requête.

Elle tient à souligner une nouvelle fois que l'euthanasie ne peut être pratiquée qu'en cas de demande persistante du patient et que la proposition de loi n'impose aucune obligation au médecin. Cependant, si le médecin, à la suite d'une demande répétée de son patient et après avoir consulté un deuxième médecin indépendant et tenu compte des critères de prudence, décide de pratiquer l'euthanasie, il ne sera plus punissable.

Le deuxième médecin qui est consulté, doit pouvoir juger en toute autonomie et être suffisamment qualifié pour pouvoir se prononcer sur l'état de souffrance du patient.

Il va de soi que le médecin doit informer le patient sur tous les aspects de sa maladie et sur les possibilités qui existent dans le domaine des soins palliatifs. Pour les auteurs des propositions, il ne peut y avoir de doute sur le fait que tous les patients doivent pouvoir avoir accès aux soins palliatifs, même ceux qui ne peuvent actuellement les payer et surtout ceux qui veulent passer leur fin de vie à domicile, dans leur propre environnement.

Comme d'autres membres de la commission l'ont fait remarquer, il reste beaucoup de travail à accomplir dans ce domaine tant au niveau des moyens disponibles qu'en matière de formation des médecins et du personnel infirmier.

Une autre partie de la proposition de loi suscite des discussions : celle qui a trait à la déclaration anticipée. Cette déclaration doit être écrite et signée. On n'en tient compte que si elle est rédigée ou confirmée moins de cinq ans avant le moment où la personne ne peut plus exprimer sa volonté. On critique souvent la déclaration anticipée en invoquant qu'il est difficile d'imaginer à l'avance les circonstances du décès. La personne qui rédige une déclaration peut cependant y expliquer clairement dans quelles circonstances et à quelles conditions, certains traitements médicaux peuvent être appliqués. La rédaction de la déclaration peut d'ailleurs se faire en concertation avec son médecin.

Si un patient ayant rédigé une déclaration anticipée n'est plus conscient, il faut d'abord tenter de le ramener à l'état de conscience. Si on n'y parvient pas, il faut maintenir la possibilité de mettre en oeuvre la déclaration. On ne peut obliger personne à attendre la fin dans des circonstances dégradantes, contre sa volonté. Il va de soi qu'en cas de mise en oeuvre de la déclaration anticipée, tous les critères de prudence énumérés à l'article 3 doivent être respectés.

L'intervenante conclut en disant que, quoi qu'on ait pu dire récemment au sujet de cette proposition de loi, l'intention des auteurs consiste uniquement à permettre d'aider les patients en situation de souffrance extrême, à les protéger des abus et à offrir la sécurité juridique nécessaire aux médecins qui accèdent à cette requête. Il va de soi qu'il faut pouvoir discuter des amendements qui sont dans l'intérêt du patient.

Un sénateur se réfère à ses amendements 1 à 4 (doc. Sénat, nº 2-244/2) qui reflètent les observations qu'il a émises lors de la dernière réunion au sujet de la proposition de loi nº 2-244/1. Il se réjouit que les auteurs de cette proposition soient ouverts aux initiatives susceptibles d'améliorer le texte.

Il se demande cependant dans quelle mesure des auditions de représentants des groupes professionnels concernés peuvent encore être organisées. Il y a, par exemple, des signaux émanant des associations de médecins qui déclarent, d'une part, qu'elles sont demandeuses d'une réglementation légale de l'euthanasie mais qui, d'autre part, laissent entendre que la déontologie médicale actuelle permet l'euthanasie. Cette attitude est équivoque mais on pourrait aussi y voir une manière subtile d'engager le débat. Les commissions doivent y donner suite.

Il fait ensuite remarquer qu'il y a incontestablement un grand fossé entre la proposition de loi nº 2-244/1, d'une part, et les idées émises par les représentants des autres partis d'opposition, d'autre part.

Les avis divergent notamment quant à la question de savoir si la réglementation de l'euthanasie doit se faire par le biais d'une modification du Code pénal, comme le prévoit la proposition de loi nº 2-244/1. Les groupes démocrates-chrétiens souhaitent que la réglementation se fonde sur la notion d'état de nécessité et que la loi pénale reste inchangée.

Personnellement, il a l'impression qu'il s'agit d'une question de nature symbolique. Quand on évalue concrètement les critères de prudence, par exemple dans la proposition nº 2-160/1 de M. Vandenberghe et consorts, elles ne semblent pas plus sévères que celles imposées dans la proposition de loi nº 2-244/1.

C'est pourquoi, il plaide pour que la discussion porte avant tout sur des questions de fond, à savoir sur les critères de prudence à prendre en considération en cas d'euthanasie. À la lumière des réponses fournies à ce sujet, on peut examiner quelle est la meilleure manière d'insérer ces garanties dans le système juridique.

Un autre membre fait remarquer que, dans la déclaration du gouvernement fédéral du 14 juillet 1999, on peut lire que, pour les questions éthiques comme l'euthanasie, le Parlement doit pouvoir assumer pleinement ses responsabilités.

Pour les membres des commissions réunies, cela signifie que chacun doit pouvoir assumer pleinement ses responsabilités en tant que membres du pouvoir législatif. Chacun doit d'ailleurs les assumer. En effet, le processus décisionnel n'est pas encore achevé. On n'a pas conclu d'accord de gouvernement sur l'euthanasie; il n'y a pas eu de concertation intercabinets. Chaque groupe, chaque sénateur peut donc participer au processus décisionnel librement, sans contrainte. Pour parvenir à des décisions sages, tout processus démocratique suit des procédures qui permettent la discussion et le dialogue.

Elle espère que dans ce débat exceptionnel et important, on fera preuve de suffisamment d'ouverture intellectuelle pour relever pleinement le défi de la discussion et du dialogue.

Elle se doit cependant d'ajouter que, jusqu'à présent, elle n'a pas toujours eu l'impression qu'il y avait une volonté dans les commissions de mener un réel débat. Les remarques relatives à des soi-disant manoeuvres de retardement, à des temps de paroles trop longs et à des auditions inutiles ont parfois laissé supposer le contraire. La présomption que l'on veut échapper au débat au sein des organes du Sénat, a été confirmée par la publication dans la presse de la proposition de six groupes de la majorité et ce juste avant les congés, au moment où une réunion des commissions avait été annulée. Même après avoir pris connaissance du commentaire de cette proposition, bien des questions quant à ses objectifs restent sans réponses. Quel est le statut de cette proposition, est-elle soutenue par tous les groupes de ses signataires, par tous les membres de ces groupes ?

Que signifient les déclarations du premier ministre et de M. Geysels sur les possibilités d'amendements ?

Quel est le statut des propositions de loi déposées antérieurement par les groupes de la majorité ? Sont-elles écartées ? Ou constituent-elles toujours un élément du débat ?

L'intervenante souligne qu'elle n'était pas sénatrice lors de la législature précédente et que c'est le cas de nombreux autres commissaires. Ils doivent exercer leur fonction de législateur en ne tenant pas uniquement compte du travail d'étude et de réflexion qui a déjà été accompli mais en se basant aussi sur le contexte social, médical et international d'aujourd'hui et non sur celui d'il y a quatre ans.

En tant que juriste socialement engagée, elle s'est toujours intéressée aux fondements de la philosophie du droit et aux fondements de la société.

Elle s'est donc intéressée au débat sur l'euthanasie lorsqu'en 1993, pour la première fois dans l'histoire démocratique, le Parlement néerlandais a voté une réglementation sur l'euthanasie et elle a rassemblé depuis lors pas mal de documentation et d'articles du monde entier sur la pratique de l'euthanasie aux Pays-Bas.

Elle estime donc que les questions qu'elle veut présenter aujourd'hui ne sont, par conséquent, pas irréfléchies. Elle les a préparées depuis des années en toute sincérité. Personne ne peut nier que les règles qui définissent comment et par qui la mort peut être donnée, relèvent des valeurs les plus fondamentales d'une société.

La première indication importante de la gravité de ce débat est la situation exceptionnelle qui serait celle de notre pays s'il légalisait l'euthanasie. Il n'y a que peu de responsables politiques ou de commentateurs de la rue de la Loi qui ont conscience des répercussions qu'aurait une éventuelle légalisation de l'euthanasie en Belgique. On a même affirmé au sein de cette commission qu'il ne fallait pas se référer à d'autres pays mais que nous devions nous occuper de nous-mêmes. La lutte ou le consensus idéologique interne à la Belgique accapare tellement notre attention que nous ne nous rendons pas compte qu'une dépénalisation attirera l'attention de la presse mondiale. Il s'agirait en effet d'un cas unique dans la communauté universelle, en ce début du troisième millénaire.

Il est en effet frappant de constater que, dans notre culture politique, le débat sur l'euthanasie est mené dans le contexte du conflit entre libres-penseurs et croyants. Or, un débat politique sur l'euthanasie ne peut évidemment pas porter sur la philosophie de vie personnelle ou sur les conceptions religieuses individuelles. Un débat sur l'euthanasie porte par essence sur le contenu de notre État de droit et sur la question de savoir comment garantir et maintenir la protection juridique de chacun. Dans la plupart des autres pays, les problèmes éthiques ne sont pas discutés comme chez nous, dans un contexte de conflit entre les conceptions religieuses et non religieuses, mais les décisions découlent du sentiment collectif du droit et encouragent la capacité de solidarité des personnes.

Depuis 1993, les Pays-Bas pratiquent une politique de tolérance dans certaines circonstances bien définies, mais même dans ce pays, l'interdit pénal n'a pas été levé. Dans de nombreux pays démocratiques, un débat ouvert a déjà été mené sur la fin de vie; ce fut notamment le cas au Danemark, en Grande-Bretagne, au Canada, en Suisse et en Australie. Partout, on a abouti à la même conclusion : un État de droit ne peut tolérer que l'on donne volontairement la mort, même s'il s'agit de « donner la mort médicalement, sur demande » ­ les termes habituellement utilisés pour désigner l'euthanasie.

Le Conseil de l'Europe qui est l'instance qui fait autorité pour veiller au respect des droits de l'homme sur notre continent a pris le 25 juin de cette année, une recommandation intitulée « Protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants ». On y demande aux pays européens de prendre des mesures visant à mieux protéger les mourants et à garantir leur dignité d'être humain. La recommandation donne la priorité aux soins palliatifs et souligne que, bien que des traitements antidouleur puissent exceptionnellement contribuer à abréger la vie, on ne peut jamais autoriser d'acte médical visant à donner la mort. L'autorité de cette recommandation a déjà été contestée au sein de ces commissions parce que peu de membres de l'assemblée étaient présents lors du vote. Mais on a travaillé près de deux ans à l'élaboration de ce texte et on en a débattu longuement dans les commissions compétentes du Conseil de l'Europe.

En outre, le contenu de la recommandation est simplement l'expression de la vision protectrice de la fin de vie qu'ont les différents pays européens.

On reproche aussi souvent à cette recommandation de refléter le poids important de l'Allemagne au niveau européen, notamment et surtout en ce qui concerne les questions éthiques. En raison de son passé encore traumatisant, ce pays ferait preuve aujourd'hui de trop de circonspection dès qu'il s'agit de la protection de la vie humaine. Mais est-ce erroné de prendre au sérieux ce que la génération allemande actuelle a à nous dire ? Est-ce erroné, après les drames que notre continent a vécus au cours du siècle écoulé, que de rappeler que le respect de la vie humaine est un principe fondamental de toute démocratie ?

Bien sûr, on peut rétorquer qu'en tant que nation démocratique, nous sommes toujours politiquement autonomes et que, dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne le contenu de notre droit pénal, nous pouvons décider seuls. C'est effectivement le cas. Il se peut que nous soyons confrontés dans notre société belge à des situations très spécifiques. Il se peut aussi que nous soyons le premier pays au monde à avoir identifié un nouveau problème de société et instauré une législation adaptée. Mais comme je l'ai déjà dit, la problématique de la fin de vie a déjà été mise à l'ordre du jour de nombreux parlements et assemblées.

On ne peut pas dire que les soins de santé soient qualitativement plus mauvais chez nous que dans les autres démocraties occidentales. Au contraire, la Belgique dispose d'un vaste réseau d'institutions de soins et d'hôpitaux; il y a quasi-pléthore de médecins et tout le monde y bénéficie d'un accès égal à l'assurance maladie. C'est par conséquent chez nous que devrait se faire sentir le moins le besoin de tuer par nécessité. Pourtant, la plupart des propositions qui nous sont soumises visent à déplacer certaines limites et à dépénaliser le fait de donner la mort volontairement dans un cadre médical déterminé.

Les représentants démocratiquement élus n'ont, en effet, pas de compte à rendre à la communauté internationale mais seulement à la société qui est la leur. Cependant, quiconque prend, à l'égard de notre société, la responsabilité de lever l'interdit de tuer, doit au moins expliquer pourquoi les risques humains que ressentent d'autres démocraties nous seraient épargnés. En effet, toutes les démocraties du monde sont actuellement bien conscientes des risques que comporte une loi sur l'euthanasie qui fait reculer les limites.

Les principales objections qui se sont fait jour dans les processus de décisions démocratiques en Europe et dans le monde peuvent être résumées en trois points :

1. Une légalisation de l'euthanasie remet en question l'universalité des droits de l'homme. Si les personnes humaines peuvent décider de leur propre dignité, l'égalité de tous les hommes n'ira plus de soi. La valeur que l'on attribue aux malades et aux mourants et la considération que l'on a pour eux, dépendront très rapidement de conceptions subjectives et culturelles de la qualité de la vie.

2. Une légalisation exerce en outre une pression morale injustifiée sur les malades et les mourants qui sont devenus tributaires des soins et des possibilités d'autrui. Les malades eux-mêmes sont amenés à se demander s'ils peuvent encore imposer aux autres la charge de leur existence.

3. Une légalisation de l'euthanasie implique, enfin, des médecins, des soignants, des pharmaciens et des hôpitaux, en un mot l'ensemble du secteur des soins de santé, dans des actes ayant la mort pour finalité. La perception sociale et l'intégrité sociale des soins de santé sont ainsi menacées.

L'intervenante estime que si un petit pays comme le nôtre courait seul ces risques humains importants, cela témoignerait ou bien de myopie, ou bien d'arrogance.

La première question à laquelle devra répondre notre société à l'occasion d'une légalisation de l'euthanasie est celle de l'inclusivité du concept des droits de l'homme. Jusqu'à présent, l'appartenance au genre humain va de soi pour tous car elle est liée à la qualité d'être humain. La dignité humaine est donc une notion ontologique. La dignité humaine n'est en effet pas fonction d'une qualité de vie interprétée subjectivement mais de l'existence même en tant qu'être humain.

La population ne se livre évidemment pas quotidiennement à une réflexion philosophique sur ce qui fait d'un homme un homme mais elle est sous-tendue par l'intuition humaine que l'existence de chacun est sacrée.

Il convient de ne pas décrier ou réfuter cette intuition humaine naturelle en la considérant comme étant un sentiment émotionnel ou religieux. Car cette intuition humaine pourrait un jour constituer la base indispensable d'un État de droit, ainsi que d'une aptitude inclusive inconditionnelle à la solidarité et d'un respect inconditionnel pour l'unicité de chaque concitoyen.

Si, à la suite d'une légalisation de l'euthanasie, l'intuition sociale du caractère sacré de la personne humaine est brisée, la société se trouve sur une pente glissante. Il apparaîtra particulièrement rapidement que cette pente glissante n'est pas un rêve anxieux mais peut devenir une réalité brutale. Des médecins, des juristes et des sociologues du monde entier ont déjà constaté que la réglementation formelle en vigueur aux Pays-Bas depuis 1993, loin d'apporter la clarté, a davantage encore estompé les normes. En dépit des critères de prudence établis par le ministre de la Justice de l'époque, la pratique médicale est tellement dévoyée que l'euthanasie est pratiquée sur des jeunes filles souffrant d'anorexie et sur des patients psychiatriques.

La levée de l'interdit social de tuer des êtres humains touchera en outre également rapidement les personnes qui n'ont pas demandé la mort. Certains groupes politiques qui ont déposé des propositions radicales aux personnes incapables de manifester leur volonté, ont déjà adopté des textes de congrès déclarant que des personnes qui ne demandent pas à mourir, comme les bébés présentant des malformations, peuvent être concernées par l'acte consistant à donner intentionnellement la mort. Si l'interdit social de tuer des êtres humains est levé et si l'euthanasie devient un acte médical normal, le nouveau climat, propice au franchissement des limites, permettra de discuter de tout, y compris de la sélection des êtres humains. La sélection devient possible dès lors que le droit à la vie n'est plus justifié par l'existence en elle-même mais bien par des conceptions sur la qualité de vie et la dignité humaine. Pourtant, le jugement relatif à ce qui est conforme à la dignité humaine et ce qui ne l'est pas est toujours subjectif et est, en outre, le reflet d'une culture et d'une époque.

L'on est, par exemple, à juste titre stupéfaits face au meurtre de filles nouveau-nées en Inde. Les parents indiens n'agissent pourtant de la sorte que parce qu'ils estiment qu'aucune « qualité de vie » n'est permise aux filles sans dot.

La dignité humaine doit donc évidemment être liée à la qualité d'être humain. Des lois ne peuvent mettre en cause le caractère sacré de la vie humaine car si celui-ci n'est plus établi, ce sont les plus vulnérables qui sont les premiers éliminés.

Le deuxième risque réside dans la pression morale et sociale que fait peser une loi légalisant l'euthanasie sur les épaules des malades et des mourants.

Chacun connaît les maladies de notre société, le stress, la course contre la montre, la dépression, une perte de qualité de vie, trop de précipitation et trop peu de temps à consacrer à ce qui est véritablement important, comme les rencontres, la tendresse et la sécurité. Cette société trop pressée fait apparaître de nouvelles menaces pour les hommes. Certaines personnes sont presque naturellement soutenues par leur milieu familial et y sont en sécurité. Mais de plus en plus de personnes sombrent dans l'isolement et doivent, pour tout contact humain, ravir un peu du temps bien rare des autres. C'est précisément dans ce climat où le temps est devenu la plus grande convoitise, que la légalisation de l'euthanasie est proposée.

Le membre suppose que les autres membres de ces commissions ont probablement lu, eux aussi, avec attention les lettres adressées par le personnel soignant à propos des propositions examinées. Les infirmiers et infirmières de l'hôpital Brugman écrivent qu'ils constatent actuellement que l'organisation de l'hôpital n'offre plus d'espace et de temps pour permettre de vraiment être à l'écoute des personnes gravement malades et des patients sans défense. Ils sont dépourvus des possibilités d'évaluer objectivement et sereinement la demande d'euthanasie et de proposer d'autres solutions en cas de « demande par désespoir ». Ils n'ont pas les possibilités de sauvegarder le véritable respect dû au malade.

L'étude approfondie menée aux Pays-Bas a fait apparaître que la demande d'euthanasie est plus souvent motivée par une souffrance morale due à la solitude, à l'isolement et à la dépendance que par la souffrance physique. La productivité de l'hôpital, qui ne permet plus de libérer du temps pour le malade, n'est pas le seul élément, les familles sont, elles aussi, engagées dans une course contre la montre. Les familles se sentent davantage brusquées que par le passé. Au travail, les prestations doivent être plus importantes que jadis. Le « havre » que représente, selon le professeur Elchardus, la mère de famille dans la course contre le temps, a disparu. Les relations au sein des familles, qu'il s'agisse de la famille nucléaire ou de la famille au sens large, subissent la pression du temps. Le dernier livre du spécialiste de la thérapie relationnelle, Alfons Vansteenwegen, qui s'est rendu célèbre par son ouvrage « Liefde is een werkwoord » (« L'amour est un verbe »), est intitulé « Liefde vraagt tijd » (« L'amour demande du temps »).

Dans ce climat, la nouvelle menace sociale qui pèse sur les personnes gravement malades est que leur mort ne prenne pas trop de temps. Tout doit aller vite, non seulement la vie mais aussi la mort. Est-ce peut-être pour cela que, dans la proposition radicale nº 2-244/1, la phase terminale a été biffée des conditions nécessaires ? La mort ne saurait être assez rapide car nous n'avons plus le temps de prendre congé avec tendresse et sans hâte. Une loi légalisant l'euthanasie ne libérera pas la mort de la pression du temps, au contraire.

Les personnes âgées et malades ne craignent pas seulement d'exiger trop des possibilités sociales de leurs enfants; lorsque la maladie se prolonge, les ressources financières des familles sont aussi fréquemment évoquées.

On peut donc se demander si une loi légalisant l'euthanasie pourra empêcher que les patients gravement malades soient soumis à une pression morale et que des sentiments d'inutilité motivent leur demande à mourir.

Le troisième risque concerne l'intégrité sociale et la perception sociale de nos soins de santé. Les partisans de la légalisation soulignent parfois qu'ils veulent offrir une plus grande sécurité juridique aux médecins qui pratiquent l'euthanasie. Mais tant les syndicats médicaux que l'Ordre national des médecins déclinent cette sécurité juridique. Ils considèrent que la dignité et la déontologie de leur profession ont bien plus de valeur que l'éventuelle sécurité juridique.

En effet, une légalisation de l'euthanasie aura une incidence considérable sur l'éthique médicale. Une légalisation signifie que le fait de donner intentionnellement la mort devient un acte médical normal et même une forme d'aide sociale. Les médecins qui ne souhaitent pas y participer ne pourront plus faire appel qu'à leur propre conscience et plus à l'éthique médicale. Une fois que l'acte consistant à donner la mort fera partie de la pratique médicale, il faudra également s'attacher à l'exécuter de la manière la plus efficace. Cela implique que l'acte euthanasique devra être enseigné et appris, que l'industrie pharmaceutique devra se consacrer au développement d'ethanasiants efficaces, qu'une euthanasie pratiquée consciencieusement peut conduire à une responsabilité professionnelle, en résumé, que l'acte consistant à donner la mort devient une partie de la discipline médicale.

Les médecins belges ne sont pas les seuls à s'opposer au glissement qui se dessine dans l'éthique médicale. L'association médicale mondiale s'est prononcée en ce sens dans la Déclaration de Madrid de 1987. Le serment d'Hippocrate est, pour ces médecins, universel et intemporel. Les médecins et les acteurs de la santé sont non seulement préoccupés par leur intégrité professionnelle mais aussi par la perception sociale de leur travail.

Une étude particulièrement intéressante du professeur Elchardus a récemment fait apparaître que la société duale se manifeste déjà par un fossé socioculturel chez les élèves de l'enseignement secondaire. Les élèves de l'enseignement secondaire général et ceux de l'enseignement secondaire professionnel vivent dans des mondes tout à fait distincts. Les élèves du professionnel sont culturellement plus faibles, moins capables de se défendre socialement et particulièrement stricts sur le plan éthique. Si, par exemple, 76 % des jeunes de l'enseignement secondaire général estiment que l'euthanasie pratiquée à la demande du patient est parfois justifiée, 31 % seulement des jeunes de l'enseignement secondaire professionnel partagent cette opinion. Cette divergence de vues montre bien que les personnes socialement plus faibles éprouvent une plus grande méfiance à l'égard des médecins et des hôpitaux. Ils se sentent moins en sécurité et moins protégés par notre système de soins de santé que les personnes qui sont capables de se défendre et de s'affirmer dans le dialogue avec leurs médecins. Une loi légalisant l'euthanasie renforcera naturellement encore ce sentiment d'insécurité et de manque de protection sociale.

Enfin, les médecins redoutent qu'en raison de la pression budgétaire sur les soins de santé, de la prochaine vague de vieillissement et de la raréfaction croissante des soins, l'euthanasie personnellement souhaitée évolue vers une euthanasie socialement souhaitée. Ou comme l'a dit récemment un représentant d'une association néerlandaise de patients : « La dignité de la mort sera repoussée au second plan. À la question : « Quand le moment de mourir dignement est-il arrivé ? » se substituera une nouvelle question : « Quelle est la valeur d'une mort à point nommé ? »

Le membre déclare qu'elle se réjouit de pouvoir parler ici ouvertement et attend la même ouverture des autres membres. Elle aimerait que les auteurs de la proposition lui disent comment ils veulent éviter les risques précités que représente une loi légalisant l'euthanasie pour notre société et pourquoi ils pensent que notre société précisément est immunisée contre ces risques humains.

En conclusion de sa première intervention, elle souhaite encore apporter une contribution philosophico-littéraire. L'inspiration lui est venue au cours d'une digression philosophique d'un autre membre, la semaine dernière. Cela commence par une lettre fictive.

Qui tire des enseignements de l'histoire de l'humanité ?

« Chers compatriotes,

Nous, représentants démocratiquement élus, avons pu constater que la vie que doivent mener ou endurer beaucoup d'entre vous, est au fond absurde. C'est pourquoi nous osons, au terme d'une longue réflexion, proposer la mort comme solution à l'existence inutile.

Chacun d'entre vous pourra, en temps voulu, faire usage de cette solution. Nous, représentants démocratiquement élus, élaborerons des procédures pour que tout puisse se dérouler proprement sur le plan médical et qu'aucun reproche ne puisse être adressé à aucun de vos proches.

Nous savons que vous n'êtes pas encore tous convaincus du caractère absurde de l'existence que nous menons mais nous pensons que chacun sera un jour amené à faire l'expérience de l'absurdité de la vie. C'est pourquoi nous vous demandons avec insistance d'établir d'ores et déjà un testament de vie pour que chacun sans exception puisse profiter de la mort comme solution à la vie.

Nous espérons que vous êtes conscients de la chance unique que nous vous offrons. Nulle part ailleurs au monde, les gens ne peuvent faire le choix de cette efficacité particulière. Soyez convaincus que nous n'avons pas agi à la légère mais que nous avons seulement recherché la solution la plus adéquate à la vie que vous menez.

Ne nous oubliez pas,

Signé,

Vos représentants démocratiquement élus. »

Le membre s'excuse pour le ton satirique de cet écrit mais les mots sont sortis spontanément de sa plume en séance, comme on le dit dans le jargon parlementaire. Lorsque la proposition relative à l'euthanasie, qui est soutenue par des membres des six groupes de la majorité, a été justifiée par des arguments philosophiques lors de la première présentation, elle se réjouissait d'une telle limpidité idéologique. Ce que l'on pressentait intuitivement depuis longtemps déjà apparaissait maintenant en pleine lumière. Ce qui préoccupe les esprits tatillons qui ont inspiré la proposition, ce n'est nullement les soins concrets à apporter aux malades et aux mourants mais bien le droit personnel à la mort.

La proposition relative à l'euthanasie a été étayée, dès le premier examen parlementaire, par des références à l'existentialisme français qui a fait florès dans les années soixante. Cela lui a rappelé, à ce moment, les lectures scolaires obligatoires du cours de français et les personnages de pièces de théâtre et de romans qui n'étaient reconnus authentiques que lorsqu'ils avaient accepté pleinement l'inanité de leur existence.

La dépénalisation de l'acte consistant à mettre intentionnellement fin à la vie, la suppression de la phase terminale parmi les conditions nécessaires, l'élargissement de la souffrance physique à un état de nécessité personnellement vécu, tous ces glissements juridiques montrent que la dernière proposition relative à l'euthanasie vise à introduire sans grands détours le droit à la mort dans notre société. La proposition rend la mort contraignable pour quiconque voit son désespoir personnel traduit en termes médicaux.

Cette proposition a bien sûr d'emblée suscité un émoi dans la société. Les gens ne veulent, en effet, pas être gouvernés par des lois qui mettent en doute le sens de leur existence.

Les cénacles fermés des libres penseurs de notre pays n'ont-ils rien de mieux à nous offrir que leur angoisse paralysante et funeste face à l'existence ? Existe-t-il des libres penseurs capables d'expliquer comment conserver le sens de la vie en société si le sens de la vie même est mis en doute politiquement ? Que vaudront encore la tendresse, le respect, l'esprit de communauté et la solidarité si l'on peut tout aussi bien mettre fin à l'existence pénible et solitaire ?

L'intervenante explique qu'au début du siècle passé, une grande et puissante culture européenne était tombée sous le charme du « Bilanz-Selbstmord ». Des romanciers et des philosophes présentaient la mort volontairement choisie comme un acte humain authentique, posé après avoir dressé le bilan de sa propre existence. Quelques décennies plus tard, le nouveau régime de ce pays décida de ne plus laisser aux gens le sens de dresser ce bilan subjectif. Il semblait plus simple d'établir objectivement et au nom du peuple le bilan des vies. Le genre humain réagit de toutes ses forces et lorsque ce régime fut vaincu et anéanti, une déclaration solennelle et universelle fut rédigée. Tous les êtres humains, blancs et noirs, hommes et femmes, malades et en bonne santé, riches et pauvres, seraient égaux pour toujours. Plus personne, homme, pays, régime, ne pouvait en douter. Il va de soi que cette déclaration solennelle ne fut pas mise en oeuvre immédiatement mais chacun comprit que l'avenir de l'humanité ne pouvait plus passer que par la mise en oeuvre de cette déclaration.

L'échange croissant d'images, de paroles et d'idées à l'échelon mondial a également fait prendre concrètement et quotidiennement conscience du fait que l'avenir dépendait de nous tous.

Le membre conclut que, selon certains spécialistes, ce siècle passé s'est terminé un an trop tôt par une fête célébrant l'an 2000, beau chiffre rond. Pendant vingt-quatre heures, nous nous sommes salués d'un geste de la main, de Sidney à Honolulu. Les grandes villes brillaient de l'éclat des nombreux feux d'artifice mais les modestes petites flammes de l'Afrique faisaient également partie de l'événement. La marée humaine qui se saluait d'un geste de la main semblait avoir compris : nous sommes le genre humain, nous nous équilibrons mutuellement, pour toujours, espérons-le.

Aujourd'hui pourtant, au début du siècle nouveau, deux petits pays en bordure de la mer du Nord n'ont pas bien compris l'histoire de l'humanité. Ils remettent à nouveau en question ce qui semblait naturellement acquis au siècle passé. La marée humaine se saluant d'un geste de la main ferait mieux de tenir ces deux petits pays à l'oeil.

Un autre membre déclare que l'argument tiré des droits de l'homme et opposé aux auteurs des propositions conjointes est irrecevable, même s'il part peut-être d'un sentiment profond. Chacun est libre, en effet, d'imaginer l'autre comme il a envie qu'il soit. En tout état de cause, cela ne correspond pas à la réalité.

Par ailleurs, chacun est libre d'avoir ses propres références, qu'elles soient dans des textes sacrés ou dans des textes profanes, qu'elles soient d'ordre philosophique ou religieux.

La caricature qui a été faite de l'auteur que l'intervenant a cité, inciterait peut-être ce dernier à renvoyer à sa lecture, y compris dans ce qu'elle peut avoir de profondément humaniste. Il souligne la manière dont cet auteur envisage le dépassement de l'absurde philosophique, à ne pas confondre avec l'appréhension que chacun peut avoir, à un moment ou à un autre, de sa propre existence ­ y compris dans les moment où il considère de manière individuelle qu'indépendamment d'une recherche de sens à sa propre existence et à celle de l'humanité, qui va dans le sens des droits de l'homme, il considère précisément que sa vie, sur la plan individuel, n'est plus une vie digne.

Il a été fait allusion, et ce n'est sans doute pas par hasard, au fait que la proposition conjointe permettrait d'aller à l'encontre de la volonté manifestée par d'aucuns, et irait dans le sens d'une aliénation. Or, le respect de la liberté et de la volonté individuelle constitue la base de la proposition de loi, qui vise précisément à la désaliénation.

Une telle présentation des choses, qui relève à la fois de l'anathème et de la caricature, ne permet pas un dialogue, ni un débat serein.

Il y a désinformation et procès d'intention dans les propos qui viennent d'être tenus sur ce qui paraissait être, pour une large part des membres des commissions réunies, une adhésion à des valeurs d'humanisme.

Enfin, ce n'est sans doute pas non plus par hasard qu'il a été fait mention à plusieurs reprises d'une « légalisation » de l'euthanasie, alors qu'il s'agit naturellement d'une dépénalisation de celle-ci, si elle est pratiquée dans les conditions largement décrites dans la proposition, afin d'assurer une sécurité juridique, non seulement aux médecins, mais surtout à l'ensemble des patients, ce qui, dans une prise en charge globale de la société, est encore plus important.

Un membre déclare que le droit de chaque patient de pouvoir accéder aux soins palliatifs peut s'exprimer, en d'autres termes, comme le devoir de solidarité de la société.

Le travail consistant à approcher, d'une part, la volonté de l'être humain face aux derniers moments de son existence et le respect de sa manière d'appréhender l'existence et, d'autre part, une loi de solidarité qui doit garantir à tous l'accès aux soins palliatifs, paraît assez équilibré.

Il faudrait faire ressortir clairement des débats que ce que l'on cherche à approcher, c'est l'accompagnement en fin de vie, et l'apaisement des souffrances et des détresses. Le but poursuivi n'est chez aucun auteur de supprimer la vie, même si on peut aboutir à ce résultat.

Un autre membre évoque tout d'abord la question de la sécurité juridique. À cet égard, il faut constater que les médecins sont plutôt inquiets de ce qui est proposé aujourd'hui, et considèrent de façon quasi-unanime que leur sécurité juridique n'est pas assurée.

La procédure a posteriori et le fait de transmettre un dossier au procureur du Roi leur semble en effet constituer une épée de Damoclès, et constitue pour eux un véritable problème.

Bon nombre d'entre eux disent que, si une telle disposition devient loi, ils seront tentés de contourner celle-ci dans la pratique, ce qui aboutit naturellement à ne plus garantir non plus la sécurité juridique dans le chef des patients.

Les pratiques risquent dès lors de sortir du cadre légal, et l'on n'évitera pas les euthanasies pour des motifs sociaux ou économiques, comme il semble s'en pratiquer actuellement.

Il s'agit, non d'une considération philosophique ou idéologique, mais d'une question de simple bon sens.

C'est pourquoi la proposition de Mme Nyssens et consorts prévoyait de transmettre le dossier à un médecin-légiste.

Une autre piste pourrait par exemple être trouvée dans l'exemple hollandais.

Une deuxième considération concerne l'idée exprimée par certains, et selon laquelle il existerait en quelque sorte une alternative entre soins palliatifs et euthanasie.

Aux yeux de l'intervenant, cette conception paraît à la fois très théorique, assez choquante, et extrêmement inquiétante sur le plan de l'accès aux soins.

En réalité, il s'agit de pouvoir prodiguer des soins continus, et, à travers la mise en place de soins palliatifs effectifs, de pouvoir rendre aux personnes leur dignité, éviter la souffrance, et faire en sorte d'éviter autant que possible l'acte d'euthanasie, qui paraît, aux yeux de l'intervenant, devoir rester tout à fait exceptionnel.

Les médecins rapportent effectivement qu'il le devient, lorsqu'on répond correctement à la demande en matière de soins palliatifs. De façon générale, l'intervenant insiste sur la nécessité, lorsqu'on discute de ce type de problème, de se placer du point de vue des patients, de leurs demandes et de leurs droits.

D'où l'intérêt d'entendre des professionnels, afin de mieux cerner la réalité du terrain.

Une autre question souvent posée est celle de l'antagonisme qui existerait entre l'autonomie et le respect de la vie. L'intervenant se dit, à titre personnel, surpris par cette manière de poser le problème.

En effet, l'euthanasie lui paraît être fondamentalement un acte d'interdépendance, un acte social, un geste d'humanisme et de compassion, qui ne se pose pas en termes d'autonomie mais de relations humaines.

Il s'agit de savoir comment on continue à tenter d'améliorer la vie en société, comment on perçoit les notions de dignité et de souffrance, et comment cela se traduit en gestes.

L'intervenant se dit également frappé par l'avis rendu par le Conseil national de l'Ordre des médecins, même s'il lui paraît y avoir une certaine contradiction à vouloir déclarer d'emblée que la déontologie médicale suffirait, et qu'il n'y aurait pas nécessité à légiférer.

L'avis insiste sur la question, qui ne semble pas être réglée pour les médecins, de l'acharnement thérapeutique et des soins palliatifs, et sur le fait que les patients ne paraissent pas rassurés à ce sujet.

Le constat paraît exact, que la crainte des patients soit de l'ordre de l'imaginaire ou de la réalité. Cet élément paraît fondamental. Il rejoint notamment les préoccupations des infirmiers, et notamment de ceux de l'hôpital Brugmann, qui ont écrit aux parlementaires. Selon eux, les questions de soins palliatifs et d'acharnement thérapeutique sont loin d'être réglées. Ils demandent, en quelque sorte un moratoire avant le vote d'une loi sur l'euthanasie, pour que ces questions reçoivent une meilleure réponse que celle qui est faite aujourd'hui.

Il semble donc y avoir là un ordre de priorités, dont les travaux du législateur doivent tenir compte.

En ce qui concerne la disparition de la notion de phase terminale dans la proposition conjointe, l'intervenant déclare qu'elle suscite son inquiétude.

On peut, bien sûr, objecter à cette notion qu'il peut y avoir des souffrances et des détresses plus grandes dans les maladies incurables « au long cours », en dehors d'une phase terminale.

Le problème est de savoir si l'on peut légiférer dans un domaine qui ouvre la porte à des interprétations qui peuvent très bien ne pas être celles du législateur aujourd'hui.

On confond parfois aussi donner la mort et se donner la mort, alors qu'aux yeux de l'intervenant, il s'agit là de deux débats fondamentalement différents, puisque le suicide n'est pas pénalement punissable.

L'intervenant formule encore deux remarques générales.

Il observe que les travaux sont malgré tout gênés par le fait que les commissions réunies n'aient pas pu procéder à l'audition des professionnels de terrain. Il aimerait savoir comment s'organiseront les auditions prévues à la fin de la discussion générale.

En outre, il trouve qu'il serait intéressant de pouvoir aborder de façon plus systématique les nombreuses questions posées, qui n'ont pas encore pu être approfondies.

Une intervenante précédente déclare également qu'elle estime que ce débat doit être mené dans la sérénité et dans le respect de l'opinion d'autrui. Il n'empêche que tous les membres doivent avoir le droit d'exposer complètement leurs arguments et de poser les questions qu'ils jugent importantes.

Ce qui la fascine particulièrement dans ce débat, c'est que, manifestement, l'évolution de la pensée relative aux droits de l'homme se déroule différemment en Belgique et aux Pays-Bas et dans les autres pays. Si elle a quelque peu défié les auteurs de ces propositions, c'est précisément afin d'obtenir une réponse à la question de savoir quelle est la nécessité de s'écarter, dans notre société, du consensus éthique que le reste du monde juge toujours intangible.

Elle a, par ailleurs, voulu attirer l'attention sur l'angoisse indéfinissable que ce débat éveille chez les personnes les plus vulnérables de notre société. La commission ne peut ignorer purement et simplement cette question.

Un membre déclare qu'au cours de la précédente législature, elle a suivi avec beaucoup d'intérêt, certes à une certaine distance, les débats relatifs à l'euthanasie au Sénat. Ces débats justifiaient un certain optimisme quant à l'issue du dossier. Un consensus semblait en effet se dégager, par-delà les différents partis et conceptions sociales, à propos de ce que l'on appelait la « troisième proposition », formulée dans l'avis du Comité consultatif de bioéthique.

C'est pourquoi le groupe auquel elle appartient s'est présenté comme interlocuteur dans ce débat et a déposé une proposition de loi s'appuyant sur cette troisième option. Comme c'est aussi le cas pour d'autres dossiers, la communication avec les différentes couches sociales est extrêmement importante dans cette matière. Au sein de ces commissions, un accord s'est dégagé à propos du sens à donner au concept d'euthanasie. Ce concept reste pourtant des plus imprécis et confus pour beaucoup de personnes qui contribuent, à leur tour, à l'inquiétude que ressentent de larges couches de la population à l'égard de ce dossier.

Les différentes propositions déposées ici ont en tout cas une caractéristique commune : elles tentent d'apporter une réponse à la question d'une fin de vie digne pour les patients en phase terminale.

On ne peut que se réjouir que toutes les propositions accordent une place essentielle aux soins palliatifs. Chacun, dans ce débat, doit toutefois être bien conscient que la Belgique n'est pratiquement nulle part dans ce domaine. Tant en ce qui concerne le volume de l'offre que le niveau qualitatif et la coordination, il reste un long chemin à parcourir. La proposition de résolution nº 2-106/1, qui est à l'ordre du jour, a également été déposée au Parlement flamand. On ne peut, en effet, qu'espérer que l'examen de cette proposition de résolution soit entamé le plus rapidement possible car il reste également un long chemin à parcourir au niveau des communautés.

La garantie d'une offre de soins palliatifs à part entière ne suppose pas seulement le dégagement de moyens financiers et matériels considérables. De nombreux médecins reconnaissent également qu'ils ne sont pas suffisamment familiarisés à cette forme d'aide qui n'a été intégrée que récemment dans le programme des études de médecine.

L'intervenante cite alors une des fondatrices des soins palliatifs en Belgique, soeur Léontine : « L'expérience montre que dans les premiers jours suivant une admission, certains malades traversent une phase de crise et déclarent que c'est assez, qu'ils ne veulent plus vivre et espèrent que « cela » ne durera plus longtemps. Mais nous constatons tout autant que ces demandes et plaintes disparaissent peu à peu lorsque, grâce à des soins adaptés, le malade retrouve un peu de confort physique et se sent compris et soutenu. Il convient de découvrir quelle est la demande plus profonde qui se dissimule sous le cri de détresse superficiel qu'est `je veux mourir'. Généralement, il s'agit de `ne me laissez pas seul', `j'ai peur'. »

C'est seulement un témoignage parmi beaucoup d'autres. Tout le monde comprendra que, dans certains cas, on doit pouvoir passer de « to cure » à « to care », en d'autres termes, « d'essayer de guérir » à « soigner ». Dans une publication de la Federatie voor palliatieve zorgverlening, une étape supplémentaire est franchie, de « care » vers « cure ». De cette manière, la fédération veut définir clairement ce qui doit être au centre de l'attitude face aux patients dans la dernière phase de leur vie : attention pleine de sollicitude, humanité et implication de l'entourage à l'égard du malade. C'est en effet là que réside le coeur de soins palliatifs : fournir une réponse à la demande du patient qui sollicite l'attention de l'entourage et ne veut pas être confronté seul à sa douleur et à ses angoisses.

Une telle approche demande toutefois un effort important de l'entourage et de la société. Il faut craindre qu'en Belgique, où cette forme d'assistance en est encore à ses débuts, il soit très difficile de libérer à court terme les moyens nécessaires pour en assurer l'accès à part entière à tous les patients.

En commission des Affaires sociales, on a proposé d'entamer un débat sur le type de soins souhaité par notre société. Actuellement, le système est financé sur la base de prestations. Il est difficile d'y intégrer les soins palliatifs qui, par définition, signifient que certaines prestations sont abandonnées. Pour le dire crûment, dans un système de financement par prestation, les soins palliatifs ne sont pas plus chers que la médecine curative, mais ils sont moins rémunérateurs. Ne doit-on de ce fait pas réfléchir à de nouvelles formules de financement des soins ?

Les soins palliatifs ne peuvent être dissociés de la problématique plus large des droits des patients. Dans ce cadre, différentes initiatives ont déjà été prises au Parlement ces dernières années et, à en croire les récents articles de presse, le gouvernement compte faire de même en ce domaine.

La notion de droits des patients va toutefois au-delà de l'octroi de moyens de défense contre les erreurs médicales. Elle vise à un renforcement général de la position du patient à l'égard des actes médicaux. Il faut admettre que, ces dernières années, sur le plan de la communication avec le patient et de l'attention à son égard, on a enregistré de grands progrès dans les prestations de soins de santé dans notre pays, mais que certaines situations laissent encore à désirer. Dans la dernière phase de la vie, quand le patient est particulièrement en position de faiblesse, le dialogue est extrêmement important.

L'intervenante déclare que, bien qu'elle croie aussi aux soins palliatifs et qu'elle espère que des moyens beaucoup plus importants seront libérés à cet effet, elle peut aussi comprendre que cette forme d'assistance ne puisse suffire dans toutes les situations pour délivrer le patient d'une souffrance insupportable. Quand le patient est en phase terminale et qu'il n'y a plus aucune possibilité de diminuer l'intensité de sa douleur, on peut parler d'état de nécessité justifiant une décision extrême du médecin, celle de l'euthanasie, si le patient en fait la demande.

Ici, la notion d'état de nécessité est essentielle : c'est une situation dans laquelle le médecin est confronté à un conflit entre deux devoirs. D'une part, il est tenu de respecter la vie du patient mais, d'autre part, il a le devoir de soulager sa souffrance et de lui porter assistance. Si le médecin ne peut répondre à la demande du patient d'être délivré de sa souffrance que par l'euthanasie, il faut pouvoir faire preuve de compréhension. Il va de soi que, dans ce cas, des critères de prudence stricts doivent être respectés.

La notion d'état de nécessité n'est pas nouvelle dans notre droit, elle existe aussi dans d'autres domaines. Elle s'appuie sur une jurisprudence étendue et offre ainsi, contrairement à ce que certains orateurs précédents ont suggéré, suffisamment de sécurité juridique au médecin qui pratique une euthanasie. Pour cette raison précise, il serait tout à fait regrettable si, dans le cadre du problème qui nous occupe, on devait décider de porter atteinte sur le plan législatif au principe moral et social selon lequel on ne peut toucher à la vie humaine. Ce principe est trop important dans notre société pour le considérer comme une affaire de nature purement symbolique.

Les intervenants précédents ont mis l'accent sur le droit à l'autodétermination du patient en phase terminale qui, selon eux, est maître de son propre destin. Pour sa part, elle estime que cette position est génératrice d'angoisses. Indépendamment du fait de savoir si l'on peut disposer de sa propre vie, personne n'est sans doute plus faible, personne n'est moins maître de soi-même que le patient en phase terminale. Dans quelle mesure peut-on évaluer si ce dernier réalise bien ce qu'il demande ? Ses paroles doivent-elles être prises à la lettre ou doivent-elles être considérées comme l'expression de demandes plus profondes qu'il ne peut ou n'ose pas formuler ?

L'intervenante conclut en disant que le fait d'être maître de son destin est très relatif en phase terminale. C'est pourquoi, selon elle, certaines de ces propositions de loi mettent beaucoup trop l'accent sur l'autodétermination du patient incurable et accordent trop peu d'attention au rôle des personnes de son entourage. Tout comme on ne vit pas seul, on ne meurt pas seul. Une approche positive de la mort consiste dès lors à impliquer l'entourage, la famille, les infirmiers ... dans la dernière phase de la vie.

Les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 motivent la modification du Code pénal par la sécurité juridique des médecins. Toutefois, des réactions récentes dans la presse suscitent la question de savoir si la majorité du corps médical demande effectivement cette forme de sécurité juridique.

La proposition de loi qui a été déposée par les membres du groupe CVP a comme point de départ la sécurité juridique du patient et la transparence à son égard. Le dialogue avec le patient doit être assuré. Actuellement, il arrive bien souvent que tant les patients que leur famille ne comprennent pas bien la situation.

Une question importante à laquelle l'intervenante espère qu'une réponse sera donnée au cours des auditions, porte sur la manière selon laquelle les médecins traitent les problèmes relatifs à la fin de la vie. À l'intérieur et à l'extérieur du monde médical, un consensus s'est progressivement dégagé sur l'idée que l'acharnement thérapeutique est une pratique répréhensible. Il serait toutefois erroné de donner l'impression que l'euthanasie est la seule alternative à cette pratique. Dans la médecine d'aujourd'hui, il y a différentes manières d'approcher le patient en phase terminale, qui ont un rapport avec différentes situations (code 1 : ne pas réanimer, code 2 : ne pas élargir la thérapie ni en ajouter, code 3 : mettre un terme à la thérapie, sédation contrôlée). Dans quelle mesure le patient et son entourage comprennent-ils et participent-ils à ce genre de choses ?

En tout état de cause, c'est un fait que l'homme et la femme de la rue, et très probablement un certain nombre de membres de cette commission, connaissent très peu ce genre de choses.

La proposition de loi nº 2-244/1 insiste non seulement beaucoup trop sur la volonté du patient, elle met aussi une trop grande pression sur ce dernier, qui est mourant et qui est confronté à la question de savoir s'il peut continuer à faire reposer la charge de son existence sur les épaules d'autres personnes. Il ressort de contacts avec des soignants de l'entourage que ceux-ci ne ressentent pas les soins administrés aux patients comme une charge, souvent parce qu'ils ressentent une grande satisfaction dans leur travail. Mais il leur est cependant difficile d'en persuader les patients. Ce n'est sans doute qu'un aspect de la problématique, mais il n'est pas sans importance.

L'intervenante constate que le mot « terminaal » a été supprimé dans le texte et a été remplacé par le concept de « ongeneeslijke aandoening » (affection incurable). Qu'entendent les auteurs par ce concept ? Le terme « nood » (détresse) qui vise la détresse psychologique, ne contribue pas à la transparence ni à la sécurité juridique.

L'expérience apprend que, dans le cas de certains cancers, bien que les patients puissent vivre encore longtemps, ils sont tout de même incurables. Il est compréhensible que ces personnes soient, par moments, complètement désespérées. Est-ce ce genre de situations que l'on vise sous le concept de « psychologische nood » (détresse psychologique) ? Un médecin se posait la même question dans la presse à l'égard d'un patient diabétique qui traversait une période de dépression. On peut comprendre que les personnes qui vivent ce genre de choses aient peur et se demandent vers quelle sorte de société nous évoluons. En tant que politiques, on doit en tenir compte.

Un autre point qu'elle a du mal à accepter dans les textes déposés concerne les dispositions relatives à la déclaration de volonté préalable. Elle peut comprendre les personnes qui craignent de ne pas pouvoir faire face à de très fortes douleurs et qui estiment que, si celles-ci surviennent, on peut mettre fin à leur vie. On peut y opposer le fait que personne ne sait à l'avance comment ces douleurs seront effectivement ressenties. Il n'est pas davantage possible de prévoir quelle sera l'évolution de la médecine, par exemple en matière de lutte contre la douleur, d'ici quelques années. Sous l'angle de ces considérations, le projet de loi est particulièrement inquiétant.

Dans la déclaration de volonté, on désigne une ou plusieurs personnes mandatées, qui doivent se porter garantes de l'exécution de la volonté du patient. Les auteurs de la proposition de loi se rendent-ils compte de la pression qu'ils font peser sur ces personnes ?

L'intervenante en vient finalement aux dispositions relatives à l'enregistrement et au contrôle. Le médecin qui procède à l'euthanasie doit immédiatement faire une déclaration à l'officier de l'état civil et au procureur du Roi. La déclaration destinée au procureur mentionne entre autres l'affection dont le patient était atteint et la procédure qui a été suivie. Pourquoi n'y a-t-il pas de sanction prévue quand cette obligation n'est pas respectée ? À la demande du procureur, le médecin communique les éléments du dossier médical, mais, ici non plus, aucune sanction n'est prévue s'il ne donne pas suite à cette demande.

Il y a d'ailleurs toujours eu au sein du corps médical une grande réticence à communiquer des données médicales à des tiers. Quelle est la position des auteurs à cet égard ?

L'article 77 du Code civil est complété par un nouveau paragraphe où il est stipulé qu'en cas de décès consécutif à une euthanasie, le permis d'inhumer ne peut être délivré qu'après autorisation du procureur du Roi. S'il ne la donne pas, on procède conformément aux articles qui sont d'application en cas de mort violente. Le médecin doit enfin remettre à la commission de l'enregistrement un formulaire d'enregistrement dûment complété mais, dans ce cas-ci non plus, on ne prévoit aucune sanction.

Il serait quand même intéressant de connaître le point de vue des procureurs sur ces dispositions. En effet, combien de fois n'entend-on pas dire que, maitenant déjà, les parquets sont dépassés dans leur travail. Comment pensent-ils pouvoir accomplir ces nouvelles tâches, sachant que, dans le texte, aucun système tampon n'est introduit, comme par exemple un médecin légiste.

Les mécanismes de contrôle préalables sont pratiquement inexistants dans la proposition de loi, et le contrôle a posteriori n'offre dès lors pas de garanties suffisantes.

L'intervenante espère encore qu'il sera possible d'aboutir à un texte commun ayant une très large assise politique. Ce dossier est tellement important qu'un effort maximum doit être consenti de tous les côtés pour tenir compte de tous les points de vue qui coexistent dans la société.

Un autre membre rappelle que, le 20 décembre 2000, une proposition de loi « relative à l'euthanasie » a été déposée conjointement avec deux autres propositions de loi des mêmes auteurs, un par groupe de la majorité, l'une portant création d'une commission d'évaluation de la loi proposée, l'autre relative aux soins palliatifs. Il est difficile de croire qu'il s'agit là uniquement d'une démarche personnelle : les interventions de certains membres de la majorité en attestent. Lorsqu'un précédent orateur parle du dépôt d'une proposition par les chefs de groupe, il indique clairement la stratégie de la majorité ou à tout le moins, celle qu'il souhaiterait lui voir jouer.

Dans la mesure où elle ne vise pas à cadenasser le débat, cette démarche a au moins un mérite : celui de fixer la référence pour les discussions à venir et les amendements à déposer.

Plutôt que de discuter de trois propositions, n'y aurait-il pas lieu de les réunir en un seul texte, comportant trois chapitres, afin d'avoir une vue globale de la problématique ?

L'intervenant souhaite exprimer en préambule son état d'esprit pour aborder l'examen des propositions.

Avec ses collègues, il souhaite réaffirmer une volonté d'être partie prenante au débat. Tous les sujets d'ordre éthique peuvent être débattus, d'autant plus si une prise de conscience de la société ou une évolution significative des mentalités apparaissent. Cela ne signifie pas qu'au nom d'un modernisme mal compris, toutes les règles ou balises essentielles doivent être balayées.

L'intervenant souhaite que la réflexion se fasse de manière globale, avec une large ouverture d'esprit, beaucoup de nuances, sans dogmatisme et en évitant les procès d'intention réciproques, avec la sérénité de ceux qui sont capables d'une écoute attentive.

Il éprouve donc un malaise à entendre que certains pourraient cloisonner le débat dans un cadre laïcs ­ religieux, dans l'opposition supposée entre l'humanisme et la transcendance, dans le préjugé d'un refus de dialogue, dans l'à priori du progressisme de ses propres idées confronté à un soi-disant conservatisme des idées différentes de l'autre.

Le débat à mener aujourd'hui porte sur la qualité de la vie à un moment particulièrement difficile : le temps de la proximité de la mort et la mort sont les derniers actes d'une vie qu'il convient de vivre dans la dignité.

I. Quels principes ont gouverné la réflexion ?

1. Le respect en toutes circonstances de la dignité de l'homme

La problématique de l'euthanasie renvoie en permanence à la notion de « dignité humaine » qui fait l'objet d'interprétations souvent divergentes.

Le respect en toutes circonstances du droit de toute personne, quel que soit son état physique et mental, à la dignité, doit être à tout prix valorisé. Ce concept ne saurait toutefois se fonder sur une autonomie de l'homme limitée par son niveau intellectuel ou par ce qui serait considéré comme « raisonnable ». Il s'appuie aussi sur une autonomie empreinte de dimension affective. Si l'estime et la reconnaissance portées à l'individu par ses semblables sont élevées, il sera conforté dans ses sentiments d'autonomie et de dignité. Comme la précédente intervenante l'a rappelé, en citant soeur Léontine, la prise en considération de la personne et un accompagnement adéquat diminueront de manière considérable les demandes d'euthanasie.

2. La protection des plus faibles et des incapables

La personne en fin de vie est fréquemment confrontée à un isolement affectif et moral. Ce sentiment d'isolement et donc cet état de fragilité risque davantage d'être renforcé dans un système visant à la maîtrise des dépenses en matière de soins de santé au détriment éventuel des moins nantis, surtout dans le contexte de vieillissement de la population. Face à cette réalité, il faut renforcer le lien social autour des personnes les plus vulnérables afin de recréer un contexte qui les protège contre d'éventuels abus.

Les auteurs de cette proposition déclarent être motivés par un constat commun : des euthanasies sont pratiquées quotidiennement et clandestinement dans notre pays, sans qu'un contrôle social de ces pratiques soit possible. C'est donc afin de lutter contre ce type de pratiques que les auteurs de la proposition de loi entendent déterminer légalement les conditions de l'euthanasie, permettant ainsi des pratiques qu'ils qualifient de plus homogènes et de plus responsables.

Au cours de la réflexion et des contacts pris depuis plus de deux ans sur ce sujet extrêmement délicat, le groupe auquel appartient l'intervenant a également dressé le constat, suite à de nombreux témoignages, de l'usage de procédés euthanasiques à l'insu du patient, de sa famille et de la société toute entière. Il a eu l'occasion de découvrir que les personnes les plus défavorisées (pas nécessairement financièrement) mais socialement, pourraient courir de plus grands risques de subir des pratiques inacceptables pour les humanistes.

3. L'éthique de la responsabilité

Les décisions législatives supposent de concilier des valeurs essentielles sans lesquelles toute société serait amenée à se dégrader, et d'organiser la vie pratique de cette société. Cette éthique de responsabilité doit être associée au principe de précaution qui suppose d'appréhender aujourd'hui les conséquences futures de nos décisions. Elle implique très concrètement la mise en place de balises destinées à aider les acteurs de terrain lors de leur prise de décision.

II. Quelles observations sur les propositions de la majorité ?

1. La proposition de loi déposée par les parlementaires de la majorité aborde la problématique des soins palliatifs

La médecine palliative offre des outils pour soulager la souffrance physique. Elle permet en effet de contrôler la douleur dans un nombre considérable de cas et ce, avec une haute technicité.

Par l'écoute et l'attention qu'elle procure au patient en respectant sa singularité, elle offre également des outils pour soulager bon nombre de souffrances psychiques. Celles-ci sont en effet souvent liées à la crainte de la mort toute proche, vécue dans un état d'abandon moral.

Les soins palliatifs constituent l'accompagnement indispensable du patient en fin de vie. En encadrant le patient considéré comme l'élément central de ce type de médecine, les soins palliatifs ont pour objectif de lui conserver une autonomie et une conscience maximale. L'établissement d'une relation de respect entre le patient mourant, ses proches et l'équipe soignante contribue ainsi à rendre au malade en fin de vie, la dignité à laquelle il est en droit de prétendre. Les soins palliatifs entendent lui donner à ce stade, une qualité de vie optimale, qualité de vie qui, de l'avis de tous les acteurs médicaux concernés, rend exceptionnelles les demandes d'euthanasie exprimées dans ce cadre d'accompagnement.

De 10 % de demandes au départ, on en reviendrait à 1 à 2 %.

Dans cette perspective globale, l'intervenant se réjouit d'une évolution significative des dépositaires des propositions. Lors du lancement du débat, peu de parlementaires semblaient sensibilisés à la question essentielle de la place des soins palliatifs comme élément déterminant de la qualité de fin de vie. Aujourd'hui, chacun semble convaincu de la nécessité absolue d'offrir ce service à tous les patients : cette égalité d'accès impliquera l'égalité de traitement de tous les acteurs reconnus et la nécessité de formations spécialisées. Cette nouvelle dimension profondément humaine qui se traduira dans une action politique concrète sera, quel que soit le résultat final des travaux du législateur, une avancée majeure pour l'amélioration de la qualité de vie des personnes confrontées à la fin de vie.

2. La proposition de loi déposée par les parlementaires de la majorité omet la lutte contre l'acharnement ou l'abandon thérapeutique

L'acharnement thérapeutique peut être défini comme l'administration au patient de traitements inutiles, non strictement nécessaires à sa santé ou disproportionnés par rapport à l'affection dont il est atteint ou à son résultat prévisible. La crainte de l'acharnement thérapeutique, des souffrances et de la perte de dignité est souvent un incitant aux demandes expresses d'euthanasie ou à la rédaction de directives anticipées. Il est inacceptable.

L'abandon thérapeutique se révèle tout aussi inacceptable quelles que soient les raisons invoquées pour le justifier (rareté des moyens humains, matériels ou financiers, nécessité de faire un choix des sujets à traiter selon leur âge ou leur état de santé ou, pire encore, selon leurs conditions sociales ... ). Tolérer sa mise en oeuvre au nom d'une justice distributive pourrait ainsi conduire au principe « d'admissibilité sociale » d'une forme d'euthanasie envisagée alors comme une mesure sanitaire.

Il serait opportun de légiférer contre l'acharnement thérapeutique dans le cadre de ces propositions de loi ou à tout le moins, de rappeler les conditions de légalité élémentaire de l'activité médicale qui fourniront au médecin des points de repères pour sa pratique quotidienne. Dans le même contexte, il faut prohiber explicitement toute forme d'abandon thérapeutique.

3. Le champ d'application de la proposition de loi est trop étendu : il s'applique en dehors des situations de fin de vie

Plusieurs intervenants l'ont relevé : la proposition de loi prévoit :

­ que l'euthanasie peut être pratiquée sur le patient majeur ou mineur émancipé capable et conscient lorsque celui-ci en fait la demande de manière expresse, non équivoque et mûrement réfléchie et qu'il fait état d'une souffrance ou d'une détresse constante et insupportable, qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection pathologique grave et incurable;

­ que l'euthanasie peut être pratiquée sur le patient inconscient lorsque celui-ci a rédigé une directive anticipée, qu'il n'existe aucun moyen de le ramener à un état conscient et qu'il est atteint d'une affection pathologique ou accidentelle incurable.

Le texte tel qu'il est rédigé trouve donc à s'appliquer en dehors des situations de fin de vie, dès lors qu'un patient est atteint d'une maladie grave et incurable et que sa souffrance physique ou sa détresse morale ne peut être apaisée. Aucune référence n'est faite à un pronostic de décès à brève échéance qui limiterait l'application de la loi aux cas extrêmes en fin de vie. On glisse insensiblement de l'euthanasie vers le « suicide assisté ».

On ouvre une brèche qui conduira immanquablement à des dérives dans l'application de la loi. Un tel champ d'application ouvre la voie à une banalisation progressive de l'euthanasie « qui risque alors de toucher les membres les plus vulnérables et les moins autonomes de notre société exposés à toutes les formes de pressions économiques, sociales ou familiales ».

Dans cette perspective d'étendre la pratique de l'euthanasie en dehors de la proximité immédiate de la fin de vie, on peut comprendre le souci de chercher une sécurité juridique, tant pour le médecin que pour le patient. Mais, comme cela a été dit, les médecins estiment assez généralement que légiférer dans le sens voulu par la proposition conduira à plus d'insécurité juridique et que les effets concrets pourraient bien ne pas du tout correspondre aux objectifs poursuivis.

Pour ce qui concerne la sécurité juridique du patient, l'intervenant a le sentiment qu'il s'agit d'une mauvaise question : s'il opte pour l'euthanasie et que celle-ci est pratiquée, il ne devra plus rendre de comptes à personne. Au moment du choix et de la décision, il ne se préoccupera certainement pas de savoir dans quel cadre juridique il est autorisé à demander qu'il soit mis fin à ses souffrances. Invoquer la sécurité juridique du patient paraît dès lors être un leurre.

L'acte d'euthanasie doit rester un acte exceptionnel posé par le médecin après avoir lutté adéquatement contre la douleur, avec la certitude de l'échéance fatale prochaine.

Il appartient au législateur de poser et de définir avec précision toutes les conditions qui doivent être respectées par le médecin avant de prendre en compte et de répondre à une demande d'euthanasie formulée par un patient conscient.

Les cas d'euthanasie doivent êtres limités aux situations dans lesquelles le médecin constate :

­ la souffrance irréductible et insupportable dans le chef du patient;

Le mot « irréductible » renvoie à une notion objective ­ douleur que la médecine, dans son état actuel, ne peut soulager ­, alors que la notion « insupportable », utilisé dans le texte de la proposition de loi est une notion éminemment subjective. Cette souffrance ne peut être éprouvée que par le patient et il n'appartient pas à son entourage d'en estimer le caractère intolérable.

­ le caractère incurable de la maladie;

Il est des cas où ce caractère incurable est difficile à établir. Aux dires de certains médecins, on peut se tromper sur un diagnostic. Il importe donc que cet aspect fasse l'objet d'une vérification sérieuse.

­ le pronostic d'un décès à brève échéance.

Cela exclut les patients atteints d'une affection accidentelle et toute demande de « suicide assisté ».

Ce sont ces trois conditions réunies qui permettent au médecin de présumer qu'il se trouve ou non dans un état de nécessité. Pour pouvoir parler d'euthanasie, ces trois conditions doivent être remplies. En dehors de ce cadre, on entre dans une réglementation extensive qui régira le suicide assisté. Ce débat ne peut pas être intégré dans celui sur l'euthanasie.

4. L'interdit du meurtre en droit pénal remplit une fonction symbolique essentielle

L'intervention législative proposée par les parlementaires de la majorité vise à fixer les conditions de l'euthanasie en modifiant le Code pénal grâce à l'insertion d'un article 417bis.

L'interdit fondateur de « ne pas tuer » doit rester un principe de base de notre droit pénal dont la fonction essentielle et symbolique est de garantir la valeur morale et sociale que constitue le respect de la vie.

Notre pays n'est pas un précurseur dans la réflexion sur l'opportunité de légiférer en matière d'euthanasie. D'autres pays ont mené des débats très larges pendant plusieurs années : des pays dont l'ouverture d'esprit est largement évoquée à d'autres occasions dans les grands débats éthiques, des pays aux cultures proches des nôtres. À ce jour, aucune nation dans le monde n'a pris la décision de revoir ce principe fondateur de la vie en société.

On peut admettre néanmoins, comme le prévoit déjà le droit pénal, que dans des situations tout à fait exceptionnelles, le sujet puisse invoquer un « état de nécessité » justifiant la transgression de la loi. Cet état de nécessité requiert des circonstances exceptionnelles, que peuvent rencontrer les médecins lorsqu' un patient, atteint d'un mal incurable, d'une souffrance insupportable que la médecine est impuissante à soulager et dont la mort est prévue à très brève échéance, exprime de manière persistante sa volonté d'anticiper la fin de sa vie. Dans ces cas déterminés, le médecin peut apprécier qu'il se trouve face à un état de nécessité.

Dans cette hypothèse, le médecin ne peut pas être laissé à lui-même. Il ne peut apprécier seul cet état de nécessité, sans consulter certains acteurs-clés. Il y va de l'intérêt du patient qui doit pouvoir maintenir une confiance absolue dans le diagnostic qui lui est proposé, et de celui du médecin qui partage ainsi au moins moralement la responsabilité de la décision.

Un tel encadrement, placé dans le contexte d'une éthique de discussion mettra le patient au centre d'un processus de décision pluridisciplinaire où sa demande spécifique doit être écoutée et prise en compte. Cette approche très prudente, qui protège au maximum le patient, peut-elle être qualifiée de « hypocrite et conservatrice » ? L'intervenant ne le croit pas.

5. La proposition de loi laisse le médecin seul face à la demande d'euthanasie

En effet, le texte rédigé par les parlementaires de la majorité exclut la concertation pluridisciplinaire au profit du seul colloque singulier entre le médecin et le patient. La procédure établie par la proposition de loi laisse le médecin seul face à la demande d'euthanasie. En effet, le texte prévoit que le médecin apprécie seul : le caractère répété et explicite de la demande d'euthanasie, l'état de conscience du malade, la persistance de la demande ainsi que la souffrance ou la détresse inapaisable du patient.

Aucune concertation n'est imposée entre le médecin et l'équipe soignante quant à l'appréciation de ces critères préalablement à la décision d'euthanasie. Le texte prévoit simplement la consultation d'un autre médecin indépendant sur le caractère incurable de la maladie. La consultation est purement facultative, les proches du patient et l'équipe soignante n'étant consultés que si le patient en fait la demande expresse. Le médecin est simplement tenu de vérifier que le patient lui-même a pu s'entretenir de sa requête avec toutes les personnes qu'il souhaite, ses proches et l'équipe soignante avec laquelle il entretient des contacts réguliers pouvant être comptés parmi ces personnes. L'intervenant note cependant une ouverture, notamment dans le chef d'un précédent orateur qui, dans une récente intervention, proposait la concertation obligatoire.

On peut adhérer totalement aux craintes formulées très récemment par le Dr D. Bouckenaere « de voir la puissance médicale se renforcer par une dépénalisation qui donne aux représentants de cette seule profession le droit de tuer et par l'absence de consultation collégiale destinée à tempérer l'arbitraire du médecin ».

En revanche, l'idée d'une consultation collégiale a priori a reçu l'adhésion de nombreux praticiens de soins continus, de confessions diverses. Ceux-ci estiment en effet que le colloque singulier doit se prémunir contre les risques d'interprétations trop subjectives de la souffrance ou du discours du patient, une concertation préalable à la décision devenant alors un garde-fou indispensable.

Cette consultation collégiale ne peut être assimilée à la décision d'un « tribunal », en lieu et place de celle du patient. Elle lui permet en revanche de prendre sa place dans le dialogue qui s'instaure au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

6. La proposition de loi déposée par les parlementaires de la majorité passe sous silence l'obligation d'assistance morale du médecin et du personnel soignant face à un patient en fin de vie

Or, cette obligation d'assistance est fondamentale, car elle impose aux praticiens de porter une attention particulière aux patients les plus vulnérables et d'envisager, avec les patients conscients, leur prise en charge palliative en faisant appel au personnel compétent pour assurer ce type de soins.

Il est essentiel que figure explicitement dans le texte de loi relatif à l'euthanasie et avant toute autre disposition, l'obligation qui pèse sur tout praticien de fournir au patient en fin de vie l'assistance morale et médicale nécessaire au soulagement de ses souffrances morales et physiques et à la préservation de sa dignité.

7. La proposition de loi confère à la déclaration de volonté anticipée du patient, la même valeur que sa demande expresse d'euthanasie. Elle organise en outre la désignation d'un mandataire qui exercera les droits du patient inconscient

Selon la proposition de loi des parlementaires de la majorité, tout patient majeur ou mineur émancipé capable peut, pour le cas où il ne pourrait plus exercer sa volonté, déclarer préalablement qu'un médecin interrompe sa vie s'il est inconscient et atteint d'une affection accidentelle ou pathologique incurable et qu'il n'existe aucun moyen de le ramener à un état conscient. Il désigne dans cette déclaration un ou plusieurs mandataires (à l'exclusion de son médecin traitant ou de l'équipe soignante), classés par ordre de préférence, qui se substitueront l'un à l'autre en cas d'empêchement, d'incapacité ou de décès. Dressée obligatoirement par écrit, en présence de deux témoins majeurs ( !), la déclaration de volonté anticipée doit avoir été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'incapacité de manifester sa volonté.

Dans cette hypothèse, le médecin décide seul, se référant à la déclaration du patient, de pratiquer l'euthanasie, le mandataire du patient exerçant ses droits, qui ne sont pas une obligation, notamment celui de consulter l'équipe soignante et les proches du patient.

Or, ce type de directives présente de grandes faiblesses :

­ Le fait de substituer une relation « papier », incapable de saisir la complexité du moment présent, à la relation « humaine » basée sur la confiance réciproque entre le soignant et le soigné. La directive anticipée tend, en outre, à déshumaniser la relation médicale en instaurant, en amont d'une situation de fin de vie, un contexte de méfiance, un sentiment de défense du patient à l'égard du médecin. Elle risque ainsi d'induire un comportement mécanique dans le chef du médecin, effrayé par le poids de la directive.

­ L'impossibilité d'évaluer la souffrance physique ou morale intolérable dans le chef du patient inconscient qui n'est plus à même de l'exprimer pose en outre problème.

Il en va de même de la désignation d'un mandataire amené à exercer les droits du patient et, comme le prévoit la proposition de loi, de consulter, en son nom, ses proches et l'équipe soignante quant à la demande d'euthanasie formulée par le patient dans la directive. La dimension hautement subjective de cette fonction la rend très délicate et génère dans le chef du malade une dépendance accrue vis-à-vis d'autrui, sans compter la lourde responsabilité à laquelle se trouve confronté le mandataire. Le danger est aussi de se trouver face à une personne de confiance « sur papier » dont les relations avec le malade se seraient dégradées.

La directive anticipée ne devrait être prise en compte qu'à titre d'éventuel élément d'appréciation dans le cadre d'un processus de concertation élaboré autour du patient, ce processus ne trouvant à s'appliquer qu'en état de nécessité dans des cas extrêmes tel, par exemple, le « coma irréversible ».

Un débat plus approfondi, moyennant l'audition d'experts se révèle en tout état de cause indispensable au sein du Sénat pour que soit abordée avec toute la nuance qui s'impose la problématique de l'euthanasie sur le patient inconscient.

L'intervenant constate qu'un consensus semble se faire à ce sujet, et s'en réjouit.

8. La proposition de loi organise un contrôle a posteriori généralisé. Elle ne prévoit en outre aucune sanction spécifique à l'égard du praticien qui aurait contrevenu aux dispositions qu'elle édicte

La proposition de loi organise une procédure de déclaration des euthanasies à l'officier d'état civil du lieu du décès ainsi qu'au procureur du Roi. Ce dernier peut exiger du médecin qu'il lui communique les éléments du dossier médical du patient relatif à l'euthanasie. L'autorisation d'inhumer est soumise à son accord préalable.

Notons qu'aucune sanction n'est encourue par le médecin qui omettrait d'effectuer cette déclaration ou qui pratiquerait l'euthanasie sur un patient ne répondant pas aux critères déterminés par le texte.

Mais, alors que le groupe de l'intervenant a subi le reproche de vouloir tribunaliser la décision en demandant l'avis préalable d'un comité éthique, on voit ici une systématisation de la déclaration au pouvoir judiciaire, véritable épée de Damoclès sur la tête des médecins, comme cela a déjà été dit.

La proposition cosignée par l'intervenant invite aux précautions a priori qui entraînent de facto la présomption d'existence de l'état de nécessité. A posteriori, elle propose la seule déclaration au médecin légiste, puisqu'il est la personne la mieux à même d'apprécier le bien-fondé de la pratique. Cette présomption simple est réfragable. Cela signifie que toute contestation d'un tiers ou toute mise en cause devra être étayée par des éléments probants dans le chef de l'accusateur. Dans ce système, on ne traitera que les exceptions, alors que, dans le système proposé par les parlementaires de la majorité, tous les cas seront soumis à l'appareil judiciaire.

Quels sont les risques d'un afflux de dossiers ?

­ Classement sans examen ? Mais alors, quelle est la nécessité de la procédure ?

­ Examen de tous les dossiers ? On imagine la culpabilisation des médecins et l'explosion des actions en justice, à moins que l'on revienne au système actuel de la pratique cachée. Si on y ajoute que le permis d'inhumer dépendra de la décision du Procureur du Roi, on peut aisément deviner les drames à venir.

Enfin, s'est-on posé la question du respect de la vie privée ? Le choix de l'euthanasie n'est-il pas d'ordre strictement privé ? Sera-t-il systématiquement envoyé sur la place publique, ne fût-ce que parce qu'on attendra un permis d'inhumer au-delà des délais habituels ?

Beaucoup de questions restent posées. Le souhait que forme l'intervenant en tant que responsable politique est de poursuivre tant le débat que la réflexion en appliquant le principe de précaution qui doit guider tous les travaux dans une question de cette importance. Il espère que le souci de dialogue qui semble prendre le pas sur des positions initiales plus restrictives ira en s'amplifiant, et se réjouit de pouvoir écouter le plus tôt possible les intervenants de terrain qui vivent ces problèmes douloureux dans leurs applications les plus concrètes.

Le président constate que le précédent intervenant a évoqué à plusieurs reprises les propositions « de la majorité ». Or, il a été dit à plusieurs reprises que ces propositions ont été déposées par des membres de la majorité, mais non au nom de celle-ci.

Un membre fait remarquer que la commission est saisie de toute une série de propositions relatives à l'euthanasie et aux soins palliatifs. Selon lui, la commission ne peut réduire le débat aux trois propositions qui ont été déposées en dernier lieu. La discussion doit être menée à un niveau plus large et les différents textes doivent être confrontés, après avoir discuté des valeurs générales qui sont ici en cause.

En tout état de cause, il est réjouissant que les commissions aient décidé de ne pas travailler dans la précipitation et, entre autres, de prendre le temps d'entendre un certain nombre d'acteurs sociaux. Dans des matières d'une telle importance sociale, les responsables politiques doivent être ouverts aux critiques et aux améliorations formulées par la société au sujet de leurs intentions.

Le fait que le débat sur cette problématique ait été confié au Sénat revêt une signification particulière. On s'attend à ce que, sans nier les oppositions, les discussions soient menées de manière rationnelle et sereine, en permettant à chacun d'exposer ses arguments et d'être entendu. En d'autres mots, cela traduit l'espoir que le débat ne sera pas mené sur la base de prises de position des partis politiques.

De ce point de vue, le débat est aussi un test pour le Sénat qui a ainsi l'occasion de prouver qu'il peut mener à bien les missions qui lui ont été confiées.

Le Sénat a déjà une première fois discuté de la problématique de l'euthanasie en décembre 1997 à l'occasion de l'avis rendu par le Comité consultatif de bioéthique qui avait formulé quatre propositions que l'on peut résumer ainsi :

1. le Code pénal est modifié afin que l'euthanasie ne soit plus définie comme un acte punissable;

2. le Code pénal n'est pas modifié, mais on prévoit une politique de tolérance avec une obligation de déclaration afin de permettre un contrôle a posteriori. Une réglementation semblable est actuellement en vigueur aux Pays-Bas;

3. le Code pénal n'est pas modifié, mais des mesures de contrôle et d'accompagnement a priori et a posteriori sont imposées en vue de la régulation (et non de la législation) de l'euthanasie en cas d'état de nécessité;

4. le maintien de la situation actuelle.

Les réactions des différents groupes sociaux à ce débat furent assez positives, notamment parce que beaucoup avaient l'impression qu'un compromis par-delà les différents partis était possible et qu'il y avait une volonté au sein du monde politique de parvenir à un tel accord.

Le membre se déclare d'autant plus surpris, précisément à la lumière de ce qui précède, que les groupes de la majorité aient déposé en commun un texte basé sur la première option du comité consultatif, ce qui amènerait la Belgique à avoir la législation la plus pointue au monde sur l'euthanasie. Au cours du débat, il était clair qu'il s'agissait là de l'option la plus marginale, alors que chacun considérait que le plus large consensus serait possible sur la troisième option.

Selon lui, ce développement peut seulement s'expliquer par les résultats des élections du 13 juin 1999. Ceux qui consultent la presse à ce sujet constateront que, y compris dans le monde extérieur, on a l'impression qu'une partie de la majorité actuelle jugeait impossible d'élaborer la réglementation sur l'euthanasie en concertation avec le groupe de l'intervenant.

La question est de savoir si l'opinion publique souhaite que le débat soit mené d'une telle manière. Les signaux provenant de différentes couches sociales mettent au contraire en évidence le souhait que les discussions aient lieu dans un contexte aussi large que possible.

Sur ce plan, il conviendrait de rectifier certains propos relatifs à la manière dont le groupe de l'intervenant considérait récemment encore les problèmes éthiques d'un point de vue politique. Le fait que, dans un accord de gouvernement, il ait été convenu de ne former aucune majorité alternative dans ce domaine ne signifie en aucun cas que nous souhaitons empêcher le débat sur de tels sujets. Les démocrates chrétiens ont une vision claire de la société ainsi que du rôle que les pouvoirs publics doivent remplir en la matière. Ce rôle n'est pas limité au domaine socio-économique. Manifestement, personne n'a d'objection à ce que, dans un accord de gouvernement, des accords très précis soient conclus sur le plan socio-économique.

En quoi peut-on s'opposer, par rapport à des questions éthiques, à la création d'un cadre offrant la garantie d'un large consensus quand des décisions sont prises ?

D'ailleurs, personne ne peut nier les efforts que les démocrates chrétiens ont faits ces dernières années pour initier et mener un débat serein sur des sujets éthiques.

Dans l'accord de gouvernement actuel, il est stipulé que le Parlement doit pouvoir prendre sa pleine responsabilité en ce qui concerne les thèmes éthiques et ce, sur la base de la conviction individuelle et de la conscience de chacun, entre autres en matière d'euthanasie.

Toutefois, en partant d'un tel point de vue, à savoir celui d'un droit absolu à l'autodétermination que la pluralité des choix présuppose, on reconnaît uniquement au législateur le devoir de rendre possible cette pluralité des choix. C'est une option idéologique qui nuit à la complexité de la mission d'un État et d'une société.

Le membre est dès lors d'avis qu'il faut examiner en premier lieu si le droit à l'autodétermination est l'alpha et l'oméga de cette discussion, comme on doit le conclure des exposés des auteurs de la proposition de loi nº 2-244-1. L'idée de base de cette proposition consiste en effet en la réalisation du droit à l'autodétermination du patient incurable.

Tout juriste sait cependant que l'autodétermination n'existe pas en tant que droit de l'individu. Quiconque conteste cela peut essayer de prouver le contraire sur la base de la législation belge, de la Constitution ou des actes internationaux auxquels la Belgique a souscrit.

L'autodétermination existe bien en tant que donnée préjuridique, en tant qu'argument politique grâce auquel, dans une conception bien déterminée, un but poursuivi est présenté comme un droit. C'est une stratégie qui est souvent appliquée dans le monde politique. L'idée de l'existence d'un droit à l'autodétermination n'est d'ailleurs pas neuve. Elle remonte au XIXe siècle et correspond aux conceptions extrémistes sur le droit à la propriété qui étaient répandues à l'époque mais qui sont aujourd'hui complètement dépassées.

Non seulement le droit à l'autodétermination n'a aucune base juridique mais, sur le plan du contenu, il est aussi beaucoup trop restreint pour rapprocher une telle problématique. Concrètement, quand un patient qui a toute sa conscience demande un traitement médical à son médecin, ce dernier doit, en vertu du droit à l'autodétermination du patient, y accéder sans plus. Aujourd'hui, plus personne ne croit encore que la médecine doit fonctionner de cette manière. La demande du patient ne peut jamais exclure la propre responsabilité du médecin. Celle-ci repose sur d'autres règles et ne peut être ignorée au nom du droit à l'autodétermination qui existerait dans le chef du patient.

Parallèlement, la question doit d'ailleurs être posée de savoir si la demande d'euthanasie formulée par un patient est bien l'expression de sa volonté de disposer de sa vie, ou si cette demande ne cache pas un appel au secours, un appel visant à ne pas être abandonné à son sort. En passant outre et en prenant simplement comme point de départ un droit à l'autodétermination dans le chef du patient, la problématique est rétrécie de manière irresponsable et sa complexité est niée.

Finalement, à côté du médecin et du patient, un troisième acteur intervient encore, à savoir la société dont l'individu fait partie de manière indissociable. La question relative au droit de décision sur la vie n'est pas de nature contractuelle mais peut uniquement recevoir une réponse dans un large cadre social.

L'intervenant conclut en disant que Gramsci savait déjà que, dans une discussion politique, il s'agit d'occuper les concepts. Dans une société où l'autonomie personnelle occupe une place importante, la simple utilisation d'un concept comme celui du droit à l'autodétermination est effectivement déjà un argument fort. Toutefois, à la lumière de ce qui précède, il doit être suffisamment clair que ce concept est trop restreint pour saisir la complexité des problèmes relatifs à la fin de la vie et élaborer une réglementation légale.

Si l'on décide de dépénaliser l'euthanasie, il est nécessaire de partir d'un scénario « worst-case ». Une telle législation a en effet toute une série de conséquences dérivées. À côté de l'intégrité de la vie humaine, il y a aussi toute une série de choses en cause, comme le souci d'intégrité morale de la profession médicale, celui d'exclure les abus, la négligence ou l'incompréhension à l'égard des personnes très vulnérables.

On agirait erronément si, par optimisme immodéré, on fermait les yeux sur ce genre de situation. Notre société est connue pour sa réglementation poussée dans la plupart des domaines. Il serait pour le moins étrange que, dans un tel contexte, la résolution des problèmes relatifs à la fin de la vie soit laissée à la bonne volonté des différentes personnes concernées. De ce point de vue aussi, on doit élaborer une réglementation s'appuyant sur le fait que l'autodétermination est absolument insuffisante.

Une autre question qui n'est pas moins importante est celle de savoir dans quelle mesure une réglementation qui s'appuie sur l'autodétermination du patient est compatible avec la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dans cette convention, le droit à l'autodétermination n'est pas reconnu. L'article 2 stipule en revanche que :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

c) ... »

Jusqu'à présent, dans ce débat, on a consacré peu d'attention à la portée de cet article et au fait de savoir si l'euthanasie volontaire peut être considérée comme compatible avec le principe de la protection de la vie qui est établi ici.

Les termes de la première phrase de l'article 2 sont très généraux. La loi doit protéger la vie de chacun, ce qui implique que l'on doit toujours pouvoir invoquer sa protection. La jurisprudence de la Commission européenne de Strasbourg fait apparaître que cet article contient non seulement une obligation négative à l'égard des pouvoirs publics (tu ne tueras pas) mais également une obligation positive de prestation, à savoir la protection de la vie.

Ainsi, la Commission stipulait en 1978 : « La première phrase de l'article 2 impose à l'état une obligation plus large que celle que contient la deuxième phrase. L'idée que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi enjoint à l'état non seulement à s'abstenir de donner la mort intentionnellement mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie. »

L'article 2 détermine par conséquent que les pouvoirs publics doivent protéger le droit à la vie de manière active, mais il ne dit pas de quelle manière ils doivent procéder. Il va de soi que l'interdiction pénale de meurtre et celle d'homicide en sont l'expression. La Commission a cependant déclaré que l'article 2 implique aussi qu'on doit pouvoir déterminer la responsabilité du médecin dans le décès de son patient. Selon la Commission, les obligations positives de l'État en vue de protéger la vie sont notamment : « la mise en place par les hôpitaux de mesures réglementaires propres à assurer la protection de leurs malades » et plus loin « l'obligation d'instaurer un système judiciaire efficace permettant d'établir le constat d'un décès survenu à l'hôpital et éventuellement la responsabilité des médecins traitants ».

De l'article 2 découlent plusieurs obligations positives pour les autorités, obligations par ailleurs reconnues par toutes les sociétés occidentales.

Dans ce contexte, peut-on déclarer que chacun bénéficie de la protection de la loi tout en ayant la possibilité de renoncer à cette protection ? La réponse à cette question est indiscutablement négative. La littérature juridique ne laisse planer aucun doute sur le fait que ces dispositions sont d'ordre public.

La jurisprudence relative à l'article 6 de la convention, qui garantit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, nous apprend ce que cela signifie concrètement. Toute disposition d'une convention qui ne respecte pas ce droit est systématiquement considérée comme nulle.

Ainsi, l'autorisation ou la demande du patient que l'on mette fin à ses jours ne peut jamais constituer une justification suffisante permettant de renoncer à la protection garantie par l'article 2 de la convention.

La raison pour laquelle les auteurs de la convention ont opté pour ce concept est liée en grande partie à l'époque à laquelle le texte a été rédigé. Après avoir connu la Seconde guerre mondiale, on estimait nécessaire de protéger le citoyen contre des décisions arbitraires au moyen de déclarations internationales. On a voulu faire comprendre que l'être humain ne vit pas seul.

Dans Les mandarins, Simone de Beauvoir décrit la confrontation qui a lieu entre, d'une part, une personne qui veut se suicider parce qu'elle imagine avoir sa propre vie entre ses mains et, d'autre part, la fille de cette personne. Après la confrontation, cette personne en arrive à la conclusion qu'elle a effectivement sa mort entre ses mains, « mais ce sont les autres qui la vivent ».

L'article 2 traduit la pensée que le droit exercé sur la vie ne constitue pas un droit de propriété. C'est la loi qui, en toutes circonstances, doit protéger la vie.

Il faut également noter l'importante décision du 4 octobre 1989 prise par la Commission sur le cas d'une personne condamnée à la détention à perpétuité qui avait demandé aux autorités pénitentiaires de mettre à sa disposition les moyens nécessaires pour mettre fin à sa vie. Cette personne se trouvait dans une situation de détresse psychique : elle ne pouvait supporter sa peine plus longtemps. La Commission a jugé très clairement que cette demande était inacceptable. En effet, accéder à cette demande aurait été en contradiction avec l'article 2 de la convention, qui impose aux États l'obligation de protéger la vie.

Ceci ne clôt toutefois pas le débat. Le droit doit tenir compte des réalités sociales et tenter de proposer une solution aux difficultés qui apparaissent dans la société.

C'est pourquoi l'intervenant s'attarde sur la question relative aux conflits possibles entre les obligations imposées par l'article 2 et les autres droits accordés à l'individu.

Ainsi, l'administration de traitements médicaux inutiles pourrait être en contradiction avec l'article 3 de la convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Il importe de ne pas confondre des situations différentes et de distinguer ainsi le refus de subir des traitements thérapeutiques lourds et inutiles, d'une part, et la demande d'euthanasie, d'autre part. L'article 4 de la proposition de loi nº 2-244 ne fait en effet pas la distinction entre ces situations.

La question est dès lors de savoir où se trouve la limite entre les traitements utiles et les traitements inutiles. En particulier, la possibilité d'administrer des soins palliatifs dans une situation de crise doit-elle nous amener à conclure que l'euthanasie n'est pas le seul moyen de faire face à une situation de crise ? En d'autres termes, les soins palliatifs constituent-ils une alternative à l'euthanasie pour sortir d'une situation de crise ?

L'intervenant renvoie au livre Le grand secret dans lequel le docteur Gubler, le médecin de François Mitterrand, décrit l'historique de la maladie du président atteint d'un cancer depuis 1981. L'auteur explique dans ce livre qu'il n'est pas possible de déterminer avec exactitude si une situation terminale concrète correspond à la souffrance inutile que le patient dit vouloir éviter de manière abstraite dans son testament. On ne peut exclure que la capacité du patient à donner un sens à sa fin de vie augmente au moment où il est confronté concrètement avec la phase terminale de sa vie.

À propos des soins palliatifs dont le président a bénéficié pendant les dix-huit derniers mois de sa vie, l'auteur écrit :

« Si d'un côté tout le monde refuse la souffrance et la déchéance, de l'autre tout le monde veut continuer à vivre. Même chez les êtres les plus lucides, les plus forts mentalement, au fur et à mesure que l'heure approche on voit se nuancer la revendication d'une mort digne. Ce que l'on croyait être une vérité à un moment de sa vie ne l'est plus face à la maladie. François Mitterrand a suivi le même chemin. Si en 1981, on lui avait appris qu'on se livrerait à un tel acte sur lui (cf. soins et accompagnement) il aurait hurlé que jamais il ne l'autoriserait. Pourtant depuis il l'a accepté. Peu d'hommes lucides savent refuser une proposition palliative qui leur permet de vivre correctement. »

Cette citation montre la complexité de la situation dans laquelle se trouve le patient incurable et les possibilités offertes par la médecine pour éviter que le patient se retrouve dans une situation indigne.

Elle montre également que, lorsqu'un patient se retrouve dans une situation inhumaine et dégradante, on est confronté à un conflit des droits fondamentaux décrits aux articles 1er et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Personne ne peut rendre l'État responsable de toutes les souffrances de la société. Cependant, il arrive qu'un médecin fasse l'objet de poursuites pénales pour assassinat ou homicide lorsqu'il met fin à la vie d'un patient qui le demande et qui ne peut être libéré de sa souffrance insupportable par aucun autre moyen. On pourrait alors dire que cette interprétation du Code pénal est contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il est essentiel que le médecin en question n'ait aucune autre possibilité, par exemple les soins palliatifs, pour atténuer la douleur insupportable du patient. Il faut en effet toujours lire l'article 3 de la Convention européenne en même temps que l'article 2. Il doit clairement y avoir une situation conflictuelle entre les deux articles. On ne peut choisir à sa meilleure convenance l'un ou l'autre article.

L'orateur en conclut que la proposition de loi nº 2-224/1 est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme parce que :

­ sa formulation est beaucoup trop générale;

­ elle prive le patient en fin de vie de la protection de la loi;

­ on ne peut obliger personne à subir des traitements inhumains, mais que l'inhumanité d'un traitement ne peut être invoquée pour mettre fin à la vie que s'il n'existe aucune alternative; autrement dit, s'il y a conflit manifeste entre les articles 2 et 3 de la convention.

Ce dernier point implique qu'il n'est possible de résoudre ce problème qu'en faisant appel à l'état de nécessité.

Le membre souhaite ensuite s'attarder sur un sujet déjà abordé par plusieurs orateurs, à savoir la nécessité d'une réglementation garantissant l'indispensable sécurité juridique.

Il va de soi que la sécurité juridique est d'un tout autre ordre que le concept de sécurité dans les sciences positives.

La sécurité juridique implique que le justiciable puisse aligner en confiance son comportement sur la règle de droit. Cela suppose en premier lieu que l'on utilise des concepts clairs. Il doit être possible, par une analyse raisonnée des textes, de prévoir quelles seront les conséquences juridiques des actes que l'on pose. C'est pourquoi des définitions vagues, telles qu'elles apparaissent dans la proposition nº 2-244/1, ne sont pas conciliables avec la sécurité juridique.

Lors du jugement d'actes médicaux, la sécurité juridique ne peut également être établie qu'après que l'acte a été posé. Si l'on examine la jurisprudence relative à cette matière, on constate que les tribunaux procèdent de plus en plus souvent au contrôle a posteriori des actes médicaux, ce qui entraîne parfois de grandes surprises pour les médecins.

Si l'on souhaite procéder à une régulation (non à une légalisation) de l'euthanasie, il faut que celle-ci offre aux médecins une sécurité juridique suffisante. Celle-ci n'est possible que si l'on développe des formules de contrôle a priori permettant au médecin, s'il respecte certains paramètres bien définis, d'être raisonnablement sûr d'avoir agi dans les limites de ce qui est autorisé.

Autrement dit, on ne peut garantir au médecin une sécurité juridique purement abstraite. On ne peut offrir la sécurité juridique qu'en élaborant suffisamment de garanties concrètes. Ces garanties ne doivent pas seulement défendre le patient face à l'arbitraire, mais également le médecin qui, sinon, sera toujours freiné dans ses actes parce qu'il ne sait pas à quoi s'en tenir.

Dès lors, l'argument qui consiste à dire que la dépénalisation de l'euthanasie implique la sécurité juridique, ne tient pas debout. Au contraire, la dépénalisation affaiblit la sécurité juridique du patient car ce dernier bénéficierait alors d'une protection juridique insuffisante. De son côté, le médecin ne disposerait pas de suffisamment de points de repère pour être raisonnablement sûr que ses actes médicaux ne seront pas sanctionnés a posteriori.

L'orateur s'attarde ensuite sur un aspect essentiel de la proposition de loi qu'il a déposée avec plusieurs membres de son groupe. Cette proposition préconise de réguler l'euthanasie par la technique de l'état de nécessité. L'euthanasie ne peut dès lors pas être dépénalisée. Cette proposition n'est pas qu'une affaire de symboles.

Dans son intervention, un membre s'appuie sur l'arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1987 pour déclarer que le concept d'« état de nécessité » ne constitue pas une version « affaiblie » de l'article 71 du Code pénal, mais un principe plus général. En examinant la jurisprudence, on remarquera toutefois que depuis 1987, la Cour de cassation a invoqué dans plusieurs arrêts l'état de nécessité en application de l'article 71.

La définition utilisée depuis très longtemps par la Cour de cassation est suffisamment connue : l'état de nécessité constitue une cause de justification lorsque plusieurs conditions sont remplies, à savoir que la valeur de ce à quoi on renonce est inférieure ou égale à la valeur du bien que l'on veut préserver, que le droit ou l'intérêt à préserver court un danger grave et imminent, que le mal ne peut être évité que par le délit et que la personne concernée n'a pas engendré elle-même l'état de nécessité.

Cette définition apparaît entre autres dans les arrêts de la Cour de cassation des 28 avril 1999, 26 juin 1996, 5 avril 1996 et 10 janvier 1995. Dans ce dernier arrêt, la Cour invoque la violation de l'article 71 comme un moyen d'ordre public. Il est donc indubitable que notre droit reconnaît l'état de nécessité et que celui-ci découle de l'article 71 du Code pénal.

Comme le précise la proposition de loi nº 2-160/1, l'état de nécessité implique un conflit d'intérêts lorsqu'une valeur est moins importante que l'autre ou, en cas d'égalité des valeurs, lorsque la conservation d'une valeur implique la perte de l'autre.

La proposition de loi reconnaît qu'à la fin de la vie, le médecin peut se trouver devant le choix crucial suivant : d'une part, aider le patient et lui assurer une existence la plus digne possible et, d'autre part, maintenir la vie humaine. On ne peut honnêtement prétendre que cette situation ne correspond pas au concept juridique d'état de nécessité tel que la Cour de cassation le définit.

L'orateur fait remarquer qu'en dehors du monde de la justice, peu de gens savent exactement ce que recouvre le terme « état de nécessité » car ils le confondent souvent avec une situation de détresse individuelle. Il s'agit pourtant de deux concepts totalement différents. Alors que l'état de nécessité juridique constitue un concept objectivé, la situation de détresse individuelle s'appuie principalement sur une perception subjective.

L'état de nécessité ne peut être invoqué qu'en l'absence d'alternative. C'est fondamental dans le cas de l'euthanasie. C'est également le raisonnement tenu dans l'arrêt du Hoge Raad néerlandais du 21 juin 1994 qui se prononçait sur la question de savoir si l'on peut euthanasier un patient bénéficiant de soins psychiatriques. Le Hoge Raad avait estimé que l'on ne pouvait invoquer l'état de nécessité s'il existe une alternative réelle pour atténuer la souffrance pourtant refusée en toute liberté par la patient.

L'intervenant fait remarquer qu'on comprend tout de suite, à la lumière de ce qui précède, pourquoi la proposition de loi nº 2-160/1 attache une telle importance aux soins palliatifs. Il s'agit d'un signal qui montre que dans la grande majorité des cas, il y a bel et bien des alternatives à l'arrêt de la vie. Dans ces cas-là, il ne peut être question d'un état de nécessité qui justifierait l'euthanasie.

Contrairement à ce que certains affirment, il existe entre les deux solutions, la dépénalisation ou le recours à l'état de nécessité, d'importantes différences juridiques qui sont loin d'être purement symboliques.

Cette manière de voir est dans une large mesure déterminée par des fonctions du droit pénal dans la société.

En soumettant une certaine manière d'agir au droit pénal, on la met davantage en évidence que par une simple déclaration ou explication.

L'objectif du droit pénal ne peut être purement instrumental. Il remplit plusieurs fonctions. Celle d'éviter les préjudices et délits n'en représente qu'une parmi d'autres. Si une disposition pénale ne pouvait en même temps contenir un jugement de valeur, elle serait, en exagérant quelque peu, une sorte d'accise. On considérerait comme acceptables le vol ou l'homicide pour autant que l'on soit prêt à en payer le prix sous la forme d'une peine de prison.

Lorsque la société intègre un certain type d'agissements au Code pénal, elle lui associe un jugement. Dans le contexte de ce débat, cela veut dire qu'une interdiction de principe de l'euthanasie dans le Code pénal signifie en même temps qu'il ne s'agit pas d'un traitement médical ordinaire. Inversement, une dépénalisation signifierait qu'il s'agit bel et bien d'un traitement médical ordinaire, ce qui pourrait modifier profondément l'ordre des attentes autour du lit du mourant.

L'auteur néerlandais Switters écrit à ce propos : « Ce qui était autrefois interdit devient une option et ce qui est une option devient perméable à la pression que renferment les dépendances sociales et l'impuissance psychique. Cette évolution fragilise particulièrement la culture occidentale dans laquelle la population entretient une relation avec la mort qui est loin d'être facile. Nombreux sont ceux qui préfèrent une interdiction pénale, étant convaincus de devoir respecter une frontière sacrée : le terme euthanasie ne peut être cité dans le langage courant en tant que traitement possible, tout au plus est-il autorisé exceptionnellement lorsque masqué par d'autres définitions. »

Si l'on part de ce principe, le concept d'« état de nécessité » constitue la solution la plus évidente pour rencontrer, dans des circonstances bien définies, la demande du patient de mettre fin à sa vie.

Certains sont d'avis que le fait que l'on puisse invoquer l'état de nécessité que sous certaines conditions légales prouve qu'il ne s'agit pas d'un état de nécessité. De leur côté, les médecins déclarent que leur déontologie médicale générale les autorise aujourd'hui à invoquer l'état de nécessité.

Une telle déclaration ne peut toutefois suffire. Il est nécessaire de créer un cadre pour, d'une part, rendre la prise de décision transparente et garantir les droits du patient et, d'autre part, donner au médecin la sécurité juridique nécessaire. La concrétisation des conditions dans lesquelles on peut invoquer un état de nécessité ne revient absolument pas à nier l'existence de l'état de nécessité, mais a pour seul objectif que les décisions soient prises dans un cadre qui offre les garanties exigées tant par le patient que par le médecin.

Le membre pense que ceci constitue le contexte dans lequel il faut replacer la troisième proposition du Comité consultatif de bioéthique. Une concertation a priori n'a pas pour but de mettre le patient sous tutelle, elle est nécessaire pour soutenir la prise de décision et garantir la sécurité juridique des différentes parties. Le choix du terme « concertation » en lieu et place de « contrôle » constitue ici un choix délibéré car il convient de donner à ce concept une connotation positive.

Il va de soi que, dans cette optique, le contrôle a priori revêt également une grande importance. La proposition de loi nº 2-244/1, qui prévoit uniquement la transmission du dossier au parquet, laisse à cet égard beaucoup à désirer. La proposition de loi nº 2-160/1 offre de meilleures garanties au patient ainsi qu'au médecin, notamment en insérant un tampon, en la personne d'un médecin légiste, avant que le dossier n'aboutisse au parquet. Ce système rend possible la concertation et la prise de décision objectivée sans se retrouver immédiatement dans la sphère criminelle.

Il peut comprendre que tous les membres de ces commissions ne partagent pas les points de vue qu'il vient d'exposer. Il espère toutefois qu'ils pourront manifester de la compréhension pour les idées sous-jacentes, à savoir que le maintien de l'euthanasie dans le droit pénal représente davantage qu'un simple symbole. Si l'on est prêt, indépendamment de toute considération politicienne, à continuer d'explorer cette voie, il sera possible de rapprocher les différentes visions qui coexistent au sein de ces commissions.

L'orateur poursuit en disant qu'outre ces différences de principe, il existe d'importantes différences juridiques entre une dépénalisation de l'euthanasie et le recours à l'état de nécessité. Ces différences sont liées à la manière dont la loi pénale est rédigée, dont la charge de la preuve est organisée et dont le Code pénal est interprété.

Si l'on dépénalise l'euthanasie en assortissant cette dépénalisation d'un certain nombre de critères de prudence, la loi supposera qu'il s'agit d'un acte légitime. Il appartiendra alors au procureur du Roi de prouver que les conditions légales n'ont pas été respectées. Le caractère punissable est interprété de façon restrictive.

Si par contre on fait appel à l'état de nécessité, l'interdiction fondamentale de l'euthanasie restera intacte dans le Code pénal. La charge de la preuve se trouvera alors chez la personne qui invoque l'état de nécessité. Ce sont ici les conditions d'existence de l'état de nécessité qui sont interprétées de manière restrictive.

Le membre est d'avis qu'un des défauts importants de la proposition de loi nº 2-244/1 consiste dans les possibilités de fraude que présente ce règlement de l'euthanasie. Il a déjà signalé précédemment qu'un tel règlement doit se baser sur le scénario du pire.

Une étude récente des universités de Bruxelles, Gand et Nimègue, que 'autres membres ont déjà mentionnée, montre qu'il est très difficile de contrôler des actes médicaux a posteriori. La jurisprudence fait ainsi apparaître combien il est difficile pour le patient et son entourage de prouver la responsabilité du médecin lors d'une intervention chirurgicale. En effet, il s'agit dans ce cas d'actes exécutés dans une sphère très intime et sous anesthésie.

Pour autant que l'on sache, l'étude démontre que la protection des droits du patient vis-à-vis du traitement médical, dans la phase terminale de la vie, est totalement impossible si on réduit cette question à une réglementation de l'euthanasie. Lorsque la mort est proche, de nombreuses décisions médicales sont prises. Elles n'ont rien à avoir avec l'euthanasie et elles ne peuvent être contrôlées sans un cadre juridique sérieux. Elles sont exécutées dans un contexte qui n'est absolument pas transparent.

Enfin, l'orateur souhaite encore formuler un certain nombre de critiques plus concrètes au sujet de la proposition de loi nº 2-244/1.

­ Il ressort de ce qui précède que la rédaction de l'article 417bis du Code pénal telle que proposée est trop large.

La possibilité de procéder à une euthanasie en dehors de la phase de fin de vie ne correspond pas à la vision qu'il a exposée à ce sujet.

En outre, la notion de « détresse insupportable » est trop vague pour déterminer de façon précise les situations qui peuvent être concernées. Cette notion permettrait d'euthanasier des patients qui peuvent encore vivre durant de nombreuses années. On peut se demander si une telle réglementation bénéficie d'une assise sociale.

­ Il existe des discordances évidentes entre les articles 3 (qui réglemente l'euthanasie pour les patients conscients) et 4 (relatif à la déclaration anticipée) de la proposition. Ce sont notamment les conditions de fond pour l'application de ces articles qui ne sont pas uniformes. En même temps, bon nombre de questions ­ relatives au caractère non contraignant de la déclaration anticpée et au droit d'appréciation dont dispose le médecin en la matière ­ restent sans réponse.

­ Le fait que les soins palliatifs soient inscrits dans la loi constitue un point positif. Cependant, cette forme de soins devrait de préférence être intégrée dans une réglementation légale plus large qui garantirait au patient le droit de mourir dans la dignité. La méthode de travail utilisée envoie un mauvais signal car elle suggère que l'euthanasie et les soins palliatifs constituent des traitements alternatifs entre lesquels le patient peut choisir. Comme exposé précédemment, la possibilité de recourir à l'euthanasie peut, selon lui, n'être envisagée qu'en ordre subsisidaire, au cas où les soins palliatifs ne peuvent offrir de réponse aux problèmes du patient.

­ La commission d'évaluation telle que définie dans la proposition de loi nº 2-245 est absolument insuffisante pour assurer un contrôle correct de la réglementation relative à l'euthanasie. La simple information du procureur du Roi (sans qu'une sanction soit prévue) ne peut suffire pour créer un mécanisme de contrôle qui offre une sécurité juridique au patient et au médecin.

L'orateur conclut que, contrairement au souhait apparent de certains autres membres, il ne voit pas pourquoi, dans l'état actuel du débat, son groupe devrait déposer des amendements à la proposition de loi nº -244/1. Ce dernier a d'ailleurs déposé lui-même une proposition traduisant clairement les points de vue qui viennent d'être exprimés.

Outre ces propositions de loi, il existe d'ailleurs une série d'autres dont on peut discuter. Une fois que les auditions seront terminées, les commissions devront déterminer l'orientation de leurs travaux ultérieurs, de même que les options de principe qu'elles souhaitent prendre comme point de départ et à la lumière desquelles elles choisiront le texte le plus adéquat. Une autre possibilité pour les commissions consisterait à tenter, sur la base des discussions, de rédiger un texte entièrement neuf.

Il est cependant prématuré d'en parler maintenant. Ceux qui affirment déjà savoir laquelle des propositions servira finalement de base à une réglementation, anticipent donc largement sur les faits.

Un sénateur souhaite faire trois remarques concernant les interventions précédentes.

Il constate que la proposition de loi no 2-244/1 ne maintient pas dans le Code pénal l'interdiction de principe de l'euthanasie. C'est par contre bel et bien le cas dans la proposition de loi qui est examinée pour l'instant aux Pays-Bas : tuer un patient à sa demande est considéré comme un fait punissable et une peine est prévue. En même temps, il n'y a toutefois pas de délit si certaines conditions sont remplies lorsque l'on met fin à une vie.

Si l'on suivait cette voie, la différence avec une réglementation basée sur l'état de nécessité, telle que proposée par un orateur précédent, deviendrait particulièrement faible. On ne touche en effet pas à l'interdiction de principe de l'euthanasie.

Dans ce débat, on a constamment fait référence à l'enquête récente mais non publiée concernant le traitement médical en fin de vie. En tant que médecin, il peut témoigner que, chez les patients chroniques qui décèdent à la suite de leur maladie, il y a toujours une intervention médicale qui a éventuellement hâté la mort. C'est aussi une question qui doit être réglée. Le moyen le plus adapté pour le faire semble être une législation relative aux droits du patient, qui est aussi examinée pour l'instant.

Il constate enfin que les soins palliatifs sont parfois opposés à l'euthanasie comme s'il s'agissait de deux alternatives entre lesquelles le patient peut choisir. La réalité est cependant beaucoup plus complexe. L'aide palliatieve constitue une suite d'actes médicaux et non un ensemble de soins distinct pour lequel on peut opter. L'administration de cytostatiques, par exemple, constitue dans certains cas un traitement curatif mais, dans beaucoup d'autres, elle est une forme de soins palliatifs. La même chose vaut pour la radiothérapie.

On doit par conséquent se garder de considérer les soins palliatifs comme un ensemble distinct de soins médicaux, parce que ceux-ci pourraient alors être considérés comme une alternative à l'euthanasie, le patient devant choisir entre les deux.

Un membre relève que la question de la sensibilité à la fraude de la loi a été évoquée par un autre intervenant.

Celui-ci a notamment fait référence à l'étude qui montrait combien, actuellement, le contrôle des actes médicaux est difficile.

C'est précisément la raison pour laquelle les six auteurs ont déposé leur proposition.

Le docteur Wynen a fait le même constat dans une interview que d'aucuns ont montée en épingle.

Comme l'écrivait un lecteur dans le courrier du Soir : « Si une loi existe, il est du devoir du citoyen de la respecter et de celui du législateur de la faire appliquer. Si les poursuites légales sont pratiquement inexistantes, cela implique qua ladite loi n'est plus de mise. Il faut donc la remettre en cause. À défaut, le laxisme légal met le citoyen en porte-à-faux et constitue, par cette ambiguïté, un obstacle à la saine pratique démocratique. »

Ce raisonnement paraît tout à fait logique. Lorsqu'une loi existe, on la respecte; si on ne la respecte pas, il faut la modifier.

Il est assez curieux de prétendre que la proposition, une fois devenue loi, pourrait aggraver la situation alors qu'aujourd'hui, l'euthanasie est pratiquée et non poursuivie. Certains font même état d'un nombre de cas plus grand qu'on ne l'a dit dans les études fournies jusqu'ici.

Enfin, quoique l'on fasse état de la volonté d'arriver à un accord, l'intervenant constate qu'il subsiste toujours un fossé profond entre les thèses en présence.

L'intervention d'un membre à propos des éléments essentiels de la proposition est assez illustrative de ce fait. Ainsi, en ce qui concerne la position des soins palliatifs par rapport à l'euthanasie, le groupe de cet intervenant a clairement exprimé que ce n'était qu'après que tout a été fait en matière de soins palliatifs, que l'euthanasie peut éventuellement intervenir, dans certaines circonstances.

Dès le départ, c'est avec le patient que l'on envisage sa prise en charge dans le cadre de soins palliatifs. C'est, par conséquent, le passage obligé avant d'en arriver éventuellement, dans les cas extrêmes, et dans le cadre d'un état de nécessité, à accepter une demande d'euthanasie. Il y a là une divergence fondamentale avec la proposition des six auteurs.

Une autre divergence essentielle consiste dans le point de savoir si l'on modifie ou non le Code pénal.

Enfin, la notion de dialogue entre patient et médecin constitue aussi un point fondamental d'opposition puisque les uns étendent considérablement cette notion jusqu'à une « sociétalisation » de la demande du patient (concertation avec l'équipe soignante, évaluation éthique de l'état du patient, avis du comité d'éthique local), alors que d'autres privilégient le libre choix du patient quant à sa vie et à sa mort.

Pour le surplus, l'intervenant souhaite émettre quelques considérations sur des remarques formulées à propos de la Convention européenne des droits de l'homme, et le point de savoir si l'euthanasie n'est pas condamnée par l'article 2 de cette convention.

Pour rappel, cette disposition prescrit que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi, que la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal, au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

Par ailleurs, la mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.

La question est de savoir en quoi la proposition de loi des six auteurs serait battue en brèche par les dispositions de l'article 2 CEDH.

En droit positif, il faut noter tout d'abord que les organes de contrôle du respect de la convention ont été jusqu'à présent extrêmement prudents lorsqu'il s'est agi de vérifier la compatibilité des dispositions de cet article avec certaines situations relevant de la liberté individuelle.

Ainsi, dès 1980, à propos d'un problème d'avortement, la Commission a été amenée à se demander si l'article 2 de la CEDH devait être interprété comme ne concernant pas le foetus, ou comme reconnaissant à celui-ci un droit à la vie assorti de certaines limitations implicites, ou encore comme lui reconnaissant un droit à la vie de caractère absolu.

Si la Commission a écarté d'office la troisième hypothèse qui empêcherait l'avortement thérapeutique, elle n'a pas examiné les deux premières, parce qu'elle a relevé qu'en l'espèce, l'avortement critiqué avait un caractère thérapeutique et que, par conséquent, il n'y avait pas contravention à la CEDH.

La Cour ne s'est donc pas prononcée sur un problème de liberté individuelle qui lui était présenté.

À la connaissance de l'intervenant, il n'y a pas d'autre décision en la matière jusqu'en 1999.

Une série de juridictions nationales, comme le Conseil constitutionnel français, ont estimé que l'interruption volontaire de grossesse ne portait pas atteinte au principe du respect de l'être humain dès le commencement de la vie, reconnu par les lois de la République, et n'était donc pas contraire à la CEDH.

Si cette prudence à l'égard du début de la vie existe, existe-t-elle également à propos de la fin de la vie ?

L'intervenant est de cet avis.

Dans un fort savant commentaire article par article de la CEDH, un auteur notait qu'en vue de déterminer quelles sont les personnes jouissant du droit à la vie au titre de l'article 2, il convenait de se demander non seulement quand la vie commence, mais encore quand elle se termine.

Une telle recherche, disait le commentaire, peut conduire à poser le problème plus vaste de l'euthanasie, et à s'interroger sur l'existence d'un droit à mourir, et sur ses rapports avec le droit à la vie.

Ces questions, dit l'auteur, ont été examinées quelquefois en doctrine. Elles ont donné lieu à des décisions de jurisprudence nationale, mais ni la Commission, ni la Cour n'ont eu à la trancher.

Le cas soulevé par un précédent orateur paraît tout à fait irrelevant en l'espèce.

Il s'agit d'une décision rendue par la Commission en procédure sommaire, le 4 octobre 1989, sur requête.

La Commission s'est prononcée sur un cas de suicide dans lequel aucune maladie grave n'était alléguée.

Elle a considéré en l'espèce que « le refus des autorités pénitentiaires de mettre à la disposition d'un détenu condamné à vie des moyens lui permettant de se suicider ne serait aucunement considéré comme contraire à la convention, celle-ci faisant au contraire obligation aux États contractants de prendre des mesures pour protéger la vie ».

De cette décision, rendue en procédure sommaire, certains tirent comme conclusion que l'euthanasie serait interdite.

Mais personne n'a jamais prétendu que le fait, pour un médecin, de fournir les substances létales à une personne souffrant d'une dépression à un moment donné, pour tel ou tel motif, constituerait une euthanasie.

Ce serait évidemment considéré comme un crime, ou comme une non-assistance à personne en danger.

La décision jurisprudentielle invoquée ne concernait nullement un cas d'euthanasie : pas de maladie incurable, pas de souffrance ni de détresse insupportables.

Tout au plus pourrait-il éventuellement s'agir d'un cas d'assistance au suicide, d'une toute autre nature que les cas que l'on peut rencontrer chez des malades incurables sollicitant une aide du médecin pour en finir.

On pourrait par contre citer pertinemment des décisions de tribunaux nationaux comme le tribunal de Brême qui, en octobre 1959, avait jugé que donner des drogues fatales à un malade dont la mort est certaine ne porte pas nécessairement atteinte au droit à la vie.

Des décisions comparables ont également été rendues aux Pays-Bas.

L'auteur précité poursuivait son analyse en indiquant que les droits comme celui de transmettre la vie ou de mettre fin à sa propre vie, ne sont pas visés par l'article 2 de la loi.

D'autre part, il faut revenir aux raisons pour lesquelles les articles en question ont été insérés tant dans la CEDH que dans d'autres textes.

La prudence des organes de contrôle se justifie par le fait qu'historiquement, les droits de l'homme sont nés pour protéger la liberté des individus par rapport aux États, et non pour empêcher cette liberté de s'exercer ou pour lui fixer des limites.

Ceci est vrai aussi bien pour la CEDH que pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et, de façon plus générale, pour tous les textes internationaux.

Ce sont les États qui doivent encourager et favoriser l'exercice effectif des libertés au niveau économique, social, culturel et au niveau des droits civils.

Depuis 1975, certains auteurs se sont exprimés sur le sujet.

Ainsi, Yves Madiot, professeur à la faculté de Droit de Poitiers, constatait en 1998, dans un article intitulé « Considérations sur les droits et les devoirs de l'homme » que l'État « (...) va se trouver soumis à une offensive qu'il n'avait que rarement connue, une offensive qui, sous des formes différentes, fut reprise par la droite et par la gauche; le « moins d'État » devient synonyme de plus de liberté. Les politiques de déréglementation (...) prennent de l'ampleur. Ces politiques vont renforcer l'individualisme et les droits de l'individu au détriment de ses devoirs. (...) Dans le même temps, en Europe, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme renforce singulièrement cette conception individualiste (...). »

Comme le souligne notamment Michel Lévinet, de l'Université de Montpellier, dans un article intitulé : « Recherche sur les fondements du droit au développement de l'être humain à partir de l'exemple de la Convention européenne de Strasbourg », encore faut-il que l'on ne recherche pas, dans la convention, des droits qui ne s'y trouvent pas.

Cet auteur indique que la Cour de Strasbourg n'est pas chargée de réécrire la Convention européenne des droits de l'homme, et d'y découvrir des droits qui n'y figuraient pas.

Il est vrai qu'il existe une interprétation dynamique de la convention, mais la Cour ne saurait dégager un droit qui n'a pas été inséré au départ, au moyen d'une simple interprétation évolutive (cf. l'arrêt Johnson et autres contre Irlande, du 18 décembre 1986).

On pourrait encore s'interroger sur le principe de la dignité humaine. Celui-ci est à l'origine de toutes les conventions internationales depuis la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, et est même consacré à l'article 23 nouveau de notre Constitution, selon lequel « chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

La question est de savoir si ce droit à la dignité humaine n'entrerait pas en contradiction avec une revendication exprimée, par exemple, par l'État, d'empêcher une législation de permettre de donner la mort à une personne privée qui la demande.

Il faut reconnaître que ce principe est d'ordre supérieur, et reconnu comme fondement de tous les systèmes de droit interne.

Le concept de dignité est profondément lié à la personnalité humaine. Il s'agit d'un principe essentiel (Béatrice Morer, Essai de définition théologique et philosophique).

On pourrait, à cet égard, renvoyer à bien des auteurs, comme Kant ou Saint Thomas d'Aquin.

Certes, les concepts de « dignité » et de « liberté » ne sont pas complètement autonomes, puisqu'ils interfèrent notamment avec la notion de solidarité sociale, et que la liberté des uns doit tenir compte de celle des autres.

Mais cela est vrai dans la mesure où la dignité est invoquée, non comme un droit, mais comme un principe, qui demande à l'État une action positive. C'est le cas de toutes les revendications sur la base du principe de liberté en vue de l'application de droits économiques et sociaux (droit au logement, droit à une existence décente, ...)

On pourrait dire aussi que la notion de dignité n'est pas absolue parce que, dans certains cas, elle se heurte, au niveau social, à une notion d'« ordre public ». C'est à cette analyse qu'a procédé le Conseil constitutionnel français, à l'occasion de la loi de 1994 sur les problèmes de respect du corps humain, et des dons et utilisations de ses éléments et produits, ainsi que de l'assistance à la procréation.

Le Conseil constitutionnel a estimé que la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation était un principe à valeur constitutionnelle.

Il a donc, en quelque sorte, contré la liberté individuelle absolue, en permettant à l'État d'interdire à l'individu de faire ce qu'il veut de son corps.

Il est évident que, dans ce secteur, on peut faire une lecture moins absolue de la liberté individuelle que dans d'autres domaines.

Mais dans le débat qui nous occupe aujourd'hui, il ne s'agit pas du tout de ce problème, mais bien de savoir si, dans des conditions extrêmes, en cas de souffrances intolérables et de maladie incurable, un être humain a oui ou non la liberté de choisir les conditions de sa propre vie et de sa propre mort, précisément parce qu'il invoque un principe supérieur, à savoir le droit à la dignité.

Ceci est tout à fait étranger à un quelconque trouble social, qui serait la conséquence d'un excès de liberté; sinon, il faudrait considérer que la dignité de l'être humain n'a qu'une valeur relative, et que ce principe n'existe que dans la mesure où le corps social l'autorise. Comme déjà indiqué, ceci irait à l'encontre de toutes les déclarations solennelles de principe dans tous les traités internationaux et européens.

Jamais les organes de contrôle de la Convention européenne de bioéthique, par exemple, n'ont nié la possibilité de prendre en compte l'être humain.

Cette Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine prévoit, en son article 9, que les souhaits exprimés au sujet d'une intervention médicale par un patient qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa volonté, seront pris en compte.

L'article 1er prévoit quant à lui qu'il faut tenir compte des éléments de la dignité humaine.

Tout cela montre bien que ce dernier principe est traduit dans une série d'éléments qui font que l'État, loin d'interdire à une personne d'exercer sa liberté, doit au contraire organiser de façon sérieuse et complète la libre expression de l'autonomie humaine.

Dès lors, les objections que l'on a tirées de l'article 2 CEDH par rapport à la proposition de loi des six auteurs paraissent sans fondement.

Enfin, l'intervenant se réfère à l'article 3 CEDH, qui interdit les peines et traitements inhumains et dégradants. On peut analyser à cet égard le critère du seuil de gravité, celui de l'appréciation relative, etc.

Tous les auteurs constatent que les éléments spécifiques de l'article 3 doivent être appréhendés à la lumière des conditions d'aujourd'hui, et qu'un jugement doit toujours concilier l'intérêt général et l'intérêt de l'individu, dans un rapport de proportionnalité.

Presque tous les cas d'application de l'article 3 sont relatifs à des cas de torture ou d'emprisonnement. Un seul cas pourrait être intéressant dans le cadre du présent débat.

Il existe en effet une décision du 2 mars 1983, selon laquelle le principe d'un traitement médical de caractère expérimental pourrait être qualifié de traitement dégradant et inhumain dans deux conditions, non remplies en l'espèce : que le traitement ait été effectué sans le consentement du sujet (or, en l'occurrence, il s'agissait d'une stérilisation volontaire en vue d'éviter de nouvelles grossesses), et qu'il s'agisse d'une expérience médicale, cette notion étant associée par la Commission à l'idée d'« innovation » et de « risque ».

Il est évident qu'en ce qui concerne l'acharnement thérapeutique, ces deux conditions ne se rencontrent pratiquement jamais, parce que ces problèmes d'abus médicaux peuvent être réprimés de façon directe par les tribunaux ordinaires sans qu'il faille faire appel aux juridictions européennes.

Il va de soi que l'on ne peut se livrer à des expériences sur des sujets vivants.

Lorsqu'on a appris, voici plus de 10 ans, que l'on pratiquait des expériences sur des personnes âgées dans une clinique du Hainaut, les médecins ont évidemment été poursuivis.

L'intervenant ne croit pas, dès lors, que la Convention européenne des droits de l'homme soit d'un grand secours lorsqu'il s'agira d'apprécier si le médecin est resté dans les limites de son serment d'Hippocrate.

Il résulte de cette analyse forcément partielle que tant sur le plan du droit positif de l'application de la convention qu'en ce qui concerne une réflexion générale sur la notion de dignité inscrite dans tous les pactes internationaux, quels qu'ils soient, ainsi que dans notre Constitution, il n'apparaît pas que les arguments tirés de l'article 2 de la CEDH puissent remettre en cause le vote éventuel d'une législation organisant, réglementant et dépénalisant l'euthanasie.

Un autre membre déclare, en guise d'introduction qu'il lui semble que l'on trouve, dans ces commissions réunies, le juste ton qu'il convient de tenir pour des discussions aussi essentielles puisqu'elles ont trait à la vie, à la mort, à des choix de société et à des conflits de valeurs. Il lui semble aussi qu'après une période de rodage, les propos sur un sujet aussi grave démontrent une réelle volonté d'ouverture et d'écoute. Elle se réjouit que certains ne cadenassent pas le débat et laissent la société civile s'y exprimer.

La présence nombreuse des membres des deux commissions, malgré l'absence des caméras, prouve bien l'importance de l'enjeu et démontre, si c'était encore nécessire, que le Sénat mérite bien le titre de « Chambre de réflexion ».

L'intervenante voudrait, néanmoins et a contrario, attirer l'attention sur la nécessité de maintenir cette pression de chambre de réflexion dans tous les dossiers, afin que le Sénat ne devienne pas uniquement une sorte de « sas » spécialisé en matières éthiques. Elle aimerait que cette même sérénité, ce même sens de la réflexion et de l'approche approfondie apparaisse lors de la discussion de projets ou de propositions de loi.

Si, par exemple, l'évocation des projets de loi ne devient plus qu'une formalité énervante et poussive et si le ministre des Affaires étrangères reste aussi peu présent pour traiter du caractère international de certaines questions dont le Sénat s'était fait une spécialité, il y a fort à parier que d'ici quelques années, le Sénat n'existera plus. Certains le souhaitent certainement, peu importe, c'est une autre histoire, ... mais il faudra alors faire la démonstration du remplacement de cette institution, éminemment démocratique par la largeur de son électorat et la pertinence de ses questions au gouvernement.

Après cette introduction un peu polémique, elle en convient, l'intervenante souhaite faire quelques considérations qui n'ont peut-être entre elles qu'un lien ténu, mais qui sont le fruit de sa réflexion personnelle et de son expérience de vie, une autre intervenante ayant quant à elle développé la proposition de son groupe par rapport à la proposition qu'il a déposée.

L'intervenante voudrait tout d'abord, puisque la discussion générale a commencé par cela, revenir à Albert Camus.

S'il y a bien un auteur qu'il faut citer ici, c'est bien l'auteur du Mythe de Sisyphe et de La Peste.

Sisyphe, ce prolétaire des dieux dont la révolte, la liberté et la passion dépassent le non-sens et l'absurdité de l'existence et qu'il faut, dit Camus dès lors, imaginer « heureux ». Puisqu'on a cité Camus au début de cette discussion générale, l'intervenante ne peut s'expliquer certaines propositions sur l'euthanasie qui sont sur la table qu'au nom de cette révolte devant la souffrance humaine, qu'au nom de la passion de vouloir l'atténuer et qu'au nom de la liberté de vouloir changer les réalités, terrifiantes quelquefois, de la fin de la vie.

Encore faut-il qu'avec loyauté, les mêmes auteurs des propositions admettent, malgré Albert Camus, qu'une vision spirituelle du destin de l'homme n'est pas pour tous ici, comme le voyait Camus, un suicide philosophique et que le respect que l'on a pour leur philosophie, ils l'aient pour celle des autres, sans les taxer de conservateurs ou d'hypocrites.

Encore faut-il être, comme l'exigeait Albert Camus, terriblement lucides et, comme témoins de la souffrance des autres, de tous les autres, et pas seulement des malades, se poser la question de notre attitude d'individu, d'individu qui se trouve être parlementaire, maintenant, face à l'ensemble de la communauté humaine, et cela à long terme.

La deuxième réflexion de l'intervenante porte sur les soins palliatifs (qu'on appelle aussi soins « continus ») sur leur historique, sur les choix de société et les priorités budgétaires qu'ils vont imposer, cela sans vouloir anticiper sur l'exposé que fera un autre membre sur la proposition que son groupe vient de déposer et qui vient d'être prise en considération. En préambule de son exposé sur les soins palliatifs, l'intervenante voudrait affirmer que la mise en place des soins palliatifs ne se veut pas une fuite en avant par rapport au problème de l'euthanasie. Tous ceux qui se sont engagés dans cette voie avec professionnalisme et compassion ont dit combien cette démarche humanise l'approche de la mort, tend drastiquement à diminuer jusqu'à 2 % ou 5 % la demande d'euthanasie, à la « prévenir » en quelque sorte. Mais elle n'élude pas la question et le conflit de valeurs qui entoure l'euthanasie, qui est d'ordre moral et qui devra toujours nous interpeller. L'intervenante souhaite que cela soit bien clair : autant elle admire les premiers pas des démarches palliatives et le résultat auquel on est déjà arrivé, autant elle est persuadée qu'elles ne résolvent pas tout.

Ceci étant dit, il faut rappeler que les premières « démarches » palliatives, ce que Patrice Van Eersel dans son livre « Réapprivoiser la mort » appelle la redécouverte de l'art d'« accompagner les mourants », prennent leur source pendant la Seconde Guerre mondiale.

À ce niveau, l'intervenante voudrait souligner le rôle des femmes dans la problématique qui occupe les commissions réunies, et faire une parenthèse dans son développement qui concerne les soins palliatifs.

La « fin de la vie » concerne au premier chef les femmes puisque leur longévité est beaucoup plus grande. Ce sont elles aussi, comme infirmières le plus souvent, qui sont les plus proches des malades. Ce sont elles qui aident à mourir leurs proches, et ce sont elles encore qui ont été les initiatrices des soins palliatifs. À ce titre, l'intervenante a beaucoup de problèmes à assister à un débat sur le sujet lorsqu'il n'y a pas de femme sur la scène ou le plateau. En commission, heureusement, les femmes sont bien représentées.

Les femmes, au départ, n'ont pas agi dans des universités ni dans des laboratoires, mais sur le terrain, là où l'on meurt vraiment. Elles n'ont pas agi de manière intellectuelle ou spéculative, mais par compassion, mues par une sorte de nécessité vitale. Ces femmes, dont Elisabeth Kübler-Ross en Amérique, Cicely Saunders en Angleterre, Michèle Salamagne ou Marie de Hennezel en France, ont rouvert avec sagesse l'ancien grand théâtre de l'agonie, en y intégrant ce que les sciences humaines et la pratique clinique moderne nous ont appris sur nous-mêmes.

Cicely Saunders a commencé à fréquenter les hospices londoniens dans les années 40, en tant qu'assistante sociale encore étudiante et bénévole. À l'hôpital Saint Luke, spécialisé dans l'accueil des cancéreux et des tuberculeux, la jeune fille a fini par remarquer une chose étonnante : les soins infirmiers qu'on y prodigue semblent soulager les souffrances des malades nettement mieux qu'ailleurs. Comment ? Grâce, en particulier, à l'utilisation, par voie orale et à intervalles réguliers, de morphine, administrée avant même que le malade ne se plaigne. Contrairement à ce qu'elle aurait pu penser, soignants et malades de Saint Luke lui démontrent que ce traitement n'entame nullement la lucidité du patient.

Élève-infirmière active pendant toute la guerre, elle fit après la Libération une rencontre qui allait se révéler décisive : celle de David Tasma, rescapé du ghetto de Varsovie, mourant d'un cancer. Pendant huit semaines, le mourant et l'élève-infirmière furent follement amoureux. David était juif agnostique, et Cicely venait de se convertir à la foi protestante. Leurs discussions passionnées les amenèrent à imaginer un lieu où les malades tels que David trouveraient meilleur accueil que dans un hôpital. Avant de mourir, il lui légua tout son bien, qui sera la première mise de fond destinée au futur Saint Christopher's Hospice.

Devenue infirmière, puis travailleuse sociale, Cicely Saunders décide de consacrer sa vie à ceux pour qui il n'y a, médicalement, « plus rien à faire ». Elle a découvert que, même dans ces cas, même quand l'espoir de guérison a disparu, il y a toujours beaucoup à faire pour les soignants : soulager les douleurs, traiter les symptômes, tendre l'oreille aux peurs, aux questions, aux frustrations morale, intellectuelles, spirituelles de ceux qui partent ... Tout un ensemble d'interventions qui seront bientôt regroupées par le professeur Balfour Mount sous le terme de soins palliatifs (palliative care).

Finalement, en 1952, Cicely Saunders décide de se lancer dans des études de médecine.

En continuant à travailler auprès de mourants, Cicely Saunders fit le constat, à plusieurs reprises, qu'il était possible de vivre intensément lorsque les jours sont comptés. Lorsque le patient est soulagé, donc libre d'être lui-même, il arrive que les derniers jours soient humainement très riches. Ils peuvent être un temps de réconciliation qui rend la mort paisible pour celui qui s'en va, et le deuil supportable pour les survivants.

Tout ce qu'Elisabeth Kübler-Ross va découvrir vingt ans plus tard, dans les années 60, par le biais de la psychiatrie, Cicely Saunders le met au jour dès la fin des années 40, et ensuite, par le biais de la lutte contre la douleur. L'une comme l'autre aboutissent à ce même formidable paradoxe : quand l'accompagnement est mené avec une réelle compassion, c'est-à-dire de manière sincère et centrée sur le sujet, par quelqu'un qui a travaillé sur sa propre mortalité, le mourant peut se transformer en professeur de vie.

Une autre femme, Elisabeth Kübler-Ross, celle-là d'origine Suisse, est aussi à l'origine des soins palliatifs au Billings Hospital de Chicago. Son livre « On death and dying », définit sa manière de voir les soins palliatifs. Elle reçut son « initiation », de 1945 à 1947, en Pologne, aux portes du camp d'extermination de Maïdanek, comme secouriste dans l'infirmerie de fortune installée par les Américains pour tenter de soigner les rescapés du camp.

Remarquons que Cicely Saunders et Elisabeth Kübler-Ross ont toutes deux démarré leur itinéraire comme aides-soignantes, au plus « bas » de la hiérarchie hospitalière.

Si l'on poursuit une réflexion sur l'historique de la prise en compte de la fin de la vie, il faut rappeler qu'en France, en 1977, paraît à Paris un livre provocateur, bien que fort sérieux, qui va ébranler l'inconscient profond de tout le pays : Changer la mort. Sous ce titre, deux auteurs brillants se sont ligués pour rédiger une sorte de manifeste, à la fois :

­ cri de révolte contre la loi du silence qui entoure la souffrance des grands malades, ceux que l'on s'acharne à faire survivre, biologiquement du moins, envers et contre tout, avec force tuyaux et sondes à travers le corps;

­ appel à une attitude, sinon à une législation, radicalement nouvelle qui autoriserait l'euthanasie.

À l'origine de ce qui est alors vécu par beaucoup comme un scandale, deux hommes : Léon Schwarzenberg et Pierre Viansson-Ponté. Le premier est un cancérologue déjà fameux, le second fait partie de la direction du journal Le Monde. Leurs implications sont complémentaires. Le médecin lutte tous les jours, depuis des années, avec obstination, contre la maladie qui frappe les autres; son horreur est à la mesure de sa longue expérience. L'éditorialiste politique, quant à lui, a choisi d'entrer dans une arène plus émotionnelle mais aussi plus philosophique, et au fond, véritablement politique.

Dans Changer la mort, Léon Schwarzenberg l'avoue sans ambiguïté : il a lui-même, chaque fois que cela lui a semblé légitime, accepté d'« aider » les grands malades à bout de forces à en finir.

Quant à l'agonie, ils la voient comme soulevant une double question de tolérance et de dignité : quand la souffrance, physique et morale, aura atteint un point insupportable, d'une part; quand la dignité de la personne qu'ils ont tenté d'être pendant toute leur vie sera menacée de s'effondrer, d'autre part; alors, oui, il se pourrait bien qu'ils aient le désir d'en finir et fassent éventuellement appel à autrui pour cela. C'est ce qu'ils nomment, dans l'ultime chapitre de Changer la mort : « Tuer par amour ».

Peu de temps après la parution de Changer la mort, des hommes et des femmes fondent à Paris « l'Association pour le droit de mourir dans la dignité », en résonance étroite avec les idées présentées par Pierre Viansson-Ponté et Léon Schwarzenberg. Ce livre soulève en France une vaste discussion et une grande polémique.

Plus tard, sous Georges Pompidou, un groupe d'experts est constitué. Parallèlement, on publie des oeuvres de Saunders et Kübler-Ross en français, en 1984. En 1986, s'exprime aussi fortement un Manifeste des médecins affirmant qu'ils ont aidé certains patients à mourir. On retrouve également la revendication de l'ADMD du suicide assisté. La même année paraît le rapport Laroque, du nom d'une haute fonctionnaire chargée par François Mitterrand et Edmond Hervé, alors ministre de la Santé, de s'attaquer à la problématique de l'accompagnement des mourants avec toute une série d'experts partisans ou non de l'euthanasie. Le rapport s'intitule Soigner et accompagner jusqu'au bout.

Il faut associer aussi à la cause des soins palliatifs le nom de François Mitterrand. Dans son livre La mort intime, préfacé par François Mitterrand, Marie de Hennezel affirme, en parlant des soins palliatifs : « Je ne savais pas, en faisant ce choix, combien la proximité de la souffrance et de la mort des autres allait m'apprendre à vivre autrement, plus consciemment, plus intensément. Je ne savais pas qu'un lieu fait pour accueillir des mourants peut être tout l'inverse d'un mouroir, un lieu où la vie se manifeste dans toute sa force. Je ne savais pas que j'allais découvrir ma propre humanité, que j'allais en quelque sorte plonger au coeur de l'humain. »

Pour abréger, en 1999, l'Assemblée nationale votera à l'unanimité la loi défendue par le ministre Bernard Kouchner en faveur du soulagement de la douleur et des soins palliatifs. Deux cents millions de francs français sont votés pour soutenir le développement des Unités de soins palliatifs ­ dont le nombre devrait passer de 50, en 1997, à 99, en 2000, avec priorité aux petites structures à taille humaine ­ et assurer une puissante promotion aux équipes d'accompagnement mobile ­ leur chiffre passerait, lui, de 55 à 170, une minorité croissante de personnes en fin de vie revendiquant en effet le droit de mourir chez elles, entourées des leurs.

Après avoir brossé très rapidement et de manière sûrement très lacunaire, un rapide historique des soins palliatifs, du moins en leur début, en dehors de chez nous, il faut rappeler que, dans notre pays, les premières expériences de soins palliatifs ont été financées de manière forfaitaire depuis 1991.

Il est de notre responsabilité politique de veiller à la mise en place d'un financement structurel qui tienne compte de la nécessaire complémentarité des différentes formes d'organisations de soins palliatifs : équipes mobiles intra-hospitalières, unités résidentielles et unités de soins palliatifs à domicile.

À travers la mise en place de ces structures, il faudra veiller à ce que l'organisation de l'accompagnement des patients en fin de vie se fasse sans rupture entre les soins curatifs et les soins palliatifs, d'une part, et entre les soins palliatifs à l'hôpital et les soins palliatifs à domicile, d'autre part, afin d'éviter que le patient se sente abandonné.

La formation du corps médical à cette nouvelle culture qu'est la médecine palliative est d'une urgente nécessité. Il y aurait lieu d'introduire dans le cursus universitaire du médecin des cours et des stages pratiques réalisés en milieu palliatif. Cette formation devrait comprendre une approche à la dimension psychologique et sociale du malade en fin de vie. Il faut une formation spécialisée au contrôle de la douleur ­ plusieurs médecins pratiquant dans les services de soins palliatifs ont fait cette remarque. Les médecins doivent pouvoir développer une réflexion critique, une sorte de mise à distance lorsqu'ils ont perdu leur pouvoir de guérir.

Actuellement, la formation des médecins généralistes à la médecine palliative est laissée à leur libre initiative, avec le risque d'une inexpérience pour tous ceux qui ne la suivent pas, qui peut inciter soit à l'abandon thérapeutique, soit à l'acharnement thérapeutique.

Lors du colloque « Soins palliatifs et euthanasie », le secrétaire d'État à la Santé, Bernard Kouchner, déclarait : « Je suis surpris de voir combien les médecins sont désarmés devant des situations pour lesquelles ils n'ont pas été formés (...). Sur la question de la douleur, trois médecins répondent : « Je n'ai pas été formé ». À quoi servent alors tant d'années d'étude ? (...) Quand même, pour un médecin, traiter la douleur, cela n'exige pas une réflexion métaphysique extravagante et l'attirail des soins reste assez élémentaire. Eh bien non ! Il faut former. Nous formerons. Pour cela, il faut m'aider à changer de fond en comble l'organisation des études médicales. Croyez-moi, vous aurez affaire à forte partie. Moi, cela fait deux ans que j'essaye. »

Soyons clairs : tant en matière de financement de formations aux soins palliatifs qu'en termes de financement de soins palliatifs eux-mêmes, qu'ils soient hospitaliers ou à domicile, on va se trouver devant de véritables choix budgétaires de santé publique pour lesquels, malheureusement, l'avis du public n'est que rarement sollicité. Avons-nous les moyens des soins palliatifs ?

C'est là une question essentielle. Comme le disait l'autre jour, lors d'un débat, Edouard Delruelle, membre de la Commission bioéthique, ne devrons-nous pas faire des choix entre les enfants leucémiques, les soins palliatifs, les malades du sida, les maladies chroniques ? La société ne veut pas seulement des évaluations techniques de telles ou telles thérapeutiques, mais aussi des choix clairs de société.

La vraie question n'est-elle pas : y a-t-il une place pour les dépendants dans notre société ? La dépendance, elle, peut durer des années, que l'on soit jeune ou vieux. D'ailleurs, à quarante ans, le cancer, le sida, peut en faire paraître septante, donner des cheveux blancs, et rendre dément.

Y a-t-il une place pour les dépendants dans notre société ? Y a-t-il une place pour l'enfant trisomique, pour l'innocent, pour le débile ou le semi-débile, mais aussi pour le malade génétique dont le mal se révèle peu à peu et entraîne une dépendance de plus en plus grande ­ myopathie, mucoviscidose ... ?

L'intervenante croit malheureusement que la réponse est qu'il y a moins de place pour ces gens-là dans notre monde, à cause peut-être de la dictature du beau.

Comment mourir dans une société du spectacle ?

Le fait d'achever les grands malades pourrait probablement bien devenir une routine. Une évidence. Un geste normal et ordinaire.

Après ces quelques réflexions philosophiques, après avoir souligné l'importance des femmes dans la problématique, après avoir longtemps parlé des soins palliatifs, l'intervenante voudrait conclure par une réflexion sur le fait que, dans les trois propositions déposées par six parlementaires de la majorité, la notion de phase terminale ne figure pas, ce qui a pour conséquence que ces propositions peuvent concerner la problématique de l'aide au suicide.

Un intervenant vient de s'exprimer longuement à ce sujet, en précisant les cas où l'article 2 de la proposition pouvait s'appliquer.

L'intervenante voudrait faire appel à la responsabilité des collègues, en tant que parlementaires, mais aussi en tant qu'hommes et femmes.

Tous les individus ont en eux, on le sait depuis le début du siècle et les découvertes de Freud, un instinct de vie et un instinct de mort, qui apparaissent plus ou moins selon les événements de la vie, l'éducation et le tempérament propre.

Pour en revenir à Albert Camus, et de manière un peu plus philosophique, il précise, notamment dans le Mythe de Sisyphe, que c'est la seule question qui se pose à l'homme, qui a découvert l'apparente absurdité de l'existence.

Va-t-il se laisser écraser par cette absurdité, ou, comme Sisyphe, la refuser au nom de sa liberté, de sa passion et de sa révolte ?

La réponse est profondément individuelle et interpellante.

L'intervenante souhaite rappeler que le suicide est actuellement, après les accidents de la route, la seconde cause de mort des jeunes (de 15 à 25 ans) en Belgique.

C'est, entre autres, parce qu'en 1997, cet acte dramatique est devenu la première cause de décès des étudiants à la KUL que Mme Maesschalck, docteur en psychologie au Centre psychothérapeutique des étudiants de la Katholieke Universiteit van Leuven, a mené une étude, présentée le 13 janvier 2001 à la presse, étude intitulée Projet de prévention de comportements suicidaires.

L'intervenante souligne qu'il ne faut pas se méprendre sur ses propos.

Certaines personnes respirent le goût de vivre et d'autres la difficulté de vivre, et cela n'a quelquefois rien à voir avec les difficultés sociales ou l'aisance sociale des uns et des autres. Il suffit, pour s'en convaincre, de se promener en Inde.

Les travaux des commissions réunies, le texte qu'elles vont adopter, doivent être particulièrement attentifs à ne pas développer, ni de loin ni de près, et même avec la meilleure volonté du monde, une sorte de culture du suicide qui existe déjà dans notre société.

L'intervenante renvoie encore à Marie de Hennezel, qui écrivait : « En ce qui me concerne, les demandes de suicide assisté ont carrément chuté à partir du moment où j'ai accepté de parler de la mort avec mes patients. En sept ans, j'ai suivi plus d'un millier de séropositifs. Parmi eux, j'en ai connu certains qui, même quand leur corps les abandonnait, ont vécu des cheminements spirituels très intenses. J'ai vu des gens mourir très en harmonie avec eux-mêmes, avec ce qu'ils étaient devenus. J'ai pu me rendre compte de ce qui avait changé en eux.

Pour moi, la spiritualité fait partie de la vie, je n'utilise pas ce mot de façon religieuse, mais dans le sens où nous sommes des êtres qui pensons, qui avons des émotions, des sentiments. »

L'intervenante conclut sur cette réflexion personnelle, en soulignant qu'elle ne voudrait en aucun cas faire le moindre procès d'intention à qui que ce soit. Cette réflexion lui tient à coeur, car elle estime que la problématique du suicide est importante dans notre société.

Un membre remarque que, pour l'instant, tout le monde est déjà d'accord pour affirmer qu'une législation sérieuse doit voir le jour, aussi bien pour les soins palliatifs que pour l'euthanasie. Selon l'intervenante, les deux matières ont une importance équivalente. La proposition de loi relative aux soins palliatifs a aussi pour but de garantir à chacun l'accès à cette forme d'aide et, entre autres, de supprimer tous les seuils financiers dans ce domaine. On a parfois l'impression que ceux qui se déclarent partisans de la dépénalisation de l'euthanasie, n'accordent guère, voire pas du tout d'intérêt aux soins palliatifs. Rien n'est moins vrai.

En même temps, on doit toutefois reconnaître que les soins palliatifs ne pourront jamais apaiser toute la douleur à laquelle certains patients incurables sont confrontés. Dans ces cas, on doit laisser la possibilité d'une euthanasie. Lorsque le monde médical est complètement impuissant pour offrir une réponse à la douleur insupportable du patient et que celui-ci demande que l'on mette fin à ses jours, la loi doit offrir la possibilité de satisfaire cette demande.

Selon elle, trois points sont essentiels dans ce débat.

En premier lieu, le patient doit constituer la préoccupation centrale de toutes les décisions concernant la fin de vie. Le patient est celui qui décide le premier du traitement qui lui est administré. La conclusion la plus choquante qui peut être tirée de l'étude interuniversitaire déjà mentionnée et portant sur le traitement médical dans la phase ultime de la vie, est qu'on met fin dans notre pays de façon active à un grand nombre de vies sans que le patient ait eu son mot à dire, voire sans qu'il l'ait demandé.

Lorsqu'il se trouve dans une situation sans issue et qu'il souffre d'une douleur inhumaine, le patient doit donc avoir le droit de demander qu'il soit mis un terme à sa vie de façon à ce qu'il puisse partir dignement.

En deuxième lieu, chacun doit avoir le droit de déterminer dans une déclaration anticipée qu'un terme doit être mis à sa vie s'il se retrouve dans une situation de souffrance inhumaine tout en n'étant plus en état de demander une euthanasie.

En troisième lieu, une réglementation de l'euthanasie doit sortir ce débat de la zone grise grâce à l'élaboration d'un cadre législatif clair qui offre une sécurité juridique totale à toutes les personnes concernées. C'est précisément pour cela que la technique juridique de l'état de nécessité est totalement inadéquate. Se demander a posteriori s'il y a eu état de nécessité donnera toujours lieu à des interprétations subjectives par un médecin ou par un juge, avec toutes les conséquences juridiques qui s'ensuivent pour le médecin traitant.

D'où le principe qu'une réglementation de l'euthanasie ne peut être que le droit du patient à demander que l'on mette fin à ses jours, après avoir été totalement informé de sa situation.

L'intervenante pense que ces principes ont été traduits de façon très précise dans les propositions de loi nºs 2-244/1, 2-245/1 et 2-246/1. S'il devait cependant s'avérer que, pour certaines personnes, ces textes manquent de clarté sur certains points, on peut y remédier grâce à des amendements. Les auditions nous renseigneront en grande partie à cet égard. Il doit toutefois être bien clair que de tels amendements ne sont acceptables que s'ils sont dans l'intérêt du patient.

L'étude interuniversitaire, dont les résultats ne sont encore que partiellement connus mais qui a déjà été souvent citée au cours de cette discussion, débouche toujours sur la même conclusion : une législation claire et transparente doit voir le jour de manière à garantir les droits des patients. C'est un souci qui prévaut chez chacun des membres de ces commissions. Dans la situation actuelle, un médecin qui, s'étant engagé envers son patient, procède à une euthanasie, peut être poursuivi pénalement. À l'inverse, des médecins peuvent mettre fin spontanément à la vie de certains de leurs patients sans que cela ne soit contrôlé d'aucune manière.

Personne ne peut accepter une situation à ce point absurde. Peut-être est-il donc possible d'aboutir à un large consensus sur une législation. Des membres de six partis sont sortis du rang et ont élaboré une proposition de loi commune sur la base de ce qui les lie. Ils espèrent bien entendu que l'assise de cette proposition pourra encore être renforcée. Il serait particulièrement dommage qu'ils échouent dans leur tentative et que le Sénat mène le débat sur la base d'une autre proposition.

Les orateurs précédents ont suggéré que les commissions élaborent un texte entièrement neuf. Dans l'état actuel des choses, il est en effet trop tôt pour s'exprimer à ce sujet. Même si cette technique était choisie, on ne pourrait pas davantage ignorer qu'il existe une base commune à six groupes sur laquelle il faudra construire.

Un autre membre se réfère au message rédigé par le Dr Englert, et qui vient d'être communiqué aux membres des commissions réunies.

Ce message comporte quelques réflexions, fort intéressantes, et clairement exprimées, sur l'éthique médicale, la législation et la fin de la vie.

Il s'ouvre par une citation du professeur Ladrière, selon laquelle : « personne n'a une compétence privilégiée en matière d'éthique. C'est pourquoi la réflexion éthique ne peut être qu'une entreprise collective, où les différents points de vue doivent pouvoir se confronter, dans l'espérance que justifie la croyance fondamentale en l'universalité de la raison. »

C'est cette croyance, qui est profondément acquise à l'intervenant, qui l'a amené à se ranger à ceux qui souhaitent de larges auditions et un large débat, à solliciter un débat public, et enfin à souhaiter que l'on puisse rapprocher les points de vue des uns et des autres, de manière à aboutir à des textes qui feraient l'objet d'un large débat, que l'on travaille par amendements ou par la rédaction de nouveaux textes communs, mais en tout cas avec une très grande ouverture d'esprit.

Avance-t-on ou non dans ce sens ?

On pourrait évoquer à cet égard l'image de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide.

Certains ont dit apercevoir encore de profonds fossés entre les propositions des uns et des autres. Le sentiment de l'intervenant est quelque peu différent, même s'il s'agit peut-être d'une question de nuances.

Ayant écouté avec attention l'intervention de certains collègues de l'opposition, l'intervenant croit trouver les encouragements nécessaires pour continuer à espérer qu'un accord soit possible.

Il a d'ailleurs été frappé, voici peu, par le commentaire d'un jésuite anversois, paru dans le Standaard, et qui, avec une grande liberté d'esprit, faisait une étude comparative, quoique synthétique, des propositions de loi déposées, et s'efforçait de voir les points susceptibles de faire l'objet d'un rapprochement, et ceux qu'il lui paraissait plus difficile de voir avancer rapidement.

Dans cet esprit, l'intervenant souhaite poser une question qui lui paraît fondamentale, et qui est suscitée par l'intervention d'un précédent orateur.

L'intervenant comprend le double souci exprimé au cours du débat : d'une part, la volonté du corps médical, dans l'intérêt des patients, d'éviter toute zone grise et de définir très clairement des conditions dans lesquelles l'euthanasie pourrait être pratiquée. Dès lors qu'il y a pratiquement, dans les commissions réunies, une unanimité de vues sur la nécessité de légiférer, cette unanimité repose avant tout sur le besoin de clarté et de sécurité juridique, tant dans l'intérêt des patients que dans celui du corps médical.

L'intervenant comprend aussi le souci de ceux qui veulent éviter de porter atteinte à l'interdit de tuer. Il croit d'ailleurs que la pratique de l'euthanasie n'est pas opposée au maintien de cet interdit.

Il comprend, sous réserve de l'examen juridique de la question, que l'on veuille approcher la question sous l'angle de l'état de nécessité, en définissant des conditions dans lesquelles il ne serait pas discutable juridiquement qu'il y ait état de nécessité.

L'intervenant n'aperçoit cependant pas clairement si ces conditions qui seraient énoncées, seraient exclusives d'autres situations susceptibles d'être jugées constituer un état de nécessité, ou si ce seraient des conditions dans lesquelles il serait déterminé qu'il y a état de nécessité, sans préjudice à ce qu'un tribunal répressif saisi de la question d'une euthanasie pratiquée dans d'autres conditions accepte que, dans ce cas aussi, et compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a état de nécessité.

Le souci de l'intervenant est, si l'on aborde la question par ce biais, de ne pas priver le juge de la large faculté d'appréciation qu'il a actuellement, et qui pourrait d'ailleurs se retourner contre ceux qui, aujourd'hui, posent certains actes dont chacun s'accorde à reconnaître la nécessité.

L'intervenant se réfère à la lutte contre l'acharnement thérapeutique, qui a donné lieu récemment à des commentaires dans la presse, à propos d'un cas d'interruption de gavage, qui ­ sous réserve d'un examen plus approfondi ­ ne semble pas à l'intervenant constituer un cas d'euthanasie, mais un cas d'interruption d'un acharnement thérapeutique.

Il ne faudra pas que la définition de l'état de nécessité provoque une réaction a contrario telle que des pratiques aujourd'hui admises, ou qui pourraient l'être dans des circonstances particulières aux yeux d'un juge répressif, soient demain condamnées.

Il faudrait donc qu'il y ait clarification sur certaines conditions, sur lesquelles le législateur pourrait s'accorder, sans préjudice, pour les tribunaux répressifs, de la faculté qu'ils ont aujourd'hui, de juger, dans d'autres circonstances, qu'il y a aussi état de nécessité.

Est-ce ainsi qu'il faut interpréter l'intervention d'un précédent orateur, ou celui-ci veut-il voir, dans les conditions pour lesquelles il a plaidé dans le cadre de l'état de nécessité, des circonstances élusives de toute autre appréciation de l'existence d'un état de nécessité ?

Une membre se réjouit de la tournure qu'a prise la discussion générale. Chacun peut exprimer librement son avis et écoute celui des autres. On apprend ainsi à connaître les opinions et conceptions d'autrui. Au terme de ce débat général, un certain nombre d'auditions d'experts seront organisées. Elle espère qu'ensuite, la discussion des articles de la proposition de la majorité pourra être entamée. La discussion préliminaire offrira en tout cas un cadre de référence valable.

Elle apprécie l'ouverture d'esprit dans laquelle le débat s'est déroulé jusqu'alors, y compris lorsqu'il était question de principes éthiques fondamentaux. C'est important puisque presques toutes les propositions qui sont soumises à la discussion, renvoient clairement à la base éthique sur laquelle elles s'appuient. Cet aspect doit nécessairement faire partie du débat général qui précède la discussion d'un règlement concret.

L'oratrice constate que ce débat relatif à une question éthique se réduit à une différence entre deux conceptions fondamentales qui se résument grosso modo comme suit :

­ ou bien on est partisan de la conception selon laquelle des règles éthiques, telles que les droits de l'homme, sont indépendantes de l'intervention humaine;

­ ou bien on est d'avis que les droits de l'homme sont des « inventions » humaines.

Elle pense que le choix d'une des deux conceptions engendre une différence dans la manière de traiter les questions éthiques. On fait un choix entre deux conceptions fondamentales dont la première peut être illustrée par le communiqué de presse qui fut diffusé le 10 décembre 1999 sous le titre « les évêques refusent l'euthanasie » : « Une législation ne remplacera jamais la norme éthique. Les évêques affirment qu'ils sont reconnaissant à ceux qui s'engagent à respecter autant que possible la vieille norme de base « Tu ne tueras point », même si une réglementation légale voit le jour ... Le fait que le malade demande lui-même que l'on mette fin à ses jours ne semble pas ... constituer une justification suffisante. Une personne ne dispose pas totalement d'elle-même et ne peut donc pas décider d'écourter sa vie et mettre ainsi la médecine au service de son souhait de mort ».

La distinction entre les deux conceptions ne suit plus les clivages religieux. Ceci prouve l'opinion suivante d'un médecin. Cette première vision y est exprimée par d'autres mots :

« Si la société actuelle qui réglemente la morale et l'éthique, s'éloigne pas à pas du droit essentiel à la vie, et prend donc ses distances avec les droits de l'homme, il est alors grand temps de contester le droit de l'État à réglementer la morale. Où la suppression des droits de l'homme s'arrêtera-t-elle ? Subiront-ils le droit d'Hippocrate : des amendements successifs jusqu'à ce qu'il n'en reste rien ? »

La membre déclare qu'elle se rallie à la deuxième conception dans laquelle il est primordial que les normes éthiques soient établies par les personnes elles-mêmes, ce qui peut se décrire comme suit :

« Lorsque l'on trace une ligne de conduite politique au sujet de l'euthanasie, l'accent doit être mis sur la réalisation de la liberté de conscience personnelle. La politique ne doit pas tant contenir un jugement de valeur que la liberté de choix. Si une législation voit le jour, un pluralisme éthique doit être garanti, de façon à ce que personne, dans ses affaires personnelles, ne se voie imposer les valeurs éthiques d'un autre, ou ne soit condamné sur la base de celle-ci.

Par l'interaction de plusieurs conceptions éthiques dans un pluralisme éthique, des comportements s'imposent dans les faits. Leur développement doit autant que possible être laissé libre. Dans l'évolution elle-même, la loi ne doit intervenir que lorsqu'il est nécessaire de défendre la liberté d'un tiers. »

Elle souligne qu'il ne s'agit pas ici de savoir laquelle de ces conceptions est la bonne. Elles sont équivalents car elles reconnaissent l'existence de règles et de valeurs, ainsi que la nécessité de les respecter. Certains donnent la fausse impression que ceux qui partent du point de vue que des normes morales voient le jour dans la société, ne reconnaissent absolument aucune norme éthique.

La différence est que, dans la première conception, on est convaincu que les règles sont d'un ordre divin ou naturel (les individus ont des droits et il y a des choses qu'aucune personne et qu'aucun groupe ne peut leur imposer).

Dans l'autre, les règles sont insufflées par les évolutions culturelles. Elles sont basées sur des choix qui sont faits dans l'intérêt général. Les préceptes moraux sont acceptés afin de réprimer les passions humaines les moins nobles.

Bien qu'elle ne croie pas elle-même à un ordre supérieur qui imposerait des normes, l'oratrice se rend tout à fait compte que d'autres, partout dans le monde et à travers toute l'histoire, y croient effectivement. Dans notre société moderne, la conception selon laquelle des normes éthiques voient le jour grâce à un consensus au sein de cette même société, semble bénéficier d'une assise sociale de plus en plus grande.

Quoi qu'il en soit, il ne sert à rien d'essayer de démontrer qui a raison et qui a tort car c'est impossible. Par contre, il est important de maintenir un dialogue entre ces deux conceptions, dans une ouverture intellectuelle totale et dans une atmosphère de respect réciproque.

L'euthanasie est peut-être un des sujets éthiques les plus sensibles qui font pour l'instant l'objet d'une discussion dans notre société. Le débat porte sur le passage entre la vie et la mort. Chacun accepte l'existence et la nécessité de règles qui garantissent les droits du patient et la dignité humaine durant cette phase.

À ce sujet, on se réfère souvent au point de vue selon lequel les droits de l'homme, et en particulier le droit à la vie, sont inaliénables. Sinon, leur universalité serait mise en question. Ce point de vue s'exprime aussi dans une recommandation récente du Conseil de l'Europe qui a déjà été citée par des orateurs précédents.

On oublie cependant que le « non-mourir » ne constitue pas un droit. En effet, chacun doit mourir, tôt ou tard. Le droit à la vie constitue plutôt un droit qui empêche les autres de « me tuer contre mon gré ». Le droit à la vie n'est pas une obligation de vivre. Le choix de déterminer soi-même le moment où l'événement inéluctable de la mort aura lieu est une expression de l'autonomie de l'individu et donc de la dignité humaine.

Un autre argument, souvent entendu, est que, dans le cas d'une euthanasie, les médecins, le personnel soignant et les pharmaciens sont impliqués dans le traitement qui a pour but de donner la mort, là où seule la société a le droit de tuer. Il est exact que ce droit appartient uniquement à la société. Ce qui vaut cependant, au sein d'une société, en tant que valeur ou norme, est déterminé par consensus ou à la majorité. Et cette majorité ou ce consensus se développe à partir de l'évolution générale de la civilisation et de la discussion visant à déterminer ce qui serait le meilleur pour la société. Au sujet de l'euthanasie, on doit se demander quel intérêt la société trouve dans l'interdiction de l'euthanasie.

Le même raisonnement vaut pour les médecins qui sont censés maintenir la vie. Eux non plus ne vivent pas coupés de la société. Ils doivent s'adapter à la mentalité dominante qui rejette le paternalisme et qui pose comme principe les droits du patient et l'autonomie. N'est-ce pas d'ailleurs la tâche du médecin de tenter d'offrir au patient une qualité de vie optimale ? Si, pour le patient, cette qualité n'est assurée que par le fait de mettre fin à ses jours, le médecin doit en tenir compte. Bien entendu, le médecin peut s'attribuer le droit de suivre sa conscience et de refuser de satisfaire la demande du patient.

Un autre argument consiste à dire qu'une dépénalisation de l'euthanasie pourrait exercer une pression insoutenable sur les malades en phase terminale et les mourants, qui sont évidemment très faibles. Plus grave encore, l'euthanasie peut mener à des excès et à des abus pour des raisons économiques : on mettrait fin à la vie du patient contre sa volonté ou sans qu'il l'ait demandé.

Cette préoccupation est réelle. Mais elle pourrait précisément constituer une raison pour aboutir à une législation claire, avec une commission d'évaluation pour ce qui concerne sa mise en oeuvre. Dans la situation actuelle, le patient est d'ailleurs sans défense, ce qui est confirmé par l'étude interuniversitaire récente qui a déjà été mentionnée à quelques reprises.

L'oratrice déclare que c'est aussi la raison pour laquelle il est nécessaire d'inscrire dans la loi le droit aux soins palliatifs et de développer des structures qui garantissent à tous les patients l'accès à cette forme de soins.

Enfin, elle souhaite aborder une des différences les plus importantes entre la proposition de loi nº 2-244 et les propositions déposées par des membres des groupes sociaux-chrétiens, à savoir le choix entre une dépénalisation de l'euthanasie et la construction juridique de l'état de nécessité.

Quant à elle, elle est partisane d'une dépénalisation. C'est juridiquement plus clair et cela constitue aussi l'option la plus honnête. En même temps, cette technique est la seule à offrir une sécurité juridique suffisante. Une réglementation s'appuyant sur l'état de nécessité implique toujours que le juge devra estimer si les conditions de cet état de nécessité étaient effectivement présentes.

Une intervenante souhaite émettre un certain nombre de remarques qui concernent tant le déroulement du débat que son contenu.

1. Le déroulement du débat

L'intervenante se réjouit qu'un débat ouvert, critique mais constructif soit désormais possible, d'autant que les sociaux-chrétiens ont maintenant clairement fait connaître leurs points de vue. Selon elle, certains propos qui paraissent quasi quotidiennement dans la presse n'y changent rien. En dépit des apparences, le vrai débat a lieu au sein de la commission et pas dans les journaux ou à la télévision.

Quoi qu'il en soit, elle tient à souligner que, contrairement à ce qui est suggéré dans la presse, elle soutient complètement la proposition de loi signée par des membres des six partis de la majorité. Cela n'empêche pas qu'elle soit ouverte à toute proposition d'amélioration du texte.

En tout état de cause, il sera bien plus facile de mener un débat sur la base d'un seul texte que de discuter séparément chacune des six propositions de loi qui ont été déposées précédemment. Certains estiment que la proposition de loi déposée par des membres des six partis contient des imprécisions et a été rédigée dans la précipitation. C'est une raison de plus pour mener un débat constructif qui pourrait déboucher sur des amendements de qualité permettant de clarifier et de compléter le texte.

Cela ne doit pas faire perdre de vue qu'à côté de la proposition de loi relative à l'euthanasie proprement dite, les mêmes auteurs ont également rédigé une proposition de loi visant à créer une commission d'évaluation et, surtout, une proposition de loi fixant légalement le droit aux soins palliatifs.

L'intervenante attend beaucoup des séances d'audition qui sont prévues. Celles-ci devraient apporter une réponse à un certain nombre de questions pertinentes qui élargissent le débat sur le contenu des propositions. Les séances d'audition constituent l'occasion ou jamais d'offrir aux spécialistes ayant acquis des années durant une expérience en la matière un forum où ils pourront témoigner de ce qui se passe sur le terrain.

Quoi qu'il en soit, les séances d'audition fourniront matière à discussion, permettront de clarifier un certain nombre de concepts et contribueront, espérons-le, à créer des passerelles entre les différents points de vue qui ont été exposés.

2. Soins palliatifs

L'intervenante réagit ensuite à un certain nombre de considérations formulées par les orateurs précédents à propos des soins palliatifs.

Au sein de cette assemblée, chacun s'accorde à dire qu'il faut continuer à développer les soins palliatifs de manière à les rendre accessibles à tous les patients, dans l'environnement qu'ils choisissent, indépendamment de leur situation financière.

Un autre intervenant a fait remarquer à juste titre que les soins palliatifs ne constituent pas un ensemble de soins séparé mais qu'ils s'inscrivent dans la ligne d'une approche médicale continuée, où le patient est au centre des préoccupations. La dénomination de cette forme de soins en langue française ­ soins palliatifs et continués ­ l'exprime d'ailleurs très bien.

De tels soins palliatifs exigent cependant l'implication du personnel : des médecins bien formés, des infirmiers et du personnel soignant parfaitement au courant des possibilités médicales (par exemple la lutte contre la douleur) mais capables également de bien soutenir le patient, sa famille et son entourage au niveau psychologique et social.

Ceux qui ont acquis une expérience en la matière savent que ce n'est pas facile. Il est inacceptable que, dans une maison de repos comptant soixante lits, seulement quatre soigants soient à la disposition de tous les occupants. Ces quatre personnes doivent non seulement accomplir leurs tâches habituelles mais aussi assurer simultanément, pour deux pensionnaires, l'accompagnement aux mourants. Cela comporte, entre autres, l'accueil de la famille qui vit des moments très difficiles.

On peut donc s'estimer heureux que des bénévoles soient actifs dans ce secteur. Ne devrait-on pas en tenir compte lors de l'élaboration de mesures au niveau des communautés ?

L'expérience sur le terrain montre qu'il y a de très nombreuses demandes d'euthanasie au début d'un programme de soins palliatifs. Beaucoup de ces demandes disparaissent cependant lorsque le patient est bien pris en charge et la famille bien accompagnée.

Certaines demandes d'euthanasie sont toutefois maintenues et la société doit également être en mesure de répondre à ces demandes-là. En premier lieu, ces patients doivent être écoutés, informés et accompagnés. De plus, il doit être tenu compte avec sérieux et respect de leurs demandes justifiées.

3. Euthanasie

3.1. Le patient au centre des préoccupations

De toute évidence, le patient doit être au centre du débat sur l'euthanasie. C'est le patient, et lui seul, qui peut demander l'euthanasie. Le médecin doit s'efforcer de reconnaître la vraie demande d'euthanasie. Pour cela, il doit avoir plusieurs entretiens avec le patient qui, par ailleurs, doit être parfaitement informé de son état.

Le patient doit être informé individuellement et dans un langage compréhensible. Le médecin doit prendre le temps d'établir une relation franche avec le patient et, surtout, être disposé à écouter. À l'avenir, dans le cadre de la formation des médecins, il faudra davantage tenir compte de ce type de tâches.

L'intervenante souligne que c'est surtout lorsqu'il est fait référence à « l'état de détresse » du patient que l'on doit exiger la plus grande attention du médecin. Espérons que les séances d'audition permettront de faire toute la clarté concernant l'interprétation précise de ce type de concept.

Lorsqu'elle affirme qu'en définitive, c'est le patient qui décide, cela ne peut être interprété comme un plaidoyer pour une attitude « égoïste » du patient. En effet, celui-ci n'est pas seulement un individu, il vit aussi dans un champ relationnel. S'il le souhaite, il doit avoir pleinement la possibilité de discuter de sa situation avec son entourage et d'expliquer sa volonté à ses proches, en étant éventuellement assisté par le médecin.

Cependant, si le patient souhaite prendre seul sa décision, sans concertation avec la famille ou avec l'équipe médicale, c'est son droit le plus strict et sa volonté doit alors être respectée.

3.2. Le médecin

Selon l'intervenante, il importe qu'une réglementation légale concernant l'euthanasie ne se préoccupe pas seulement de la situation du patient mais veille aussi à fournir au médecin l'appui nécessaire. Les critères de prudence constituent évidemment une garantie pour le malade mais, simultanément, ils doivent être formulés de manière à garantir au médecin qui les respecte qu'il ne sera pas poursuivi.

L'attention pour le médecin doit toutefois dépasser les limites d'ordre strictement juridique. Le médecin doit être aidé par des directives claires qui concernent aussi bien la période précédant l'euthanasie que celle qui la suit. Comme cela a déjà été dit, il est d'une importance fondamentale que, dans le cadre de la formation des médecins, davantage d'attention soit accordée aux tâches qui leur incombent en dehors du domaine strictement médical.

3.3. La politique de tolérance

L'intervenante fait remarquer que plusieurs autres membres ont déjà fait référence à l'étude interuniversitaire au sujet des pratiques médicales en fin de vie. Bien que très partiels, les résultats connus à ce jour mettent en évidence les problèmes qui résultent de l'actuelle politique de tolérance. En dépit du principe d'interdiction précisé dans les dispositions du Code pénal, il est mis fin dans notre pays à un grand nombre de vies au moyen d'une intervention médicale active, sans qu'il y ait eu concertation avec le patient et sans que celui-ci ait émis une demande. Les responsables politiques ne peuvent continuer à l'ignorer. Dans toutes les situations, le patient a droit à l'information et à la concertation.

Dans ce contexte, il importe de ne pas mélanger un certain nombre de questions, comme la lutte contre l'acharnement thérapeutique, l'administration d'analgésiques qui peuvent avoir pour effet d'abréger la vie, l'euthanasie à la demande du patient, le fait de mettre fin à la vie sans que le patient soit informé, etc. Pour toutes ces questions, il est très difficile, dans les circonstances actuelles, de faire un tour d'horizon des pratiques médicales. À cet égard, les limites doivent être clairement définies par une réglementation légale. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est tellement important d'aboutir à une telle réglementation.

4. Conclusion

En conclusion, la membre résume les points qui lui paraissent importants dans le cadre d'une réglementation concernant l'euthanasie :

­ le patient doit être la personne centrale;

­ une réglementation légale doit garantir aussi bien la sécurité juridique du patient que celle du médecin.

À cet égard, dans cette assemblée, tout le monde est d'accord. Cependant, les points de vue sont très divergents concernant un certain nombre d'autres thèmes :

­ une législation doit-elle prévoir la possibilité de rédiger une déclaration de volonté, dans laquelle on peut préciser quels actes médicaux, en particulier l'euthanasie, pourront être pratiqués à un moment où l'on ne sera plus en état d'exprimer sa volonté ?

­ l'euthanasie n'est-elle possible que quand le malade est en phase terminale ou peut-elle aussi être pratiquée sur des patients qui peuvent vivre encore longtemps mais qui se trouvent dans une situation de souffrance sans solution ?

­ l'euthanasie n'est-elle possible que quand le patient endure des souffrances insupportables qu'on ne peut soulager ou une détresse psychologique générale peut-elle aussi être prise en considération ?

L'intervenante conclut en disant qu'elle approuve les remarques émises par un collègue concernant le suicide des jeunes et déclare que ce problème mérite que le Sénat y consacre un débat. Il ne semble toutefois pas souhaitable d'inclure ce thème dans les présentes discussions. Les deux problèmes doivent être examinés séparément.

Un membre déclare que son intervention abordera successivement trois plans différents : le plan philosophique et éthique, le plan juridique et pénal, et le niveau médical.

Le « fil rouge » de ses propos sera constitué par le point de vue phénoménologique, et par les demandes des patients.

Chacun s'accorde en effet à dire que ces demandes doivent être rencontrées, mais la question est de savoir comment il convient de le faire.

En ce qui concerne tout d'abord le plan philosophique et éthique, on trouve, d'un côté, le principe fondamental de l'interdiction de tuer et, de l'autre, la liberté de l'individu de choisir son destin et de disposer de lui-même.

Un précédent intervenant a cité les propos d'un philosophe, selon lequel la démocratie serait un espace vide, où il conviendrait de trouver une place pour chacune des options philosophiques exprimées.

L'intervenante estime pour sa part que la démocratie serait plutôt un espace « trop plein », en raison de la multiplicité et de la richesse des opinions qui s'y expriment.

Plutôt que de faire prévaloir un principe sur l'autre, il faut tenter de trouver entre eux des articulations.

En ce qui concerne l'interdit de tuer, il doit rester inscrit dans le Code pénal, dont la fonction essentielle correspond au rôle de l'État de fixer quelques balises pour empêcher la violence, spécialement à l'égard des plus faibles et des plus démunis.

L'intervention du médecin à l'égard du patient ne peut être conçue comme une liberté individuelle qui en rencontre une autre.

Il ne s'agit pas de relations privées, mais d'une relation où le médecin remplit une fonction sociale.

Dans ce rôle, il n'est pas seul : il appartient à une profession, est encadré par une déontologie.

En ce qui concerne le concept de liberté et d'autonomie, l'intervenante souligne qu'en fin de vie, il devient assez abstrait.

Ce concept ne peut être raisonné qu'en dépendance par rapport aux autres; il doit être conçu de façon globale, et non du seul point de vue de l'individu.

Par ailleurs, quel est le degré d'autonomie de certaines personnes âgées, atteintes de sénilité ou de démence, dans une société où l'isolement affecte un nombre de plus en plus grand de personnes ?

L'intervenante estime que le Code pénal ne peut être seulement un catalogue de normes, mais qu'il doit contenir quelques balises, et être sous-tendu par un projet social.

À cet égard, et contrairement à un certain nombre d'auteurs actuels, qui veulent se limiter à fixer des règles de procédure formelles, le contenu des normes étant à remplir par chacun, l'intervenante veut faire le pari qu'il est encore possible, dans notre société, de dégager une morale commune.

Elle souhaite que, dans le présent débat, on puisse trouver une formule qui ne galvaude pas les quelques valeurs essentielles ­ peu nombreuses ­ qui subsistent, et doivent demeurer pour les générations futures.

Sur le plan juridique et pénal, maintenir l'interdit de tuer dans le Code pénal relève d'un principe élémentaire de précaution.

Du point de vue de la philosophie du droit pénal, on ne légifère pas par voie de disposition générale pour ce qui reste une matière d'exception, puisque les demandes répétées et conscientes sont rares. Il s'agit d'une question de cohérence dans la vision de la société.

Contrairement à l'opinion exprimée par de précédents orateurs, l'intervenante considère que la valeur symbolique des choses tient une place importante dans le débat. Le droit est d'ailleurs le lieu où les symboles se définissent et s'incarnent.

Un précédent intervenant propose de créer en matière d'euthanasie une cause de justification spéciale.

L'état de nécessité est aussi une cause de justification objective, mais non spéciale.

L'avantage de cette notion est qu'elle indique clairement que l'on se trouve dans le domaine de l'exception, du cas par cas.

Le médecin est justifié à agir, pour autant qu'il y ait état de nécessité.

C'est au parquet de poursuivre et, devant le tribunal, ce sera au médecin à justifier pourquoi il s'estimait en état de nécessité; le juge appréciera librement l'existence de ce dernier.

Au contraire, dans le système proposé par les six auteurs de la majorité, l'euthanasie deviendrait un acte médical comme un autre, et ce serait à celui qui invoque l'irrégularité à la prouver.

Or, on sait les difficultés qu'une telle preuve peut comporter, en matière d'actes médicaux.

L'intervenante se demande qui, en l'état actuel des choses, est réellement demandeur de l'introduction d'une cause de justification spéciale dans le Code pénal.

Beaucoup de médecins, d'infirmiers, et d'associations ne le sont pas, l'Ordre des médecins non plus. Or, le but du législateur doit être de légiférer dans l'intérêt de ceux qui en ont besoin.

On peut redouter un réel problème social si un texte était voté qui soit contraire à la position de l'Ordre des médecins, et qui ne rencontre pas un minimum de consensus sur le terrain. Il s'agit d'un rapport de forces à régler.

La matière relève davantage de la régulation que du droit pénal. Il serait intéressant de savoir comment d'autres pays ont procédé en la matière.

C'est pour toutes ces raisons que des auditions paraissent nécessaires et ont été demandées.

Du point de vue médical, il faut souligner que la médecine évolue; les progrès dans le soulagement de la douleur sont considérables d'année en année.

On peut se demander si les juristes sont réellement informés de tous les aspects de cette évolution et, en outre, si la définition que l'on donne de l'euthanasie correspond aux pratiques médicales actuelles.

À cet égard, des auditions de médecins travaillant dans des unités de soins palliatifs, mais aussi de soins intensifs, pourraient s'avérer particulièrement éclairantes.

Un éclairage médical serait également nécessaire à propos de la distinction entre patients conscients et inconscients, distinction qui, selon les médecins, n'est pas toujours aussi simple à faire qu'il y paraît.

À propos des soins palliatifs, l'intervenante déclare que, s'il n'y a pas nécessairement de lien immédiat entre ceux-ci et l'euthanasie, c'est la rencontre de la demande qui, en cette matière, est essentielle.

Le secteur des soins palliatifs a également exprimé son inquiétude que la loi à venir ne mette un frein à son développement, ou qu'à tout le moins, elle ne soit comprise comme telle.

Il faudra être attentif à cet aspect des choses, d'autant plus que les soins palliatifs revêtent une grande importance, non seulement pour le patient, mais aussi pour la famille.

En ce qui concerne le point particulier du système du recours au mandataire, l'intervenante se demande si ce système permet au processus de deuil de s'accomplir normalement.

En conclusion, l'intervenante souhaite que l'on puisse trouver un processus de régulation des pratiques médicales qui permette à la fois d'empêcher les euthanasies sauvages, et de rencontrer les demandes d'euthanasie dans les cas extrêmes.

À cet égard, elle se demande si la proposition 3 dégagée par le comité consultatif de bioéthique n'était pas une bonne voie, peut-être même la meilleure, pour rencontrer toutes les tendances philosophiques existant en la matière.

Une autre intervenante souhaite émettre quelques réflexions générales en la matière, basées sur un certain nombre d'expériences concrètes.

Récemment, elle a assisté aux funérailles d'un homme de 37 ans qui avait une tumeur au cerveau et qui, depuis un certain temps, était soutenu par le centre de jour palliatif dont elle est la marraine. Cet homme avait deux jeunes enfants. Jusqu'au dernier jour, il a continué à se battre pour sa vie, subissant encore une dernière série de rayons à l'hôpital. Quelques semaines auparavant, au centre de jour, il avait toutefois mis en scène son testament sous forme de pièce de théâtre. C'était sa volonté.

Il y a quelques mois, elle a accompagné jusqu'au décès une femme de 85 ans atteinte d'un cancer de l'intestin, pour laquelle chaque jour à vivre était un jour de trop. Elle ne pouvait plus rentrer à la maison et séjournait donc à l'hôpital. Afin d'éviter des complications que les soins palliatifs n'auraient pu maîtriser, compte tenu des analgésiques disponibles, elle a encore subi une lourde intervention chirurgicale (placement d'un anus artificiel) une semaine (mais cela aurait pu être des mois) avant sa mort. Ce n'était pas sa volonté mais, soumise à des pressions, elle ne voyait pas d'échappatoire. Cette dame au caractère fier est décédée dans les circonstances les plus indignes pour elle, posant continuellement la même question : n'ai-je donc pas déjà assez vécu ?

Elle témoigne ensuite de l'adieu d'un garçon de 13 ans, en phase terminale, qui a discuté pendant des semaines avec ses parents pour les convaincre qu'il n'en pouvait plus, que la douleur était insupportable, qu'elle allait encore empirer, et qu'il voulait leur faire ses adieux en beauté. Les parents se sont ralliés à ce souhait et le garçon est décédé heureux.

Si elle a mentionné ces situations, c'est parce qu'elles montrent combien l'approche de la mort est une chose personnelle, et qu'un tiers ne peut donc, dans un sens ou dans l'autre, s'exprimer radicalement au nom du mourant.

L'euthanasie (la mort douce) est un acte de compassion. Elle n'est pas, comme le prétendent certains dans un contexte caricatural, l'ennemi qui guette derrière la porte des malades affaiblis. Elle est une aide pour ceux qui souffrent trop, pour lesquels il n'y a plus de solution et qui veulent être délivrés en beauté. La question de l'euthanasie n'a aucune pertinence pour ceux qui peuvent et veulent la refuser.

Elle croit à un système de soins palliatifs largement développé et, depuis 1991, avec Kom op tegen Kanker, elle a pu suivre de près les premiers progrès qui ont été réalisés en Flandre, non seulement avec l'aide des pouvoirs publics mais aussi grâce aux moyens financiers collectés lors d'une campagne de sensibilisation. Les soins palliatifs sont importants et leurs effets sont significatifs, non seulement sur le plan physique et psychologique, mais aussi sur le plan spirituel. Ils permettent de repousser les limites et de réaliser les derniers rêves. Je pense à ce qui s'est passé cette semaine dans le tout nouveau département du Middelheimziekenhuis à Anvers, où l'artiste Albert Szukalski a pu réaliser, avec l'aide d'amis artistes, sa dernière oeuvre, son testament.

L'intervenante explique que cela fait déjà huit ans qu'elle est familiarisée avec les centres de soins palliatifs et qu'elle connaît quantités d'exemples de petits ou grands souhaits qui ont pu être réalisés grâce à l'aide des bénévoles et au dévouement du personnel.

La lutte contre la douleur doit être améliorée. On observe une évolution mais il n'est pas souhaitable de tout tenter dans tous les cas, sous prétexte que tout est possible.

Les soins palliatifs ne permettent pas de résoudre tous les problèmes car il y a lieu de tenir compte de la personnalité, des possibilités et de la maladie du patient. S'il convient de tout faire dans le cadre de soins palliatifs pour que la personne du patient soit centrale et pour organiser ses derniers mois, semaines ou jours comme il le désire, compte tenu de sa personnalité et de sa capacité de résistance, il faut également faire preuve de suffisamment de respect quand la personnalité et l'état de faiblesse du patient indiquent qu'il est temps de changer d'attitude, que l'issue est atteinte. Cela doit inspirer la compréhension et l'admiration. La société doit se préoccuper de ceux qui demandent que l'euthanasie soit possible, par compassion et par respect.

Naturellement, on ne peut ignorer les éventuels dangers, et c'est précisément pour cela (tout le monde est sans doute d'accord sur ce point) que les arguments avancés par un collègue pour renforcer les critères de prudence sont si importants.

On ne peut davantage ignorer les réalités actuelles. Il ressort de la récente enquête effectuée par des professeurs belges et néerlandais que, sur un total annuel de 56 000 décès en Flandre, 20 000 sont précédés d'un acte médical qui abrège la vie, et que dans 2 000 de ces cas, des substances mortelles ont été utilisées. Dans 1 000 cas au moins, on aurait agi à l'insu du patient. Hier, certains collègues ont déclaré que c'est inquiétant mais franchement, cela ne m'étonne pas.

L'intervenante s'interroge sur le fait de savoir si cela signifie qu'en de nombreux endroits, des médecins intéressés et des héritiers impatients se sont mis d'accord. C'est possible, dans des cas tout à fait exceptionnels. Mais personnellement, pour avoir été proche ­ non en tant que médecin mais en tant qu'être humain ­ de tellement de malades en phase terminale (très jeunes et âgés) elle sait que, là également, un acte de compassion est souvent accompli tacitement, par miséricorde. Le décès d'un être cher est une épreuve terrible pour les proches, qu'il s'agisse d'un compagnon, d'un parent, d'un enfant ou d'un ami. La décision d'accélérer la fin d'un être cher ne se prend jamais à la légère. Quand il est question d'euthanasie, le patient, ses proches ou le médecin traitant n'agissent pas à la légère. Une étude américaine effectuée aux Pays-Bas a montré que le fait de procéder à l'euthanasie ne devient jamais un acte habituel pour un médecin. À chaque fois, c'est comme si c'était la première fois, et le processus émotionnel est difficile également pour le médecin, en dépit de la sérénité, de la reconnaissance ou du bonheur du patient avant de s'éteindre.

La communication est l'un des grands problèmes en matière d'accompagnement des mourants. À cet égard, la culture des soins palliatifs a déjà changé bien des choses. Un autre membre a souligné, à juste titre, que la formation des médecins laisse beaucoup à désirer et que les cours de base et de formation continuée devraient pallier ces manques. Une bonne communication, la volonté et la capacité d'écouter et de répondre correctement, telle doit être l'attitude normale du monde médical, et ce bien avant la phase d'accompagnement des mourants. En effet, cette communication réciproque devrait être optimale dès le moment où l'on apprend qu'on est atteint d'une maladie incurable.

Dans notre culture, nous éprouvons des difficultés à parler de la mort et des adieux. Les patients dissimulent leurs souffrances et leur chagrin à leur famille et inversement, les proches du patient ne veulent pas révéler que la fin est imminente et qu'ils ont peur. Souvent ils refusent d'admettre la réalité. De ce fait, la plupart du temps, on ne fait pas vraiment ses adieux, même quand on le souhaite réellement, parce que dans notre culture, c'est une chose que l'on n'apprend pas à faire. Par la suite, il en résulte un processus de deuil plus difficile.

L'intervenante estime que ces problèmes de communication au sujet de la mort soulignent combien ce débat sur l'euthanasie est important. Contrairement à un intervenant précédent, elle estime que le débat extérieur est pertinent et positif. De plus en plus, on peut lire et entendre des témoignages de personnes intéressées qui traitent de l'essence même de la question de la mort plutôt que des points de détail dont nous discutons ici. Aussi, les commissions devraient davantage entendre les patients eux-mêmes.

Elle s'est étonnée du fait que personne n'ait mentionné cela quand il a été question d'auditions. Non seulement les médecins et les infirmiers doivent être entendus, mais aussi les patients.

Dans ce débat sur la mort, on devrait montrer plus d'humilité et veiller à faire moins de bruit que ce n'a parfois été le cas. Il faudrait débattre en toute sérénité. Force est de constater que les discussions qui se déroulent dans cette salle répondent bien plus à cette exigence que ne le donnent à penser les échos extérieurs. Quoi qu'il en soit, les travaux des membres de ces commissions doivent aboutir malgré les points de vue très divergents, non seulement en ce qui concerne les problèmes ponctuels mais surtout en ce qui concerne les principes de base.

L'intervenante estime que d'autres membres ont très bien exprimé cela. La question est de savoir si oui ou non, nous voulons accorder au patient le droit à l'autodétermination. Le patient peut-il juger de sa capacité d'endurance et de souffrance, de sa dignité, conjointement avec son médecin et les siens (car généralement, cela se fait de concert) ou bien un certain nombre de personnes sages ­ ou moins sages ­ qu'il ne connaît pas, qui ne le connaissent pas, doivent-elles en juger ? La réponse à cette question devrait indiquer s'il est possible de rapprocher les points de vue.

Elle a écouté attentivement un membre qui a déclaré que cette discussion est symbolique et qu'elle sous-tend un projet de société (ce qui signifie que ce projet ne peut être changé).

À ce propos, l'exposé fait hier par un autre membre était de nature à clarifier les choses.

Les symboles changent. Elle comprend que les gens s'accrochent à certains symboles tandis qu'au sein de la société, lentement, la signification de ces symboles évolue.

Elle le comprend mais cela ne constitue qu'un point de vue parmi d'autres et non le seul.

Personnellement, elle pense qu'en collaboration avec certains collègues, elle pourrait arriver à un texte bien équilibré mais, peu à peu, elle en arrive à douter que ce soit possible avec d'autres. Il faut néanmoins poursuivre la discussion mais pas indéfiniment. Chaque jour, des personnes sont atteintes d'une maladie incurable. Chaque jour, des gens meurent, parmi lesquels beaucoup espèrent que nous nous attelions à la tâche.

Un membre constate qu'un certain nombre d'intervenants affirment sans cesse vouloir mener le débat sereinement mais, en même temps, profitent de l'occasion pour entretenir la polémique. Il rappelle que lui-même et le groupe qu'il préside ont fait de grands efforts, au cours de la législature précédente, pour inscrire à l'ordre du jour un certain nombre de thèmes éthiques, parmi lesquels l'euthanasie, et pour lancer le débat.

Il émet des réserves quant à la manière dont un autre membre a esquissé les principes de base de cette discussion. Cela revient à caricaturer une certaine vision qui a été exposée dans le cadre de cette commission.

Un autre membre constate que la tenue d'un débat amène très naturellement à une plus grande identification des différences existant entre les thèses en présence.

D'autre part, on ne peut faire de procès d'intention à personne sur son combat personnel dans sa propre sphère.

Pour le surplus, l'intervenant a entendu des caricatures, et même des injures tout à fait inadmissibles, auxquelles il préfère ne pas répondre.

Il lui paraît en tout cas que l'on ne peut tirer argument de certaines réactions que l'on a soi-même suscitées par ses propos.

Un membre constate que de nombreuses interventions ont déjà eu lieu, qui avaient des portées très variables.

Certains ont voulu affirmer, de manière absolue, leur refus d'une légalisation partielle de l'euthanasie, ou du moins, mais ce fut parfois ambigu, leurs refus de régler la pratique de celle-ci dans le Code pénal. Les raisons évoquées sont multiples. L'intervenant ne veut pas discuter celles qui relèvent des convictions fondamentales des personnes et de l'attachement à des dogmes philosophiques ou religieux. Il peut les entendre, mais estime qu'il ne lui appartient pas de les mettre en question, sinon à dire qu'il ne se sent pas tenu par ces arguments.

Il se déclare plus interpellé par les intervenants qui fondent leurs doutes sur l'opportunité de légiférer en la matière sur des considérations sociologiques, ou juridiques. Il tient à dire qu'il les écoute avec intérêt.

Il a de même écouté très attentivement les commentaires juridiques portant sur le texte de la proposition de loi déposée par les six membres des partis de la majorité. Sans doute certaines remarques constructives pourront-elles mener à améliorer ce texte, sans que soient remises en cause les orientations essentielles qu'il porte.

Sur son approche de la question sur le fond, l'intervenant voudrait dire qu'il est arrivé dans ce débat sans a priori, et, comme plusieurs « nouveaux sénateurs » ont eu l'occasion de le dire, avec une moins bonne connaissance du dossier que certains collègues. Aujourd'hui, ayant écouté, lu, discuté et réfléchi, il se sent conforté, à ce stade des débats, dans son sentiment qu'il est nécessaire de légiférer en matière d'euthanasie.

Il constate que des euthanasies sont pratiquées, en nombre assez important. Quelques études, peu nombreuses certes, portent sur la situation belge. On peut les comparer aux deux grandes études hollandaises de 1990 (le rapport Van Remelink) et 1995. Ces comparaisons sont de nature à valider les chiffres obtenus, même si on note quelques différences éclairantes.

D'après l'étude inter-universitaire dont on vient de prendre connaissance, l'euthanasie à proprement parler interviendrait dans 1 % des 56 000 décès annuels en Flandre. Mais des injections de substances létales sans consultation du patient représenteraient par contre 3 % des cas ! Comme le soulignent les auteurs, il faut comparer ces deux chiffres aux données hollandaises, respectivement de 2,4 % d'euthanasies mais de seulement 0,7 % d'interruptions de vie non demandées !

Ces données viennent confirmer avec poids ce que disent depuis longtemps les partisans d'un encadrement légal de l'euthanasie : il faut lever l'interdit pénal absolu qui pèse sur l'intervention médicale pour libérer la parole et restaurer le dialogue entre le patient et son médecin. L'interdit réduit la communication, la clandestinité entraîne des décisions à la sauvette, non concertées.

Il entraîne même des dérapages. L'intervenant ne veut pas exploiter le cas que la justice connaît pour le moment à Liège, mais il ne fait que confirmer de multiples témoignages. Il renvoie notamment aux nombreux courriers que publient nos journaux pour le moment, ou aux récits que rapporte Soeur Léontine dans son ouvrage sur l'euthanasie.

Il n'est plus possible, face à des données chiffrées, d'écarter cet argument d'un revers de main, au motif qu'il serait « très exceptionnel ». 3 %, c'est énorme. Le législateur doit se préoccuper de cette situation.

Il ne paraît pas possible de dire encore « nous savons que cela se fait, nous le tolérons, mais nous ne voulons rien changer à la loi. » Il s'agit ici, bien entendu, de la loi pénale. Car c'est le tabou pénal qui pèse sur ce débat.

Seule la modification de la loi pénale apportera la sécurité juridique. Introduire la notion d'euthanasie par une loi sans changer le droit pénal, modifier un arrêté royal ne peut mettre fin à l'incertitude. Car l'euthanasie restera formellement assimilée au meurtre. Les médecins continueront de voir peser sur leurs actes, quels qu'ils soient, la menace d'une condamnation pour assassinat. Or, c'est précisément ce que l'on veut modifier, répondant à une évolution de la société : dans certaines conditions objectives et de procédures strictes, l'euthanasie ne serait plus un meurtre.

Les autres mesures proposées ne remplissent pas ce but. Aux Pays-Bas, où le consensus social a permis, sur base d'un accord de la très grande majorité des médecins et des magistrats, d'organiser un contrôle des pratiques sans modification du Code, on envisage aujourd'hui la dépénalisation comme le moyen de dépasser les problèmes qui subsistent.

En Belgique, on voit que la régulation déontologique ne peut suffire, le conseil de l'Ordre des médecins étant soumis aux ambiguïtés d'un Code de déontologie qui affirme sans nuance que le médecin ne peut pas provoquer délibérément la mort de son patient, mais évoque la préservation de la dignité du patient comme échappatoire au premier commandement absolu.

On se trouve là aussi devant une forme d'hypocrisie collective : parce qu'on n'ose pas dire les choses clairement, on édicte un texte ferme dont on sait, dès la rédaction, que l'on tolèrera sa transgression.

On retrouve ainsi, au niveau des règles corporatives, le même problème, les mêmes ambiguïtés qu'au niveau des règles législatives.

Il semble à l'intervenant que, ce faisant, on entame autant, sinon plus, l'autorité d'un texte qu'en l'infléchissant de manière limitée, publiquement débattue et assumée.

Le « symbolisme » du droit pénal, dont on a beaucoup entendu parler, semble plus ébranlé par les contradictions, publiques, entre les pratiques sociales acceptées et le texte.

Ce texte, on prétend qu'il doit proclamer le respect du commandement « tu ne tueras point » en des termes absolus pour être respecté, en négligeant les restrictions qu'on lui a imposées longtemps, et qui gênent l'intervenant beaucoup plus, personnellement : la peine de mort et le droit de la guerre.

Après avoir écouté chacun, l'intervenant déclare qu'il préfère un texte qui fixe clairement les limites que la société veut mettre à une pratique qu'elle estime légitime, qui permettra un vrai contrôle légal et social, à un texte intègre mais violé quotidiennement, parfois dans la lumière, souvent dans l'ombre.

De ces limites, il faut précisément débattre, calmement. On le fera à la lumière des auditions qui auront eu lieu, à l'occasion de l'examen des articles. C'est là l'essentiel.

Un autre membre rappelle la citation du professeur Ladrière, déjà évoquée par un précédent intervenant : « Personne n'a une compétence privilégiée en matière d'éthique. C'est pourquoi la réflexion éthique ne peut être qu'une entreprise collective, où les différents points de vue doivent pouvoir se confronter dans l'espérance d'une convergence que justifie la croyance fondamentale en l'universalité de la raison. »

L'intervenant a beaucoup apprécié les débats tenus la semaine dernière, et souhaite remercier les intervenants pour la qualité du débat de fond auquel ils ont conduit.

Il suggère, dans un but de clarification, de s'entendre sur la façon de nommer, entre commissaires et à l'extérieur, les différentes propositions évoquées dans les discussions, pour éviter confusions et mauvaises compréhensions.

Il propose que l'on retienne la façon dont un intervenant a nommé les propositions émanant de membres de la majorité, à savoir « les propositions des six auteurs ». Les autres propositions pourraient être nommées par le nom de leur primo-signataire.

Cela éviterait d'attribuer dans la dénomination un statut de position de parti aux propositions alors que l'on se trouve dans un débat bioéthique, où chacun est appelé à se situer en conscience sans discipline de parti ou mot d'ordre gouvernemental, et alors qu'un des buts de la discussion générale est de dégager, autant que faire se peut, le plus de consensus possible ou tout au moins d'atteindre le maximum de clarification et de compréhension.

Un membre a reparlé d'un agenda caché. L'intervenant n'en a pas connaissance, sauf celui qui découle de la phrase citée par le président de la commission lui-même, à savoir : « pas de précipitation, pas d'atermoiement funeste. »

L'intervenant rappelle également qu'il n'est pas juriste, et qu'un éclairage complémentaire sur ce plan lui paraît nécessaire. Les textes qui émaneront du Sénat seront lus et commentés par des juristes, des légistes et des experts du monde entier.

Il faut donc prendre les garanties juridiques nécessaires pour bien répondre, à travers les textes sur les soins palliatifs et l'euthanasie, aux objectifs de droit du patient aux soins globaux, humainement et techniquement adéquats, aux objectifs du respect personnalisé et approfondi de son autonomie comme être humain reconnu, aux objectifs d'assistance aux proches, et d'appui aux soignants et accompagnants.

De plus, comment les diverses propositions font-elles suite et reprennent-elles plus ou moins les avancées et acquis dégagés par la majorité des membres du Comité consultatif de bioéthique, et qui, selon l'intervenant, se situent, sur le fond, entre les positions 2 et 3 du Comité ?

À l'attention d'une précédente oratrice, l'intervenant souhaite préciser la citation qu'il a faite à propos de la démocratie.

Il a déclaré, non pas que la démocratie était un lieu vide, mais que le pouvoir s'y présentait comme un lieu vide, citant Hugues Poltier, qui écrit dans un livre intitulé « Claude Lefort ­ La découverte du politique » : « Une formule revient sans cesse sous la plume de Lefort, tel un leitmotiv : la spécificité de la démocratie, est que, pour la première fois dans l'histoire, le lieu du pouvoir s'y présente comme un lieu vide. » (...).

« Le sens de cette formule ne devient intelligible qu'à une double condition. Il convient d'abord de se rappeler la distinction du symbolique et du réel et de comprendre qu'elle s'applique au pouvoir pris en tant que symbolique, et ensuite que cette proposition a un statut comparatif avec les régimes précédents et qu'il faut considérer le recul de la croyance en un fondement transcendant de l'ordre social ».

À travers cette évolution, « nos démocraties tendent à s'identifier à un espace régi par des règles de rapports » et de coexistence et le lien symbolique et social se refait plus à travers la participation au processus démocratique et la reconnaissance implicite de la légitimité des règles souvent procédurales qui président à son déroulement.

L'intervenant renvoie, pour plus de développements, au livre cité, et à Claude Lefort lui-même.

En démocratie, il ne s'agirait plus de déterminer quelle option philosophique ou quelle « certitude » doit l'emporter, mais de faire en sorte qu'une pluralité d'options fondamentales puissent coexister, donc sans vouloir les imposer les uns aux autres, dans le respect des règles démocratiques et des Droits Humains de liberté et de solidarité qui sont indissociablement liées à la démocratie.

Le lien social se fait par le respect des procédures de coexistence pacifique et de débats pluralistes et libres.

Dans ce processus démocratique, il y a un encouragement à l'élaboration des options de vie de chacun et par chacun et une mobilisation de moyens publics pour aider solidairement en ce sens.

Dans cette perspective, à la fin de la vie, dans une situation extrême que nous sommes amenés à vivre, n'y a-t-il pas un espace quasi-sacré où la loi collective s'arrête d'avancer et se tait, face à l'ultime choix d'une personne humaine, tout en veillant à avoir proposé tous les moyens matériels et humains possibles pour pouvoir élaborer une parole qui lui soit propre, et non l'écho de pressions d'ordre socio-économique, psychologique ou autres, étrangères au respect d'elle-même.

Dans cette perspective, ce qui paraît fondamental à l'intervenant, c'est le dialogue et donc, a contrario, l'irrémédiable, c'est le non-dialogue ou un simulacre de dialogue.

Si la personne n'a pas été écoutée, que le temps n'y a pas été consacré par d'autres personnes préparées et disponibles pour cette écoute, qu'il n'y a pas de transmission interpersonnelle, intergénérationnelle, alors peut-être qu'un homicide psychologique, culturel, spirituel est en fait exécuté alors que, dans le cadre d'un réel dialogue, d'une vraie reconnaissance interhumaine, une action médicale qui viserait à soulager d'une souffrance irréductible en entraînant même la mort pourrait, à ce niveau et à l'extrême, ne pas être un homicide.

Ce débat remet en lumière et à l'actualité la question de notre mortalité, de notre condition humaine d'être vivant mortel. Un des plus grands dangers serait le détournement de ce débat au sortir d'une période d'occultation de la mort, en le caricaturant dans un affrontement à la Don Camillo.

Occultation, car mortalité inconvenante dans une période de promotion de l'être humain comme consommateur sans fin.

Risque de détournement, au moment où se réalisent des promesses d'allongement de la durée de vie, mais où le grand âge ne serait plus perçu comme une espérance de vie, mais comme une charge sociale.

Heureusement, nos sociétés ont acquis une expérience assez récente, faut-il le dire, et donc encore fragile, au sujet du dialogue et de l'accompagnement des personnes en fin de vie.

Et les besoins les plus fréquents ne sont pas liés à des demandes autour de la question de l'euthanasie, mais autour de la souffrance, de l'angoisse et de la solitude humaine.

Donc, si l'on reprend les problèmes à partir de leur fréquence, de l'expérience acquise et de la nécessité de pouvoir y répondre, c'est bien, comme le prévoient les diverses propositions en discussion, la possibilité pour tous d'accéder à des soins continus et palliatifs lorsque ceux-ci sont indiqués, qui vient en tête des besoins. Il faut pouvoir en bénéficier au même titre que d'autres soins.

Donc, les soins palliatifs doivent être inscrits dans un continuum de soins et de traitements de qualité et accessibles à tout citoyen suivant ses besoins et leur nécessité.

C'est à travers ce continuum que les acquis des soins palliatifs doivent rejaillir aussi sur l'ensemble des soins, que ce soit l'écoute, le dialogue, l'accompagnement, la recherche de traitements adéquats contre les douleurs et pour le confort du patient. Ces acquis doivent humaniser l'ensemble de la chaîne de soins. Il ne faudrait pas être arrivé à un stade incurable pour bénéficier enfin d'une humanisation globale des soins.

Légiférer en ce sens au sujet des soins continus et palliatifs, en assurer leur pleine place au sein des soins de santé et de l'assurance maladie-invalidité, c'est garantir, donc, leur accessibilité dans le cadre de l'accessibilité générale à des soins adéquats et de qualité. C'est les inscrire dans la logique de solidarité publique de la sécurité sociale sur une base la plus large possible.

La norme doit donc être fédérale et les expériences, diversifiées en fonction des réalités de terrain, doivent pouvoir être partagées, évaluées et valorisées, dans le cadre de la coopération avec les régions et communautés.

Les soins continus et palliatifs ne se présentent pas comme une alternative à la problématique de la demande d'euthanasie mais, sans que ce soit leur première visée, ils en réduisent la fréquence et la persistance à des cas plus rares et souvent plus extrêmes.

Mais le savoir sur l'écoute et le dialogue retrouvé au travers des soins palliatifs, mais ce savoir qui n'aurait jamais dû quitter les autres niveaux de la médecine, ce savoir acquis peut utilement, et selon l'intervenant, doit même éclairer sur ce qu'est l'écoute aussi d'une demande « d'euthanasie », sur la charge humaine et psychique qu'elle peut représenter pour un soignant, et sur le nécessaire dialogue interhumain à ces moments.

L'intervenant souligne aussi que les questions autour de la demande des types de consultation à réaliser appellent un approfondissement et des éclairages venant de l'expérience acquise. Cela guidera les propositions d'auditions qui seront faites. L'intervenant a cité le professeur Guy Haarscher à ce sujet. Il voudrait encore brièvement évoquer l'aspect plus psychologique, car il croit que dans l'ensemble des propositions en discussion, le balisage de l'écoute de la demande n'est pas assez élaboré.

Il fait référence à la clinique psychiatrique, et cite par exemple les problèmes tels que de mélancolie, de troubles de la lignée perverse, des interactions familiales euthanogènes.

Ces problématiques demandent une compétence, une expérience et un savoir qui n'est actuellement pas le fait d'un grand nombre de médecins et qui nécessite l'appel à des spécialistes.

Il faudrait que, lors des auditions, on puisse clarifier la façon d'accompagner, d'entendre et de traiter les patients de ce type et leurs demandes.

L'intervenant voudrait aussi insister sur la distinction entre pluridisciplinarité et interdisciplinarité. La première peut, à juste titre, prêter le flan à la critique de tribunalisation. Elle est une juxtaposition d'avis, alors que la seconde est le travail et l'échange entre personnes compétentes, afin de prendre le recul humain nécessaire pour réellement entendre et comprendre ce qui se passe. L'interdisciplinarité est l'une des avancées les plus importantes de la médecine de ces dernières années.

Là encore, des clarifications seraient utiles dans le cadre des auditions.

L'intervenant conclut en assurant qu'il cultive un espace de doute critique, raisonné et anti-dogmatique, pour pouvoir écouter le plus attentivement possible les uns et les autres.

Un autre membre se réfère à la définition de l'euthanasie utilisée dans ce débat : acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. Telle que définie, l'euthanasie est acceptée comme principe de base par quasiment tous, étant entendu qu'elle ne peut être pratiquée que moyennant le respect de conditions strictes.

Dans l'optique de la proposition de loi déposée par des membres de six groupes, l'orateur estime qu'un patient capable de manifester sa volonté, se trouvant dans une situation sans issue et atteint d'une maladie incurable, peut demander l'euthanasie.

Ceci soulève la question de l'autonomie de la personne. Quelle place occupe le droit à l'autodétermination dans le domaine des soins de santé ? Qui décide de notre mode d'alimentation, de ce que nous buvons chaque jour et en quelles quantités, de la question de savoir si nous fumons, du niveau de stress que nous supportons ? Dans quelle mesure peut-on laisser les gens libres d'adopter un mode de vie médicalement critiquable, qui nuit à leur santé et les condamne à une mort prématurée, sachant que la consommation d'un seul verre de whisky entraîne la destruction d'un milliard de cellules et que chaque cigarette fumée raccourcit la vie de 6 minutes.

Un patient ne peut-il pas choisir librement de prendre ou non ses médicaments (hypotenseurs, insuline pour les diabétiques, médicaments qui diminuent le taux de cholestérol ou qui protègent le coeur et les artères) ? N'a-t-il pas le droit ou la liberté de refuser des examens, des médicaments ou des opérations ? Les chartes relatives aux droits des patients plaident en faveur du droit à l'autodétermination.

En allant encore un peu plus loin, on peut se demander, par exemple, si les témoins de Jéhova ont le droit de refuser une transfusion ? Ne s'agit-il pas le plus souvent de jeunes en bonne santé, de mères en salle d'accouchement qui, en choisissant délibrement de privilégier leurs convictions, laissent leur famille désemparée dans l'embarras ? Doit-on contraindre ces gens à assumer leurs responsabilités dans la société ?

Ces questions deviendront encore plus brûlantes lorsque, dans un avenir ­ proche ou lointain ­, nous aurons à notre disposition la pilule anti-vieillissement, qui produira des inhibiteurs de télomérase destinés à empêcher qu'à chaque division, le renouvellement des cellules ne se ralentisse et se complique. Une fois que de ces médicaments seront sur le marché, nous obligera-t-on à les prendre et à devenir tous, non pas centenaires, mais tricentenaires ? Outre le droit du patient à l'autodétermination, où se situent les limites si les frontières naturelles de la vie viennent à disparaître ?

Le membre se réfère à cet égard à la lettre du 21 janvier dernier que le docteur Roland Lemye, président de la Chambre francophone des médecins, a transmise aux membres. Dans sa lettre, ce médecin se demande si le fait que le débat sur l'euthanasie ait lieu au moment où les maladies infectieuses sont vaincues, les affectations cardiovasculaires en recul et où bientôt, on pourra guérir les cancers, est le simple fruit du hasard. On se dirige à présent vers une augmentation sensible du nombre de personnes âgées et très âgées et la maladie d'Alzheimer sera la prochaine maladie du siècle. Le docteur Lemye cite des pays comme le Danemark, la Suède, la Grande-Bretagne, où des patients trop âgés (70 ans) se voient refuser des greffes de reins et des dialyses pour des raisons économiques. Leur refuser ce traitement équivaut à les condamner à mort.

À l'opposé, nous sommes confrontés à la tentation de l'acharnement thérapeutique ou de l'acharnement palliatif. Si l'euthanasie ne peut être imposée, elle doit être permise. Une société qui ne veut pas entendre parler d'euthanasie n'aurait jamais dû laisser les soins de santé atteindre un tel niveau de développement.

L'orateur estime que l'on fait fausse route en continuant à faire comme si la réponse à une demande d'euthanasie devait être laissée à la libre appréciation du médecin. Cette politique de tolérance a maintenu ce problème dans le flou et l'incertitude pour le patient, le médecin et la communauté en général. Nous ne pouvons accepter plus longtemps cette politique de tolérance, également pratiquée par l'Ordre des médecins. Alors que le code de déontologie de cet Ordre est un code opérationnel qui énonce les règles déontologiques des praticiens de l'art de guérir, le législateur conserve le droit d'imposer lui-même des règles déontologiques.

La manière dont les groupes PSC et CVP imterprètent la Déclaration universelle des droits de l'homme diffère, par exemple, de celle du professeur Van den Ende et avec lui, de nombreux autres d'obédience chrétienne, qui considèrent le droit à l'autodétermination comme un élément moteur de ce traité. La Déclaration universelle s'oppose, en effet, à l'infantilisation des gens, à leur mise sous tutelle et à leur maintien dans un état d'incapacité.

C'est ainsi que l'article 1er de cette déclaration stipule que « tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

L'article 3 dispose que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».

L'orateur souligne que la demande d'euthanasie formulée par le patient, lequel a reçu toutes les informations nécessaires, doit se faire librement, de manière explicite, réitérée et mûrement réfléchie. Il est évident que le patient attend de son médecin qu'il l'informe conplètement de son état, du traitement, du pronostic et des risques. Cela entraîne une responsabilisation et une prise de conscience accrues.

Cependant, le patient ne dispose pas du droit absolu à l'euthanasie, de la même manière que le médecin n'a pas l'obligation absolue d'y procéder. La concertation entre le patient et le médecin doit prendre la forme d'un dialogue, une discussion ouverte à propos de la mort sans interdit ni dogme, quels qu'ils soient.

C'est notamment pour cette raison que la procédure doit être fixée par une loi. Confronté à toute demande, le médecin traitant a l'obligation de consulter un de ses confrères. Comme l'a déjà signalé un autre commissaire, les modalités de cette consultation doivent être explicitées. Cette tierce personne indépendante doit également être un médecin. Par sa formation et son expérience, ce praticien est capable d'évaluer les problèmes à la fois sur le plan technique et de l'éthique médicale, ce qui n'est pas le cas du spécialiste de l'éthique, lequel n'a pas ou peu de connaissances des problèmes liés aux pathologies.

Il estime qu'une commission éthique imposée d'en haut constitue une pure négociation au fait que les hommes sont capables de penser eux-mêmes. Cette commission éthique n'était d'ailleurs pas une proposition du Comité consultatif de bioéthique car elle livre en quelque sorte en pâture la vie privée du patient. Contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu, il n'y a pas non plus de consensus ou de majorité, au sein du Comité consultatif, en faveur des quatre propositions qui font l'objet de l'avis nº 1, en particulier la troisième option.

Le membre conclut que la négation du droit à l'autodétermination dans le domaine de l'euthanasie ne peut reposer que sur une base religieuse ou relationnelle. En ce qui concerne cette dernière, les devoirs auxquels nous sommes astreints dans nos relations aux autres ne sont toutefois pas infinis : il ont, eux aussi, leurs limites. Si nous ne disposons pas de notre vie comme nous l'entendons, c'est parce que nous sommes des êtres sociaux. Parce qu'elle a investi en nous, la société a sur nous certains droits mais ils sont limités. Nul ne peut être contraint à demeurer en vie jusqu'à l'extrême limite. La vie est précieuse sans être toutefois une valeur absolue. Cette philosophie peut s'appliquer plus largement, par exemple à la légitimité de l'autodéfense, aux guerres ou à la peine de mort, mais également à notre propre vie.

Même si la notion de « vie digne » peut varier en fonction des circonstances, il existera cependant toujours un consensus minimum quant à la question de savoir ce qu'est une vie acceptable. Tous les hommes aspirent à conserver jusqu'au bout une certaine qualité de vie, notre pire enemi n'étant pas la mort mais les souffrances inutiles.

Il est dès lors normal que l'homme dispose d'une autonomie de décision et du droit à l'autodétermination, qui sont fonction de sa propre liberté, pour autant que celle-ci n'aille pas à l'encontre de la liberté individuelle des autres.

Il n'empêche que nous sommes tous prêts, au moment où l'on en viendra à la discussion concrète des articles, à mettre la sécurité du patient au centre des préoccupations et à examiner attentivement les critères de prudence afin que les personnes en fin de vie bénéficient d'une meilleure protection et conservent leur dignité.

Un autre membre constate que les diverses interventions qui ont eu lieu jusqu'à présent ont permis de clarifier les positions, de les identifier, et de préciser certains points

Le premier de ces points concerne la position des uns et des autres sur la nécessité ou la volonté de prise en charge, et la levée de l'ambiguïté qui laisserait à penser que ceux qui sont partisans d'une dépénalisation de l'euthanasie seraient ignorants de la difficulté de l'écoute et du décodage de la demande, qu'ils seraient inconscients, incapables, incompétents, inattentifs par rapport à la difficulté des rapports entre les êtres, et à la gravité du problème.

La discussion a permis de mettre en évidence que cette nécessité d'écoute, de décodage, de prise en charge, d'accessibilité était absolue, et que nombreux sont ceux qui la défendent.

Lorsqu'on discute avec des personnes qui font exclusivement des soins palliatifs leur pratique professionnelle, soit de manière verticalisée (c'est-à-dire dans les unités de soins palliatifs), soit de manière transversale, ou avec d'autres, qui sont amenés à prendre en charge des malades sur un plan palliatif, il est extrêmement important de savoir, quand il est question d'écoute, de décodage, si l'on est bien au courant des situations qui existent, et de montrer à certains que ce n'est pas à la légère que l'on établit des propositions de loi de cette nature.

Sans doute y aura-t-il consensus, sinon sur la méthode verticale ou transversale, au moins sur la nécessité d'une plus grande offre de soins palliatifs, et pour une plus grande accessibilité.

Cependant, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'au-delà de certains points sur lesquels il peut y avoir consensus, les positions exprimées demeurent, sur certains autres, divergentes et inconciliables.

En effet, en ce qui concerne la problématique de l'euthanasie comme telle, il existe un obstacle fondamental qui relève de l'adhésion ou de la non-adhésion au principe de la liberté individuelle du patient ou, au contraire, à un principe qui dépasse cette liberté.

L'intervenant a pu réexaminer les longs débats qui ont eu lieu au Sénat, en ce compris les positions exprimées à l'intérieur de celui-ci, sur ce qui pourrait constituer les fondements d'une justification de la dépénalisation ou, au contraire, d'une opposition totale au principe de l'euthanasie.

Il a été question, dans le cadre du présent débat, de liberté, d'autonomie, de l'individu. Il a été dit que l'homme n'était constitué que par relation avec les autres, et n'avait pas une liberté totale à cet égard.

Or, si l'on constitue sa personnalité en fonction des relations réciproques que l'on tisse avec les autres, la liberté de l'homme est de définir, y compris de manière variable dans le temps, le champ qui détermine ce qu'il est, jusques et y compris, de considérer, à un moment ou l'autre de son existence, que ce champ se résume à sa propre personne.

C'est là un principe fondamental, qui s'oppose clairement à certaines thèses qui se sont exprimées.

Il s'agit du fondement de la liberté que l'on donne à tout homme, s'il décide que sa vie n'a plus de valeur, et même en tenant compte de son entourage, d'en finir avec l'existence.

Certains ont déclaré que la demande d'euthanasie était légitime. L'intervenant espère qu'il n'existe aucune discussion à cet égard.

Mais c'est le problème de la réponse à cette demande qui est posé. L'intervenant et ceux qui partagent son point de vue estiment que cette réponse est, elle aussi, légitime. C'est là la différence essentielle qui sépare les thèses en présence. Même si la discussion générale se poursuivait longuement, il est peu probable que les positions des uns et des autres sur ce point pourraient être davantage clarifiées.

L'intervenant respecte les points de vue différents du sien, y compris l'opinion de ceux qui contestent la légitimité ou la nécessité d'une euthanasie, à un moment ou à un autre.

Cependant, dans une société qui se veut pluraliste, c'est le droit de chacun qui doit pouvoir être respecté. La question que pose l'intervenant par rapport à la proposition des six auteurs est la suivante : par rapport à la liberté de l'individu, et à une société de tolérance, quel est l'élément qui, dans ce texte, fait violence à la liberté et aux convictions des uns et des autres ?

En ce qui concerne le patient, c'est dans la situation actuelle qu'on lui fait parfois violence, et non dans le système proposé par la proposition, puisque, selon celle-ci, le patient a le droit d'exprimer une demande, avec l'espoir d'obtenir une réponse, dans un cadre juridique tel que cette réponse est, elle aussi, une réponse libre.

En effet, le médecin auquel il s'adresse dispose d'une totale liberté de conscience : il est libre de répondre positivement ou négativement à la demande, d'entendre ou de ne pas entendre celle-ci, même si l'on peut souhaiter qu'il l'entende jusqu'au bout et de manière complète, y compris en la décodant.

Le médecin peut aussi accepter la demande, moyennant le respect de certaines conditions.

L'intervenant n'a entendu aucun argument indiquant tel ou tel élément qui, dans la proposition, serait contraire au respect des convictions de chacun, dans une société pluraliste et tolérante, où l'attitude d'humanité à l'égard du semblable doit primer, et où, par conséquent, la réponse à une demande d'euthanasie, doit être possible.

Quant à la sécurité juridique, l'intervenant l'envisage de deux manières.

Ce n'est évidemment pas la garantie absolue que quels que soient les actes posés, ils seront sans conséquences.

Il ne faut pas non plus espérer qu'un texte juridique résoudra toutes les situations.

En ce qui concerne le champ d'application de la proposition, que certains ont qualifié de large, l'intervenant rappelle que le champ est le suivant : une maladie incurable, entraînant des souffrances physiques ou morales ou un état de détresse tel qu'il ne peut être soulagé; une demande expresse et réitérée de la part du patient; la consultation obligatoire d'un autre médecin sur le caractère incurable de la maladie et sur le fait qu'elle entraîne des souffrances et un état de détresse tels que décrits ci-avant; le contrôle par le médecin de ce que le patient a pu s'entretenir avec tous ceux avec lesquels il souhaitait le faire; l'obligation pour le médecin de consulter toutes les personnes que le malade souhaite voir consulter.

C'est dans ce cadre précis que la proposition réalise une dépénalisation, l'acte posé ne pouvant, dans ce cas, être qualifié de meurtre.

Cet acte est une réponse à une demande de détresse, la seule que l'on puisse donner si l'on prend pleinement en charge à la fois notre devoir d'humanité, et ce que le malade a pu demander.

La dépénalisation ne soustrait pas tout le monde au contrôle de la structure judiciaire.

En ce qui concerne la déclaration au procureur du Roi, l'intervenant a enregistré les réactions de certaines juridictions ordinales.

Il observe, de façon incidente que, depuis une trentaine d'années, et par rapport à des problèmes de cette nature, ces juridictions ont rarement pris des positions originales ou particulièrement ouvertes. La position de l'Ordre des médecins revient à demander de laisser à ceux-ci le soin de s'occuper de ce qu'ils connaissent.

L'intervenant souligne que le malade doit aussi être protégé, et des limites doivent être mises à la liberté médicale.

On fait référence au Code de déontologie. Or, celui-ci est applicable aux médecins eux-mêmes, mais il n'est pas opposable à quiconque, de sorte que la référence à ce texte est largement insuffisante, parce qu'elle n'offre aucune garantie, ni aucune protection juridique aux tiers concernés.

Il ne faut pas perdre de vue que les politiques de santé et la médecine sont, avant tout, faites pour le patient.

Certains proposent de travailler plutôt par la voie d'une modification de l'arrêté royal sur l'art de guérir.

L'intervenant concède que la force de ce texte est plus importante que celle qui s'attache habituellement à un arrêté royal.

Mais quel pourrait être le poids de la modification d'un tel arrêté royal devant un tribunal, par rapport à un fait relevant du Code pénal ?

L'intervenant estime qu'il est insuffisant, par rapport à l'objectif poursuivi par la dépénalisation.

Quant à la déclaration au procureur du Roi, il la juge nécessaire, parce que la pratique médicale doit pouvoir être contrôlée, même si cela entraîne parfois des réactions exacerbées, en raison même de l'atteinte que les propositions pourraient faire au pouvoir médical considéré par certains comme intangible.

Il doit être clair que la relation de confiance entre le médecin et son malade est fondamentale, et il n'est pas question de la remettre en cause ici. Au contraire, le contrôle proposé pourrait contribuer à la renforcer, par la plus grande transparence qu'il apporterait dans les pratiques.

A contrario, lorsqu'on dit que c'est le médecin qui est, in fine, concerné par l'acte d'euthanasie, et qu'on lui confère par là un pouvoir exorbitant, l'intervenant fait observer que, tenant compte des conditions inscrites dans le texte, c'est une partie de la responsabilité médicale qui n'est pas partageable.

Lorsqu'on considère ce qui s'est passé en France voici un an et demi, il est clair que la responsabilité est d'ordre médical, particulièrement dans la réponse qui est donnée, et dans la concrétisation de celle-ci.

Quant à la définition de l'euthanasie, et tenant compte de celle qui est donnée par le Comité consultatif de bioéthique, l'intervenant entend avec quelque étonnement les déclarations selon lesquelles certains actes posés ne seraient pas des actes d'euthanasie.

Il estime qu'il existe à cet égard une large discussion.

Selon certains, il y avait l'euthanasie exclusivement dans les cas où l'on administre un cocktail lithique aboutissant à la mort du malade quelques minutes après son administration.

Or, l'euthanasie dépasse, selon l'intervenant, cette seule hypothèse.

Réduire celle ci aux pratiques aboutissant au décès dans les quelques minutes est tout à fait réducteur, voire caricatural, et non conforme à la réalité du terrain.

Peut-être cette réduction du champ de l'acte d'euthanasie permet-elle à certains de justifier davantage les actes qui sont ou ne sont pas commis.

À titre personnel, l'intervenant considère davantage l'euthanasie comme une démarche, quels que soient les moyens, pour peu qu'ils respectent le malade, sa volonté, et les conditions dans lesquelles il meurt. Les formes de cette démarche peuvent être très variables et multiples, mais aboutissant en tout état de cause aux mêmes conséquences.

C'est parce qu'il a la conviction qu'il s'agit d'un acte noble, d'un acte d'humanité et de courage que l'intervenant ne voit pas d'inconvénient à ce qu'on ne le réduise pas à ce qu'il pourrait avoir de plus spectaculaire.

L'intervenant déclare, pour conclure, qu'il croit en l'avenir de l'humanité, avec toutes les réserves et tous les dangers qui peuvent exister à cet égard.

Il croit en l'apport positif de la science, sans être pour autant un scientiste obtus, et pense dès lors que des progrès très importants se feront encore.

Cependant, nous sommes tous contingents, et le moment de notre naissance conditionne notre espérance de vie, l'espoir d'être guéri ou non de telle ou telle maladie, la possibilité ou non de remédier aux processus dégénératifs, etc.

Le législateur doit dès lors tenir compte de la situation de ceux qui sont confrontés à ce type de problème, ici et maintenant. Il importe donc de pouvoir avancer dans le débat et, à un moment donné, après avoir fait le tour des choses, de conclure, c'est-à-dire de se déterminer en toute liberté par rapport à un texte de loi qui, en aucune manière, ne porte atteinte aux convictions des uns et des autres.

L'intervenant estime qu'il est temps de conclure la discussion générale, et de procéder aux auditions qui ont été décidées.

À cet égard, il suggère que celles-ci soient conçues de façon à apporter le maximum d'éclairages encore nécessaires, et que l'on se mette d'accord sur ce qui contribuera le plus à affiner les positions personnelles, en évitant les redondances (procédure à suivre, durée raisonnable de la période d'auditions considérée de manière globale, etc.).

Un membre se félicite de la sérénité des débats. Il lui semble néanmoins que le fait ne pas avoir procédé aux auditions au début du débat a causé un manque qui a affecté la qualité de la discussion générale.

Chacun n'a pu que faire état des contacts qu'il avait eus à titre individuel avec les médecins, le personnel soignant, des juristes, etc., avec toute la sélectivité que cela peut supposer.

L'absence de ces auditions constitue sans doute aussi l'une des raisons pour lesquelles ceux qui ont déposé des propositions, d'un côté ou de l'autre, ont relativement peu évolué par rapport à leur position du départ.

Le président rappelle que la commission a décidé par un vote de tenir des auditions, et que la discussion générale n'est dès lors pas close, mais reprendra après celles-ci.

Le précédent intervenant poursuit en déclarant qu'il lui paraît important que l'on s'entende sur certaines définitions, et que l'on ait à l'esprit les définitions du Comité consultatif de bio-éthique.

L'intention de donner la mort, ou de poser un acte qui va abréger la vie est ce qui distingue fondamentalement l'acte d'euthanasie d'autres actes posés par le corps médical en fin de vie.

Il faut notamment pouvoir distinguer clairement l'euthanasie du refus de l'acharnement thérapeutique, car une définition extensive de l'euthanasie aurait notamment pour conséquence de soumettre, par exemple, le refus d'acharnement thérapeutique aux procédures prévues pour l'acte euthanasique proprement dit, ce qui n'est de l'intention de personne.

Un autre membre précise qu'il n'a jamais dit que l'acharnement thérapeutique rentrait dans ce type de définition. Historiquement, quand il s'est avéré, après une longue évolution, que l'acharnement thérapeutique devait être critiqué, le refus de celui-ci est sorti du champ d'application de cette définition.

L'intervenant visait plutôt le délai dans lequel le décès du patient survenait, et du fait qu'il s'agissait de donner intentionnellement la mort à quelqu'un qui la demande.

Le précédent intervenant répond qu'il souhaitait souligner la différence entre les deux types d'acte, non seulement en raison des conséquences qu'une confusion pourrait avoir en termes de procédure, mais aussi en raison de la différence fondamentale qu'il y a entre le fait de laisser un malade s'en aller avec le moins de souffrances et le plus de dignité possible, et le fait d'abréger sa vie intentionnellement.

Il est frappant de constater, dans les contacts et les débats que l'on peut avoir, que les gens redoutent avant tout l'acharnement thérapeutique, qui risque d'augmenter la douleur et l'inconfort au lieu de les réduire, et par conséquent, de porter atteinte à la dignité du malade.

Bien plus fréquente encore est la crainte de l'acharnement diagnostique : les gens craignent des examens complémentaires en matière de biologie clinique, de radiographie, de scanners, ..., qui pourraient être pratiqués. En effet, comme le disait trivialement le responsable d'un service de soins intensifs à Liège, lorsque les malades rentrent dans nos hôpitaux, ils sont, pour certains, considérés comme des « machines à sous ». Le financement de nos hôpitaux est actuellement organisé de manière telle que, pour pouvoir organiser leur budget, il faut qu'ils bénéficient d'un taux d'occupation suffisant, qu'un certain nombre d'examens soit pratiqué, etc.

Bien que ce phénomène soit connu, il n'est sans doute pas considéré comme l'un des problèmes centraux de la manière dont sont pratiqués les soins aujourd'hui, que ce soit en fin de vie ou non.

C'est tout l'aspect économique de la santé publique, et l'équilibre économique que l'on cherche à donner à nos hôpitaux, qui sont en cause.

Il s'agit là d'un enjeu majeur, à prendre en compte de manière centrale dans les discussions.

La crainte de l'acharnement diagnostique et thérapeutique est pour une part irrationnelle, mais pour une part aussi, fondée. Les patients ne souhaitent pas devoir subir une série de manipulations, d'interventions, d'actes techniques qui, du reste, ne constituent pas, la plupart du temps, une véritable thérapie. Il est d'ailleurs probable que les termes « acharnement thérapeutique » ne recouvrent qu'une faible partie de la problématique.

L'intervenant se demande s'il n'y aurait pas lieu de déposer un amendement à ce sujet, y compris sur la proposition qu'il a lui-même cosignée.

Parce que les médecins sont trop préoccupés par les enjeux économiques, en raison de la pression économique exercée par les hôpitaux, qui la subissent eux-mêmes de la part des autorités publiques, ils posent des actes absolument contraires à la déontologie et à une saine pratique médicale.

Certains médecins, et notamment les représentants de la société scientifique de médecine générale, ont rappelé que la demande d'euthanasie émane, dans une très large mesure, de personnes en fin de vie bien portantes qui craignent les conditions dans lesquelles pourrait se passer leur mort, et notamment l'acharnement thérapeutique et diagnostique.

Un deuxième point est relatif à la question de la liberté et de l'autonomie, comme principe et valeur fondamentale, proposée par certains par opposition au principe de la préservation et de la valeur suprême de la vie.

L'intervenant peut admettre que l'on oppose ces éléments, mais cette présentation des choses lui paraît quelque peu idéalisée.

Même dans les propositions des six auteurs de la majorité, ce principe de liberté et d'autonomie est immédiatement limité ­ et à juste titre ­ à des cas de souffrance importante et de maladie incurable.

On voit dès lors qu'il y a, en réalité, un principe premier sous-jacent, qui est celui de la protection de la vie, auquel on dérogerait dans certaines circonstances, en prenant appui sur certaines valeurs, certes importantes, mais considérées implicitement comme subsidiaires.

Par ailleurs, ce principe de liberté ne peut s'appliquer que s'il est lié à des principes, tout aussi importants, d'égalité et d'équité.

En outre, le principe de liberté connaît déjà des limitations, dans l'attitude que l'on peut avoir par rapport à son propre corps.

Ainsi, les mutilations sexuelles ne sont pas autorisées, et des propositions ont déjà été déposées pour renforcer l'interdit existant en la matière.

De même, un bien-portant ne peut entrer dans un cabinet médical pour demander, au nom de la liberté et de l'auto-détermination, à un médecin d'abréger sa vie.

Ces limites qui se présentent immédiatement n'ont rien à voir avec les clivages idéologiques que l'on évoque parfois.

La question de la violence de la société constitue, aux yeux de l'intervenant, une question fondamentale. Une société qui, par rapport à des personnes en fin de vie et en situation de détresse due à la souffrance, à la solitude et à l'isolement, proposerait la dépénalisation de l'euthanasie, sans garantir par ailleurs l'accès à des soins continus, l'égalité dans cet accès et la formation du personnel médical à cet effet, serait une société violente.

En ce qui concerne la sécurité juridique, l'intervenant estime que là encore, il serait très intéressant d'entendre les médecins. Ceux-ci, qui sont directement impliqués dans la question de l'euthanasie, paraissent être unanimes à considérer que la proposition des six auteurs de la majorité n'offre pas toutes les garanties sur le plan de la sécurité juridique.

Selon l'intervenant, cette sécurité est, en ce qui concerne le patient, tout à fait virtuelle, dans le cadre d'une procédure a posteriori.

Le pouvoir médical peut parfois, on l'a dit, être important, voire exorbitant.

C'est pourquoi il est important de faire prévaloir le principe d'interdisciplinarité, qui se pratique aujourd'hui sur le terrain. La médecine ne s'exerce plus comme il y a 20 ou 30 ans. On donne actuellement une grande importance à l'équipe du personnel soignant.

Il faut que les textes de loi ne mettent pas à mal cette réalité, qui revêt une importance particulière en matière d'euthanasie.

En dépénalisant celle-ci, on renforce le pouvoir exorbitant des médecins, puisque ce sera le seul corps social qui sera habilité, à travers le Code pénal, à poser cet acte.

Il faut réfléchir à ce surplus de pouvoir, et également au poids supplémentaire que l'on s'apprête ainsi à faire poser sur le médecin.

Enfin, l'arrêté royal que le groupe de l'intervenant propose de modifier a force de loi : il s'agit d'un arrêté royal numéroté, qui prévoit des sanctions. Il s'agit donc d'un texte qui, sur le plan juridique, a une valeur fondamentale.

À présent que la discussion générale touche à sa fin, un autre membre souhaite à nouveau souligner que les trois propositions de loi relatives à l'euthanasie, à la commission d'évaluation et aux soins palliatifs, déposées par des membres de six groupes différents, constituent un ensemble indissociable.

Au cours des dernières semaines, chacun des membres de la commission a eu l'occasion de donner, en toute franchise, son point de vue sur la question, que ce soit sur le plan juridique, éthique, mais surtout sur le plan profondément humain. Outre leur opinion personnelle, les membres ont pu traduire celle de leurs partis respectifs.

Si la commission s'est réunie à huis clos, elle n'a pas travaillé coupée du reste de la société. Les membres ont eu carte blanche pour témoigner, à titre personnel, des contacts qu'ils ont pu avoir avec le corps médical, le personnel soignant, les équipes de soins palliatifs et les patients eux-mêmes.

Depuis le début des débats, l'oratrice, comme les autres membres, a été submergée de prises de position émanant d'organisations et de personnes actives dans ce secteur. Depuis le début, la presse a relayé les débats sur l'euthanasie et exposé, dans le détail, les différentes prises de position.

La membre estime dès lors que ceux qui prétendent encore ne pas être suffisamment informés aujourd'hui n'ont pas fait leur travail au cours des dernières semaines. Ils se rallieront pourtant à la proposition des commissions d'organiser un certain nombre d'auditions supplémentaires. Celles-ci n'auraient de sens que si, à la lumière de ce qui précède, les personnes peuvent témoigner en toute liberté et s'exprimer sans aucune pression extérieure ni angoisse. Pour que les membres aient l'occasion de s'exprimer en toute franchise et sérénité, il importe que les auditions se tiennent à huis clos. On pourra ainsi répondre aux questions spécifiques auxquelles on n'a pas répondu à l'issue de tous ces débats.

La membre explique ensuite qu'aucun intervenant à ce débat, où il a été question de vie et de mort, n'est demeuré impassible. Il suffit de regarder autour de nous pour savoir que nous tenons tous à la vie. Il n'en demeure pas moins que la mort fait partie intégrante de la vie.

Pour certains, la mort arrive brutalement, sans s'annoncer. D'autres s'éteignent lentement, à la manière d'une bougie. La plupart des gens n'ont pas peur de mourir de cette façon.

Dans ce débat, il est pourtant question de tout autre chose. Nombreux sont ceux qui ont connu, parmi leurs amis ou leurs proches, des gens qui ont achevé leur existence dans des conditions atroces et pour qui les meilleurs soins ont été vains. Nous devons avoir du respect pour les patients qui refusent d'en arriver à de telles extrémités.

L'intervenante fait remarquer que les autres membres ont peut-être également reçu un dossier de la « Federatie Palliatieve Zorg Vlaanderen » dont elle partage entièrement les préoccupations. Il est de la responsabilité sociale du politique d'assurer à tous des soins palliatifs abordables. Dans l'intervalle, on s'est rendu compte qu'en ce domaine, comme sur le plan budgétaire et organisationnel, il y avait encore un long chemin à parcourir. Comme nous l'avons déjà signalé, il doit être clair que, dans l'optique des auteurs des trois propositions, ce point est indissociable d'une réglementation en matière d'euthanasie.

Cependant, une société humaine digne de ce nom doit s'intéresser aussi à ceux qui ne peuvent être aidés par le biais de soins palliatifs. Il s'agit principalement des patients qui endurent des souffrances constantes, insupportables et inapaisables, mais également de ceux qui vivent une situation de détresse parce que jugée sans issue et dégradante.

Au centre de cette problématique, il y a la demande bien réfléchie, répétée et persistante du patient. D'autres membres font remarquer que celui-ci doit prendre sa décision au moment où il se trouve dans un état de grande faiblesse. Il n'en demeure pas moins que ce patient formule sa requête en étant pleinement conscient et sait, mieux que quiconque, ce que ses souffrances représentent pour lui. Outre cela, qui peut s'arroger le droit de le contredire ?

L'oratrice fait remarquer que les propositions de loi visent à garantir la prise en compte des demandes du patient. Si d'autres membres estiment que cet objectif n'est pas parfaitement atteint ou que le patient doit bénéficier d'une meilleure protection, des amendements pourront être déposés et faire l'objet d'une discussion.

Elle affirme par ailleurs que, quelles que soient nos convictions philosophiques ou religieuses, nous sommes tous enclins à laisser un patient au stade terminal s'en aller doucement et sereinement. Le plus souvent, nous nous imaginons qu'il s'agit d'une personne âgée endurant une longue et pénible maladie. Ne perdons cependant pas de vue qu'il peut s'agir d'individus jeunes, brutalement confrontés à une situation où ils sont physiquement en vie mais incapables d'accomplir une série de fonctions essentielles. À partir du moment où leur situation est sans issue et devient insupportable pour eux, qui a le droit de refuser d'abréger leur existance ?

Un orateur précédent cite Simone de Beauvoir, qui a écrit que l'homme dispose de sa propre vie mais que d'autres doivent supporter sa mort. Il s'agit, par exemple, des membres de la famille d'un patient à l'article de la mort, contraints d'assister à la déchéance d'un être cher qui endure des souffrances jusqu'à l'avilissement pour constater, impuissants, que l'on ne peut répondre à son appel de pouvoir partir dans la dignité.

Au cours d'une réunion antérieure, un membre a exprimé la crainte que l'autorisation de l'euthanasie ne porte atteinte à l'universalité du droit de la vie. Il doit être clair qu'aucun participant à ce débat ne remet ce droit en question. Il n'en demeure pas moins qu'un patient ne peut être contraint à vivre dans des conditions contraires à la dignité humaine. En d'autres termes, si nous disposons tous du droit fondamental à la vie, nous avons aussi droit à une mort digne. Si l'homme est un être social, il est vrai qu'il dispose également du droit à l'autodétermination en vertu duquel il ne peut être contraint à survivre dans des conditions contraires à la dignité humaine.

L'oratrice évoque ensuite les propositions de loi à l'ordre du jour. L'enquête universitaire précitée, ajoutée à un certain nombre d'événements tels que ceux qui ont eu lieu à Liège, font conclure à la nécessité d'une réglementation légale en la matière, quoi que puisse prétendre une partie de l'Ordre des médecins. Au sein même de cet ordre, certains groupes plaident d'ailleurs en faveur d'une législation claire axée sur un certain nombre de principes.

L'homme a le droit de disposer de sa vie en certaines circonstances. Il n'en demeure pas moins que ce droit doit être subordonné à un certain nombre de critères de prudence. À ce propos, tant dans les médias qu'en commission, on a laissé entendre que la proposition déposée par des membres des groupes de la majorité avait été rédigée à la légère et dans la hâte.

L'oratrice réfute cette critique qui résulte d'une lecture trop superficielle du texte :

­ Le patient n'est pas mis devant l'obligation de choisir entre les soins palliatifs et l'euthanasie.

­ Avant de prendre sa décision, il a le droit de consulter non seulement son médecin, mais tout son entourage, y compris le personnel soignant. C'est d'ailleurs pourquoi le personnel à l'écoute du patient doit être en nombre suffisant, non seulement dans les services de soins palliatifs mais également dans les services hospitaliers ordinaires.

­ Le texte prévoit des règles précises destinées à protéger le patient des pressions de son entourage et à lui garantir qu'il sera pleinement informé de sa situation avant qu'il ne formule sa demande.

­ Le texte offre au médecin la sécurité juridique nécessaire. Nous devons à tout prix éviter des situations telles que l'affaire du médcecin liégeois poursuivi en justice pour avoir accepté de pratiquer une euthanasie par empathie envers son patient.

La proposition de loi accorde une place importante à la déclaration de volonté. Certains membres ont du mal à l'accepter, notamment parce qu'ils estiment que personne ne peut imaginer les conditions dans lesquelles il vivra ses derniers moments. La déclaration de volonté est toutefois davantage que la demande formulée par un individu qui souhaite en finir avec la vie au moment où il aura sombré dans l'inconscience. La personne décide, de préférence en concertation avec son médecin, du traitement à mettre en oeuvre dans certaines circonstances. Comme nous l'avons déjà évoqué au cours de cette discussion, il existe un large éventail de possibilités (refus de l'acharnement thérapeutique, arrêt du respirateur, antidouleurs puissants, etc.).

Bien qu'elle estime personnellement que la proposition de loi offre suffisamment de garanties sur ce plan, l'oratrice peut comprendre que ceux qui souhaitent renforcer les critères de prudence dans le cadre de l'exécution de la déclaration de volonté déposent des amendements à cet effet.

Elle estime dès lors que la proposition de loi nº 2-244/1 contient des règles claires, applicables en matière d'euthanasie, offrant la sécurité juridique voulue tant pour le médecin que pour le patient. Certains pencheraient plutôt en faveur de la proposition de loi nº 2-105/1, initialement déposée par l'intervenante. L'oratrice n'est cependant pas de cet avis. Dans l'article qui a été transmis aux commissions, le professeur Adams de l'UFSIA a souligné les problèmes pratiques que pouvait poser la mise en oeuvre de cette proposition de loi. Le texte de cette proposition s'inspirait largement de la réglementation actuellement en vigueur aux Pays-Bas, où l'euthanasie demeure dans une zone floue en raison de la trop grande complexité de la procédure imposée.

Elle estime en outre que, bien qu'elle offre la sécurité juridique nécessaire au médecin, la proposition de loi nº 2-244/1 ne peut en aucun cas mettre celui-ci dans l'obligation de pratiquer une euthanasie.

L'un des principaux points de dissension apparus au cours de ce débat concerne la question de savoir s'il vaut mieux dépénaliser l'euthanasie ou recourir à la technique juridique de l'état de nécessité qui ne dépénalise pas mais règle l'euthanasie active. Sur le plan juridique, la proposition de loi opte pour la dépénalisation, l'euthanasie étant subordonnée au respect de critères stricts de prudence. Comme l'a fait remarquer un autre membre, ces critères sont d'ailleurs fort proches de ceux figurant, par exemple, dans la proposition de loi de M. Vandenberghe et consorts.

Les commissions ne doivent dès lors pas trop se laisser influencer par des communiqués de presse où l'on souligne trop les dissensions et trop peu les possibilités de compromis. En outre, évoquer certaines choses totalement étrangères à la question, comme la situation en Allemagne au début du siècle, le suicide ou les peines de prisons à vie, n'est pas de nature à favoriser le débat.

L'oratrice rappelle qu'un membre a évoqué la manière dont le président Mitterrand a vécu ses derniers moments. Indépendamment du fait que le président qui, souffrant d'un cancer à évolution lente, a pu naturellement bénéficier des meilleurs soins et recevoir semble-t-il des euthanasiants dans la dernière phase de sa maladie, il est dangereux de tirer des conclusions générales à partir d'un cas individuel de ce type. On pourrait en effet opposer à l'exemple de Mitterrand des milliers d'autres cas qui donneraient lieu à des conclusions inverses.

L'oratrice conclut que, malgré les divergences de vue, on a assisté au sein de la commission à un certain nombre de rapprochements qui ne transparaissent pas toujours suffisamment du débat. En premier lieu, il y a la conviction qu'une disposition légale doit voir le jour afin de protéger et d'offrir une sécurité juridique au patient en fin de vie. Outre cela, il y a le respect des valeurs universelles sur lesquelles repose notre société. Il s'agit bien évidemment du droit à la vie qui ­ et cela doit être clair ­ a la même importance pour tous les membres de cette commission. À côté de cela, il y a le droit de vivre dans conditions conformes à la dignité humaine et de ne pas subir des traitements dégradants.

L'oratrice espère qu'à partir de ces principes extrêmement importants, les commissions pourront parvenir à une réglementation bénéficiant d'un large consensus. Ce doit être également un signal que le Sénat, en sa qualité de chambre de réflexion, est en mesure d'aborder cette problématique avec toute la sérénité et la maturité voulues.

Un autre membre constate que le point commun des démocrates qui composent les commissions réunies est d'être des chercheurs en humanité, qui s'efforcent de trouver une voie face à des problèmes extrêmement difficiles.

Il est vrai que la liberté et l'autonomie individuelle ont leurs limites en matière de santé. Les exigences de la santé publique et de la solidarité collective peuvent l'emporter sur cette liberté et cette autonomie. L'obligation de la vaccination contre la poliomyélite, les examens de médecine scolaire et de santé au travail, l'interdiction de conduire un véhicule pour les personnes souffrant de certaines affections en sont des exemples. Le but de préserver la santé collective prime, dans certains cas, sur la liberté individuelle.

Ces obligations et interdictions sont, bien sûr, reprises dans des lois.

Quant au choix libre du patient en ce qui concerne sa fin de vie, il faut éviter, selon l'intervenant, les expressions qui pourraient faire croire qu'il y a une façon digne de mourir.

Ce qui est digne relève du choix de la personne. La question est peut-être de savoir si ce choix met, à quelque niveau, en danger la santé collective ou un bien collectif.

Si tel n'est pas le cas, il faut que la personne qui estime que sa dignité est atteinte et qui veut mettre un terme à ses souffrances puisse être aidée, dans les conditions qui sont prévues par la loi.

E. PRÉSENTATION DE PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES AUX SOINS PALLIATIFS

a) Proposition de loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs (de Mme Nyssens et consorts); nº 2-249/1

Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi

L'intervenante se réfère tout d'abord à l'exposé d'une précédente oratrice, relatif aux origines et à l'histoire des soins palliatifs.

Elle souligne que cette discipline évolue de façon rapide dans d'autres États, notamment l'Espagne et le Canada.

Il existe depuis plusieurs années une association européenne des soins palliatifs, qui se réunit annuellement et où des informations actualisées peuvent être obtenues sur l'évolution des soins palliatifs en Europe.

L'objectif de la proposition de loi sur les soins palliatifs est de faire le point sur cette matière en Belgique.

Pourquoi une loi, alors que tant de textes, et notamment d'arrêtés royaux, existent, et que différents niveaux de pouvoir sont concernés ?

Les gens de terrain souhaitent que l'on fasse état d'une philosophie des soins palliatifs, et que l'on conserve un maximum de diversité dans l'éventail de ce qui est proposé et dans les divers lieux où les soins sont dispensés. Ils souhaitent disposer d'une loi-cadre fixant les principes généraux de la philosophie qui sous-tend les soins palliatifs, car il s'agit d'une matière complexe.

En ce qui concerne tout d'abord l'objectif des soins palliatifs, et au vu du terrain, on constate que ceux-ci sont de plus en plus reliés à la médecine curative en général.

Peut-être leur développement est-il l'occasion d'humaniser d'autres domaines de la médecine, de revoir la manière dont nos établissements de soins sont organisés et de moderniser la culture en matière médicale.

Les soins palliatifs visent à accompagner d'une manière tout à fait personnalisée les personnes en fin de vie, à reconnaître l'existence de leur souffrance, que celle-ci soit physique ou psychique. La médecine palliative intervient là où s'arrête la médecine curative.

L'approche interdisciplinaire et concertée ­ ce que l'on appelle l'éthique de la discussion ­ c'est-à-dire non seulement le dialogue du médecin avec le patient, mais aussi le dialogue avec le personnel soignant, et les infirmières en particulier, les kinésithérapeutes et paramédicaux qui entourent les personnes en fin de vie, la famille et les proches, caractérise les soins palliatifs.

C'est par cette éthique de la discussion que l'on arrivera à une démocratisation du pouvoir médical, que les jeunes générations de médecins et d'infirmières souhaitent introduire dans le monde médical.

Trop souvent, la hiérarchie dans les établissements de soins est encore très classique et fort contraignante pour ceux qui se trouvent au bas de l'échelle. Les réactions récentes des infirmières en sont un signe évident.

Le texte propose une définition large des soins palliatifs, dans l'optique de soins continus, voire de médecine intégrée avec la médecine curative.

Sur le terrain, là où existe déjà une culture palliative, il existe une large demande en vue d'opérer le lien avec la médecine curative et la médecine en général.

On pourrait sans doute aussi, dans la proposition ou dans la discussion, faire le lien avec l'euthanasie. Ce sujet a déjà été traité précédemment.

Il est vrai que des définitions des soins palliatifs existent déjà dans divers arrêtés royaux, mais peut-être est-ce l'occasion de les élargir. La définition contenue dans la proposition de loi peut, bien entendu, être amendée.

La proposition a pour objectif l'inscription dans une loi-cadre d'une série de principes qui doivent gouverner la pratique des soins palliatifs.

Il s'agit :

­ du droit pour tous aux soins palliatifs; il s'agit bien d'un droit et non d'un passage obligé pour le patient. Mais c'est un devoir pour le corps médical de proposer l'approche palliative;

­ du principe de liberté de choix du patient et du respect des convictions de chacun;

­ du droit à des soins palliatifs de qualité (ce qui implique une formation adéquate du personnel, où différents niveaux de pouvoirs sont impliqués);

­ du droit pour les soignants à un accompagnement. La pratique révèle en effet la détresse des soignants qui, quel que soit le lieu où les soins sont prodigués, ne disposent ni de la formation ni de l'accompagnement nécessaire pour les administrer;

­ du droit à des bénévoles. La plupart des lieux où l'on pratique des soins palliatifs fonctionnent grâce à un apport important des bénévoles. Ceux-ci doivent eux aussi être préparés et formés.

Les auteurs de la proposition souhaitent que l'État fédéral prenne ses responsabilités politiques (par la conception d'un plan général de soins palliatifs) et budgétaires.

C'est pourquoi ils aimeraient discuter le texte avec les ministres concernés.

La loi-cadre proposée reprend en grande partie des arrêtés royaux existants et, en maints endroits, met l'accent sur les financements, qui restent insuffisants, et non structurellement organisés.

L'intervenante met ensuite en évidence les points sur lesquels les auteurs de la proposition souhaiteraient qu'il y ait une prise de conscience politique, pour que des progrès supplémentaires puissent être réalisés.

Le dernier arrêté royal, en vigueur depuis le premier janvier, montre le chemin déjà parcouru en la matière.

Le droit de chacun à bénéficier des soins palliatifs suppose que l'on définisse la notion de patient palliatif.

Actuellement, cette notion est définie par le collège des médecins-directeurs de l'INAMI. Les auteurs de la proposition souhaiteraient que cette définition soit inscrite dans une loi, en ce compris, le cas échéant, une indication de la durée que cela implique, même si cela paraît très difficile.

Les unités de soins palliatifs fournissent à cet égard des moyennes statistiques.

L'intervenante souhaite interroger le ministre sur la possibilité de définir une moyenne, susceptible de servir à des évaluations budgétaires.

En ce qui concerne les différents lieux où se pratiquent les soins palliatifs et les divers acteurs qui interviennent en la matière, l'intervenante attire l'attention sur l'existence des plates-formes des soins palliatifs, associations et fédérations existant dans les différentes régions.

Ces plates-formes proposent des modifications. Elles font l'effort d'évaluer et de coordonner tout ce qui existe sur le terrain.

Il serait bon que les commissions réunies relisent les revendications de ces plates-formes, associations et fédérations, pour voir si leurs attentes seront comblées par le texte qui sera voté.

Il convient, dans une loi-cadre, de définir précisément les missions des plates-formes en question.

Elles donnent des avis sur les offres et besoins en matière de soins palliatifs dans la région, coordonnent les activités palliatives, se concertent avec d'autres associations, et surtout forment les acteurs en soins palliatifs. Elles constituent donc l'interlocuteur privilégié des autorités publiques.

Il leur appartient d'évaluer les pratiques actuelles et, en collaboration avec les régions, de faire les demandes nécessaires aux différents pouvoirs publics pour pouvoir améliorer leurs missions, peut-être les préciser, et recevoir des subsides plus importants, comme elles le demandent.

Actuellement, chaque plate-forme reçoit environ 1 250 000 francs par 300 000 habitants, majorés de la même somme si l'on atteint une tranche supplémentaire de 300 000 habitants. On peut s'interroger sur ces chiffres et sur ce financement.

Le premier lieu où les citoyens demandent que la prise en charge des patients ait lieu est, bien sûr, le domicile.

Dans certaines provinces de notre pays, comme la province de Luxembourg, 60 à 70 % des personnes meurent à domicile.

Cette proportion est beaucoup moins grande dans les villes. Il faut favoriser au maximum le décès à domicile, parce que celui-ci est conforme au voeu de la majorité des personnes.

La culture palliative montre qu'il y a de plus en plus d'allers-retours entre les hôpitaux, les unités résidentielles de soins palliatifs et le domicile.

Dans une culture évolutive des soins palliatifs, il y a moyen, non seulement, de laisser un maximum de gens à domicile, mais peut-être aussi d'organiser des allers-retours plus fréquents.

Dans la province de Luxembourg, la manière dont les soins à domicile sont organisés, avec des équipes de soutien, les formations suivies à l'étranger, etc., constitue un modèle qu'il serait intéressant d'étudier.

Un membre fait observer que, dans cette province, on a en fait créé deux plates-formes, parce que l'on n'a pas pu trouver un accord pour créer une plate-forme pluraliste. L'intervenant retient de ce qui vient d'être dit que l'on aura peut-être intérêt à pratiquer de la même façon dans les autres provinces, pour atteindre une efficacité réelle, en « pilarisant » en quelque sorte les soins palliatifs.

L'oratrice répond que son raisonnement ne se situait pas dans ce registre, mais qu'elle souhaitait plutôt mettre en évidence le fonctionnement de la culture palliative, notamment à domicile, dans la province de Luxembourg.

En quelques années, la culture palliative a considérablement évolué. Il ne s'agit donc pas du tout d'un concept figé, car les expériences s'affinent.

Si l'on garde les patients à domicile, il faut évidemment prévoir un forfait. À cet égard, les auteurs de la proposition se réjouissent du montant du forfait publié au Moniteur belge du 30 décembre 1999.

Ils souhaitent un financement plus important, et de nature structurelle, avant tout pour les équipes de soutien (équipes de deuxième ligne, équipes pluridisciplinaires venant en appui des soignants qui interviennent en première ligne à domicile).

Actuellement, le forfait pour ces équipes de soutien est calculé sur une base de 150 patients, avec un supplément au-delà de cette limite.

On pourrait discuter aussi du nombre de patients, des zones géographiques sur lesquelles on travaille.

L'intervenante aimerait aussi savoir dans quel cadre budgétaire on peut imaginer d'augmenter le financement.

Les chiffres avancés dans le cadre de la proposition de loi constituent des indicateurs, qui devraient être testés quant à leur praticabilité, au regard des marges de manoeuvre budgétaires dont on dispose.

Il faudrait aussi débattre de la manière dont les équipes de soutien sont financées par l'INAMI sur base de conventions.

Au départ, des expériences-pilotes ont eu lieu. Aujourd'hui, ces conventions sont rodées. On demande qu'elles ne soient pas revues aussi souvent et qu'elles ne puissent être rompues aussi fréquemment. Il faudrait donc que les motifs de rupture soient moins larges, que la durée des conventions soit indéterminée, et que l'on en arrive à un financement structurel, au lieu d'un financement dépendant d'une négociation avec l'INAMI.

La proposition reprend sur certains points le contenu des arrêtés royaux et va plus loin sur d'autres, en ce qui concerne les conditions d'agrément des équipes de soutien.

Elle insiste aussi sur la composition de toutes ces équipes et tend à un élargissement des profils des personnes qui en font partie.

La concertation des équipes de soutien avec la première ligne fonctionne plus ou moins bien selon les cas. Elle devrait être mieux organisée et la loi devrait préciser quelles sont les missions de chacun, afin que première et deuxième ligne agissent en concertation, et non en compétition.

En ce qui concerne la composition des équipes, la proposition demande plus d'infirmiers, plus de personnel administratif et que le médecin généraliste qui gère l'équipe soit mieux rémunéré (prise en compte de six heures de travail, au lieu de quatre).

Elle demande aussi que les équipes soient renforcées en kinésithérapeutes, assistants sociaux et conseillers spirituels ou autres.

La proposition prévoit aussi que ces équipes devraient travailler 24 heures sur 24, qu'une formation continue devrait être prévue pour tous ces acteurs, que des réunions interdisciplinaires hebdomadaires devraient être organisées.

Il faut éventuellement être attentif à ce que représente la charge du patient dans le coût des interventions à domicile.

Le droit théorique de tout patient aux soins palliatifs risque de rester lettre morte s'il ne dispose pas d'une aide financière.

Actuellement, il ne doit pas payer de ticket modérateur, mais les auteurs de la proposition proposent d'aller plus loin en ce qui concerne l'intervention de l'INAMI dans la prise en compte des visites et des consultations des médecins généralistes ou spécialistes, des infirmiers et des paramédicaux qui passent à domicile.

Il est suggéré que toutes ces interventions soient prises en charge à 100 % par l'INAMI.

Là aussi, une évaluation budgétaire et un dialogue avec le ministre seraient nécessaires.

À côté du domicile, les soins palliatifs s'exercent bien évidemment dans une série d'autres lieux, et notamment dans les unités de soins palliatifs des hôpitaux.

Dans notre pays, selon le choix de l'hôpital, les soins palliatifs sont dispensés soit dans le cadre d'une unité spécialisée, soit en équipes mobiles. Pour les hôpitaux qui ont opté pour la première solution, des efforts financiers sont également nécessaires, notamment en augmentant la rémunération du médecin qui dirige l'unité et qui est à la fois un coordinateur et un directeur.

Actuellement, cette rémunération n'est pas suffisante. La norme de personnel infirmier reconnue ne l'est pas davantage.

Comme indiqué, une autre manière de dispenser des soins palliatifs en hôpital est d'exercer cette fonction de manière générale.

En principe, la fonction palliative en hôpital est obligatoire. Elle est rémunérée à raison de ± 750 000 francs par hôpital de plus de 500 lits.

Les directeurs (gestionnaires) d'hôpitaux soulignent que ce financement n'est pas suffisant. Les hôpitaux qui ont vraiment décidé d'instaurer une fonction palliative insistent sur la nécessité de moyens et de formation supplémentaires.

En outre, un endroit que l'on néglige peut-être est le secteur des maisons de repos et de soins. Aucun financement pour les soins palliatifs n'est prévu dans ce secteur, bien qu'il existe un texte invitant les maisons de repos et de soins à développer une fonction palliative. Les rares établissements qui l'ont fait doivent puiser pour cela dans des budgets non destinés aux soins palliatifs.

Les directeurs de ces maisons lancent un appel pressant à plus de moyens.

Une proposition de loi-cadre ne peut avantager un lieu ou un autre. La proposition a le mérite de poser le problème. Elle suggère que le financement soit conçu de la même manière que pour les personnes soignées à domicile, car il existe une similitude entre ces deux situations.

En conclusion, l'intervenante souligne la technicité et la complexité de la proposition.

Il est vrai que, pour le législateur fédéral, il n'est pas facile de légiférer, puisque plusieurs niveaux de pouvoirs sont impliqués : des arrêtes royaux régissent la matière, les régions accordent des subsides, tandis que la formation dépend des communautés et peut-être aussi de l'organisation même des médecins, puisque ce sont eux qui, actuellement, vont à l'étranger pour suivre une formation, et la transmettent ensuite à ceux qui le souhaitent.

Le fait de rassembler tous ces éléments dans une proposition de loi-cadre permettrait à chacun de se situer et, surtout, de développer la culture palliative et de rattraper notre retard par rapport à certains pays voisins. On donnerait ainsi une réponse ­ certes partielle ­ à la problématique de l'euthanasie.

Un membre constate que la proposition propose un plan global qui augmente considérablement les dépenses consacrées aux soins palliatifs. Il demande si les auteurs du texte ont chiffré les effets de celui-ci et sinon, s'il n'y aurait pas lieu de le faire.

L'oratrice répond que, comme elle l'a dit à plusieurs reprises au cours de son exposé, elle aurait souhaité que les ministres compétents soient présents, car chiffrer de façon précise les propositions formulées suppose une expertise particulière.

Le coût de la proposition de loi, telle qu'elle est actuellement rédigée, est très important, par rapport au budget actuellement consacré à la matière.

Actuellement, notre pays compte 360 lits en soins palliatifs, dont 140 pour la Wallonie.

Les acteurs de terrain estiment ce chiffre insuffisant. Il est dès lors proposé d'augmenter les soins palliatifs, dans des limites qui paraissent raisonnables aux auteurs de la proposition.

Il est par exemple demandé en matière de soins palliatifs à domicile, que le versement de l'allocation forfaitaire récemment augmentée puisse être répété plus de deux fois, compte tenu du fait que la durée moyenne de vie dans les lieux de soins palliatifs varie de quelques jours à quatre mois.

Une autre technique consiste à disposer d'une évaluation de chaque lieu et de voir si les moyennes proposées correspondent aux besoins actuels en lits palliatifs. Mais il est clair que 360 lits ne suffisent pas pour toute la Belgique.

Bien qu'elle estime qu'il n'appartient pas à un parlementaire de faire l'évaluation budgétaire demandée, l'intervenante propose de communiquer les chiffres qui lui ont été transmis par les plates-formes et fédérations qui travaillent sur le sujet.

Il faudrait que le ministre compétent collabore à l'évaluation, sur la base des données dont pourraient disposer les régions.

L'INAMI devrait aussi être un interlocuteur dans le débat.

Un précédent intervenant estime que l'on ne peut à la fois présenter des chiffres bien précis et considérer qu'il n'appartient pas aux auteurs de la proposition de chiffrer celle-ci.

En ce qui concerne les régions et communautés, les parlementaires y ont suffisamment de relais pour que le travail nécessaire puisse être initié dans les organes compétents de ces pouvoirs.

Un autre membre se réjouit que trois propositions de loi aient été déposées par les six auteurs de la majorité, en ce compris une proposition de loi particulière sur les soins palliatifs. En effet, sur le plan institutionnel, la proposition qui vient d'être commentée suscite, de par son libellé, une série de problèmes évidents, puisque les divers niveaux de pouvoir sont mélangés.

Le risque est grand, lorsqu'on reprend, dans une large proposition, des éléments qui relèvent des communautés, que le texte soit écarté au seul motif que le législateur fédéral n'est pas compétent sur certains points.

L'intervenant se réjouit également que nombreux soient ceux qui s'intéressent, depuis un certain temps déjà, aux soins palliatifs et à leur développement. Il n'est cependant pas convaincu qu'il soit du rôle du législateur de faire un travail aussi affiné que celui de la proposition qui vient d'être commentée, sur certains points qui relèvent plutôt de la compétence du gouvernement.

Enfin, l'intervenant fait observer à quel point il est difficile de créer des structures que l'on qualifie de pluralistes.

Ainsi, la tentative de créer en province de Luxembourg une plate-forme en matière de soins palliatifs a abouti à un constat d'impossibilité, de sorte que deux plates-formes ont dû être créées.

De même, il y 10 ans, l'intervenant a proposé, à propos d'une structure palliative naissante, la création d'un pouvoir organisateur pluraliste. Il a réitéré sa demande une seconde fois. Jamais il n'a obtenu de réponse.

Il existe actuellement des unités de soins palliatifs, qui se qualifient toutes de pluralistes, mais dont le pouvoir organisateur ne l'est pas.

Le problème n'est donc pas simple. Il est par ailleurs très difficile, pour le législateur fédéral, de faire le tri entre ses propres compétences et celles des régions et des communautés.

Mieux vaut ne pas aller trop loin dans la réglementation, à peine d'entraver le processus que l'on veut précisément favoriser.

Comme le fait remarquer un membre, ce débat a mis en évidence le consensus apparu au sein des commissions selon lequel tous les patients doivent pouvoir bénéficier de la même manière du savoir en matière de lutte contre la douleur, du soulagement moral et de l'accompagnement humain. Le Sénat n'est plus compétent en matière de budget ni de contrôle politique du pouvoir exécutif. Il va de soi qu'il ne peut intervenir dans les compétences des communautés. Par contre, il revient au Sénat d'examiner la question des soins palliatifs et de proposer des dispositions légales à ce sujet.

À ce propos, le Sénat doit consacrer aux soins palliatifs davantage qu'une simple annexe à une loi relative à l'euthanasie et faire plus que de belles déclarations politiques reprenant une série d'intentions. Nul ne peut contester le fait qu'une loi en matière d'euthanasie fait peser une pression morale sur le patient. Le Sénat agirait à la légère en n'élaborant pas une réglementation qui obligerait le gouvernement à dégager, à très court terme, les moyens nécessaires au développement des soins palliatifs et à la mise sur pied d'un système accessible à tous. La répartition des compétences sur ce plan ne peut pas être, pour le Sénat, une raison de ne pas faire un effort maximum en ce qui concerne la mission qui lui revient et de ne pas mettre toute la pression sur le pouvoir exécutif.

Un autre membre souligne, une fois de plus, que les propositions de loi relatives à l'euthanasie et aux soins palliatifs, déposées par des membres de six groupes, sont équivalentes et indissociables. Nous ne pourrions d'ailleurs pas présenter les choses de la même manière si l'une des propositions était une « annexe » de l'autre, comme pourraient le faire croire certaines rumeurs, entendues en dehors du Sénat, que l'on aura bien du mal à démentir.

Il est clair qu'un système de soins palliatifs ne peut être développé qu'avec la collaboration des communautés. Il appartient aux membres de cette commission de prendre également des initiatives dans ce sens. Du reste, si nul ne met en doute la nécessité d'un système solide et accessible à tous en matière de soins palliatifs, il faut néanmoins accepter de reconnaître que ce système ne peut offrir de réponse à la souffrance de certains patients.

L'oratrice cite par ailleurs un projet de résolution en matière de soins palliatifs qu'elle a elle-même cosigné (doc. Sénat, nº 2-106/1). Ce projet a naturellement été remplacé par la proposition de loi nº 2-446/1 qui ancre légalement le droit aux soins palliatifs.

L'intervenante précédente déclare ne pas douter un seul instant des intentions des auteurs des propositions de loi. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une nette différence entre ces deux propositions. Une fois qu'elle sera votée, la proposition de loi relative à l'euthanasie pourra pratiquement aussitôt entrer en vigueur. À l'opposé, dès le moment où la proposition de loi relative aux soins palliatifs paraîtra au Moniteur belge, il restera à développer tout un système. Ceux qui prennent cette proposition au sérieux mettront d'ailleurs tout en oeuvre pour inciter le pouvoir exécutif et les communautés à assumer, à court terme, leur part de responsabilité.

b) Proposition de loi visant à instaurer le droit à l'accès aux soins palliatifs et à améliorer la pratique des soins palliatifs (de Mme Ingrid van Kessel et consorts); nº 2-402/1

L'auteur principal de la proposition de loi visant à instaurer le droit à l'accès aux soins palliatifs et à améliorer la pratique des soins palliatifs (doc. Sénat, nº 2-402/1) souligne que personne ne met en doute l'importance des soins palliatifs. Cela ressort clairement des auditions préalables à la discussion de la proposition de loi relative à l'euthanasie (doc. Sénat, nº 2-244/1 et suivants).

Un élément crucial de la proposition de loi nº 2-402 est d'ériger le droit aux soins palliatifs en principe. L'intervenante constate à sa grande joie que c'est également le cas dans la proposition de loi nº 2-246. En revanche, le plan fédéral en matière de soins palliatifs n'envisage que les soins palliatifs à la demande du patient en phase terminale. Cela signifie que selon le plan fédéral, les soins palliatifs ne sont garantis qu'à ceux qui vont bientôt mourir. L'intervenante estime que les soins palliatifs doivent être garantis aux patients incurables. Cette acceptation plus large est aussi retenue dans la proposition de loi nº 2-246.

L'intervenante trouve qu'il est essentiel de souligner que tout patient incurable a accès aux soins palliatifs qu'il soit ou non susceptible de mourir rapidement. On peut conclure des auditions organisées dans le cadre de la problématique de l'euthanasie que les soins palliatifs ne se limitent pas aux soins terminaux et sont bien plus larges.

L'intervenante pense par ailleurs qu'il existe une différence entre les propositions de loi dont on débat ici quant au contenu des soins palliatifs. Selon le plan fédéral, les soins palliatifs font certes partie de l'ensemble des soins de santé, mais ils se limitent aux aspects principalement matériels. Bien que personne ne conteste que l'augmentation du budget consacré aux soins palliatifs soit un pas important dans la bonne direction, il faut, selon l'intervenante, souligner que les soins palliatifs recouvrent aussi des soins immatériels comme les soins de confort psychologique ou l'encadrement spirituel. La proposition de loi nº 2-246 se penche à juste titre, sur l'encadrement familial. La sénatrice fait référence à la crainte qui s'est exprimée lors de la discussion des différentes propositions de loi relatives à l'euthanasie, à savoir que des demandes d'euthanasie ne soient formulées sous la pression. Le fait d'impliquer la famille dans la phase palliative du patient peut faire disparaître cette pression sociale ou familiale.

L'intervenante fait référence à la disposition de la proposition de loi nº 2-246 qui impose une obligation de résultat au gouvernement. Elle estime qu'il faut éviter que ne surgisse une différence de coût financier entre, d'une part, les patients admis dans un hôpital ou une maison de repos et de soins et, d'autre part, les patients qui veulent être soignés à domicile et y mourir. Il est positif que la concrétisation de cette obligation de résultat soit laissée au gouvernement qui s'y est d'ailleurs déjà attelé sur la base de son plan palliatif. Certaines questions restent néanmoins ouvertes, pour lesquelles certaines clarifications sont souhaitables.

Actuellement, il est possible d'obtenir un forfait pour soins à domicile de 19 500 francs pendant une période de 30 jours que l'on peut éventuellement prolonger jusque deux mois. Cette période est assez courte. Le ministre des Affaires sociales est en principe d'accord sur ce point et a plaidé, lors des auditions d'octobre 2000 au Sénat, en faveur d'une évaluation de cette réglementation au début de l'année 2001. À la Chambre des représentants, le ministre a cependant déclaré que l'évaluation n'aurait lieu qu'à la fin de 2001. C'est particulièrement regrettable vu qu'une prolongation de cette période permettrait à bien des personnes de choisir délibérément de mourir à la maison. Le délai actuel de deux mois rend ce choix particulièrement difficile puisqu'il faut réellement rentrer la demande au moment précis. Par conséquent, l'intervenante souhaite une prolongation jusqu'à six mois de la période pendant laquelle on a droit au forfait pour soins à domicile.

Le deuxième élément à clarifier est en rapport avec l'extension des équipes de soins à domicile. Il est essentiel d'associer le médecin traitant aux soins du premier échelon. Les équipes de soins à domicile doivent aussi pouvoir s'en remettre le plus possible au médecin traitant. L'avis du spécialiste de la douleur pourrait aussi contribuer à améliorer le fonctionnement des équipes de soins à domicile.

En ce qui concerne la fonction palliative des MRS et des MR, l'intervenante reconnaît que des étapes positives ont déjà été franchies. Néanmoins, elle souligne que des possibilités de soins palliatifs doivent exister quel que soit l'endroit où des personnes souhaitent mourir. Ces possibilités laissent par exemple fort à désirer dans les maisons de soins psychiatriques. Pourtant, il faudrait là aussi que le droit à l'accès aux soins palliatifs s'applique sans délai.

La sénatrice met ensuite en évidence les problèmes actuels relatifs aux suppléments d'honoraires pour les personnes admises dans l'unité de soins palliatifs d'un hôpital. Les accords conclus au sein de l'INAMI entre médecins et patients n'apportent pas de réponse claire à la question de savoir s'il est possible ou non de demander un supplément d'honoraires pour ces personnes. Il est essentiel que le législateur donne un signal fort pour indiquer qu'un tel supplément est exclu.

En outre, l'intervenante pense aussi que l'unité de soins palliatifs d'un hôpital doit également pouvoir avoir recours à un spécialiste de la douleur. La lutte contre la douleur est en effet un élément essentiel des soins palliatifs.

L'intervenante conclut en signalant qu'un hôpital confronté à des difficultés financières procède souvent à des coupes claires dans les dépenses des unités psychiatriques et gériatriques étant donné que ces unités ne pratiquent que peu d'actes médico-techniques. En effet, les hôpitaux bénéficient d'un très bon financement pour de tels actes. On peut aussi craindre que les unités de soins palliatifs des hôpitaux ne soient aussi les premières à faire les frais des opérations d'assainissement étant donné qu'il s'agit également d'unités « qui ne rapportent rien ». Pourtant, c'est sans doute dans cette unité que le patient est le plus faible. La sénatrice propose d'évaluer cette question au sein des Commissions réunies, en concertation avec la Fédération des soins palliatifs.

F. AUDITIONS

Au cours de la discussion, certains membres ont formulé la suggestion que l'on procède à une série d'auditions.

Au terme d'un large échange de vues, les commissions réunies se sont ralliées à cette suggestion, estimant que, vu la nature extrêmement délicate de la matière, leurs travaux pourraient être éclairés par la consultation de représentants des divers secteurs concernés par une législation en matière d'euthanasie et de soins palliatifs.

Les commissions réunies ont donc établi une liste de personnes de formations et d'horizons divers, parmi lesquelles des acteurs de terrain, médecins généralistes et spécialistes, infirmières, des éthiciens, des juristes, des pharmaciens et des représentants de diverses associations.

La question s'est posée de savoir si les auditions devraient avoir lieu en séance publique ou à huis clos.

Les avis à ce sujet étaient partagés.

Certains membres étaient partisans du huis clos, en vue de favoriser au maximum la liberté d'expression des témoins, et d'éviter que la médiatisation n'influence le cours du débat.

D'autres étaient favorables à des auditions publiques, compte tenu de l'intérêt et des attentes suscités dans la population par les travaux des commissions.

Celles-ci ont finalement décidé :

­ que les auditions des éthiciens, des juristes et des représentants des associations seraient publiques, sauf si ces personnes demandaient le huis clos, total ou partiel;

­ que les auditions des praticiens de terrain auraient lieu à huis clos, sauf demande contraire de leur part.

Les commissions réunies ont consacré 21 réunions aux auditions, qui se sont tenues du 15 février au 9 mai 2000.

Le compte-rendu intégral des auditions publiques est publié en annexe au présent rapport (10).

G. REPRISE DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE (APRÈS LES AUDITIONS)

Une membre rappelle quel a été jusqu'ici le déroulement des travaux. Tout d'abord, une série de propositions de loi ont été déposées et commentées. Ensuite, des auditions ont été organisées, après quoi on a ménagé un temps de réflexion. Mais jusqu'à présent, il n'y a pas eu de véritable débat.

Le groupe politique auquel appartient l'intervenante estime que les auditions publiques ont suscité un large intérêt pour la question de l'euthanasie, surtout dans le sud du pays où la RTBF a régulièrement résumé les débats. Pour les sénateurs du groupe politique auquel appartient l'intervenante, les auditions ont été utiles mais pas essentielles surtout pour ceux qui, comme l'intervenante, s'intéressent depuis longtemps déjà à la question. Pour eux, les auditions n'ont dès lors souvent que confirmé ce qu'ils savaient déjà. En revanche, les auditions auront sans nul doute été essentielles pour ceux qui maîtrisaient moins bien le sujet.

La membre part du fait inéluctable que quiconque vient au monde doit nécessairement mourir un jour. La mort n'est toutefois pas identique pour chaque individu. Certains ne se voient pas mourir mais d'autres subissent d'atroces souffrances, parfois pendant plusieurs années. Mais même pour ces personnes, chaque mort est également différente. L'endurance des personnes varie en fonction de la nature de la maladie et du traitement de la douleur. Les auditions ont révélé que pour beaucoup le traitement de la douleur restait une inconnue. Il est dès lors nécessaire de prévoir d'urgence ­ c'est-à-dire dès la nouvelle année académique ­ un cours d'algologie pour les étudiants en médecine ou en art infirmier. Il sera indispensable aussi de prodiguer une formation complémentaire aux praticiens qui exercent déjà. La manière dont le malade est entouré a en effet une grande influence sur sa demande éventuelle de pouvoir mourir plus rapidement. La froideur de l'environnement hospitalier et le manque de temps des médecins et de la famille sont parfois un facteur déterminant. Mais même si le malade est bien entouré, un bon traitement analgésique est indispensable. Le Sénat doit à cet égard émettre un signal fort.

L'intervenante évoque ensuite la conception, défendue par certaines des personnes entendues, selon laquelle la sédation contrôlée ne relève ni de l'euthanasie active ni de l'euthanasie passive. La littérature existante, notamment l'ouvrage de Marie de Hennezelle, nous apprend que dans la sédation contrôlée, l'intention des soins dispensés est autre, à savoir laisser souffrir moins la personne et lui permettre de subir sa maladie de manière plus humaine. Mais en accédant à une demande d'euthanasie, n'a-t-on pas aussi l'intention de faire en sorte que la personne souffre moins ? Ce point n'est pas clair, ni pour l'intervenante ni pour son groupe politique. La sédation contrôlée, dans laquelle on laisse le patient reprendre régulièrement connaissance, n'est nullement pour l'intervenante un acte d'humanité.

L'affirmation de certains dispensateurs de soins palliatifs selon laquelle, si on la « décode », la demande d'euthanasie disparaît en fait la plupart du temps et se transforme en demande de sédation, laisse l'intervenante sceptique. Il ressort de contacts qu'elle a eu avec des infirmiers sur le terrain que ce serait plutôt le contraire. Elle estime que les dispensateurs de soins palliatifs interprètent trop souvent la demande d'euthanasie elle-même et tentent pour cette raison de prolonger la vie par tous les moyens possibles. Cette approche n'est pas humaine, et doit être combattue. Il faut éviter, à côté de l'« acharnement thérapeutique », de créer un « acharnement palliatif ». Il importe en revanche que la dispensation des soins palliatifs soit rendue accessible et abordable pour tous et il y a lieu de débloquer les moyens nécessaires à cet effet. Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens prévus soient réellement affectés aux soins palliatifs et ne servent pas à d'autres fins. La transparence vis-à-vis du patient est essentielle aussi à cet égard : les patients doivent être informés du fait que les possibilités curatives ont été épuisées et qu'ils vont être admis dans une institution où ne sont dispensés que des soins palliatifs.

La membre souhaite en outre souligner qu'il n'est nullement question de choisir entre euthanasie et soins palliatifs. Lorsqu'il n'y a plus rien à faire sur le plan curatif, il faut prodiguer des soins palliatifs; plus tard, on pourra éventuellement accéder à la demande d'euthanasie si :

­ la demande émane du patient et de lui seul;

­ le médecin juge que le patient se trouve dans une situation médicale sans issue, sans qu'il puisse être tenu de pratiquer l'euthanasie;

­ une série de critères de prudence, soigneusement fixés et contrôlés, sont remplis.

Il convient aussi de trouver une solution à la demande répétée et persistante d'euthanasie formulée par le patient, lorsqu'il subit des souffrances insupportables et se trouve dans une situation médicale irréversible.

En ce qui concerne l'incrimination d'un acte euthanasique accompli par le médecin, soit au moyen de la sédation contrôlée, soit au moyen de l'euthanasie, l'intervenante considère qu'il est exclu de faire condamner pénalement le médecin pour cet acte. L'une des principales préoccupations des commissions réunies doit être de veiller à ce que la législation proposée soit claire, précise, sans être trop exhaustive. Elle doit laisser une porte ouverte à certaines situations, comme par exemple la souffrance d'enfants ou la déclaration de volonté.

En conclusion, la membre déclare qu'il faut tendre vers une société plus humaine, suffisamment attentive à l'homme souffrant. Lorsque celui-ci souhaite être délivré de ses souffrances, on doit pouvoir accéder à sa demande.

Un autre membre rappelle que le fond des propositions s'inspire de la situation que l'on vit actuellement dans notre pays, comme dans beaucoup d'autres pays du monde, et où la fin de vie, y compris dans sa dimension d'euthanasie, n'était pas prise en compte, sauf peut-être individuellement et à certains endroits.

Elle ne l'était en tout cas pas en tant que problème de société, ni en tant que drame vécu par les malades qui ne recevaient pas de réponse à la demande qu'ils formulaient de soulager leur souffrance et, le cas échéant, de mettre fin à leur vie.

Le problème n'était pas d'actualité, tout se passait dans la confusion et l'absence de transparence.

L'intervenant a déjà évoqué les erreurs par défaut ­ c'est-à-dire les non-réponses en raison de la législation telle qu'elle existe ­ et les erreurs par excès, dues probablement aussi à l'absence de législation, et où, face à des actes d'euthanasie pratiqués sans que le malade l'ait demandé, il y avait absence totale de réaction.

Les auditions ont confirmé ces deux phénomènes, de même que certains événements extérieurs aux travaux des commissions puisqu'on a pu constater, notamment à Liège, que l'euthanasie était considérée comme un assassinat, deux médecins ayant été inculpés de ce chef alors que, des éléments connus, il apparaît que les conditions figurant dans la proposition de loi cosignée par l'intervenant étaient remplies.

On a tendance à considérer qu'une approche idéologique des problèmes de société serait à combattre.

L'intervenant s'en dit étonné, parce que les problèmes éthiques, y compris les problèmes politiques, relèvent d'idéologies, c'est-à-dire de conceptions différentes que l'on peut avoir de la société, et qui font le pluralisme.

Imaginer que c'est l'unanimité des positions qui constitue le socle de base de l'organisation de la société, revient soit à favoriser le non-dit, le vague, l'arbitraire, soit à refuser de dresser un constat de différences d'opinions sur certains sujets.

Ces différences d'opinions sont respectables mais, à un moment donné ­ les auditions l'ont rappelé ­ les politiques doivent pouvoir prendre position.

Personne ne conteste ni la qualité de ce qui a été dit, ni la qualité de ceux et celles qui l'ont dit, indépendamment du fait qu'au départ, les experts ont été choisis pour des motifs qui ne sont pas neutres.

Un expert n'est jamais neutre, spécialement en ce qui concerne des problèmes aussi importants que ceux de la fin de vie, du droit de mourir dans la dignité, de l'euthanasie et des soins palliatifs.

Dès lors, indépendamment de l'expertise très grande et de l'expérience des orateurs, aucun n'a pu dire qu'il n'avait pas une approche personnelle du problème ­ et c'est bien ainsi ­ et que l'analyse qu'il en faisait était indépendante de cette approche personnelle.

Il y a donc une part de subjectivité dans tout ce qui a été dit.

De plus, beaucoup d'intervenants ont reconnu l'absence de représentativité de leur exposé.

Une diversité très large d'opinions s'est exprimée. On ne peut dès lors pas tirer de conclusions quant au sens dans lequel les experts se seraient prononcés et il ne paraît pas souhaitable de le faire pour la suite des travaux des commissions.

L'intervenant considère que le problème de la liberté et de l'autonomie du patient s'est révélé fondamental lors des auditions, y compris dans l'approche que chaque expert a pu formuler de manière explicite ou implicite par rapport à cette question. D'aucuns ont exprimé assez clairement que quelque chose dépassait l'homme, cette transcendance n'étant pas nécessairement de nature religieuse, mais pouvant être liée à une forme de superstructure implicite, et ayant pour conséquence que l'autonomie du patient n'était pas reconnue dans sa totalité. Cette opinion, parfaitement respectable, n'est pas celle de l'intervenant.

C'est précisément l'autonomie du malade dans tous les épisodes de sa vie qui sous-tend la proposition et, plus particulièrement, dans les moments où une demande d'euthanasie est formulée.

L'intervenant a été frappé par tout ce qui a été dit au sujet du décodage.

Peut-on imaginer qu'en rédigeant une proposition de loi relative à la fin de vie, et en reconnaissant l'autonomie et la liberté du malade, les auteurs n'aient pas pris en compte la nécessité d'analyser la demande ?

Dans toutes les étapes de la vie, et de la vie médicale en particulier, cette analyse fait précisément partie de la démarche, qui est aussi diagnostique, et qui détermine les réponses que l'on peut donner à la demande formulée.

Le décodage est donc tout à fait indispensable mais il paraît évident que si le décodage aboutit, parce que la demande est a priori irrecevable, à considérer que la demande d'euthanasie n'existe pas, et que la véritable demande n'est pas celle qui est explicitement formulée, peut-être en arrive-t-on alors, de manière implicite, à ne pas vouloir reconnaître le principe de la liberté du malade.

Beaucoup ont insisté sur la nécessité du décodage, et certains ont ainsi abouti à la conclusion que, pratiquement, il n'existait pas de demande d'euthanasie.

À cet égard, certaines choses ont été dites lors des auditions, qui ne correspondaient pas à ce que l'on avait pu entendre dans d'autres circonstances : certains ont en effet nié l'existence de demandes d'euthanasie alors que, dans d'autres circonstances, ils avaient reconnu que ces demandes existaient.

En ce qui concerne les soins palliatifs, il est clair que le combat doit être poursuivi pour améliorer l'offre et l'accessibilité de ces soins. Il existe encore des situations où cette accessibilité n'est pas parfaite.

Mais certains intervenants ont tenté d'opposer la nécessité de prendre en compte la demande d'euthanasie, à la volonté d'obtenir des soins mieux adaptés et plus accessibles, des réponses mieux adaptées à l'ensemble des situations de santé.

Or, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. En réalité, les objectifs poursuivis dans les propositions de loi s'inscrivent parfaitement dans une demande supplémentaire de prise en compte des situations des malades, à quelque moment que ce soit de leur existence, y compris lorsqu'ils considèrent que la seule solution pour eux est de demander l'euthanasie.

Opposer la volonté d'avancer dans le droit de mourir dans la dignité à celle d'améliorer les soins et leur accessibilité paraît dès lors irrecevable et même quelque peu irritant.

L'intervenant pense au contraire que la démarche des six auteurs s'inscrit dans le souci de traduire, dans le cadre de la fin de vie, la volonté affichée et le combat politique visant à améliorer l'accessibilité aux soins et à rendre ceux-ci adéquats par rapport aux situations vécues.

Revenant à la question de la liberté du malade, l'intervenant constate qu'elle fait problème, parce qu'il s'agit d'une question idéologique. Il estime que, quelles que soient les raisons invoquées, même idéologiques ou politiques, on ne peut pas faire de concession sur ce principe vital.

L'intervenant souligne ensuite l'importance, dans l'accompagnement, de l'équipe soignante, conçue dans son sens le plus large (environnement, famille, ...).

Dans les témoignages des personnes entendues qui appartiennent au personnel soignant, l'intervenant a recherché ce que pouvait être leur part de responsabilité partagée dans l'acte d'euthanasie.

L'impression qu'il en a retirée est que, d'une certaine manière, cette responsabilité n'est pas partageable. Tout en s'efforçant d'améliorer la communication en fin de vie, il faut garder à l'esprit que l'obligation codifiée entraîne de manière automatique une coresponsabilité, dont les experts ont précisément dit qu'elle était impossible, puisque la responsabilité est liée à celui qui répond et qui agit.

Dès lors, s'il pouvait exister des pistes qui associeraient davantage les équipes soignantes, tout en respectant la limite de l'autonomie du malade, ce serait là une avancée importante.

Il faut rappeler aussi que l'acte doit être posé par un médecin et que, dès lors, toute forme de réponse consistant pour le médecin à donner procuration est inacceptable.

Beaucoup d'intervenants ont dit qu'il était extrêmement difficile de définir la notion de phase terminale. Dès lors, toute formulation de cette nature dans la loi paraît impossible.

De plus, comme le démontre un courrier récemment adressé aux commissaires, il ne paraît pas acceptable sur le plan éthique de refuser le bénéfice d'une mort digne aux malades incurables, qui ne se trouvent pas dans ce qu'il serait convenu d'appeler une phase terminale.

Pour autant que la situation de ces derniers malades soit prise en compte dans la loi, peut-être une évolution est-elle possible quant à la définition de cette phase.

En ce qui concerne la procédure, certains médecins ont demandé qu'on les laisse travailler.

Il est évident qu'il faut permettre aux médecins d'exercer leur profession, y compris dans le contexte particulier de la fin de vie. Mais cela justifie-t-il le fait que la société ne doive pas intervenir en la matière, sachant par ailleurs les erreurs par excès et par défaut qui se commettent actuellement ?

Le statu quo est intolérable, parce qu'il engendre des drames dans les deux sens. Certains ont demandé que la procédure ne rende pas tout travail médical impossible. Ce point est important, car l'objectif est d'améliorer la situation des malades et, corollairement, de faciliter le travail des soignants.

Il résulte des auditions qu'actuellement, il est des endroits où il n'y a pas de procédure. À d'autres endroits, elle existe de façon explicite ou implicite, sans que l'on sache si les problèmes de fin de vie, de mort digne, de soins palliatifs avaient été traités dans les structures éthiques existantes.

L'intervenant s'est interrogé sur la lourdeur éventuelle des procédures.

Il lui paraît que ces procédures ne sont pas excessives, si l'on considère par ailleurs qu'elles visent aussi à protéger le malade. C'est pourquoi différentes étapes doivent être franchies, qui impliquent une écoute extrêmement attentive de la part du médecin et du personnel soignant.

En réalité, les étapes fixées par la proposition des six auteurs sont conformes à la tenue d'un dossier médical normal.

Quant à la déclaration au parquet prévue par la proposition, des juristes et d'autres ont estimé que, dans le contexte d'une dépénalisation partielle, elle ne devait plus être obligatoire, et ont plaidé pour la création d'une structure-tampon entre le médecin déclarant et le parquet.

Cette structure serait chargée d'analyser les déclarations sous couvert d'un anonymat qui ne pourrait être levé qu'à un certain stade de la procédure, en cas d'anomalie. C'est là une piste de réflexion possible.

En ce qui concerne la dépénalisation, certains ont dit que, quelle que soit la formule retenue, elle serait inadéquate, ce qui revient à plaider pour le statu quo.

Sans doute le droit est-il, comme la médecine, un art sujet à interprétation.

Mais, à l'heure actuelle, il faut bien constater que des erreurs se commettent et que des inculpations ont eu lieu sur base de la législation actuelle. Le statu quo n'est donc, sur la plan juridique, pas acceptable.

En outre, l'euthanasie, accomplie dans certaines conditions a été assez largement qualifiée d'acte éthiquement positif.

Il est difficile de comprendre que l'on puisse maintenir comme tel dans le Code pénal un acte considéré comme éthiquement positif.

La proposition des six auteurs prévoit qu'il n'y a pas de délit si l'euthanasie est pratiquée dans les conditions qu'elle définit. Cette formule a le mérite d'être claire, par rapport à la situation actuelle.

De simples indications ou interprétations données dans les travaux préparatoires par rapport au texte de loi ne suffisent pas.

La presse s'est fait récemment l'écho, dans un tout autre contexte, de la valeur que les juges d'instruction et le parquet attachent au texte de la loi.

C'est cette valeur qui a été opposée au directeur général de l'enseignement obligatoire de la Communauté française, dans une affaire où il se référait à un commentaire du texte de la loi.

Dans la matière qui nous occupe, il paraît dès lors tout à fait fondamental que ce soit la loi elle-même qui prévoie qu'il n'y a ni crime ni délit lorsque l'euthanasie est pratiquée dans certaines circonstances.

Par ailleurs, on a entendu ­ sans doute plus dans la bouche de certains parlementaires que lors des auditions ­ l'argument consistant à demander quel respect on peut avoir par rapport à une loi qui lève l'interdit de tuer.

L'intervenant se demande, quant à lui, ce qui, par rapport au respect de la loi, est le plus grave : inscrire dans une loi une dépénalisation de l'acte d'euthanasie dans des conditions limitées et clairement déterminées ou tolérer que la loi soit bafouée au quotidien ? Il paraît important de disposer de textes clairs, comme certains experts l'ont souligné.

Lors des auditions, il a beaucoup été question de soins palliatifs, ce dont l'intervenant se réjouit.

Il se dit particulièrement intéressé par les exposés qui ont été faits sur l'organisation des soins palliatifs. Plusieurs formes d'organisation existent, mais on peut sans doute identifier essentiellement deux modèles d'organisation : un modèle verticalisé et un autre plus transversal.

Le modèle verticalisé consiste, en milieu intra- ou extra-hospitalier, en l'existence de lits palliatifs isolés des autres structures de santé, ce qui n'exclut pas les contacts avec l'extérieur.

Beaucoup d'intervenants ont plaidé pour une organisation transversalisée des soins palliatifs. Cela regarde le législateur, qui doit donner les impulsions, mais sans doute davantage l'exécutif, pour ce qui est du règlement concret.

L'orientation vers un développement de soins palliatifs intégrés, à la fois en intra- et en extra-hospitalier, et vers une logique de soins palliatifs continus, paraît être une approche adéquate par rapport aux problèmes vécus, car elle permet de ne pas isoler la problématique de la fin de vie du reste des soins de santé, et, en quelque sorte, de réintégrer la mort dans la vie.

Beaucoup ont plaidé pour un renforcement de l'offre de soins palliatifs. Le législateur a l'obligation de prendre des dispositions législatives et d'interpeller le gouvernement pour qu'il en soit ainsi, en adéquation aux demandes des soignants en général.

Enfin, beaucoup d'intervenants ont fait part de craintes. Il en va notamment ainsi de Mmes Kempeneers et Henry. Certains ont souligné, de façon critique, que la proposition des six auteurs ne règle pas tous les problèmes.

L'intervenant se dit très heureux que les deux personnes précitées soient venues s'exprimer, d'une part parce que cela leur donne une tribune par rapport à la population et indique l'importance et la complexité de la situation vécue par les malades mentaux, par les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, et par leurs familles.

D'autre part, cela a donné aux six auteurs l'occasion de dire que les craintes exprimées par rapport à leur proposition n'étaient pas justifiées.

Beaucoup de craintes peuvent en effet être levées, lorsque l'on précise bien quel est exactement le contenu et les limites des propositions de loi.

Il est vrai ­ et cela a parfois été dit comme un reproche ­ que celles-ci ne règlent pas tous les problèmes. Ce point est important à souligner. L'intervenant estime que, sur un problème comme celui de la fin de vie, il faut avancer à la fois avec une volonté d'humanité, avec clairvoyance et avec prudence.

Les situations pour lesquelles une dépénalisation partielle est proposée sont clairement établies : il s'agit de malades conscients, ou de malades inconscients ayant fait une déclaration anticipée et accompagnés d'un mandataire.

Il reste des zones que la proposition de loi ne règle pas : mineurs, personnes dont le discernement est réduit, ...

C'est pourquoi le reproche implicite qui a été fait de justifier par l'état de nécessité les modifications à apporter au Code pénal paraît justifié, car cela risque d'exclure toutes les personnes ne répondant pas aux indications décrites par la loi de toute possibilité de réponse à une demande de mort digne.

Or, pour ces personnes, la situation actuelle doit subsister, c'est-à-dire que l'état de nécessité pourra continuer à être invoqué.

Mais il ne paraît pas possible d'étendre le cadre fixé en termes de conditions dans la proposition de loi qui dépénalise partiellement l'euthanasie.

En matière législative, comme en matière médicale, le principe doit être primum non nocere.

Si l'on considère l'éventail de toutes les situations évoquées lors des auditons, il ne paraît pas exact de dire, comme certains l'ont fait de manière excessive, que la proposition des six auteurs ne concerne en rien les situations rencontrées au quotidien sur le terrain.

En conclusion, il faut avancer, même si les convictions, les conceptions politiques, les idéologies sont divergentes.

Il faut le faire en tentant de s'abstraire de tout ce qui peut être circonstanciel, dans un esprit d'ouverture, mais sur la base d'une adhésion à certains principes et d'un refus du statu quo et de textes qui ne constitueraient pas une avancée sur le plan humain et juridique.

Un sénateur estime que les auditions n'ont pas toujours apporté des réponses précises aux questions des commissaires. Cette constatation vaut notamment pour une série d'aspects juridiques de l'euthanasie. Deux catégories professionnelles, à savoir les médecins ­ et dans une moindre mesure les infirmiers aussi ­ et les juristes sont largement opposés à une réglementation légale de l'euthanasie. L'intervenant le déplore, surtout parce que leur attitude était inspirée par des considérations paternalistes, d'une part, et par leur position de force, d'autre part. En effet, moins on réglemente, plus le pouvoir discrétionnaire d'une catégorie professionnelle déterminée est grand.

C'est précisément au nom de cette approche plutôt étriquée ­ la position occupée par leur catégorie professionnelle ­ que ces deux groupes ont transgressé certaines convictions philosophiques et idéologiques. La démarche est moins noble qu'il n'y paraîtrait à première vue.

Par ailleurs, le sénateur se réjouit de l'attention dont ont bénéficié les soins palliatifs. Il importe de souligner que la médecine palliative ne peut pas être dissociée de l'ensemble de la pratique médicale. Concrètement, cela signifie que si un médecin s'engage dans le traitement d'un cancer chez un patient, il s'agira dans la grande majorité des cas d'un traitement purement palliatif. Il doit en tenir compte dans l'attitude qu'il adoptera vis-à-vis du patient. Le signal qu'il faut envoyer à la catégorie professionnelle concernée et à l'opinion publique, c'est que les soins palliatifs font partie intégrante d'un processus de recherche d'une meilleure qualité de vie, y compris dans le domaine médical. L'intervenant fait d'ailleurs remarquer que la majeure partie du travail législatif concernant les soins palliatifs a déjà été réalisée. Bien qu'il puisse être important de consacrer quelques principes et fondements dans la législation, la Belgique dispose déjà d'une réglementation très avancée. Le grand problème est celui du financement des soins palliatifs, qui doit être assumé par les communautés. Tous les groupes politiques doivent prendre leurs responsabilités dans ce cadre.

Le sénateur estime que les auditions du Sénat ont contribué à accroître l'intérêt de la société pour la question de la fin de vie et que l'on a consacré davantage de temps à en discuter. Du côté de la profession médicale, toutefois, la conduite du débat n'est pas toujours loyale. On rend impossible le véritable débat en faisant croire que la seule question en jeu est celle de savoir si l'euthanasie doit être inscrite ou non dans la loi pénale. L'action de signatures menée à ce sujet est donc regrettable.

L'intervenant conteste ensuite que cette problématique ne concernerait qu'un nombre restreint d'individus. Quelque 40 % des personnes qui décèdent ont en effet affaire à un médecin qui pose des actes abrégeant la vie. De là sans doute qu'une certaine inquiétude est apparue au sein de la population. Pourtant, on doit faire nettement la distinction entre l'euthanasie, qui ne fait pas partie de la pratique médicale normale, et les actes que les médecins accomplissent en fin de vie de leurs patients et qui relèvent quant à eux de la démarche médicale normale. Il conviendra dès lors de distinguer ces deux éléments dans la législation. Il faut élaborer une législation en matière d'euthanasie tout en traitant l'autre aspect dans une loi relative aux droits des patients, étant donné que ceux-ci sont habituellement très mal informés à propos des actes médicaux ayant pour effet d'abréger ou de prolonger la vie.

Le sénateur a donc pris une initiative législative dans ce sens et déplore les tergiversations du ministre de la Santé publique à cet égard. Il est d'avis que les commissions réunies doivent se prononcer aussi sur cette question.

Par ailleurs, l'intervenant fait remarquer qu'une série d'éléments scientifiques liés au problème de l'euthanasie n'ont pas été réfutés au cours des auditions. Premièrement, on ne nie pas que l'euthanasie soit une réalité. Le manque de législation dans notre pays nuit toutefois à la qualité, qui est moindre que dans les pays où il en existe une, comme aux Pays-Bas. Deuxièmement, par suite de l'absence de législation, des actes sont posés aujourd'hui qui ne relève pas de l'euthanasie mais doivent être qualifiés de meurtre. Troisièmement, il est apparu clairement qu'il serait dangereux de ne pas légiférer en la matière. La thèse selon laquelle c'est à la jurisprudence qu'il appartient de poser les balises se trouve donc réfutée. C'est la loi qui doit indiquer les limites.

Le sénateur souligne qu'il y a toujours aujourd'hui, une demande légitime à pouvoir recourir à l'euthanasie qui reste sans réponse. Il appartient au législateur d'en apporter une aujourd'hui.

L'intervenant souhaite citer une série de points qui doivent figurer, à son avis, dans la législation relative à l'euthanasie.

Premièrement, il faut interpréter l'aide au suicide de la même manière que l'euthanasie, comme l'a indiqué à juste titre le professeur Adams au cours de son audition.

Deuxièmement, l'on a tendance, au niveau international, à fixer la majorité médicale à 16 ans. Par analogie, la législation sur l'euthanasie doit prévoir une liberté de choix à partir de 16 ans, étant entendu qu'il n'en faudrait pas moins tenir compte aussi autant que possible de l'avis des patients plus jeunes.

Troisièmement, les commissions doivent se prononcer sur la notion de « patient en phase terminale ». Comment définir cette notion ? Peut-on et doit-on la définir. L'intervenant estime que contrairement à ce qu'ont fait les sénateurs de la majorité dans la proposition qu'ils ont déposée, il faut définir cette notion, simplement parce qu'il y a deux procédures à élaborer. Il ne faut toutefois pas la définir avec trop de précision et il ne faut en aucun cas définir une période. Le sénateur propose que pour désigner un patient dont on sait qu'il décédera dans un laps de temps relativement cours, on utilise l'expression « patient en phase terminale ». Le caractère évolutif de la maladie qui provoquera inéluctablement la mort doit aussi être considéré comme un élément capital. En tout cas, il faut faire une nette distinction entre une maladie ou une lésion stable et une maladie évolutive. C'est en fin de compte au médecin traitant qu'il appartient de trancher et de décider de suivre soit une procédure « classique » applicable en ce qui concerne les patients atteints d'une maladie incurable et se trouvant en phase terminale, auquel cas on ne demande l'avis d'un autre médecin qu'au début de celle-ci, soit une procédure applicable en ce qui concerne les patients atteints d'une maladie incurable, dont la première étape est plus complexe. Dans le deuxième cas, l'on a plus de temps pour agir et l'on peut confronter l'avis du médecin à plusieurs autres avis. D'ailleurs, c'est au patient qu'il appartient d'indiquer qu'il se trouve dans une situation de détresse et non pas au médecin traitant, comme le propose le groupe CVP.

Quatrièment, le sénateur déclare qu'il importe de prévoir une sorte de tampon entre le médecin traitant et les tribunaux qui statuent sur la procédure suivie. Il y a lieu de créer une commission de contrôle chargée de plus que du simple enregistrement des choses, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que, dans le cas d'une simple communication au procureur, il n'y aura pas d'enquête sur le respect des critères de prudence, à moins qu'une plainte ne soit déposée. Puis, parce que plus les exigences à remplir pour pouvoir faire d'office rapport au procureur seront strictes, moins il y aura de communications. Une commission de contrôle dispose d'une expertise assez grande pour pouvoir juger du bien-fondé d'un acte euthanasique, et elle examinera en tout cas si les critères de prudence ont été respectés. Dans certaines situations, elle conclura peut-être que l'affaire doit être jugée par un tribunal.

Enfin, en ce qui concerne la question de savoir s'il faut ou non inscrire la notion d'euthanasie dans la loi pénale, l'intervenant fait remarquer que les propositions de loi à l'examen prévoient des causes de justification de la pratique de l'euthanasie. Elles prévoient toutes que l'euthanasie pratiquée hors du respect des critères de prudence reste punissable. Cela vaut même pour la proposition déposée par le groupe CVP, aux fins de laquelle l'on a aussi essayé de trouver une cause de justification de l'euthanasie. La manière dont ce débat est parfois mené rend un consensus impossible.

Le sénateur a pourtant l'impression qu'il n'est pas impossible de parvenir à un consensus sur les conditions auxquelles on peut pratiquer l'euthanasie. La seule différence entre les deux positions réside dans le fait que, suivant la proposition du CVP, le médecin doit se trouver dans un état de nécessité, alors que, suivant les autres propositions, c'est le patient qui doit se trouver dans un état de nécessité. L'intervenant dit être favorable à la dernière option et il est partisan d'une proposition qui offre la sécurité et au médecin et au patient. Se fondant sur l'argument pertinent suivant lequel le Code pénal est davantage qu'un cahier de prescriptions et représente aussi une norme morale, il propose de prévoir expressément, dans le Code pénal, que tuer le patient à sa demande est une infraction. De la sorte, on indique clairement que l'euthanasie ­ et, sa forme dérivée, à savoir l'assistance au suicide ­ est un délit tombant sous l'application du droit pénal, même s'il est possible, sous certaines conditions, de fournir une cause de justification à l'auteur de ce délit.

Un membre souligne qu'il y a près de cinq mois les commissions réunies ont décidé d'organiser des auditions. Ces auditions devaient permettre, d'une part, de confronter les divers points de vue sur la manière de concrétiser une initiative législative relative à l'euthanasie et sur la mesure dans laquelle il y a lieu de le faire, à l'expérience de ceux qui sont confrontés quotidiennement à ce problème et, d'autre part, de recueillir les commentaires sur ce point des experts en éthique et en droit.

Les commissions ont entendu plus de 40 témoins que l'intervenant remercie pour leur contribution qui a permis de confronter effectivement et concrètement une initiative législative à la pratique. Les craintes de ceux qui s'étaient opposés aux auditions ne se sont pas vérifiées : les témoins n'ont subi aucune pression et personne n'a cherché à les influencer. Au contraire, la plupart d'entre eux ont traité objectivement la problématique des actes relatifs à la fin de vie et des attentes qui peuvent être nourries à cet égard, et ce, indépendamment de toute considération idéologique ou spirituelle. Si cette approche sereine a paradoxalement donné lieu, parfois, à des interpellations tendancieuses de la part de certaines personnes qui n'acceptent l'objectivité que lorsqu'elle correspond à leurs propres opinions, cela n'est dû en aucun cas aux témoins qui ont été entendus.

L'intervenant estime que l'audition des témoins a été un événement exceptionnel, en particulier à cause de la richesse humaine qui a ainsi pu être mise à jour, laquelle a mis en évidence la complexité du problème et a permis d'améliorer les connaissances dans ce domaine. L'expression de ce genre d'expériences de vie, qui n'a pas manqué d'alourdir la tâche de la commission en l'espèce, est rare dans le cadre des travaux parlementaires. Grâce à cela, la commission a pu bénéficier de vastes connaissances scientifiques, surtout par rapport à la manière dont les choses se passent à l'étranger.

On peut mener la discussion de deux manières, c'est-à-dire soit a priori, comme dans le cadre de la proposition de la majorité ou des chefs de groupe, chacun pouvant avancer ses arguments, après quoi on procède au décompte des voix, soit en partant des positions de chacun tout en tenant compte de la complexité du problème et des incidences sociales et internationales. Les témoignages devraient inciter les commissaires à une grande prudence. Ils ressemblent en effet à des « cris de coeur » lancés pour que l'on ne réduise pas le débat à une joute politique, épousant forcément la fracture entre la majorité et l'opposition. La discussion est en effet très variable en ce sens qu'elle dépend de la date à laquelle on débat. La proposition de la majorité part du principe qu'il existe un consensus au sein de la société pour dépénaliser l'euthanasie, mais cela n'a absolument pas été confirmé au cours des auditions. Au contraire, les témoins ont souvent été critiques vis-à-vis de la proposition de la majorité, du moins de certains aspects de celle-ci. Le plus frappant à cet égard, c'est que la grande majorité des personnes entendues ne se sont pas inscrites dans le débat sur la défense ou non du droit à l'autonomie. Le débat doit porter sur la question de savoir comment on peut faire face humainement à certaines circonstances dramatiques qui surviennent à la fin de la vie. Le rôle du patient est certes primordial, mais on ne peut pas reduire la gravité du moment en question, dont les implications sont multiples, en faisant primer la seule « volonté du patient ». Il ressort des témoignages que la question est beaucoup plus délicate qu'on le croyait et que ce n'est pas de cette manière que l'on pourra trouver une solution.

Le groupe dont la membre fait partie a confronté la proposition qu'elle a déposée aux divers témoignages émis. Il convient, avant de commenter cette analyse plutôt ponctuelle, de formuler une série de conclusions générales.

Les auditions ont tout d'abord mis en évidence qu'en ce qui concerne l'euthanasie, on ne peut pas raisonner en termes absolus, comme on l'avait fait en élaborant la proposition de loi du 20 décembre 1999. Dès l'ouverture des débats, le groupe de la membre en question a souligné que la demande d'euthanasie ­ et la réponse à celle-ci ­ doit être située dans le cadre de la problématique générale des actes médicaux que l'on a accomplis quand la fin de la vie est imminente.

En effet, beaucoup de témoins ont déclaré que la question de l'euthanasie ne représentait que la pointe de l'iceberg. Quand on parle d'euthanasie et qu'on souhaite élaborer une réglementation transparente à ce sujet, on doit au moins se pencher sur tous les autres actes médicaux qui sont posés à la fin de la vie et garantir les droits du patient également en ce qui concerne ces actes-là. C'est pourquoi la proposition cosignée par l'intervenante définit une série de conditions de protection pour les cas où l'on déciderait d'arrêter ou de s'abstenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique ayant pour effet d'abréger la vie. La proposition du 20 décembre 1999 ne contient aucune disposition à ce sujet !

Il ne faudrait toutefois pas non plus faire pencher la balance dans l'autre sens ! Il ressort des témoignages que l'euthanasie ne peut pas être considérée comme un acte médical ordinaire « parmi d'autres ». L'euthanasie est un acte médical exceptionnel qui doit être entouré de garanties et de conditions spécifiques et qui ne peut en aucune manière être banalisé. Une proposition dans laquelle l'euthanasie serait décrite en termes voilés comme « un acte qui accélère la mort » et qui considèrerait qu'il s'agit d'un acte médical ordinaire, nierait le caractère exceptionnel de l'euthanasie. Par conséquent, une initiative législative concernant l'euthanasie est nécessaire. Il n'est pas possible de régler les choses en se référant au seul code déontologique.

Cela nous amène à établir trois éléments essentiels du débat. C'est précisément parce que l'euthanasie a un caractère exceptionnel en tant qu'acte servant à interrompre intentionnellement la vie, qu'il faut maintenir l'interdiction pénale. Inversement, celui qui approuve le caractère pénal de tout acte « accélérant la survenue de la mort » doit reconnaître qu'on ne peut pas se contenter d'inscrire un tel acte dans le cadre général des droits du patient pour ce qui est des actes médicaux accomplis en fin de vie.

Deuxièmement, on confirme clairement que l'euthanasie a un caractère exceptionnel, dès lors que l'on reconnaît l'importance des soins palliatifs et des soins intensifs. Il est à la fois inexact et irresponsable d'affirmer que pratiquer « l'euthanasie » est la seule manière possible d'accéder au désir de « mourir dans la dignité ». Tous les médecins et les infirmiers qui ont été entendus ont confirmé que les patients qui bénéficient de bons soins palliatifs demandent très rarement l'euthanasie.

Enfin, si un débat sur les droits du patient est nécessaire, il manquera son objectif s'il n'y est pas question de l'euthanasie et tant qu'acte exceptionnel comparé à tous les autres actes médicaux, accomplis en fin de vie. La conclusion éventuelle que l'acharnement thérapeutique masque le « refus de pratiquer l'euthanasie » et que le seul moyen de combattre ce refus est d'octroyer un « droit à l'euthanasie » n'est pas fondée. Au contraire, les témoins ont souligné que les patients qui sont bien informés et qui trouvent des gens qui sont à l'écoute de leurs souffrances et de leurs besoins, ne demandent presque jamais l'euthanasie ou ne la demandent qu'exceptionnellement. À cet égard, l'« informed consent » a tout autant d'importance que l'« informed request ». Cette conception des choses permet d'éviter tout autant l'acharnement thérapeutique, psychologique et palliatif, que l'acharnement euthanasique.

De cette manière, le principe de l'autodétermination est vraiment appliqué comme il se doit : on reconnaît que l'individu doit apporter une contribution autonome spécifique dans le processus décisionnel relatif à sa personne, que cette contribution doit être prise au sérieux et que la société doit apporter une réponse en la matière.

Après avoir décrit l'importance d'une approche générale, le membre en vient à une deuxième conclusion générale, à savoir que le patient doit être mis au centre du problème. Ce principe, qui est évident, ne souffre pas la contestation et sous-tendait la position du groupe de l'intervenant avant même l'ouverture des débats. Toutefois, comme on affirme parfois que la proposition de son groupe fait primer l'intérêt du médecin plutôt que celui du patient, il voudrait apporter quelques précisions. Une fois de plus, la notion d'état de nécessité sème la confusion, alors qu'elle a été suffisamment commentée par les juristes au cours des auditions.

Il va de soi que c'est la situation du patient souffrant et mourant qui est au coeur du débat et qu'il faut répondre dans toute la mesure du possible à ses demandes. Toutefois, la demande d'euthanasie entraîne pour le médecin traitant une responsabilité spécifique qui suppose un contrôle spécifique. Cette conception n'est pas en contradiction avec le constat que l'intérêt du patient a une place centrale mais la demande du patient ne suffit pas pour justifier l'euthanasie. Proposer l'état de nécessité comme solution juridique en cas de conflit entre les droits et les devoirs dans la personne du médecin, n'est pas une voie nouvelle. Cette piste est du reste défendue dans diverses publications juridiques qui soulignent le conflit existant entre, d'une part, le droit à la vie visé à l'article 2 de la CEDH et, d'autre part, l'article 3 de la même convention, en vertu duquel nul n'est tenu de subir un traitement inhumain. Le patient doit être au centre de la recherche d'une solution à ce conflit, mais sa simple demande d'euthanasie ne suffit pas comme solution.

La troisième conclusion générale de l'intervenant est que tous les témoins ont évoqué l'importance de la sécurité juridique, pour le patient comme pour le médecin, ainsi que l'indispensable confiance qu'il faut avoir pour cela dans le médecin. Les auditions ont démontré que la concrétisation de cette notion de sécurité juridique diffère en tout cas de la solution apportée par la proposition du 20 décembre 1999. L'argument souvent entendu suivant lequel on garantirait la sécurité juridique en retirant l'euthanasie du droit pénal, n'est pas confirmé par les témoignages. La sécurité juridique du patient s'en trouverait au contraire compromise parce que celui-ci n'aurait pas de protection juridique suffisante. Les auditions montrent que la grande majorité des médecins et du personnel infirmier ne sont justement pas favorables à une dépénalisation.

Le manque de sécurité juridique se situe effectivement sur un autre plan. On a dit à juste titre que l'acte euthanasique, même confirmé comme étant un acte exceptionnel et assorti des garanties nécessaires, serait malgré tout reconnu dans un cadre au caractère pénal trop prononcé, qui ne fournirait au médecin aucun point de référence quant à l'admissibilité de l'acte. D'ou l'importance d'une procédure de déclaration efficace et transparente et d'un contrôle a posteriori. Une procédure sans boutoir comme celle de la proposition du 20 décembre 1999 ou une procédure dont l'élaboration est confiée au Roi, ne peuvent pas offrir cette sécurité juridique. En outre, la sécurité juridique ne peut être assumée qu'en incluant suffisamment de garanties concrètes pour que le médecin sache à quoi s'en tenir, mais aussi ­ inversement ­ pour éviter qu'il ne soit constamment freiné dans son action. Si l'on souhaite réglementer l'euthanasie, on ne pourra offrir au médecin une sécurité juridique suffisante qu'à la condition d'élaborer des formules de contrôle a priori grâce auxquelles ils pourront être raisonnablement certains, dès lors qu'ils auront respecté certains paramètres, d'agir dans les limites de ce qui est admis.

Les garanties légales offertes par une procédure a priori et une procédure a posteriori confirment et renforcent également la confiance que le patient doit avoir dans son médecin traitant. C'est dans ce contexte que le Comité consultatif de bioéthique a rendu son troisième avis; c'est également dans cette optique que les actes médicaux ordinaires peuvent être réglementés de manière satisfaisante dans la déontologie professionnelle, en tenant compte des droits des patients.

Pour en terminer sur les conclusions générales, l'intervenant souligne que la sécurité juridique, la confiance et les garanties pour la protection des droits et de la dignité du patient ont été les mots-clés de la quasi-totalité des témoignages. Ces concepts doivent être le fil conducteur de la pratique médicale en général et des décisions à prendre dans la phase finale de la vie, en particulier. Ces notions ont été et restent le fondement de la position développée par le parti de l'intervenant.

Quant à l'analyse ponctuelle des différents aspects partiels du débat, elle s'articule autour de huit points.

Tout d'abord, il y a la nécessité prioritaire d'une offre suffisante de soins palliatifs. Tous les témoins du secteur des soins palliatifs (médecins et personnel infirmier) ont souligné l'importance de disposer d'une offre étendue qui doit précéder toute réglementation légale de l'euthanasie et avoir priorité sur celle-ci. Les associations de patients (Ligue Alzheimer/Vereniging Steun Mentaal Gehandicapten) ont souligné l'importance d'une offre qualitativement et quantitativement bien développée de soins de santé, de soins aux personnes âgées et, en particulier, de soins palliatifs.

Les prises de position de la Federatie Palliatieve Zorgen et de 60 médecins spécialisés en soins palliatifs montrent en outre que le concept de soins palliatifs doit s'envisager, de manière beaucoup plus large, comme des « soins intégrés », dans le cadre d'une réelle culture palliative et qu'une formation, des recherches et de l'information à ce sujet étaient indispensables; surtout, ces prises de position ont confirmé que les soins palliatifs étaient insuffisamment développés en Belgique. Ces observations ont une importance cruciale, quand on constate que ces mêmes médecins et personnels infirmiers affirment que les soins palliatifs rendent les demandes d'euthanasie extrêmement rares.

Le 6 avril 2000, le groupe auquel appartient le membre a déposé deux propositions de loi tendant à imposer la création d'une fonction d'algologie dans chaque hôpital, à reconnaître le droit aux soins palliatifs et à améliorer ces soins. Ces deux propositions intègrent les remarques qui ont été formulées au cours des auditions et constituent pour cette raison une base de départ idéale. Ces propositions prévoient le droit aux soins palliatifs, l'élargissement du forfait pour les soins à domicile, le renforcement des soins de première ligne au moyen d'équipes mobiles et d'accords de collaboration et le rattachement de la fonction palliative à une fonction algologique à mettre en place à l'hôpital.

Le groupe de l'intervenant constate avec satisfaction que plusieurs membres des commissions reconnaissent que les soins palliatifs ne sont pas une solution définitive à l'euthanasie, mais un moyen de prévenir celle-ci. Il ne s'agit pas d'un choix égal. Si l'on admet cela, il faut aussi être conséquent : pour proposer ces soins palliatifs aux patients, il faut qu'ils existent réellement. Une réglementation de l'euthanasie ne repose sur rien, si l'on ne crée pas d'abord les conditions nécessaires pour assurer des soins de qualité en fin de vie.

Le professeur Adams a par ailleurs avancé un argument juridique important pour justifier le développement préalable des soins palliatifs. En ne développant pas ces soins avant l'entrée en vigueur d'une loi sur l'euthanasie, on risque en effet de se heurter à l'article 2 de la CEDH.

Selon la logique de l'article 2, l'État ne peut en effet reconnaître la possibilité de recourir à l'euthanasie que dans des circonstances très exceptionnelles. L'interruption de vie ne peut être que le remède ultime, c'est-à-dire que l'on y recourt lorsque l'euthanasie est réellement le seul moyen restant pour atténuer une douleur insupportable. Lorsque la douleur est rebelle aux antidouleurs ou aux soins palliatifs, et que le seul moyen de l'atténuer consiste à recourir à l'euthanasie, il est donc impossible de concilier les deux obligations énoncées aux articles 2 et 3 de la CEDH. Cela signifie cependant aussi qu'il faut au moins proposer au patient toutes les possibilités permettant d'atténuer sa douleur : l'État a donc l'obligation de développer ces moyens.

Fort de ces arguments, le groupe politique du membre estime qu'une réglementation de l'euthanasie ne peut pas entrer en vigueur avant qu'une loi n'ait fixé le cadre et réglé la mise en oeuvre d'un système de soins palliatifs dignes de ce nom sur les plans qualitatif et quantitatif.

Ensuite, il y a la protection du patient au regard des décisions médicales en fin de vie. Les soins palliatifs ont eux aussi leurs limites et d'aucuns ont parfois fait état, au cours des auditions, d'un « acharnement palliatif ». En effet, les soins palliatifs n'excluent pas la prise de certaines décisions médicales en fin de vie. Les patients souhaitent en outre être protégés contre l'acharnement thérapeutique qui ne tient pas compte de leur point de vue. La proposition déposée par le groupe politique du membre définit les conditions de protection. Durant les auditions, le professeur Schotsmans et le docteur Van den Eynden notamment ont prôné d'édicter en outre une réglementation applicable aux décisions médicales en fin de vie, qui uniformiserait les directives et les codes et les rendrait légalement obligatoires. Il est exact qu'un régime transparent applicable aux décisions médicales en fin de vie est nécessaire pour protéger le patient contre l'acharnement thérapeutique et pour servir de garantie contre les formes parallèles d'euthanasie qui ne remplissent pas les conditions fixées.

Néanmoins, le groupe politique du membre estime qu'il n'est pas indiqué de légiférer pour élaborer un système de contrôle répressif s'appliquant aussi aux décisions médicales en fin de vie, tant qu'il n'y a pas d'indications justifiant une méfiance générale vis-à-vis du corps médical. Il est essentiel de préserver le capital confiance du médecin y compris dans ces circonstances. Il appartient dès lors à la profession médicale de donner corps à cette réglementation dans le respect des droits du patient par le biais de la déontologie médicale. Il y a lieu d'inscrire cette mission dans la loi afin que soient précisées les conditions auxquelles doivent répondre les décisions médicales devant assurer une fin de vie dans la dignité.

En troisième lieu, il y a la discussion sur la dépénalisation ou non de l'euthanasie. Le parti du membre a déjà souligné à plusieurs reprises que la dépénalisation de l'euthanasie est inadmissible. Les principaux arguments qui plaident en ce sens sont de nature tant philosophique que juridique ou sociale.

Le fait de maintenir l'euthanasie dans la loi pénale permet :

­ de préserver le caractère exceptionnel de l'acte euthanasique;

­ d'avoir une garantie ultime contre les abus;

­ de maintenir le caractère normatif de la loi pénale.

Les auditions ont permis aux commissions d'examiner plus avant ces arguments. Il en ressort qu'une grande majorité des médecins interrogés ne sont pas demandeurs d'une dépénalisation : l'Ordre des médecins considère que le statu quo dans la loi pénale offre la meilleure protection contre les abus. Cet avis est partagé par les docteurs Vincent, Clumeck, Cosyns, Van den Eynden et par 58 praticiens des soins palliatifs. M. Vandeville a en outre souligné à juste titre la banalisation qu'entraînerait la dépénalisation de l'euthanasie. MM. Menten et Bouckenaere et les infirmières Cambron-Diez, Pesleux, Schoonvaere et la psychologue Diricq font référence à la pression morale et sociale qui reposera sur les épaules des personnes malades et mourantes, à l'intégrité de la société et à la perception sociale de nos soins de santé.

Le contre-argument consistant à dire qu'une dépénalisation effacerait l'insécurité juridique est donc réfutée par la plupart des intéressés eux-mêmes.

Un autre contre-argument souvent cité consiste à dire qu'une dépénalisation permet de respecter l'idéologie du patient dans une société pluraliste. C'est sur la base de cette philosophie de l'autonomie individuelle et des dernières volontés que des associations telles que « Recht op Waardig Sterven » et « l'Association pour le droit de mourir dans la dignité » plaident pour un « droit à l'euthanasie ». Ce droit subjectif de mourir qui est basé sur le droit individuel à l'autodétermination ne peut toutefois être reconnu sur le plan juridique et sort intrinsèquement du cadre du débat sur l'euthanasie. De plus, il faut se poser la question de savoir si la demande d'euthanasie formulée par un patient constitue effectivement l'expression de sa volonté d'autodétermination ou si cette demande n'est pas plutôt en fait un appel à l'aide déguisé, une demande de ne pas être abandonné.

Selon un autre contre-argument enfin, une dépénalisation permettrait d'éviter les abus. Tout au long des auditions, on a abondamment cité les chiffres du rapport Deliens, qui n'est pas un rapport officiel, alors que ces mêmes auditions ont montré que le rapport ne nous éclaire pas sur la situation précise du patient dans 3 % des décès consécutifs à une interruption de vie censée avoir été pratiquée sans demande préalable du patient.

Tant le docteur Menten que le docteur Vermeylen ont confirmé que les paramètres de cette enquête ne permettraient certainement pas de considérer chacun de ces décès comme le résultat d'un acte euthanasique. Le docteur Ingels de l'Université de Nijmegen a même été jusqu'à affirmer que les 3 % de cas d'euthanasie non demandée se rattachent plutôt à la problématique des droits du patient qu'à une pénalisation en tant que telle.

L'argument selon lequel la dépénalisation permet d'exclure les abus ne saurait être accueilli. Si l'on décide de dépénaliser l'euthanasie, il faut se baser sur le scénario le plus pessimiste. On a tort de faire preuve d'un optimisme illimité qui conduit à fermer les yeux face à cette sorte de situation. Notre société se caractérise par un degré élevé de réglementation dans la plupart des domaines. Il serait pour le moins étrange que dans un tel contexte, l'adoption de règles relatives aux problèmes de la fin de vie soit laissée au bon vouloir des divers intéressés. De ce point de vue aussi, un régime fondé sur le libre arbitre doit être considéré comme totalement insuffisant.

Enfin, les auditions de juristes ont permis d'examiner aussi sous l'angle juridique le point de vue développé par le parti de l'intervenant. Tant M. Messine, le conseiller d'État, que le professeur Adams ont indiqué clairement que le droit pénal est plus qu'un simple instrument : il participe aussi d'un jugement moral et fixe la norme éthique générale.

L'important, c'est que les juristes ont à présent fait remarquer eux aussi qu'une dépénalisation de l'euthanasie serait en conflit avec les dispositions de l'article 2 CEDH, qui impose à l'État l'obligation de protéger la vie humaine. En outre, la pertinence de cette argumentation qui se fonde sur l'article 2 CEDH est confirmée par une décision récente du Bureau européen des brevets à Munich, qui a rejeté une demande de brevet pour des médicaments euthanasiques pour les humains, le 23 mai 2000, précisément sur la base de la CEDH. Contrairement à ce que certains affirment, cet argument juridique est donc assurément valable.

Reste toutefois, la question de savoir quelle est la meilleure construction juridique pour justifier l'euthanasie dans les cas les plus extrêmes. Les juristes ont confirmé que l'état de nécessité, qui a été proposé par le parti du membre, est sans doute la seule construction défendable à la lumière de la CEDH. En utilisant l'état de nécessité, s'agissant du médecin, on souligne que l'euthanasie ne constitue pas un acte médical normal, mais un acte social dont le médecin doit avoir conscience. La notion d'« état de nécessité » exprime très bien à quelle situation on est confronté et représente tout autre chose que l'énumération des conditions dans lesquelles l'euthanasie est possible. En utilisant cette notion, l'on confie au médecin la charge de la preuve, de sorte que le patient vulnérable peut toujours invoquer la protection de la loi pénale ou, comme l'a dit le conseiller d'État Messine : les raisons jouent un rôle plus important que le simple fait de remplir les conditions. Il ne s'agit donc pas de remplir simplement des conditions, mais bien de se mettre dans la situation concrète.

L'intervenant reconnaît qu'il y a différentes formules juridiques possibles pour transposer concrètement tout cela dans un texte de loi, mais il souligne que selon lui, cela doit se faire sur la base de la notion d'état de nécessité.

Il faut ensuite se demander dans quel instrument juridique l'on pourrait définir cet état de nécessité pour la pratique concrète de l'euthanasie. Diverses propositions ont été formulées à cet égard. On pourrait opter pour une loi particulière sur la fin de vie imminente. On pourrait éventuellement utiliser le cadre de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice de l'art de guérir, mais pareille option semble moins souhaitable parce que l'euthanasie ne constitue pas un acte médical, au sens curatif du terme. Ce n'est toutefois pas un obstacle absolu. Mais dans ce cas, il faudrait bien clarifier la relation entre la loi pénale et l'arrêté royal nº 78. On pourrait par exemple le faire en insérant dans le Code pénal un article 71bis, qui ferait référence à une loi qui définirait les conditions dans lesquelles on peut invoquer l'état de nécessité.

Les auditions ont montré qu'une dépénalisation de l'euthanasie n'est souhaitable ni dans les faits ni sur le plan social, et qu'elle n'est pas sans risque au point de vue juridique. Toutefois, certains persistent à vouloir dépénaliser, isolant ainsi la Belgique par rapport au reste du monde, alors que tous leurs arguments ont été réfutés. L'on ne saurait réduire le maintien de la pénalisation de l'euthanasie à une discussion purement idéologique, car il concerne le coeur du problème : l'euthanasie est et doit rester un acte exceptionnel. La norme pénale « tu ne tueras point », qui protège inconditionnellement la vie de l'homme, doit rester pleinement applicable. L'on ne saurait soumettre la protection de cette vie à des conditions, qui permettraient qu'on l'enfreigne. En levant, dans certaines conditions, dans la loi pénale elle-même, l'interdiction de tuer, l'on montrerait que l'on considère que certaines vies ont moins de valeur que les autres.

L'on peut conserver sans problème la technique pénale actuelle, prévue à l'article 422bis, qui traite de l'abstention coupable, en cas d'aide au suicide.

Le quatrième point en discussion concerne le caractère terminal ou non de la phase dans laquelle la personne concernée se trouve. La proposition qui a été cosignée par le membre, telle qu'elle a été déposée, prévoit uniquement que le patient qui subit une douleur insupportable et impossible à traiter, et qui se trouve dans une situation médicale terminale sans espoir, peut formuler une demande d'euthanasie.

Il faut dire qu'au cours des auditions, rares étaient les témoins prévoyant la possibilité de l'euthanasie pour les patients qui ne se trouveraient pas en phase terminale, à l'exception des éthiciens MM. Vermeersch et Englert et des associations de MM. Favyts et Herremans.

Le professeur Vanneste a fait remarquer à juste titre que dans le cadre du problème de l'euthanasie, la « détresse existentielle » en tant que telle ne saurait entrer en ligne de compte pour la définition d'un état de nécessité. En effet, dans ce cas, le médecin ne se trouve pas dans un état de nécessité. Il ne se trouve dans un tel état que s'il est confronté à une situation dans laquelle il souhaite continuer à aider le patient grâce à son expertise médicale, alors que les moyens dont il dispose ne sont plus suffisants pour soulager la détresse physique du patient en phase terminale. C'est précisément cet élément qui provoque l'état de nécessité.

Une extension de la possibilité de justifier la demande d'euthanasie, basée uniquement sur l'avis subjectif du patient, n'est pas juridiquement défendable à la lumière, une fois de plus, des dispositions de la CEDH. Toutefois, une demande d'euthanasie doit être examinée de manière objective, ou au minimum intersubjective, en raison de son caractère exceptionnel. C'est également pour cette raison que l'on exclut la détresse psychique.

Par ailleurs, les auditions ont montré que l'emploi du terme « terminal » n'est pas toujours aussi clair. En effet, il s'agit d'une notion qualitative et non mathématique. Dès lors, il faut attirer l'attention sur le manque de logique de ceux qui affirment que l'on ne saurait définir la notion de « terminal » ou qu'il ne s'agit pas d'une notion pertinente, mais qui proposent par ailleurs des procédures différentes pour les patients en phase terminale et ceux en phase non terminale, ces derniers bénéficiant davantage de garanties de procédure.

L'intervenant estime qu'il faut réfléchir à une définition du mot « terminal », qui indique clairement que l'on se trouve en fin de vie. Plusieurs médecins ont toutefois souligné qu'en réalité, on sait si un patient se trouve en fin de vie ou en phase terminale. Le fait de ne pas pouvoir dire exactement combien de temps l'intéressé a encore à vivre cadre tout à fait avec la notion d'état de nécessité. Si l'on devait définir la notion d'état de nécessité, l'on ne pourrait en donner qu'une définition cadre, où il n'est pas question de délais.

C'est pourquoi le groupe politique du membre affinera ses propositions : si un médecin traitant veut invoquer l'état de nécessité en cas d'euthanasie intentionnelle, il devra donc être convaincu que :

­ le décès est prévisible à court terme;

­ le patient subit une souffrance insupportable et impossible à traiter, selon les conceptions médicales dominantes.

Cette dernière disposition, empruntée à la législation néerlandaise, souligne précisément l'aspect intersubjectif, qui fait que l'euthanasie ne relève pas seulement du droit, affirmé comme absolu, du patient à l'autodétermination.

Le cinquième point de discussion abordé par l'intervenant est celui de l'existence ou non d'une « procédure a priori ». Pratiquement, tous les témoins ont confirmé que la véritable demande d'euthanasie, au sens où l'entendent les propositions qui ont été déposées, est assez exceptionnelle. « Décodage » est un mot-clé qu'ont employé les divers témoins, qui ont confirmé que c'est surtout la crainte de souffrances à venir, d'une dépendance croissante et de la perte de la dignité ou encore l'appréhension de l'acharnement thérapeutique qui incitent à demander l'euthanasie.

Les auditions ont montré qu'il était de la plus haute importance que l'on s'interroge très sérieusement au préalable sur la vérité de la demande (« le désir »).

C'est notamment pour cette raison que tous les témoins ont souligné l'importance d'une concertation structurée. Ils ont été peu nombreux à se déclarer opposés à la procédure a priori obligatoire, dans laquelle la décision dépasse le « colloque singulier ». Seules l'association « Waardig Sterven », la présidente d'un comité d'éthique, Mme Bron, et Mme Pesleux ont exclu toute concertation obligatoire.

Ce sont surtout les infirmiers et les spécialistes en soins palliatifs qui ont souligné la nécessité de les associer au processus décisionnel, étant donné qu'ils entretiennent souvent avec le patient des liens beaucoup plus forts que le médecin. La proposition déposée par le groupe politique de l'intervenant prévoit déjà la concertation obligatoire avec un spécialiste des soins palliatifs. Il est souhaitable que cette concertation soit étendue au personnel infirmier et à l'équipe soignante.

La crainte d'une tribunalisation, argument souvent invoqué, ne semble pas être ressentie comme telle par les témoins. Plusieurs témoins confirment de surcroît le rôle de soutien d'une procédure a priori. Le docteur Ingels a même déclaré ouvertement que la déclaration minimale des actes euthanasiques et le manque de contrôle qui en découle aux Pays-Bas est dû en tout premier lieu à l'absence d'une procédure de prudence préalable obligatoire.

On invoque souvent à l'encontre de cette procédure a priori que l'urgence et le manque de temps ne permettent pas de suivre une telle procédure (notamment le professeur Vermeersch). Interrogés à ce sujet, plusieurs témoins ont contesté cet argument en commission. La Federatie Palliatieve Zorg a souligné que les spécialistes en soins palliatifs sont précisément conscients de l'importance du facteur temps dans le cadre d'une maladie incurable.

On ne voit par conséquent pas très bien ce qui peut encore s'opposer à une procédure a priori dès lors qu'offrant un point de référence au médecin et une protection au patient, elle vise précisément à garantir la sécurité juridique optimale. Les auditions ont en tout cas battu en brèche l'argument de la « tribunalisation ». Une concertation a priori ne doit pas servir à faire la leçon au patient, mais est nécessaire pour étayer le processus décisionnel et garantir la sécurité juridique des différents intéressés. Le choix du terme « concertation » en lieu et place de « contrôle » est voulu car il importe de donner à cette notion une connotation positive.

Enfin, il convient de signaler que pour plusieurs témoins, la concertation devrait comporter un éclairage externe, parce que les médecins et le personnel soignant sont souvent à ce point impliqués dans la situation de leurs patients qu'il leur est difficile de prendre du recul. Même le professeur Englert était partisan de cette idée. Pour le groupe auquel le membre appartient, cet éclairage externe peut être apporté par le responsable éthique de l'institution hospitalière ou bien, si le patient bénéficie d'un traitement à domicile, par une tierce personne, non-médecin, désignée d'un commun accord avec le patient et figurant sur une liste pluraliste et multidisciplinaire dressée par le conseil provincial de l'Ordre des médecins.

Le sixième point de discussion retenu par l'intervenant concerne la déclaration anticipée de volonté comme élément interprétatif. Les auditions ont montré qu'à l'exception des associations pour le droit de mourir dans la dignité de Mario Verstraete, patient souffrant de sclérose en plaques, et de la présidente d'un comité d'éthique, Mme Bron, aucun témoin ne souhaite conférer au testament de vie une quelconque force légale obligatoire.

L'on a invoqué à cet égard les arguments déjà avancés par son groupe politique (ne pas savoir comment on se sentira dans une situation déterminée, incertitude de l'avenir), ou l'on s'est référé à la déshumanisation de la relation médicale, le médecin n'ayant plus qu'à exécuter un « ordre de marche ». Dans ce cadre, il est significatif que même Mario Verstraete, un patient atteint de sclérose en plaques, a déclaré qu'il demanderait un mois de réflexion entre le moment de sa première demande d'aide et le moment prévu pour l'euthanasie, afin d'éviter de succomber à une dépression temporaire.

La quasi-totalité des témoins se sont cependant accordés à dire que la déclaration de volonté pouvait être un élément important de la prise de décisions médicales dans le cadre des soins palliatifs et intensifs quotidiens. Pour les patients, une telle déclaration de volonté apporte aussi un plus grand confort psychologique, de la transparence et une garantie de protection, notamment contre l'acharnement thérapeutique. On peut toutefois aussi donner à cette déclaration de volonté une portée positive : un patient peut tout aussi bien consigner par écrit que même s'il n'y a qu'une seule chance sur 100 de le sauver, les médecins doivent la saisir.

Le membre souligne que la proposition déposée par son groupe politique ne contenait aucune disposition relative à cette déclaration de volonté. Les auditions l'ont toutefois convaincu que la déclaration de volonté relative aux actes médicaux liés à la fin de la vie devait faire l'objet d'une reconnaissance légale.

Mais cette déclaration de volonté n'a aucune force juridique obligatoire et ne peut être prise en compte que dans la mesure où :

­ cette déclaration de volonté est de date récente et a été rédigée à un moment où le patient était en mesure de saisir pleinement la portée de sa maladie ainsi que son évolution;

­ les conditions d'admissibilité de fond applicables à l'acte pratiqué par un médecin qui met fin intentionnellement et activement à la vie, ont été remplies.

Cette déclaration de volonté ne peut dès lors avoir rien de plus qu'une valeur purement indicative.

En ce qui concerne la procédure de déclaration ­ le septième point du débat ­, l'intervenant souligne qu'au cours des auditions, plusieurs témoins ont parlé du caractère irréaliste de la procédure prévue par la proposition du 20 décembre 1999. À ce sujet, il semble bien que le contrôle direct que doit exercer le ministère public constitue le principal obstacle, mais cela n'a aucun rapport avec la question de savoir si l'euthanasie doit ou non être inscrite dans le Code pénal.

La proposition qu'a déposée le groupe de l'intervenant prévoit déjà un « tampon » entre le médecin et le parquet. Toutefois, l'expérience recueillie au cours des auditions permettra d'affiner ce tampon de manière à assurer une déclaration et un contrôle efficaces. Les commissions de contrôle qui ont été créées aux Pays-Bas sont une excellente source d'inspiration en l'espèce.

On pourrait dès lors faire une proposition dans le sens suivant. Tout médecin traitant doit, dans les 24 heures d'un acte euthanasique, remettre un rapport écrit au médecin légiste qui doit vérifier immédiatement si tous les critères de prudence ont été respectés.

En cas de non-respect manifeste des critères de prudence, le médecin légiste transmet sur-le-champ ses constatations au procureur du Roi, qui peut alors décider d'empêcher l'inhumation. Si le médecin légiste ne constate pas d'irrégularités, il transmet le rapport ainsi que ses conclusions à une commission régionale de contrôle à créer, laquelle examinera à son tour le respect des conditions et fera rapport au procureur du Roi.

Le succès d'une réglementation de l'euthanasie dépendra de la mesure dans laquelle on pourra exercer un contrôle sur le respect des conditions nécessaires. Ce contrôle doit être positif, conçu de telle manière que l'on puisse créer les conditions suffisantes nécessaires pour pouvoir garantir la sécurité juridique. Il doit en outre être opéré de telle sorte qu'un médecin agissant de bonne foi et estimant, en âme et conscience, avoir respecté la réglementation, puisse compter sur un processus décisionnel à la fois correct et équitable.

Abordant le huitième point de la discussion, l'intervenant souligne l'importance cruciale des droits du patient qui sont liés indissociablement aux soins de santé en général et au problème de l'euthanasie en particulier.

Le groupe du membre a déposé à cet égard une proposition de loi relative au contrat de soins médicaux et droits du patient et une deuxième proposition relative à l'instauration d'une procédure de plainte. Les deux propositions accordent une importance primordiale au patient. Il serait toutefois inadmissible de régler l'ensemble de la problématique des droits du patient à l'occasion de l'examen des propositions relatives à la fin de la vie.

Pour conclure, l'intervenant fait référence aux déclarations que certains sénateurs ont faites dans la presse et selon lesquelles son groupe apparaît comme étant en retard sur les faits dans le débat sur l'euthanasie, adopte une attitude rigide et crispée et défend des conceptions dépassées. Les auditions ont pourtant démontré que sa proposition est soutenue par la société et qu'elle est loin d'être conservatrice ou ancrée dans des dogmes idéologiques ou confessionnels.

Le parti de l'intervenante a toujours mené une politique proactive en ce qui concerne la dignité de la fin de la vie. Il a été à la pointe des évolutions les plus récentes dans le domaine de la médecine et des soins. En effet, les soins palliatifs et la médecine palliative sont des possibilités nouvelles; c'est aujourd'hui seulement que l'enseignement de la médecine palliative prend vraiment son essor dans le monde. Son parti oeuvre déjà depuis des années à l'organisation concrète des soins palliatifs en Flandre.

Par conséquent, la position de ce parti n'est pas dépassée. Il part toutefois du principe que lorsque la politique traite de la vie et de la mort, il y a lieu d'adopter un autre ton. Les situations complexes appellent une réponse complexe. En outre, on doit tenir compte des évolutions sociales sans jamais abandonner les principes fondamentaux, pas même dans une société post-moderne.

Défendre le principe de la protection juridique de la personne humaine arrivée à la fin de sa vie ­ c'est-à-dire le faible par excellence ­ participe non pas d'une attitude sclérosée mais d'une attitude qui anticipe les abus qui pourraient être commis au sein de la société et les pressions sociales éventuelles au moyen desquelles on pourrait tenter d'arriver à ce que l'interruption de la vie soit déterminée par des facteurs autres que l'intérêt du patient. La demande d'euthanasie et la réponse qu'il y a lieu d'apporter à cette demande doivent être considérées non seulement en fonction de l'intérêt individuel du patient, mais aussi en fonction de l'intérêt social. Voilà le point de vue que le parti de l'intervenante défend depuis le mois de décembre 1997.

Son groupe se réjouit de la proposition du sénateur Zenner et consorts. C'est pourquoi elle souscrit à l'approche qui écarte toute banalisation de l'euthanasie et selon laquelle celle-ci reste en tout état de cause inscrite dans le droit pénal. Bien que certains aspects de la proposition de loi n'aient pas été suffisamment développés, le parti de la membre y souscrit et il semble qu'elle pourrait former la base d'un consensus ignorant les clivages entre les partis.


Un membre déclare que le mot-clé de ce débat lui paraît être celui de liberté. C'est cet enjeu-là, et aucun autre, que est à la base du débat sur l'euthanasie.

On a eu beau multiplier et diversifier les sources d'information, recueillir les avis d'éthiciens et de juristes, d'intensivistes et d'urgentistes, de palliativistes, d'infirmiers et d'autres spécialistes, il reste que c'est la liberté de l'être humain qui est au centre de la réflexion.

Avant d'en arriver aux conclusions que l'on peut tirer de l'audition d'experts ainsi qu'à la suite des travaux, l'orateur souhaite s'arrêter à cette notion de liberté.

Il avoue ne pas comprendre comment et pourquoi, dans un monde où tous les groupes, toutes les catégories d'âge, tous les individus se déclarent titulaires de droits et en réclament l'application concrète, on refuse à l'être humain le droit fondamental de choisir les voies de sa propre mort.

Les enfants et les jeunes ont des droits. Les femmes réclament à juste titre le droit à l'égalité. Les Constitutions, et même le projet de Charte européenne, au-delà des droits traditionnels, s'efforcent de développer les droits économiques et sociaux (droit au travail, droit à une vie décente, droit au logement). Mais le droit sur sa propre mort est considéré par d'aucuns comme une revendication quasi-satanique, qu'il importe de repousser ou, à tout le moins, d'entourer de conditions telles qu'en fait, ce droit est vidé de toute substance.

L'intervenant ne comprend pas cette attitude, car il ne s'agit pas de remettre en cause le corps social, les règles édictées par rapport à autrui, l'ordre public qui organise la vie en société.

Le Code civil lui-même a admirablement et synthétiquement indiqué la frontière entre le libre-arbitre de l'être humain et la mise en oeuvre de sa responsabilité, lorsqu'il édicte à l'article 1382 : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Quel est le dommage causé par un patient en phase terminale, qui veut en terminer ?

Quant au Code pénal, les sanctions qu'il édicte ne touchent essentiellement que les agressions commises contre les personnes, les biens, l'ordre public, mais non les actions de l'être humain qui ne concernent que lui-même.

Le crime est punissable, mais le suicide ne l'est pas, même s'il est manqué, et bien qu'il y ait mort d'homme.

L'alcoolisme est réprimé au volant ou dans la rue, mais pas lorsqu'il se limite au domicile de l'intéressé.

On pourrait certes rétorquer que certains comportements sont sanctionnés sans qu'un dommage causé à autrui n'apparaisse.

Tel est le cas de l'interdiction généralisée de la drogue, y compris de l'usage personnel de drogues douces.

Mais, pour répondre à cette objection, il suffit de faire référence à l'évolution qui distingue consommateur et dealer ou gros producteur de drogue et qui, en fait, tend à ne plus poursuivre le petit consommateur parce qu'il ne cause aucun dommage à autrui, mais à maintenir les poursuites et les sanctions à l'égard de ceux qui participent au commerce de la drogue.

Quant aux interdits civils que l'on connaît actuellement, ils ne sont que le fruit d'une conception de la société à un moment déterminé et ils tombent les uns après les autres, au fur et à mesure de la prise de conscience des changements sociétaux. Ainsi en va-t-il du mariage des homosexuels. Le débat, encore voué à l'échec voici dix ans, s'est modifié complètement puisqu'en France existe le pacte civil de solidarité et en Belgique, un système qui y ressemble quelque peu.

Les solutions sont plus développées dans les pays nordiques. Nul doute que l'évolution va dans le sens de la non-discrimination.

Dès lors, qu'est-ce qui fait qu'un droit finalement assez élémentaire, puisqu'il s'agit d'un droit sur sa propre vie, sans conséquence sur autrui, est nié ou entouré de conditions telles qu'il n'est plus soumis au libre-arbitre de son détenteur ?

Une réponse se trouve dans la peur devant l'inconnu, le risque que l'on n'aperçoit pas mais que l'on imagine.

Certes, cette peur est présente dans toutes les reconnaissances des progrès de la science, car il y a toujours une face noire à toute invention.

Le tout récent décryptage du génome humain en est un exemple.

Si le clonage thérapeutique des cellules-souches embryonnaires peut vaincre des maladies ou remédier éventuellement à la pénurie d'organes, il est évident que le clonage reproductif humain ouvre des perspectives fondamentalement différentes, où se manifeste la peur, puisque l'on remet en cause une certaine conception de notre société.

Mais, dans le domaine de l'euthanasie, c'est tout autre chose. On n'a pas inventé l'euthanasie au moment où le débat a commencé, ni ouvert des perspectives insondables.

On a simplement proposé de répondre à la demande faite consciemment par des personnes confrontées à leur mort prochaine, ou à une vie dont elles estiment qu'elle doit être abrégée en raison de la conception que chacun a de sa propre dignité.

Il n'y a là, d'ailleurs, rien de nouveau, car, lors des auditions, personne n'a nié que des euthanasies étaient pratiquées partout, dans les hôpitaux, dans les maisons de repos, et même dans certains services palliatifs, avec ou sans accord des patients.

Certains considèrent qu'il ne faut pas soulever ce problème. « La mort est du domaine du monde médical », ont dit certains médecins, qui considèrent qu'eux seuls savent comment agir.

Légiférer serait, dans cette conception, entrer dans l'appréciation de l'acte médical, qui doit être pris dans sa continuité et non scindé en plusieurs décisions codifiées par la loi.

Or, précisément, l'intention n'est pas de s'immiscer dans l'acte médical lui-même.

L'intervenant n'entend pas s'engager dans une voie visant à définir, par exemple, l'acharnement thérapeutique et à fixer des conditions auxquelles le médecin devrait répondre.

Il ne veut pas substituer le choix du juge au choix du médecin.

Mais il estime qu'à partir du moment où, dans certaines conditions, un patient exprime sa volonté, sa liberté doit être prise en compte.

D'ailleurs, la proposition des six auteurs n'est pas une loi médicale, mais une loi de procédure, fixant la manière dont la demande de mort est exprimée et accueillie, ainsi que la façon d'y répondre.

D'autres personnes entendues se sont demandé s'il était opportun d'ouvrir le débat, l'euthanasie étant certes interdite, mais le parquet ne poursuivant pas. Or, le parquet a poursuivi et l'on peut se demander pourquoi il ne continuerait pas à le faire.

La loi est là et l'euthanasie est un crime que la justice doit poursuivre.

Voilà pourquoi des médecins ont été inculpés et certains emprisonnés pendant quelques jours. Cela rappelle étrangement d'autres débats que l'on a connus antérieurement.

Cela ne veut pas dire que les six auteurs veulent légiférer parce que des auteurs d'euthanasie sont en prison ou inculpés, mais parce qu'ils pensent qu'il ne faut pas poursuivre les auteurs d'acte d'euthanasie dans certaines conditions et qu'ils estiment, au terme d'une réflexion approfondie sur la liberté de l'être humain, qu'il faut changer la loi.

Mais si une majorité refusait de changer la loi et préférerait le statu quo, alors, l'acte d'euthanasie serait interdit et il faudrait poursuivre tous ceux qui transgresseraient la loi.

Cette logique est parfois délibérément ignorée par ceux qui préféreraient s'allier tout le monde, en maintenant l'interdit légal, mais en espérant qu'on ne l'applique jamais, et même parfois en critiquant les magistrats si, d'aventure, ils l'appliquent.

Quant à l'argument international, selon lequel la Belgique adopterait une position de pointe en matière d'euthanasie, il est systématiquement brandi, de manière réversible, selon l'intérêt de ceux qui l'invoquent.

Ainsi, les personnes qui soulignent aujourd'hui que la France est beaucoup plus prudente que la Belgique sont ceux qui se gardent de constater que, dans le domaine bioéthique ou du pacte civil de solidarité, la France est nettement en avance sur nous.

De plus, l'intervenant ne voit pas d'objection à ce que la Belgique occupe une position de pointe sur un sujet éthique. Du reste, contrairement à ce que certains semblaient craindre, la Belgique n'a pas, jusqu'à présent, été placée au ban des nations ni condamnée parce qu'elle se saisissait du problème, qui commence d'ailleurs à être discuté partout.

En ce qui concerne la décision de l'Office européen de Munich, évoquée par le précédent orateur et selon laquelle l'euthanasie serait contraire à l'article 2 CEDH, l'intervenant rappelle que l'Office européen de Munich n'est composé que de fonctionnaires, raison pour laquelle il est actuellement critiqué, car c'est lui qui détermine les brevets qui sont contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs.

Dans ce cadre, il fait preuve d'un étrange laxisme et autorise en fait tous les brevets sur le vivant, sans s'intéresser au point de savoir s'ils sont contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs.

Dès lors, les avis d'une instance administrative ­ et non juridictionnelle ni politique ­ qui vont en sens divers doivent être appréciés avec un certain recul.

Du reste, cette instance n'est pas là pour donner une appréciation politique ou morale, mais pour déterminer s'il s'agit d'une invention avec activité inventive et application industrielle, conditions requises pour le dépôt d'un brevet.

Selon certaines pétitions, signées notamment par des parlementaires qui participent aux travaux, le débat à peine commencé devrait s'approfondir et s'étendre.

L'intervenant croit utile de rappeler que le problème de l'euthanasie est posé depuis 1984. C'est le député D'Hose qui a commencé à cette époque à parler d'euthanasie, suivi en 1988 par Edouard Klein et, en 1995, par MM. Boutmans, Moureaux, Lozie, Bacquelaine, et l'intervenant lui-même.

Bloquées pendant un certain nombre d'années par l'interdiction discutée en séance publique, ces propositions sont restées lettre morte. Cependant, le débat était lancé et certains, dont l'intervenant, ont déjà exposé leurs conceptions voici plus de cinq ans dans divers cénacles.

C'est le 12 mai 1997 que le Comité de bioéthique a rendu son avis, ultérieurement débattu par le Sénat.

Une fois l'interdit levé, et dès que la majorité arc-en-ciel a laissé aux parlementaires carte blanche pour discuter de ce problème, toutes les propositions ont été reprises et éventuellement adaptées.

Depuis lors, 11 réunions de commission ont eu lieu, du 17 novembre 1999 au 10 février 2000, suivies de 12 autres réunions du 15 février au 9 mai, avec 44 auditions, à raison de 2 à 3 heures par personne entendue et avec plus de 400 interventions des parlementaires présents en commission.

Si l'on y ajoute les quelques dernières réunions, et celles qui auront lieu jusqu'au mois de décembre 2000, plus de 40 séances occupant deux commissions parlementaires auront été consacrées à l'euthanasie. Jamais aucune proposition de loi n'a nécessité avant son adoption une telle avalanche de réunions.

Lorsqu'on a apporté à la Constitution les modifications qui, on le sait aujourd'hui, ont abouti à « tuer » partiellement le Sénat, il a fallu moins de temps qu'il ne faudra pour discuter de l'euthanasie.

Durant les réunions et à l'extérieur, en de multiples occasions, les sénateurs se sont exprimés publiquement et, face à cet effort, le reproche de ne pas avoir commencé le débat est irrecevable, d'autant que ceux qui réclament le débat s'indignent lorsque des parlementaires auteurs d'une proposition disent clairement tout le mal qu'ils pensent d'une autre proposition. En d'autres termes, ils veulent bien un débat, mais pas ce débat-là.

À moins que l'on ne considère qu'il n'y a de bon débat que celui qui débouche sur un consensus généralisé.

N'y a-t-il démocratie que lorsqu'il y a consensus ? Le nécessaire respect que l'on doit aux conceptions des autres entraîne-t-il l'abandon de ses propres propositions ? La confrontation pacifique des points de vue ne régit-elle pas la démocratie ? Combien de fois n'a-t-on pas déploré, au cours des dernières années, le déclin des idéologies ?

Et aujourd'hui, alors que le Sénat commence le premier des débats éthiques qu'il va devoir affronter, on voudrait que la règle soit « le plus petit commun dénominateur » ou pire, le vague des textes qui devrait rassembler, et sans doute rassurer, la quasi-totalité des parlementaires.

L'intervenant ne veut pas d'un débat de ce type. Il n'a jamais pratiqué la langue de bois et n'en veut pas davantage.

Les propositions de loi déposées et les diverses interventions ont montré et montrent encore que, sur le plan des principes, des oppositions quasi-philosophiques, fondées sur la conception même et la place de l'être humain existent encore entre les parlementaires.

Pourquoi cacherait-on ces oppositions ? Ne sont-elles pas apparues à l'occasion du débat sur l'avortement ?

Si ces oppositions existent, elles n'empêchent pas que l'on puisse rencontrer l'autre. L'écoute des uns et des autres a certainement permis d'approfondir la réflexion et d'en tirer des conséquences au niveau de la rédaction des propositions. Mais ce n'est pas être radical que de tenir à ses idées et de les exposer.

C'est au contraire vouloir une démocratie vivifiante qui ne s'accorde ni du non-dit, ni de faux-fuyants, ni de textes à double lecture, ni de déclarations lénifiantes.

Après un premier tour de table, chacun a développé sa philosophie de base en la matière. Il est apparu très vite que les commissions étaient partagées entre deux tendances que séparait et que sépare toujours un certain fossé :

­ d'un côté, l'autonomie de la personne et le sentiment de sa propre dignité, qui doivent conduire à respecter le choix fait librement par un patient de ne pas prolonger son existence en cas de maladie incurable causant des souffrances ou des détresses que lui seul est capable de juger comme insupportables;

­ de l'autre, l'autonomie de la personne qui n'est pas absolue et doit s'exercer dans le cadre d'un corps social qui influe nécessairement sur le comportement individuel et limite la personne dans son autonomie, nul n'ayant un droit complet sur son existence.

Cette opposition s'est traduite dans les propositions déposées : dépénalisation v. état de nécessité, caractère subsidiaire de l'euthanasie v. écoute du patient, ...

Après 44 auditions, le fossé demeure. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il ne s'agit pas de données techniques que des experts auraient pu éclairer, mais de la conception que chacun a de sa propre vie et du degré d'autonomie qu'il s'accorde par rapport à la société.

On n'a pas davantage pu concilier les points de vue au sein du Comité de bioéthique, où quatre propositions ont été déposées.

L'intervenant ne voit pas ce qu'un médecin, une infirmière, un juriste pourrait apporter comme élément, qui le ferait changer d'avis en ce qui concerne sa propre conception de l'autonomie individuelle par rapport à la société.

La question est fondamentale. Elle est au centre du débat.

L'interdit de tuer du Code pénal peut-il subir une exception en matière d'euthanasie ?

C'est cette question qui amène des réponses différentes, lesquelles se traduisent dans les propositions de loi déposées.

Certains ont essayé de dépasser ce désaccord fondamental, en créant une hypothétique troisième voie.

L'intervenant est d'avis qu'en matière d'éthique, et spécialement d'euthanasie, sur ces problèmes de principe fondamentaux, il n'y a pas de troisième voie possible.

Essayer de réconcilier les partisans de l'une ou de l'autre vision de l'autonomie humaine, c'est proposer une sorte de consensus généralisé, en espérant que le vague des notions permette une double lecture et que chacun puisse avoir le sentiment d'avoir gagné quelque chose.

Ce n'est pas cela qu'il convient de faire dans un pareil débat.

Si un certain nombre de points de convergence peuvent être trouvés, le débat ne peut pas pour autant tomber dans un compromis, où personne, fondamentalement, ne gagnera rien.

La population attend des textes clairs, dénués d'ambiguïté, et les parlementaires ne peuvent pas non plus se satisfaire d'une telle ambiguïté, qui pourrait amener à des divergences ou des contradictions dans la jurisprudence.

L'intervenant déclare qu'il ne votera un texte que dans la mesure où il saura exactement ce qu'il signifie au minimum et au maximum.

Quant aux auditions, si elles ont démarré sous le signe des questions et réponses télégraphiques après les interventions, elles ont très vite abouti à un échange de vues entre experts et membres des commissions ou même entre membres des commissions.

Le nombre de pages du rapport des auditions, et des heures de télévision atteste de la longueur des discussions et du nombre des interventions.

Il semblerait que les interventions des parlementaires intéressent moins les média télévisés que celles des experts. L'intervenant remercie dès lors les représentants de la presse écrite que suivent toujours les interventions des parlementaires après les auditions.

Tous les experts ne se situaient pas dans la même optique. Des représentants du Comité de bioéthique, qui abordaient le problème sous l'angle philosophique, aux pharmaciens, qui s'interrogeaient sur les éléments techniques relatifs à leurs pratiques, la panoplie des objectifs était vaste et la portée des interventions était diversifiée.

Comme il fallait s'y attendre dans un tel débat de société largement médiatisé, les auditions ont mis à jour des éléments intéressants, mais ont aussi été le théâtre de discussions fort éloignées de l'euthanasie : digressions sur la remise en cause du fonctionnement général des hôpitaux, critiques de certains para-médicaux par rapport aux médecins, plaidoyer pro domo de responsables d'unités de soins palliatifs présentant le cahier de revendications soumis au gouvernement, ...

De la somme des informations et des avis émis, l'intervenant retient quelques points qui lui paraissent significatifs :

1) Les euthanasies existent, non seulement le refus de l'acharnement thérapeutique, mais aussi la volonté de mettre fin à la vie du patient, avec ou sans demande de sa part.

En effet, il a été impossible de savoir si les études qui avaient été faites aboutissaient à ce que l'euthanasie soit pratiquée sans le consentement du patient.

2) On parle beaucoup de l'absence d'exemples internationaux de législation en la matière.

Cependant, de tels exemples existent, notamment aux Pays-Bas. La législation hollandaise n'est pas un échec et démontre au contraire qu'il est possible de légiférer en la matière.

Les médecins acceptent de plus en plus de collaborer avec la justice et, loin de mettre fin à l'expérience, on s'efforce au contraire d'aboutir à la légaliser, en tenant compte de l'expérience.

Il faut rappeler à cet égard le débat concernant les comparaisons que l'on peut mener, sur base notamment de l'enquête faite en Flandre, entre la façon dont l'euthanasie y est pratiquée, et la façon dont elle l'est aux Pays-Bas.

On a aussi pu constater, même si certains pourcentages sont analogues, qu'il y avait plus d'euthanasies sans demande du patient en Flandre qu'aux Pays-Bas.

L'expérience hollandaise fonctionne donc et n'a pas abouti aux résultats dramatiques que d'aucuns prophétisent dans l'hypothèse où une législation légalisant l'euthanasie serait adoptée en Belgique.

3) Les médecins semblent moins effrayés par une législation sur l'euthanasie que par le contrôle judiciaire a posteriori qui serait organisé.

La réticence à l'égard des formalités administratives est une longue tradition médicale.

Les médecins ne conçoivent pas qu'une législation puisse encadrer leurs comportements, à moins qu'il s'agisse d'une législation sans sanctions.

Le raisonnement a conduit certains médecins ­ et certains parlementaires ­ à dire qu'il faudrait, en quelque sorte, sortir la pratique médicale des règles générales du Code pénal et trouver, dans l'approfondissement du droit corporatiste, la manière de réprimer toute violation d'un code de conduite élaboré par les praticiens eux-mêmes.

En quelque sorte, le Code de déontologie médicale se substituerait au Code pénal.

Cette évolution ne paraît pas acceptable à l'intervenant. Si de nombreuses professions ont leur spécificité, garantie par un ordre professionnel, elle s'exerce dans le cadre des dispositions édictées par la société, notamment en ce qui concerne les éléments de responsabilité pénale. Cela va même plus loin, puisque tout récemment encore, on a vu, dans le débat sur la concurrence au niveau des officines pharmaceutiques, certains tribunaux considérer que les ordres professionnels ne peuvent pas s'opposer à des dispositions générales en matière de règles de concurrence.

Néanmoins, le reproche fait à la proposition des six auteurs de prévoir une procédure trop abrupte entre l'acte d'euthanasie et la transmission au parquet, pourrait être considéré comme fondé.

Pour donner confiance aux médecins, et éviter le reproche de judiciarisation, on pourrait prévoir, par exemple, que la commission d'évaluation agisse comme organe intermédiaire entre le médecin ayant pratiqué l'acte d'euthanasie et la justice.

Il s'agirait, en un premier temps, d'un dossier anonyme. Si celui-ci ne pose pas de problèmes, la commission le classerait. Dans le cas contraire, elle pourrait appeler le médecin. En cas de problème grave, la commission lèverait l'anonymat et transmettrait le dossier au parquet.

Sur ce point, une avancée paraît donc possible.

4) La frontière entre l'euthanasie et d'autres formes de fin de vie est floue. C'est notamment le cas de la sédation contrôlée, pratiquée par des centres qui refusent de parler d'euthanasie, et qui aboutit en fait au décès programmé de la personne.

Il est d'ailleurs curieux de constater, après plusieurs questions sur le point de savoir si la sédation contrôlée est un acte d'euthanasie, que les réponses sont divergentes.

Il faudrait que le législateur prenne clairement position sur ce point, car il est trop facile de dire que l'on ne pratique pas d'euthanasie, tout en provoquant la mort du patient de façon différée, en augmentant progressivement les doses de produits administrées.

5) La notion de phase terminale est difficile à cerner. Là encore, l'intervenant n'a pas d'attitude doctrinale en la matière. On a même essayé de trouver des formules permettant de déterminer si l'on se trouve ou non en phase terminale. À titre personnel, l'intervenant a cherché s'il était possible d'établir une procédure quelque peu différente, selon que l'on se trouve ou non dans cette phase.

Mais la question est toujours la même : comment avoir la certitude médicale de ne pas se tromper ?

L'intervenant conclut que prévoir des procédures différenciées à partir d'une notion dont on ne peut tracer clairement les contours est un exercice difficile.

Il faut en tout cas éviter de ne pas répondre à la demande d'une personne qui ne souffre pas nécessairement dans sa chair, mais qui estime que sa dignité d'être humain est mise en question par les conséquences de l'affection qu'elle subit.

On a beaucoup parlé du cas de M. Lorand, qui ne souffre pas, mais qui est paralysé. À cet égard, l'intervenant trouve assez étonnant qu'après l'appel que M. Lorand a lancé aux parlementaires et dont lui-même n'avait aucune connaissance, personne n'a répondu à sa demande, à une exception près.

Or, il est utile de voir quelle peut être la situation de quelqu'un qui n'est pas en phase terminale, et qui, pourtant, est en situation de détresse.

Si l'on veut répondre humainement à ces demandes dramatiques, il faut prendre en compte la détresse morale, même en l'absence de souffrances physiques.

C'est là un des points fondamentaux que l'on trouve à la base de la proposition des six auteurs.

6) Beaucoup d'intervenants ont rappelé la nécessité d'avoir l'assurance que la demande d'euthanasie est voulue, déterminée et qu'il ne s'agit pas d'un appel au secours déguisé. Les propositions déposées tiennent compte de cette nécessité. L'intervenant ne voit pas d'objection, si cela peut rassurer certains, à ce que ce point soit davantage explicité, pour autant que l'on n'aboutisse pas à nier la décision qui doit rester au patient.

Pour ce qui est de l'information de l'équipe soignante, il semble que, là aussi, on pourrait arriver à un accord, pour autant que l'on n'aboutisse pas à ce qu'on appelle la tribunalisation. Or, quand on voit la liste des personnes à auditionner par le patient avant que l'on réserve une suite à sa demande, c'est bien de cela qu'il s'agit, ce qui ­ des experts l'ont souligné ­ peut avoir pour conséquence que des conflits psychologiques internes à l'équipe soignante risquent de prendre le pas sur le désir du patient.

La responsabilité de la décision ultime doit rester au médecin.

7) La question des soins palliatifs a entraîné de longs débats et a suscité des observations de deux ordres : des observations de principe et des considérations financières.

En ce qui concerne les premières, certains experts et parlementaires ont estimé que les soins palliatifs étaient la réponse à la demande d'euthanasie et que s'ils étaient bien organisés et proposés ­ voire imposés ­ aux patients, ceux-ci abandonneraient très vite leur demande d'euthanasie.

Dans cette optique, les soins palliatifs seraient considérés comme une sorte de passage obligé.

L'intervenant ne partage pas ce point de vue. Il ne convient pas plus d'opposer euthanasie et soins palliatifs que de nier l'intérêt de ceux-ci. Chacun a le droit de déterminer comme il l'entend les voies de sa propre mort, sans qu'on lui impose de suivre un chemin qui commencerait par les soins palliatifs. Ceux-ci constituent une voie proposée au patient. Les six auteurs estiment même qu'il faut proposer ces soins, mais qu'en aucun cas ils ne peuvent masquer la demande d'euthanasie, ou se substituer à celle-ci.

On notera d'ailleurs que la conception même des soins palliatifs a été discutée : soins continus ou service spécifique. Ces catégories ont évolué selon la qualité des personnes entendues, urgentistes ou dirigeants d'un service de soins palliatifs, par exemple.

Le second aspect de la question est d'ordre financier. Pour que l'on puisse parler de droit du patient, il faut que les soins continus soient accessibles à tous. Il s'agit d'un choix politique. C'est pourquoi il a été proposé d'entendre les ministres compétents (Mme Aelvoet et M. Vandenbroucke).

8) Le risque d'extension de l'euthanasie a été plusieurs fois avancé. C'est d'autant plus surprenant que, dès le début des discussions, les six auteurs ont souligné qu'ils voulaient en circonscrire le champ d'application aux patients majeurs, capables d'exprimer leur volonté et conscients ­ sous réserve du problème du testament de vie ­ et qu'ils se refusaient à légiférer à l'égard de personnes handicapées ou incapables, ainsi qu'à l'égard des mineurs.

Dès lors, pour ces auteurs, seule devrait être dépénalisée l'euthanasie pratiquée dans les conditions de la loi à la demande d'une personne majeure et capable.

L'intervenant déclare, à titre personnel, qu'il ne signera jamais une proposition qui irait au-delà de ces limites.

Pour les cas ne répondant pas à ces conditions, on retomberait dans le système de l'état de nécessité actuellement appliqué.

9) La déclaration anticipée ne fait pas, semble-t-il, l'objet d'un rejet. Tout au plus des précisions ont-elles été demandées concernant la date du document et son contenu, qui doit être clairement indicatif de la volonté de la personne. C'est l'un des éléments qui doit fonder la conviction du médecin.

Ce document sera d'autant plus décisif qu'il aura été fait à une date rapprochée de l'entrée dans l'inconscience.

La possibilité de désigner un mandataire est prévue. L'intervenant n'est personnellement pas favorable à la désignation d'une ASBL comme mandataire car, tout comme il ne veut pas de médecins euthanasieurs professionnels, il ne veut pas non plus d'ASBL mandataires de la mort, qui auraient « en portefeuille » un certain nombre de déclarations anticipées.

Il faut une relation personnelle entre le patient et le mandataire, qui peut d'ailleurs changer. Il ne convient pas d'instrumentaliser ce type de document.

10) Les auditions ont montré un curieux paternalisme de la part de ceux qui savent, par rapport à ceux qui ne savent pas.

Certains se sont en effet interrogés sur le niveau insuffisant d'une partie de la population, niveau qui ne permettrait pas de rédiger efficacement un testament de vie, ou qui empêcherait de porter un jugement précis sur son état et donc remettrait en cause la valeur de la demande éventuelle d'euthanasie.

L'intervenant ne peut admettre cet argument. La rédaction d'un testament de vie, ou la formulation d'une demande d'euthanasie, n'est pas une question de termes médicaux. Tous sont égaux devant la mort.

Il n'est d'ailleurs pas prouvé que la réaction d'un universitaire soit plus posée, réfléchie, adéquate et intelligente que celle d'un patient qui n'aurait suivi que l'enseignement fondamental.

Avec de tels arguments, on pourrait supprimer le suffrage universel.

C'est d'autant plus inacceptable à une époque où les citoyens demandent à être entendus partout, dans tous les domaines et où les pouvoirs publics réfléchissent à des procédures de participation de la population aux décisions qui la concernent (consultation populaire, référendum, panel de citoyens, ...).

En conclusion, l'intervenant constate que, depuis un an, le débat a incontestablement soulevé un intérêt que bien peu de législations ont suscité.

Qui, en effet, n'a pas, dans son entourage, une illustration de ce dont on discute ?

La question est d'autant plus débattue que c'est la première fois depuis des années que le Sénat se lance dans un débat sur les problèmes bioéthiques. Les parlementaires sont sous les feux de l'actualité. Les auditions ont eu lieu. Le dossier est complet. Il faut maintenant en arriver à débattre entre parlementaires sur les propositions déposées ou à déposer et à discuter des articles et d'éventuels amendements.

On ne pardonnerait pas aux sénateurs de fuir leurs responsabilités. Pas plus au Sénat que dans la population ne régnera l'unanimité sur le sujet. Le consensus n'est d'ailleurs pas la règle dans les domaines éthiques. L'essentiel est l'affirmation de sa propre conviction, le respect de la position des autres et la recherche de points de contact, sans sombrer pour autant dans des compromis boiteux.

Il reste au Sénat quelques semaines ou quelques mois pour faire la démonstration de sa capacité à légiférer dans un débat éthique. C'est le premier débat de ce type, mais il y en aura beaucoup d'autres.

Il s'agit de légiférer, non pas pour obliger ni pour interdire, mais pour permettre; permettre à celui qui, en toute autonomie, a décidé des voies de sa propre mort d'être entendu quand il formule sa demande d'euthanasie, permettre à celui qui souffre de décider si sa dignité d'être humain n'exige pas qu'il soit mis fin à sa vie parce qu'elle ne correspond plus à sa propre définition de la dignité, permettre que soit accueillie une demande volontaire du patient et qu'il y soit répondu par une démarche volontaire du médecin.

Pour l'intervenant, l'enjeu du débat est, fondamentalement, la liberté humaine, et c'est ce souci de liberté qui l'a amené à signer la proposition des six auteurs.

Il souhaite, à titre personnel, qu'une majorité de sénateurs et de députés estiment eux aussi qu'en cas de détresse et de souffrance causées par une maladie incurable, la fin de la vie appartient au patient. Lui refuser ce droit, ce serait le faire mourir deux fois.

Une membre déclare qu'elle ne souhaite pas réagir à des remarques d'ordre général, il convient de réserver l'examen pour la discussion générale des diverses propositions de loi, mais aussi qu'elle tient à faire quelques observations ponctuelles à propos des auditions.

Elle souligne tout d'abord que son groupe reconnaît qu'il importe de poursuivre le développement des soins palliatifs. Plusieurs partis ont déjà déposé de bonnes propositions à ce sujet. En tout cas, il importe d'arriver à un bon résultat de manière que chacun ait accès aux soins palliatifs en cas de besoin. Il n'est pas nécessaire d'en convaincre les commissaires.

Deuxièmement, l'intervenante a surtout retenu des auditions qu'il importe qu'il y ait une bonne communication avec le patient et que celui-ci soit bien informé. Plusieurs orateurs ont souligné qu'il y a actuellement une lacune à cet égard. Il faut non seulement tenir compte de cette nécessité dans le cadre de la formation du médecin ­ les médecins se sont même exprimés en jargon au cours des auditions ­, mais, d'une manière générale, il faut donner davantage la parole aux patients. C'est un élément dont il doit être question dans la législation qui est en cours d'élaboration.

Ensuite, la membre souligne que, dans certaines situations, les médecins savent très bien que l'euthanasie est la seule solution. Le fait qu'il y ait dès lors des cas d'euthanasie aujourd'hui renforce la volonté du groupe auquel elle appartient de régler la question de l'euthanasie par la voie légale. Il convient aussi de donner, dans la procédure à élaborer, une place aux infirmiers, étant donné qu'ils entretiennent des rapports de proximité avec les patients. Même si c'est au médecin qu'il doit appartenir de prendre la décision finale, le personnel infirmier doit être étroitement associé à l'accompagnement du patient.

La membre renvoie à la question de savoir si la sédation contrôlée constitue ou non une forme d'euthanasie. Il n'y a pas eu de réponse univoque à cette question. L'essence même de l'euthanasie consiste à atténuer la douleur. Il en va de même pour ce qui est de la sédation contrôlée. Il faut éviter que certaines institutions refusent de pratiquer l'euthanasie, tout en autorisant la sédation contrôlée.

Au cours des auditions, l'on a donné les réponses les plus contradictoires à la question de savoir quand un patient se trouve en phase terminale. Il est dès lors très difficile de déterminer s'il faut prévoir des procédures différentes pour les patients en phase terminale et les autres. Si l'on décidait d'élaborer un régime légal en la matière, il faudrait qu'il soit particulièrement précis. L'intervenante estime que si l'on n'arrive pas à mettre au point un régime précis, il vaut mieux rester sans régime légal et laisser au médecin la responsabilité en la matière.

En ce qui concerne la « déclaration de volonté » les personnes entendues ont également défendu des conceptions contradictoires, de sorte qu'il est impossible de dégager une réponse univoque. Le groupe politique auquel la membre appartient reste d'avis qu'une déclaration de volonté peut vraiment être très utile, surtout pour les patients, en ce sens qu'elle leur permet d'avoir prise sur leur fin de vie et qu'elle leur apporte l'assurance de ne pas devoir terminer leurs jours de manière indigne. Il y a lieu d'inscrire ce point dans la législation.

Partisans et détracteurs réclament tous deux la clarté et la sécurité juridique. Contrairement à un autre groupe politique, qui demande que l'euthanasie ne soit pas dépénalisée mais qu'il soit permis, dans certaines circonstances, aux médecins de la pratiquer, le groupe politique auquel appartient la membre demande que l'on fasse un choix clair : soit on autorise l'euthanasie dans certains cas, et il faut alors la dépénaliser, soit on l'interdit dans tous les cas. Le groupe auquel la membre appartient opte pour une autorisation dans certains cas. On ne peut pas laisser l'euthanasie dans la loi pénale tout en prévoyant la possibilité de l'appliquer. En faisant cela, on crée la confusion. Si les médecins jugent qu'il doit exister une possibilité d'intervenir, il importe que cette possibilité tombe hors du champ d'application de la loi pénale, et ce, afin de garantir la transparence nécessaire.

Il est particulièrement important qu'il y ait un contrôle clair a posteriori. Autoriser l'euthanasie dans certains cas, ce n'est pas permettre n'importe quoi et il faut par conséquent qu'un mécanisme de contrôle permette de surveiller le respect des limites prévues.

Le groupe politique auquel la membre appartient considère que les droits du patient restent prioritaires à la fin de sa vie. La sécurité juridique doit être garantie non seulement au médecin mais aussi au patient. La question est non seulement d'ordre juridique mais aussi d'ordre psychologique. L'on est en effet souvent obligé d'aider les patients à franchir une barrière psychologique.

L'intervenante ne partage pas l'avis selon lequel la discussion sur le maintien ou non de l'euthanasie dans la loi pénale n'aurait qu'un caractère symbolique. Il est important de maintenir hors de la sphère pénale les situations dans lesquelles l'euthanasie est autorisée. Dans ce sens, les propositions de loi qui ont été déposées par certains groupes politiques, dont celui auquel appartient la membre, constituent un pas majeur dans la bonne direction. Il n'empêche qu'il y a lieu d'apporter certaines précisions, notamment d'ordre rédactionnel, pour exclure toute possibilité de confusion. Par ailleurs, l'intervenante estime que ces propositions devront être complétées par une procédure associant étroitement le personnel infirmier à la décision de pratiquer ou non l'euthanasie. Troisièmement, le contrôle a posteriori devra être conçu de telle manière que le médecin ne soit pas sans cesse en proie à la crainte de devoir se justifier devant le juge. Cela n'enlèvera rien à l'obligation pour les tribunaux d'intervenir dans les situations qui continueront de tomber clairement dans la sphère pénale.

L'intervenante déclare pour conclure que les auditions n'ont pas toujours permis d'apporter une réponse univoque aux questions des commissaires, ce qui est normal. Il appartient maintenant aux parlementaires d'assumer leur responsabilité politique et de prendre les décisions qui s'imposent.

Une autre membre souligne que les auditions, qui ont permis de donner surtout la parole à des gens de terrain et qui ont été très enrichissantes, ont réclamé un travail particulièrement intensif à un groupe politique de taille réduite. Elle déplore cependant que nombre d'interventions aient été très « colorées », ce qui peut s'expliquer par le fait que les intervenants aient été présentés par quelques sénateurs et qu'il a fallu respecter les indispensables équilibres linguistiques et philosophiques. Le climat est toujours resté très serein, malgré la présence de la presse.

Le groupe politique du membre estime que les auditions ont joué un rôle très essentiel, tout d'abord parce qu'elles ont permis d'associer la société au débat sur l'euthanasie. La publicité des réunions a encore renforcé l'intérêt du grand public pour ce débat. La preuve en est l'afflux considérable de lettres et d'invitations à effectuer des visites de travail. Les auditions se sont également avérées essentielles à un autre point de vue car c'est sans doute la première fois que l'on a parlé autant de la notion de « soins palliatifs ». Les auditions ont largement contribué à focaliser l'attention politique nécessaire sur les soins palliatifs. Elles ont également permis de rassurer certains groupes, tels que les personnes handicapées et les personnes âgées, chez qui les propositions déposées avaient suscité beaucoup d'inquiétude. On a en effet pu leur expliquer clairement quelle était la finalité de ces propositions. Outre l'attention accrue dont ont bénéficié les soins palliatifs, on s'est également intéressé à la problématique plus vaste de la fin de vie et aux droits du patient. Il s'agit là aussi d'une conséquence des auditions.

Ce qui rapproche sans doute le plus tous les membres de la commission, ce sont les soins palliatifs. On a dit tellement de choses des structures, du personnel et du manque de moyens dans ce secteur que les problèmes de terrain pourront sans doute être résolus. Qu'à côté de l'acharnement thérapeutique, il existe également une sorte d'« acharnement palliatif » constitue pour l'intervenante un élément nouveau. Il en va de même de la notion de « sédation contrôlée », bien que l'on ne perçoive pas tout à fait ce que cette expression recouvre. Tous les intervenants sauf un ont aussi mis l'accent sur le fait qu'en dépit de tous les bons soins et de tout ce qui se fait dans le domaine de la lutte contre la douleur, il subsiste dans certains cas une demande d'euthanasie. Bien que limitée, cette demande appelle cependant une réponse.

Il faut en outre trouver une solution au problème posé par la demande d'euthanasie afin de sortir de la zone grise dans laquelle on se trouve actuellement. Même en les divisant par deux, les chiffres de l'étude Deliëns n'en demeurent pas moins inacceptables, d'autant qu'il s'agissait dans cette enquête d'interruptions de vie sans que le patient en ait fait la demande. Le débat sur l'euthanasie n'est donc certainement pas prématuré.

L'intervenante estime qu'il faut réglementer l'euthanasie dans un cadre plus large englobant non seulement les soins palliatifs mais aussi la formation des médecins et du personnel infirmier dans le domaine de la lutte contre la douleur et de la communication avec le patient ainsi qu'avec l'équipe médicale. Une formation sur le plan de l'accompagnement social est également requise.

Les auditions n'ont pas cherché à éviter certains points sensibles du débat. Tout d'abord, il y a la discussion concernant la déclaration de volonté. Selon la membre, les auditions ont démontré la nécessité d'une telle déclaration de volonté; bien qu'elle ne puisse jamais être entièrement déterminante ou juridiquement obligatoire pour le médecin, elle a cependant son utilité étant donné que le patient peut y demander qu'on lui applique un acte euthanasique ou, au contraire, le refuser explicitement. Il convient toutefois de trouver une solution pour les personnes qui ont rédigé une déclaration anticipée alors qu'elles étaient pleinement capables d'exprimer leur volonté et qui cessent de l'être par la suite.

Une autre difficulté concerne la concertation avec l'équipe médicale. Cette concertation est certainement nécessaire sauf lorsque le patient déclare explicitement ne pas la souhaiter.

Un autre gros problème qui se pose est celui de la catégorie des patients qui ne sont pas en phase terminale. L'on perçoit mal ce qu'il faut entendre précisément par cette notion. Il n'est pas correct de déduire, comme le font certains, qu'il n'est dès lors pas possible d'avoir une procédure différenciée pour les patients en phase terminale et les autres patients. Au contraire, puisque la notion de patients non terminaux ne peut pas être définie avec précision, il n'y a pas lieu de limiter aux seuls patients en phase terminale la possibilité légale d'avoir recours à l'euthanasie. Cette possibilité qui laisse en fin de compte l'appréciation au médecin, n'est donc pas à exclure. De plus, il n'y a que le patient qui puisse juger du caractère sans issue de sa situation.

L'intervenante souligne que le débat porte constamment sur un droit à l'euthanasie et non sur une obligation. D'aucuns donnent à tort l'impression que la proposition de loi des partis de la majorité contient une obligation d'euthanasie. Rien n'est pourtant moins vrai.

L'intervenante souscrit à l'élargissement de la procédure préalable aux malades qui ne sont pas encore en phase terminale. En réponse aux questions posées par les parlementaires durant les auditions, les interlocuteurs ont souligné à plusieurs reprises qu'il n'était pas nécessaire à cet égard de faire appel à un spécialiste des questions éthiques.

Il faut éviter de trop resserrer le cadre légal en matière d'euthanasie afin de laisser toujours de la marge pour un acte médicalement justifié. On pourra ainsi offrir également une issue aux catégories de personnes qui n'entrent pas dans le champ d'application de la loi, à savoir les personnes incapables de manifester leur volonté et les enfants.

Le groupe politique de la membre demeure partisan d'une dépénalisation de l'euthanasie afin que patient et médecin sachent clairement qu'en pratiquant l'euthanasie, on accomplit un acte justifié sur le plan humain. Pareils actes n'ont pas leur place dans la loi pénale. Néanmoins, l'intervenante est prête à mener les discussions nécessaires au niveau juridique, par exemple sur la distinction entre l'état de nécessité et la dépénalisation ainsi que sur les éventuelles solutions intermédiaires que l'on pourrait trouver. Son groupe politique considère toutefois la dépénalisation de l'euthanasie comme le point de départ. L'intervenante n'aime d'ailleurs pas beaucoup la notion de « discussion symbolique » que l'on a entendue fréquemment. Elle a l'impression que d'aucuns s'efforcent artificiellement de placer la discussion sur le terrain symbolique afin de présenter les partisans de la dépénalisation sous un jour défavorable. Cette discussion symbolique est créée artificiellement par des groupes d'intérêts et par certains médias, alors qu'elle n'existe pas comme telle dans la société.

La distance entre le médecin et l'appareil judiciaire ne peut être trop courte. Le cas échéant, il faudra donner à la commission d'évaluation des pouvoirs plus étendus afin que le médecin soit davantage enclin à notifier ses cas d'euthanasie et que ceux-ci puissent être contrôlés plus sérieusement. La zone grise doit en tout cas disparaître.

En conclusion, l'intervenante dit espérer qu'à partir du mois d'octobre 2000, après les élections communales, on pourra bénéficier d'une ambiance propice à une discussion ouverte sur les différents points difficiles de ce débat, à savoir le cadre légal, la question du traitement différencié des patients en phase terminale et des autres patients et la déclaration de volonté anticipée. Cette discussion sera déjà suffisamment difficile sans qu'il soit nécessaire de surcharger le débat par d'autres questions telles que le sort des enfants et des jeunes de moins de 16 ans, le suicide assisté, etc. On risque sinon de voir les commissions réunies sombrer dans des discussions à n'en plus finir sans parvenir à trouver une solution aux questions essentielles.

Un membre déclare qu'il a mis à profit le temps donné à la faveur de l'interruption des travaux, pour réétudier en profondeur l'ensemble des auditions, de manière à en dégager un certain nombre de constats, et à en tirer de premières conclusions.

En effet, la richesse des travaux est telle que les mentalités évoluent.

À la lumière des propos des précédents orateurs, l'intervenant croit percevoir, sur plusieurs points, un rapprochement, la prise de conscience de ce qu'un certain nombre de problèmes se posent, doivent être examinés et méritent à tout le moins des amendements.

Dès lors, les conclusions qui suivent sont elles-mêmes encore provisoires et il n'est pas impossible qu'à la faveur des travaux, les vues de l'intervenant évoluent encore.

Il a rédigé, à l'attention de ses collègues, un texte comportant un certain nombre de références aux travaux des commissions, de manière à échapper, dans la mesure du possible, à la subjectivité de l'appréciation. Ce texte est reproduit ci-après.

Position du problème

1) L'euthanasie est une réalité de terrain quotidienne.

Au sens commun du terme, l'euthanasie, sous toutes ses formes, passives ou actives (11), est très fréquente. Ainsi, d'après les données fournies aux commissions réunies, le médecin influence-t-il de manière décisive le moment exact du décès, voire décide-t-il du décès, dans près de 40 % des cas (12); ce pourcentage grimpe à 80 % dans les unités de soins intensifs.

Tenant compte de ce qu'une unité de soins intensifs comme celle de l'hôpital Erasme enregistre quelque 3 000 admissions annuelles et d'un taux de mortalité moyen de 15 %, soit 450 décès, cela fait 360 cas par an d'interruptions volontaires de vie. Dans pareille unité, c'est donc plus d'une fois par jour que le médecin est amené à décider du moment exact du décès (13).

Même au sens étroit du terme, du moins dans son acception commune (14), le nombre de cas d'euthanasie peut, dans l'état actuel des données disponibles, être estimé raisonnablement à un taux de l'ordre de 3 à 4 % des décès dans notre pays.

Selon l'étude Deliens sur la situation en Flandre, 4,4 % des décès, soit environ 2 480 cas (correspondant à quelque 5 000 cas pour toute la Belgique), seraient la conséquence de l'administration de substances létales, dont 1,1 % d'euthanasies, 0,1 % d'aide au suicide et de 3,2 % d'interruptions de vie sans demande du patient (15).

Encore faut-il savoir de quoi l'on parle : en cas d'euthanasie active, la mort n'est avancée que de quelques heures (moins d'un jour) dans 24 % des cas, de quelques jours (moins d'une semaine) dans 80 % des cas (16).

L'euthanasie se pratique par ailleurs avec ou sans demande du patient (17), qu'il soit conscient ou inconscient, ou encore qu'il soit capable ou incapable.

Notons au sujet de l'euthanasie sans demande cette considération du professeur Englert : « Contrairement à ce que l'on dit, je pense que (les interruptions de vie non demandées) ne sont pas obligatoirement illégitimes ... Je pense (cependant) que ces situations ne peuvent pas faire l'objet d'une légitimation. Elles ne peuvent être justifiées qu'au cas par cas, par l'état de nécessité, dans des circonstances bien particulières ... Il faut essayer de trouver la façon la moins terrible de terminer une existence de toute façon condamnée » (p. 36).

2) Le problème de l'euthanasie est vieux comme la mort, a rappelé le docteur Englert : « S'il se dit dans le serment d'Hippocrate que le médecin ne peut donner des plantes empoisonnées à son patient, c'est parce que les euthanasies se pratiquaient déjà dans l'antiquité et que les malades se tournaient vers les médecins pour les aider » (p. 31). Le docteur Hache nous a indiqué que la notion a été lancée en 1605 par Francis Bacon (« The advancement of learning »), encore que dans un sens différent, qui permet de le considérer comme le précurseur des soins palliatifs (18). Le professeur Baum a rappelé l'injonction que Kafka, miné par la maladie, adressa à son médecin « Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin » (p. 152). Le professeur Messine, pour sa part, a évoqué quelques belles pages de la littérature française d'avant-guerre, extraites des « Thibault » (p. 210).

Mais, il y a trente ans encore, la question de ces pratiques ne se posait pas de la même manière.

L'attitude face à la douleur était très différente : « La morphine a été isolée de l'opium en 1805. Les soins palliatifs n'ont débuté qu'en 1985. Dans les pays industrialisés, des patients ont souffert atrocement pendant 150 ans, alors que leur souffrance aurait pu être prévenue dans une très grande mesure par le recours à la morphine » (19). Et la mort ne se discutait pas.

La question de l'euthanasie n'a été soulevée qu'à compter des années 60, avec le développement de l'assistance respiratoire grâce à laquelle des patients irréversiblement décérébrés purent être maintenus indéfiniment en vie.

« Après les patients totalement décérébrés, on s'est trouvé confronté au cas de patients irréversiblement inconscients en état végétatif permanent, dont le cerveau n'est détruit que partiellement et dont la fonction respiratoire est conservée. Leur survie dépend d'un gavage par sonde gastrique. Ces patients respirant spontanément, il était difficile de les déclarer morts. On était donc, en principe, condamné à les nourrir et à les garder en vie pendant des années, malgré la dégradation progressive de leur condition physique. Ce qui fut le cas, et l'est encore, pour un grand nombre de patients. La demande d'autoriser l'arrêt de l'alimentation pour permettre la mort fut à plusieurs reprises plaidée devant les plus hautes instances judiciaires, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, à la demande des familles qui vivaient un martyre. Elle a parfois été obtenue et parfois refusée, avec des justifications diverses » (20).

« Chez les patients conscients, le refus de la souffrance s'est progressivement imposé. Il a fait accepter que, au stade avancé de certains cancers, des doses massives d'analgésiques et de sédatifs puissent être utilisées pour lutter contre des douleurs particulièrement intenses, même si elles sont susceptibles d'abréger la vie » (21).

3) La plupart des décisions de fin de vie relèvent aujourd'hui de l'abstention ou d'arrêt thérapeutiques, accompagnés ou non de l'administration d'anti-douleurs de puissances et d'effets variables. Le professeur Schotsmans a tracé l'évolution de l'appréciation à ce sujet, à l'étranger, depuis l'histoire de Karen Ann Quinlan, ou en Belgique, comme à l'Université de Louvain, sans oublier l'enseignement des encycliques (pp. 109 à 111).

Dans la plupart des cas l'accompagnement de fin de vie intervient, sinon sans difficultés, du moins sans problèmes majeurs.

Les médecins et l'équipe soignante n'ont pas le sentiment de tuer, mais d'aider leurs patients à mourir. « L'euthanasie volontaire n'est pas un choix entre la vie et la mort ni un choix de la mort contre la vie, elle est un choix entre deux façons de mourir » écrit Jacques Pohier dans son livre La mort opportune. C'est la vie qui rend son verdict au patient, le médecin ne faisant rien d'autre que de le seconder. « C'est la maladie qui emporte le mourant. Je n'ai jamais tué personne, mais j'ai aidé beaucoup de patients à mourir », nous a ainsi dit le professeur Vincent (22). Dans le même sens, le professeur Schotsmans opine : « la décision de laisser mourir dans la dignité une personne qui se trouve en phase terminale est radicalement différente du meurtre » (p. 112).

Les décisions sont prises sur la base d'un certain nombre de principes déontologiques (principe de bienfaisance, principe de non-malfaisance), de la volonté du patient et de considérations de justice distributive (il faut parfois choisir qui jouira d'un lit, qui pourra bénéficier d'une transplantation).

Dans la grande majorité des cas, ces décisions, quoique toujours douloureuses, sont prises adéquatement, en liaison avec l'équipe soignante, consultée dans ce cas comme pour toutes autres décisions de traitement.

4) L'euthanasie active, pour sa part, est très souvent pratiquée clandestinement, par crainte de poursuites.

Cette situation entrave le dialogue confiant nécessaire entre les patients, les familles, les médecins et les équipes soignantes. Elle jette « une chape de plomb sur les relations entre le médecin et le malade en fin de vie » (23).

La volonté du malade est ainsi souvent méconnue, ou mésinterprétée. Les vues de ses proches sont ignorées. L'opinion de l'équipe soignante n'est pas prise en compte. Les décisions ne sont pas arrêtées avec la connaissance de cause indispensable. Et dès lors pas toujours justifiées. Tout cela peut être source de tension à l'hôpital. Et de culpabilité de la part des parents ou enfants, que ce soit qu'ils se reprochent d'avoir concouru à donner la mort ou qu'ils se reprochent de ne pas avoir concouru à respecter les dernières volontés du patient (24).

Dans ces conditions la mort frappe trop souvent dans le plus grand silence. La « belle mort » que devrait favoriser l'euthanasie s'en trouve mise en cause.

Par ailleurs un dialogue ouvert contribuerait sans doute à réduire les euthanasies.

Le Dr. Ingels, de l'université catholique de Nimègue, a fait ce constat : « La demande d'euthanasie est moins pressante parce que l'on sait que le médecin sera disposé à la pratiquer le moment venu. (...) Le fait de pouvoir discuter présente l'avantage que les médecins peuvent inscrire les souhaits des patients dans leurs dossiers » (p. 64). Le docteur Distelmans de la VUB a opiné dans le même sens, en évoquant un cas vécu : « Le fait que l'euthanasie pouvait faire l'objet d'une discussion était pour elle déjà satisfaisant. Elle nous assura qu'elle était amplement informée, qu'elle se sentait bien et que de cette manière elle voulait bien continuer à vivre. Je veux ainsi montrer que la discussion ouverte de cette matière peut assez paradoxalement donner lieu à une prolongation de la vie » (p. 73). Et Mme Aubry a déclaré, tout en nuançant ultérieurement son propos (voir infra) : « Un autre argument en faveur de la proposition de loi actuelle est qu'une réglementation légale multipliera les possibilités de discuter de l'euthanasie, ce qui est favorable à la sérénité du patient, et qu'elle ne stimulera pas la demande finale, voire la rendra superflue. Moi, j'y crois. Pour un patient atteint d'une maladie incurable, la garantie d'être aidé et soutenu, sous quelle forme que ce soit, a déjà en soi un effet curatif. Cela le réconforte » (p. 366).

5) Selon les textes légaux, l'euthanasie active est un crime, susceptible d'être poursuivi sur la base des articles 393 à 397 du Code pénal, mais elle peut être justifiée au regard des dispositions de l'article 71 du même code, relatif aux causes de justification (force majeure et/ou état de nécessité). Il paraît important de souligner ­ car cela semble perdu de vue par ceux qui expriment trop de réserves par rapport à la sagesse de l'ordre judiciaire ­ que les poursuites sont exceptionnelles. Pour ce qui est de la Belgique, a observé M. Messine (p. 4), « plus aucune condamnation n'a eu lieu ... dans l'ensemble du Royaume depuis quarante ans, et ..., exception faite des deux cas dont la Justice vient à peine d'être saisie, les poursuites, pendant la même période, ont été rarissimes » (25). Quant aux Pays-Bas, où la pratique repose sur l'état de nécessité, comme dans notre pays, tout en étant liée à un système de déclaration, aucune condamnation n'a eu lieu, même dans une centaine de cas où les directives n'avaient pas été strictement suivies.

Et le docteur Ingels de préciser : « Pour l'année 1991, des poursuites ont été engagées dans 120 cas d'euthanasie sur 2 300. Dans chacun de ces 120 cas, les critères de prudence n'avaient pas été respectés. Il n'y a eu aucune condamnation. À chaque fois, on a pris conscience du fait que, manifestement, d'une manière ou d'une autre, la décision était justifiée » (p. 61).

Il faut certes, en l'espèce, la plus grande sécurité juridique, mais il ne faudrait pas conclure trop vite à l'imprudence ou à l'excès des magistrats en la matière. Dans l'ensemble, comme l'ont dit plusieurs juristes, ils ont fait montre, en l'espèce, d'une très grande prudence et de la réserve nécessaire.

Il reste que les conditions dans lesquelles l'euthanasie peut être pratiquée sont floues.

Bref, la loi manque de clarté, n'a pas intégré les dernières évolutions de la médecine et, partant, n'offre pas la sécurité juridique indispensable à une éthique de fin de vie adéquate. Les affaires d'euthanasies peuvent déboucher sur des issues inégales en fonction des juridictions et des procédures. Il n'est pas dit qu'avec les projecteurs braqués aujourd'hui sur la question en raison du débat, certains, peut-être plus excessifs ou plus émotifs que d'autres, ne soient enclins à agir en la matière.

Il y a donc une « zone grise » à clarifier autant que faire se peut.

Ouverture du débat : une liberté de parole, mais aussi des craintes

6) D'où les diverses propositions de loi qui ont été déposées au Sénat.

Quelles que soient les opinions sur ces propositions, chacun s'accorde à reconnaître le mérite de ceux qui en ont pris l'initiative, tout comme mérite d'être souligné le rôle déterminant de ceux qui ont contribué à permettre les auditions dont l'utilité a été capitale.

Après avoir été trop longtemps un tabou, le débat sur l'éthique de fin de vie est enfin ouvert. La nécessité de soins palliatifs appropriés est mise en exergue.

On se réjouira de l'intérêt évident que portent les futurs médecins à cette question : « Il y a quelques années, lorsque j'ai demandé à mes étudiants du cours de déontologie de réaliser un travail personnel de fin d'année sur un sujet éthique, 78 % ont choisi la problématique de la gestion de la fin de vie », signale le docteur Englert (p. 31).

Combien d'intervenants n'ont-ils pas souligné (sinon tous), que l'ouverture de ce débat était un tournant capital de la vie de notre société et a déjà conduit à une liberté de parole extrêmement positive.

« La problématique de l'euthanasie n'est qu'une petite partie d'une problématique beaucoup plus large dans laquelle nous sommes engagés et qui est à mon avis très favorable : on se réapproprie la mort après une trentaine d'années où la médecine allait tout résoudre. On n'allait plus mourir. Il ne fallait donc pas s'occuper de tout cela, c'était juste une question de temps. Avec le développement des techniques, on allait tout résoudre. Aujourd'hui, la mort reprend une place sociale (...). Ce débat sur l'euthanasie fait partie de cette évolution » (26).

7) Ces propositions suscitent cependant diverses difficultés.

Et d'abord elles font peur, même aux médecins (27), et sont mal comprises.

Plusieurs personnes sont convaincues de ce que l'euthanasie est déjà légalisée. « Dans le grand public, a témoigné Mme Bouckenaere, le message qui passe actuellement, c'est que l'euthanasie est permise. Ils n'envisagent parfois pas le fait qu'il n'est question que d'une proposition de loi » (p. 50).

Toutes les propositions subordonnent l'euthanasie à la demande répétée et insistante du patient et à d'autres conditions de fond et de formes très strictes, de manière à éviter les abus. Néanmoins des familles redoutent que l'on ne pratiquât l'euthanasie chez leurs parents (28) et des patients semblent craindre d'être victimes d'une interruption volontaire de vie décidée sans leur consentement. Certaines personnes du troisième âge, quoiqu'en parfaite santé, interrogent leurs enfants : « Alors, tu vas pouvoir nous conduire à la mort » ?

La pratique de l'euthanasie, déclare M. Schoonvaere, risque d'entamer gravement la confiance entre le médecin et le malade et de provoquer chez ce dernier une lourde inquiétude : « Si je deviens inconscient ou si je suis considéré comme un fardeau, ou si ..., le médecin pourrait provoquer ma mort sans m'expliquer ce qu'il fait réellement, sans me demander mon avis ? » (p. 268).

On craint les pressions de certaines familles, qui pourraient hâter le départ de leurs proches, plutôt que d'affronter le spectacle de leur déchéance physique, ce qui toucherait en premier lieu les personnes les plus vulnérables : les plus âgées et les moins entourées.

Ainsi Mme Aubry, après avoir souligné l'aspect positif d'une réglementation légale (voir supra), a-t-elle ajouté : « Mais je crois aussi qu'une réglementation légale peut avoir l'effet inverse, en particulier pour les personnes âgées et handicapées. Le fait que l'on ait l'autorisation de demander l'euthanasie oblige tout le monde à envisager cette possibilité. Je ne crois pas à une ultime liberté de choix, car nous sommes toujours influencés par de nombreux facteurs, les personnes qui nous entourent, les médias » (p. 366). Cet avis n'est cependant pas partagé par Mme Roelandt : « Je n'ai (...) pas le sentiment que l'existence d'un cadre légal en matière d'euthanasie va nécessairement de pair avec une pression morale de la société sur l'individu pour qu'il mette fin à ses jours. (...) Cela se passe déjà maintenant. (...) Je ne pense pas que cela fera une grande différence » (p. 315).

Quant au professeur Vermeersch, il opine à ce sujet : « Je reconnais qu'il existe des arguments qui plaident pour l'euthanasie et la fin de vie, mais il n'y en a qu'un que je trouve convaincant, c'est la crainte que la manière dont ce problème social est réglé puisse entraîner des abus, plus précisément que la protection de la vie des citoyens, à laquelle chaque société est contrainte, puisse être mise en danger » (p. 3).

Le docteur Vandeville craint pour sa part que la légitimation de l'euthanasie ne conduise à admettre, si l'on proposait les soins palliatifs à un patient en fin de vie, qu'on lui propose d'office par la même occasion l'euthanasie comme alternative (p. 293).

Il y a aussi la crainte de l'euthanasie pour motifs économiques : « À une époque où il nous est répété chaque jour que la santé coûte trop cher ­ les économistes nous le disent, les dépenses de santé sont les plus élevées dans les derniers mois de la vie. Supprimons ces derniers mois, les économies seront énormes ! », déclare le professeur Bernard Debré (29).

« Une autre question est de savoir dans quelle mesure le volontariat sera mis à mal par la pression des proches ou d'autres personnes », déclare le docteur Hache. « Nous connaissons beaucoup de situations, tant dans des cliniques que chez des malades à la maison, où ces personnes exercent une pression et demandent `que cette situation prenne fin rapidement'. Il s'agit toujours des coûts élevés que représentent les soins ... À cet égard, un danger réel d'euthanasie sociale ou économique est malgré tout présent. » (p. 85)

Le professeur Baum confirme : « ... la dérive économique n'est pas un fantasme, mais une menace réelle pour la majorité des patients âgés » (p. 143).

Mme Kempeneers explique pour sa part : « Vous devez comprendre nos craintes. Nous vivons dans une société performante, une société qui rejette les personnes non productives ou qui n'arrivent pas à prendre une place de pointe » (p. 227).

Toute réglementation suppose donc de grandes précautions dans son élaboration et un effort pédagogique dans sa présentation.

Des notions équivoques

La notion d'euthanasie

8) Une autre difficulté tient à ce que tant de termes utilisés en la matière prêtent à équivoque. Tel est d'abord le cas du terme « euthanasie » lui-même.

Un membre a observé que, « Dans l'esprit des gens, toutes les possibilités d'acte médical difficile en fin de vie sont évoquées dans le débat sur l'euthanasie » (p. 18). Un constat analogue a été dressé par le docteur Philippart : « Lorsqu'on parle d'euthanasie, même dans le public médical, cela couvre beaucoup de réalités. L'arrêt de traitement est souvent appelé euthanasie (...) on voudrait engouffrer dans l'entonnoir d'un mot très précis des tas de réalités très différentes » (p. 95). « La confusion, confirme le docteur Diricq, demeure autour des termes « euthanasie active », « euthanasie passive », « suicide assisté », « acharnement thérapeutique » » (p. 340). Quant au professeur Baum, elle a dit connaître neuf définitions de l'euthanasie (p. 154).

Le professeur Vermeersch lui-même, quoi qu'ardent défenseur de la définition proposée par le Comité consultatif de bioéthique, ne déclarait-il pas : « En ce qui me concerne, la notion d'euthanasie, c'est la notion de mercy death en anglais qui est tout à fait claire » (p. 17) !

Opinant dans le même sens, le docteur Cosyns, qui rappelait au passage la maxime de Talleyrand selon lequel « l'homme a inventé la parole pour cacher ses idées », a réfuté la définition du Comité consultatif de bioéthique et proposé de ne plus utiliser le terme « euthanasie ».

« La notion d'euthanasie est définie de très nombreuses manières. J'ai essayé de résumer la conception que les patients en ont. Une définition possible pourrait être : mourir bien, doucement et dignement, comme il ou elle le souhaite et comme on pense qu'il est bon pour elle ou lui, ainsi que pour ceux qui restent. Cette définition peut éventuellement aussi s'appliquer à la catégorie des incapables. Je sais qu'on utilise ici une autre définition, celle de `mettre fin à la vie du mourant à sa demande'. Je constate, dans les médias, une énorme confusion autour de cette notion, malgré les tentatives faites pour n'utiliser qu'une définition. De nouveaux adjectifs sont constamment ajoutés à la définition : euthanasie active et passive, volontaire, économique et incontrôlée. Récemment, le professeur Nys a aussi parlé d'euthanasie thérapeutique. Cela vaut la peine de s'interroger sur ce phénomène. Je proposerais plutôt de ne plus utiliser ce terme. La notion d'eutocie relative à la naissance est également tombée en désuétude parce qu'il existe trop de manières différentes de travailler autour de la naissance. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même pour la notion `mourir' ? » (p. 324).

L'intervenant partage ces réserves sur la définition retenue par le Comité consultatif de bioéthique. Comme l'a observé le professeur Dalcq, elle diffère de l'acception habituelle du terme en ce qu'elle traduit un voeu et donne en fait au débat une orientation stratégique. « En réalité, ce n'est pas une simple définition générale procédant d'un constat, puisqu'elle implique déjà une condition pour que la mort administrée volontairement puisse ne pas être sanctionnée » (p. 239). Elle assimile aussi, par reproduction de la définition néerlandaise, euthanasie active en phase terminale et suicide assisté ou provoqué en dehors de cette phase. Cela ne contribue guère à la clarté des débats.

Dans son livre Nous ne nous sommes pas dit au revoir, Marie de Hennezel écrit : « Le concept même d'euthanasie est plein de pièges. Quand on évoque ce mot, on ne parle pas toujours, ni tous, de la même chose. » Elle explique que dans son sens étymologique, le mot signifie « mort douce et sans souffrance » : « Jusqu'à la fin du XIXe siècle, l'euthanasie garde le sens que lui a donné l'inventeur du mot, Francis Bacon, homme d'État et philosophe anglais ... On parle alors de « science de l'euthanasie » et les moyens employés sont simples comme l'atteste un texte de 1826 que j'ai découvert grâce à Patrick Verspieren (Face à celui qui meurt, 1984) : « aération de la chambre, attention portée à la position du malade dans son lit, présence des proches, abstention de tout recours inutile à la chirurgie et traitements symptomatiques et palliatifs ». On veille le mourant et on se réconforte mutuellement, soutenus par le médecin et le prêtre. Le mot euthanasie recouvre alors ce que nous entendons aujourd'hui par soins palliatifs. Mais le sens actuel du mot a changé. Il ne désigne plus les qualités de la mort (douce, belle, bonne) mais l'acte qui consiste à mettre fin délibérément et rapidement à la vie d'une personne atteinte d'une maladie incurable et évolutive ... Cette confusion existe toujours dans l'esprit du grand public. Elle se complique par l'arrivée d'une troisième définition : la décision de s'abstenir de prolonger la vie d'un malade incurable quand les moyens employés sont sources de souffrance ou d'inconfort ».

« Alors, se demande Mme de Hennezel, que signifie concrètement le mot « euthanasie » aujourd'hui ? L'art d'alléger la souffrance du mourant, la décision d'arrêter des traitements devenus inutiles et dérisoires, ou l'acte de mettre délibérément fin à une vie pour mettre fin à une souffrance ? » (pp. 29 et 30).

Pour les mêmes raisons sans doute, le professeur Vincent s'est, comme le docteur Cosijns, abstenu d'utiliser une seule fois le mot « euthanasie » dans son intervention, en décrivant ses pratiques et en indiquant qu'il s'agissait pour lui d'apporter au malade les soins qu'il mérite.

Mort digne

9) Centrale en la matière est en tout cas la notion de « mort digne », qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens : « On constate une crainte grandissante des citoyens de mourir d'une manière contraire à la dignité humaine », a déclaré le docteur Mullie (p. 441).

L'euthanasie, au sens large du terme, c'est d'abord veiller à ce que le patient puisse mourir dignement, dans la perspective de soins continus. « Je considère les soins au mourant et l'accompagnement de celui-ci comme le dernier épisode dans le continuum du traitement médical », nous a rapporté le docteur Cosyns (p. 326).

Mme Chris Aubry a décrit sa conception de la mort digne en des termes qui méritent d'être rappelés :

« Je vais maintenant partager avec vous ma conception d'une mort digne. Je veux avant tout être entourée des êtres qui me sont chers et qui auront le courage, malgré toutes les difficultés, d'être présents à mes côtés jusqu'au bout. J'espère aussi ne pas devoir souffrir trop. Mais il est pour moi très difficile de prédire maintenant ce que trop souffrir signifera alors. J'ai en tout cas remarqué que les patients reculaient leurs limites très loin une fois venu le moment ultime. J'ai souvent été stupéfaite de leur force et de leur volonté de vivre. Alors que les soignants pensaient que la situation n'était plus digne, la personne en question souhaitait malgré tout continuer. Je suis en tout cas certaine que je ne pourrai pas vivre seule cet ultime moment. J'aurai certainement besoin du soutien de soignants spécialisés courageux et expérimentés. On a exposé à plusieurs reprises en quoi consiste cette assistance. Les soins adéquats en fin de vie représentent bien plus qu'un bon contrôle de la douleur et des symptômes. Ce n'est pas pour rien que les soins palliatifs parlent de douleur globale et de soins globaux. » (p. 360).

Dans le même sens, le docteur Mullie a dit ce qu'il entendait par « belle mort » : « ... `bonne mort', non pas une mort douce et sans douleur mais une mort vécue avec amour, dans laquelle on sent le principe du `personne ne vit pour soi, personne ne meurt pour soi'. Nous ne pouvons pas aller trop loin dans l'adoption de règles relatives à la souffrance sans issue des mourants. Il ne faut pas lutter contre les mois d'hiver ni même les supprimer, mais adopter des règles permettant à la chaleur humaine de produire un effet apaisant maximum pour calmer la douleur. » (p. 442).

Actes de fin de vie

10) Comment, en pratique, se passent les actes de fin de vie ? Les auditions laissent à cet égard l'intervenant insatisfait, tant les précisions paraissent toujours manquer sur la typologie de ces actes. « Nous disposons d'informations très maigres pour nous permettre de nous forger une image de ce que sont véritablement les actes d'euthanasie », déclare à juste titre, semble-t-il, Mme Roelandt (p. 299).

Le docteur Ingels s'est efforcé de ramasser les actes de fin de vie en trois catégories, en les distinguant selon l'intention qui préside à leurs décisions tout en admettant que celle-ci est toujours difficile à établir et qu'il s'agit dès lors de « nuances » dans une « zone grise » (p. 53) :

« Les médecins peuvent agir dans le but délibéré d'accélérer la fin de vie. Ils peuvent aussi prescrire des sédatifs ou de la morphine qui soulagent la douleur mais qui ont aussi pour effet d'accélérer la fin de vie. Cet effet peut aussi être le but recherché. Il s'agit donc ici d'une grande zone d'ombre, parce qu'on n'est jamais certain des intentions du médecin. En fin de compte, il est possible aussi que des analgésiques soient administrés sans aucune intention d'accélérer la fin de vie, tout en sachant que cela peut arriver. »

« Il faut donc distinguer trois nuances ... Une décision médicale peut consister à ne pas entamer ou à suspendre le traitement, l'intention d'accélérer le décès pouvant être soit intentionnelle, soit totalement absente, soit partiellement présente. La lutte contre la douleur et les symptômes constitue une deuxième forme de décision relative à la fin de vie, cette lutte pouvant être intensifiée avec ou sans intention de mettre fin à la vie. Une troisième décision médicale relative à la fin de vie consiste en la prescription, la fourniture ou l'administration de substances dans le but précis d'accélérer le décès du patient. La discussion éthique est centrée sur ce dernier point parce que le fait de ne pas entamer un traitement ainsi que l'intensification de la lutte contre la douleur et les symptômes font véritablement partie d'un traitement médical responsable. Je suis prêt à jurer que, dans le monde médical occidental moderne, il n'y a plus, à proprement parler, de médecins partisans inconditionnels de l'acharnement thérapeutique. D'ailleurs, le Code de déontologie médicale juge un tel acharnement inadmissible. Le problème est la prescription, la fourniture ou l'administration de substances. »

D'où la difficulté à distinguer sédation contrôlée et euthanasie, que Mme de T' Serclaes, dans une question au docteur Bouckenaere, a résumée comme suit : « La frontière entre sédation contrôlée et euthanasie est très difficile à délimiter » (p. 39). Dans le même sens, le docteur Distelmans a dit : « On appelle cela la zone d'ombre. On ne connaît pas l'intention initiale du médecin ... Les médecins font ce qu'ils veulent, ils peuvent toujours changer d'avis et, par exemple, se persuader eux-mêmes qu'ils ont fait une ultime sédation alors que, en réalité, ils ont pratiqué une interruption de vie sans demande. » (p. 71).

Sédation contrôlée

11) Arrêtons-nous un instant à la sédation contrôlée et aux distinctions, parfois subtiles, qui la distinguent selon d'aucuns de l'euthanasie.

Le docteur Mullie apporte du procédé la description et les précisions suivantes :

« La sédation contrôlée est une technique d'anesthésie avec adjonction d'un somnifère (pouvant aller jusqu'à l'injection intraveineuse continue de barbituriques). Cette « anesthésie profonde » et, a fortiori dans un premier temps, « l'attente de la mort » est un art (cf. la narcose en chirurgie), dont le but n'est pas d'entraîner immédiatement un sommeil fatal, mais d'apporter temporairement le sommeil et le repos, permettant de reprendre temporairement son souffle face à cette situation sans issue redevenue supportable. La sédation contrôlée se situe, dans cette optique, vraiment dans la ligne, dans l'ambiance des soins palliatifs, de l'attente accompagnée de soins ... » (p. 445).

« La sédation contrôlée est appliquée dans notre réseau PS du nord de la Flandre occidentale (plus ou moins 1 000 décès par an) chez environ 1 % des mourants ... Même en cas de sédation contrôlée, la demande d'euthanasie refait parfois surface, surtout lorsqu'il ne s'agit pas d'une forme extrême de contrôle des symptômes mais d'une véritable demande d'euthanasie récurrente ... Dans ces cas (exceptionnels), nous augmentons de manière substantielle la sédation, ce qui aux termes de la proposition de loi peut être qualifié d'euthanasie. Nous ne sommes pas un service qui pratique systématiquement l'euthanasie ... mais par souci de prévenance nous ne voulons pas laisser survenir de morts atroces et nous ne voulons pas abandonner les gens à leur sort ... » (p. 446).

« En cas de sédation contrôlée, on commence par une sédation légère. À ce stade, le patient est informé que la sédation légère l'apaisera d'abord dans une situation qui est devenue insupportable, mais qu'il se réveillera à nouveau par la suite. Ce n'est qu'ensuite qu'il recevra la sédation plus profonde. » (p. 451).

« La sédation donne un sentiment de quiétude. Si après l'état de quiétude, il se manifeste un sentiment d'indignité, nous procédons à une sédation plus profonde ... À ce moment, la sédation aboutit à l'euthanasie et nous évitons de créer un sentiment d'effroi chez le patient, ou dans la famille par la suite. » (p. 452).

« S'il est exact que la sédation contrôlée est parfois désignée par le terme slow euthanasia, elle n'est pas ressentie comme telle. C'est un acte ressenti comme apaisant. Je ne m'attache pas aux mots. Lorsqu'en cas de sédation contrôlée la situation devient insupportable, nous administrons une dose plus forte ... Toutefois, nous donnons intrinsèquement la préférence à la slow euthanasia, car l'expérience nous a appris que l'on peut avoir des surprises par la suite. On peut avoir l'esprit serein si l'on a été prudent. » (p. 452).

Une autre description de la sédation contrôlée est donnée par le M. Schoonvaere, qui distingue sédation d'accompagnement psychologique, sédation intermittente et sédations plus continues (p. 273) :

« La sédation est prescrite pour calmer les douleurs rebelles, une angoisse incontrôlable ou lorsque des patients risquent de décéder de manière très pénible, dans des hémorragies massives par exemple. On sait que, dans des cancers de la gorge, la carotide peut se rompre à un moment donné; le malade se voit littéralement mourir soit parce que son sang sort à jets continus ­ ce qui est très angoissant; soit parce qu'il étouffe dans son propre sang. Dans ce cas, il faut pouvoir donner une sédation d'urgence. Dans les services de soins palliatifs qui sont rompus à ces techniques, on explique ce risque au malade et on place dans leur chambre une trousse d'urgence car, si l'accident se produit, on n'a pas le temps d'aller chercher des médicaments ou des seringues; il faut intervenir dans la minute. Ce type de sédation est donc l'accompagnement d'une souffrance psychologique extrême qu'on calme. » (p. 273).

« Le deuxième type est la sédation intermittente. Comme je l'ai dit, l'acte de sédation diffère totalement de l'acte de donner la mort et, pour la sédation intermittente, on propose au patient et à son entourage des sédations bien étudiées et clairement établies sur un protocole. »

« Dans les sédations intermittentes, on garde autant que possible le rythme de sommeil du malade; ce peut être un rythme jour-nuit mais, comme en fin de vie les rythmes du malade ne sont plus les mêmes que les nôtres, on endort le patient et on le réveille en respectant son propre rythme. Pour l'éveiller, il suffit d'arrêter la sédation. Durant les périodes intermittentes d'éveil, certains malades ne demandent plus rien. Quelque chose s'est libéré par la sédation. Un calmant a apaisé le patient. »

« Il y a aussi des sédations beaucoup plus continues. Dans ce cas, on provoque un sommeil prolongé ... Il importe d'informer le patient et son entourage, de garder le contact. Dans les sédations plus prolongées, il faut en outre soigner le malade comme s'il était encore lucide. Tous les soins continuent. On n'abandonne pas le malade comme cela a été fait en France voici 15 ou 20 ans. On appelait cela des « cocktails de déconnexion ». La sédation est autre chose qu'une déconnexion pratiquée pour être tranquille. C'est une approche médicale et humaine. Les deux vont de pair. Il ne s'agit pas simplement de pharmacologie donnée à un moment extrême de la fin de vie. C'est beaucoup plus rigoureux ... » (p. 274).

12) Au cours de son audition Mme Kempeneers a parlé d'« euthanasie indirecte, c'est-à-dire augmenter la dose d'analgésiques, abréger les souffrances du patient, tout en sachant bien que sa mort interviendra à un certain moment. » (p. 218).

On peut en effet s'interroger sur la différence entre sédation contrôlée, du moins dans sa nuance ultime, et euthanasie au sens strict.

Pour certains, la différence tient soit au délai, soit à l'intention ou au vécu du médecin.

Pour M. Schoonvaere « La sédation est quelque chose de différent ... Ce qui distingue une sédation d'une euthanasie, c'est tout d'abord l'intention de celui qui prescrit le traitement. » (p. 273).

Le docteur Bouckenaere et le docteur Menten opinent dans le même sens : « Je pense que l'intention est différente. Ce que vous devez comprendre, c'est que dans le vécu de certains médecins, il y a une différence. L'intention est de soulager », dit la première (p. 46). Le second déclare : « Dans le cas de la sédation contrôlée, il y a seulement l'intention d'atténuer les souffrances du patient, et non pas celle de mettre fin à la vie. » (p. 86).

Plus avant dans son audition, le docteur Schoonvaere qualifie l'euthanasie comme étant l'administration de « de cocktails lytiques donnés en hâte sans l'avis du patient » (p. 284). Et, dans la même perspective, le docteur Menten déclare : « Le but de l'euthanasie active est de faire mourir les gens en l'espace de quelques minutes (...). Pour l'euthanasie active, on utilise de très fortes doses, telles que nous ne les utiliserons jamais dans la sédation contrôlée. C'est la grande différence. » (p. 108).

Lorsque le docteur Cosyns considère que « le choix entre une petite piqûre ou un processus de mort lente doit être fait par l'intéressé lui-même » (p. 323), on voit bien la différence : injection à effet rapide d'une part; administration de substances agissant à plus long terme de l'autre.

Pour d'autres experts, il n'y a pas de différence entre ces deux formes d'actes de fin de vie. Tel est le cas du professeur Baum, pour laquelle la distinction est « hypocrite » (p. 152), ou du docteur Van Camp, pour lequel « les soins palliatifs qui ont pour effet d'abréger la vie du patient (constituent à mes yeux) également une forme d'euthanasie » (p. 428).

Plusieurs de nos collègues ont partagé ce point de vue :

­ Mme Vanlerberghe : « Je trouve que la sédation contrôlée (...) est une forme d'euthanasie inhumainement lente. L'objectif est le même en fin de compte, à savoir permettre à quelqu'un de mourir parce que telle est sa volonté, lorsqu'il n'y a plus d'autre alternative médicale. » (p. 133).

« Débrancher les appareils, arrêter l'hydratation, administrer une dose de morphine plus forte que nécessaire sont des actes que le professeur Schotmans ne considère pas comme une forme d'euthanasie, mais je ne partage pas son avis, même s'il s'agit d'une gradation différente. Administrer des barbituriques est une forme d'euthanasie. On peut appeler cela sédation contrôlée et le docteur Moreels parle même d'orthonasie, mais pourquoi ne le qualifierait-on pas aussi d'euthanasie ? Pour moi, ancient étudiant de la KUL, c'est bel et bien une forme d'euthanasie. N'est-il pas un peu hypocrite de lui donner un autre nom ? Ne se cache-t-on pas la vérité ? » (pp. 123 et 124).

13) Aussi bien le professeur Vincent s'abstient-il, tout comme le docteur Cosyns, de recourir au terme « euthanasie ». Il ne l'a pas utilisé une seule fois dans son audition, ce qui n'a pas manqué de frapper (30).

Il décrit ainsi sa méthode : « ... il nous arrive régulièrement d'arrêter un traitement, d'arrêter un respirateur. La question est de savoir comment procéder. On peut évidemment débrancher le respirateur, avec l'issue que l'on connaît, la personne ne pouvant plus respirer par elle-même dans ces cas terminaux où, malheureusement, la médecine ne peut plus rien offrir. C'est une option. L'autre option est de laisser la personne sous respirateur mais d'augmenter les calmants, la morphine, les benzodiazépines, les barbituriques, pour que cette personne puisse partir en paix, sans la moindre souffrance. Certains verront une différence fondamentale entre les deux options; ils diront que, dans le premier cas, on ne fait qu'arrêter un traitement, ce qui, dites-vous, est autorisé sur le plan éthique, alors que, dans l'autre, on intervient activement en donnant effectivement des doses plus importantes de médicaments. On pose donc alors un geste. Mais cette réaction-là est évidemment tout à fait hypocrite. Elle revient à dire : tant pis si les gens subissent un peu d'inconfort en fin de vie, au moment où le respirateur est débranché, mais au moins, on ne participe pas activement. Mais, justement, l'intervention active est une intervention qui vise, en accord avec les principes éthiques, à apporter justement le moins d'inconfort possible à la personne. C'est évidemment cela qui est réalisé dans beaucoup de centres. » (p. 235).

Il ajoute : « Personnellement, je n'ai jamais tué personne, mon intention n'ayant jamais été de tuer, mais j'ai aidé beaucoup de personnes à mourir et je le ferai encore. Heureusement. Sinon je ne ferais pas bien mon métier et je devrais abandonner ce que je fais : aider des gens à mourir sans avoir le but de les tuer. C'est la maladie qui emporte le malade et j'aide celui-ci à mourir en accord avec les principes éthiques que j'ai définis, en évitant la souffrance, la dégradation inutile. » (p. 237).

Le « décodage » de la demande d'euthanasie

14) Il a aussi été beaucoup question au cours des auditions de la volonté du malade, et du « décodage » nécessaire de ses demandes.

On voit souvent, expose le docteur Bouckenaere, que la demande réellement exprimée par le patient en cache une autre » (p. 46). M. Schoonvaere cite le cas de « telle patiente qui évoque un jour une demande d'euthanasie, mais, quelques heures après, insiste pour que l'on n'oublie pas ses vitamines dans le jus d'orange » (p. 266). De nombreux témoignages vont dans le même sens. Ce qui n'empêche pas qu'il subsiste de vraies demandes (31).

Témoignages :

­ Docteur Vincent : « La question des personnes qui demandent explicitement à mourir est souvent simplifiée dans les débats actuels. On croit que nous devons aider systématiquement les personnes en fin d'évolution de leur maladie qui demandent à mourir. Nous allons en effet aider ces personnes, mais nous n'opterons pas nécessairement pour la seringue de barbituriques. Il faut essayer d'analyser la demande. Très souvent, ce sont des personnes qui souffrent. Il y a d'abord une souffrance physique importante, intolérable. Augmenter les calmants est pour moi le devoir du médecin... Il peut aussi s'agir d'une souffrance morale. La personne se sent dégradée aux yeux de l'époux ou de ses enfants, etc. Il est possible de soulager cette souffrance en améliorant certains éléments. Parfois, c'est l'environnement que le patient ne supporte plus. Il y a peut-être moyen de faire quelque chose, de transférer la personne dans une autre chambre, dans un autre service. Vous seriez étonnés de voir les solutions que l'on peut parfois apporter, en préconisant notamment la combinaison de divers éléments comme rapprocher la famille, installer un poste de télévision. Cela peut paraître ridicule... Sans vouloir entrer dans tous ces petits détails, il existe toute une série d'éléments auxquels il faut pouvoir penser. Il ne s'agit donc pas d'accepter ipso facto de donner les médicaments qui vont endormir cette personne. » (p. 241).

La question est particulièrement importante pour les personnes qui ne se trouvent pas en phase terminale, souligne le docteur Vincent : « L'exemple qui vient à l'esprit est la personne quadriplégique qui ne peut plus commettre le suicide. Croyez bien d'abord qu'il y a très peu de quadriplégiques qui demandent réellement que l'on mette fin à leurs jours. Il s'agit souvent de demandes ambiguës. « Qu'est-ce que je fais ici, tout cela n'a plus de sens ». Ce ne sont pas nécessairement des personnes qui vont apprécier que vous arriviez avec la seringue en question, pour parler de manière symbolique. Mais dans ce cas, l'approche doit être plus fouillée. » (p. 241).

Docteur Bouckenaere : « Notre pratique nous montre l'extrême ambivalence des demandes d'euthanasie. Dans ces situations très émotives, la demande se brouille souvent. Il y a alors une discordance entre les mots qui sont prononcés, ce que chacun veut dire et ce que chacun peut entendre... Dans de très nombreux cas, l'autonomie du patient est fragilisée. Il est désemparé, il a perdu son identité, il dépend des autres. Partagé entre le désir de vivre et le désir d'en finir, son pouvoir de décision est amoindri. De multiples éléments peuvent alors peser dans cette balance en équilibre fragile : ce que le médecin juge bien pour lui, ce que lui rapporte le discours social, ce que lui renvoient ses proches et ses soignants... Il est fréquent que des familles exercent des pressions sur le médecin pour qu'il abrège l'existence du patient ­ qui n'a rien demandé ­ pour des raisons de dignité. » (pp. 30 et 31).

­ Mme Aubry : « L'euthanasie délivre de la souffrance non seulement le patient, mais aussi son entourage. C'est pourquoi les soignants et les médecins doivent être extrêmement prudents lorsqu'ils s'expriment sur la question de savoir si l'euthanasie se justifie ou non pour les patients qu'ils soignent. » (p. 363).

15) La difficulté d'interprétation de la demande du patient est d'autant plus délicate qu'elle est nécessairement subjective.

À M. Schoonvaere, peu nuancé en la matière, Mme Lindekens fait ainsi observer : « Mais si le patient, déjà trop faible, remarque que sa demande est en fait condamnée et qu'il n'y a pas assez d'ouverture chez ses interlocuteurs pour y accéder, ne finirait-il pas par renoncer à cette demande même si sa douleur persiste ? » (p. 274).

M. Mahoux pour sa part interpelle Mme Diricq : « La subjectivité de celui qui reçoit la demande peut être un élément déterminant, même si on tente d'objectiver, mais l'objectivation peut se faire dans un sens ou dans l'autre. ». La réponse : « Je vous répondrai par une autre question. N'y a-t-il qu'une seule bonne demande ? Ce que le malade va dire à l'infirmière est à ce moment-là aussi vrai et juste que ce qu'il va dire à un autre moment à un proche ou au médecin. L'importance de l'interdisciplinarité, c'est qu'elle tient compte de toutes ces bribes de demande... ma spécificité, c'est de tenir compte des demandes inconscientes sous-jacentes à la demande, ou de faire les liens avec l'histoire du patient, avec les conflits parfois sous-jacents dans une équipe. Il m'est déjà arrivé, lorsqu'il y a une réunion un peu plus violente, de demander si l'on parle vraiment du patient ou si l'on est en train de régler un autre conflit. » (p. 357).

Mme Aubry confirme cette subjectivité, qui est fonction des conceptions personnelles de celui qui reçoit la demande d'euthanasie : « Une personne qui pense que l'on peut dépasser la frontière de la vie interprétera peut-être cette question d'une autre manière qu'un soignant qui estime que l'on ne peut franchir cette frontière. Soeur Léontine dit que son département ne prodigue pas de soins palliatifs (lire : euthanasie) mais que le patient est réorienté vers un collègue, ce qui fait refluer les demandes au sein de son département. Je pense que cela détermine probablement en partie la manière dont la demande est interprétée et traitée. » Et elle résume : « Je crois que cela dépend, en partie tout au moins, de la vision de la personne qui entend la demande. » (pp. 376 et 377).

D'où, pour ce qui concerne les statistiques disparates au sujet des « vraies » demandes d'euthanasie, cette réflexion de M. Remans à Mme Bouckenaere : « Si les statistiques sur la vente des portes en métal sont basées sur les chiffres de vente des ébénistes, elles risquent d'être faussées. Celui qui choisit un spécialiste choisit aussi un traitement. »(p. 49).

16) Pour plusieurs intervenants, les vraies demandes d'euthanasie paraissent cependant rares. Tant le docteur Clumeck que le docteur Van Camp sont de cet avis : « Les demandes d'euthanasie, telles que définies dans la proposition de loi, sont marginales et rares. Elles peuvent néanmoins présenter la seule alternative dans des `circonstances exceptionnelles' qu'il conviendrait d'inventorier et de définir... » (p. 383). « Il est d'ailleurs très rare que des patients demandent une euthanasie pure et simple. » (p. 428).

Selon Mme Bouckenaere, la pratique montre que « lorsque l'approche des soins continus est correctement appliquée, il ne persiste que de l'ordre de 1 % de demandes d'euthanasie répétitives et non ambivalentes. Ce chiffre représente une moyenne entre le chiffre de 0,5 % que je retrouve dans ma pratique et le chiffre de 2 % rapporté par d'autres sources mais qui concerne d'autres populations de patients » (p. 32). « J'ai avancé le chiffre de 0,5%.. Le chiffre de 1 % est pour moi une moyenne par rapport au chiffre de 2 % qui a été retenu par une institution comme Bordet, qui est confrontée à une population de patients différente » (p. 37). Mais, en réponse à une observation de M. Remans, elle admet : « En ce qui concerne les chiffres, je suis d'accord avec vous pour vous dire qu'ils sont très discordants d'une unité de soins palliatifs à l'autre. » (p. 49).

Tous les intervenants, même les plus réticents à l'égard de la pratique de l'euthanasie, semblent admettre qu'il reste de vraies demandes d'euthanasie, malgré l'administration des meilleurs soins palliatifs.

Suicide assisté

17) Au cours des auditions a aussi été évoquée la distinction entre euthanasie et suicide assisté.

On se bornera à citer à ce sujet le docteur Ingels : « La Koninklijke Nederlandse Maatschappij ter Bevordering van de Geneeskunst ne fait pas de distinction éthique entre l'euthanasie et la prescription des produits. Le fait de prescrire des comprimés à un patient et de rester près de lui pendant qu'il les absorbe est identique au fait d'aider ce patient, trop malade pour les prendre tout seul, à les absorber. On passerait alors de l'assistance au suicide à l'euthanasie. Il est très difficile de faire cette distinction. Ce sont surtout les patients qui veulent une telle façon de procéder car ils ne veulent pas contraindre leur médecin à un acte qui est moralement lourd de conséquence. Certains patients préfèrent assumer eux-mêmes la responsabilité de la décision.

Aux États-Unis, certains ont une grande expérience en la matière. Dans l'Oregon par exemple, un médecin rend possible de tels actes mettant fin à la vie grâce à un système de perfusion particulier dont le malade peut ouvrir lui-même le robinet. J'en ai la chair de poule. Pour moi, ce n'est pas de la médecine. Je me sens aussi responsable des patients que je n'ai pas pu aider, sur lesquels j'ai souvent pratiqué des interventions mutilantes et pour lesquels la bataille a quand même été perdue. Le monde médical a failli à sa mission. Aussi, je tiens à assumer mes responsabilités et je suis disposé à accélérer la fin de vie du patient de la manière voulue par ce dernier. » (p. 64).

Phase terminale, maladie incurable, mort imminente

18) Toute aussi délicate est la définition de la notion de « phase terminale ».

Quand on parle de phase terminale de la vie, qu'entend-on ? Pour certains, il s'agirait des six derniers mois de la vie. Pour d'autres, la période en cause pourrait recevoir une définition conventionnelle très courte, allant de 8 à 20 jours avant la mort (32). Ce ne serait donc en tout état de cause qu'après la mort qu'on pourrait définir la phase terminale, ce qui est peu pratique pour servir de règle de conduite. Aussi a-t-il été considéré « qu'il est quelque peu absurde de fixer un critère de temps. Pour une personne chez qui l'on a pratiqué l'euthanasie, le délai au-delà duquel elle serait décédée si l'on n'avait pas pratiqué cet acte, ne serait plus jamais vérifiable. » (33).

Diverses déclarations peuvent être relues à ce sujet pour éclairer le débat.

­ Le professeur Vermeersch : « Selon les connaissances actuelle de la médecine, la mort interviendra dans les vingt jours. » (p. 6). « Il faut définir la notion de `terminal'. C'est une question de convention. Cela peut signifier 8, 9, 10, 11 ou 12 jours avant la mort. En guise d'exemple, j'ai cité un délai de 20 jours, mais j'ai surtout voulu souligner que, dès que le critère `terminal' ne s'applique pas, une procédure plus rigoureuse doit être suivie parce que l'intervention est plus grave. Tuer quelqu'un qui a encore quelques mois à vivre constitue naturellement une intervention plus grave que de tuer quelqu'un qui a deux heures à vivre. Le législateur doit tirer une ligne. » (p. 11). « La phase terminale est en principe inférieure à vingt jours, mais j'ai donné le chiffre vingt pour ne pas soulever de discussion. Ce chiffre ne pose aucun problème. » (p. 19).

M. Vermeersch a approuvé la suggestion de M. Vankrunkelsven selon laquelle « le concept de « terminal » [devrait être] défini par exemple par la certitude qu'un patient mourra dans un certain temps de manière inéluctable de l'affection ou de la maladie qu'il a », tout en observant : « Seulement, les médecins demanderont alors ce que désigne un certain temps. S'agit-il de huit jours, quinze jours ou un mois ? C'est le problème. » (p. 11).

­ Le professeur Schotmans : « Qu'est-ce que terminal ? Lorsque j'écoute des médecins de mon entourage, je constate que ce n'est qu'après le décès du patient qu'on saurait s'il s'agissait ou non d'un patient en phase terminale. C'est là le problème difficile qui caractérise cette notion. Permettez-moi de dire qu'un patient est pour moi en phase terminale s'il existe une certitude qu'il va mourir à court terme. J'éprouve certaines difficultés par rapport au fait que l'un de mes prédécesseurs dans cette commission associe à cette période un certain nombre de jours (...). La notion de terminal reste pour moi utile si l'on part du principe qu'un patient est en phase terminale lorsque le monde médical est convaincu qu'il mourra à court terme. » (p. 127).

­ Le docteur Philippart : « L'adjonction dans une précédente proposition du critère de mort imminente encadrait mieux le contexte applicable aux situations visées. » (p. 79).

­ M. Schoonvaere expose que le Foyer Saint-François est une structure de soins palliatifs extra-hospitalière qui accueille des malades cancéreux et d'autres en phase terminale. Dans son exposé, il précise que le financement légal des soins palliatifs est prévu pour une durée de séjour de trois semaines, et que la durée moyenne des séjours est de « trois semaines à un mois » (p. 278). D'où d'ailleurs « Le Foyer est chargé d'une connotation de mort réelle imminente » (p. 281). Et pourtant « Certains sont tout à fait lucides et viennent en voiture. D'autres sont comateux et ont une espérance de vie statistiquement très limitée » (pp. 280 et 289). Il cite le cas d'une patiente qui est arrivée dans un état comateux, qui, un mois plus tard, a recommencé à s'alimenter, a retrouvé sa lucidité six mois plus tard, et qui se retrouve aujourd'hui bien vivante dans une maison de repos et de soins (p. 289). « 10 % des patients quittent l'institution pour aller ailleurs. » (pp. 289 et 290).

­ Mme Aubry : « Pour moi, un patient est en phase terminale lorsqu'il va décéder dans un délai relativement court. » (p. 371).

­ M. Ingels : « Près de 70 % des 2 300 cas seraient décédés dans le mois. Aux Pays-Bas, les médecins ne décident de pratiquer l'euthanasie que s'il n'y a vraiment plus d'autre alternative et quand les patients ont atteint la phase terminale de leur maladie. » (p. 55). « Dans 80 % des cas, le décès est prévu dans le mois. » (p. 60).

­ Le docteur Van den Eynde : « Les médecins associent spontanément l'euthanasie à un acte consistant à mettre fin à une vie dans une situation terminale, extrêmement pénible. L'enquête réalisée par les scientifiques de la RUG, de la VUB et de la KU Nijmegen à propos de l'attitude des médecins face à la fin de vie des patients montre en effet que la pratique de l'euthanasie ne consiste qu'à abréger l'existence d'une à quatre semaines. » (p. 12). « Pour moi, la période terminale est le laps de temps qui précède le décès; il peut varier de quelques jours à quelques mois mais ne peut pas atteindre une dizaine d'années. » (p. 18).

­ Le docteur Menten : « Cependant, nous pouvons dire qu'un patient est en phase terminale lorsque ses organes deviennent défaillants, que son autonomie régresse, que sa tumeur n'est plus contrôlée, bref lorsqu'il n'y a plus de retour possible. Le fait de savoir si cela durera deux semaines ou deux mois est une question pertinente à laquelle il n'est pas possible de répondre immédiatement. » (p. 107).

Le docteur Englert plaide pour le critère de malade incurable plutôt que de malade en état terminal (p. 33). Mais cette notion est aussi difficile à cerner, reconnaît-il lui-même : « Le caractère évolutif de l'incurabilité est évidemment un problème. Je vous rappelle que Boris Vian est mort d'une insuffisance mitrale moins de dix ans avant la première greffe de valve cardiaque. Nous vivons dans notre temps et ce qui sera curable au XXIIe siècle ne pourra pas apaiser nos souffrances d'aujourd'hui » (p. 38). « Longue est malheureusement la liste des affections incurables », dit le docteur Philippart, qui cite notamment à ce titre le diabète (p. 79). Mme Henry a insisté sur le fait que la maladie d'Alzheimer est incurable (p. 170). M. Distelmans citera d'autres exemples : « Les affections suivantes, entre autres, sont considérées comme incurables : diabète, rhumatisme, arthrose, décompensation cardiaque, emphysème, bronchite chronique, insuffisance rénale chronique, hépatite, cancer. » (p. 67). « Parler de maladie incurable n'a pas de sens », a conclu le docteur Vincent (p. 240). Aussi préfèrent-ils le critère de mort imminente.

Il y a là, évidemment, une marge d'appréciation mais dans le droit, surtout lorsqu'il s'agit d'éthique, l'on ne traite pas de valeurs mathématiques, mais de valeurs qualitatives, et des notions qui prêtent à interprétation sont inévitables. Qu'est-ce que l'ordre public, les bonnes moeurs, l'équité, l'abus de droit, ... ?

Acharnement thérapeutique

19) Autant de questions pour la définition de l'acharnement thérapeutique.

Sur le plan des principes, ce terme signifie « l'usage de moyens démesurés pour maintenir une vie alors que l'ensemble du corps médical considère qu'en la situation donnée, le décès est inévitable » (34). On a recours à une distinction « entre les soins médicaux ordinaires et les soins médicaux extraordinaires (une distinction qui remonte au Moyen-Âge) » ...

Quand on utilise ces soins et ces moyens extraordinaires de la médecine pour tenir des personnes en vie et que l'on constate que tenir en vie ces personnes n'aura pas d'effet positif, il ne faut plus les utiliser. En pratique, la distinction, « la frontière », n'est cependant pas évidente.

« Lorsque Karen Quinlan est restée dix-neuf ans en état végétatif persistant, on n'a pas encore parlé d'acharnement médical en Amérique », a exposé le professeur Vermeersch. « Lorsque Nancy Cruzan est restée six ans en état végétatif persistant, ses médecins non plus n'ont pas considéré ce cas comme de l'acharnement médical. À Louvain, on interrompt l'alimentation en nourriture et en boisson après trois mois d'état végétatif persistant, six mois pour certains cas exceptionnels. En Angleterre, on serait emprisonné pour cela. Là-bas, par exemple après une année d'état végétatif persistant, on doit demander l'autorisation du juge pour arrêter l'alimentation et la boisson. Il est donc entièrement faux de penser qu'il existe une déontologie ou une éthique médicale générale qui dise clairement au médecin ce qu'il convient de faire dans certains cas. » (p. 8).

« Même si, dans une loi, on peut dire qu'il faut résister à l'acharnement thérapeutique, il faut savoir que la définition, dans des cas spécifiques, de l'acharnement thérapeutique n'est pas évidente. Prenons par exemple une jeune personne atteinte de leucémie. On essaie plusieurs traitements. Les chances de survie sont de plus en plus réduites. Qui va dire qu'il faut arrêter le traitement ? Soit on continue le traitement et il y a une très petite chance de survie mais avec beaucoup de souffrance. Soit on arrête le traitement et il n'y a plus de souffrance, mais il n'y a plus de chance de survie du tout. Ce n'est pas simple. C'est une question qui doit être discutée entre les parents, s'il s'agit d'un enfant, l'enfant lui-même et l'équipe médicale. »

Aussi bien pourrait-on, dans certaines situations spécifiques, comme dans le cas récent de Liège, parler tant d'arrêt thérapeutique, accompagné de l'administration d'anti-douleurs puissants entraînant la mort, que d'euthanasie (35).

Autres équivoques

20) L'équivoque existe encore à d'autres égards.

Qu'est-ce qu'un malade conscient ? Des témoignages reçus, il apparaît que l'état d'un malade en fin de vie ne peut pas toujours être clairement défini comme étant soit conscient, soit inconscient. Le patient se trouve souvent dans un état crépusculaire, mi-conscient, mi-inconscient. Les patients conscients ne forment qu'une petite minorité. La plupart des patients sont soit mi-conscients, soit plus très clairs d'esprit, soit inconscients.

« La frontière entre un patient incapable et un patient capable n'est en effet pas toujours évidente. Des situations intermédiaires sont possibles », souligne le professeur Vermeersch. À M. Mahoux, qui lui reprochait de parler de gens incapables « alors que nous n'en parlons absolument pas dans les propositions de loi », M. Vermeersch réplique : « En ce qui concerne la notion d'incapable, je considère en effet comme une erreur que votre proposition parle d'inconscients et non d'incapables. L'inconscience, c'est, peut-on dire, un type de maladie, mais il y a beaucoup d'incapables qui n'ont pas la capacité d'exprimer une volonté sans être inconscients. Il y a une frontière entre la conscience et l'inconscience. Certaines personnes déraisonnent à cause de changements survenus dans le cerveau, de la présence de sang dans le cerveau ou d'une fracture du crâne. Ces personnes ont une conscience mais sont incapables d'exprimer une volonté. Mon père avait eu une attaque, il était en clinique et disait « je rentre à la maison ». C'est une chose qu'il n'aurait jamais dite s'il avait eu toute sa raison. Les incapables, ce sont donc des personnes qui ne sont pas en état d'avoir ou de formuler une conception claire des choses. Il vaut donc mieux parler d'incapables. C'est évidemment beaucoup plus simple lorsqu'il y a une déclaration anticipée mais la notion d'inconscience ne convient pas à la plupart des personnes incapables qui ont une forme de conscience. » (p. 16 et 17).

Le docteur Philippart : « ... Toutes les situations possibles ne s'inscrivent pas dans ces quatre catégories (définies par la proposition commune), ce qui me fait évoquer ces nombreux cas de conscience altérée mais non éteinte et ces autres cas où la conscience fluctue comme dans les démences d'Alzheimer. » (p. 48).

Le docteur Vincent : « La plupart des personnes sont inconscientes en fin de vie , soit à la suite de leur affection de base, soit en raison des médicaments, des sédatifs qui leur sont administrés pour ne pas qu'ils vivent l'inconfort de cette situation ... » (p. 234).

Qu'est-ce qu'un malade capable ? Au nom des personnes handicapées, Mme Kempeneers a exprimé son souci devant l'utilisation de ce terme : « La notion de capacité est-elle, en l'espèce, à comprendre comme distincte d'une notion d'incapacité juridique ? » (p. 218). Par ailleurs, dans la mesure où il vise le majeur, c'est-à-dire le patient âgé de plus de 18 ans, soit le mineur émancipé, ce terme exclut alors les enfants du bénéfice de l'euthanasie. Dans une tribune publiée dans Le Soir du 27 mars 2000, le délégué général de la Communauté française aux droits de l'enfant, M. Claude Lelièvre, s'est élevé contre cette conception (36).

« La plupart des nouveau-nés qui décèdent sont déjà pris en charge médicalement ..., écrit-il. Pour le nouveau-né et sa famille, la question est donc d'éviter un acharnement thérapeutique et la prolongation de souffrances inutiles. Mais le problème de l'euthanasie se pose aussi dans les services qui s'occupent d'enfants plus âgés, dont ceux doués de discernement ... Un enfant décède du cancer tous les deux jours. On compte deux cent vingt nouveaux cas de cancer par an dans la population des enfants de moins de quinze ans. Même si la médecine a fait des progrès importants dans le traitement et la guérison du cancer, il n'en demeure pas moins que cette maladie provoque la mort d'enfants ... Il est actuellement admis que l'adolescent peut consulter librement un médecin et a le droit au respect du secret professionnel, même à l'égard de ses parents. Ne peut-on estimer que l'intervention médicale n'est possible qu'avec le consentement du mineur qui aurait acquis une maturité suffisante pour en apprécier la signification et la portée ? ... Si on considère que toute personne consciente et capable, atteinte d'une maladie grave et incurable, peut demander au médecin, dans certaines conditions, de mettre fin à sa souffrance en pratiquant sur lui l'euthanasie, il n'y a pas lieu d'exclure de cette démarche l'enfant doué de discernement. On ne comprendrait donc pas que l'on réglemente en faveur des adultes et qu'on laisse sur le côté les difficultés liées à la situation des enfants atteints de maladie incurable et arrivés en fin de vie. Les enfants sont des personnes à part entière qui, de plus, lorsqu'ils sont capables du discernement, ne peuvent, dans une question aussi fondamentale que celle de leur vie et de leur mort, être exclus des procédures et traitements, cela d'autant que la Constitution belge prévoit à présent que les enfants ont droit au respect de leur intégrité morale, physique et sexuelle. »

On citera aussi le professeur Moulin, en réponse à une observation de Mme Lindekens : « Vous avez donc rencontré de nombreux enfants cancéreux qui ont lutté plusieurs années. Vous les avez trouvés très mûrs. Je confirme le fait que l'on voit chez ces enfants une maturité exceptionnelle, comme si le temps prenait une autre importance. » (p. 415).

Et puis, s'il faut consulter l'équipe soignante, la famille, les proches, de qui parle-t-on ? Des infirmières, ou aussi des kinésithérapeutes, voire des femmes de ménage, souvent plus accessibles au malade ? (37) Des enfants, ou aussi des parents, des grands-parents, du compagnon ou de la compagne. Et que se passe-t-il en cas d'absence de proches ? Ou de conflit de conceptions au sein de l'équipe ou des proches ? « D'autre part, ajoute le docteur Englert, il n'y a pas toujours d'équipe soignante. On favorise de plus en plus la mort à domicile et non pas à l'hôpital, entouré d'appareillage médical. Il n'y aura pas toujours à la maison une équipe soignante. Il faut donc aussi penser aux situations ... des gens qui peuvent terminer sereinement leur vie auprès des leurs à domicile. »

Enfin la notion de mort prête elle-même à ambiguïté : « Je pense qu'il faut redéfinir la mort, a dit le professeur Vincent. On n'en est plus à l'arrêt de la respiration comme il y a des siècles ou à l'arrêt cardiaque comme avant la découverte des manoeuvres de réanimation cardio-respiratoires. Quand le coeur s'arrête, on peut encore souvent le faire redémarrer et c'est heureux. Il ne faut donc pas dire que la vie s'arrête quand le coeur s'arrête. La loi reconnaît déjà aujourd'hui la mort cérébrale et nous reconnaît le droit de prélever les organes lorsque tous les critères de mort cérébrale sont réunis. (Mais) sachez que nous sommes parfois confrontés au problème de malades qui ont perdu toute possibilité de récupération des fonctions cérébrales, qui n'ont plus aucune vie cérébrale mais qui n'ont pas tous les critères de mort cérébrale. » (p. 236).

Accord sur la nécessité des soins palliatifs

21) L'accord sur la nécessité de promouvoir les soins palliatifs est évident.

Le docteur Mullie en a donné cette belle image : « Les soins palliatifs sont comme le cordon ombilical entre l'enfant et la mère (entre le patient et la famille) : l'enfant fait tout autant la mère que la mère fait l'enfant; le mourant fait tout autant sa famille et après sa mort que la famille fait le mourant ... Les soins palliatifs n'évitent pas la mort mais la rendent très naturelle, très vivante, une vie d'amour jusqu'aux dernières heures. » (p. 443).

Il n'est pour autant pas toujours clair de savoir comment les organiser. Plusieurs conceptions paraissent exister ainsi que plusieurs modalités structurelles présentant chacune des avantages. L'intervenant renvoie à cet égard à la description des différents modes d'administration des soins palliatifs fournie par le docteur Distelmans, en distinguant équipes à domicile, équipes de soutien palliatif des grands hôpitaux, unités résidentielles et centres de jour (p. 66).

On pourrait espérer que le développement des soins palliatifs rende inutile le recours à l'euthanasie. Dans cet esprit, M. Schoonvaere a rapporté que « Dans une conférence à Québec, le professeur Léon Schwarzenberg (a déclaré) que lorsque les soins palliatifs auront atteint leur développement complet en France, on ne parlera plus d'euthanasie et qu'il arrêterait d'en pratiquer. » (p. 268).

Mais, comme l'admet lui-même M. Schoonvaere : « Comme dans tous les domaines médicaux, les soins palliatifs ont leurs limites. » (p. 285). L'administration des meilleurs soins continus et palliatifs n'empêche pas que subsistent de vraies demandes d'euthanasie.

Le développement des soins palliatifs bute évidemment sur des difficultés financières : le docteur Mullie le confirme : « Les moyens actuels permettent tout au plus de soigner un mourant sur trois. » (p. 444). On retiendra cependant cette observation de Mme Aubry : « Pour faire en sorte que les médecins et les infirmières soient suffisamment experts en matière de contrôle de la douleur, ce n'est pas tant l'argent qui manque que la volonté et le courage nécessaires. » (p. 363). Par ailleurs, les revendications formulées paraissent à première vue pêcher par manque d'évaluation budgétaire et de réalisme.

Enfin il est clair que les soins palliatifs doivent être un droit mais ne constituent jamais une obligation.

Large accord sur la nécessité d'une réglementation

22) Il a pu être constaté qu'il existe parmi les personnes entendues une très large majorité, sinon une unanimité, sur la nécessité d'une réglementation qui autorise la pratique de l'euthanasie et en fixe les conditions, du moins pour ce qui concerne la phase terminale.

Les propositions en la matière sont malheureusement demeurées plus que rares et les opinions sur la nature de la réglementation en cause divergent. Les aspirations sont au demeurant contradictoires : il faut garantir les droits du patient, entendre les demandes, assurer la sécurité du médecin et favoriser l'écoute de l'équipe soignante et des proches, mais sans formalisation excessive.

Parmi les partisans d'une réglementation, on citera d'abord les membres du Comité consultatif de bioéthique qui, quelles que soient leurs convictions personnelles et les modalités auxquelles ils la subordonnent, ont opté pour les options 2 et 3 de l'avis : le professeur Vermeersch (p. 2), le docteur Englert (p. 28), le professeur Van Neste (p. 50) et le professeur Schotsmans (p. 110).

On rappellera que, lors de sa deuxième audition du 15 février 2000, le professeur Vermeersch a suggéré qu'un régime différent soit appliqué selon que le patient se trouve ou non en phase terminale (p. 5).

On peut se réjouir de voir plusieurs intervenants qui défendent la proposition commune du 20 décembre 1999 dire qu'ils prennent conscience de ce qu'il faudrait peut-être effectivement envisager deux procédures distinctes.

En effet, cela permet, semble-t-il, d'augurer d'un accord sur la réglementation des conditions de fond de la pratique de l'acte d'euthanasie en phase terminale.

Parlant au nom de l'Ordre des médecins, le docteur Philippart a estimé ne pas avoir à se prononcer du point de vue des patients, et considéré que « pour les médecins le code de déontologie contient les réponses » (p. 76), tandis que le docteur Hache a déclaré : « Le Conseil n'a voulu se prononcer ni pour ni contre une initiative législative à cet égard. » (38). Le docteur Hache a expliqué que les réticences de l'ordre tiennent à ce qu'il n'est pas certain qu'une loi garantisse à suffisance la sécurité juridique des médecins (p. 85).

Malgré ses réserves à l'égard de la proposition du 20 décembre 1999 et tout en préconisant « une charte des droits du patient qui permettrait d'exprimer un projet thérapeutique et l'organisation de la fin de vie du patient », Mme Baum a opiné dans le sens de la « nécessité de réguler les pratiques et de trouver les moyens juridiques de réguler les abus de l'euthanasie » (39). Elle a même déclaré : « ... les projets de loi qui ont été présentés constituent une amélioration par rapport à la situation actuelle, où la loi est perpétuellement violée et ne protège personne. À mon avis, tout le monde est d'accord à ce sujet. »(p. 155).

Il faut souligner à cet égard que beaucoup d'intervenants sont arrivés avec un texte prudemment rédigé, manifestement pesé avec certains de leurs proches.

Dans le débat, le fond de leur pensée s'est souvent manifesté beaucoup plus clairement.

Tout en étant apparemment opposée à envisager l'euthanasie hors de la phase terminale, Mme Henry a déclaré : « La Ligue Alzheimer insiste sur la nécessité de respecter la volonté et les opinions de la personne durant sa maladie et à la fin de sa vie, sachant que la personne atteinte de démence sera de moins en moins capable d'exprimer ses volontés conscientes et réfléchies. Tout doit donc être mis en oeuvre pour lui fournir l'occasion de le faire au premier stade de la maladie, d'où la nécessité d'un diagnostic précoce, annoncé à la personne, à qui il importe de donner l'occasion de s'exprimer comme un individu à part entière. » Elle a ajouté en conclusion de son exposé : « La proposition de loi en discussion ne me paraît pas apporter, dans son état actuel, une protection plus grande de la personne que la loi existante. Il serait important de nuancer et de spécifier des dispositions en rapport avec les problématiques » (évoquées par elle) (pp. 166 et 167). En réponse à une question elle a précisé : « La piqûre létale n'est pas ce que nous voulons, cela fait peur. Si on peut être assuré d'être entouré psychologiquement et d'être soulagé physiquement, peut-être pourrait-on avoir confiance » (p. 171), et « ... il faut avancer dans cette réflexion, mais peut-être pas au point de dépénaliser au stade actuel des choses » (p. 175). À la question de savoir de laquelle des quatre options du Comité de bioéthique elle se sentait la plus proche, elle a répondu : « de la troisième » (p. 178).

Les dirigeants de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, Mme Herremans et M. Favyts, ainsi que Mme Roelandt s'expriment clairement en faveur de la proposition commune.

Évoquant le cas des handicapés mentaux, Mme Kempeneers s'est souciée, au regard de la notion de « capacité », de savoir qui était concerné par la proposition de loi commune et a exprimé sa crainte que l'euthanasie pourrait être imposée à des handicapés. Elle a commencé par déclarer : « À supposer que l'on ne parle pas dans la proposition de loi de phase terminale, une dérive redoutable pourrait être imaginée en ce qui concerne certaines personnes handicapées et notamment certains handicapés mentaux » (p. 219), puis, tenant compte des observations faites par les auteurs de la proposition, elle a opiné : « À partir du moment où une clarification est donnée dans le sens dont on vient de parler, je pense que les craintes pourraient être apaisées. » (p. 226).

Le docteur Vincent s'est déclaré partisan d'une réglementation, sans tout à fait croire à sa possibilité : « Oui, s'il vous plaît, faites quelque chose pour nous aider. Qu'il y ait dépénalisation ou qu'on légifère en la matière. » (pp. 240 et 243).

M. Schoonvaere n'est manifestement pas favorable à la légalisation de l'euthanasie, qu'il trouve en tout état de cause prématurée, tout en acceptant que la sédation contrôlée ne règle pas tout (p. 284).

Mme Vandeville partage les réticences de M. Schoonvaere. « La diversité de chaque situation rend difficile toute législation, estime-t-elle; il me paraîtrait préférable de proposer une réglementation et un encadrement de la décision médicale dans les situations les plus importantes concernant la fin de vie. » (p. 294).

M. Cosyns s'est déclaré partisan d'une réglementation (« Un changement de la loi doit d'urgence être réalisé. »), sans pour autant modifier la loi pénale (pp. 326 et 327).

Opposée elle aussi à la dépénalisation de l'euthanasie, Mme Diricq souhaite une réglementation qui mette le patient « au centre du processus » de décision en matière d'actes de fin de vie (pp. 341 et 350).

Mme Aubry est favorable à une réglementation, mais limitée à la phase terminale (pp. 365, 366, 367 et 371).

Le docteur Clumeck a exprimé « son extrême réserve quant à une dépénalisation de l'euthanasie » (p. 384). Il a ajouté : « J'ai dit que je n'étais pas favorable à la dépénalisation. Je n'ai pas dit qu'une loi sur l'euthanasie n'était pas utile. J'appelle de mes voeux une loi sur l'euthanasie, mais une bonne loi, une loi qui permette au médecin, au personnel soignant de ne pas hésiter entre la lassitude et la lâcheté. » (p. 389).

Tout en étant réservé et en objectant que « la proposition de loi, telle qu'elle est formulée, me donne parfois un certain sentiment d'irréalisme ou d'idéalisme », qui en réserverait le bénéfice à « un nombre relativement restreint de personnes particulièrement bien armées sur le plan de la culture, du caractère et de l'éducation, le professeur Moulin a considéré que « les intentions des auteurs de la proposition sont certes louables » (p. 412).

Encore qu'il pense que la proposition de loi commune s'appliquera à très peu de personnes « pour ce qui est de la vraie euthanasie active », le professeur Van Camp a déclaré : « Je pense personnellement qu'il règne actuellement une trop grande insécurité juridique et qu'une loi s'avère indispensable. » (p. 439).

Tout en faisant valoir des considérations de prudence, le docteur Mullie aspire à une réglementation : « Je suis de tout coeur avec ceux qui demandent l'euthanasie. Les gens ne demandent pas cela à la légère. J'espère que le législateur trouvera une voie permettant à ces personnes d'obtenir satisfaction sans devoir y associer des tiers en cachette. » (p. 449).

Mme Bouckenaere s'est prononcée contre la dépénalisation : « Il ne faut surtout pas modifier le Code pénal. L'interdit de tuer est un signal fort, une indication claire de la nécessité de protéger toute vie humaine... Nous devons maintenir une protection solide contre le risque de légitimer, de déresponsabiliser, de déculpabiliser trop rapidement les acteurs de terrain. Si l'euthanasie est dépénalisée, elle sera immédiatement banalisée. Elle fera d'emblée partie des options envisageables et nous permettra de faire l'économie de la recherche d'autres possibilités. Il me semble important que l'euthanasie reste toujours un geste d'exception, celui auquel on n'a recours qu'après avoir épuisé toutes les autres possibilités humaines et médicales... » (p. 33). Mais, a-t-elle ajouté après avoir plaidé pour une « charte des droits des patients légalisée », « Il existe des cas d'exception pour lesquels il devrait être possible d'agir sans risquer d'être poursuivi. » (p. 36).

Fort de l'expérience hollandaise, le docteur Ingels juge que la situation actuelle n'est satisfaisante ni pour le médecin, ni pour le patient (p. 57) et est manifestement en faveur d'une législation (pp. 59 et 64), mais il lie essentiellement l'euthanasie à la phase terminale (pp. 55, 59 et 64).

Observant que la licéité de l'euthanasie passive n'est pas discutée, le docteur Distelmans ne voit pas pourquoi le médecin ne pourrait agir activement (pp. 71 et 76). Le docteur Van den Eynden déclare : « Nous sommes pas a priori opposés à une réglementation légale des éventuels problèmes éthiques qui se posent en fin de vie. L'ambition d'une telle réglementation doit toutefois être de parvenir à des soins médicaux en fin de vie plus compétents, plus consciencieux et plus justifiés sur le plan éthique. Ceci implique qu'une réglementation légale doit réduire et non accroître les abus, pour que les plus faibles soient mieux protégés. Telle est en effet la raison d'être de toute loi. C'est pourquoi, la prudence et la circonspection sont ici de mise et la précipitation malvenue. (...) Nous estimons qu'il est injustifiable sur le plan éthique et social de rendre l'euthanasie légalement possible pour des patients ne se trouvant pas en phase terminale » (p. 12). « L'euthanasie n'est ni banale, ni simple, notamment parce que la demande d'euthanasie est tellement complexe. C'est pourquoi une réglementation légale doit rendre la pratique de l'euthanasie non pas plus facile mais plus vigilante, de manière à ce que l'on n'accède pas à des demandes d'euthanasie qui n'en sont pas véritablement ou à des demandes formulées sous la pression de tiers. Ceci implique un contrôle réel a priori. L'actuelle proposition de loi n'offre pratiquement aucune garantie d'une pareille vigilance » (p. 13). Il ajoute : « Je suis, moi aussi, convaincu que les soins palliatifs n'éliminent pas totalement les demandes d'euthanasie. Les chiffres le prouvent d'ailleurs » (p. 16) et « Dans certaines circonstances très extrêmes, l'euthanasie doit être possible, il est possible de déroger à la loi pénale où l'euthanasie ne figure pas explicitement mais bien implicitement. (...) Si le législateur tient quand même à réglementer, il devrait plutôt élaborer une réglementation générale. » (pp. 25-26).

Au regard du nombre, à ses yeux réduit, de vraies demandes d'euthanasies, le docteur Menten n'y est pas favorable : « Faut-il une loi pour lutter contre de tels abus ? », demande-t-il. « La réponse à cette question est fort difficile. » (p. 103).

M. Verstraete, souffrant de sclérose multiple, y aspire (p. 110).

Avant de témoigner à huis clos, le docteur Leroy a déploré publiquement que, comme médecin généraliste, il ne pouvait pas accéder dans les pharmacies à tous les produits nécessaires (p. 128).

Les pharmaciens qui sont intervenus, ainsi que certains médecins traitant à domicile, ont souligné les problèmes pharmacologiques pour une euthanasie convenable, là où ils estiment pouvoir la réaliser.

Le professeur Bron ne craint pas « qu'une dépénalisation de l'euthanasie puisse favoriser des dérives, en particulier des euthanasies non justifiées » (p. 135). Elle plaide donc fermement pour « que la loi donne à chaque patient le droit de pouvoir choisir la manière dont il souhaite mourir ­ selon ses propres convictions » (p. 136).

Mme Cambron-Diez exprime des réticences au cours de son exposé. Mais, questionnée ultérieurement plus précisément, elle déclare : « Mes critiques ne portent pas sur la loi qui a été prévue et qui garantit la liberté du patient. Elles reposent sur la crainte de ce qui se passera sur le terrain. Je ne remets donc pas la proposition en question parce que je trouve qu'il faut parler de l'euthanasie et que ce genre de débat est extrêmement important. » (p. 161).

Mme Rémy a témoigné à huis clos (p. 178).

Mme Pesleux n'est pas favorable à la proposition commune, mais elle serait partisan d'une réglementation de l'euthanasie qui fixe les droits du patient et associe les équipes soignantes et le cas échéant des tiers spécialisés à la décision (pp. 190 et 192).

Mme Vantournhout a témoigné à huis clos, mais au cours de sa brève intervention publique elle a paru mettre sur le même pied sédation contrôlée et euthanasie et estimé nécessaire une disposition législative.

Le professeur Messine a clairement fait état de son sentiment qu'il serait inopportun de légiférer en la matière. Mais il a admis qu'il ne serait pas impossible de réglementer l'euthanasie dans un cadre légal sur l'accompagnement de fin de vie (p. 231).

Le professeur Dalcq, on le sait, a proposé une formule alternative pour légaliser l'euthanasie en phase terminale dans le cadre d'une réglementation sur l'accompagnement en fin de vie (p. 251).

Parlant du point de vue du juriste, M. Panier a opiné que la proposition commune est « carrossable ».

Le professeur Adams s'est montré partisan d'une réglementation de l'euthanasie hors du Code pénal (p. 8).

M. Denecker et M. Delporte se sont exprimés en faveur d'une réglementation qui permette la pratique de l'euthanasie y compris dans ses aspects pharmaceutiques. Le premier s'exprime en faveur de la dépénalisation (p. 28).

On peut donc constater qu'à l'exception de trois intervenants, tous ceux qui ont été entendus sont, d'une manière ou d'une autre, partisans d'une réglementation (et dans l'ensemble très réservés à l'égard d'une dépénalisation) qui permette de pratiquer l'euthanasie, fût-ce dans des cas rares et exceptionnels, avec la sécurité juridique nécessaire ou suffisante pour garantir au médecin qu'il ne soit pas poursuivi et pour permettre l'ouverture d'un dialogue entre tous les intéressés en fin de vie.

Nécessité d'une réglementation globale

23) La problématique de l'euthanasie n'est qu'une partie de la problématique plus générale de l'ensemble des actes médicaux en fin de vie, qu'il y a intérêt à réglementer globalement.

Témoignages

­ Le docteur Englert : « La problématique de l'euthanasie n'est qu'une petite partie d'une problématique beaucoup plus large dans laquelle nous sommes engagés et qui est à mon avis très favorable : on se réapproprie la mort après une trentaine d'années où la médecine allait tout résoudre ... Le vrai problème, c'est que les patients sont privés de la possibilité de gérer leur fin de vie et que la relation médecin-malade est profondément distordue par le fait qu'il n'y a pas moyen d'aborder le problème fondamental auquel le patient est confronté. » (p. 35).

­ Le professeur Van Neste : « (...) pour combattre les pratiques inacceptables de fin de vie, il ne suffit pas de concevoir une procédure d'euthanasie et de lever la clause prohibitive à ce sujet. Il faut également introduire une régularisation de l'acte médical légitime. » (p.49). « Ma conclusion est qu'on a tout intérêt à réaliser une installation d'éclairage, non seulement sur les chemins jusqu'à présent interdits, mais aussi sur toute la voie dans toute la région frontière de l'acte médical en fin de vie. » (pp. 50 et 51). « Mon point de vue a toujours été que, si le législateur ne s'occupe que d'euthanasie, il se limite au sommet de l'iceberg dans l'acte médical en fin de vie. » (p. 73).

­ Le docteur Philippart : « La vie finissante devrait être envisagée sous ses différents aspects. La réduire à la seule possibilité de pouvoir solliciter une euthanasie serait regrettable car cela occulterait momentanément d'autres composantes non négligeables et d'autres besoins, à notre sens plus urgents. » (p. 81).

­ M. Schoonvaere : « La diversité de chaque situation rend difficile toute législation; il me paraîtrait préférable de proposer une réglementation et un encadrement de la décision médicale dans les situations les plus importantes concernant la fin de vie. » (p. 294).

­ Le docteur Distelmans, en réponse à Mme de T' Serclaes : « la discussion relative à la fin de vie n'était que le sommet de l'iceberg et (...) les droits des patients étaient déjà violés à un stade bien antérieur. » (p. 76).

­ Le docteur Clumeck : « On ne peut pas dissocier le débat sur l'euthanasie et les soins continus d'un véritable débat de société sur les droits des patients, le droit à la santé, et le type de médecine que nous souhaitons. » (p. 384).

­ Mme Pesleux : « Qui a dit au cours de ces auditions que la proposition de loi sur l'euthanasie était la partie visible de l'iceberg. Nous le ressentons très profondément. » (p. 199).

Dans cette perspective, il paraîtrait indiqué à l'intervenant, dans la législation en projet, d'énoncer clairement les droits du patient et d'appréhender tous les actes médicaux de nature à hâter le décès.

Compte tenu de la diversité des situations, cet énoncé des droits du patient ne peut sans doute se faire que sous la forme de principes d'application générale. S'agirait-il pour autant de « lapalissades » ? Aucun de ceux qui ont suivi les auditions, et qui ont entendu plus particulièrement les observations telles que celles qui viennent d'être citées, ne le pensera. La loi n'a d'ailleurs pas pour seule fonction de réglementer dans le détail, de manière répressive particulièrement : elle exprime une valeur sociale et morale à laquelle chacun est invité à conformer son comportement. Ce n'est pas parce qu'ils paraissent vérités d'évidence à ceux qui ignorent la pratique quotidienne qu'il faudrait faire l'impasse sur l'énoncé de ces principes. Au reste, M. de la Palisse n'était-il pas, comme se plaisait à l'évoquer feu Me Marcel Gregoire, l'un des plus grands juristes de son temps ?

Droits du patient

24) Plusieurs experts ont insisté sur l'importance de la garantie des droits du patient à l'information et au consentement.

Le professeur Baum a ainsi déclaré : « ... je défends une position a priori tout simplement parce qu'en travaillant avec une équipe volante de soins palliatifs, il m'a semblé que c'était la position la plus démocratique pour le patient. Mais cette position a priori doit être renforcée par une charte des droits du patient. En effet, il ne me semble pas possible, en droit positif ni en éthique, de définir une position éthique ou juridique consensuelle. Il faut simplement que l'État assure la convivialité des convictions conflictuelles. » (p. 146). « Dans cette charte, il y aurait des règles sur le droit à l'information que vous avez mentionné, sur les lieux d'information, sur les personnes à appeler. » (p. 152).

Le professeur Van Neste considère à ce propos : « Dans le suivi de ces codes (relatifs aux décisions en fin de vie), il faut respecter les droits du patient. Je pense ici surtout au droit d'autorisation, de participation dans le processus de décision pour passer d'un code à l'autre, à l'information claire pour le patient, mais aussi au droit de consultation dans le dossier médical concernant le respect de ces codes et des droits des patients. » (p. 51).

Le docteur Bouckenaere a demandé « une charte des droits des patients légalisée qui permettrait de faire référence » (p. 36).

Outre les experts précités, le docteur Cosyns (p. 327), Mme Aubry (p. 363) et Mme Pesleux (p. 203) ont plaidé dans le même sens.

« Pour moi », a déclaré Mme Aubry, « prendre ses responsabilités signifie disposer du savoir-faire suffisant pour pouvoir choisir la bonne solution parmi celles qui se présentent. Cela suppose que l'on informe et accompagne les malades, ce qui arrive trop peu souvent. Les droits du patient sont insuffisants. »

Une information adéquate, a-t-il été indiqué, contribue à l'apaisement des patients, avec des retombées économiques surprenantes.

Déplorant lui aussi que « les patients sont amenés dans des situations de soins à leur insu, sans leur consentement », M. Schoonvaere a évoqué le modèle américain : « Si vous allez aux États-Unis, vous verrez comment les programmes préopératoires sont communiqués au patient. Les études montrent que lorsqu'on l'informe clairement avant l'intervention, le patient consomme moins d'analgésiques, a moins de nausées et son séjour à l'hôpital est plus court de 10 %. Cela entraîne donc une économie extraordinaire dans le domaine de la santé publique. » (p. 287).

L'information

25) Le principe est clair : tout patient doit avoir droit à obtenir toutes informations utiles et appropriées sur son état de santé et sur les possibilités de traitement et de soins.

Il paraît à l'intervenant qu'en tant que principe, cette règle doit s'appliquer aux patients mineurs comme aux patients majeurs (40).

Mais il va de soi que le principe appelle des nuances, tenant à l'urgence, aux souhaits ou à la situation particulière du patient.

« Je prône le fait que l'on informe le patient afin qu'il reste maître du processus, mais pas n'importe quand ni n'importe comment, a ainsi expliqué Mme Diricq. Cela prend parfois du temps. Je suis parfois étonnée d'entendre le médecin responsable de notre équipe de soins palliatifs donner tout à fait clairement des explications à un patient, répondre au rythme des questions que lui pose le patient. Pourtant, le patient revient le lendemain avec les mêmes questions. Or il ne s'agit pas d'une personne qui a perdu ses facultés cognitives. Il y a d'autres processus, tel le déni, qui empêchent parfois d'être en contact avec certaines vérités. Je suis pour l'information la plus complète du patient. Mais il faut veiller à ne pas forcer les défenses du patient. Tout le monde n'est pas capable à n'importe quel moment d'entendre les choses terribles qui vont lui arriver. Comment donner cette information ? Il faut essayer de se situer sur une échelle qui va d'un paternalisme à outrance à l'autre extrême qui consisterait à ne prôner que l'autonomie. Entre les deux, je crois qu'il y a l'alliance thérapeutique. Pour pouvoir dire certaines choses au patient, il faut avant tout qu'il y ait un lien de confiance entre lui et son médecin. » (p. 356).

C'est évidemment sous une forme et en des termes appropriés en fonction de la capacité de discernement et de l'état physique et mental du patient que les informations auxquelles il a en principe droit doivent lui être communiquées.

Il peut aussi arriver que le patient ne souhaite pas être informé, préférant la sérénité que peut procurer l'ignorance et laisser au médecin ou à d'autres les choix difficiles auxquels sa situation le confronte (41) (42).

Le consentement

26) Toujours pour ce qui concerne les droits du patient, il paraît aussi utile d'énoncer le principe qu'aucun acte médical ne peut être posé, poursuivi ou arrêté sans le consentement libre et éclairé du patient.

Ici encore, le principe doit être nuancé : il ne peut s'appliquer que sous les mêmes réserves que le droit à l'information, c'est-à-dire sauf urgence ou indication contraire tenant aux souhaits ou à la situation du patient.

Ce consentement doit pouvoir être retiré à tout moment. Pour que le patient agisse en connaissance de cause, il faut, dans ce cas, que le médecin l'informe sur les effets prévisibles de sa décision.

Les directives anticipées

27) Il a été beaucoup question, au cours des auditions, des directives anticipées qu'une personne peut arrêter quant aux modalités de sa fin de vie pour le cas où elle ne se trouverait plus en état d'exprimer ses souhaits, et qui, dans le langage courant, sont improprement appelées « testament de vie ».

De très nombreux experts ont souligné l'importance de pareilles directives, tout en indiquant qu'elles ne peuvent avoir qu'une valeur indicative.

Dans la proposition qu'il avait déposée, M. Monfils s'était montré réticent à l'égard de pareil document : « Par définition, en bonne santé, le patient ne sait si et quand il sera atteint d'une affection grave. Il ignore l'environnement social dans lequel il évoluera à ce moment, il ne peut préjuger ni de l'évolution de sa personnalité, ni de l'attitude qu'il développera face à la maladie. » Il a précisé par la suite : « On discutait alors de la valeur d'un testament de vie, quel que soit l'âge auquel il était rédigé. J'avais cité l'exemple d'un étudiant de 25 ans qui rédigerait un testament de vie, un soir de sortie, testament que l'on invoquerait lorsqu'il aurait 65 ans. » (43). Il n'empêche que l'interprétation de la volonté ainsi définie du patient doit se faire avec prudence.

L'intervenant retient aussi des auditions que l'établissement du testament de vie ne doit pas être formalisé outre mesure. Laissons à cet égard la plus grande liberté au patient, qui peut s'inspirer des modèles diffusés par des associations comme l'ADMD. Mais il faut bien entendu que les conditions dans lesquelles est exprimée la volonté garantissent son authenticité.

Enfin, l'intervenant a aussi noté qu'il est utile de permettre au patient de désigner une personne de confiance pour le cas où il ne souhaiterait pas ou ne pourrait pas exercer lui-même ses droits à l'information et au consentement. Tout le monde ne songe pas à établir ou à renouveler ses directives, ou ne dispose pas de personnes susceptibles d'intervenir comme témoins. « La personne qui est seule doit aussi pouvoir rédiger une telle déclaration de volonté. », a indiqué le professeur Vermeersch (p. 9).

Diverses déclarations des personnes entendues méritent d'être rappelées à ce propos.

­ Le professeur Vermeersch : « La déclaration de volonté anticipée est très importante pour le médecin, parce qu'elle peut lui indiquer une direction. » (p. 7). « Au fur et à mesure que les garanties autour de la déclaration de volonté augmentent, le médecin peut se fonder sur celle-ci avec plus de confiance. Au fur et à mesure que les garanties sont plus faibles, le médecin peut moins s'y tenir. Même les plus progressistes du Comité consultatif de bioéthique n'ont jamais dit que la déclaration de volonté anticipée doit nécessairement être suivie par le médecin. Elle constitue pour le médecin un moyen d'excuse, mais il doit poser un jugement lui-même, ... » (p. 9). Et, en réponse à une question de M. Remans : « (...) connaissez-vous une meilleure protection contre l'euthanasie pour des raisons économiques que l'expression de volonté formelle ... ­ Non. » (p. 22 et 23).

­ Le professeur Van Neste : « J'espère que cette formule juridique est acceptée sans plus par toutes les parties. Dans la Recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe sur les soins palliatifs qui se rapporte à la protection des droits de l'homme et la dignité des patients en phase terminale et atteints de maladies incurables, on insiste sur la reconnaissance juridique du « living will » dans les pays européens. » (p. 51).

­ Le professeur Schotsmans : « Je ne suis pas partisan de réduire, dans l'acte médical, la déclaration de volonté dans le sens d'une réduction légale. On ne peut jamais prédire comment on va évoluer dans des situations qu'en tant qu'être conscient et sain, on ne peut prévoir. J'ai moi-même appelé la déclaration de volonté « la mort sur papier », la mort froide du papier. Ce qui se passe dans les derniers moments entre le médecin et le patient est trop important pour être simplement consigné sur papier et pour pouvoir faire ensuite l'objet d'un suivi bureaucratique. C'est pourquoi, si une réglementation devait malgré tout s'imposer, je supplierais presque qu'une personne de confiance soit associée à ce processus. Cela me semble beaucoup plus facile à concilier avec la pratique médicale quotidienne. Il y avait beaucoup de questions concernant les tâches précises de cette personne de confiance, mais le plus important pour moi est que cette personne soit présente, que quelqu'un puisse intervenir en tant que représentant du patient. À nouveau, cette personne ne doit pas agir seule, mais doit, avec le médecin, évaluer la situation en permanence. Cette stratégie permet en quelque sorte de reléguer au second plan l'aspect strictement « papier ». La réalité médicale est d'ailleurs trop complexe pour être reprise sur papier dans une déclaration de volonté. » (p. 123) (44).

­ Le docteur Philippart : « ... la possibilité d'une déclaration anticipée suscite également quelques questions. D'abord son contenu, dans la mesure où il évoque toutes les possibilités de vie finissante, peut en effet être utile et indicatif le moment venu mais, le médecin étant un acteur indispensable devrait pouvoir, dès le moment de la rédaction, exprimer clairement son propre point de vue et la limite de ses interventions. Par ailleurs, cette déclaration ne présume pas du changement possible de l'état d'esprit du déclarant ni du niveau de sa conscience. Entre la lucidité parfaite et l'inconscience complète, n'y a-t-il pas une gamme d'états intermédiaires ? De même entre l'état de pensée au moment de la rédaction souvent survenue au lendemain d'une mort qui a frappé le déclarant et celui du moment où débute sa propre fin de vie, d'importants changements sont possibles. La conviction d'hier peut s'émousser au contact de sa propre réalité, ce dont le patient n'aura pu prendre conscience avant. » (p. 80).

­ Le docteur Hache : « Nous avons des doutes importants en ce qui concerne la valeur d'un testament de vie qui a été établi des années à l'avance, à un moment où le patient était encore entièrement lucide, compos mentis. Chaque médecin, tant le médecin d'hôpital que le médecin de famille, fait l'expérience que l'état mental concernant les mesures à prendre en fin de la vie peut se modifier au fur et à mesure que celle-ci se rapproche. Beaucoup de personnes qui nous parlent d'euthanasie, et c'est encore plus vrai lorsqu'elles en parlent à leur médecin de famille, n'en disent plus un mot lorsqu'elles se trouvent au stade terminal. Non parce qu'elles sont devenues incapables d'exprimer leur volonté, mais parce qu'elles sont très bien prises en charge par leur entourage, parce qu'elles vivent la présence des personnes qui les entourent de façon très intense et qu'à ce moment-là, elles accordent à cet aspect énormément d'importance. C'est pourquoi nous ne croyons pas en de tels testaments de vie. Nous avons eu nous-mêmes de très mauvaises expériences à cet égard. » (p. 86; voir aussi p. 100).

­ Le professeur Baum : « Il s'agit de dire quel projet thérapeutique on veut établir avec le patient et comment, face à sa maladie, on imagine sa fin de vie. » (p. 162).

­ Mme Sabine Henry : « En Angleterre, (la ligue Alzheimer) préconise aussi le testament de vie, les directives anticipées, la désignation d'une personne référante ... » (p. 165). « La personne de confiance est le témoin et le porte-parole de la personne malade. Elle a été choisie par la personne pendant sa période de lucidité et a reçu le droit de prendre des décisions à sa place. Elle est détentrice des aspirations de la personne elle-même. C'est un rôle qui n'est pas très développé ici, mais au Canada c'est chose courante et nous pouvons peut-être nous en inspirer. » (p. 168).

Voir aussi les documents déposés par Mme Herremans et M. Favyts et leurs commentaires, pp. 181, 185, 186, 204 et 207.

­ Le docteur Vincent : « Ce n'est pas vraiment la solution, même si c'est peut-être une petite pièce à ajouter au puzzle. » (p. 234).

­ Le docteur Vandeville : « En ce qui concerne la déclaration anticipée, elle ne peut tenir lieu d'obligation légale, mais elle peut être un indice dans la discussion concernant la fin de vie. Quelle serait en effet la portée d'une telle démarche expresse qui ne peut tenir compte de la situation réelle au moment de l'acte ? » (p. 295).

­ Le docteur Roelandt : « Le testament de vie peut être important et afin de lever les doutes relatifs au testament de vie, on peut acter dans ce testament les noms de personnes qui sont en contact étroit avec la personne concernée et peuvent la représenter dans certaines situations où elle ne serait plus capable de s'exprimer elle-même. » (p. 303).

­ Le docteur Cosyns : « Cette notion est en effet cruciale ... Une déclaration de volonté relative au traitement constitue en premier lieu un accord de concertation. D'autres personnes, notamment les proches, le conjoint, les amis, sont de préférence impliqués dans cet accord. Je prends moi-même l'initiative d'associer ces personnes à la concertation. La déclaration de volonté relative au traitement ou déclaration anticipée devrait faire partie du dossier médical. » (45).

­ Mme Diricq : « Je pense que ce testament est un élément dont on peut tenir compte, mais qu'il n'est certainement pas le seul sur lequel se baser ... Le testament de vie est donc un indice, sans plus. » (p. 359).

­ Le docteur Clumeck, p. 390 : « (Le testament de vie) a certainement un sens pour le patient. Pour certains patients, il est très important de pourvoir se projeter dans un avenir, dans certaines circonstances, dans ce que je suis obligé d'appeler un « fantasme de mort », puisque la mort n'est pas là. Dans ce fantasme de mort, certaines personnes ne s'imaginent pas plongées dans des circonstances qu'elles jugent contraires à leur dignité et à leur souhait. Il est très important d'entendre les demandes et de prendre note du testament de vie. Pour moi, ce testament de vie n'est toutefois qu'une indication. » (p. 390).

­ Le docteur Van Camp : « Nous pouvons en effet soumettre la déclaration anticipée à un certain nombre de conditions. Comme le prévoit la proposition de loi, elle doit être répétée, récente et faite devant témoins. Son application est toutefois subordonnée à la nature de la maladie. Le cancer est une maladie évolutive dont l'issue négative, voire fatale est évidente. Il en va tout autrement d'un patient soudain frappé d'une hémorragie cérébrale. J'ai récemment eu le cas d'un patient qui avait fait longtemps auparavant une déclaration anticipée ou qui avait en tout cas dit quelque chose de ce genre en présence de nombreux témoins. Après son hémorragie cérébrale, il n'a plus demandé l'euthanasie. De tels patients sont pourtant confrontés à la situation inacceptable qu'ils avaient envisagée dans leur déclaration anticipée. Il est évident que dans ce cas, aucun médecin ne pratiquera malgré tout l'euthanasie. » (p. 429).

­ Le docteur Van den Eynden : « (...) il convient d'élaborer une réglementation relative à la déclaration de volonté, ce que l'on appelle les advanced directives » (p. 13).

­ Le docteur Distelmans : « Je trouve que la déclaration de volonté est un élément précieux pour la prise de décision finale, bien que ce ne soit pas le document ultime. On ne pourra jamais le rendre obligatoire légalement, mais comme je l'ai déjà dit, sur le terrain, les dispensateurs de soins se trouvent souvent au pied du mur. Ils doivent souvent prendre des décisions qui ne leur plaisent pas. Un testament de vie pourrait influencer la décision finale dans l'un ou l'autre sens. Plus on dispose d'éléments de décision, mieux cela vaut. » (p. 73).

­ Le professeur Bron : « Quant aux patients inconscients ou ceux dont l'état de conscience est trop altéré pour permettre une demande claire et sans équivoque, je dirai seulement qu'il me semble que la seule solution possible, ... pour qu'ils puissent se faire entendre est celle de la déclaration anticipée de volonté, ... avec un mandataire garant de cette déclaration. Bien sûr, cette déclaration doit être rédigée ou revue à un moment suffisamment proche de l'état d'inconscience pour que sa valeur ne soit pas contestée. » (p. 131).

­ Mme Cambron-Diez : « C'est l'un des éléments qui doit faire partie du puzzle au moment où on décode la demande du patient, ... J'ai beaucoup apprécié les propos (de M. Verstraete) qui a témoigné ici. » (p. 172).

­ M. Messine a évoqué Jean Barrois de Roger Martin du Gard, « roman philosophique sous forme de dialogue dont le héros, élevé dans la religion catholique, perd la foi au cours de son adolescence, devient un anticlérical farouche, et écrit une forme de testament dans lequel il proclame qu'il interdit à tout prêtre d'approcher de lui à l'heure de sa mort. Tout au long de sa vie, il se tient à cette attitude qu'il renouvelle chaque fois qu'il le peut, publiquement. Et puis, le jour où il agonise, c'est lui qui demande le secours du curé. Je suis frappé par le parallèle entre cette situation et celle du « testament de vie » : il montre qu'on peut changer d'avis à la dernière minute. Comment s'assurer que celui qui n'est plus conscient au moment où l'on s'apprête à mettre fin à sa vie conformément aux directives qu'il a données n'a pas changé d'avis avant de sombrer dans l'inconscience ? » (p. 211).

Obligation pour le médecin de dévoiler sa position

28) On sait qu'il y a des médecins et des institutions qui, par principe, refusent toute pratique de l'euthanasie (46).

Le patient doit pouvoir être éclairé quant à la position de principe de son médecin. Le professeur Schotsmans a confirmé ce droit : « Cela m'irriterait qu'un médecin refuse de communiquer ses convictions éthiques au patient. »(p. 119).

Par conséquent, le médecin qui estime, par principe, ne pas pouvoir répondre à tout ou partie des souhaits du patient quant aux modalités de sa fin de vie, doit être tenu de l'en informer lorsque le patient l'interroge à ce sujet.

Conditions des actes de fin de vie

Obligation d'assistance

29) Un principe général d'action médicale positive paraît à l'intervenant pouvoir être exprimé liminairement : le médecin doit au patient en fin de vie toute assistance morale et médicale, curative ou palliative, pour soulager ses souffrances physiques ou morales et préserver sa dignité.

Pas d'acharnement thérapeutique

30) Si l'accord est unanime sur le fait que l'acharnement thérapeutique ne se justifie pas, et malgré la conviction d'aucuns qu'il n'existerait pas, il demeure que, d'après certains témoignages, certains actes médicaux relèvent toujours de cette pratique, et parfois même dans un but intéressé.

« L'acharnement thérapeutique, unanimement rejeté aujourd'hui dans le discours, reste présent en milieu hospitalier. Cette attitude médicale engendre une souffrance inutile pour le patient, une peur parmi le public et suscite la demande d'euthanasie chez les malades comme chez les bien portants », a déclaré Mme Pesleux (p. 189).

Mme Aubry a imputé cet acharnement à une méconnaissance des soins palliatifs ou à un refus de reconnaître leurs limites dans le chef de certains medecins : « (...) à certains endroits, des personnes sont toujours confrontées à l'acharnement thérapeutique, non seulement parce que les connaissances en matière de soins palliatifs sont insuffisantes, mais aussi parce que les soignants ne reconnaissent pas assez rapidement que le patient a atteint la phase palliative, ou parce qu'ils n'ont pas encore apprivoisé le sentiment d'échec. » (p. 362).

De son côté, le docteur Bouckenaere a livré un témoignage inquiétant en rapportant cette considération du chef de cabinet de la ministre de la Santé publique, Mme Magda Alvoet, selon lequel « tant que les hôpitaux resteraient subventionnés sur base des actes techniques, l'acharnement thérapeutique persisterait. » (p. 42) (47).

Il ne paraît dès lors pas inutile à l'intervenant qu'il soit posé que le médecin doit s'abstenir de tout acte qui ne puisse raisonnablement contribuer à améliorer la santé ou la situation du patient, et plus particulièrement de tous actes inutiles ou disproportionnés par rapport à son état, en ce qu'ils n'offriraient, au regard du dernier état de l'art de guérir, aucune perspective raisonnable de guérison, d'amélioration ou de soulagement de ses souffrances, mais n'auraient pour objet que de retarder le décès.

Principe général. Avis de l'équipe soignante et de tiers

31) L'intervenant dégage enfin des auditions une règle générale qui doit être respectée dans tous les actes relatifs à la fin de vie du patient, quels qu'ils soient (abstention ou arrêt thérapeutique, sédation contrôlée, euthanasie) : le médecin doit agir en conscience, selon le dernier état de l'art de guérir et de soigner et les principes de bonne conduite médicale généralement reconnus, dans le respect des droits du patient, et en tenant compte de l'avis de l'équipe soignante et, dans toute la mesure du possible, de l'avis de tiers susceptibles d'être utilement consultés.

32) L'association de l'équipe soignante aux décisions de fin de vie me paraît, du moins en principe, un impératif, sous cette réserve que la décision finale, et la responsabilité des actes de fin de vie, appartient toujours au médecin : il doit en tenir compte, mais n'est évidemment pas lié par elle.

Divers experts ont souligné la nécessité de cette association, et la plupart se sont déclarés partisans de donner à la consultation de l'équipe soignante un caractère impératif.

­ Le docteur Englert : « ... à mon sens, il n'existe aucune interdiction pour le médecin de consulter les personnes dont il estime devoir prendre l'avis. Ce serait parfaitement contraire à la logique de la consultation médicale, y compris de l'équipe soignante. Je n'ai personnellement aucune objection à ce qu'il y ait une communauté, dans la mesure où elle existe en milieu hospitalier, avec les infirmières car elles connaissent beaucoup de choses que les médecins ignorent à propos des patients. Ce serait tout à fait différent d'en faire une obligation, ... Je suis personnellement très réticent à faire de la consultation de l'équipe soignante une obligation légale. Je pense que ce serait une « procéduralisation ». En pratique, la plupart du temps, c'est quand même comme cela que ça se passe. Le cas vécu à Liège montre d'ailleurs comment les choses se terminent dans le cas contraire. Les conflits à l'intérieur d'une équipe sont toujours préjudiciables au patient. » (p. 46). Il ajoute : « ... je ne voudrais pas donner le sentiment que je pense que les infirmières ne doivent pas être impliquées, ... Je crois qu'il faut être réaliste, ce qui ne veut pas dire que je suis opposé à la consultation de l'équipe soignante. Je suis opposé à en faire un élément obligatoire parce que je pense qu'elle ne s'applique pas à toutes les situations et que, dans la pratique, vous aurez de très grosses difficultés à définir que le médecin a accompli cette partie-là de l'exigence. » (p. 46).

­ Le professeur Schotsmans : « Même l'intervention médicale la plus simple est préparée en détail au moyen d'avis et de contacts, alors pourquoi cela ne serait-il pas le cas lorsqu'il s'agit de prendre une décision irréversible ? » (p. 46).

­ Le docteur Bouckenaere : « Les questions éthiques relatives à la fin de vie réclament impérativement une discussion collégiale préalable impliquant l'équipe soignante, si possible les proches du patient et, dans des cas plus complexes, telles qu'une demande d'euthanasie persistante, il me semblerait utile de disposer de cellules d'aide à la décision. » (p. 31). « Je souhaiterais qu'une législation rende obligatoire la consultation collégiale, ... » (p. 36) (48).

­ Le docteur Clumeck, p. 393 : « À mon avis, la consultation de l'équipe soignante devrait être impérative. »

­ Mme Aubry : « Les infirmières demandent ici une contribution formelle. Elles ne réclament pas le dernier mot, ni le droit de prendre la décision, elles veulent une concertation transparente et une politique cohérente. » (p. 365).

­ Le docteur Mullie : « L'équipe de SP est à notre sens, a fortiori chez les patients (pré)terminaux, l'instance la plus appropriée sur le plan éthique, vu son expérience interdisciplinaire, lorsqu'il s'agit de fournir un avis et d'assurer les soins au lit du patient » (p. 445). « Pour le médecin qui pratique l'euthanasie, il est très important de pouvoir compter sur une équipe. »

­ Mme Pesleux : « Décoder la demande et y apporter une réponse adaptée nécessitent une concertation entre tous les acteurs qui ont un contact avec le patient. Parmi ces acteurs, les infirmières ont une compétence, une expérience scientifique et une approche particulière de la personne malade et de sa famille. Elles participent ainsi, avec les autres paramédicaux, à l'approche globale du patient. De plus, par leur présence prolongée dans le service, par les soins intimes et réguliers aux patients, les infirmières sont souvent très proches de ceux-ci et détentrices de pas mal d'informations à leur sujet, ... La prise de décision par le médecin, sans concertation avec l'équipe soignante, va à l'encontre de la prise en charge pluridisciplinaire prônée aujourd'hui en médecine. Il nous paraît impensable de laisser une décision aussi grave sur les épaules d'un seul homme. La concertation est un barrage contre l'arbitraire. » (p. 185).

­ Le professeur Dalcq : « Je crois effectivement qu'il est souhaitable qu'un médecin puisse s'éclairer avant de prendre la décision concernant des soins qui pourraient également raccourcir la survie du malade. Il faut donc selon moi que l'ensemble de l'équipe soignante, aussi bien infirmières que médecins, participe à la discussion au sujet de l'état incurable ou non du patient et que cet état soit si possible confirmé par un autre médecin, que la famille ou des proches soient informés si c'est psychologiquement possible, et puissent donner leur avis. Je pense cependant qu'il ne faut pas aller trop loin dans les détails à ce sujet, chaque cas pouvant être différent. Il faut que l'équipe soignante constitue dans ces cas une cellule de concertation et non une cellule de décision ... Sur le plan juridique, cette concertation permettra au médecin de se justifier si on lui fait des reproches mais la cellule de concertation ne constitue pas un tribunal. » (p. 249).

Actes de nature à hâter le décès

33) Quelle que soit l'appréciation que l'on puisse porter sur la différence entre sédation contrôlée et euthanasie au sens strict, la pratique continue à distinguer, parmi les actes médicaux de nature à hâter le décès par l'administration de substances diverses, ceux qui ont pour effet secondaire de hâter le décès et ceux qui visent spécifiquement à le hâter.

La licéité des premiers n'est contestée par personne. Cela ne signifie pas que ces décisions ne doivent pas être encadrées.

On peut citer à ce propos le professeur Baum : « Il me semble qu'une euthanasie n'est légitime que si le patient la demande, soit par des directives anticipées, soit directement à son médecin. Je constate simplement que, dans des situations de dilemme terrible auxquelles les médecins doivent faire face, l'euthanasie non volontaire paraît être la moins mauvaise solution. Il me semble que, pour échapper à cet arbitraire, il faut encadrer cette décision pour qu'elle ne soit pas prise dans un moment de perte de contrôle. » (p. 150).

Il ne paraît pas davantage contestable, à tout le moins lorsque la mort est inéluctable et qu'un certain nombre de conditions sont remplies, que les seconds doivent eux aussi pouvoir être posés.

Condition de l'acte d'euthanasie

34) Sur le principe que, dans des conditions à définir et pour autant qu'il s'y conforme, le médecin doit pouvoir poser un acte d'euthanasie sans s'exposer à quelque sanction, un large accord paraît possible à l'intervenant.

Le professeur Vermeersch, en évoquant la proposition commune du 20 décembre 1999 et celles du PSC et du CVP, l'a constaté au départ des auditions : « Il existe à tous égards un consensus minimal dans les trois propositions sur le fait que l'euthanasie doit être possible dans certains cas sans être punie. (...) Vandenberghe (...) suggère et Nyssens pose explicitement que le médecin qui s'en tient aux conditions soit normalement mis hors de cause. » (p. 3).

Au-delà du principe, l'accord paraît aussi possible sur les conditions en cause.

Une mise en garde s'impose cependant : il convient d'éviter, pour la sérénité de ce débat, de confondre le fond et la forme. Comme l'a observé un autre intervenant, le débat sur l'euthanasie est trop souvent pollué par une confusion entre les conditions de fond auxquelles devrait être soumis l'acte d'euthanasie et l'habillage juridique de la question. L'intervenant rappelle à ce sujet l'observation tout à fait pertinente de M. Remans en ce sens, en réponse à une intervention du professeur Van Neste : « En ce moment, le choix de la forme juridique est accessoire. Nous voulons seulement légitimer ce qui se passe actuellement dans la zone d'ombre. La voie juridique à suivre fera l'objet d'une étape suivante. » (p. 68).

35) Lors de sa seconde audition du 15 février 2000, le professeur Vermeersch, reconsidérant les conditions de la proposition commune du 20 décembre 1999, a énoncé comme suit les conditions à ce propos (p. 5) :

« Premièrement, le patient doit avoir une volonté de mourir réfléchie et permanente. Il ne peut pas être influencé par des tiers et il ne peut pas s'agir d'une dépression passagère. Deuxièmement, la situation médicale doit être objectivement irréversible et la souffrance doit être vécue par le patient comme insupportable et sans issue. Troisièmement, le médecin qui exécute l'euthanasie doit consulter un collègue médecin qui donne avis sur la situation médicale, le caractère inéluctable de la souffrance et de la possibilité d'y remédier, ainsi que sur la durabilité et l'authenticité de la demande d'euthanasie. Ce médecin doit avoir un entretien personnel détaillé à ce sujet avec le patient. Quatrièmement, les membres de la famille et le personnel soignant qui sont importants pour le patient doivent être informés et peuvent également donner leur avis, moyennant l'accord du patient. Cinquièmement, la décision finale est prise par le médecin qui réalise l'euthanasie, si le patient s'en tient à sa décision, et enfin, ce médecin doit choisir en expert le produit euthanasiant adéquat. »

Il a ajouté : « Je suis absolument d'accord avec l'idée que chaque décision doit être précédée d'une réflexion éthique approfondie sur l'euthanasie. »

Lors de l'audition des représentants de l'Académie de Médecine (section francophone) à laquelle l'intervenant a procédé personnellement avec quelques collègues, ceux-ci ont exposé leur position de consensus qui a été ultérieurement confirmée par une communication officielle de l'Académie :

« Les membres de l'Académie s'accordent sur la prudence avec laquelle il convient d'accueillir une demande d'euthanasie formulée par un patient. Une telle demande appelle toujours un dialogue approfondi entre patient et médecin, afin d'en élucider le sens et les motivations, ...

Il faut aussi prendre en compte les charges psychologiques lourdes qu'entraîne, pour les équipes soignantes et les médecins, l'accompagnement des patients en fin de vie. Les membres de l'Académie souhaitent que s'organisent des groupes de réflexion, d'évaluation et de soutien à ces équipes, de manière à leur permettre d'accroître leur expérience dans un climat d'objectivité et de sérénité ...

Il est recommandé au médecin qui accepte d'accompagner un patient dans une procédure d'euthanasie active de recueillir (par écrit si nécessaire), l'avis pronostique d'un confrère, expert reconnu dans la pathologie dont souffre le malade, et de s'assurer le concours d'une compétence pharmacodynamique appropriée, afin de garantir un déroulement optimal de la fin de vie induite. »

Par rapport à ce qui précède, les diverses propositions de loi qui ont été déposées ne paraissent pas à ce point éloignées qu'il ne serait pas possible de rapprocher les points de vue sur les conditions de l'acte d'euthanasie. L'intervenant souhaite apporter à ce propos quelques considérations sur un certain nombre de questions évoquées au cours des auditions.

Souffrances

36) Des divergences de vues semblent exister sur la nature des souffrances qui justifient le recours à l'euthanasie : la souffrance doit-elle être physique, ou suffit-il qu'elle soit morale ? Faut-il qu'elle soit irréductible et insupportable, ou suffit-il qu'elle soit l'un ou l'autre ? Comment ces caractéristiques de la souffrance doivent-elles être appréciées ?

Sur le premier point, le docteur Mullie a apporté à Mme De Schamphelaere une réponse qui semble déterminante : « Je puis seulement répondre que la souffrance psychique est une souffrance aussi grande, voire plus grande que la souffrance physique. D'une part, elle est peut-être plus longtemps réversible, mais, d'autre part, elle peut être tout autant sans issue » (p. 455). Dans le même sens le docteur Englert a rapporté que « Par rapport à la détresse, à la souffrance morale, il faut rappeler que, contrairement à ce qu'on pense, dans les analyses faites en Hollande, la douleur physique est relativement peu présente dans les demandes d'euthanasie. Seules 10 % des demandes d'euthanasie sont justifiées par un problème de stricte douleur physique. » (p. 37).

Sur le troisième point, l'intervenant estime acceptable qu'il soit exigé que le caractère irréductible de la souffrance soit établi par référence à la science médicale admise (« heersend medisch inzicht»), sous cette réserve que l'appréciation en la matière relève du seul médecin traitant et du confrère spécialisé qui devrait être préalablement consulté.

Consultation d'un tiers spécialiste

37) La consultation de ce spécialiste paraît indispensable à l'intervenant. Outre l'autorité de l'Académie de médecine et M. Vermeersch, déjà cités, on peut aussi faire référence à d'autres intervenants comme le docteur Englert (p. 44), en réponse à des questions de M. Galand :

­ M. Galand : « Monsieur le Professeur, selon vous, en quoi devrait consister l'intervention d'un deuxième médecin ? »

­ Le docteur Englert : « Pour moi, l'aspect crucial de l'intervention d'un second médecin est double. D'une part, j'y vois une sécurité par rapport aux abus manifestes. Il convient de vérifier qu'il s'agit bien d'une maladie incurable, que l'on est dans une situation sans issue et que l'on n'est pas en train de contourner l'esprit et la lettre de ce qui fait la légitimité de l'euthanasie. D'autre part, il peut exister, en toute bonne foi, des situations que j'ai appelées « fusionnelles », dans lesquelles le médecin, par la longueur de sa relation avec le patient et par son implication dans cette relation, perd la distance reconnue nécessaire à la prise de décisions adéquates. C'est la raison pour laquelle il est déconseillé aux médecins de soigner leur propre famille. Cette vieille règle n'est pas toujours respectée, et c'est une erreur. Il peut exister d'autres situations où l'on perd cette distance, en toute bonne foi. L'oeil neuf, extérieur, apporte le contrôle et la distance nécessaires qui permettent de dire qu'il n'y a rien d'autre à faire, que la maladie est incurable. Cela permet d'éviter que le médecin ne soit pris dans une logique où il ne perçoit plus la réalité objective. »

­ M. Galand : « Considérez-vous que ce deuxième médecin donne un avis éventuel sur le caractère irréductible de la souffrance ou de la détresse ? »

­ Le docteur Englert : « Je situe son intervention dans le sens où il pourrait dire qu'il n'a rien d'autre à proposer que ce qui a été déjà fait ou envisagé pour soulager le patient. Je perçois un aspect plus difficile de votre question, à savoir s'il doit évaluer que la demande est persistante, répétée, ce qui est peut-être plus délicat. En tout cas, constater que le patient est profondément déprimé fait partie de l'évaluation qu'il doit faire. Il pourra suggérer de lui administrer des antidépresseurs en raison de son état de dépression intense. De la même façon, il pourrait suggérer la pose d'une péridurale avec un anti-douleur en continu. Pour moi cela fait partie de la même évaluation médicale de la situation qui peut prendre en compte, par exemple, des aspects de la dépression. »

Le professeur Van Neste a exprimé un avis analogue : « Toutefois, je suis partisan d'y associer une tierce personne. » (p. 57). « En ce qui me concerne, la tierce personne peut être simplement un médecin, étant donné que des médecins font aussi partie de l'équipe des prestataires de soins palliatifs. » (p. 67).

On peut aussi citer le docteur Clumeck : « Dans le colloque singulier avec son patient, le médecin est in fine le seul détenteur de la décision finale. Afin qu'il ne porte pas seul le poids parfois lourd d'une décision difficile, outre l'avis d'un collègue indépendant expert en la matière, il devrait également éclairer la demande du patient de l'avis de l'équipe soignante et de l'équipe soins palliatifs si elle existe localement. » (p. 383).

Le docteur Mullie s'est pour sa part exprimé comme suit au sujet de l'intervention d'un second médecin : « Le rôle du second médecin doit être accru. Le second médecin doit donner son avis non seulement sur le caractère incurable de la maladie mais aussi sur les conditions posées à la requête du patient et sur la situation de souffrance continue et insoutenable ou de la détresse qui ne peut être soulagée. » (p. 447).

Le professeur Bron a elle aussi plaidé en ce sens : « Il faut mettre un garde-fou et convoquer un deuxième médecin. » (p. 144). De même Mme Pesleux : « Lorsque la demande d'euthanasie semble confirmée, nous pensons qu'il peut être intéressant de joindre à la réflexion une personne extérieure ou une instance qui éclaire la démarche de sa compétence propre. » (p. 185).

Il faut ajouter que l'acte d'euthanasie n'est pas facile à décider. « Un acte de cette nature n'est jamais anodin pour le médecin. C'est quelque chose de très lourd à porter et qui laisse une trace », a dit Mme Bouckenaere (p. 29 ) et le docteur Mullie s'est exprimé dans le même sens (pp. 452 et 464).

Il va de soi que l'acte euthanasique doit être posé par le médecin lui-même. MM. Vermeersch, Englert et Adams ont été très nets à ce sujet (49). L'Académie de médecine exprime le même avis et on s'étonne que le docteur Haché se soit interrogé à ce propos (p. 100).

Le dossier médical

L'intervenant considère que ce dossier doit constituer le pivot et la limite du formalisme nécessaire en la matière.

38) Plusieurs experts ont insisté sur l'importance du dossier médical comme élément de mémoire du processus.

­ Le professeur Van Neste : « En vue de la transparence et de la possibilité de vérification, il faut faire mention dans le dossier médical de toutes les décisions. » (50). « Certains, dont moi-même, font aussi remarquer que la constatation qu'il existe une demande actuelle permanente de la part du patient, doit aussi être mentionnée explicitement dans le dossier. » (51). « Sur la question de la transparence pour toutes les décisions médicales ou pour les seules décisions en matière d'euthanasie, je suis évidemment partisan d'une transparence aussi grande que possible pour toutes les décisions médicales et pour les consigner dans le dossier médical. (...) Cela signifie qu'il faut conserver toutes les décisions dans le dossier du patient. C'est pourquoi nous avons fait de ce dossier un formulaire à double, tant pour le dossier médical que pour le dossier infirmier, afin qu'aucun doute ne soit possible sur l'état du patient. » (p. 137).

­ Le docteur Cosyns : « La déclaration de volonté relative au traitement ou déclaration anticipée devrait faire partie du dossier médical. » (p. 324).

­ Mme Diricq s'est plainte de l'insuffisance des dossiers : « La lecture de certains dossiers médicaux dans les services curatifs est parfois instructive à ce propos : plus le patient se dégrade, plus il s'approche de la mort, plus les notes dans son dossier diminuent, au même rythme parfois que les passages dans sa chambre. « Il n'y a plus rien à faire » et la mort sociale précède la mort clinique. On parle déjà de lui à l'imparfait. C'est tout juste si le patient ne s'excuse pas d'être encore là. » (p. 343).

Autres formalités

39) Toutes autres formalités, a priori ou a posteriori, semblent en revanche inadéquates à l'intervenant.

La consultation d'un tiers médecin et la discussion collégiale préalable avec l'équipe soignante, rendue obligatoire, ainsi que la consultation éventuelle de tout tiers utile, comme le cas échéant les cellules d'aide à la décision, sont à ses yeux une forme de contrôle a priori suffisante.

On peut citer à l'appui de cette considération le docteur Bouckenaere (p. 40) et le docteur Mullie (p. 445), Mme Pesleux (p. 190) ainsi que M. Adams : « L'estimation médico-éthique préalable doit surtout être considérée comme un soutien au médecin et au patient et pas comme un contrôle dont dépend la possibilité de passer à l'euthanasie. » (52).

Le professeur Vermeersch, pour sa part, a observé que « toutes les propositions (...) qui ne tiennent pas compte du caractère souvent extrêmement urgent de la décision, sont intenables dans la pratique. Bref, une procédure compliquée n'est pas nécessaire en phase terminale, parce que les abus ne peuvent pas avoir un effet important, mais elle n'est pas souvent efficace, parce qu'elle se déroule plus lentement que les processus de mort naturelle. » (p. 4).

L'intervenant considère aussi que le recours au dossier médical suffit pour vérifier la légalité de l'acte a posteriori et que la déclaration obligatoire est contraire au secret médical et surchargerait les parquets.

Le docteur Clumeck déclare ainsi : « Une déclaration a posteriori n'a aucun sens. Elle n'a aucune vertu pédagogique, elle vise à permettre au procureur du Roi de se saisir des rares cas en infraction avec la loi, mais qui va déclarer quelque chose alors qu'il sait être en infraction ? Le plus probable, c'est que dans des cas douteux, il n'y aura pas déclaration, comme cela se passe en Hollande dans plus de 20 % des cas. » (p. 383).

Le docteur Ingels, relatant l'expérience hollandaise, fait état de la difficulté à porter l'appréciation de l'acte devant une instance non-médicale : « Aux Pays-Bas, on tente de modifier la composition de la commission de contrôle, afin que les médecins s'y reconnaissent davantage en tant que groupe professionnel. On veut qu'un plus grand nombre de collègues médecins fassent partie de cette commission parce qu'on estime que dans une commission composée d'un médecin, d'un juriste et d'un éthicien, deux personnes sont probablement très éloignées de la pratique quotidienne. On veut donc que deux médecins siègent dans cette commission et éventuellement aussi un certain nombre d'infirmiers. » (p. 62).

Le professeur Vermeersch : « Soit le parquet examine tous les cas sérieusement, mais alors je me demande quel est le sens de tout cela. La plupart des cas seront en effet absolument acceptables. En outre, le renvoi de quelque chose au parquet revient à une autoaccusation. Soit le parquet classe simplement ce qu'il reçoit et la procédure entière n'a aucun sens ... » (p. 22).

Le professeur Van Neste : « Mais dans la proposition de loi de la majorité aussi, il existe un article qui détermine ce que le médecin doit vérifier avant de prendre une décision. C'est en fait une procédure a priori : il est indiqué à quelles conditions le processus de décision doit satisfaire avant que la décision ne soit prise. » (p. 7).

Le docteur Philippart : « Sans présumer de la disponibilité de la Justice à prendre une décision en un aussi court laps de temps, la période d'attente ne manquera pas d'être intolérable pour le médecin, mais plus encore pour la famille dont l'entrée en deuil serait ainsi différée et certainement perturbée. Ceci n'encourage-t-il pas à court-circuiter la déclaration demandée par la proposition, en occultant l'euthanasie et en déclarant d'emblée à l'officier de l'état civil qu'il s'agit d'une mort naturelle ? » (p. 78).

Le professeur Dalcq : « Personnellement, je ne crois pas qu'il y ait lieu de légiférer au sujet de la procédure de contrôle a posteriori prévue par l'article 5 de la proposition du 20 décembre 1999 parce que cette procédure me paraît impraticable. Il suffit d'ouvrir n'importe quel journal à la rubrique judiciaire pour constater que les faits qui viennent actuellement devant les tribunaux correctionnels ont souvent été commis trois, quatre, cinq ans, si pas davantage, avant qu'ils ne soient jugés. Le parquet ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire le contrôle qu'on lui demande afin de donner une appréciation sur les mentions prévues à l'article 5 de la proposition; il faudrait nécessairement, pour que ce soit réalisable, que le parquet soit assisté de médecins ayant une compétence très large sur le plan médical pour apprécier les différents cas de vie finissante, ce qui paraît difficile à envisager. Ne nous faisons pas d'illusion sur les compétences de généraliste des médecins légistes, il s'agit de deux spécialisations totalement différentes. Enfin, il ne faut pas se faire d'illusions non plus sur le fait que si le médecin se trouvait réellement dans les conditions où il s'agirait d'une euthanasie inadmissible, il y a beaucoup de chance que cela n'apparaisse pas dans le dossier communiqué au parquet. Cette formalité me paraît donc inutile. Par contre, si le Parlement souhaite pouvoir apprécier l'influence de la loi sur l'évolution dans les faits comme on l'a fait pour l'avortement, il est tout à fait normal qu'il y ait une commission fédérale d'évaluation. » (p. 250).

M. Panier : « Mes réserves par rapport à la proposition la plus discutée aujourd'hui tiennent notamment au rôle que l'on entend assigner aux parquets, avec une information systématique » (p. 277). « En tout cas, la communication systématique telle qu'elle est prévue ici me paraît non seulement peu praticable, mais pouvant comporter une sorte d'effet de dédouanement moral : j'ai prévenu le procureur, tout est en ordre. » (p. 290).

Le professeur Vincent : « C'est l'aspect administratif qui rebute. Nous tenons à ce que la mort reste un phénomène tout à fait naturel et que l'on ne doive pas remplir des documents pour permettre à la personne de mourir. » (p. 256).

L'intervenant estime cependant que le contrôle des décès doit être modernisé. Une habilitation doit être donnée à cette fin au Roi selon les principes énoncés dans la proposition de loi qui comporte des dispositions en ce sens (53).

On entend beaucoup parler aujourd'hui d'un « tampon » entre le parquet et le médecin, et de l'intervention éventuelle de la commission d'évaluation.

L'intervenant n'y est pas favorable. Alors que beaucoup expriment le souhait de ne pas légitimer l'euthanasie, il ne comprend pas, à titre personnel, pourquoi l'on instituerait une procédure spécifique de déclaration des euthanasies. Les conditions dans lesquelles l'euthanasie pourrait se pratiquer dans des cas jugés exceptionnels, en phase terminale, paraissent une garantie suffisante, assortie au dossier médical. À partir du moment où il s'agit, dans cette phase terminale, de hâter le décès de quelques heures (dans 20 % des cas), ou de quelques jours (dans 80 % des cas), l'intervenant considère que le décès doit être tenu pour naturel et qu'il ne s'indique pas, par une procédure de déclaration, de légitimer le fait que ce serait, en quelque sorte, un arrêt de vie que l'on a provoqué.

Il y a là, semble-t-il, dans le chef des partisans de la déclaration obligatoire, une contradiction. Cela ne signifie pas que l'intervenant ne considère pas que la déclaration et le contrôle des décès devraient être modernisés. La proposition du CVP contient à ce sujet un nombre important de suggestions techniques fort intéressantes.

Une procédure de rapport global à une commission d'évaluation paraît également acceptable, mais l'intervenant est, à titre personnel, adversaire d'une procédure de déclaration au cas par cas à une telle commission.

Considérations juridiques

40) Le souci de mettre un terme à la pratique clandestine de l'euthanasie et de favoriser la relation de confiance entre médecins, équipes soignantes, patients et proches doit amener non seulement à définir avec précision les conditions dans lesquelles l'acte en cause peut être posé, mais encore à déterminer de quelle manière il peut être garanti que, à supposer que ces conditions soient réunies, le médecin ne soit exposé à aucune condamnation. Il faut pouvoir écarter toute zone d'ombre pour assurer une parfaite sécurité juridique.

Comme l'a dit M. Panier : « S'agissant de la vie et de la mort, on gagne toujours à ce que la position et la responsabilité des uns et des autres soient claires, plutôt qu'à mener une politique du gendarme, du bâton derrière la porte avec des notions qui sont autant d'épées de Damoclès sur la tête des praticiens. » (p. 278).

Ceci ne signifie pas que le médecin qui aurait pratiqué une euthanasie ne pourrait pas être « convoqué devant la justice », c'est-à-dire appelé à s'expliquer sur les conditions de son acte, comme de tout autre acte qu'il pose. Tout citoyen est toujours responsable de ses actes devant la justice, quels qu'ils soient. Mais il doit pouvoir être assuré que, dès lors qu'il sera établi que les conditions légales ont été remplies, il ne subira aucune peine.

Se pose donc la question de savoir sur quelle base assurer la sécurité juridique nécessaire. Deux formules ont été proposées à cet effet : le recours à l'« objectivation » de l'état de nécessité ou l'autorisation de la loi.

Il faut éviter à ce propos d'utiliser des termes équivoques, comme celui de « dépénalisation ». Au sens matériel, « pénaliser » signifie frapper d'une peine et, partant, « dépénaliser » ne plus frapper d'une peine. En ce sens, toutes les propositions ont pour objectif commun de dépénaliser l'acte d'euthanasie dans des conditions données. Au sens formel du terme, utilisé par les partisans de la proposition commune du 20 décembre 1999, « dépénaliser » signifie « sortir du Code pénal ». Le terme a donc une double signification, et cette ambiguïté ne sert pas le débat. C'est ce qu'a observé implicitement le professeur Van Neste, qui s'est refusé à juste titre à utiliser le terme : « Je n'ai pas prononcé le mot « dépénaliser » (...). Je recherche seulement une forme légitime d'acte de fin de vie. » (p. 74).

L'état de nécessité

41) D'aucuns font valoir qu'il serait possible, à cet effet, d' « objectiver » l'état de nécessité.

Cette solution ne peut pas être exclue d'office.

Ainsi le professeur Vermeersch a-t-il répondu de la manière suivante à une question de M. Vandenberghe : « Je pense que c'est une idée intéressante, parce qu'elle implique un compromis en fixant, d'une part, qu'il est important que le principe « tu ne tueras point » reste dans le Code pénal, mais en mettant, d'autre part, assez de moyens à disposition pour pouvoir répondre sur le terrain à des situations insupportables, malheureuses ou ingérables (...) Je peux vous suivre dans cette voie, mais ce qui ne doit pas subsister, c'est qu'on ne puisse invoquer que l'état de nécessité dans ces cas. Il faut toujours pouvoir invoquer un état de nécessité dans un cas privé. C'est précisément la définition d'un état de nécessité. On ne peut pas inscrire dans une loi qu'on ne peut pas invoquer l'état de nécessité dans tel ou tel cas. Cette disposition doit en tout cas en sortir. Je suppose que vous pouvez être d'accord avec moi là-dessus. On ne peut pas limiter l'état de nécessité. Il doit pouvoir être invoqué dans tous les cas. Cela est clair. On peut bien, comme dans la proposition PSC, inscrire dans la loi que, si on invoque l'état de nécessité selon ces conditions, on n'est pas importuné, mais on ne peut pas dire l'inverse. » (p. 25).

« Mon modeste avis est par conséquent », a poursuivi le professeur Vermeersch, « que la notion de l'état de nécessité n'est pas une solution vraiment bonne, même si je pourrais l'accepter si, dans les faits, elle rendait possible les actes d'euthanasie qui sont vraiment justifiés. Un rapprochement entre les points de vue me semble possible à cet égard. » (p. 4). Et il a encore ajouté : « On peut bien, comme dans la proposition PSC, inscrire dans la loi que, si on invoque l'état de nécessité selon ces conditions, on n'est pas importuné, mais on ne peut pas dire l'inverse. » (p. 25).

À la lumière des observations faites par tous les juristes entendus par les commissions communes, cette solution ne paraît cependant pas idéale à l'intervenant.

Qu'est-ce que l'état de nécessité ?

42) Le professeur Messine a donné de cette notion la définition suivante : « L'état de nécessité est une cause de justification, dont (il a été) rappelé à juste titre qu'elle n'est pas légale mais jurisprudentielle, et qui est l'état dans lequel se trouve celui qui a le choix entre commettre une infraction mais sauver ainsi une valeur supérieure à celle défendue par la loi qui incrimine le fait, ou ne pas commettre cette infraction mais alors laisser périr cette valeur. S'il commet le fait en sauvant la valeur supérieure, alors, à la différence des autres causes de justification, il est félicité parce qu'il a fait le bon choix; si, en revanche, il n'a pas commis le fait, s'il s'est abstenu de transgresser la loi, il sera moralement blâmable. » (p. 212).

L'état de nécessité est la justification éthique de toutes les propositions.

43) Il est opportun de souligner que cet état de nécessité constitue la justification éthique de toutes les propositions. Dans chacune des propositions soumises aujourd'hui aux délibérations des commissions réunies, a observé M. Messine lors de son audition, il est expressément renvoyé à la notion de « nécessité » : ainsi dans la proposition commune du 20 décembre 1999, le nouvel article 417bis du Code pénal qui y est proposé parle de faits « commandés par la nécessité de mettre fin à la souffrance ou à l'état de détresse » (54).

Mais, sur le plan juridique, le recours à la technique de « l'objectivation » de l'état de nécessité ne paraît pas rationnel.

Est-il possible d'objectiver l'état de nécessité ?

44) Le professeur Vermeersch a rapporté à ce propos cette citation de M. Paul Foriers de 1951 : « Il ne serait pas plus rationnel de généraliser l'état de nécessité que l'état de contrainte. Il n'y a pas de droit général de nécessité. Il y a des cas de nécessité et la question de savoir si la nécessité existe sera toujours une question de fait. » (p. 4).

Et le professeur Messine l'a confirmé, en réponse à une question de Mme Nyssens : « À la première question de Mme la sénatrice sur l'objectivation de l'état de nécessité par des conditions légales, je répondrai que cela est impossible, en vertu même de la définition de l'état de nécessité. Vous l'avez vous-même rappelé : l'état de nécessité est la situation dans laquelle se trouve quelqu'un, non pas qui peut commettre une infraction, mais qui doit, qui choisit de commettre une infraction pour sauver une valeur supérieure à celle qui est définie par le texte qui incrimine le fait ou de ne pas commettre l'infraction et laisser périr cette valeur. Faire ce que le devoir commande en transgressant la loi ou ne pas transgresser la loi et ne pas faire ce que le devoir commandait. Comment voulez-vous objectiver cela ? » (p. 217).

L'état de nécessité « objectivé », c'est la même chose qu'une autorisation légale.

45) Poursuivant à propos de la proposition CVP, M. Messine a insisté sur le fait que l'état de nécessité « objectivé », c'est la même chose qu'une autorisation légale : « Mais s'il s'agissait vraiment d'un état de nécessité, vous n'auriez pas besoin de légiférer en matière d'euthanasie parce que l'état de nécessité est une cause de justification qui existe pour toutes les infractions, et donc, aussi, pour le meurtre. Dans l'une et dans l'autre proposition, il s'agit bien, en réalité, d'une autorisation de la loi ... Il s'agit d'une autorisation de la loi et plus du tout d'un état de nécessité et personne ne s'y trompera. » (55).

Le recours à la notion d'état de nécessité est donc non seulement peu opportun, il est aussi inutile.

46) Le professeur Van Neste a opiné clairement en ce sens : « La notion d'état de nécessité a joué un rôle important pour la recherche de ce qu'on appelle les conditions objectives de légitimation de l'euthanasie. (...) Lorsque cet état de nécessité, comme nous l'avons partiellement précisé, notamment un patient en phase terminale qui endure des souffrances insupportables et qui ne peut plus être soulagé, serait mentionné comme condition essentielle à la légitimation de l'euthanasie (...), il n'existe plus de raison pour faire formellement appel à la notion d'état de nécessité. »

« Je suis toutefois convaincu que la discussion sur la notion d'état de nécessité a joué un rôle très important dans la découverte progressive de ce qui est essentiel pour parler d'un état de nécessité. La notion d'état de nécessité semble avoir eu, dans une certaine mesure, la fonction de la fusée qui doit mettre une capsule sur orbite. Au moment où la capsule se trouve sur l'orbite, la fusée est rejetée. La notion d'état de nécessité n'est plus nécessaire parce que l'essentiel reçoit maintenant une définition légale (...) » (p. 52).

M. Adams a pratiquement déclaré la même chose en d'autres termes : « L'important pour moi, en tant que citoyen, c'est de savoir comment la loi se présente par le contenu. Quelles sont les conditions matérielles et formelles auxquelles l'euthanasie doit être possible ? Que l'on appelle ou non cela état de détresse n'a pas beaucoup d'importance, même s'il en émane une certaine symbolique. » (p. 18).

L'autorisation de la loi par une exception à l'interdit pénal.

47) L'autorisation donnée au médecin de pratiquer l'euthanasie dans les circonstances prévues peut être instituée par une exception à l'interdit pénal de l'homicide, comme l'envisage la proposition commune du 20 décembre 1999.

Certains juristes ont fait valoir que cette solution rencontrerait deux obstacles : celui de l'application de la notion d'état de nécessité à d'autres situations que celles qui seraient envisagées dans la loi, et celui du prescrit des articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

L'intervenant a été le premier à attirer l'attention sur la première question, avant même les auditions, en réplique à une intervention de M. Vandenberghe. La réponse à y apporter est simple : pour éviter l'écueil, il suffirait de recourir à une technique de rédaction appropriée, par exemple par l'adjonction d'une formule du style « sans préjudice de l'application de toute autre cause d'excuse à d'autres faits », comme l'a indiqué M. Panier (p. 284).

La question des articles 2 et 3 de la Convention européenne a, quant à elle, été soulevée par plusieurs experts. Ici encore, l'intervenant partage l'avis de M. Panier lorsque celui-ci disait : « Personnellement je me demande si cette question a réellement été prise en compte lors de la rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et en particulier, de ses articles 2 et 3. Je ne suis pas certain que l'on se dirige vers une condamnation strasbourgeoise sur la base de cet article 2 ni, a fortiori, de l'article 3. » (p. 283). Il reste qu'il subsiste là une zone d'ombre.

Il a aussi été question de la valeur symbolique d'une atteinte à l'interdit de tuer.

Cette atteinte ne serait en réalité que très relative.

Ainsi le professeur Vermeersch a-t-il observé : « Je comprends que ce recours à l'état de nécessité vise à maintenir une interdiction générale de tuer dans le Code pénal, principalement à cause du sens symbolique, mais il ne reste pas grand chose de ce symbolisme dès lors que l'on sait qu'on tolère en fait une pratique existante. Les Pays-Bas sont connus dans le monde entier comme un pays où l'euthanasie est possible, même si le Code pénal n'a pas encore été modifié. » (p. 4).

M. Messine a opiné dans le même sens : « L'atteinte portée à la fonction de la loi pénale l'est de la même manière, aux yeux des citoyens, où que le législateur place son autorisation. Que vous la placiez dans le Code pénal ou dans l'arrêté royal nº 78 est à cet égard indifférent : il suffira que les citoyens sachent que la loi autorise l'euthanasie dans le code ou ailleurs. L'exemple des Pays-Bas est à ce sujet très éclairant : tout le monde croit que la loi autorise l'euthanasie aux Pays-Bas, même si, sur le plan technique, comme vous le savez, ce n'est pas le cas. » (p. 213). « Le code ou l'arrêté ? Cela m'est indifférent. Si vous autorisez l'euthanasie, que ce soit dans le code ou dans un arrêté, vous introduisez un affaiblissement de l'interdit de tuer autrui. » (p. 216). « Que cette énumération figure dans le Code pénal ou dans une autre disposition légale, cela ne trompera personne. Tout le monde saura qu'en Belgique, la loi autorise l'euthanasie dans tel et tel cas. » (p. 222).

M. Panier, pour sa part, a souligné que, loin de la remettre en cause, l'exception confirme la règle. « Si l'on réfléchit un peu, que l'on ouvre son Code pénal ou même sa Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, on s'aperçoit qu'il n'y a guère de textes qui ne comportent pas d'exceptions ... » (p. 273)

Il demeure cependant que de très nombreux intervenants se sont émus de toute atteinte à l'interdit de tuer, aussi légère fût-elle.

48) C'est ce qui a amené l'intervenant à envisager de déposer la réglementation de l'euthanasie dans un texte légal autre que le Code pénal.

Il insiste à cet égard sur le fait que, pour les partisans de la « dépénalisation » de l'euthanasie, la question est indifférente, pour autant qu'elle offre la même sécurité juridique.

Outre M. Vermeersch, déjà cité, Mme Herremans a opiné en ce sens lorsque l'intervenant l'a questionnée à ce propos (p. 195).

Mme Herremans : « Pour moi il est fondamental de pouvoir mener un dialogue (patient-médecin) en toute sérénité, en toute clarté. Je n'apprécie pas tellement les demi-mesures en matière de sécurité juridique. »

Question : « Dans l'hypothèse où nous trouverions une solution qui offrirait la même sécurité juridique, quelle serait votre position en tant que présidete de l'ADMD ? Continueriez-vous à plaider en faveur d'une dépénalisation inscrite dans la loi pénale plutôt que sous forme d'arrêtés ? »

Mme Herremans : « J'attends votre texte. Convainquez-moi que vous avez la solution. »

Question : « C'est une réponse que vous me donnez. En d'autres termes, si nous pouvons vous convaincre que la sécurité juridique est la même, vous n'insistez pas pour que l'exception soit inscrite dans la loi pénale ? »

Mme Herremans : « C'est un faux débat. Si vous m'apportez la preuve qu'une solution peut apporter la sécurité juridique, quelle que soit cette solution, je m'inclinerai. »

L'autorisation de la loi dans une réglementation distincte

Il y a lieu de distinguer le Code pénal et la loi pénale. En effet, nombre de dispositions pénales sont reprises dans des lois distinctes du Code.

49) Aussi paraît-il pouvoir être envisagé que l'autorisation de la loi soit inscrite, avec la même sécurité juridique qu'une exception au code pénal, dans une réglementation distincte de celui-ci, en tenant compte des observations des professeurs Van Neste, Messine et Adams et en suivant la suggestion du professeur Dalcq.

Lors de son audition, le professeur Van Neste avait déjà évoqué en ces termes le recours à l'arrêté royal nº 78, dont on sait qu'il a force de loi : « Certains veulent inscrire la procédure d'euthanasie dans le Code pénal. Je prétends que cette sécurité juridique est aussi bien garantie si cette procédure est inscrite dans l'arrêté royal nº 78 ... L'arrêté royal nº 78 et les règles déontologiques qui y figurent ont force de loi. Cette décision donne au médecin un très grande sécurité juridique. » (p. 62 et 64). M. Van Neste concluait ainsi son intervention : « Je pense que, dans le fond, nous voulons atteindre la même chose, à savoir que les personnes qui endurent des souffrances insupportables et qui demandent à être aidées puissent l'être de façon légitime. Dans ces conditions, je considère cela effectivement comme un acte positif. Pourquoi dès lors ne peut-il pas être inscrit dans le Code pénal ? Je peux aussi retourner la question. Ne suffit-il pas que nous l'inscrivions dans l'arrêté royal nº 78 ? C'est une base légale qui offre une sécurité juridique suffisante. »(p. 75).

L'intervenant rappelle aussi l'intervention de M. Messine à ce sujet (p. 231) :

Question : « En édictant un comportement dans l'accompagnement de fin de vie, en disant que les médecins devraient agir de telle et telle manière, ne pourrait-on arriver à ce que vous avez qualifié d'autorisation tacite où le contrôle des conditions ­ il est évident qu'un contrôle doit demeurer mais l'incertitude serait moins forte ­ impliquerait un contrôle des raisons qui, à juste titre, vous tient à coeur ? »

M. Messine : « C'est possible mais, bien entendu, cela change fort l'orientation de la réflexion. À ce moment-là, on n'envisage plus que la loi autorise expressément l'euthanasie dans un certain nombre de cas qu'elle détermine, on fait autre chose, on réglemente. »

Question : « Nous sommes soucieux d'examiner toutes les possibilités, sans a priori. Nous ne débattons pas d'une ou de plusieurs propositions de loi définies. Nous débattons d'un ensemble de propositions et nous essayons de trouver les formules les plus adéquates pour rencontrer les préoccupations dont nous sommes témoins dans le cadre des auditions. »

M. Messine : « Je crois que cette réflexion permettrait d'aboutir à des solutions mettant moins en cause ce qui constitue ma préoccupation majeure, à savoir la valeur même de la loi. Sans doute n'est-ce pas impossible. »

50) Le professeur Dalcq a été tout à fait net à cet égard, en montrant que l'autorisation de la loi fonde déjà certains actes des médecins a priori contraires au Code pénal.

Il a commencé par attirer l'attention sur le fait suivant : « Chaque fois qu'un chirurgien opère un patient, il lui cause cependant volontairement des blessures, ce qui est, en principe, interdit par l'article 398 du Code pénal. De même, lorsqu'un médecin prescrit au malade ou lui administre volontairement des médicaments ­ c'est-à-dire des substances qui, dans certains cas, peuvent altérer la santé ­ le médecin commet aussi un acte interdit, à première vue, par les articles 402 et suivants du Code pénal. Or, le médecin échappe dans tous ces cas à toute poursuite pénale, s'il n'a commis aucune faute involontaire dans les soins. Il faut donc se demander pourquoi il en est ainsi. M. Messine a déjà donné la réponse ce matin (56). J'y reviens peut-être un peu plus en détail. » (p. 236).

M. Dalcq a ensuite brossé un tableau de l'évolution de la jurisprudence en la matière et il a conclu en citant un extrait de jugement : « Le médecin, en pratiquant son art de la manière dont le législateur l'a réglementé, autorisé ou imposé, bénéficie d'une cause légale de justification l'immunisant de toutes poursuites. Ainsi, l'immunité du chirurgien trouve son fondement dans la permission de la loi ­ cela revient au principe de l'autorisation de la loi dont M. Messine parlait ce matin. Son intervention est présumée justifiée, mais cette présomption est relative, et il appartient au ministère public de prouver l'abus éventuel de l'autorisation légale. » (p. 237).

Il faut rappeler à cet égard que le ministère public peut toujours agir d'initiative. Le principe est le même, que l'on procède par la voie d'une exception au Code pénal, ou dans une loi distincte. Le ministère public devra toujours établir que les conditions légales n'étaient pas réunies.

Le professeur Dalcq a terminé en formulant une proposition concrète, dont il paraît à l'intervenant que le législateur pourrait s'inspirer (pp. 251 et 252).

Cette proposition consistait à inscrire une réglementation des actes de fin de vie dans la loi. M. Dalcq, comme M. Van Neste, évoquait à ce propos l'arrêté royal nº 78 du 10 septembre 1967 qui, s'agissant d'un arrêté de pouvoirs spéciaux, a force de loi. Mais, a-t-il précisé à certains, il va de soi que cette réglementation pourrait faire l'objet d'une loi autonome.

51) M. Adams paraît avoir opiné dans le même sens : « Où faut-il loger la légalisation d'un acte euthanasiant conforme à la loi : dans le Code pénal ou par le biais d'une disposition légale particulière ? Un grand nombre de gens estiment que, indépendamment de la question de savoir s'il faut ou non régler l'euthanasie dans le Code pénal, le débat sur l'euthanasie est un débat de symboles. C'est une appréciation correcte, parce qu'une réglementation relative à l'euthanasie, qu'elle soit reprise ou non dans le Code pénal, a au minimum pour but d'autoriser l'euthanasie sous certaines conditions. » (p. 8).

Il a ajouté : « J'ai dit que l'arrêté royal nº 78 me paraissait peu approprié, non parce que l'euthanasie ne serait pas un acte médical, mais parce qu'elle n'est pas un acte médical ordinaire ... Cependant, si la régulation de l'euthanasie devait y être insérée, je n'en concevrais pas une inquiétude particulière ... Pouvons-nous régler l'euthanasie par le biais de la procédure pénale ? Aux Pays-Bas, c'est en réalité de cette manière que les choses se sont plus ou moins passées jusqu'ici ...

Il est toutefois impensable, en Belgique, de se borner à définir une procédure, car le législateur devra quand même définir les conditions matérielles et formelles, en l'absence de toute jurisprudence. Aux Pays-Bas, il était possible de s'en tenir à une procédure, parce que, précisément, les conditions formelles et matérielles étaient déjà connues au travers de la jurisprudence. Lorsque ce n'est pas le cas, le législateur doit prendre ses responsabilités. » (p. 21). « S'il y a une leçon qu'on peut tirer de la situation aux Pays-Bas, c'est que cela ne change tout simplement rien que l'autorisation de pratiquer l'euthanasie soit désormais inscrite ou non dans le Code pénal. Ce qui compte, c'est le halo répressif qui entoure la déclaration. » (p. 23).

Enfin, à une question relative à la sécurité juridique du médecin, M. Adams a répondu : « L'insécurité juridique que ressent le médecin se situe dans la sphère pénale, indépendamment de la question de savoir où les dispositions relatives à l'euthanasie sont insérées : dans le Code pénal lui-même, dans une autre loi, dans l'arrêté royal nº 78 ou dans une proposition de loi distincte. Cela doit se faire en tout cas dans une loi au sens formel. Mais la discussion ne porte pas sur la sécurité juridique par rapport au point de savoir si l'on fait intervenir ou non le Code pénal lui-même. Ce qui est concerné, c'est ce halo « criminel » qui enveloppe la situation. » (p. 23).

52) L'intervenant pense en tout cas qu'une réglementation ne sera opportune et utile qu'à la condition qu'elle repose sur une large assise sociale, tant dans le monde médical et soignant qu'au sein de la population (57), et, partant, une large assise parlementaire, c'est-à-dire qu'elle dépasse les clivages traditionnels, politiques, philosophiques, confessionnels ou partisans.

Il serait étonnant de voir qu'il faut une majorité des 2/3 pour régionaliser l'agriculture ou le commerce extérieur, alors qu'une majorité simple pourrait, à une voix près, imposer une loi qui touche à la vie et à la mort.

De plus, pour tout ce qui concerne l'éducation et la culture, on a en Belgique, depuis environ 45 ans, un pacte culturel qui oblige à tenir compte des convictions de chacun et à rechercher un large accord.

Or, on peut se demander si la question de l'euthanasie ne revêt pas une dimension culturelle.

Rechercher un large accord suppose évidemment un effort de part et d'autre.

L'intervenant déclare qu'il veut rester ouvert, et qu'il ne s'engage donc pas à ne pas voter une loi qui dépénaliserait l'euthanasie, s'il n'y avait pas d'autre possibilité.

Mais il entend contribuer à rechercher un consensus, aussi longtemps qu'il aura le sentiment que de part et d'autre, une volonté existe d'avancer en ce sens.

Bien sûr, il s'agira d'une réglementation sur la phase terminale, qui ne règle pas d'autres questions soulevées lors du débat et qui paraissent à l'intervenant pourvoir être réglées dans le cadre législatif actuel.

M. Dalcq a précisé que le suicide n'était pas une infraction. Par conséquent, la participation à un tel acte ne l'est pas non plus. Les conditions de l'infraction de non-assistance à personne en danger sont assez claires : quelqu'un qui demanderait de façon répétée de subir l'acte d'euthanasie, et pour qui on aurait pris les précautions nécessaires, pourrait, selon l'intervenant, recevoir une assistance sans que celle-ci soit sanctionnée.

Il demeure aussi d'autres cas, ceux de patients non conscients ou incapables d'exprimer leur volonté. Dans ces cas, l'état de nécessité tel qu'il existe aujourd'hui suffit.

À l'expérience, la réglementation envisagée pourra être précisée et davantage élaborée.

Dans son avis unanime du 27 janvier 2000 sur le thème Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie, qui a été communiqué aux commissaires le 23 mars et qui a été commenté par son président, le professeur Sicard, lors d'une audition organisée par quelques commissaires, le Comité consultatif national d'éthique de France évoquait Jean de La Fontaine ­ « Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine ­ Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins » ­ et observait qu'à l'époque le mourant sentait venir la mort et pouvait s'y préparer, celle-ci, affaire familiale ou publique, étant alors entourée. L'intervenant formule le voeu que les commissions réunies puissent, au travers de leurs travaux, contribuer à retrouver cet art de mourir.


Une membre déclare, au nom de son groupe et en son nom personnel, que les auditions ont été utiles et enrichissantes. On a entendu une série de témoins exceptionnels dont les réflexions médicales, éthiques et philosophiques avaient le tout grand mérite d'être ancrées dans le réel.

Ces auditions ont permis de rencontrer tant ici que sur le terrain, dans leurs prolongements, des personnes de réseaux multiples ­ et dans toute la Belgique.

Le débat a permis « l'ouverture » au-delà des commissions réunies. L'intervenante est convaincue qu'il a invité beaucoup de parlementaires à un questionnement. Elle estime que dans cette matière aussi complexe et évolutive, il convient de rester dans un questionnement.

À ce propos, elle déclare avoir été à certains moments un peu mal à l'aise lorsque certaines personnes auditionnées n'ont pas été écoutées avec tout le respect qu'elles méritaient.

La première conclusion qu'elle tire de ces longs mois de travail est que la question de l'euthanasie ne peut se résoudre uniquement par un simple changement de législation : il y a lieu de changer notre vision de la médecine et notre rapport avec celle-ci.

Elle constate aussi, comme dans beaucoup d'autres matières traitées au Parlement, que la demande de changements juridiques (telle que formulée aussi dans d'autres pays) est le signe que le droit est plus que jamais une référence capitale de nos sociétés ... Les raisons invoquées en faveur de l'euthanasie sont présentées en termes de droit : droit de mourir dans la dignité, droit à la mort, droit de décider du moment de sa mort, droits du patient, mais aussi droit à la protection des malades. Cela participe à un mouvement plus général de droits de l'homme, et surtout de juridisation, avec ses éléments positifs et négatifs. Reconnaître un droit est une chose, l'exercer en est une autre, et exercer un contrôle en est une autre encore.

Pourtant, l'intervenante constate qu'il n'est pas toujours facile de faire rencontrer médecins et juristes et médecins et politiques.

Les auditions ont le tout grand mérite, lui semble-t-il, d'avoir mis ceux-ci en confrontation.

La matière à traiter relève, selon elle, plus des pratiques médicales que du droit en général et du droit pénal en particulier.

Ces pratiques évoluent, sont changeantes et s'adaptent aux réalités nouvelles et aux cas particuliers.

Le message le plus important que l'intervenante retient des auditions est que la médecine « scientifique » doit sans cesse être encouragée à devenir sensible à la souffrance et qu'ainsi, la priorité des priorités est le développement de la lutte contre la douleur, son traitement beaucoup plus que l'application philosophique de principes tels que « l'autonomie de la raison ».

Elle retient aussi avant tout que l'expérience des soins palliatifs est utile pour toute la médecine et que ceux-ci ont joué un rôle essentiel dans le processus éthique de la réappropriation de la mort. Leur succès consiste précisément à mettre le patient au centre, c'est-à-dire à tenir compte de ses souhaits, de ses paroles et de sa qualité de vie et à le sortir de l'isolement.

Enfin, l'intervenante a pris conscience du pouvoir médical sur la vie et sur la mort, d'une part, et de ses limites d'autre part, et que ce pouvoir doit être encadré, qu'il ne peut être exercé que dans une éthique de la responsabilité à développer.

Jadis, le souci principal en ce qui concerne la question de la mort était la survie des individus.

Aujourd'hui, avec les progrès de la médecine, la longévité accrue des individus, les tableaux cliniques complexes, la question a changé : le comment survivre est devenu le quand et le comment mourir.

En fin de vie, le médecin procède à une pesée équilibrée de trois valeurs :

1. Le droit à la vie physique : pas question d'abandon thérapeutique s'il y a espoir thérapeutique, pas question de donner la mort au patient, ou l'aider à se suicider (« vitalisme »).

2. Le droit à l'autodétermination du patient : le patient a le droit d'exprimer sa volonté, il a le droit d'être écouté et entendu dans ses souhaits. Pour consentir à un traitement ou pour refuser un traitement, le patient doit être préalablement correctement informé.

3. La nécessité de réduire au minimum les douleurs et les souffrances accompagnant l'agonie.

La pesée doit être équilibrée. Dans le cas contraire, on aboutit à des excès. Si on légitime de manière absolue la lutte contre la douleur, la faculté d'autodétermination de l'individu se réduit.

Si on légitime le droit à l'autodétermination de manière absolue, on aboutit à une libéralisation pénale non différenciée, on se heurte à la liberté thérapeutique du médecin, aux risques de dérive (cf. autonomie limitée de la volonté de mourir : extrême dépendance, pressions ...)

Si on légitime le droit à la vie physique de manière absolue, le danger d'acharnement thérapeutique apparaît.

Il nous apparaît ainsi que toute législation ou réglementation concernant les décisions médicales de fin de vie, doit respecter trois principes :

1. Le respect en toute circonstance de la dignité de l'homme, en tant qu'être relationnel : « Si l'on s'intéresse à une approche individuelle, il y a lieu de se centrer sur la personne malade et de la penser dans sa globalité, c'est-à-dire en tant qu'être humain dont la dignité s'inscrit dans la relation à l'autre et ne pas seulement penser le malade » (58).

2. Une attention accrue envers les personnes les plus vulnérables.

3. Le respect d'une éthique de la responsabilité (principe de précaution et de vigilance).

Les auditions ont montré la diversité et la complexité des situations de fin de vie, et les limites de l'« art médical » dans certaines situations. Dès lors, légiférer ou réglementer pour une diversité de situations parfois complexes est chose difficile.

Elles ont souligné les lacunes en termes de formation : médicale (en termes de soulagement de la douleur), psychologique (en termes d'accompagnement, d'écoute du patient), éthique (en termes de questionnement) des médecins et des soignants. Elles ont révélé la solitude et la fatigue des soignants.

Toutefois, l'introduction de la culture palliative dans les hôpitaux, au domicile, dans les MR(S), a montré une voie plus humaine, plus riche, d'une solution la moins mauvaise au désespoir et à la souffrance infinie des patients mourants.

Beaucoup de personnes auditionnées ont souligné le flou des notions utilisées et la divergence des pratiques médicales elles-mêmes ou de leur perception par les médecins.

De l'importance des définitions et de la précision dans les notions utilisées

Qu'est-ce qu'une euthanasie ? Il est important d'éviter les amalgames et d'opérer des distinctions. En effet, on ne peut faire fi des définitions reconnues sur un plan international et dans toute la littérature médicale. De nombreux intervenants ont aussi souligné la nécessité de bien s'entendre sur les définitions des notions utilisées dans une éventuelle législation (59).

Ainsi, il importe de distinguer l'euthanasie active (parfois appelée « active directe ») de ce qui est parfois appelé improprement « euthanasie indirecte » (ou active indirecte), d'une part, et de l'euthanasie appelée incorrectement « euthanasie passive » (directement liée au refus de l'acharnement thérapeutique), d'autre part.

L'intervenante et son groupe se rallient à la position de nombreux intervenants qui ont souligné cette distinction (60). Cela rejoint d'ailleurs la position que l'on retrouve défendue dans de nombreux textes internationaux.

Dans la Recommandation du Conseil de l'Europe 1418 du 25 juin 1999 concernant la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, l'Assemblée recommande au Conseil des ministres d'encourager les États membres du Conseil de l'Europe à respecter et protéger la dignité des malades incurables et des mourants à tous égards en consacrant et protégeant le droit des malades incurables et des mourants à une gamme complète des soins palliatifs, ce en prenant les mesures nécessaires pour que « vii. (...) sauf refus de l'intéressé, les malades incurables et les mourants reçoivent un traitement anti-douleur et des soins palliatifs adéquats, même si le traitement appliqué peut avoir pour effet secondaire de contribuer à abréger la vie de la personne en cause » et « c. en maintenant l'interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants, en prenant les mesures nécessaires :

i. pour que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, soit garanti par les États membres, conformément à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement »;

ii. pour que le désir exprimé par un malade incurable ou un mourant de mourir ne puisse jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers;

iii. pour que le désir exprimé par un malade incurable ou un mourant de mourir ne puisse jamais servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort ».

La même recommandation distingue clairement le droit pour le patient mourant de ne pas voir son existence prolongée contre sa volonté de l'euthanasie : « 42. La notion que l'interruption de traitement peut être légale et doit être rigoureusement distinguée du suicide assisté par médecin et de l'euthanasie doit être communiquée aux professionnels de la santé ». On lit encore plus loin : « 44. Alors que le médecin doit savoir reconnaître la volonté d'un malade qui souhaite renoncer à certains traitements et y déférer, il lui faut refuser d'exaucer le voeu qu'il soit activement mis fin à ses jours. Le médecin ne doit jamais porter atteinte à l'intégrité du corps ou de l'âme d'un malade, même à sa demande ».

L'Association médicale mondiale, dans sa Déclaration sur la phase terminale de la maladie (1983), stipule expressément :

« a) Le médecin peut épargner à un patient les souffrances d'une affection terminale, par abstention des soins avec l'accord du patient ou de ses proches si celui-ci est dans l'incapacité d'exprimer sa volonté. Cette abstention n'empêche pas d'assister le mourant et de lui donner les calmants et les médicaments propres à adoucir la phase terminale de son état.

b) Le médecin s'abstiendra de tout acharnement thérapeutique, c'est-à-dire de tout traitement extraordinaire dont personne ne peut espérer un quelconque bénéfice pour le patient (...) ».

L'Association médicale mondiale, dans sa Déclaration de Madrid (1987), affirme que « mettre délibérément fin à la vie d'un malade, même à sa demande ou à la demande de proches parents, est contraire à l'éthique. Cela n'empêche pas le médecin de respecter le désir d'un malade de permettre au processus naturel aboutissant à la mort de suivre son cours lors de la phase terminale de sa maladie. »

Dans sa Déclaration de Marbella (1992), l'Association médicale mondiale affirme que « le suicide assisté par un médecin est (...) contraire à l'éthique et doit être condamné par la profession médicale. »

L'abstention ou l'arrêt de traitements devenus futiles est une pratique médicale admise et doit le rester, de même l'administration d'antalgiques pouvant avoir pour effet indirect mais non recherché d'abréger la survie. Toutefois, ce sont des actes qui posent également des problèmes éthiques (telle la distinction à faire entre soins médicaux ordinaires et soins médicaux extraordinaires (61), d'où la nécessité, tout en maintenant en vue cette distinction, d'élargir le débat à la question de l'encadrement de toutes les décisions de fin de vie. À défaut, comme le souligne à juste titre un intervenant, on pourrait utiliser dans le cadre de ces décisions d'arrêt ou d'abstention de traitement qui sont actuellement considérées comme des actes médicaux légitimes les mêmes techniques que pour l'euthanasie, sans devoir être tenu par les procédures strictes qu'on aura seulement fixées pour l'euthanasie (62).

Il est essentiel de faire remarquer que ce qui, en définitive, fait la différence entre toutes ces décisions liées à la fin de vie, c'est l'intention qui préside à l'acte. Ce serait trop simple de dire que l'intention est de soulager la souffrance dans tous les cas.

Il est important de bien distinguer les situations de fin de vie et les gestes posés au moment où la mort survient (cf. Code de déontologie actuel) :

­ quand des médicaments risquent de hâter la mort;

­ quand la non-initiation de traitement ou la cessation de traitement permet à la mort de survenir;

­ quand on provoque intentionnellement la mort.

La légitimité éthique de l'acte est toujours liée à l'intention (63). Cette notion d'intention est très importante à analyser et implique des conséquences en droit pénal.

Ces considérations n'impliquent toutefois pas qu'il ne faille pas, dans un souci de protection du patient, envisager un encadrement de toutes les décisions médicales liées à la fin de vie (voir infra).

Les notions de soins palliatifs et d'euthanasie doivent également être dissociées.

À cet égard, plusieurs intervenants ont souligné l'importance de maintenir la distinction entre soins palliatifs et euthanasie. Toutes les chartes d'associations de soins palliatifs américaines, canadiennes, australiennes, il est dit que les unités de soins palliatifs ne recourent pas à l'euthanasie. La Charte initiale de la Fédération nationale des soins palliatifs (aujourd'hui scindée parce que régionalisée) mentionnait également à l'origine que les soins palliatifs excluaient l'acharnement thérapeutique et le recours à l'euthanasie (64). La Charte française des soins palliatifs, pour citer un exemple proche, exclut totalement l'euthanasie de la pratique des soins palliatifs. Au Foyer Saint-François à Namur, comme à l'Unité de soins palliatifs Saint-Jean à Bruxelles, il est dit expressément que des euthanasies ne sont pas pratiquées, ce qui ne veut pas dire que les demandes ne sont pas entendues et prises en considération (65).

Selon Mme Vandeville, soins palliatifs et euthanasie relèvent d'un esprit différent. Elle pose la question : « Ne va-t-on pas vers une dérive si par une loi, l'on en venait à proposer l'euthanasie à un patient sans lui proposer les soins palliatifs ? Malheureusement, déjà maintenant, des témoignages de certaines familles et même de patients nous confortent dans ce sens. Dans la même idée de dérive, si on proposait les soins palliatifs à un patient en fin de vie, pourrait-on admettre qu'on lui propose par la même occasion l'euthanasie comme alternative ? » (66).

C'est la position du docteur Bouckenaere, qui précise que les médecins ont besoin d'une certaine cohérence dans leur pratique (67).

Seule la sédation contrôlée, pratiquée en soins palliatifs, lorsqu'elle n'est pas intermittente mais pratiquée de manière de plus en plus profonde jusqu'au décès du patient, est sujette à caution au regard de certains intervenants (68). Le docteur Mullie, plus nuancé, a dit avec justesse à propos de la sédation contrôlée pratiquée dans le cadre des soins palliatifs : « Nous ne sommes pas un service qui pratique systématiquement l'euthanasie ... Soins palliatifs (en ce compris la sédation contrôlée) et euthanasie sont deux notions différentes. Toutefois, dans certains cas extrêmes, elles peuvent se superposer » (69). Pour le docteur Bouckenaere, c'est « un moindre mal ». La sédation contrôlée, lorqu'elle est continue, peut abréger l'existence du patient, nous dit le docteur Bouckenaere, non à cause des médicaments, mais « par le fait que le patient est alité en permanence et qu'il n'est plus hydraté » (70). L'intention est toujours de soulager le patient (71). Pour le docteur Menten, la sédation contrôlée ne peut pas être considérée comme une « slow euthanasia » (72).

Il convient de signaler l'existence de deux études qui montrent que la durée de vie de certains patients sous sédation contrôlée serait même allongée, en raison de la diminution de la souffrance et du stress (73).

L'euthanasie n'est que le sommet de l'iceberg. Elle renvoie à d'autres questions plus fondamentales qui se situent en amont du problème

Elle renvoie à la façon dont la mort est acceptée et vécue dans notre société, en l'occurrence comme elle est mal acceptée et mal vécue, à la façon dont la mort est vécue à l'hôpital ou en maisons de repos ou maisons de repos et de soins, ce qui renvoie au mode de fonctionnement des hôpitaux/MR(S) (aspects sociaux, économiques ...), à la façon dont la mort est vécue à domicile (relations avec les proches, avec le médecin de famille ...). Les mots clés que l'on a entendus en la matière sont : le temps d'écoute, le partenariat, la concertation, la consultation, la disponibilité, tous concepts qui relèvent non du Code pénal, mais des mentalités et des pratiques médicales.

Ainsi que le souligne le docteur Philippart, « à l'heure où la société appelle de tous ses voeux l'humanisation des soins, n'est-il pas paradoxal de constater une réduction des effectifs qui sont ainsi mis dans l'incapacité de contribuer à cette humanisation, par manque de temps minimal nécessaire à une relation de qualité ? La vie finissante devrait être envisagée sous ses différents aspects. La réduire à la seule possibilité de pouvoir solliciter une euthanasie serait regrettable car occulterait momentanément d'autres composantes non négligeables et d'autres besoins, à notre sens plus urgents. » (74).

La question de l'euthanasie renvoie au type de relation à établir entre patient et médecin : si le paternalisme à outrance est rejeté, l'autre extrême qui consisterait à ne prôner que l'autonomie du patient est aussi écartée. L'ensemble des intervenants s'accorde, à cet égard, pour redonner au mourant, et au patient en général, la place centrale qui lui revient dans le débat. « La formation des médecins et des infirmières est encore trop basée sur le patient objet de soins et non sur des soins relationnels qui permettent au patient de se mettre au centre du processus de soins » précise Mme Cambron-Diez (75). D'aucuns prônent une relation véritablement contractuelle, où le patient, au courant de ses droits agirait en partenaire véritable dans la relation contractuelle de soins (76). Pour le docteur Cosyns, la relation avec le malade est basée sur la concertation et la confiance (77). Selon lui, ce n'est pas la demande qui doit être centrale, mais la concertation. Dans la relation médecin-patient une demande est en réalité une demande d'aide pour sortir du problème par la concertation et l'approfondissement de la question et ensemble prendre la meilleure décision (78). Pour Mme Diricq, il est question d'alliance et de confiance (79).

Mme Aubry distingue finement les soins curatifs où les médecins et les infirmières se considèrent comme experts, parce qu'ils savent ce qui est nécessaire pour arriver à la guérison, et les soins palliatifs où le patient devient l'expert en ce qui concerne sa propre souffrance parce que, à ce moment, le plus en qualité de vie l'emporte sur le plus en quantité (80).

La majorité des intervenants ont, en tout cas, démontré que limiter la question à l'euthanasie sans élargir le débat était réducteur et comportait le risque de passer à côté des vrais problèmes.

Cette considération n'est pas sans importance. La question est de savoir si l'on prend les problèmes en aval ou en amont. Ainsi, la proposition de loi de certains sénateurs de la majorité concernant l'euthanasie, précise que le médecin doit s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa requête avec toutes les personnes qu'il souhaitait rencontrer, notamment les membres de l'équipe soignante. Il nous est rapporté toutefois lors des auditions que les soins palliatifs ne sont pas accessibles à tout le monde, et que le personnel infirmier, malgré toute sa bonne volonté, manque de temps pour réellement entrer en contact avec le patient et écouter ses angoisses et préoccupations, et/ou ne dispose parfois pas des compétences nécessaires pour aborder les problèmes de fin de vie. Mme Cambron-Diez souligne, en ce qui concerne les équipes de première ligne, le besoin de soutien et de formations : formations à l'écoute (81), formations à l'éthique et surtout « à la relation en vérité » (82), formation pour le travail du deuil (83). Les médecins sont formés pour se battre pour la guérison. Ils se sentent désarmés et impuissants face à ce qu'ils ressentent comme un échec. Ils ne sont pas formés pour soulager les symptômes ni pour approcher globalement les situations de fin de vie.

En outre, les médecins ne disposent pas, à l'heure actuelle, d'outils de réflexion éthique pour guider leur action. L'interdisciplinarité n'est appliquée que dans de rares services (84). Mme Pesleux nous a décrit longuement les conditions de vie difficiles en milieu hospitalier (l'hôpital, entreprise performante qui doit être rentable, la charge de travail du personnel médical et infirmier, la communication déficiente entre infirmières et médecins, l'épuisement professionnel ...). « Il n'y a pas de financement pour la concertation, la réflexion, l'écoute, le support », ajoute-t-elle (85).

Si la réalité notamment hospitalière ne permet pas la réalisation de conditions considérées comme indispensables pour l'application de la loi, ces conditions ne risquent-elles pas en définitive de se résumer à de simples clauses de style, même en dehors de toute volonté de leurs auteurs et engendrer en bout de course des euthanasies non demandées ? (86) En d'autres termes, l'urgence n'est-elle pas de s'atteler d'abord aux questions situées en amont du problème ? À cet égard, Mme Aubry a notamment souligné les divergences qui existent entre notre pays et les Pays-Bas :

­ divergence de mentalité (plus d'ouverture, de communication, formation en communication);

­ les droits du patient sont déjà bien implantés;

­ il y a plus d'infirmières dans les hôpitaux et elles sont plus disponibles pour l'accompagnement des patients, parce qu'on leur délègue moins d'actes médico-techniques.

Le docteur Clumeck a également insisté sur la nécessité de situer la problématique de l'euthanasie dans un contexte plus large des droits des patients, de la fin de vie, de la prise en charge des patients ... (87).

« Avant de tout focaliser sur l'euthanasie », nous dit Mme Diricq, « il y a un travail à accomplir en amont. Je ne veux pas idéaliser les équipes de soins palliatifs, mais je pense qu'elles peuvent grandement participer à ce travail. » (88).

À la question posée au président de la société de gérontologie lors d'une audition informelle : « que faut-il faire ? », celui-ci a répondu en deux mots : « écouter » et « communiquer » (89).

Importance de la médecine axée sur le soulagement de la douleur et des soins palliatifs

Un constat unanime : Les soins palliatifs sont insuffisamment développés, et ne sont pas développés partout de manière égalitaire, ils doivent être entièrement exploités. Il faut garantir au patient la liberté de choix au niveau de la forme d'accompagnement qu'il souhaite à cet égard en garantissant l'égalité de traitement dans l'accès aux soins palliatifs [coût domicile/hôpital/MR(S)].

Comme l'a souligné, le docteur Clumeck, il faut que les moyens soient justement répartis entre les gens. Il n'est pas normal qu'un patient A ait une télévision et un matelas à eau et un autre n'en dispose pas, et que cette situation engendre un état de désespoir chez la seconde personne et éventuellement une demande d'euthanasie. Le docteur Clumeck préconise donc qu'il faut définir les moyens nécessaires pour certaines maladies : le pronostic doit être posé et la prise en charge optimale doit être définie.

Plusieurs intervenants ont souligné les besoins à cet égard :

­ davantage de temps et de moyens, davantage de projets mixtes USP/équipes mobiles de soins palliatifs dans les hôpitaux (90);

­ meilleur financement (91);

­ unités de soins palliatifs : unités de 6 ou de 12 lits. Sur l'USP Saint-Jean à Bruxelles, 30 % des demandes ne peuvent être honorées. Le quota d'occupation est de 80 %. Au-delà, le supplément de charge de travail du personnel ainsi que les frais de fonctionnement ne sont pas remboursés. Le prix de journée dans les unités ne couvre pas l'acte intellectuel et la gestion d'une équipe pluridisciplinaire. Les activités de formation, les entretiens avec les psychothérapeutes, l'accompagnement du deuil, les liens fonctionnels que les unités doivent avoir avec les MRS ne sont pas couverts (92). Par ailleurs, les honoraires de surveillance des médecins dans les USP sont insuffisants (93);

­ hôpital : la fonction palliative est obligatoire, mais 450 000 francs/750 000 francs (selon le nombre de lits) sont alloués à l'hôpital pour cette fonction. C'est insuffisant (94);

­ maisons de repos (et de soins) : c'est là où les besoins sont les plus criants. Le docteur Mullie parle de la nécessite d'1 ETP infirmier pour 120 occupants de maisons de repos, ce qui signifie un budget supplémentaire de 1 350 milliard (95).

Selon le docteur Mullie, à l'heure actuelle, les moyens mis à la disposition du secteur palliatif permet de couvrir les soins d'un mourant sur trois (96). Il précise : « La loi en préparation concernant les soins palliatifs ne doit pas élaborer un plan de soins palliatifs avant la fin 2001, mais confirmer le plan de développement qui existe depuis déjà dix ans et libérer pour ce faire les budgets nécessaires (environ 2 milliards); les moyens actuels permettent tout au plus d'encadrer un mourant sur trois. »

­ enseignement sur l'accompagnement des malades et de leurs familles, (97) dans leur processus de deuil également, insistance sur la formation et la formation continuée (98);

­ stages en unités de soins palliatifs (USP) (99);

­ programmes d'évaluation qualitative et quantitative des pratiques de soins palliatifs sur le terrain, des unités, des équipes mobiles de l'hôpital, dans les maisons de repos et au domicile (100).

Or, les soins palliatifs, et il y a unanimité des intervenants à cet égard, apportent dans la grande majorité des cas une réponse aux demandes d'euthanasie formulées par les patients (101) :

­ « Les soins palliatifs constituent une réponse appropriée à une souffrance sans issue (...) Nous ne sommes pas des partisans de l'acharnement palliatif (...) Notre position est au contraire de dire « rien ne sera fait qui aille à l'encontre de la dignité humaine ... Il s'agit de limiter le nombre de suicides grâce à une offre valable de soins psychiatriques, de limiter le nombre d'euthanasies grâce à une offre valable en matière de soins palliatifs. » (102).

­ « Lorsque l'approche des soins continus est correctement appliquée, il ne persiste que de l'ordre de 1 % de demandes d'euthanasie répétitives et non ambivalentes. » (103).

­ « Des soins palliatifs bien développés et la sédation contrôlée peuvent d'ailleurs permettre de réduire à un minimum le nombre des demandes d'euthanasie. » (104).

­ « Des soins palliatifs optimums permettent d'éliminer la plupart des demandes d'euthanasie, en particulier dans l'oncologie. Quant aux rares situations résiduelles ou symptômes réfractaires, nous les traitons avec succès par une application minutieuse de sédation contrôlée intermittente ou continue. » (105).

S'orienter vers la culture palliative signifie en réalité développer une nouvelle culture de soins dite soins continus

Les soins palliatifs connaissent à l'heure actuelle un développement plutôt limité aux patients en fin de vie. Or, beaucoup d'intervenants ont souligné la nécessité de parler de soins continus, plutôt que de soins palliatifs. S'orienter vers la culture palliative signifie à moyen/long terme une nouvelle culture de soins dite soins continus (106). Cette culture suppose (107) :

­ une compétence médicale spécifique (soulagement douleur);

­ une approche relationnelle [accompagnement patient et proches (y compris deuil)];

­ des éléments de repérage éthique et un questionnement éthique (discussion collégiale, concertation interdisciplinaire ...).

Il ne s'agit pas seulement du problème des dernières semaines de la vie. Comme le souligne une intervenante, « avant de mourir dans la dignité, il y a être malade et être vieux dans la dignité. C'est seulement quand le monde médical au sens large aura accepté le concept des soins palliatifs que nous pourrons réellement parler de « continuité » des soins et que ceux-ci deviendront une priorité. » (108).

Mme Pesleux souligne que la diffusion de la culture palliative au sein de l'hôpital contribue à la reconnaissance et au développement des droits du patient (109).

Certains parlent même de soins « supportifs » (cf. l'unité récemment créée à Bordet), qui visent à soulager le patient, même s'il n'est pas en phase terminale.

Consultation a priori

S'orienter vers la culture palliative implique nécessairement faire place à la consultation collégiale pluridisciplinaire (110). Il ne s'agit en rien d'une tribunalisation, mais bien d'éclairer une décision grave. Toute situation de fin de vie doit faire l'objet d'une approche globale où les problèmes tant médicaux que psychologiques, sociaux, familiaux, spirituels ou philosophiques du patient doivent faire l'objet, avec son accord, d'une discussion collégiale interdisciplinaire entre le médecin et les membres de l'équipe soignante ou les tiers concernés [psychologues spécialisés en traitement de la douleur, psychiatres (exemples: Bordet), diététiciens, kinés, ergos, ...] et éventuellement les proches. La médecine palliative nous montre l'importance de la communication dans la prévention des problèmes.

C'est ce qui a été souligné par la majorité des intervenants.

­ Le médecin devrait avoir la possibilité de réunir l'équipe soignante, infirmiers, aides-soignants, psychologues, assistants sociaux, éventuellement les proches et un représentant de ses options philosophiques, s'il le désire (111). Il ne s'agit en aucun cas d'une tribunalisation.

­ Dans le colloque singulier avec son patient, le médecin est le seul détenteur de la décision finale. Afin qu'il ne porte pas seul le poids parfois lourd d'une décision difficile, outre l'avis d'un collègue indépendant expert en la matière, il devrait également éclairer la demande du patient de l'avis de l'équipe soignante et de l'équipe de soins palliatifs si elle existe localement (112).

­ Le docteur Mullie a insisté longuement sur la nécessité d'un « contrôle a priori via les soins palliatifs ». Pour lui, l'équipe palliative est l'instance éthique la mieux adaptée. Si une législation devait être prise, elle devrait impliquer l'équipe palliative beaucoup plus directement, élargir le rôle du deuxième médecin (son avis devrait porter non seulement sur le caractère incurable de la maladie, mais également sur les conditions posées relatives à la demande du patient, au caractère insupportable et persistant de sa souffrance qui ne peut être apaisée), impliquer l'équipe soignante et prévoir une instance d'évaluation vers laquelle les avis de l'équipe palliative et du deuxième médecin seraient envoyés afin de pouvoir évaluer l'application de la loi (113).

­ Ce renvoi vers une instance, un « comité des sages » est aussi avancé par d'autres intervenants. Il ne s'agirait pas d'une structure décisionnelle, mais d'une structure qui amènerait le médecin à approfondir sa réflexion (114).

­ Cette consultation collégiale préalable doit prendre un caractère obligatoire pour éviter toute dérive vers des euthanasies non demandées, pour garantir une sécurité au patient (115), afin que des euthanasies ne soient pas pratiquées par lassitude ou par lâcheté (116), et aussi parce que cette interdisciplinarité permet d'approcher globalement les situations de fin de vie et permet d'avoir une analyse éthique plus approfondie (117). Il ne faudrait pas en arriver à définir une catégorie de médecins « euthanasieurs », qui serait une sous-spécialité de la médecine, avec des médecins omnipotents, omniscients, qui n'estiment pas nécessaire de s'entourer d'avis puisque ce sont des spécialistes et qu'ils en ont vu d'autres, appuie le Dr Clumeck.

­ Le professeur Baum insiste sur la nécessité d'en référer aux cellules d'aide à la décision existantes dans les hôpitaux (118).

­ Il est important d'associer les proches aux décisions mais avec discernement, avec l'accord du patient. Cela demande du temps, de la disponibilité, de l'écoute.

­ La responsabilité ultime de tout acte médical doit toutefois rester celle du médecin. La concertation ne signifie pas dilution ou partage de responsabilités (119) ! D'où l'importance de laisser au médecin son espace de liberté thérapeutique. Il ne faut pas oublier que la première mission du médecin est de soigner son patient. Il ne faut pas en arriver à pratiquer un abandon thérapeutique et bien distinguer l'acharnement thérapeutique de l'obstination thérapeutique. Ce qu'il faut avoir c'est une pluralité d'éclairages (120).

­ « Dans des telles circonstances, le médecin doit, en concertation avec le patient, l'équipe soignante, les proches ou personnes de confiance et au moins un collègue compétent, prendre une décision qu'il doit toujours pouvoir justifier. » (121).

­ La consultation collégiale préalable, notifiée au dossier médical (indication des avis, des gestes posés, etc.) est la meilleure garantie contre les euthanasies clandestines (122).

­ « N'enfermer l'événement d'euthanasie que dans un « colloque singulier » ouvre la porte à des abus », déclare le professeur Schotsmans, partisan de la position 3 du Comité consultatif de bioéthique (123).

­ Certains intervenants ont insisté sur la nécessité d'une tierce personne : pour le professeur Van Neste, le contrôle éthique, qui implique une approche globale du patient tant physique, que psychologique, spirituelle ou sociale, doit venir d'un membre de l'équipe palliative, plus que d'un éthicien proprement dit (124).

Certains intervenants ont souligné que la procédure de consultation a priori pouvait difficilement être réalisée à l'heure actuelle au niveau de certains services à l'hôpital, comme les soins intensifs, ou au niveau du domicile ou encore dans les MR(S) (125). Or, il importe que le patient soit traité de la même façon quelle que soit son appartenance sociale, économique ou culturelle et quel que soit également son mode de prise en charge. Le docteur Mullie soutient, à cet égard, une large implication des soins palliatifs via le coordinateur en soins palliatifs, l'équipe de soutien du domicile (avec le médecin de confiance comme personne-clé), les équipes palliatives dans les MRS et les hôpitaux (126). Il faut créer ces procédures là où elles n'existent pas.

Le docteur Clumeck précise aussi : « L'acte euthanasique n'est pas une urgence médicale. Mais on peut être amené à la pratiquer dans l'urgence. » (127).

Déclaration a posteriori

Le contrôle a posteriori instauré par la proposition de loi commune des six sénateurs pose différents problèmes, qui ont été soulignés par certains intervenants (128) :

­ On peut s'interroger d'abord sur la disponibilité de la justice à prendre une décision en un laps de temps aussi court que trois jours.

­ Il y aura immanquablement une période d'attente pénible à la fois pour le médecin concerné, et encore plus pour la famille dont l'entrée en deuil sera différée, pénibilité qui pourrait être encore accrue dans le cas d'une autopsie.

­ Pour le médecin, cela pourra signifier une bureaucratie exponentielle.

­ La sécurité juridique ne sera certainement pas assurée de manière absolue pour le médecin puisque les poursuites resteront toujours possibles si le procureur estime que certains critères proposés semblent ne pas avoir été respectés (sauf à admettre, comme le prof. Messine le soutenait, qu'il s'agit effectivement bel et bien d'une autorisation de la loi, avec un simple contrôle formel des conditions d'administration de l'acte, ce qui nuirait alors à la sécurité juridique à l'égard du patient).

­ Une déclaration a posteriori n'a aucun sens. Qui va déclarer quelque chose alors qu'il sait être en infraction ? Le plus probable c'est que dans les cas douteux, il n'y aura pas de déclaration, comme cela se passe aux Pays-Bas (129).

Le docteur Philippart concluait : « seule une déclaration a priori est susceptible d'apporter au médecin, comme à la famille, et à la société, cette sécurité désirée », ce qui est la position adoptée par de nombreux intervenants.

Certains intervenants se sont toutefois déclarés preneurs d'un contrôle a posteriori, à l'instar de la « toetsingscommissie » de droit néerlandais, avec éventuellement une intervention des médecins légistes (130).

L'audition du professeur Siccard, président du Comité d'éthique français, a fait impression.

L'intervenante retient de celle-ci que l'ensemble du comité est contre une dépénalisation et pour reprendre les mots du professeur Siccard, qu'en matière d'euthanasie, la société doit être convoquée avant que l'acte ne soit posé (contrôle a priori), et que la justice doit pouvoir exercer son contrôle une fois l'acte accompli (contrôle a posteriori).

De l'exception de procédure qu'il propose, nous retenons l'idée que si un magistrat est saisi d'un dossier, il doit pouvoir bénéficier de l'éclairage interdisciplinaire d'experts compétents.

Importance de partir du malade et de sa demande

Il est important de faire la distinction entre la demande du malade et son désir. Que demande un patient lorsqu'il demande l'euthanasie ? Sa demande exprime-t-elle littéralement un désir de mourir ?

L'intervenante déclare avoir beaucoup apprécié la réponse de Mme Diricq, qui souligne, comme d'autres intervenants (131), l'ambiguïté de la demande du patient. Quand le patient demande l'euthanasie, il ne demande pas la mort, « il demande de rester en vie, mais de vivre autrement » (132). C'est, dans la grande majorité des cas, souligne un autre intervenant, « un appel à l'aide venant du malade et/ou de sa famille, pour vivre mieux ou moins mal » (133).

Il faut se poser la question : que désire en réalité le malade ? Quel besoin cette demande traduit-elle ?

Il peut s'agir d'une demande de représentation, qui traduit le besoin de se représenter l'inimaginable passage de la vie à la mort, d'une demande de relation surtout, d'une demande de reconnaissance. Le malade en train de mourir nous demande s'il est encore digne de relation avec les autres êtres humains (134). Or, l'on constate à la lecture de certains dossiers médicaux, que « plus l'état du patient se dégrade, plus il approche de la mort, plus les notes dans son dossier diminuent, au même rythme parfois que les passages dans sa chambre (...). La mort sociale précède la mort clinique. On parle déjà de lui à l'imparfait. C'est tout juste si le patient ne s'excuse pas d'être encore là ! ». C'est ce qui fait dire à Marie de Hennezel que si à ce moment, le médecin accède à la demande du patient, il le tue deux fois, réellement et symboliquement en lui confirmant son sentiment d'inutilité.

« Exister pour un être humain dépend de la présence de l'autre depuis l'origine de la vie jusqu'à la mort (...). Ce regard de l'autre sur soi sera, jusqu'au bout de la vie, le fondement de notre humanité », dit encore Mme Diricq (135). Il s'agit de penser la personne humaine dans sa globalité, c'est-à-dire dont la dignité s'inscrit dans la relation à l'autre et ne pas seulement penser le malade (136).

La plupart des réflexions des intervenants, si elles resituaient le patient au centre du processus de décision, soulignaient en effet le fait que le patient était « en relation », « en contexte », et qu'il était inopportun de faire abstraction de ce contexte. Mme Baum réfute les définitions principalistes de l'autonomie et de la liberté. « Une liberté est toujours en contexte et le contexte du mourant, c'est une autonomie de droit et une vulnérabilité de fait. Les projets de loi me paraissent un peu idéalistes sur ce plan, car ils ne prennent pas en compte la phénoménologie du mourir », souligne-t-elle (137) (= apport des sciences humaines).

Autonomie ­ Dignité

Cela mène à la question de l'autonomie du patient. Presque tous les intervenants ont souhaité que le « patient soit au centre », mais beaucoup d'entre eux ont souligné les limites de l'autonomie du patient mourant, vu son extrême dépendance (dépendance à l'égard de la bienveillance des soignants, des proches, sa réceptivité particulière aux pressions même non dites ..). Comme le souligne justement Mme Baum, « le mourir tend à devenir un phénomène de moins en moins culturel et de plus en plus socio-économique. Tout se passe comme si la dépendance de la personne mourante et l'idéal d'autonomie vénéré par l'homme occidental en bonne santé étaient inconciliables. » (138). Par ailleurs, une décision de fin de vie, bien qu'elle ne puisse être prise que par le patient lui-même, ne touche pas que le patient : elle touche les proches, l'équipe soignante et toute la société. Le débat ne porte donc pas tant sur qui peut décider, que sur quelle est la bonne décision dans une situation déterminée (139).

Mme Baum précise qu'il ne s'agit pas tant de chercher la bonne solution, que de chercher la moins mauvaise pour chacun. Je me permettrai ici de la citer in extenso : « La revendication de la liberté devrait dès lors être celle d'une liberté corresponsable entre médecin et patient, ce qui est pour moi le contraire d'une dilution de la responsabilité. » « On ne peut prétendre, ajoute-t-elle, être pluraliste et mépriser la relativisation de l'autonomie par d'autres valeurs, la vulnérabilité du patient, par exemple. Il s'agit d'un débat entre individualisme et communautarisme, car comme le disait Sartre « On ne peut être libre seul. » (140). « On entend souvent dire, poursuit-elle, que la légalisation de l'euthanasie représente les autonomes qui ont le courage de maîtriser leur propre mort. Mais derrière cette revendication d'autonomie, et là réside le problème, se cachent des déterminismes socio-économiques qui font que ce désir n'est pas un désir libre, mais un désir induit.

La sociologue Anita Hocquard a montré dans son étude conduite auprès des membres de l'ADMD que la honte provoquée par la dégradation provoquait la demande d'une « citoyenneté létale ». Pouvons-nous parler dans ce contexte de revendication autonome ? Ne devons-nous pas tenir compte de la vulnérabilité de fait des demandeurs d'euthanasie volontaires sans tomber dans le paternalisme qui consisterait à juger leurs actes ? Qu'est-ce alors la revendication du droit de mourir ? Une simple liberté ou une créance ? », demande-t-elle.

Mme Baum poursuit en soulignant la montée de l'individualisme qui caractérise notre modernité, un individualisme de légitimation, qui a évolué vers une pluralité d'individualismes conflictuels. « Ces conflits invitent à penser les limites de l'individualisme dans une démocratie pluraliste. Nous sommes passés d'un individualisme universalisant qui a donné naissance aux droits de l'homme à un individualisme narcissique. » Le profil des adhérents de l'ADMD, profil d'individualistes visant à utiliser le contrôle de la mort pour éviter la souffrance, tel que l'a démontré la sociologue Anita Hocquard, « nous donne », souligne-t-elle, « des éléments de réflexion en termes de légitimation politique de l'euthanasie par une certaine classe sociale peu consciente peut-être de ses conséquences pour des patients économiquement plus faibles et moins privilégiés en termes d'éducation. » (141).

Mme Aubry a aussi montré toute la difficulté pour les patients mourants, dans des situations aussi extrêmes, d'exercer leur autonomie de manière pleine et entière. « La frontière entre liberté et pression est ténue. Le risque de pression est d'autant plus grand si ceux qui devraient donner le choix au patient sont eux-mêmes intéressés au choix qui est fait. » (142).

Demandes d'euthanasie : par qui ? pourquoi ?

En ce qui concerne les demandes d'euthanasie, les auditions nous révèlent :

­ qu'elles émanent davantage des proches que du patient lui-même (143). Comme le rappelle Mme Henry, au nom de la Ligue Alzheimer, avant d'exécuter une directive anticipée, n'y a-t-il pas d'abord l'obligation de soigner et d'apporter une qualité de vie au patient (144) ? Lorsque des demandes d'euthanasie sont formulées, le plus souvent par la famille, qui éprouve d'énormes difficultés à vivre cette situation, poursuit Mme Henry, « l'écoute active m'aide à décoder ces demandes (145) et à dire : « Vous n'en pouvez plus; mais, oui cette histoire n'en finit pas. » La maladie d'Alzheimer est aussi très coûteuse. « Il faut pouvoir recevoir ces demandes et les traiter comme il convient. Non pas préconiser un acharnement palliatif mais plutôt conseiller, réfléchir au problème en apportant une aide psycho-médico-sociale. » (146). Cela souligne toute l'importance des mesures de soutien et d'accompagnement des proches, qui sont souvent en proie à des sentiments d'épuisement, ou d'impuissance. Cette attention aux proches fait partie intégrante de l'accompagnement palliatif;

­ elles peuvent faire suite à un acharnement thérapeutique (147), d'où l'importance d'un encadrement général des décisions médicales de fin de vie. Cela rejoint l'idée qu'il ne faut pas examiner l'euthanasie indépendamment des autres problèmes liés à la fin de vie;

­ elles peuvent être provoquées par les douleurs physiques ou psychiques :

· douleurs physiques mal dominées,

· douleurs psychiques et, plus encore (148), le sentiment écrasant et désespérant d'être seul, d'être de trop, de n'être plus digne [l'angoisse face à la détérioration (déchéance)], de n'être plus aimable et aimé, la peur de mourir seul, abandonné, l'angoisse de dépendance, souci d'être une charge pour les autres, souci quant aux conséquences financières pour les proches (149), mauvaise représentation du pronostic ou de l'évolution de la maladie (150) ...

Le docteur Van den Eynden (151) a souligné l'existence de demandes d'euthanasies provoquées par des souffrances existentielles ou spirituelles. Le docteur Bouckenaere insiste sur l'importance de faire appel à un psychiatre pour faire la différence entre un état dépressif profond et un refus ferme de continuer à vivre (152).

Il faut souligner ici les progrès considérables de la médecine dans le combat contre la douleur (par exemple l'expérience du docteur Lossignol à l'Institut Bordet).

Mme Pesleux précise : « Aujourd'hui, la plupart des douleurs peuvent être soulagées, ce qui ne veut pas dire qu'elles le sont parfaitement. Il subsiste, il est vrai, quelques situations exceptionnelles, dans lesquelles la douleur n'est que partiellement soulagée. » Elle conclut : « Faut-il dès lors légiférer pour des situations d'exception ? » (153). Ce savoir doit toutefois encore être diffusé. La formation à la lutte contre la douleur est encore insuffisamment répandue et les réticences de certains médecins à l'égard de l'usage de certains médicaments, telle la morphine, sont réelles (154).

Plusieurs intervenants ont souligné que le désir de mourir disparaissait la plupart du temps si des soins palliatifs étaient prodigués dans les règles de l'art. D'où l'importance du développement de ces soins, comme je l'ai déjà souligné (voyez supra).

Malgré tout, il subsiste des situations, que la plupart des intervenants ont qualifiées d'exceptionnelles, où persiste une demande réelle d'euthanasie active directe ou assistance au suicide. Pour le docteur Bouckenaere, les « vraies demandes d'euthanasie » sont celles qui sont « motivées par une souffrance physique que la médecine actuelle est incapable de soulager et celles qui sont motivées par une conception philosophique personnelle de la dignité que l'accompagnement le plus respectueux ne parvient pas à réduire » (155).

Vu les progrès considérables de la science médicale dans le soulagement de la douleur, on peut estimer que subsisteront, en définitive, essentiellement les demandes induites par une conception philosophique personnelle de la dignité (demandes d'euthanasie intellectuelles ou rationnelles). Il faut donc se poser la question :

­ Existe-t-il réellement un droit à choisir le moment de sa mort ? Aucune proposition ne prévoit ce droit subjectif.

­ Peut-on parler d'autonomie lorsque l'on pose cette question, lorsque cette question implique nécessairement un tiers ?

Il est renvoyé ici aux interrogations pertinentes de Mme Baum, qui se réfère à la sociologue A. Hocquard (voyez supra) : « Quelle est la cohérence d'un droit de créance qui implique l'intervention d'un tiers ? Comment comprendre qu'un individu en appelle à la solidarité sociale ­ et c'est là qu'elle met le paradoxe ­ pour échapper au social et à ses solidarités ? Y a-t-il aujourd'hui une émergence d'une citoyenneté létale, l'existence d'un courant suicidogène ? Il n'y a pas moyen de montrer qu'une légalisation de l'euthanasie encouragerait un courant suicidogène, mais il n'y a pas non plus moyen de montrer que cela ne l'encouragerait pas. » (156).

­ Peut-on donner aux médecins un tel pouvoir (157) ?

Dérives ­ Morts volées ­ Euthanasies clandestines

Mme Baum est, sans doute, l'intervenante qui a souligné avec le plus de force que la dérive économique n'était pas un fantasme, comme l'avait affirmé le professeur Englert, mais une menace réelle notamment pour les patients les plus âgés. Elle renvoie à une étude réalisée par la sociologue Anita Hocquard. On apprend ainsi que :

­ l'acharnement thérapeutique ne provient en réalité pas des excès de rationalité mais qu'il est consécutif à une absence de rationalité de soins.

­ les interruptions de traitement sont motivées par un jugement subjectif du médecin sur l'absence de qualité de vie future. Viennent ensuite comme critères l'inutilité des soins et l'âge du patient. La demande de la famille n'arrive qu'en troisième position. Les considérations économiques apparaissent entre 4 et 8 % des cas et conduisent à provoquer la mort de patients n'ayant pas fait de demande.

On s'attend dans les années à venir à un triplement du nombre de personnes âgées de 75 ans et à un quadruplement des personnes de 85 ans et plus dans les unités de soins. Le poids économique du vieillissement de la population de notre vieux continent a mené à une diminution de la médicalisation du quatrième âge et, par contre, à une augmentation de la dépendance de cette même population. On s'attend à une augmentation d'au moins 30 % des coûts liés au vieillissement d'ici 2040.

Pour elle, le seul rempart contre des dérives de type socio-économique, contre les euthanasies non demandées, c'est une régulation a priori. « Il me semble essentiel, dit-elle, qu'une régulation a priori permette de vérifier que la perception de la dignité humaine par le patient vient d'une conception de la dignité personnelle afin qu'elle ne soit pas vécue par certains patients, qui ont d'autres convictions sur la dignité humaine, comme une violence faite à leur vulnérabilité physique et socio-économique. » (158).

Elle précise : « Une procédure de régulation a priori permet de postposer une régulation juridique en invitant d'abord à s'interroger sur la clandestinité des pratiques banalisées d'euthanasie en milieu hospitalier. Cette première étape devrait permettre au droit de se mettre en phase avec la réalité de terrain. » (159).

Ce danger de dérive économique est réel lorsqu'on sait que 10 % des patients malades entraînent 75 % des dépenses. Certains pays occidentaux refusent déjà tout simplement d'accorder le remboursement de certains soins vitaux. Les dernières semaines et surtout les derniers jours de vie sont les plus coûteux (160).

Ces menaces réelles de dérive vers des euthanasies socio-économiques a été souligné par plusieurs autres intervenants (161).

Certaines euthanasies non demandées se produisent par lassitude, manque de temps, manque de compétence, manque de communication entre le médecin et l'équipe soignante, manque d'écoute du patient (162). Le président de l'Association de gérontologie a bien confirmé que ces mots « communication » et « temps » étaient les maîtres-mots.

L'on songe ici encore aux paroles de Mme Baum, qui cite A. Hocquard : dans une société qui valorise la vieillesse, la liberté de choisir ou non une demande de mort est plus libre, moins déterminée que lorsque l'on se sent inutile. Comment faire pour réintégrer cette quatrième tranche de vie que nous a offerte la biomédecine dans l'ensemble du corps social pour que le droit de mourir ne devienne jamais un devoir de mourir (163) ?

Le meilleur moyen de lutter contre les euthanasies non demandées est d'instaurer une régulation a priori des prises de décisions en fin de vie (voir également infra). C'est l'orientation de la position dite position 3 retenue par notre Comité consultatif de bioéthique, qui est d'ailleurs expressément soutenue par beaucoup d'intervenants (164). Cette procédure a priori fait partie intégrante de la culture palliative, qui implique nécessairement la communication, la circulation de parole :

Mme Baum souligne ainsi que « les soins palliatifs, essentiellement les soins palliatifs volants, qui essaient de développer une révolution de la médecine, de la médecine curative vers la médecine continue, tentent de prendre en compte toute ces dimensions pour contextualiser la demande du mourir et faire en sorte qu'on n'avalise pas une demande dépressive mais qu'on permette à la demande de s'exprimer dans une liberté » (165).

Le deuxième garde-fou indispensable contre les euthanasies clandestines est aussi la tenue minutieuse et détaillée d'un dossier médical complet. (Dans les méditations sur l'avenir de la médecine de juin 2000, le docteur Wynen se pose la question de l'euthanasie et du secret médical dans l'hypothèse où les euthanasies devraient être déclarées à des autorités ou instances).

Le témoignage de Mme Diricq a montré combien l'entourage ­ même s'il est de bonne volonté et à l'écoute du patient ­ et le malade lui-même peuvent avoir des notions très différentes de ce qu'on entend par qualité de fin de vie. Cette série de questions autour de la sémantique des mots invite à poursuivre la réflexion sur d'autres questions : qui doit décider de cette fin de vie ? Le médecin et le patient ? Le médecin, son équipe et l'entourage ? Tout le monde ensemble (166) ?

Distinction patient terminal-patient non terminal

À l'instar de beaucoup d'intervenants, l'intervenante veut maintenir la distinction entre patient terminal et patient non terminal ou patient incurable. Tout comme elle veut clairement maintenir la conjugaison des souffrances physiques irréductibles, c'est-à-dire qui ne peuvent être soulagées dans l'état actuel de la médecine, et insupportables pour le patient au niveau des conditions pouvant justifier l'accomplissement d'un acte d'euthanasie et exclure les seules souffrances psychiques. Il est, en effet, extrêmement difficile d'accepter les seules souffrances psychiques ou la détresse comme pouvant justifier la réponse à une demande d'euthanasie.

Plusieurs intervenants ont souligné que le désespoir insupportable, qui peut toucher les patients atteints d'une affection incurable, est un problème existentiel, qui ne pourrait justifier une euthanasie (167), mais éventuellement, selon certains, une assistance au suicide.

Les risques de dérive liés à l'extension du champ d'application d'une loi éventuelle aux patients ne se trouvant pas dans une phase terminale sont trop importants que pour consentir à une telle extension.

Le problème qui se pose dans ces cas est souvent un problème d'acceptation, par la société, des êtres humains, dans leur particularité, avec leurs différences (168).

L'ambiguïté du raisonnement du professeur Englert à cet égard doit être rejetée lorsqu'il pose la question : « Quel serait le sens d'une société qui rejetterait les personnes handicapées et ne leur donnerait aucune place, les laisserait dans un coin sans les nourrir, mais leur refuserait l'euthanasie, si elles la demandent, en raison de la discrimination que cela pourrait entraîner ? » La même ambiguïté apparaît lorsque le professeur Englert affirme : « Accepter de laisser les vieux croupir dans d'affreux hospices sans jamais aller les voir mais dire que surtout il ne faut pas les tuer n'est pas digne d'une société respectueuse des droits de l'homme et des citoyens, qu'ils soient ou non économiquement actifs » (169). Cela revient à justifier la légitimation de l'euthanasie dans notre société parce que la prise en charge des personnes âgées ou des personnes handicapées n'est pas toujours assurée de manière adéquate. Ne voit-on pas clairement la mauvaise réponse que l'euthanasie apporte dans ces cas précis où le vrai débat est précisément l'acceptation et la reconnaissance de tout être humain au sein de la société et les dérives qu'une légalisation de l'euthanasie pourrait avoir dans ces cas ?

Beaucoup de discussions ont eu lieu autour de la notion difficile à définir de « phase terminale ». Le critère restrictif de « mort imminente » est proposé par le docteur Philippart (170).

Mme Cambron-Diez souligne, à cet égard, l'importance de laisser suffisamment de place à l'incertitude, en particulier en ce qui concerne les diagnostics ou les pronostics. « L'incertitude permet au patient de se mettre au centre du processus de soins. » « Elle nous évite, précise Mme Cambron, de passer de notre savoir au pouvoir sur l'autre. » (171).

Nécessité de légiférer sur les droits du patient et d'encadrer les pratiques médicales existantes ­ déclaration anticipée de volonté

i. Droits du patient

Mme Baum a précisé qu'un contrôle a priori, renforcé par une légalisation d'une Charte des droits du patient, lui paraissait la meilleure garantie contre les euthanasies clandestines. Cet aspect a été souligné par beaucoup d'autres intervenants (172).

À cet égard, il est essentiel de s'inspirer des exemples internationaux de codification, tels la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Oviedo, 4 avril 1997), la Déclaration sur les droits du patient (Déclaration dite de Lisbonne, 1995), de l'Association médicale mondiale, ou encore de la Déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe (Déclaration dite d'Amsterdam, 1994) de l'Organisation mondiale de la santé.

Lors des auditions, il a plus été question de l'information du patient que du consentement du patient et du respect du refus du patient à l'égard de traitements ou de soins médicaux.

­ Information : il ne s'agit pas tellement de la vérité, froide et crue, que de la réalité de la situation. Il faut développer une relation authentique, proche et respectueuse de la personne.

­ Légiférer pour lutter contre l'acharnement thérapeutique implique aussi une réflexion sur le consentement :

Qui peut consentir ? Quelles sont les catégories de patients concernés ?

Dans les patients conscients, on peut certes recueillir le consentement des personnes majeures et capables, ainsi que des mineurs émancipés.

Incapables : quid ?

Au niveau des biens, il existe un régime de représentation (interdits judiciaires, mineurs prolongés ...). Qu'en est-il des décisions concernant la personne ? Il faut également réfléchir sur la distinction entre mineurs doués/non doués de discernement. L'audition du docteur Moulin a été particulièrement intéressante sur la question de l'écoute de la parole de l'adolescent.

En matière de biens, un régime d'assistance a été prévu pour les personnes mises sous conseil judiciaire, à savoir les prodigues et les faibles d'esprit. Quid en matière de décisions concernant leur personne ?

Qu'en est-il à l'égard des malades mentaux (loi du 26 juin 1990) et des administrés provisoires (visés par la loi du 18 juillet 1991) ?

Face à un patient inconscient : qui informer dans ce cas ? Qui consent dans ce cas ? Mme Pesleux, de manière générale, a souligné que les situations les plus fréquentes et les plus problématiques concernent les patients inconscients (173).

C'est Mme Kempeneers qui a souligné, en dehors des difficultés liées à l'élaboration d'une législation sur les droits du patient, les dangers de dérive que pouvait comporter la proposition commune déposée par certains sénateurs de la majorité à l'égard des handicapés majeurs sous administration provisoire de leurs biens et les handicapés ne bénéficiant pas de régime de protection juridique.

S'il est vrai que la proposition dont question ne vise pas les incapables, il est vrai également que ces personnes ne sont pas des « incapables » aux yeux de la loi (174). Des précisions s'imposent donc. Cela montre également la nécessité de circonscrire le débat aux patients en phase terminale afin d'éviter tout abus.

Le principe général qui s'est dégagé est que le patient doit être informé dans toute la mesure du possible sur son état de santé, de la manière la plus appropriée en fonction de sa capacité de discernement, de son état physique, mental, et psychologique et doit avoir le droit de prendre part aux décisions le concernant dans toute la mesure de ses capacités.

Toute réflexion sur les droits du patient implique aussi nécessairement une réflexion sur l'équilibre à conserver entre le consentement du patient à certains traitements et son droit de refuser certains traitements, d'une part, et la liberté thérapeutique du médecin, d'autre part, équilibre qui n'est pas facile.

ii. Déclaration anticipée de volonté

Ce type de directives présente de grandes faiblesses :

­ le fait de substituer une relation papier, incapable de saisir la complexité du moment, à la relation humaine basée sur la confiance réciproque entre le soignant et le soigné. La directive anticipée déshumanise la relation médicale, en instaurant en amont d'une situation de fin de vie, un contexte de méfiance. Elle risque d'induire un comportement mécanique dans le chef du médecin, effrayé par le poids de la directive;

­ l'impossibilité d'évaluer la souffrance physique ou morale intolérable dans le chef du patient inconscient qui n'est plus à même de l'exprimer pose problème;

­ la désignation d'un mandataire amené à exercer les droits du patient, comme le prévoit la proposition commune des six sénateurs, pose aussi problème. Cette situation génère dans le chef du malade une dépendance accrue vis-à-vis d'autrui, sans compter la lourde responsabilité à laquelle se trouve confronté le mandataire. Le danger est aussi de se trouver face à une personne de confiance « sur papier » dont les relations avec le malade se seraient dégradées.

Ces dangers sont soulignés par Mme Vandeville, laquelle relève également la limite à l'autonomie de la volonté du patient que constitue la liberté thérapeutique du médecin (175).

On remarque également que chez beaucoup de patients terminaux qui ont rédigé des déclarations de volonté anticipée où figurait l'option de l'euthanasie, la question de l'euthanasie disparaît quand il y a une bonne prise en charge palliative et un bon accompagnement (176).

La majorité des intervenants ont souligné la valeur de la directive anticipée à titre d'éventuel élément d'appréciation dans le cadre d'un processus de concertation élaboré autour du patient. Pour le docteur Clumeck, « il est important d'entendre les demandes et de prendre note du testament de vie (...). Ce testament de vie n'est toutefois qu'une indication. » (177).

Le professeur Van Neste (178) a rappelé que la Recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants exhorte les États membres du Conseil de l'Europe à prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les instructions ou la déclaration formelle (« living will ») rejetant certains traitements médicaux, données ou faites par avance par des malades incurables ou des mourants désormais incapables d'exprimer leur volonté. La recommandation invite également les États à définir les critères de validité relatifs aux instructions ainsi qu'aux pouvoirs des représentants légaux des intéressés. Il faut cependant noter que la recommandation, dans son alinéa suivant, ajoute immédiatement que la volonté exprimée par un malade incurable ou un mourant en ce qui concerne une forme particulière de traitement devrait être prise en compte, sans préjudice de la responsabilité thérapeutique ultime du médecin.

La Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine conclue au sein du Conseil de l'Europe (Oviedo, 4 avril 1997) dispose, quant à elle, en son article 9 : « les souhaits précédemment exprimés au sujet d'une intervention médicale par un patient qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa volonté seront pris en compte ».

Pour le professeur Van Neste, il s'agit d'un élément qui doit concourir à la prise de décision. L'avis du patient doit toujours être contrebalancé par le diagnostic et le jugement médical du médecin (179). Le docteur B. van den Eynden souligne qu'il s'agit d'un élément de communication entre patient, famille, soignants pour trouver un consensus (180).

« Avant de penser à une certaine obligation d'exécuter les directives anticipées qui valent ce qu'elles valent, nous avons l'obligation de soigner et d'apporter une qualité de vie au patient. C'est à ce niveau que nous pouvons déjà agir », souligne Mme Henry, représentante de la Ligue Alzheimer (181).

Le docteur Cosyns semble être le seul à accorder une importance décisive à la légalisation des directives anticipées (« élément d'aide à la décision »).

Il semble toutefois nécessaire de considérer que les déclarations anticipées de volonté du patient doivent faire partie du dossier médical (182).

iii. Encadrement des décisions de fin de vie

Aucune unanimité ne s'est dégagée pour une légalisation ou une réglementation de l'euthanasie en tant que telle. Par contre, il est plus juste de dire qu'un certain consensus s'est fait jour en faveur d'une réglementation transparente du processus de décisions de fin de vie.

Le professeur Van Neste prône ainsi une réglementation globale de ce qu'il appelle le « traitement médical légitime ». Pour lui, il convient de rendre les codes appliqués en fin de vie (Codes 0 à 3 (voire 4 ou 5) relatifs notamment à l'abstention ou l'arrêt de traitement et la désescalade thérapeutique) obligatoires dans les hôpitaux tout en assurant le respect des droits du patient dans l'application de ces codes. Le professeur Schotsmans prône également la transparence du processus de décision, qui est, nous rappelle-t-il, prise par une équipe, mais il ne parle pas de légalisation. Il souhaite plutôt des directives déontologiques élaborées par l'Ordre des médecins (183).

Pour le docteur Cosyns, il importe de légaliser ce qu'il appelle la « décision de traitement ».

Pour Mme Vandeville, comme pour beaucoup d'intervenants, le projet de développement des soins palliatifs est prioritaire. Par ailleurs, la diversité de chaque situation rend difficile toute législation. Il lui paraîtrait préférable de proposer une réglementation et un encadrement de la décision médicale dans les situations les plus importantes concernant la fin de vie.

Aspect juridique

i. Code pénal

Une assez forte majorité s'est dégagée dans les personnes auditionnées pour ne pas toucher à l'interdit du Code pénal. Les motivations sont diverses :

­ Mme Vandeville : l'euthanasie doit rester un acte d'exception considéré comme une transgression de l'interdit fondamental de tuer, car il faut éviter à tout prix que l'euthanasie ne devienne une réponse facile aux problèmes économiques liés au coût de plus en plus important des soins de santé face aux progrès de la médecine et à l'augmentation de l'âge de la population (184).

­ Docteur Bouckenaere : « Il ne faut surtout pas modifier le Code pénal. L'interdit de tuer est un signal fort, une indication claire de la nécessité de protéger toute vie humaine. Il est d'autant plus important de préserver la vigilance de cette barrière éthique que la confrontation avec la mort est difficile » (185).

­ Indépendamment de toute considération d'ordre religieux, M. Schoonvaere est contre la pratique de l'euthanasie, en particulier parce qu'elle risque d'entamer gravement la confiance entre le médecin et le patient et de provoquer chez ce dernier une lourde inquiétude (186). Quel rôle la société risque-t-elle de faire jouer au médecin chargé par le patient de porter la mort (187) ? Mme Diricq, dont les propos révèlent l'importance de l'anthropologie, de la psychologie et des sciences humaines en général dans le débat sur l'euthanasie, rappelle avec force les trois principes fondateurs de notre société. « Tu ne tueras point » est un de ces principes. Les deux autres interdits étant l'inceste et l'anthropophagie. Il est et restera toujours dangereux qu'une loi pénale aille a priori à l'encontre d'un de ces interdits, fondements de notre éthique et garants des relations humaines (...). Même si cet acte est autorisé par une loi humaine, il restera au niveau symbolique, de l'ordre d'une transgression radicale et impossible sans grandes répercussions psychiques (188). Cette idée de transgression d'une norme fondamentale de l'humanité dans une société démocratique a été soulevée par d'autres intervenants (189).

­ Le docteur Bouckenaere rappelle le registre symbolique de la loi : « Quelle représentation de la mort allons-nous créer pour la société de demain ? » Elle insiste sur la nécessité de réinscrire la maladie et la mort comme des dimensions constitutives de la vie sociale, et non comme des réalités à occulter.

­ La fonction de la loi pénale est rappelée par le professeur Messine. « La loi pénale n'a pas pour seule fonction du punir ceux qui la transgressent et de protéger ainsi la société. Elle exprime une valeur sociale et morale dont l'importance est telle que sa transgression appelle la répression (...). Dans notre société, la vie et l'intégrité physique et morale sont conçues comme des droits de l'homme au point qu'ils ont été reconnus comme tels dans des instruments juridiques internationaux comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'objet des propositions à l'étude est d'autoriser leur transgression dans les cas qu'elles décrivent. Cela signifie que dans ces cas, la protection de la vie de chacun contre ceux qui veulent y attenter n'est plus une valeur essentielle et que par conséquent, le législateur considérerait qu'il y a des vies plus ­ ou moins ­ dignes de protection que d'autres » (190).

­ Risque de déresponsabiliser trop rapidement les acteurs de terrain (185).

­ Risque de banaliser l'acte (185).

­ Risque de dérives : Toute dépénalisation même partielle expose le patient qui satisfait aux « critères d'accession » à une pression morale, celle de demander l'euthanasie, pression d'autant plus forte à l'égard des patients les plus vulnérables. Le patient sait que la solution est entre ses mains. Il peut lui-même se sentir coupable, et on peut aussi lui faire sentir qu'il satisfait aux conditions. Le danger des euthanasies économiques a, par ailleurs, déjà été évoqué.

­ L'euthanasie ne s'inscrit pas du tout dans la philosophie des soins palliatifs. Toute dépénalisation comporte le risque de freiner le développement des soins palliatifs. « Si l'euthanasie est dépénalisée (...), elle fera d'emblée partie des options envisageables et nous permettra de faire l'économie de la recherche d'autres possibilités », nous dit le docteur Bouckenaere (185), pour qui « l'euthanasie doit rester la transgression d'une norme et ne peut jamais devenir quelque chose qui fait partie de la norme. Elle doit rester un geste d'exception pris dans un état de nécessité. » (191).

­ Le droit pénal a, par ailleurs, une portée générale. On ne légifère pas via le Code pénal pour régler des cas d'exception (192). Il faut rappeler l'importance des cas pour lesquels on légifère [2 % selon professeur Van Neste et le docteur Menten (193); selon l'étude Deliens, étude officieuse dont la fiabilité est parfois mise en cause (194), il s'agirait d'1 cas sur 56 (sur 56 000 cas rapportés, 1 600 cas seraient des euthanasies (qu'entend-on exactement par là ?) sans demande du patient, dont 1000 seraient injustifiées et 600 justifiées].

­ Par ailleurs, l'euthanasie ne concernerait, selon certains, qu'un groupe professionnel spécifique, à savoir les médecins. Il s'agit d'un acte spécifique dans l'exercice d'un métier médical, qui ne ressort pas du Code pénal mais d'une réglementation liée à l'ordre professionnel qu'elle concerne (195).

­ Pratique médicale : la médecine est un art et pas une science exacte. On peut revenir sur un acharnement thérapeutique inutile. On ne peut pas revenir sur une euthanasie.

­ Les liens entre une dépénalisation de l'euthanasie (voire une légalisation de celle-ci ?) et l'émergence d'un courant suicidogène dans la société a aussi été évoqué.

­ La difficulté à vivre le processus de deuil en raison de la culpabilité qui entoure l'acte d'euthanasie a été relevé. De ce point de vue, l'euthanasie pourrait avoir des répercussions sur les générations à venir (196).

­ Il faut rester par ailleurs dans une cohérence démocratique européenne et internationale et rappeler à cet égard les textes internationaux tels la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 2) et les autres textes internationaux en la matière (voir supra). Le docteur Clumeck exprime ses extrêmes réserves à l'égard d'une dépénalisation et insiste également sur la nécessité pour la Belgique, à ce niveau, de se situer dans une cohérence européenne et pas dans une singularité contestable. Il prône une législation qui se limite aux cas exceptionnels et qui fasse l'objet d'une évaluation (197).

­ Il n'existe en effet pas de dépénalisation de l'euthanasie à ce jour dans les autres pays :

­ Pays-Bas : pas de modification du Code pénal, mais réglementation de toutes les décisions de fin de vie. Le droit pénal hollandais punit spécifiquement le meurtre sur la demande de la victime.

­ France : avis unanime rejetant toute modification du Code pénal, et appuyant une exception de procédure en ce qui concerne l'euthanasie. Suicide et assistance au suicide non punissables. La provocation au suicide est, par contre, réprimée.

­ Allemagne : euthanasie active indirecte et euthanasie passive considérées comme admissibles, mais pas explicitement réglementées.

­ États-Unis :

· Les États-Unis reconnaissent unanimement le droit du patient capable de discernement de refuser tout traitement médical, y compris lorsque ce refus entraîne la mort. Refus d'un traitement de survie est un droit fondamental reconnu par la Cour Suprême (affaire Nancy Cruzan).

· État d'Oregon : légalisation de l'assistance au suicide.

­ Suisse : Le droit pénal suisse punit le meurtre, le meurtre sur la demande de la victime (meurtre atténué, mobile honorable) et le meurtre passionnel. Large consensus dans la médecine et la doctrine quant à l'admissibilité de l'euthanasie dite passive et active indirecte.

État de nécessité

L'état de nécessité en droit belge est une cause de justification objective reconnue par la doctrine et la jurisprudence : c'est la situation dans laquelle se trouve une personne qui n'a raisonnablement d'autre ressource que de commettre une infraction pour sauvegarder un intérêt égal ou supérieur à celui que cette infraction sacrifie. Si le juge reconnaît l'existence d'une telle cause, l'infraction disparaît.

L'état de nécessité est soumis à des conditions d'ouverture et à des conditions d'exercice qu'il n'est sans doute pas inutile de rappeler (198).

1. Conditions d'ouverture du droit : l'état de nécessité qui permet d'enfreindre la loi pénale vise essentiellement une situation de crise, exceptionnelle, caractérisée par un conflit de valeurs. Si la loi pénale était observée, cette obéissance entraînerait des conséquences néfastes, dépassant à ce point l'inconvénient de la transgression que le législateur se prononcerait certainement lui-même en faveur de la désobéissance.

2. Conditions d'exercice du droit : la légalité élémentaire de crise :

1º Sont exclus les actes délictueux inaptes à sauvegarder le bien menacé. Seuls sont admis les actes utiles.

2º Sont exclus les actes délictueux entraînant des lésions non limitées au strict nécessaire pour atteindre l'objectif.

3º Sont exclus les actes délictueux qui entraînent un sacrifice disproportionné par rapport à l'importance de l'intérêt sauvegardé.

L'état de nécessité est une cause de justification générale qui vaut pour toutes les infractions.

Il n'y a pas de droit général de nécessité. Il y a des cas de nécessité et la question de savoir si la nécessité existe sera toujours une question de fait.

C'est dans ce cadre que le groupe de l'intervenante souhaite rester : l'euthanasie doit rester une transgression éthique et pénale. Elle peut être justifiée aux conditions habituelles de l'état de nécessité.

Le professeur Messine a rappelé précisément les différences entre l'état de nécessité et l'autorisation de la loi : « l'éthique de l'état de nécessité est une éthique de responsabilité : selon la formule bien connue, l'agent « agit pâle mais résolu » ­ pâle parce qu'il transgresse la loi et qu'il le sait, mais résolu parce qu'il fait son devoir ­ et il en rend compte. Tandis que dans l'autorisation de la loi, celui qui agit, s'il se conforme aux conditions que la loi énonce, n'aura aucun compte à rendre : tout se réduira à un contrôle de type formel. » (199).

Avec l'état de nécessité, le contrôle de la société portera sur les raisons pour lesquelles la mort aura été administrée. Avec une autorisation de la loi, le contrôle ne portera que sur les conditions de son administration (200).

Le fait de devoir rendre des comptes de ce qu'on a fait ne signifie pas, poursuit-il, qu'on est livré à l'arbitraire d'un juge. Quiconque commet une infraction doit pouvoir être amené à en rendre compte, parce que, précisément, il a transgressé une règle fondamentale de la vie sociale; s'il invoque un élément en sa faveur avec un minimum de vraisemblance ­ par exemple une cause de justification ­, il est cru dès lors que le ministère public n'apporte pas la preuve de l'inexistence de cet élément. Certes, tout cela est soumis à l'appréciation d'un juge, mais appréciation ne signifie pas arbitraire.

Comme le paraphrase le docteur N. Clumeck en ce qui concerne un cas qu'il relate : « Cet acte d'euthanasie fut dicté par des circonstances exceptionnelles et il avait fait l'objet d'une discussion préalable avec l'équipe. Il apparaissait comme un acte d'humanité et en cela, il pouvait à mes yeux se situer dans une transgression de la loi. » (201). Il ajoute « les demandes d'euthanasie telles que définies dans la proposition de loi, sont marginales et rares. Elles peuvent néanmoins présenter la seule alternative dans des circonstances exceptionnelles. » (202). Il insiste, comme beaucoup d'autres intervenants, sur « la nécessité de ne pas dissocier le débat sur l'euthanasie et les soins continus d'un véritable débat de société sur le droit des patients, le droit à la santé et le type de médecine que nous souhaitons dans un pays où le nombre de personnes non économiquement productives et de personnes âgées est en constante évolution » (202). C'est l'importance du contexte social et économique dans lequel doit s'appliquer la proposition de loi qu'il convient de ne pas perdre de vue.

Beaucoup d'intervenants ont insisté sur le caractère exceptionnel des demandes d'euthanasie (« demandes marginales et rares » ...) et l'adéquation de la construction jurisprudentielle de l'état de nécessité au problème de l'euthanasie.

Comme le disent P.A. Foriers et Messine, il n'est pas possible d'objectiver l'état de nécessité. Pour le prof. Messine, les différentes propositions de loi bien que renvoyant à la notion de « nécessité » ou d' « état de nécessité » mettent en place en réalité une autorisation de la loi (203).

Le professeur Van Neste considère, pour sa part, que la notion d'état de nécessité a joué un rôle important dans la recherche des critères objectifs visant à permettre la légitimation de l'euthanasie. Une fois, ces conditions objectivées, comme dans la proposition PSC relève le professeur Van Neste, il n'est plus nécessaire de faire appel à la notion d'état de nécessité et il n'est plus nécessaire de modifier le Code pénal.

Au niveau des conditions qui pourraient justifier la pratique de l'euthanasie, le professeur Van Neste distingue, au départ des propositions de loi :

­ les conditions subjectives (celles qui ont trait à la demande du patient);

­ les conditions objectives (celles qui ont trait aux critères médicaux liés à la souffrance);

­ les conditions procédurales (celles qui ont trait à la consultation préalable et à l'information du patient).

Ce serait au niveau des conditions objectives que l'état de nécessité jouerait.

Il faut signaler sur ce point que nous nous distançons du professeur Messine et du professeur Van Neste. Si, de fait, une certaine objectivation des conditions d'ouverture du droit à invoquer l'état de nécessité se retrouve dans notre proposition de loi, il n'en demeure pas moins que les conditions d'exercice du droit, telles que définies par la doctrine et la jurisprudence, ne font pas l'objet d'une telle objectivation et que le contrôle du juge ne se limite en aucun cas à un contrôle formel des conditions d'administration de l'euthanasie. Seraient justifiables aux conditions habituelles de l'état de nécessité, les actes d'euthanasie répondant aux conditions que nous avons définies dans notre proposition de loi.

Il est, en effet, absolument nécessaire de conserver cette appréciation au cas par cas qui fait toute la différence avec l'autorisation pure et simple de la loi.

En particulier, s'il existe plusieurs moyens également efficaces mais diversement dommageables pour conjurer la menace, il est évident que le choix doit se porter sur le moins préjudiciable. Il faut qu'il n'existe aucune autre alternative possible (condition d'exercice nº 2).

Il faut signaler également que d'autres pénalistes consultés ne considèrent pas comme étrange d'accompagner l'état de nécessité de certaines balises. On retrouve d'ailleurs une objectivation des conditions d'ouverture du droit à invoquer l'état de nécessité pour la légitime défense qui est classée dans le droit pénal spécial dans le chapitre relatif aux coups et blessures volontaires justifiés, et qui est une application particulière de l'état de nécessité.

Toutefois, les conditions d'exercice du droit (les conditions de la légalité élémentaire de crise) doivent être réunies comme pour tout acte accompli en état de nécessité (cf. acte utile, strictement nécessaire, proportionnel). Il n'y a pas pour autant autorisation de la loi. Par ailleurs, la doctrine précise qu'en dehors des cas visés par la loi, l'état de nécessité subsiste (exemple en cas d'atteinte aux biens et non aux personnes).

Si toutefois le problème juridique se confirme, pourquoi ne pas faire de la cause de justification jurisprudentielle que constitue l'état de nécessité une cause de justification légale, en l'insérant dans les articles 70 et 71, comme le suggère le professeur Messine (204).

La procédure de consultation a priori et la tenue d'un dossier médical détaillé doivent permettre au médecin également de pouvoir, le cas échéant, se justifier plus aisément, car il faut toujours pouvoir rendre des comptes.

Certains se posent encore et toujours la question du besoin de légiférer en matière d'euthanasie (205), l'interdit pénal et la figure de l'état de nécessité étant suffisantes. Peut-on parler d'insécurité juridique pour le médecin alors qu'aucune poursuite n'a eu lieu pendant 40 ans ? L'insécurité se situe davantage du côté du patient. Cette question a le mérite d'attirer notre attention sur la complexité de la problématique et plus encore sur la nature de la matière traitée : beaucoup de ce qui a été dit relève de normes déontologiques, de pratiques médicales faisant partie de l'art de guérir, de soigner et d'accompagner, et non du droit.

Il serait à cet égard intéressant de pouvoir en tout cas affiner les pratiques médicales et inciter l'Ordre des médecins à améliorer le Code de déontologie médicale en ce qui concerne tous les points de consensus qui seront dégagés à la suite des auditions, particulièrement en ce qui concerne l'encadrement des processus de décisions médicales en fin de vie (en renvoyant expressément à la nécessité d'une consultation collégiale par exemple). La solution n'est-elle pas, en définitive, comme l'a souligné le docteur Philippart, dans une légalisation du Code de déontologie, et même d'un Code de déontologie retravaillé en tenant compte des enseignements tirés des auditions au Sénat ?

La légalisation de « codes » ou « directives » face à telle affection ou pathologie relève davantage du médical et de l'éthique que du juridique. Il est en tout cas indispensable que toute réglementation des processus de décisions en fin de vie prenne en compte toutes les catégories de patients. Il est exclu de croire pouvoir rendre compte en droit de toute la complexité des cas médicaux, étant donné que toute situation est particulière (histoire du patient, environnement familial, façon de vivre une maladie ou de supporter une souffrance qui est éminemment subjective). La médecine est avant tout un art et le droit a ses limites pour le définir.


Une membre demande si l'on peut déduire de l'exposé de la précédente oratrice qu'elle serait d'accord d'inscrire dans le Code pénal une exception d'euthanasie pour des cas qui relèvent de ce qu'elle appelle « la philosophie de l'état de nécessité » ?

L'oratrice répond qu'elle a été plus nuancée. Plusieurs juristes ont dit qu'il ne serait pas inintéressant d'inscrire l'état de nécessité ­ notion jurisprudentielle et doctrinale ­ comme cause de justification générale dans le Code pénal.

Un pas supplémentaire serait de s'engager dans la solution suggérée à titre subsidiaire par M. Dalcq, qui estime qu'on pourrait définir l'état de nécessité d'une manière générale dans le Code pénal, et formuler une exception pour l'euthanasie en particulier dans le cadre de l'état de nécessité et dans un texte séparé (du domaine de la santé), où des balises de l'état de nécessité seraient définies pour l'euthanasie.

Il ne faudrait pas que certains puissent interpréter l'insertion d'un tel dispositif dans le Code pénal comme une autorisation de la loi avec des conditions tout à fait précises, et qui rendraient l'euthanasie légitime, automatique, a priori.


À la question de savoir s'il était utile que le Sénat procède à des auditions publiques sur un sujet aussi essentiel qu'est le débat sur la mise en oeuvre du droit aux soins palliatifs, l'accompagnement de la fin de vie et le recours à l'euthanasie, une sénatrice déclare que sa réponse, sans aucune hésitation, est positive. Sans négliger ce que ces auditions ont pu apporter à certains, ce qui lui semble essentiel dans la publicité de ce débat, c'est justement qu'il a été approprié par les médias, par les universités, par les citoyens qui ont trouvé diverses tribunes pour s'exprimer. On a même entendu qu'on en parlait dans les hôpitaux, dans les maisons de repos et de soins. C'est devenu un débat de société de manière assez exemplaire.

Ce débat a été rendu possible parce que six sénateurs ont décidé de déposer des propositions de loi. Ces propositions tentaient de faire la synthèse des textes déjà existants, des débats que la commission de la Justice du Sénat et que le Comité de bioéthique avaient entamés.

L'intervenante exprime à ses collègues sa profonde adhésion à l'initiative. Les propositions de loi concernant l'euthanasie déposées par six sénateurs et celles déposées par le CVP et le PSC ont fait l'objet de fortes critiques de la part des juristes et d'une grande majorité du corps médical. Il semble à l'intervenante qu'il s'agit maintenant de tirer les enseignements de ces auditions.

Les soins palliatifs correspondent à une demande sociale incontournable. L'intervenante croit qu'il s'agit d'un premier constat, qui n'est pas nouveau puisque les six sénateurs ont également déposé une proposition de loi qui instaure le droit d'accès généralisé aux soins palliatifs.

Ce qui semble important à signaler, c'est combien l'approche palliative semble influencer la pratique générale de la médecine, parce qu'il s'agit d'une approche globale de la personne, dans ses aspects médicaux, bien sûr, mais aussi existentiels, familiaux et sociaux. Les défis sont énormes. L'intervenante espère que le gouvernement aura l'occasion de dire quels sont les moyens qu'il va dégager à l'avenir.

Il s'agit aussi d'une médecine de pointe qui demande une formation adéquate, qui semble ne se mettre en place que bien lentement. Là aussi, il y a un défi à relever. Enfin, il a été confirmé que, dans notre société où l'espérance de vie est de plus en plus grande, la situation dans les maisons de repos et de soins en matière d'accès aux soins palliatifs devait devenir une priorité.

Ces questions sont abordées dans la proposition de loi organisant l'accès aux soins palliatifs. Les auditions ont confirmé la justesse de cette approche et encouragé le Sénat à légiférer.

En ce qui concerne la proposition autorisant dans certaines conditions le recours à l'euthanasie, les auditions ont mis en évidence des éléments plus contrastés.

D'une part, il semble qu'il est possible de dire que le recours aux soins palliatifs réduit de manière importante la demande d'euthanasie et c'est heureux, mais, d'autre part, il apparaît aussi que dans certains cas, cette demande persiste et doit pouvoir être rencontrée. L'intervenante n'a pas entendu, dans les auditions, à moins que ce soit de manière voilée, de refus à ce droit pour le patient. Ce qu'elle a entendu, ce sont plus des questions sur le champ d'application des propositions, et sur la manière dont la question était résolue du point de vue du droit.

Selon certains, le champ d'application est trop large, en ce que la proposition permet l'euthanasie du patient qui souffre d'une affection accidentelle (par exemple un tétraplégique) ou pathologique (par exemple un patient atteint de sclérose en plaques) grave et incurable (206). Cette possibilité (euthanasie directe ­ le patient n'est pas en fin de vie), en tant qu'elle est légale a priori, se heurte aux résistances de certains dans la mesure où « une demande lucide et ferme » n'est possible qu'en fonction de la qualité de l'information reçue en termes de perspective thérapeutique ou palliative et de pronostic. Aujourd'hui, seule une élite socioculturelle reçoit, à sa demande, l'information complète qui lui permet de prendre en toute lucidité cette décision de demander l'accès à une mort anticipée. » (188).

Pour le docteur Clumeck et le professeur Dalcq, la légalisation des euthanasies pratiquées sur des personnes qui ne sont pas en fin de vie ne paraît pas acceptable.

Selon d'autres, le champ d'application est trop restreint en ce qu'il ne permet pas la pratique d'une euthanasie sur les personnes qui sont inconscientes ou dépourvues de discernement (cf. l'audition du docteur Vincent).

L'euthanasie pratiquée sans demande du patient reste un meurtre pour les auteurs de la proposition.

Il convient de rappeler que le consentement d'une personne n'a, en droit pénal, aucune incidence sur le caractère infractionnel de l'acte dont cette personne fait l'objet.

Le professeur Dalcq considère que les euthanasies indirectes (sur des personnes en fin de vie) peuvent être moralement acceptables, même administrées à des personnes inconscientes.

Le Comité de bioéthique, quant à lui, estime que les ouvertures exceptionnelles à l'euthanasie doivent nécessairement s'articuler autour de la notion de consentir et de consentement : « hors consentement, aucun acte euthanasique ne saurait être envisagé. Aussi, en l'absence de tiers (pour des personnes sans domicile fixe, par exemple), cet acte se révèle-t-il tout simplement inacceptable. » (207). Le Comité n'exclut donc pas toute euthanasie sur un patient inconscient. L'exigence essentielle de consentement est envisagée par lui non de manière individualiste, mais bien de manière collective comme une responsabilité partagée (sentir avec), comme le résultat d'une réflexion consensuelle.

Le caractère trop individualiste de la proposition a également suscité des commentaires lors des auditions.

L'article 3 de la proposition permet au médecin de donner suite à la demande d'euthanasie du patient qui « fait état d'une souffrance ou d'une détresse constante et insupportable, qui ne peut être apaisée ». Ainsi, selon le professeur Adams, la proposition repose fortement sur une approche subjective, essentiellement sur les souhaits exprimés par le patient lui-même. Le caractère inacceptable des souffrances est déterminé exclusivement par l'intéressé sans considération des symptômes, ni de l'expérience de souffrance d'autres patients. Telle que la proposition est rédigée, dès lors que le patient fait état d'une telle situation, le médecin doit l'accepter. On ne peut bien entendu évaluer les souffrances psychiques. Toutefois, on pense à l'état de dépression consécutif à un accident ou une maladie grave. Le caractère insupportable des souffrances résulte aussi directement de l'état dépressif et non de la situation physique du patient. Peut-on accepter, dans ces cas, que dès le moment où le patient exprime une situation de souffrance qu'il qualifie d'inacceptable, une procédure d'euthanasie légale se déclenche ? Selon M. Adams, une telle possibilité, consacrée légalement, paraît difficilement compatible avec l'article 2 CEDH (208).

Le Comité de bioéthique insiste, quant à lui, sur l'exigence du caractère consensuel de la décision d'euthanasie. Les médecins ont également insisté sur le fait qu'il n'est pas question d'exécuter une décision du patient ou de sa famille mais qu'il y a bien lieu pour eux de prendre une décision. Le médecin prend, en effet, une responsabilité tant sur le plan moral que sur le plan du droit. Le médecin ne peut rendre compte (et non rendre des comptes) que dans la mesure où le législateur intègre pleinement, dans son esprit et dans sa loi, qu'une euthanasie ne peut être conçue exclusivement comme une réponse d'un médecin à une demande, mais qu'elle implique, au sens plein du terme, une prise de décision par ce dernier.

Lors des auditions, certaines contradictions de la proposition de loi ont été mises en évidence.

Le législateur souhaite, disent certains, préserver à la fois le respect du droit à la dignité des patients, le respect des conceptions du médecin et le respect du droit à la vie des personnes malades (éviter les euthanasies économiques). Toutefois, il crée un amalgame entre ces trois ordres de considérations.

En effet, la consécration d'un droit à l'euthanasie crée une double contradiction. D'une part, on ne peut pas à la fois assurer le respect du droit à l'euthanasie, et en même temps, assurer aux médecins le droit de ne pas pratiquer une euthanasie. D'autre part, dès lors qu'il s'agit de conférer une telle garantie au patient, on ne comprend pas pourquoi on impose des contraintes procédurales au médecin. Soit on oblige un médecin à faire droit à cette demande, soit on considère qu'il s'agit d'une décision qui appartient tant au médecin qu'au patient, et dans ce cas, on ne peut pas juridiquement garantir aux personnes le droit à l'euthanasie.

On pourrait envisager d'instaurer deux dispositifs juridiques distincts. Le premier viserait l'hypothèse où le patient exprime ou a exprimé une demande expresse et répétée d'euthanasie. Le second dispositif répondrait à l'hypothèse des euthanasies pratiquées sur des personnes inconscientes.

Quant à la conception de l'euthanasie

Le législateur doit préciser clairement l'hypothèse, la définition de l'euthanasie qui sous-tend son intervention, soit un acte pratiqué, non pas par un tiers, mais par un médecin.

Il convient de partir de la conception de l'euthanasie comme un acte médical, comme un acte de soin donné en fin de vie pour soulager les souffrances du malade, pour atténuer sa perte de dignité ou la disparition de ses possibilités de relations avec les autres alors que toutes les autres possibilités ont échoué. Cette situation est celle visée par l'article 96 du Code de déontologie médicale alors que l'euthanasie directe sur un patient qui n'est pas en fin de vie est proscrite par l'article 95 du même code. Il faut préciser que l'on considère que diminuer ou apaiser la douleur, c'est nécessairement soigner le patient même si c'est de nature à raccourcir sa vie.

Il s'agit non plus de considérer l'acte d'euthanasie sous l'angle de sa conséquence, l'arrêt de vie, mais bien sous l'angle de sa cause : soulager les souffrances. L'arrêt de vie n'est pas le motif de l'acte médical d'assistance en fin de vie mais sa conséquence éventuelle. Il s'agit non pas de préciser à quelles conditions l'euthanasie telle qu'elle est définie par le Comité de bioéthique est légale mais bien de préciser à quelles conditions l'euthanasie médicale n'est pas constitutive de meurtre.

Quant à la place du consentement dans le dispositif mis en place et quant à l'opportunité de prévoir un double dispositif juridique

Un des problèmes, semble-t-il, résulte du fait que la proposition de loi organise un dispositif unique pour répondre à deux problématiques différentes : d'une part, éviter que le refus des médecins de pratiquer une euthanasie ne repose que sur la crainte d'être traduit devant une juridiction répressive, et, d'autre part, placer clairement les euthanasies économiques dans le domaine de l'illégalité.

Une légalisation partielle reposant sur l'exigence d'un consentement permet de répondre au premier problème. Elle ne répond cependant que partiellement au second. En effet, l'exigence du consentement du patient n'exclut pas l'euthanasie économique. En outre, cette exigence crée un autre problème, celui d'exclure tout encadrement légal des euthanasies pratiquées sur des personnes inconscientes.

L'intervenante pense qu'il y a lieu de ne pas faire de la volonté exprimée par le patient (consentement) une condition de l'euthanasie mais de la considérer comme une hypothèse.

Dans le cas où une personne exprime sa volonté de mourir, ce n'est pas cette volonté mais bien la preuve de ce consentement qui doit constituer une condition de légalité de l'euthanasie. Dans les cas où cette volonté est exprimée clairement, le dispositif légal devrait reposer sur des conditions visant, d'une part, à éclairer le patient sur tous les moyens qui peuvent être mis en ouvre pour alléger ses souffrances ­ condition figurant dans la proposition des six auteurs ­, et d'autre part, à dialoguer avec lui sur le fondement profond de cette demande (qui révèlera peut-être la figure de la culpabilité, de la dépression ou de la misère économique et sociale ...).

Dans les cas où le patient est inconscient et que sa volonté n'a pas été exprimée selon les formes que la loi prévoit dans la première hypothèse, le législateur organiserait une procédure de décision collective impliquant les membres de la famille du patient et l'équipe médicale.

À ce stade des débats, on peut dégager quatre approches politiques :

1. Maintien du statu quo

Il s'agit de renoncer purement et simplement à tout encadrement légal des pratiques d'euthanasie. L'euthanasie reste un meurtre (article 393 du Code pénal), voire un assassinat (meurtre avec préméditation, article 394 du Code pénal) susceptible d'être justifié a posteriori par une décision judiciaire admettant un état de nécessité (209).

Cette position entérine l'approche jurisprudentielle de la question.

Elle n'apparaît pas à l'intervenante comme possible, et souhaitable. Le législateur a ouvert un débat important, il lui semble qu'il doit le clôturer non pas par l'adoption d'un texte de consensus, mais par l'adoption d'un texte qui recueille une large adhésion; il s'agit là d'une condition sine qua non. Au vu du débat politique et social qui s'est ouvert, il ne semble pas qu'il existe une demande pour le maintien du statu quo. Trop d'éléments ont été avancés en faveur d'une action du législateur.

2. Détermination légale des conditions de l'état de nécessité en cas d'euthanasie : c'est la proposition du PSC

Il s'agit de définir dans la loi les conditions dans lesquelles l'euthanasie est susceptible d'être constitutive d'un état de nécessité. On crée ici une cause de justification (cause qui supprime l'illégalité de l'acte) propre à l'euthanasie en empruntant au droit pénal l'institution de l'état de nécessité. Ce faisant, on crée un état de nécessité légal spécifique qui soulève deux observations :

L'état de nécessité (conflit entre deux valeurs dont celle qui est protégée par la commission de l'infraction ­ le respect de la dignité ­ apparaît comme supérieure, en l'espèce, à celle qui est sacrifiée par la commission de l'infraction ­ la vie) n'est, par essence, pas susceptible d'être déterminé a priori.

En instituant un « état de nécessité légal », on ne fait pas autre chose que de prévoir, comme cause de justification, une permission de la loi. En effet, ce n'est plus l'état de nécessité mais la loi elle-même qui fait disparaître l'illégalité de l'acte.

Il s'agit bien d'une position jésuitique, peu claire et que le professeur Messine conteste.

3. Décriminalisation/dépénalisation partielle de l'euthanasie

Il s'agit d'inscrire dans la loi les conditions dans lesquelles l'euthanasie n'est pas constitutive d'infraction. La cause de justification de l'euthanasie est clairement une permission de la loi.

Le dispositif prévu actuellement par la proposition des six auteurs prévoit une double décriminalisation ou une double permission de la loi :

­ une décriminalisation indirecte (au second degré) : la loi confère une base légale à certaines pratiques d'euthanasie;

­ une décriminalisation directe (au premier degré) : le Code pénal prévoit qu'il n'y a pas d'infraction lorsque les euthanasies sont pratiquées conformément à la loi du ....

Remarque : Dès lors que la loi elle-même offre un cadre à certaines pratiques d'euthanasie (confère donc à certaines euthanasies un caractère légal), il n'est pas nécessaire de modifier le Code pénal pour éviter les poursuites du médecin puisqu'il existe une permission de la loi.

4. Incriminer l'euthanasie in se

Un amendement propose d'incriminer spécifiquement l'euthanasie en tant que telle dans un nouvel article 397bis du Code pénal. L'euthanasie y est punie d'une peine de réclusion de 10 à 15 ans. Il s'agit de rassurer ceux qui ont l'impression que la vie n'est pas protégée dans toutes les situations, de réaffirmer le principe de la protection de la vie (une interdiction de principe de l'euthanasie) en même temps que l'on prévoit une justification légale de certaines pratiques d'euthanasie.

Quant à la portée de l'amendement, la disposition dissocie l'euthanasie des autres espèces d'homicides (meurtre, assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement mortel, homicide involontaire). À première vue, cette démarche est séduisante tant il est vrai que dans la conscience collective, l'euthanasie n'est pas perçue de la même manière que les autres homicides volontaires, ou plus précisément, comme un assassinat. À y regarder de plus près, la solution proposée paraît toutefois manquer quelque peu de cohérence, car ce sont précisément les euthanasies « légitimées par la conscience collective » qui doivent échapper à la qualification d'infractions et non être incriminées. Ce sont bien entendu les euthanasies non moralement acceptables (qui ne tomberont pas sous le champ d'application de la loi en projet) que l'on veut maintenir sous le coup de la loi pénale. Or, c'est déjà le cas via les articles incriminant le meurtre. Au surplus, il est difficile d'envisager des euthanasies illégales (non conformes à la loi à venir) et illégitimes (non susceptibles de bénéficier de l'état de nécessité en cas d'homicide) qui échappent à la qualification de meurtre ou d'assassinat.

En conclusion, après les auditions et le débat qui a déjà eu lieu, il s'agit, pour le groupe de l'intervenante, qui livre ainsi le résultat de réflexions collectives qui y sont menées, même s'il est très clair que sur ces questions éthiques, chacun se prononcera selon ses propres convictions :

1º de développer l'accès aux soins palliatifs, qui doit représenter une réelle priorité en termes de financement et de formation;

2º d'autoriser l'acte d'euthanasie par la loi.

Il s'agit de « décriminaliser » l'acte d'euthanasie, soit de l'autoriser par un texte de loi qui définirait les conditions qui doivent être réunies.

La proposition de définir l'état de nécessité par la loi, comme le proposait le PSC, « légalise » cette notion jurisprudentielle et revient aussi à établir une permission de la loi, avec beaucoup d'inconvénients.

Il ne convient pas non plus de créer, a priori, à côté des euthanasies légales et des euthanasies assimilées aux meurtres, une troisième catégorie d'euthanasie.

Nonobstant la décriminalisation conditionnelle, le juge pourrait, en présence d'un cas exceptionnel n'entrant pas strictement dans les conditions, considérer, comme c'est le cas actuellement, que le médecin n'est pas coupable d'homicide volontaire mais qu'il a agi en état de nécessité.

3º de ne pas inscrire cette dépénalisation dans le Code pénal.

Une décriminalisation indirecte, ou au second degré, suivant laquelle une loi spécifique confèrerait une base légale à certaines pratiques d'euthanasie, est suffisante, selon les pénalistes. De la même manière que le médecin qui opère un patient dans le but de le soigner ne se rend pas coupable de coups et blessures, le médecin qui hâterait la fin de vie du patient, dans le but de le soigner (dans ce cas, pour soulager sa souffrance), et dans certaines conditions, ne se rendrait pas coupable d'homicide.

L'inscription dans le Code pénal comporte l'inconvénient de heurter inutilement ceux qui estiment qu'inscrire cette disposition dans le code pénal donne un signal symbolique négatif par rapport à la valeur du texte de loi qui affirme le fondement de notre société : l'interdit de tuer.

Par ailleurs, il semble que certaines conditions importantes doivent être respectées :

­ Se concerter avec les membres de l'équipe soignante en contact régulier avec le patient au sujet de la demande du patient.

Cette concertation serait indicative et viserait à « trianguler » la décision en respectant la relation que les membres de l'équipe soignante ont avec leur patient.

Nombre d'intervenants ont mis en évidence la nécessité de faire cela. L'on se référera notamment à l'intervention du professeur Dalcq, qui semble à l'intervenante en résumer beaucoup d'autres : « Même s'il s'agit toujours d'apaiser la douleur et donc de soigner tout en abrégeant la vie, je crois effectivement qu'il est souhaitable qu'un médecin puisse s'éclairer avant de prendre la décision concernant des soins qui pourraient également raccourcir la survie du malade. Il faut donc selon moi que l'ensemble de l'équipe soignante, aussi bien infirmières que médecins, participe à la discussion au sujet de l'état incurable ou non du patient et que cet état soit si possible confirmé par un autre médecin, que la famille ou des proches soient informés si c'est psychologiquement possible, et puissent donner leur avis. »

En ce qui concerne la question du système de contrôle a posteriori obligatoire des euthanasies, l'intervenante pense qu'il faut revoir ce qui était proposé par les six auteurs.

Les médecins ayant pratiqué une euthanasie doivent obligatoirement, mais sous le couvert de l'anonymat, communiquer un document d'enregistrement à la Commission d'évaluation. En cas de doute sur la réunion des conditions légales, la Commission pourrait décider de lever l'anonymat et, le cas échéant, envoyer le dossier au parquet.

On peut craindre que le médecin n'indique pas certaines démarches de manière complète et correcte, voire qu'il ne se conforme pas à l'obligation de rapport pour éviter le contrôle. C'est ce qui a été dit en ce qui concerne notamment la situation aux Pays-Bas. On peut penser aussi que le médecin aura tendance à indiquer minutieusement, (puisqu'il doit présenter toutes les indications à la signature d'un autre membre de l'équipe soignante) et de manière continue, tous les éléments d'appréciation dont il aura tenu compte.

Les solutions qui ont été avancées, que ce soit dans la proposition des six auteurs ou au cours du débat, apparaissent toutes impraticables.

L'intervenante estime donc que cette condition devrait être retirée de la proposition.

Par ailleurs, le fait de permettre d'accéder à la demande d'euthanasie de patients dont le décès n'interviendra pas à brève échéance doit faire l'objet d'une approche distincte et certainement entouré de beaucoup de précautions.

Pour terminer, l'intervenante cite une maxime : « Les gens qui doutent me rassurent. » Chacun peut avoir des convictions fortes, et les exprimer de manière affirmative. Mais on ne peut refuser d'entendre ce que des pans entiers de la société intéressés par la question disent et expriment comme doutes, comme craintes et comme propositons. Il est donc du devoir des commissions réunies et du Sénat de les prendre en considération.

L'intervenante ne pense pas qu'un consensus soit possible. Mais il faut arriver à un texte de loi qui soit socialement acceptable, notamment par ceux qui sont en charge de l'appliquer et de juger. Ce texte doit trouver un écho, non pas de crainte, mais d'ahésion dans la société, parce qu'il apparaîtrait comme une protection et non comme une menace.

C'est ce qui a amené le groupe de l'intervenante à proposer une série de pistes de réflexion.


Un membre constate que, durant les débats, tout a été dit, mais que tout le monde ne l'a pas encore dit.

C'est pour cette raison que l'intervenant sera bref dans son intervention, qu'il souhaite intituler « Vivre et mourir dignement ».

Après toutes ces auditions, on peut constater que les textes en projet n'inventent ni n'instaurent l'euthanasie, qui est bel et bien pratiquée dans toutes ses formes.

Le seul et unique but serait d'instaurer un contrôle sur la pratique actuelle.

Il serait souhaitable que l'on ne crée pas sous n'importe quelle forme une lutte idéologique ou philosophique. En réalité, il s'agit :

­ de créer un contrôle social et juridique sur une pratique existante d'euthanasie passive et active dans les hôpitaux belges;

­ en priorité, de rétablir un dialogue entre médecin et patient, et si nécessaire, avec les alliés du patient, sur ce thème;

­ d'épuiser tout le potentiel de soins palliatifs qui, selon des considérations humaines, peuvent être accordées au patient mourant.

Il faut être conscient que, dans pratiquement tous les hôpitaux belges, l'euthanasie est pratiquée, en partie sans l'autorisation du patient, et même sans que le patient ou ses proches soient informés, sur décision des médecins et souvent exécutée par le personnel soignant.

Les politiciens ont le devoir moral de ne plus fermer les yeux devant cette pratique.

On exige d'eux qu'ils fassent tout le nécessaire pour que la dignité et la liberté des patients dans leur vie et dans leur mort soit respectée.

On réclame d'eux de faire contrôler une pratique avec laquelle personne ne peut être d'accord dans sa forme actuelle.

De prime d'abord, toute assistance joue un rôle durant la période où le patient est encore en vie, que ce soit pour exprimer librement ses volontés s'il désire qu'il soit mis fin à ses douleurs insupportables, ou pour mourir dignement avec l'aide des soins palliatifs.

Mésestimer cette volonté comporte le danger d'offenser ou de violer la dignité du patient.

La plupart des gens revendiquent une mort paisible dans un entourage intime.

Malheureusement, pour un certain nombre de personnes, ce désir ne se réalise pas. Beaucoup meurent dans d'énormes souffrances, et très souvent seuls.

Reconnaître la mort par euthanasie comme naturelle, et non comme une mort violente, exige des critères rigoureux et irréprochables qui doivent être remplis pour que l'acte soit impuni.

Il s'agit surtout d'amener la pratique de l'euthanasie sous contrôle social et juridique, mais aussi de réinstaurer le dialogue entre patient et médecin parce que cette situation marque précisément la pratique clandestine de ce jour.

Les propositions des six auteurs définissent clairement le comportement du médecin envers le patient. Il doit lui expliquer son image de santé, lui communiquer toutes les possibilités de soins palliatifs, demander conseil à un confrère indépendant concernant le caractère incurable de la maladie.

Tout cela doit être communiqué au patient. Le médecin doit s'assurer si la souffrance et la détresse persistent, et si le patient maintient sa demande. Pour tout cela, il doit dialoguer avec le patient de façon adaptée à l'évolution de l'état de ce dernier.

Le médecin doit s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa volonté avec toutes les personnes de son choix.

Si le patient le désire, le médecin doit s'entretenir avec le personnel soignant et avec les personnes proches du patient.

Les propositions des six auteurs ne s'immiscent pas dans la déontologie médicale, mais s'efforcent de trouver un chemin démocratique entre le patient et le médecin, avec la garantie d'une sécurité juridique.

C'est dans ce sens que les politiciens doivent aborder le sujet, et la discussion sur les différents articles.


Un membre se réjouit, comme d'autres l'ont déjà fait, de la diversité des personnes auditionnées et de la richesse d'informations et d'expériences qui ressort de leurs interventions et souvent, plus encore, des réponses données aux questions des commissaires.

Il pense aussi à toutes les histoires humaines qui ont nourri le contenu des témoignages.

Ces auditions l'ont confirmé dans un double sentiment de confiance et d'inquiétude.

Confiance parce qu'elles ont montré combien on peut être rassuré quant au savoir-faire, aux pratiques et à la conscience professionnelle et humaine de tant de praticiens et d'équipes. Par rapport à ces équipes, le législateur doit pouvoir montrer sa confiance et veiller à ce qu'il n'y ait pas d'épée de Damoclès pesant sur les partenaires d'actes posés dans le plus profond respect des personnes et des bonnes pratiques de l'art de soigner.

Mais inquiétude par rapport aux effets des contraintes socio-économiques de rentabilité immédiate qui pèsent sur les soins de santé comme sur l'ensemble de la société. Inquiétude par rapport aux manques de formation plus généralisée en soins palliatifs globaux, à l'écoute du malade et du mourant, à l'accompagnement des proches, malgré plusieurs avancées, inquiétude quant à l'insuffisance de moyens pour rendre les soins globaux et palliatifs accessibles à tous les patients qui pourraient en bénéficier, et inquiétude quant à l'incidence de ces contraintes et carences sur les choix en fin de vie.

Minimiser ces aspects de la réalité serait verser dans un angélisme qui ne résiste pas à une visite impromptue dans une maison de retraite « bas de gamme », réalité également remise en lumière par l'enquête récente de l'union nationale des mutualités socialistes sur le renoncement temporaire ou définitif aux soins pour des raisons socio-économiques, parue dans le nº 37 de la revue Renouer de janvier-février 2000.

1. Soins continus et palliatifs

Développement des soins continus et palliatifs

Après ces considérations préalables, l'intervenant souhaite parler d'abord de l'approche palliative qui a été largement abordée pendant les auditions, qui semble aujourd'hui rassembler un large consensus à confirmer par les engagements concrets et financiers, et qui fait l'objet de propositions spécifiques.

Déjà en avril 1996, dans les développements de leur proposition de résolution « en vue de rassembler des informations et d'organiser un débat sur les problèmes de fin de vie », Roger Lallemand et consorts insistaient sur le fait que :

« Le développement des soins palliatifs, qu'ils soient mis en oeuvre au sein d'unités spécialisées dans des hôpitaux ou dispensés de manière ambulatoire, constitue incontestablement un progrès considérable dans l'accompagnement des patients pour lesquels tout traitement curatif a été abandonné.

De nombreux médecins dénoncent pourtant l'insuffisance des unités de soins palliatifs, et l'état d'abandon dans lequel sont encore laissés de nombreux malades qui pourraient, en fin de vie, bénéficier d'un encadrement adéquat. »

Il ressort même de certaines auditions que les conditions de travail du personnel soignant se sont dégradées en ce qui concerne la disponibilité aux patients et la charge de travail.

Mme Pesleux, directrice du département infirmier d'un grand hôpital, rapporte ainsi le témoignage d'une infirmière (p. 187) :

« Dernièrement, j'ai reçu dans mon bureau une infirmière qui avait choisi de travailler de nuit pour pouvoir être disponible pour les patientes mastectomisées, c'est à dire qui ont subi une ablation du sein, car c'est la nuit, me disait-elle, que toutes les angoisses se réveillent. Aujourd'hui, durant ses douze heures de nuit, elle n'a même plus le temps de s'arrêter pour prendre une tasse de café et n'a certainement plus le temps de se montrer disponible pour les patientes qui souhaitent se confier. Elle venait me voir pour un changement d'affectation.

Le jour, le personnel est un peu plus nombreux mais il doit, en outre, préparer les futurs opérés, assurer la surveillance postopératoire ou encore arriver à alimenter, par exemple, vingt-cinq patients trois fois par jour.

« Au milieu de cette effervescence, comment permettre au patient de prendre le temps de mourir, comment offrir à la famille le luxe d'un rituel qui permet d'apprivoiser la mort ? C'est dans un tel contexte qu'il nous faut écouter chaque patient : celui qui guérit et espère et craint en même temps le retour à domicile; celui qui se meurt et craint de mourir. »

(...)

Ensuite, Mme Pesleux se fait interrogative (p. 188) :

« Dans ce contexte, pouvez-vous comprendre qu'il y ait parfois des demandes de patients qui restent ignorées, des euthanasies par lassitude, des décisions hâtives, des soins palliatif non dispensés ? »

Les médecins généralistes dont le docteur Leroy, qui a partiellement témoigné à huis clos, ont également fait état des grandes difficultés rencontrées pour pouvoir assurer des soins palliatifs à domicile jour et nuit, à un patient en fin de vie et cela surtout pour des raisons de disponibilité et de coût des gardes malades.

Dans leur dernier bilan, présenté tout récemment, les responsables du réseau hospitalier public de la Région bruxelloise, tout en se réjouissant d'avoir abouti après des années d'efforts et de réorganisation au redressement de la situation financière, font état de leurs craintes pour la qualité future des soins, à cause de la pénurie de personnel infirmier.

Donc, s'il se dégage un large consensus sur l'importance des soins palliatifs, sur la nécessité de leur développement pour que chacun puisse, s'il le souhaite, y accéder sans barrière financière, philosophique, géographique ou institutionnelle, il reste qu'il faut veiller à ce que le texte législatif que le législateur votera rencontre réellement les problèmes tels qu'ils se posent aux patients, à leurs proches et au personnel soignant.

Problèmes de définition et de concept

Les auditions ont indiqué qu'il fallait préciser le concept de soins palliatifs, qu'il valait mieux utiliser les termes de soins continus et palliatifs; en effet, ceux-ci sont à situer dans un continuum de soins passant fréquemment du curatif au palliatif sans discontinuité de soins au patient. De plus, il convient de les concevoir le plus possible intégrés à l'ensemble des soins des diverses affections qui finissent par conduire à un stade palliatif pour éviter, autant que faire se peut, des transferts et changements d'équipes soignantes lors des derniers jours de vie du patient.

C'est ce qu'a notamment bien fait ressortir de son expérience le professeur Clumeck (p. 380) :

« Au début, nous avons tâtonné, nous n'avions aucune formation dans ce domaine (...). Mais il est apparu progressivement que cette approche respectant l'autonomie et la dignité des patients se situait « naturellement » dans le continuum de notre prise en charge globale et qu'elle répondait tant aux besoins des patients qu'aux demandes des familles et à l'attente du personnel soignant. Dans certains cas où les soins continus se prolongeaient pendant plusieurs semaines, devant les contraintes financières imposées par une unité universitaire de soins aigus, il nous fallait transférer certains de nos malades dans les rares unités de soins palliatifs existant à l'époque. »

C'était très encourageant d'entendre confirmer les progrès thérapeutiques réalisés en approche palliative pluridisciplinaire intégrée tant pour apaiser les souffrances physiques que psychologiques.

Les capacités de soulager la très grande majorité des souffrances existent. Il faut donc décider d'assurer à tous la possibilité d'y recourir.

Pour y arriver concrètement, il faut, tant à domicile qu'en maison de repos ou à l'hôpital, pouvoir faire appel à une équipe pluridisciplinaire, de haute compétence, capable d'intégrer un ensemble de soins palliatifs parfois intensifs, mais aussi préventifs de nouvelles souffrances et complications aiguës évitables. Cela a encore été bien exposé lors du colloque organisé ce 23 juin 2000 à l'occasion de l'inauguration de l'Unité de soins supportifs et palliatifs de l'Institut Bordet à Bruxelles.

Progrès et complexité des soins continus et palliatifs

Cependant, pour ne pas être mal compris sur la complexité des problématiques de soins palliatifs auxquelles patients, proches et soignants sont confrontés, l'intervenant cite d'abord le docteur A. Ronson, responsable de l'unité de psycho-oncologie de la clinique des soins supportifs de l'Institut Bordet et le Docteur Lossignol, responsable de la clinique de la douleur et des soins palliatifs :

Le docteur A. Ronson :

« À cet égard, la phase dite palliative, celle où les préoccupations sont focalisées sur le confort du patient et non plus sur le traitement anti-tumoral, se révèle être d'une complexité extrême. En effet, les interactions entre les phénomènes physiques liés à l'évolution de la maladie, effets secondaires de traitements, fonctionnement intrafamilial et symptômes psychologiques doivent inciter à la plus grande attention dans l'interprétation de toutes les situations cliniques. De cette interprétation dépendront les décisions thérapeutiques optimales à mettre en oeuvre. »

Ceci explique, par exemple, que le diagnostic de dépression s'avère particulièrement délicat en phase avancée de la maladie cancéreuse. Des symptômes caractéristiques de la dépression, comme la fatigue, le manque d'appétit, les difficultés de concentration, les troubles gastro-intestinaux, peuvent aussi s'inscrire dans le cadre du cancer. Comment les différencier ? Comment interpréter des sentiments de désespoir lorsque, précisément, il n'existe plus d'espoir de guérison ? Il s'avère en fait que chaque symptôme doit faire l'objet d'une attention toute particulière, afin de permettre à l'équipe soignante dans son ensemble d'avoir une perception globale mais précise de la situation. On comprend donc de ce qui précède que le contexte psychologique s'intègre naturellement à la prise en charge palliative. »

Le docteur D. Lossignol :

« Des questions concernant l'initiation ou l'interruption d'un traitement, la nécessité d'une transfusion sanguine en fin de vie, la gestion des conflits familiaux, les demandes d'aide à mourir, les questionnements de l'équipe soignante, la nécessité d'une sédation terminale, les relations entre confrères, ses propres interrogations, sont autant d'éléments complexes qu'il convient pourtant d'aborder avec sérénité. Le Cadre de l'unité autorise tous ces échanges et a déjà permis de résoudre bien des situations qui à première vue apparaissaient insolubles. En outre, la relation de confiance qui s'est forgée au fil des mois entre les membres de l'équipe est le garant d'une pratique médicale respectueuse des idées de tout un chacun.

Chaque situation difficile est débattue en équipe et des réunions à thèmes sont organisées en dehors de tout contexte trop chargé sur le mode émotionnel. Un des éléments majeurs qui guide notre réflexion est que personne ne détient la vérité absolue et que nul ne peut prétendre connaître la solution à tous les problèmes. C'est dans le débat contradictoire que nous enrichissons nos connaissances en matière d'éthique, et c'est bien souvent le patient lui-même qui nous apporte l'élément essentiel de la décision à prendre.

La médecine (re)découvre son humanité. »

Les soins organisés en vue d'une prise en charge globale du patient dans le respect de son individualité et de ses options de vie, tous les témoignages l'ont confirmé, réduisent donc de façon très significative les demandes persistantes d'euthanasie et favorisent des possibilités et avancées relationnelles souvent importantes pour le patient et ses proches avant son décès.

Indications d'améliorations des propositions

1. Il est donc indispensable pour garantir liberté et justice sociale que soient comblées les carences qui persistent dans l'organisation et l'accessibilité pour tous des soins continus et palliatifs de qualité. Cela doit précéder ou au moins être concommitant à une ouverture législative bien cadrée au sujet de l'euthanasie. L'intervenant signale qu'en France, la loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs est déjà parue au Journal officiel du 10 juin 1999.

2. Il convient donc de rendre accessibles à tous les patients qui pourraient en bénéficier des soins continus et palliatifs de qualité organisés à trois niveaux :

­ au niveau de la 1re ligne, ces soins doivent être intégrés à la médecine à domicile et dans les maisons de repos et résidences du 3e âge;

­ au niveau de la 2e ligne : les équipes plus spécialisées d'appui à la 1re ligne doivent permettent d'assurer des soins palliatifs plus intensifs au lit du patient à domicile. Coordonné avec ces deux lignes, il faut pouvoir assurer également le recours aux services de garde malade de nuit et de jour, semaine et week-end compris. Les témoignages entendus ont fait clairement état des difficultés persistantes à ce sujet tant en termes de coût que de personnels formés disponibles;

­ la 3e ligne est constituée des services hospitaliers, équipes mobiles multidisciplinaires, lits dits palliatifs, cliniques de jour.

Dans chaque institution hospitalière, il conviendrait donc qu'il y ait une équipe mobile de soins palliatifs intégrés et dans certaines institutions plus spécialisées, une unité de soins palliatifs spécifique. Des précisions à ce sujet devraient être apportées aux propositions sur les soins palliatifs.

3. Pour compléter les dispositifs déjà en place, les propositions des trois fédérations pluralistes flamandes, wallonnes et bruxelloises des soins palliatifs pour un développement harmonieux de ces soins (février 2000) paraissent une des excellentes références pour l'élaboration d'un plan fédéral relatif aux soins palliatifs tel que prévu à l'article 5 de la proposition des six sénateurs membres de la majorité.

4. Pour assurer une égalité entre citoyens, quant à l'accessibilité aux soins continus et palliatifs, leur financement doit être assuré par le système de solidarité général de l'assurance maladie invalidité.

5. Dans l'immédiat, la définition qui est donnée du « patient palliatif » à l'article 3 de l'arrêté royal du 2 décembre 1999 paru au Moniteur Belge du 30 décembre 1999 « déterminant l'intervention de l'assurance soins de santé obligatoire pour les médicaments, le matériel de soins et les auxiliaires pour les patients palliatifs à domicile visés à l'article 34, 14º, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 » doit être modifiée, spécialement en son point 4 qui précise en effet que « le patient palliatif » est celui « pour qui le pronostic de(s) l'affection(s) est mauvais et pour qui le décès est attendu dans un délai assez bref (espérance de vie de plus de 24 heures et de moins de trois mois) ».

En effet, le patient en phase palliative, dans un contexte d'approche de la fin de vie ne peut pas être défini en fonction d'un délai de survie puisque l'échéance de la fin de vie est assez imprévisible et que ce ne sont donc pas des pronostics de durée de survie qui doivent intervenir en premier lieu dans cette définition mais le type de soins dont le patient peut bénéficier en fonction de son état, au mieux de son apaisement, de son confort et de ses demandes.

6. Il faudrait viser à ce qu'un socle de formation de base et continue de qualité suffisante soit assuré au personnel soignant. Actuellement, des généralistes assument bénévolement leur formation continue.

7. Les délais prévus pour l'établissement, la présentation et la réalisation d'un plan fédéral devraient être les plus courts possibles, vu leurs conséquences pour les patients, leurs proches, les soignants et l'importance sociale de rassurer les citoyens au sujet des possibilités et de la qualité des prises en charges palliatives par le système de soins de santé.

8. L'intervenant ne sait pas si les débats des commissions réunies ont influencé ou non les réflexions de l'Ordre des médecins, mais la récente prise de position de cet ordre sur les devoirs d'information du médecin au patient rencontre quasiment la formulation de l'article 6 de la proposition sur les soins palliatifs des six signataires de la majorité. Ce qui indique des évolutions et convergences intéressantes au sein de la société.

9. Si l'on a auditionné des spécialistes des soins palliatifs à domicile et en institution hospitalière, il semble à l'intervenant qu'il reste encore une zone d'ombre au sujet des maisons de repos et autres lieux de résidence collective de personnes âgées. Par précaution, des références de bases quant aux normes d'encadrement ou aux possibilités de recours spécialisés aux soins continus et palliatifs de qualité en maison de repos devront sans doute être indiquées.

10. Pour terminer ce qu'il voulait dire dans cette intervention sur les soins continus et palliatifs, l'intervenant souhaite insister sur la nécessité de veiller à ce que la richesse humaine et thérapeutique acquise par l'expérience des équipes de soins continus et palliatifs, ce que certains appellent la culture palliative, imprègne l'ensemble de l'art de guérir et de soigner. Pour cela, le mythe d'une toute puissance curative et les sentiments d'échec quand l'approche curative est dépassée doivent céder la place à une conception bien comprise et socialement admise que la médecine, c'est autant « l'art de soigner » que de guérir, tant au niveau préventif que curatif ou palliatif. Donc, d'autant plus que l'aspect symbolique des choses a été plusieurs fois abordé, il conviendrait dorénavant dans les textes légaux d'associer à l'art de guérir, « l'art de soigner ». Car c'est aussi dans cet « art de soigner », avec les garanties suffisantes pour les soignants et avec le respect et l'écoute auxquels a droit le patient, que devraient pouvoir trouver place l'accompagnement de fin de vie et les différentes formes de mort dans la dignité qui correspondent le mieux possible aux options de vie et de mort du patient dans un cadre adéquat de précaution juridique, de compétence, de minutie et d'éthique de discussion, de responsabilité et de solidarité.

De façon générale, sur ces points, on peut trouver beaucoup de convergences dans l'ensemble des auditions des intervenants spécialistes en soins palliatifs tant néerlandophones que francophones.

L'intervenant conclut cette partie sur les soins continus et palliatifs en citant une bénévole qui rentre dans la chambre d'un patient :

« J'entre et lui parle doucement en me présentant. Elle ouvre les yeux, parle de son fils médecin qui ne peut être près d'elle et dit : « J'ai peur toute seule ». Je réponds : « J'ai peur aussi, mais je reste près de vous. À deux, on a déjà moins peur, non ? ... »

La patiente ferme les yeux et me tient la main. Au bout de deux heures, elle me dit être tout à fait calme. Elle n'a plus peur, dit-elle, et elle va mourir tranquillement. »

2. Accompagnement de fin de vie

Au sujet du débat et des auditions sur « l'euthanasie », l'intervenant confirme qu'en grande partie, son point de vue actuel rejoint celui qu'ont développé de précédents orateurs.

L'ouverture et la conduite d'un débat sur la fin de vie, les soins aux patients en phase terminale, les demandes d'euthanasie, le cadre des réponses à pouvoir y apporter, et les progrès de communication et de dialogue à faire entre patients, soignants et entourage, ressortent bien des missions d'un Sénat, chambre de réflexion où la sagesse, savant cocktail de doutes, de prudence et d'audace devrait déblayer le terrain.

Il paraît réellement utile à l'intervenant d'avoir trouvé un accord pour consacrer le temps nécessaire au développement de ce débat, et il aspire à la recherche des convergences, à la clarification des divergences et à la construction de pistes et de textes sur les bases philosophiques et socio-démocratiques plus larges que celles des clivages traditionnels. Et pour y tendre, il convient de prendre en compte les acquis, questions et risques nouveaux liés aux progrès de la médecine, aux avancées des réflexions philosophiques et éthiques, à la croissance économique. Cette recherche de larges convergences vise aussi à assurer ce que Madame Baum a appelé « la convivialité des convictions conflictuelles » en parlant d'une charte des droits du patient.

Recherche de convergence, de consensus les plus larges possibles ne veut pas dire unanimisme. L'intervenant pense que cette recherche donne plus de chance pour que les souffrances et espérances humaines qui ont forgé les témoignages entendus se retrouvent en progrès d'humanité dans les textes qui pourraient résulter des travaux des commissions réunies.

Il reste bien sûr une série de problèmes, sinon des obstacles, à éclaircir et à surmonter. L'intervenant rappelle que beaucoup de termes utilisés prêtent à confusion et que des réalités différentes qui appellent des questionnements et des réponses médicales, éthiques et juridiques différenciées ou nuancées ne devraient pas, à son avis, être traitées sans distinction sur le plan législatif.

Ainsi, les actes médicaux qui sont susceptibles de hâter la fin de vie en phase terminale ou ceux qui provoquent ce même effet à un autre stade d'évolution d'une maladie incurable et grave. Autres questions cruciales qui demandent clarification, celles concernant l'écoute du patient et la compréhension de ses demandes et donc aussi celles de la formation à l'écoute des malades et de leurs proches, à la communication avec eux, et aux garanties à leur offrir.

L'intervenant a déjà précédemment abordé la complexité des situations de fin de vie, (charge psychique intense, fréquentes difficultés d'exprimer si pas même de discerner soi-même ses propres volontés, ...) alors qu'à ces moments, l'état de conscience peut varier fortement, comme l'ont rapporté beaucoup d'intervenants spécialistes en soins palliatifs ou intensifs, ainsi que le président de la société de gérontologie et de gériatrie auditionné en parallèle aux séances officielles par plusieurs sénateurs.

Dans la première partie de son intervention, l'intervenant a évoqué les difficultés du diagnostic de dépression chez les patients cancéreux. C'est également vrai en psychogériatrie.

D'ailleurs, même chez ces personnes sans affection physique grave, ce diagnostic peut être très difficile à établir et l'expression d'une volonté propre complexe à élaborer, à communiquer et à comprendre.

Pour éviter de psychologiser excessivement, l'intervenant ne reprend pas le terme de décodage, mais, vu l'importance du problème, il fait référence, comme lors des premières discussions, au livre de Guy Haarscher, Le fantôme de la liberté. Cet auteur écrit :

« Ainsi, la perception directe du « réel » ne peut-elle manquer de se réduire à supposer que l'on y porte une attention suffisante, comme une peau de chagrin : la part de monde que je perçois ici et maintenant n'est « rien » par rapport à l'immensité de l'espace non visible, ou du temps écoulé et à venir; au sein même de cette « tranche » infinitésimale, le caractère et les motivations d'autrui ­ ce qu'il « est » vraiment, c'est-à-dire le plus important ­ ne me sont livrés que par des signes partiels et partiaux et contradictoires. Comment m'orienter, dès lors, si ce dans quoi je suis tenu d'évoluer se rétrécit à un tel point ? Les limites naturelles, celles que m'impose la condition humaine, se rapprochent dangereusement. »

« Les choses s'arrangeront-elles si je me tourne vers moi-même et essaye de faire la clarté sur mes motifs, sur ce que je veux vraiment ? La réponse est malheureusement absolument négative : je ne me révèle à moi-même qu'en acte, quand je suis déjà engagé dans la recherche d'orientations. »

« Heureusement, il nous reste la possibilité de jeter une sorte de « pont » entre ce visible (ce peu de réalité vraiment « présente ») et l'invisible (l'ailleurs, le passé, l'alter ego). Ce point, c'est l'interprétation. (...). La plupart du temps, le visible, le tangible ou le sensible ne veulent rien dire en eux-mêmes (un visage, l'impression d'un instant, une trace dans la mémoire), mais renvoient à un invisible qui seul leur donne sens et que l'on doit donc, au risque de l'erreur et du malentendu, deviner. Interpréter, c'est jeter un tel « pont » à partir du visible donné mais trivial vers un invisible essentiel mais caché. On conçoit qu'une telle situation, propre à la condition humaine et non pas inventée par des intellectuels pervers, donne aisément le tournis : notre rapport au monde serait-il si précaire, un « presque rien » dont pourtant nos orientations dépendent décisivement ? »

« Certains auront alors tendance, si on ne leur apprend pas ce difficile destin d'interprète qui est le leur, à fuir leur commune condition de deux manières opposées. »

« Les paranoïaques fixeront pour ainsi dire l'interprétation, ils auront une fois pour toutes décidé, dans les tréfonds obscurs de leur âme, de toujours comprendre les événements dans le même sens. »

« Le schizophrène, lui, réagit pour ainsi dire à l'inverse. Au lieu d'introduire une cohérence factice dans le réel (en l'interprétant toujours dans le même sens), il flotte parmi les mille interprétations possibles, infiniment ballotté sur les vagues de l'existence, fragmenté, sans identité propre. »

« L'attitude « normale » consiste à se situer, de nouveau, à la bonne distance entre la fausse rationalité paranoïaque et le chaos schizophrénique : tenter d'interpréter les quelques signes dont on dispose pour se forger une image (toujours révisable) du monde, et à toujours chercher d'autres signes qui permettront, avec quelque vraisemblance, de distinguer un sens de l'autre, l'amour de l'indifférence. »

Le propos de l'intervenant n'est pas de dire que la liberté est inaccessible, mais que l'avènement d'une demande autonome par l'expression d'une liberté personnelle fondamentale peut être un processus complexe difficile à comprendre, mais certainement favorisé, stimulé même par l'écoute respectueuse, attentive, patiente, par un autre qui s'est déjà lui-même confronté à sa propre subjectivité et continue à le faire.

Il retire aussi des auditions qu'il vaut mieux une réglementation plus globale sur la fin de vie, en référence aussi aux droits du patient. Les juristes et les internistes ont attiré l'attention sur les risques d'une législation qui réglementerait une partie précise et très limitée, en terme de nombre, des situations et actes médicaux de fin de vie en en laissant trop d'autres hors de son champ.

Sur l'information du patient, avec les récentes positions nuancées à ce sujet de l'Ordre des médecins, et sur le consentement et les directives anticipées, l'intervenant ne croit pas non plus qu'il devrait y avoir, in fine, de grandes difficultés de convergence.

Le point de vue qu'une concertation avec l'équipe soignante doit se faire a, semble-t-il, été confirmé. Après le témoignage à huis clos plus précis sur des actes hâtant la fin de vie, la réponse à une question de l'intervenant sur la possibilité de ne pas en parler en équipe, a été des plus nettes : « absoluut niet ». Il n'a entendu personne défendre une forme ou l'autre de codécision et le législateur ne doit pas non plus limiter les possibilités pour le médecin de pouvoir prendre l'avis de tous les collègues et collaborateurs qu'il juge utiles de consulter pour éclairer sa décision. Cela relève de l'autonomie du médecin !

Si l'avis d'un deuxième médecin n'est pas discuté, lors des auditions, plusieurs intervenants ont confirmé que pour eux, cet avis devrait porter non seulement sur le caractère incurable de l'affection, mais également sur l'adéquation des soins en cours, et accepter de discuter confraternellement les arguments décisionnels. Le médecin, s'il le souhaite, doit pouvoir faire appel à une cellule d'aide à la décision, c'est-à-dire que cela suppose que de tels organes d'aide existent.

L'importance des annotations dans le dossier médical ne devrait pas rencontrer beaucoup d'objections, mais les avis restent partagés quant à d'autres formalités.

Au sujet des considérations juridiques, dans l'état actuel du droit, toutes les pratiques d'euthanasie sont illégales. Certaines, pourtant, paraissent éthiquement justifiées, et d'autres ne le sont pas.

Bien que ces pratiques soient illégales, quelles qu'elles soient, elles ne sont que très exceptionnellement poursuivies. Si cette impunité paraît heureuse dans certains cas, on ne peut l'admettre de manière générale, sous peine de couvrir toutes les euthanasies qui sont éthiquement contestables, voire éthiquement condamnables. Ces dernières mériteraient d'être poursuivies et jugées.

À cette fin, il est donc nécessaire, semble-t-il, de définir plus clairement ce qui est légal, afin que ce qui ne l'est pas puisse être poursuivi.

Mais l'adoption d'une approche plus globale de la fin de vie paraît préférable car l'isolement législatif de l'euthanasie, par rapport aux autres pratiques relatives à l'accompagnement de fin de vie, exacerbe la peur des citoyens de voir le législateur toucher à l'interdit fondateur et fondamental de tuer.

Et l'on doit se réjouir de cet attachement à la protection de la vie. La question essentielle, semble-t-il, n'est pas de toucher ou non à l'interdit de tuer ­ il est évident que le législateur n'entend pas relativiser la valeur que la vie représente ­ mais bien de savoir comment protéger au mieux le droit de chacun à la vie, non pas seulement sous l'angle juridique (l'incrimination du meurtre, de l'assassinat, de la non-assistance à personne à danger), mais également sous l'angle éthique (la garantie que chacun voie respecter le sens qu'il donne à sa propre vie et à ce qui constitue pour lui une fin de vie digne).

Si la loi a bien une vocation pédagogique, elle remplit également une fonction symbolique : traduire les valeurs qui font lien social, et les inscrire dans la conscience collective. L'on veut tout autant protéger la vie que préserver la dignité des hommes et des femmes. Ces deux valeurs doivent impérativement se retrouver dans la loi que l'on tente d'élaborer.

Dès lors qu'il ne s'agirait pas seulement de préserver la dignité dans la mort mais aussi dans la vie, il paraît plus juste d'envisager les pratiques médicales de nature à hâter le décès dans le cadre plus étendu de l'accompagnement en fin de vie.

L'intervenant pense que la consécration de principes directeurs régissant l'accompagnement en fin de vie s'impose, et que des dipositions claires et précises s'agissant des pratiques de nature à hâter le décès y trouvent naturellement leur place. On a assez dit combien le recours au concept jurisprudentiel et doctrinal de l'état de nécessité ne convenait pas dans cette problématique.

Quant à savoir s'il faut modifier le Code pénal, cela ne paraît pas nécessaire dès lors qu'une loi encadre les pratiques médicales qui ont pour conséquence et non pour fin de hâter le décès.

Ces pratiques dans le contexte et le cadre déjà évoqués rentrent certainement et nécessairement dans le champ de la légalité. Or, le Code pénal lui-même prévoit qu'il n'y a pas d'infraction lorsque le fait était permis par la loi.

Les dispositions du Code pénal, comme celles d'ailleurs de tout autre corps de la loi, doivent se lire conjointement les unes par rapport aux autres.

Il n'y a donc aucune nécessité d'insérer une disposition nouvelle dans la loi pénale, puisqu'il n'y aura pas d'infraction lorsque les pratiques visées seront conformes à la loi à venir. Il ne saurait a fortiori y avoir de meurtre ou d'assassinat.

Pour terminer, l'intervenant rappelle la citation, faite par le professeur Englert, de l'ULB, d'un texte du professeur Ladrière, de l'UCL :

« Personne n'a une compétence privilégiée en matière éthique. C'est pourquoi la réflexion éthique ne peut être qu'une entreprise collective où les différents points de vue doivent pouvoir se confronter, dans l'espérance d'une convergence que justifie la croyance fondamentale en l'universalité de la raison. »


Un membre donne l'exposé suivant :

1. Rappel du contexte du débat

1.1. Les autres pays et l'euthanasie

L'intervenante ne croit pas inutile de rappeler que si la plupart des pays européens ont abordé le sujet qui occupe depuis quelques mois les commissions réunies, aucun n'a encore légiféré en la matière, du moins en adaptant sa loi pénale en la matière. Seuls les Pays-Bas ont adopté une réglementation de type administratif dont il semble que seulement 40 % des médecins suivent les prescriptions en matière de déclaration des euthanasies pratiquées. Cela au moins doit inciter à la plus grande circonspection en la matière et à ne pas croire trop rapidement que le législateur belge aurait à cette question la solution que d'autres n'auraient pas trouvée.

Pourquoi n'appliquerait-on pas ici le principe de précaution que l'on réclame par ailleurs dans d'autres matières ? La difficulté et la profondeur du débat justifient, selon l'intervenante, que l'on applique ici aussi ce principe.

1.2. La déclaration gouvernementale

L'intervenante voudrait également rappeler les termes de la déclaration gouvernementale en cette matière : « Dans la recherche de réponses aux questions et défis éthiques, le gouvernement opte pour une approche en rupture avec le passé. Au lieu d'enfermer le débat dans le carcan de la solidarité gouvernementale et de le faire dépendre ainsi d'un consensus parmi les partis de la majorité, le Parlement assumera pleinement ses responsabilités, et ce sur base de la conscience individuelle et de l'intime conviction de chacun. »

Cette phrase dite par le premier ministre paraît très importante aux yeux de l'intervenante, qui estime qu'elle devrait interpeller chaque parlementaire par rapport à sa propre conviction et à sa conscience.

Il ne s'agit donc pas, dans une matière aussi délicate, de faire référence à des positions de parti. L'intervenante trouve dommage que certains croient devoir rappeler à l'ordre des membres de leur parti qui ne seraient pas dans « la bonne ligne ».

C'est clairement dans cette perspective que l'intervenante se situe depuis le début des travaux. Elle a d'ailleurs eu l'occasion de le souligner dans sa première intervention qui date du 4 décembre dernier (mais à huis clos). Elle a également rappelé à cette occasion que cette règle de la liberté de conscience était aussi la règle de son groupe politique. Il n'y a donc pas de position de parti en cette matière. C'est à ses yeux une preuve de maturité politique de la part d'une formation politique pluraliste et c'est aussi ce qui lui a permis de déposer, avec d'autres sénateurs, un texte visant « un encadrement légal de l'accompagnement de fin de vie » susceptible, aux yeux des auteurs, de réunir, au-delà des clivages politiques et philosophiques traditionnels, un consensus le plus large possible dans une matière aussi délicate, ou à tout le moins d'y contribuer.

L'intervenante se dit convaincue, comme l'a souligné un collègue en terminant son intervention, qu'« une réglementation ne sera opportune et utile qu'à la condition qu'elle repose sur une large assise sociale, tant dans le monde médical et soignant qu'au sein de la population et, partant, sur une large assise parlementaire, en d'autres termes qu'elle dépasse les clivages traditionnels, politiques, philosophiques, confessionnels ou partisans ».

Ce débat est un appel à la conscience de chaque parlementaire qui doit se sentir interpellé individuellement, et non pas par rapport à des mots d'ordre de son parti.

2. Les auditions

L'intervenante souhaite, avant même de faire part de ses réflexions à l'issue des auditions auxquelles les commissions réunies ont procédé, remercier ceux et celles qui ont accepté de venir témoigner et de faire part de leurs expériences, de leurs convictions personnelles, et indispensables à la réflexion. Ce n'était pas un exercice facile, il faut en convenir.

Les commissions ont voulu que le débat soit public, ce qui n'était pas gagné d'avance, d'aucuns estimant que tout avait déjà été dit sur la question. Cela n'était pas l'avis de l'intervenante. Lors de son intervention de décembre dernier (à huis clos), elle avait déjà insisté pour que la transparence soit la règle dans un domaine comme celui-là. La politique des huis clos appartient pour elle au passé, et certainement dans une matière comme celle-là, où sont en jeu la vie et la mort de tout un chacun.

Les différentes auditions auxquelles les commissions ont procédé ont eu à ses yeux deux mérites essentiels : d'une part, de donner au débat la dimension d'un véritable débat de société puisqu'une large publicité a été donnée aux auditions (TV, internet, interview radio-tv, articles de presse, ...) et d'autre part de permettre de mieux appréhender la réalité de terrain, tant du côté des soignants que du côté des patients ou de leurs représentants.

C'était indispensable dans un tel débat, qui n'appartient pas qu'aux parlementaires, mais qui est un vrai débat de société et doit continuer à l'être.

L'intervenante souligne ensuite quelques points qui sont ressortis des auditions.

2.1. L'équivoque du mot euthanasie

Au travers des différentes auditions, on a pu constater que tous ne donnaient pas à ce mot la même signification et que même ce vocable prêtait à la confusion, tant il est vrai que, traduit du grec, il signifie littéralement « bonne mort ». Qui ne souhaite une bonne mort ? Peut-on ou doit-on dès lors se rallier à la définition qu'en a donné le comité de bioéthique ? L'utilisation du vocable euthanasie paraît aujourd'hui à l'intervenante plus source de problèmes que de nature à clarifier les concepts. Or, il est essentiel à ses yeux que dans une telle matière, les différents actes médicaux qui peuvent être posés en fin de vie fassent l'objet d'une clarification à la fois aux yeux des médecins et des soignants mais aussi aux yeux des patients qui doivent savoir à quoi s'en tenir, sous peine de craindre l'hospitalisation, comme l'a rappelé le docteur Clumeck.

L'intervenante se réfère aussi à ce qu'elle a pu lire dans la presse chaque jour, et qui montre combien les concepts d'euthanasie, de suspension ou arrêt d'un traitement recouvrent des situations très diverses et que les médecins eux-mêmes y donnent des sens parfois différents.

Il s'agit donc, pour le législateur, d'être extrêmement attentif à ces notions, et de les préciser le plus clairement possible dans une éventuelle loi.

2.2. Les soins palliatifs, supportifs ou continus : une autre approche du malade

Beaucoup ont dit que l'on trouve dans les unités et services de soins palliatifs une autre approche du malade. M. Siccard, président du Comité de bioéthique français, a déclaré, lors de son audition informelle qu'en tant qu'interniste, il avait beaucoup appris, dans son métier de médecin traditionnel, de l'approche développée dans les soins palliatifs, supportifs ou continus.

Le développement des soins palliatifs est encore récent dans notre pays. Il y a à peine dix ans que ceux-ci ont commencé à se mettre en place progressivement. Tout le monde ne peut y avoir accès alors qu'il est évident que ceux-ci constituent une approche nouvelle et indispensable dans la manière de prendre en charge le patient dans sa globalité, particulièrement en fin de vie, mais pas seulement.

Les auteurs des différentes propositions de loi à l'examen ont tous également déposé des textes relatifs au développement des soins palliatifs dans notre pays. Les personnes auditionnées qui travaillent dans ces services, qu'il s'agisse d'unités de soins palliatifs ou d'équipes mobiles, ont souligné l'importance de la prise en charge des patients dans leur globalité ­ ce qui fait l'originalité de cette approche médicale ­ tout autant que la nécessité de pouvoir maîtriser les techniques de pointe en matière de contrôle de la douleur. À les avoir entendus dans leur diversité (cf. la récente visite à l'unité de soins supportifs de Bordet et les contributions internationales d'un expert français et d'un expert canadien), il est apparu à l'intervenante avec encore plus d'acuité, encore combien il était important :

­ de former les futurs médecins et infirmières à cette approche de la médecine que l'on ne doit pas réduire à des soins de fin de vie. Les soins palliatifs, supportifs ou continus, c'est plus que cela, c'est véritablement une autre approche du patient. Tous ont beaucoup à apprendre de ce qui se vit au sein de ces équipes et avec les malades, à chacun des stades de leur maladie;

­ d'apprendre aux médecins que leur art a des limites et que même si cela est difficile à accepter, il vaut mieux parfois arrêter un traitement inutile que de s'acharner inutilement;

­ de parler de soins continus dans la mesure où, s'il n'y a plus d'espoir de guérison, il y a encore tellement à faire pour le patient. L'abandon thérapeutique n'est jamais acceptable;

­ de soutenir les équipes soignantes qui sont dans les unités lourdes et qui sont confrontées à des cas difficiles. Le travail en équipe est dans ces cas indispensable, de même que des équipes de soutien psychologique, ce qui relève de la pratique et non du législatif;

­ d'apprendre aux médecins à maîtriser les techniques de lutte contre la douleur, douleur que bien peu maîtrisent encore suffisamment, et qui amène la plupart des demandes d'euthanasie. Celles-ci disparaissent dans la toute grande majorité des cas dès que les douleurs physiques sont maîtrisées, même si ces techniques ne résolvent pas tous les problèmes.

De plus, toute la pratique des médecins à domicile n'est que peu abordé dans le débat, car on s'est centré sur la pratique hospitalière. Il reste beaucoup à dire sur les soins à domicile (cf. l'audition du docteur Leroy, qui a fait état des difficultés rencontrées dans le suivi à domicile, notamment en ce qui concerne l'accès à des quantités suffisantes de morphine);

­ de garantir à chacun l'accès à des soins palliatifs de qualité par le développement d'une offre suffisante et diversifiée (unités, équipes mobiles, et pratique à domicile).

Il ne faut en aucun cas opposer « euthanasie » et soins palliatifs. L'on se tromperait de débat dans ce cas et ce serait lourd de conséquence pour les patients. Aux yeux de l'intervenante, s'il y a bien un moment ou un endroit où la solidarité de notre société peut s'exprimer, c'est bien dans l'accompagnement des patients en fin de vie. C'est un devoir de solidarité pour l'ensemble de notre société.

2.3. Une place centrale pour le patient : pour une charte des droits du patient

Quelle est encore la place du patient dans le processus de soins, particulièrement lorsque celui-ci est en fin de vie ? Comment son point de vue, sa parole sont-ils entendus ?

Que ce soit au niveau de l'ouverture même du débat sur la question de l'euthanasie au sein de notre société, ou des réflexions faites par plusieurs des intervenants lors des auditions, cette question est centrale dans le débat. Comme l'ont souligné beaucoup d'intervenants, la technicisation de la médecine a eu pour effet de médicaliser de plus en plus la fin de vie, et par là, a eu pour résultat de déposséder de plus en plus la personne de sa propre mort.

La demande d'euthanasie constitue en quelque sorte pour certains une manière ultime de pouvoir se réapproprier leur propre mort.

Que ce soit Mme Mylène Baum ou d'autres intervenants (Van Neste, Bouckenaere, Cosyns, Aubry, Pesleux, ...), tous ont insisté sur cette nécessaire réappropriation par le sujet-patient de sa propre parole sur son corps et sa maladie.

C'est la raison pour laquelle l'intervenante plaide, comme ils l'ont fait, pour le développement d'une charte des droits du patient, qui aurait, pour reprendre les mots de Mme Baum, « pour fonction d'assurer à ce dernier (le patient) l'établissement d'un contrat thérapeutique cohérent avec son équipe soignante en faisant de lui un partenaire de la décision. »

Aux yeux de l'intervenante, donner aux patients des droits qui doivent se traduire notamment par un droit à l'information ainsi que par la nécessité d'obtenir son consentement pour les actes médicaux dont il est l'objet, revient à rendre la parole au patient et à lui permettre de nouer un véritable dialogue avec son médecin. Si l'on veut véritablement permettre au patient d'être au coeur de la décision médicale dans sa globalité, et qu'il ne soit pas réduit à un un organe à soigner, lui donner le droit à l'information et au consentement est fondamental.

2.4. L'ambivalence des demandes

La plupart des intervenants ont aussi souligné l'ambivalence des demandes d'euthanasie, et le fait que celles-ci devaient être écoutées avec beaucoup d'attention. L'intervenante préfère, comme certains collègues, parler d'écoute de la demande plutôt que de parler de décoder la demande, ce qui pourrait paraître aux yeux de certains comme une nouvelle prise de pouvoir d'une équipe sur le patient. Écouter, cela veut dire entendre ce qu'il y a derrière une telle demande. Cela nécessite beaucoup d'attention, et surtout une bonne connaissance du patient et de son vécu. Comme l'a dit un intervenant, mettre bout à bout les différentes paroles d'un malade comme les différentes parties d'un puzzle qui seul permet de comprendre l'ensemble, telle devrait être la véritable écoute des patients en fin de vie.

Seul un véritable travail en équipe permet une telle approche. L'intervenante se réjouit de ce qu'il semble bien que ce travail d'équipe soit aujourd'hui la règle, en tout cas pour les décisions les plus difficiles. Plutôt que de le craindre, il faut au contraire l'encourager, parce qu'il est indispensable, tant pour les soignants que pour le patient et les proches.

2.5. La loi et les réalités de terrain

Le rappel concret à la réalité de terrain par beaucoup d'intervenants du monde médical, qu'ils soient médecins ou infirmières, a également frappé l'intervenante.

2.5.1. La complexité des situations

On a pu se rendre compte de la complexité des situations que l'on peut rencontrer en fin de vie. Que l'on soit dans un service de soins intensifs, en oncologie, en pédiatrie ou en médecine interne ..., la nature des décisions médicales à prendre est très différente, l'urgence n'est pas toujours la même, la situation des patients (conscients et inconscients) variable. Il est donc très difficile de réduire, dans un texte de loi, la complexité de toutes ces situations.

2.5.2. Les praticiens de terrain ne sont pas prêts pour une telle loi

Plusieurs intervenants ont également souligné la réalité du monde hospitalier et les conditions dans lesquelles médecins et infirmières doivent travailler. Peu de place est réservée à l'écoute des patients. Ce sont les notions d'efficacité et de rentabilité qui priment trop souvent. Beaucoup ont également souligné le stress permanent auquel sont soumis les soignants, en particulier les unités lourdes, et qui provoque ce que l'on appelle le « burn out ».

Il s'agit d'une question qui est posée au législateur. Celui-ci doit être attentif à cet aspect de choses, et aux effets secondaires d'une législation qui ne serait pas en phase avec la réalité du terrain. Il y a lieu de s'en tenir au principe de précaution, déjà évoqué.

2.5.3. La place des patients les plus faibles et les plus vulnérables

Que ce soient les représentants des patients Alzheimer, ou des malades mentaux, ou les gériatres, pour ne citer que ceux-là, tous ont mis en garde contre les effets négatifs d'une loi qui ne prendrait pas en compte la situation spécifique, la fragilité de ces personnes ou des plus faibles en général, qui, en raison même de leur vulnérabilité ou de leur fragilité, pourraient faire l'objet de pressions ou se sentir de trop dans une société qui ne valorise que la jeunesse et la réussite. Le devoir de solidarité, ici aussi, est essentiel.

3. Lignes de conduite pour une réglementation

Lorsqu'on tente de légiférer dans une matière aussi délicate ­ et même si l'on peut toujours se poser la question de savoir s'il y a véritablement moyen de bien légiférer dans ce domaine ­ il faut définir un certain nombre de principes.

Pour ce qui concerne la contribution qu'avec d'autres collègues, l'intervenante a voulu faire, à l'issue des auditions, elle renvoie à l'explicitation très approfondie et remarquable d'un précédent orateur.

Pour sa part, l'intervenante souhaite insister sur la manière dont, selon elle, il faut aborder le problème dans la perspective d'une réglementation.

3.1. Le comité de bioéthique français

L'intervenante regrette vivement que tous les membres des commissions réunies n'aient pas estimé utile d'entendre le président du Comité de bioéthique français, suite à l'avis que celui-ci a rendu en janvier de cette année. Les collègues qui ont procédé à son audition ont tous été impressionnés par son approche du problème.

Le travail qu'a fait le Comité français est intéressant à plusieurs titres, mais surtout parce que l'avis rendu le fut à l'unanimité des membres. Chacun a accepté de faire un pas vers l'autre dans le cadre d'une société pluraliste où tous peuvent se rejoindre sur des valeurs communes à défendre sur un sujet aussi délicat que celui-là. Cela ne signifie pas que l'on abandonne ce à quoi on croit, mais bien que l'on recherche ce qui peut rapprocher les uns et les autres dans le respect des convictions de chacun.

« Engagement solidaire et exception d'euthanasie », tel est le titre du point 4 de cet avis. Il reflète bien la logique suivie par le Comité. L'intervenante en lit quelques passages qu'elle juge essentiels :

« Le Comité renonce à considérer comme un droit dont on pourrait se prévaloir la possibilité d'exiger d'un tiers qu'il mette fin à une vie. La valeur de l'interdit du meurtre demeure fondatrice, de même que l'appel à tout mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de la vie des individus.

Par ailleurs, la perspective qui ne verrait dans la société qu'une addition de contrats individuels se révèle trop courte, notamment en matière de soins, là où le soignant ne serait plus considéré que comme un prestataire de services. Mais ce qui ne saurait être accepté au plan des principes et de la raison discursive, la solidarité humaine et la compassion peuvent le faire leur. Face à certaines détresses, lorsque tout espoir thérapeutique est vain, et que la souffrance se révèle insupportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l'être humain surpasse la règle, et que la simple sollicitude se révèle parfois le dernier moyen de faire face ensemble à l'inéluctable. Cette position peut être alors qualifiée d'engagement solidaire.

(...) De telles détresses appellent la compassion et la sollicitude. Certes, ces termes peuvent être compris, de façon paternaliste, comme sollicitant la pitié ou la commisération, mais conjuguées avec le respect, et marquées par la recherche d'une relation partenariale authentique, compassion et sollicitude incitent à l'humanité, à la sensibilité, à la solidarité.

Dépassant le seul registre du droit moral et de la revendication, elles marquent des ouvertures inédites autorisées par le partage d'une commune condition.

Ces ouvertures exceptionnelles s'articulent autour de la notion de consentir et de consentement.

Le champ sémantique ouvert par ces termes comporte en effet trois éléments décisifs qui structurent l'engagement solidaire dans lequel, par définition, il y va de plusieurs personnes prises dans un commun combat dans un sens spécifique et précis :

1) consentir, c'est évidemment donner ou avoir donné son consentement. Tel est le cas de personnes pouvant ou ayant pu participer à l'évaluation de leur état et exprimer leur volonté;

2) consentir, c'est acquiescer, accepter qu'une chose se fasse, ne pas s'entêter à l'empêcher quand, de toute manière, l'issue en paraît inéluctable. Face à la proximité d'une mort, en fin de vie, au bout du combat, le moyen le plus digne d'agir ne consiste-t-il pas à ne pas masquer ou fuir l'issue fatale, mais à lui faire face, et donc à y consentir;

3) consentir, c'est enfin sentir avec, s'engager dans un processus dont la finalité idéale est de l'ordre du consensus. Les éventuelles décisions d'acte euthanasique ne devraient pas se présenter comme des actes solitaires et plus ou moins arbitraires, mais comme le fruit de recherches tâtonnantes et communes, produit d'une réflexion aussi consensuelle que possible, au sein d'une équipe et d'un entourage consentant à mettre en oeuvre la moins mauvaise solution face à une situation extrême. »

Mme Mylène Baum ne dit pas autre chose lorsqu'elle souligne : « Je voulais souligner que les positions extrêmes, qu'elles défendent le principe absolu de l'autonomie ou le principe absolu de la sacralité de la vie sont par nature totalitaires. Elles refusent la délibération et ne peuvent être défendues que par des arguments d'autorité ou la revendication d'un droit.

Mais la question du comment nous voulons mourir concerne chaque citoyen privé et exige un débat public qui ne devra pas chercher la bonne solution mais la moins mauvaise pour chacun, une solution qui ne serait pas radicalement bonne mais justement bonne. La revendication de la liberté devrait dès lors être celle d'une liberté coresponsable entre médecin et patient, ce qui est pour moi le contraire d'une dilution de la responsabilité, accusation que l'on a faite aux cellules d'aide à la décision, car nous passerions, avec une charte des droits du patient, à un modèle contractuel et nous échapperions à la fois au modèle paternaliste et au modèle arbitraire de décision. Nous ne pouvons argumenter nos convictions morales qu'au niveau d'une expérience existentielle qui nous est propre mais néanmoins contextualisée. Des normes minimales devront tenir compte de la spécificité des patients vulnérables sous peine de les exclure du débat public, parce que leur vie « ne vaut rien ».

Le conflit qui oppose le droit subjectif au droit public doit donc se résoudre par une troisième voie.

On ne peut prétendre être pluraliste et mépriser la relativisation de l'autonomie par d'autres valeurs, la vulnérabilité du patient par exemple. Il ne s'agit pas d'un débat entre individualisme et communautarisme, car comme le disait Sartre « On ne peut être libre seul ».

Cette approche, qui met le patient au centre de la décision, et lui confère des droits qui lui permettent d'être partenaire d'une décision, est essentielle dans l'élaboration d'une éventuelle réglementation.

3.2. Tenir compte de la réalité de terrain, c'est-à-dire de la spécificité du monde médical et hospitalier

L'intervenante se réfère aux propos d'un précédent orateur, en ce qui concerne l'audition du professeur Dalcq à ce sujet. Elle pense que l'approche qui inspire la proposition qu'elle a cosignée correspond à ce que vivent les médecins par rapport au droit pénal.

Il lui paraît préférable de ne pas toucher à la loi pénale mais de travailler via une réglementation visant l'accompagnement de fin de vie dans laquelle est envisagée l'exception d'euthanasie.

L'accompagnement de fin de vie implique que l'on se situe dans la phase terminale, et que, dans le cadre de la réalité de terrain et du monde médical, le rôle des équipes soignantes puisse être valorisé, ces équipes étant considérées comme partenaires dans la discussion.

3.3. Le patient au centre

Le patient doit être au centre du processus, en termes d'information, de consentement, et d'écoute de sa demande. Cela implique notamment que l'on puisse prendre en compte, à titre indicatif, une éventuelle déclaration anticipée, comme étant l'un des éléments d'appréciation pour déterminer ce que le patient aurait souhaité, lorsqu'il n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté.

3.4. Le dossier médical comme outil de contrôle

L'expérience hollandaise montre qu'un autre système, externe, ne pourra pas fonctionner.

Le seul véritable moyen de contrôler si les actes ont été accomplis dans le cadre réglementaire est que le dossier médical soit complété en rapport avec les actes posés, et qu'il soit l'élément-clé de tout éventuel contrôle.

3.5. La pratique à domicile et dans les maisons de repos

Aucune des propositions de loi ne prend en compte la situation particulière du médecin à domicile (équipe médicale, accompagnement, entourage, aide aux décisions, ...). Il se trouve seul, comme il l'est aussi en maison de repos.

Il y a là matière à réflexion complémentaire, comme pour d'autres aspects évoqués lors des auditions (cf. notamment l'audition du docteur Moulin, et son expérience dans les services de pédiatrie; le professeur Siccard a indiqué que le comité de bioéthique français allait se pencher sur la problématique des nouveaux-nés; l'Académie de médecine, également entendue de façon informelle, a aussi fait part de ses préoccupations à ce sujet).

En guise de conclusion, l'intervenante déclare que ce débat mérite d'être ouvert à ce stade des travaux et qu'il reste encore de nombreux points d'interrogation.

Il reste aussi à s'interroger, fondamentalement, sur la compatibilité de n'importe quel type de réglementation avec la réalité de terrain.

L'intervenante se rallie enfin à la maxime énoncée par une précédente oratrice : « Les gens qui doutent me rassurent. »

Comme déjà indiqué, dans une matière aussi délicate et complexe, le principe de précaution doit guider le législateur à tous égards.

Il ne faut pas non plus vouloir tout régler à la fois. Il est préférable de travailler pas à pas, et de voir, en un premier temps, sur quoi l'on peut s'accorder pour travailler de manière pragmatique et non idéologique, dans le souci de trouver la plus grande assise sociale possible, que ce soit dans le monde médical ou dans la société civile.

Les articles récemment parus dans la presse ont mis en évidence la diversité des réactions humaines à l'approche de la mort. La responsabilité du législateur est d'être à l'écoute, et d'être prudent quant aux conséquences de ce qu'il pourrait faire.


Une autre membre souhaite faire part de quelques brèves considérations personnelles dans le prolongement de la position sur le fond qu'a présentée le président de son groupe politique. Pour l'intervenante, mais aussi bon nombre de ses collègues, les auditions ont été particulièrement intéressantes et enrichissantes. Elle a beaucoup d'estime pour la préparation et l'engagement avec lesquels tous les témoins sont venus présenter leur expérience ainsi que leur point de vue. Ils se sont adressés aux commissions réunies bien sûr, mais aussi aux médias et à la société grâce à la publicité des débats. Les sénateurs ne sont donc pas les seuls à avoir eu l'opportunité d'écouter attentivement ce qui s'est dit puisque toute la société a eu cette même opportunité.

Cependant, la membre souhaite faire remarquer, comme d'autres avant elle, que les témoins n'ont pas toujours été traités correctement, que certains collègues ont voulu rouvrir chaque fois avec eux le débat politique et que l'on a parfois eu l'impression que les personnes invitées par les commissions réunies se retrouvaient au banc des accusés. La dureté de cette approche qui n'aura évidemment pas échappé non plus à l'opinion publique, relève de la responsabilité de ceux-là mêmes qui ont posé les questions.

Il a été particulièrement enrichissant d'entendre le point de vue des personnes engagées à titre professionnel dans ce que la membre serait tentée d'appeler « la société des malades ». On ne peut en effet pas se permettre de se placer du point de vue de celles et ceux qui sont en bonne santé dans la société pour juger de ce qui touche par essence au monde des malades.

Les sénateurs ont pu apprendre comment les travailleurs du secteur de la santé désirent s'investir pleinement pour le bien-être des patients et qu'ils demandent à cet effet qu'on leur accorde les moyens et le temps nécessaire. On leur a expliqué que des pas ont été franchis durant les dernières décennies dans les domaines des soins de confort, du traitement de la douleur, des techniques de sédation, de la cessation progressive et délibérée de toute médication ou de tout traitement superflus.

Ils ont pu apprendre ­ et c'est fort rassurant pour l'opinion publique ­ que moyennant les soins appropriés, il n'est presque jamais nécessaire de recourir à « la bonne mort », à l'exception de certains cas rares pouvant se produire dans les pathologies les plus compliquées (le docteur Menten parle de 2 %, le docteur Bron de 1,6 % et le docteur Bouckenaere de 1 %).

Mais en toute objectivité, on a constaté que la grande majorité des travailleurs dans le domaine des soins de santé ne souhaitent pas que l'on modifie la norme sociale pour ces cas exceptionnels.

Au contraire, la plupart des médecins, infirmiers et membres des équipes de soins palliatifs y sont explicitement opposés. Et à leurs yeux ­ comme à ceux de l'intervenante ­, il ne s'agit pas là d'une forme d'hypocrisie.

Les personnes qui travaillent au quotidien avec des malades et pour des malades veulent que la société reconnaisse à la fois la dignité et la vulnérabilité de leurs patients.

Ils ne sont pas demandeurs d'une modification légale portant atteinte au respect de la vie de tout individu. Ils demandent par contre des directives sur la manière d'aborder les cas exceptionnels sur le plan médico-social.

La qualité de la vie des malades et des mourants est déterminée par la qualité de notre société.

Cela ne veut pas dire seulement que les autorités doivent prévoir tous les moyens, dispositifs et effectifs permettant de faire du droit fondamental aux soins palliatifs une réalité pour chacun sans exception.

Cela signifie aussi que notre capacité financière, notre tolérance, nos possibilités budgétaires, en un mot le sens de la solidarité de notre société sont inspirés par l'image que l'on se fait des personnes en phase terminale, dépendantes et se trouvant en grande nécessité.

Et l'inverse est vrai également : la manière dont les patients en phase terminale vivent leur dignité est influencée consciemment ou inconsciemment par l'image que la composante en bonne santé de la société se fait d'eux et leur renvoie.

Le docteur Bron a déclaré que depuis que le débat sur l'euthanasie est mené ouvertement, le nombre de demandes d'euthanasie a fortement augmenté mais que ces demandes n'émanent plus exclusivement des patients. Elles proviennent de plus en plus de la famille et de l'environnement social du patient.

On explique bien sûr à ces familles qu'il ne peut être question d'euthanasie de cette manière-là que l'on ne peut agir qu'à la demande du patient lui-même.

Mais mettez-vous un instant dans la situation concrète du patient en phase terminale mais lucide. « Je trouve que chaque jour que la vie m'offre encore en vaut la peine en dépit de toutes les difficultés. Je me réjouis à l'avance de chaque visite, j'ai les conversations les plus intenses de toute ma vie, mais je sais que mes proches attendent et continueront à attendre que je pose la question de la fin. »

Quelle est la personne en fin de vie, et donc vulnérable, hypersensible et dépendante, qui pourrait aller à l'encontre de cela ? Mais où est alors cette autonomie humaine idéalisée, censée me permettre de décider en toute indépendance « ce qui est bon pour moi » ? Qui suis-je encore si c'est dans le regard de mes proches que je lis la demande de ma fin plutôt que de la sentir monter en moi-même ?

Quelle dignité ces patients auront-ils encore en partage si non seulement leur famille, mais aussi la société toute entière, les placent personnellement devant la responsabilité de décider eux-mêmes s'ils veulent continer à être dépendants, à nécessiter des soins, à être une charge pour autrui ?

Tel ne serait-il pas l'effet social d'une loi sur l'euthanasie ? La qualité de la vie, mais aussi la qualité de la fin de vie sont déterminées par la qualité de la vie en société. Et ce sont les hommes politiques qui sont responsables de la qualité de la vie en société.

Dans leur évaluation des auditions, les auteurs de la proposition des six se sont demandés : « Qui subit un préjudice si une personne décide de manière tout à fait autonome de s'en aller ? » ou encore « on n'oblige de toute manière personne à demander l'euthanasie » ou encore « qui suis-je pour juger qu'il est exclu de demander la mort ? »

L'un des auteurs a estimé, après les auditions, qu'une loi sur l'euthanasie pour les personnes capables d'exprimer leur volonté ne causait de tort à personne et qu'au demeurant, un des principes fondamentaux de notre droit civil veut que l'on puisse agir tant que l'on ne nuit pas aux autres.

Ce serait évidemment la société idéale, celle où l'on pourrait remplacer toute la loi pénale par le seul article 1382 du Code civil.

Nous savons pourtant, en tant qu'hommes politiques démocrates, que le monde est encore loin de s'approcher de cette société idéale. Il faut fixer une série de valeurs communes, par exemple le respect de la vie de toute autre personne, et les protéger par des normes pénales.

Mais qu'en est-il de l'autonomie en tant que valeur humaine ?

Certes, comparaison n'est pas raison. Mais, il n'y a guère plus d'un mois, l'on a voté au Sénat sur de nouvelles normes pénales relatives à la mutilation sexuelle. Il a été décidé de punir sévèrement toute personne qui se livre à cette pratique à la demande d'une femme majeure, capable d'exprimer sa volonté et indépendante. À qui est-il fait tort si cette femme majeure est sincèrement convaincue que c'est la seule façon pour elle de trouver le bonheur familial ?

Les sénateurs ont néanmoins estimé à juste titre que cette femme et quiconque participe à l'opération sont punissables. Pourquoi ? Parce que la femme n'aurait pas pris sa décision de manière autonome et qu'elle n'aurait pas consenti ? Non, pas du tout. Parce que l'on aurait fait du tort à quelqu'un d'autre ? Pas vraiment. Ou peut-être que si. Les sénateurs ont estimé que cette femme ne se faisait pas seulement grand tort à elle-même, mais qu'elle nuirait surtout à l'image de l'ensemble des femmes dans la société, en se distanciant en tant qu'individu du droit humain général qui est le droit à l'intégrité physique.

Les pouvoirs publics doivent garantir l'intégrité physique de tous et c'est pourquoi la loi pénale ne saurait permettre que des individus renoncent à ce droit de l'homme en fonction d'une conviction personnelle, quelles que soient leur autonomie et leur indépendance.

Pourquoi ce qui vaut pour le droit à l'intégrité physique ne vaudrait-il pas pour le droit à la vie lui-même ? Un droit à la vie bénéficiant d'une protection générale et un droit subjectif à la mort peuvent-ils coexister dans une société ?

Si l'un de nos collègues affirme qu'en tant que législateur, il n'est pas en mesure de refuser la mort à celui qui la demande, on peut se demander, par contre, si en tant que législateur, nous sommes bien en mesure de déterminer dans quelles circonstances des tiers peuvent mettre fin à la vie d'autrui.

Le législateur est le gardien des valeurs de société qui s'expriment dans des normes générales. Et ce ne sont pas les situations individuelles exceptionnelles qui peuvent alors dicter la norme. La fonction protectrice de la loi pénale ne saurait être vidée de sa substance. La vie de chacun, y compris celle des plus vulnérables d'entre nous, doit être une évidence.

Au cours des auditions, l'intervenante a soumis à tous les partisans d'une dépénalisation ou d'une légalisation sous conditions de l'euthanasie ses remarques concernant les conséquences qui en résulteraient pour la cohésion sociale, la protection juridique des plus faibles, la tolérance vis-à-vis des malades et des handicapés et le sens de la solidarité de la population. Les réponses données par les professeurs Vermeersch et Englert, M. Favyts et les professeurs Van Camp et Distelmans ne sont pas parvenues à la rassurer. Elles étaient généralement évasives ou montraient que l'on considère que les situations individuelles sont plus importantes que les effets sociaux d'une modification de la législation pénale. Chacun peut relire ces réponses.

L'intervenante souhaite enfin rappeler deux déclarations particulièrement frappantes : l'une du docteur Cosyn et l'autre de M. Verstaete.

Un des récits tirés de la pratique du docteur Cosyn concernait une patiente souffrant de la sclérose en plaques qui souhaitait mourir à la maison. L'entourage social fut donc optimalisé : des infirmières, un kinésithérapeute, une aide familiale et les enfants élaborèrent un programme concret de soins. Toutefois, le syndrome évolua et une hospitalisation résidentielle devint nécessaire. Mais comme la patiente voulait mourir chez elle, on décida de procéder à une euthanasie active. L'euthanasie a été nécessaire parce que la qualité des soins à domicile était insuffisante et que l'hospitalisation résidentielle offrait la qualité de soins, mais pas l'atmosphère humaine et familiale. L'euthanasie était-elle en l'occurrence la solution la plus humaine ? Pouvons-nous accepter une société et un système de soins de santé dans lesquels on décide de pratiquer une euthanasie parce qu'une hospitalisation résidentielle n'est pas souhaitée ? Quelle qualité de soins à domicile, y compris de soins palliatifs, sommes-nous prêts à accorder ? Et quelle qualité d'hospitalisation résidentielle sommes-nous disposés à offrir en tant que société ?

Pouvons-nous vraiment parler de la solution la plus humaine tant que l'euthanasie est dictée par le manque de qualité de notre système de soins, le manque de qualité de notre société ?

Un autre témoignage frappant est venu d'un patient souffrant lui-même de sclérose en plaques, M. Mario Verstraete.

L'intervenante lui a demandé quel pourrait être l'impact socio-psychologique si la décision de l'euthanasie était laissé purement et simplement à l'individu ou au patient et au médecin, s'il ne faudrait pas craindre une plus grande indifférence à l'égard des malades souffrant de la sclérose en plaques et s'il n'y aurait pas moins de tolérance vis-à-vis des malades et des mourants. Elle donne à présent la parole à une autre personne atteinte de la sclérose en plaques.

Ce patient a réagi dans un magazine flamand à une longue interview de M. Verstraete. Ses mots sont éloquents et ne nécessitent pas d'autre commentaire : « Il est navrant », écrit-il, « de voir comment on lie la sclérose en plaques et l'euthanasie, comme si ce n'était rien de plus qu'une maladie mortelle. Que fait-on des personnes atteintes de cette maladie qui continuent tout simplement à vivre, comme tout le monde, et qui ne sont pas en train de préparer leur propre mort ? » et un peu plus loin « Nous n'avons vraiment pas besoin d'une stigmatisation supplémentaire (venant par exemple du législateur). »

Un membre souhaite introduire son intervention en attirant l'attention sur le lien entre éthique et politique.

Liens entre éthique et politique

L'euthanasie est un problème éthique.

Le Sénat a pour mission politique de réfléchir à propos de l'euthanasie et de définir le cadre juridique dans lequel on pourrait l'inscrire. Le Comité national consultatif de bioéthique a énoncé les éléments éthiques à prendre en considération et a estimé que l'on ne pourrait définir une réglementation juridique en la matière qu'au terme d'un débat politique.

La société se sent impliquée dans ce débat. De nombreux citoyens, de nombreuses associations, mouvements de patients ou groupements de médecins, et des présidents de partis et de groupe politiques mêmes, font des propositions et prennent des initiatives, mais, c'est aux sénateurs et à eux seuls qu'il appartient de prendre personnellement et en toute liberté leurs responsabilités face à ce problème éthique.

On peut comprendre que des témoins et des sénateurs défendent leurs conceptions idéologiques et on peut comprendre aussi que ces mêmes sénateurs aient posé les mêmes questions à divers témoins. On peut comprendre qu'un même témoignage ait été interprété de manière variable par des sénateurs et par des journalistes.

Nos propres considérations philosophiques et nos propres convictions morales ont une incidence considérable sur notre vie. Elles la dessinent, la colorent, la dirigent, l'orientent.

Nous vivons dans une société pluraliste, ce qui suppose une multiplicité de conceptions philosophiques (et donc des visions différentes de la réalité) et une multiplicité de conceptions morales (et donc des conceptions différentes à propos du bien et du mal).

Si nous voulons définir des normes, nous devons engager un dialogue, ce qui nécessite la mise en place de mécanismes de prise de décisions et l'acceptation du principe selon lequel les vérités des autres sont aussi valables à leurs yeux que les nôtres le sont à nos yeux à nous.

La thèse selon laquelle ce débat sur l'euthanasie ne serait qu'un jeu de force politique pour la majorité participe d'une stratégie politique néfaste qui déconsidère la bonne volonté des sénateurs et qui porte atteinte à la sérénité des débats. La thèse selon laquelle ce débat sur l'euthanasie serait une lutte entre croyants et non-croyants ou entre chrétiens et libres-penseurs participe d'une stratégie néfaste qui amenuise l'espoir de réunir éthique et politique. Le christianisme et l'humanisme, chacun suivant les convictions et la philosophie qu'il véhicule, veulent élargir l'assise humaine, de manière à offrir plus de séurité et de dignité aux exclus et aux réfugiés, mais aussi aux enfants, aux faibles, aux malades, aux mourants ... L'un et l'autre reconnaissent que la vie et la mort présentent un aspect relationnel.

L'intervenant n'en pose pas moins certaines questions :

­ Pourquoi certains médecins prétendent-ils que les sénateur ne savent pas de quoi ils parlent, qu'ils ne se sont jamais retrouvés au chevet d'un mourant, qu'il manque aux auditions un bagage scientifique ?

­ Pourquoi tant de publications qualifient-elles la discussion de cette proposition de loi de déloyale ? Pourquoi la vérité n'est-elle parfois pas dite ou n'est-elle que dite partiellement ou de manière imprécise ? Cette question touche à l'autonomie du patient qui éprouve une souffrance insupportable et à l'autonomie du médecin qui se trouve face à une situation médicalement sans issue. Elle concerne tout autant l'évaluation des mesures de prudence.

­ Pourquoi certaines personnes disent-elles que la proposition de loi est « à prendre ou à laisser », alors que ses auteurs ont dit et répété, ici, au sein des commissions, et ailleurs (y compris dans la presse) qu'ils espèrent que des propositions et des amendements seront déposés et aussi qu'ils les adopteront, ce qu'atteste l'élaboration de mesures a priori complémentaires pour ce qui est du patient dont la mort n'est pas prévue, d'une part, et la mise en place d'un tampon ayant la forme d'une commission de contrôle ou d'évaluation entre le médecin et le procureur ?

­ Pourquoi la proposition en discussion est-elle qualifiée de « dure » alors qu'elle témoigne de compassion/de miséricorde en prévoyant la possibilité de délivrer de son mal, à sa demande, le patient qui éprouve une douleur insupportable et qui se trouve dans une situation sans issue d'après les normes médicales en vigueur ?

­ Pourquoi une procédure « non demandée » aurait-elle la prééminence sur le libre choix fait dans le cadre du dialogue entre le patient et le médecin ? La question est d'autant plus pertinente qu'on a souligné dès le début que les différences d'exécution peuvent être très minimes et que les différences d'interprétation concernant les moyens et les intentions, par exemple en cas de surdose de morphine et de sédation contrôlée ou non, peuvent être très grandes.

Liens entre éthique et droit

Le droit ne remplace pas la morale.

Le droit ne dit pas ce qu'il faut entendre par bien vivre ou mourir dignement. Le droit doit toutefois assurer la sauvegarde d'un espace dans lequel chacun puisse agir en toute autonomie, moyennant le respect de lui-même, dans certaines limites à justifier.

Le pluralisme est fondé sur la tolérance.

Le pluralisme politique implique des garanties basées sur la déclaration universelle des droits de l'homme :

­ droit à l'existence et respect mutuel des différences de vérités;

­ liberté et égalité de toutes les conceptions philosophiques : neutralité;

­ possibilité d'exercer des droits fondamentaux : vivre ensemble d'une manière non agressive.

Le législateur doit parvenir à créer le cadre légal dans lequel on puisse inscrire l'euthanasie, dans lequel le patient pourrait évaluer ce qu'il peut demander et dans lequel le médecin pourrait évaluer ce qu'il peut faire.

Les auditions du Sénat ont permis un apport sous plusieurs angles, à la fois pluraliste (laïque et croyant) et pluridisciplinaire (patients, juristes, médecins et soignants, soins intensifs et soins palliatifs, scientifiques et éthiciens, ...).

Nous découvrons :

­ des différences de terminologie en ce qui concerne la liberté et l'autonomie;

­ différentes conceptions de la solidarité;

­ différentes méthodes d'arriver à des vérités;

­ des différences de rationalité entre les constatations scientifiques;

­ des différences dans le discours moral sur les valeurs.

Un consensus se dégage pour reconnaître la valeur

1. de la vie

2. d'une bonne mort

3. de la dignité humaine

1. La valeur de la vie, malgré des différences d'accent :

· la vie corporelle en tant que telle

Pourtant même dans ce cas, on fait encore une distinction entre :

­ la vie végétative de patients post-traumatiques présentant un EEC plat, avec des hélicoptères prêts à assurer le transport d'organes

­ la vie végétative de personnes démentes en proie à une souffrance insupportable

· la vie mentale avec perception du bien et du mal.

2. La valeur d'une bonne mort, malgré les différences d'accent :

· la mort physique;

· la mort consciente.

3. La valeur de la dignité humaine est universellement reconnue

L'homme a conscience de sa valeur. Cette valeur est liée à la conviction qu'il peut maîtriser les désirs et les besoins de sa nature au nom d'un principe, ce qui le rend capable d'agir en être raisonnable et de choisir lui-même. La dignité résulte moins du fait de posséder des droits que de la conscience d'avoir droit au droit. La dignité renvoie au sens inné de la valeur personnelle; la perte de dignité apparaît lorsque quelque chose vient heurter ce sentiment.

Il n'y a toutefois pas (encore), dans ce débat sur l'euthanasie, de consensus sur le fait que cette dignité humaine est portée par l'autonomie de l'individu et que toute atteinte à une autonomie affecte la dignité humaine. Il n'y a pas (encore) de consensus sur la mesure dans laquelle le droit à l'autodétermination du patient peut peser sur ses relations sociales.

L'intervenant a la conviction que la dignité humaine est basée sur la liberté, l'autonomie et l'autodétermination. Le droit à l'autodétermination en matière d'euthanasie est parfois méconnu pour des motifs relationnels ou religieux.

a) Motifs relationnels

Les humains s'occupent les uns des autres du début à la fin de la vie.

Les circonstances amènent parfois les individus à interpréter différemment au cours de leur vie les intérêts fondamentaux qui leur assurent une vie conforme à la dignité humaine, mais il y a malgré tout un consensus minimal sur la notion de « bien vivre ».

Les obligations relationnelles ne sont pas illimitées, elles ne sont pas infinies. Nul ne doit se sentir contraint d'aller jusqu'à l'extrême.

La vie est très précieuse. Mais la vie n'est pas une valeur absolue à laquelle on ne peut jamais renoncer. Cela vaut tant pour la vie d'autrui (légitime défense, guerre, peine de mort) que pour sa propre vie (sacrifice, martyre).

L'autonomie est méconnue par les systèmes collectivistes et par les systèmes totalitaires. Dans le cas de l'euthanasie aussi, il y a un risque pour notre société si la collectivité peut priver l'individu de son droit à l'autodétermination.

b) Motifs religieux

Celui qui choisit une orientation déterminée a conscience des nombreuses orientations qu'il n'a pas choisies. La foi peut séparer les individus au lieu de les rapprocher, lorsque l'obéissance aveugle et la crédulité font obstacle au droit de penser librement.

La possible liberté de l'ensemble de la population prime la conviction religieuse d'une partie de cette population. Ils disent que la vie est un don de Dieu et que seul Dieu peut la reprendre, mais n'y a-t-il pas alors aussi un Dieu qui laisse l'homme faire ses propres choix ? L'affirmation ne vaut par conséquent que pour ceux qui croient en un Dieu.

L'autodétermination du patient est mise à l'épreuve dans le processus de décision d'euthanasie :

­ par la peur de souffrir, la peur de la douleur, le sentiment d'étouffement ...

­ par le sentiment de dépendance, la perte du sentiment d'autonomie;

­ par la perte du sens du respect de soi, de l'épanouissement de soi.

Le droit du patient de demander l'euthanasie n'implique pas le droit à ce qu'il soit accédé à cette demande d'euthanasie. La volonté du patient est soumise à l'appréciation du médecin. Les médecins à qui une telle demande est adressée apprécieront le caractère sans issue de la situation, l'incurabilité de la maladie, le recours possible à une prise en charge palliative, l'issue irrémédiablement fatale de la maladie.

Lorsque des valeurs telles que la vie et la mort sont en jeu, il doit y avoir une certaine garantie sociale. Les garanties sociales doivent être conçues dans le respect de la dignité humaine, et cette dignité humaine repose sur l'autonomie et l'autodétermination de la personne concernée dans sa relation avec la collectivité.

L'autonomie est au coeur de l'évolution vers une connaissance et une action individuelle réfléchie, une autonomie qui est régulée par le sens des responsabilités et encadrée par la collectivité.

Demande d'une législation

L'intervenant a toujours défendu devant les commissions réunies la progressivité de la procédure de travail : commencer par décider s'il y a lieu d'élaborer une législation et ensuite seulement déterminer la forme des critères de prudence à mettre en oeuvre.

L'acte mettant fin intentionnellement à la vie, pratiqué par le médecin à la requête du patient, est quasi unanimement admis comme principe de base, moyennant le respect de mesures de prudence. Il y a alors des gens qui se demandent si l'euthanasie doit vraiment être inscrite dans une loi. La réponse du membre est oui.

Il est nécessaire d'avoir une législation qui réunisse qualité et transparence.

Quel sens aurait un État de droit qui ne légiférerait pas sur les questions fondamentales sous prétexte qu'elles sont difficiles à formuler ? Le fait qu'il existe actuellement des cas d'euthanasie contestables ne signifie pas qu'il ne s'en produira plus une fois que l'on aura voté une loi. Mais cela vaut pour toutes les lois et cela ne peut pas être une excuse pour ne pas légiférer.

Une bonne loi en matière d'euthanasie représenterait une valeur ajoutée en ce qui concerne :

1. la connaissance de la réalité et perspectives d'avenir;

2. l'exclusion des abus;

3. la dissipation des angoisses;

4. le développement de soins palliatifs;

5. le caractère exceptionnel de l'euthanasie dans la pratique médicale.

1. La connaissance de la réalité et les perspectives d'avenir

L'étude de Deliens a reçu l'attention qu'elle méritait. L'étude de Vincent, évoquée ici par l'intervenant, n'a malheureusement pas bénéficié de la même attention. C'est pourquoi l'intervenant la remet sur le tapis.

Les projections en matière d'âge et de cancer sont encore plus radicales. Le cancer est lié à l'âge, ce qui signifie que son incidence croît avec celui-ci. Compte tenu du vieillissement de notre population, il faut s'attendre à un nombre croissant de cancéreux. Cela explique pourquoi le nombre des décès dus au cancer a augmenté de 7 % ces 25 dernières années alors même que de plus en plus de personnes guérissent de cette maladie. On prévoit ainsi pour les prochaines années une augmentation de 0,5 à 1 % des cancers chez les enfants, mais pour les personnes âgées, cette augmentation est estimée à 25 à 30 %. Le futur patient cancéreux sera donc généralement une personne relativement âgée souffrant d'une maladie chronique qui nécessitera souvent des soins. Une grande partie de ces soins seront palliatifs, mais les possibilités de ces soins palliatifs sont, elles aussi, limitées. Dans le cas d'une maladie chronique, la mort est un processus dynamique. Ce processus peut consister en une dégradation insidieuse, sans espoir d'amélioration. Il peut connaître des moments abrupts de dégradation, suivis d'une stabilisation relative et apparente. La mort est alors la conséquence de complications pénibles telles qu'hémorragies, infections, plaies, accumulations d'humeurs, troubles du rythme cardiaque et problèmes respiratoires, accompagnés de douleurs, de faiblesse, d'amaigrissement et de fatigue. Ce sont autant de points de rupture qui transforment le processus de vie en processus de mort. La prise de conscience de ce processus irréversible est le plus souvent à l'origine de la demande d'euthanasie.

2. L'exclusion des abus

Il ne serait pas bon de continuer à admettre que « l'euthanasie soit laissée à l'appréciation individuelle du médecin ». Cette politique de tolérance a maintenu le problème dans le vague et l'incertitude pour le patient, le médecin et la société tout entière. Cette politique, avalisée aussi par l'Ordre des médecins, ne saurait être tolérée plus longtemps. La politique actuelle de tolérance autorise les abus. Il appartient au législateur de définir les normes sociales avec suffisamment de précision pour éviter que la politique de tolérance ne s'engage dans une spirale négative.

3. La dissipation des angoisses

L'acte euthanasique ­ pratiqué à l'insu des patients et de leur famille ­ suscite légitimement l'angoisse d'être « sacrifié ».

L'argumentation développée autour du risque de s'engager sur une pente glissante (si l'on peut pratiquer l'euthanasie sur des patients cancéreux en phase terminale, pourquoi pas alors sur les patients comateux qui mènent depuis des années une vie végétative ou sur les personnes âgées démentes, incapables d'exprimer leur volonté et en pleine décrépitude ?) semble passer à côté de ce qui fait l'essence de l'autonomie, à savoir que dans notre société, tout individu peut faire lui-même son propre choix, y compris en ce qui concerne les décisions difficiles touchant à la mort, et que ce n'est pas la société qui décide pour lui. L'aptitude à exprimer sa volonté est essentielle dans la définition de l'euthanasie.

Il y a des médecins qui disent ne pas être demandeurs d'une législation, parce que pendant 40 ans, aucune condamnation de médecin pour motif d'euthanasie n'a été prononcée. Mais connaît-on la douleur intolérable de ces instructions judiciaires où médecins et familles, accusés, en sont réduits à rapporter des états de détresse ? Et qu'en sera-t-il si, demain, des condamnations doivent être prononcées ?

L'absence de protection légale sème l'angoisse dans les rangs des dispensateurs de soins. Lequel d'entre eux prendra-t-il encore des risques pour un patient qui demande expressément l'euthanasie ? Les dispensateurs de soins demandent des « directives » leur indiquant la marche à suivre sur le plan médical et scientifique dans la confrontation entre la vie et la mort.

4. Le développement des soins palliatifs

Chacun s'accordera à reconnaître que les débats que le Sénat consacre à l'euthanasie impriment une forte dynamique au développement des soins palliatifs. La demande d'euthanasie ne peut pas trouver son origine dans l'insuffisance qualitative de nos soins de santé. Une médecine à orientation psycho-sociale et l'accessibilité des soins palliatifs sont des conditions essentielles pour que le patient puisse véritablement opérer un choix autonome.

5. Le caractère exceptionnel de l'euthanasie dans la pratique médicale

L'euthanasie ne peut pas être considérée comme un acte médical ordinaire « parmi d'autres ». On ne saurait l'assimiler sans plus à une opération au dos, malgré les risques qu'elle comporte, à l'amputation d'une jambe, malgré la mutilation qu'elle entraîne, à une transplantation cardiaque, malgré la greffe de l'organe « vivant » de quelqu'un d'autre. L'euthanasie est un acte médical exceptionnel, qui doit être assorti de garanties et de conditions spécifiques. D'où la demande d'une réglementation.

Ce n'est pas la mort qui est notre ennemie, mais la souffrance insupportable et sans issue.

C'est pourquoi l'intervenant soutient inconditionnellement les sénateurs qui contribuent à faire une distinction, dans les mesures de prudence, entre les patients pour qui l'issue fatale n'est pas imminente et les patients engagés dans une lutte contre la mort.

La question de la forme de la loi

Si l'on n'opte pas pour une forme de loi déterminée, toute avancée du processus décisionnel sera bloquée. L'intervenante demande que l'on mette fin à la confusion qui caractérise la discussion sur la place de l'euthanasie dans ou en dehors de la loi pénale. Tout le travail ne peut s'estomper dans l'opacité d'une terminologie juridique.

Il n'est pas correct de dire que l'euthanasie doit être retirée de la loi pénale. L'euthanasie ne se trouve pas dans la loi pénale.

Pourquoi attribue-t-on à la loi pénale des fonctions symboliques qu'elle n'a pas ? Le droit ne remplace pas la morale. Le droit ne dit pas ce qu'est vivre une bonne vie et mourir dans la dignité.

Un médecin peut, dans le cadre d'une aide respectant les critères de prudence, mettre fin aux souffrances insupportables d'une personne qui se trouve dans une situation considérée comme étant sans issue (dans l'état actuel des connaissances médicales) et qui demande depuis longtemps de manière continue et en toute liberté que l'on interrompe sa vie. Autrement dit, le médecin peut contribuer, dans le respect des critères de prudence, à assurer une mort authentique comme le réclame le patient qui se trouve dans une situation médicale sans issue et dont les souffrances sont insupportables.

Cet acte d'humanité justifié, témoignage d'une véritable solidarité, nécessite, dans la mesure du possible, une protection légale du patient, de la famille et du médecin exécutant.

Il faut partir du principe que l'euthanasie pratiquée dans le respect des critères de prudence n'est pas punissable. Le membre souscrit dès lors expressément à la législation selon laquelle « l'euthanasie est possible dans la mesure où les critères a), b), c), d) » sont respectés :

a) évaluation par le patient du caractère insupportable de ses souffrances;

b) évaluation par le médecin du caractère sans issue des souffrances;

c) consultation a priori d'un médecin indépendant;

d) obligation de communication.

L'euthanasie n'est pas un fait punissable lorsque le médecin respecte les critères imposés. Le cadre légal de la réglementation en matière d'euthanasie doit être tel qu'en respectant la loi le médecin ait l'assurance de ne jamais être accusé d'avoir ôté la vie à quelqu'un de manière « intentionnelle » au sens pénal. En droit pénal, « intentionnel » signifie qu'il y a volonté, ou dessein de commettre un délit.

Le comportement repréhensible du médecin ne réside pas dans la pratique de l'acte euthanasique en tant que tel mais il peut résider dans la violation des critères de prudence qu'il doit respecter quand il le pratique. Le manque de prudence peut être punissable. Si le médecin ne respecte pas les critères de prudence, il est civilement responsable et il est passible de poursuites pénales.

Ce qui doit en tout cas être puni par la loi, c'est :

· l'euthanasie et l'aide au suicide par un tiers qui n'est pas médecin;

· le non-respect par le médecin des critères de prudence légaux.

Dans ces circonstances, les parties concernées peuvent toutefois encore invoquer l'état de nécessité moyennant la prise en compte du fait que le simple respect des critères imposés ne suffit pas et que ce sont les motifs qui comptent.

Recourir à la notion d'« état de nécessité » du droit pénal doit être réservé à la faculté individuelle de faire rectifier une pénalisation dans des situations de force majeure. Le juge déterminera alors si le choix qui a été fait était raisonnablement admissible à la lumière de l'examen détaillé des circonstances dans lesquelles il a eu lieu. Il y a lieu de déterminer si le choix obligatoire en faveur d'un des intérêts en jeu et au détriment de l'autre ­ l'un et l'autre bénéficiant de la même protection ­ était justifié.

La notion d'état de nécessité relève de l'éthique de la responsabilité. Pour certains, la reconnaissance de l'état de nécessité peut parfois revêtir une valeur éthique plus grande que le respect des obligations légales définies dans la proposition de loi. La loi sur l'euthanasie doit dès lors pouvoir être transgressée pour des raisons primant la loi.

On ne peut toutefois pas tout ramener, en ce qui concerne l'euthanasie, à la seule notion d'« état de nécessité ».

L'intervenant se demande pour quelles raisons des juristes renommés, spécialisés dans les questions de défense, en matière d'erreurs médicales, veulent inserer la notion d'état de nécessité dans la loi pénale, aux fins de justifier le recours à l'euthanasie.

On ne peut invoquer l'état de nécessité que dans des conditions strictes :

­ la valeur de ce que l'on envisage de sacrifier doit être inférieure ou tout au plus égale à celle de ce que l'on veut préserver;

­ le droit à préserver doit être directement et gravement menacé;

­ on ne peut prévenir le mal qu'en commettant l'infraction;

­ l'intéressé ne peut pas créer lui-même l'état de nécessité invoqué.

Ces conditions ne seront réunies que dans des cas très exceptionnels. L'état de nécessité ne pourra être invoqué en pratique que très exceptionnellement.

Par ailleurs, on n'a pas accordé suffisamment d'attention, au cours des auditions et de la discussion générale, à la question de la charge de la preuve. La charge de la preuve incombe bien sûr à l'accusation (ministère public) : « in dubio pro reo ». S'il y existe un doute à propos de la culpabilité, celui-ci bénéficie à l'accusé. Celui-ci ne doit pas contribuer à prouver sa propre culpabilité. Ce principe est en principe fondamental en matière d'administration de la preuve dans notre droit pénal et il a également été consacré dans le cadre de la CEDH (article 6.2). La charge de la preuve en matière de cause de justification (article 70-78 du Code pénal) risque néanmoins de soulever des difficultés dans les cas où il y a bien lieu de tenir compte d'exceptions prévues par la loi.

En outre, il n'est pas bon de laisser au seul tribunal, (et le parquet y compris) le soin de traiter des affaires d'euthanasie. Il convient, en matière d'éthique, de ne conférer au juge qu'un pouvoir de contrôle marginal. Comme le juge n'est pas un médecin, il doit se contenter d'examiner si le médecin n'a pas agi dans l'intention de tuer (ou, dans le cadre d'une procédure civile, si le médecin n'a pas commis de faute professionnelle pouvant engager sa responsabilité civile).

Dès le moment ou l'on conférerait d'autres pouvoirs d'appréciation au juge (comme un pouvoir d'apprécier si les conditions auxquelles doit répondre l'état de nécessité étaient réunies), celui-ci devrait appliquer des normes éthiques et faire des choix éthiques et moraux. Dans de telles circonstances, l'on pourrait voir des juges différents traiter différemment les affaires d'euthanasie (leurs convictions philosophiques pourraient également jouer un rôle).

Voilà pourquoi l'intervenant soutient pleinement les sénateurs qui prévoient, dans le cadre de la proposition de loi à l'examen, la mise en place d'une commission de contrôle qui constituerait un tampon entre le médecin et le ministère public.

On peut continuer à apprécier le degré de force majeure qui résulte des états de détresse, notamment pour fixer la sévérité des peines à infliger en cas de fausse euthanasie.

L'incrimination du non-médecin pour un acte mettant fin à la vie

Dans la disposition classique, nous prévoyons que l'euthanasie et l'assistance au suicide sont réservées au médecin.

Cela n'exclut toutefois pas qu'un non-médecin (membre du personnel infirmier ou qui que ce soit d'autre) puisse céder personnellement à une pression considérable et, face à une détresse, pose malgré tout un acte d'interruption de vie sous l'empire d'une force majeure personnelle.

On peut donc inscrire dans la loi relative à l'euthanasie que :

« quiconque met fin intentionnellement à la vie d'autrui à sa demande expresse et réitérée, sans avoir la qualité de médecin et être reconnu comme tel, est puni de ... ».

L'incrimination du médecin en l'absence de demande

Lorsqu'il n'y a pas de déclaration expresse de volonté, on ne peut pas parler d'euthanasie. Il serait judicieux que la loi prévoie explicitement la possibilité de sanctionner l'interruption de vie pratiquée en l'absence de demande.

L'absence de demande personnelle peut avoir différentes causes :

· la demande existe, mais ne figure pas au dossier, sans qu'il y ait de bonnes raisons à cela;

· l'absence de demande peut être due à l'urgence de la situation de détresse;

· diverses autres situations entourant l'absence ou la déficience de la déclaration de volonté telles qu'on peut les ranger sous les mêmes critères d'illégalité.

Lorsque la déclaration expresse de volonté fait défaut, on s'efforcera sans doute assez souvent d'en « reconstituer » une ou de combler son absence par la volonté des proches (des parents ou des enfants, par exemple). L'hypothèse recouvre des situations très diverses allant du nouveau-né gravement handicapé au patient âgé, trop malade pour pouvoir encore s'exprimer.

Il s'agit naturellement de cas où la souffrance intolérable de la personne dont la situation est sans issue a été constatée et où la transgression de la norme par le médecin peut ainsi se justifier. La démarche relève toutefois de l'expédient, car le médecin peut être suspecté de meurtre et se retrouver sur le banc des accusés puisque, dans ce cas-là, on ne peut pas parler d'euthanasie.

L'interruption justifiée de la vie sans demande du patient est toujours une chose délicate, mais admissible dans des circonstances particulières. Pour en juger, il faut alors se demander si le médecin a agi en état de nécessité, sous l'empire de la force majeure. On pourrait répondre à ce type de situation en ajoutant à la loi une disposition couvrant les cas « illicites ».

Cette disposition pourrait être rédigée comme suit :

« le médecin qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne en situation médicalement sans issue sans que l'intéressé l'ait expressément demandé et alors que l'illégalité de l'interruption résulte de sa faute, est puni de ... ».

L'incrimination du médecin pour cause d'imprudence

Le médecin qui ne respecte pas les normes de prudence peut le faire intentionnellement ou par inadvertance. Il peut en effet agir autrement de propos délibéré, mais il peut arriver aussi qu'il perde de vue un ou plusieurs aspects par inattention ou par imprudence.

L'euthanasie entachée d'imprudence doit pouvoir être sanctionnée comme telle :

« Le médecin qui, à la demande expresse de l'intéressé, met intentionnellement fin à la vie d'une personne en situation médicalement sans issue qui souffre de manière intolérable, alors que tous les critères de prudence requis n'ont pas été respectés par sa faute, est puni de ... ».

La peine doit être inférieure à celle qui est prévue pour l'assassinat et le meurtre, où l'intention méchante est présente. Elle doit cependant exister, car c'est par la faute même du médecin que tous les critères de prudence n'ont pas été respectés.

L'incrimination pour cause de non-communication

On ne peut pas délivrer indûment un certificat de mort naturelle. Le fait de sanctionner pénalement la transgression de l'obligation de communication aura sans aucun doute un effet préventif sur l'euthanasie illicite.

Le membre soutient dès lors pleinement les sénateurs qui, dans le cadre du projet de loi à l'examen, oeuvrent en faveur d'une commission de contrôle pour servir d'organe intermédiaire entre le médecin et le ministère public.

Enfin et surtout, il souhaite se joindre aux marques d'appréciation qui ont été formulées à l'adresse des témoins, qui ont fait part chacun de leur expérience et de leur vision personelle. Selon lui, personne ne doit avoir eu l'impression de se trouver sur le banc des accusés ou d'être rudoyé.

L'intervenant voudrait également remercier le président Dubié et le vice-président Kelchtermans pour le bon ordre des débats au cours des mois écoulés.

Il a félicité en outre tous les sénateurs qui ont déposé une proposition de loi et en particulier les six sénateurs de la majorité qui, après un examen comparatif des différents textes, ont entrepris de rédiger une proposition conjointe à savoir celle du 20 décembre 1999 à propos de laquelle ils se sont dits d'emblée partie prenante pour toutes améliorations, précisions, rectifications ou suggestions susceptibles de faire profit aux demandeurs comme aux prestataires de soins.

L'intervenant exprime encore sa gratitude aux collaborateurs des groupes, qui ont aidé les sénateurs à conserver leur sérénité et à s'efforcer avant tout de produire une bonne législation, si possible consensuelle, tout en sachant qu'on ne pourra pas reporter la décision indéfiniment.

Les travaux du Sénat ont un impact important sur le débat de société relatif à la fin de la vie. Il reste encore beaucoup à faire pour accompagner la vie et la mort de être humain autonome.

En terminant, l'intervenant remercie les membres des commissions réunies pour l'attention qu'ils ont accordée à son intervention d'aujourd'hui et à ses interventions précédentes ainsi que pour celles qu'ils voudront bien lui réserver à l'avenir.


H. DÉBAT RELATIF AUX SOINS PALLIATIFS

1. Audition de M. Manu Keirse, chef de cabinet de la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, et de M. Rik Thys, conseiller au cabinet du ministre des Affaires sociales et des Pensions

INTRODUCTION

Il importe de développer des soins palliatifs de qualité. La manière dont une société aborde les soins au mourant en dit long du climat moral et social qui règne dans cette société.

Les deux ministres croient fermement en une approche holistique du patient recevant des soins palliatifs. Le renforcement d'une culture palliative, de même que l'optimisation des soins dans le milieu naturel du patient (le domicile ou le milieu qui s'y substitue), est un fil rouge à travers les mesures proposées.

Élaborer une politique signifie fixer des priorités. Ceci implique inévitablement que l'on sacrifie certaines attentes légitimes du terrain. Les mesures visées risquent dès lors d'être évaluées les unes par rapport aux autres.

Pour montrer que les mesures contenues dans ce projet politique constituent une ébauche cohérente de politique palliative mais nullement un aboutissement, nous souhaitons brièvement souligner que les aspects psychologiques des soins palliatifs doivent être pris en considération dans toute priorité politique. Trop souvent, ces aspects ne sont pas évoqués et sont moins pris à coeur que les facettes médicales et matérielles des soins palliatifs.

Par soins palliatifs, nous entendons des « soins intensifs personnels ». Des soins intensifs axés sur tous les besoins du patient et de son entourage en constituent le fondement. Un lit de mort est bien autre chose qu'un lit de malade. Il est crucial de partager la vie du patient jusqu'au dernier jour et surtout d'accompagner le mourant en relation avec son entourage. Pour préciser les choses : il est également crucial de décider de recourir aux soins palliatifs à la demande du patient lui-même et avec l'accord de celui-ci.

Ce sont surtout les besoins fondamentaux, le besoin d'affection, de sécurité, de dignité et de confort physique, qui doivent être au centre des préoccupations dans les soins palliatifs. Une lutte adéquate contre la douleur notamment dissipe la peur de la souffrance chez le patient et crée un climat permettant d'être attentif à ces besoins fondamentaux.

Il faut être tout aussi soucieux des besoins des proches. Il faut pouvoir s'intéresser au vécu et au processus d'acceptation des membres de la famille. Il est extrêmement important d'associer la famille aux soins donnés au patient. Non seulement parce que cette participation constitue une plus-value dans la thérapie du patient lui-même mais aussi parce qu'elle facilite le processus de deuil par la suite.

Les soins palliatifs ne cessent pas au moment du décès du patient, les soins dispensés à la famille doivent se poursuivre durant la période de deuil.

Au sein de ce groupe de proches, chaque sous-groupe exige une approche spécifique. L'accompagnement est différent selon qu'il s'agit du partenaire, des parents, des grands-parents ou d'un ami proche. Les jeunes enfants sont souvent un groupe oublié.

Au sein d'une famille, chaque enfant réagit à sa manière, en fonction de la relation qu'il a établie, par exemple, avec le parent mourant. Une écoute nuancée et une approche appropriée sont nécessaires.

Les points qui doivent retenir l'attention dans un bon accompagnement du mourant en relation avec son entourage sont : le respect de la volonté et des souhaits du patient, une communication franche, le souci de la vérité et la communication non verbale, l'évaluation de la force psychologique des patients et des membres de leur famille, la création d'un climat propice au dialogue (un climat dans lequel on peut parler des sentiments), l'apprentissage de la confrontation à l'angoisse, à la colère, à l'espoir, aux sentiments de culpabilité et au déni, le traitement de la dépression et l'assistance en vue de l'acceptation de la situation.

Dans les mesures proposées ci-après, nous parlons toujours de la promotion de la culture palliative. Nous tentons d'agir concrètement en ce sens en augmentant les budgets pour quasi toutes les formes de soins palliatifs existantes et pour diverses modalités (personnel, forfaits, tickets modérateurs, formation, ...).

Cette introduction doit faire apparaître clairement que les mesures proposées visent à approcher le patient dans son réseau social, dans son contexte plus large.

Définition

­ Les soins palliatifs recouvrent l'ensemble des soins donnés aux patients en phase terminale souffrant d'une maladie mortelle ne réagissant plus aux thérapies curatives. Pour ces patients, des soins complets (physiques, psychiques, sociaux, moraux) multidisciplinaires (car dispensés par l'entourage, des assistants sociaux, des infirmiers, des soignants, des médecins généralistes et spécialistes, des psychologues, ...) revêtent une importance capitale. L'objectif principal des soins palliatifs est d'offrir au malade en phase terminale et à sa famille une qualité de vie la plus grande possible et une autonomie maximale. Les soins palliatifs visent à garantir et à optimaliser la qualité du temps qu'il reste à vivre au patient en phase terminale et à ses proches.

­ Par fonction palliative, nous entendons la sensibilisation, l'offre de conseils, la formation et le soutien de tous ceux qui sont associés aux soins palliatifs (tant les soins dispensés par l'entourage que les soins professionnels et formels).

Fondements

1. Les soins palliatifs font partie intégrante de soins de santé qui ne se focalisent pas uniquement sur la « guérison » mais aussi sur le fait de « soigner ».

2. Les soins palliatifs sont accessibles et disponibles pour tous les patients en phase terminale et sont offerts à l'endroit que choisit le patient. De plus en plus de personnes choisissent de mourir à domicile. Le milieu se substituant au domicile devient également une alternative à l'hospitalisation. Il est prioritaire de continuer à investir dans des soins du premier échelon accessibles et disponibles, y compris en ce qui concerne la qualité des soins palliatifs à domicile.

3. Les soins palliatifs englobent plus que la lutte spécialisée contre la douleur et le traitement spécialisé des symptômes, tels qu'exigés, par exemple, pour les affections assorties d'un pronostic défavorable mais ne correspondant pas nécessairement à une phase terminale.

4. Les soins palliatifs sont offerts à la demande du patient. L'acharnement thérapeutique ne peut faire place à un acharnement palliatif.

ÉTAT DE LA QUESTION

En Belgique, on a commencé à développer progressivement les soins palliatifs dans les années quatre-vingt, notamment grâce à bon nombre de semi-professionnels du secteur des soins de santé. Après une période où les subventions étaient distribuées sur la base d'expériences, les soins palliatifs ont trouvé un ancrage structurel dans nos soins de santé.

Plutôt que de créer de nouvelles structures, la mission est aujourd'hui de renforcer les structures, initiatives et mesures concrètes existantes et éventuellement de les améliorer encore après évaluation.

­ Des « associations » (encore appelées réseaux ou plates-formes) ont été créées à la base des soins palliatifs. Ces associations recouvrent des régions géographiquement délimitées. Presque tous les acteurs (organisations d'aide aux familles et aux patients, organisations de soins à domicile et de médecins, maisons de repos et de soins et maisons de repos, hôpitaux) du secteur des soins de santé font partie de ce cadre de collaboration territorial.

­ Chaque association dispose d'une ou de plusieurs équipes d'accompagnement multidisciplinaires chargées des soins palliatifs. Ces équipes prennent en charge, à la demande du patient et en concertation avec les prestataires de soins du premier échelon, le soutien concret de ceux qui administrent les soins palliatifs.

Il leur incombe, premièrement, de mener une concertation avec les prestataires de soins concernés et de les conseiller sur tous les aspects des soins palliatifs (traitement de la douleur, utilisation de matériel spécialisé, ...) et, deuxièmement, d'organiser et de coordonner les soins palliatifs au domicile du patient (notamment les rendez-vous avec le généraliste et les autres soignants à domicile) et le soutien psychologique et moral des prestataires de soins du premier échelon. En concertation avec le médecin généraliste, qui est informé systématiquement du traitement à domicile, l'équipe peut, dans des circonstances exceptionnelles, assumer également elle-même certains aspects des soins palliatifs. Un budget de 274,9 millions de francs a été dégagé à cette fin en 2000, ce qui représente 100 millions de francs de plus que les dépenses de l'année précédente.

­ Depuis 1997, une fonction palliative est légalement prévue pour chaque maison de repos et de soins (MRS). Concrètement, cela signifie notamment que chaque MRS doit adhérer à une « association » agréée et doit conclure des accords concrets avec un établissement agréé disposant de lits Sp « soins palliatifs » (lits destinés à des patients nécessitant des soins particuliers).

­ Depuis 1997, 360 lits ont été agréés; ils sont répartis entre plusieurs hôpitaux. L'établissement ou le service qui offre des lits Sp doit faire partie de l'association de la région.

Depuis 1999, chaque hôpital doit également disposer d'une fonction palliative. Cette fonction est définie de manière large et englobe toutes les activités visant à soutenir le traitement et la prise en charge de patients hospitalisés en phase terminale. Actuellement, cette fonction est financée forfaitairement, en fonction de la taille de l'établissement.

­ Pour les patients nécessitant des soins palliatifs qui désirent mourir à domicile, il existe, depuis le 1er janvier 2000, un forfait pour soins palliatifs de 19 500 francs qui peut être versé deux fois au maximum. En 2000, un budget supplémentaire de 395 millions de francs a été dégagé à cette fin.

­ Tous les travailleurs ont droit à un congé pour soins palliatifs dans le cadre de la législation relative à l'interruption de carrière. La durée de ce congé est de deux mois maximum pour les soins palliatifs dispensés à une même personne. En cas d'interruption complète de carrière, le travailleur perçoit une allocation de 20 400 francs par mois.

LES PROPOSITIONS

Il a été décidé le 29 mars 2000, lors d'une conférence interministérielle entre les autorités fédérales, les communautés et les régions, de créer un « Groupe de travail intercabinet soins palliatifs ». Depuis lors, ce groupe s'active à préparer une série de propositions d'amélioration des soins palliatifs dans notre pays.

Les intentions politiques énoncées ci-après se veulent une contribution à cette concertation interministérielle. Ces propositions sont préparées conjointement par les ministres fédéraux des Affaires sociales et de la Santé publique et constituent en tant que telles la contribution fédérale au débat plus large.

I. À domicile

· Élargissement de l'offre de soins

Dans la lignée de l'un des principes fondamentaux, il est essentiel que les soins palliatifs soient progressivement intégrés dans l'offre existante de soins. Cet objectif vaut d'autant plus pour les soins du premier échelon qui prennent en charge l'accueil des patients désireux de mourir à domicile.

L'offre existante de soins professionnels du premier échelon est assurée notamment par le médecin généraliste, les paramédicaux tels que le kinésithérapeute, les soignants à domicile ainsi que, par exemple, l'aide aux familles.

Depuis le 1er janvier 2000, un forfait pour soins palliatifs à domicile de 19 500 francs par mois est accordé au patient recevant des soins palliatifs pour une durée maximale de deux mois. Ce forfait est destiné aux patients désireux de mourir à domicile. Il constitue un complément au remboursement effectué par le biais de la nomenclature « normale » et vise à offrir une intervention supplémentaire pour couvrir les coûts spécifiques de médicaments et autres moyens nécessaires au traitement.

Ce forfait doit permettre de neutraliser l'influence de considérations financières lorsqu'il s'agit de choisir entre les soins à domicile ou à l'hôpital.

1. L'objectif est d'octroyer le forfait pour soins à domicile « C » également aux patients recevant des soins palliatifs par le biais des soins à domicile. Ce forfait est de 1 395 francs (en semaine) et de 2 078 francs (le week-end). Il est actuellement réservé ­ sur prescription médicale ­ aux patients fortement dépendants des soins (pour l'hygiène, l'habillement, les déplacements, l'incontinence et l'alimentation), condition que ne remplissent pas tous les patients recevant des soins palliatifs.

Proposition : accorder aussi le forfait « C » aux patients recevant des soins palliatifs et ce, sur base de critères retenus pour le droit au forfait pour soins à domicile. Coût : 500 millions de francs.

2. Actuellement, les patients recevant des soins palliatifs paient encore des tickets modérateurs pour les consultations et visites du généraliste.

Proposition : la suppression de ces tickets modérateurs pour les patients ayant droit au forfait pour soins à domicile. Coût : 100 millions de francs.

3. Le forfait pour soins palliatifs à domicile de 19 500 francs par patient : étant donné que le régime actuel n'est entré en vigueur qu'au début de 2001, le nombre réel de patients en phase terminale faisant appel à ce forfait n'est pas encore connu avec précision. Au début de 2002, il sera possible d'évaluer en profondeur cette mesure, y compris dans l'optique d'une éventuelle extension de ce forfait de 2 à 3 mois.

Proposition : évaluer cette intervention en 2001 avec possibilité de la faire passer de 2 à 3 mois en 2002.

4. Les deux ministres proposent enfin de lancer un appel à tous les services existants et à tous les prestataires de soins pour qu'ils continuent à s'engager, dans le cadre de la réglementation existante, dans les soins palliatifs au moyen de la formation, de l'implication modulaire du personnel, d'adaptations organisationnelles et d'une participation aux associations.

· Renforcement des associations

Les associations pour soins palliatifs jouent, à l'intérieur de leur région, un rôle majeur pour la diffusion de la culture des soins palliatifs. Elles coordonnent les actions locales.

Les missions principales d'une association sont l'information et la sensibilisation, la formation et la formation continuée, la rédaction de protocoles de collaboration et la mise en oeuvre d'une politique régionale.

Les associations doivent couvrir une région comptant au minimum 200 000 habitants et au maximum 1 000 000 d'habitants. Un membre du personnel coordinateur équivalent temps plein est prévu par tranche de 300 000 habitants. Les associations couvrant une région comptant moins de 300 000 habitants disposent également d'un membre du personnel équivalent temps plein.

Ces associations sont constituées par les organisations de personnes de l'entourage dispensant des soins, les organisations de soins à domicile, les organisations locales ou régionales de médecins généralistes et autres prestataires de soins, les MRS, les maisons de repos agréées pour personnes âgées (MRPA) et les hôpitaux.

Les deux ministres proposent de renforcer encore ces associations grâce aux mesures suivantes.

1. L'allocation actuelle de 1,250 million de francs pour un coordinateur équivalent temps plein, prévu pour 300 000 habitants, est insuffisante pour couvrir les coûts salariaux.

Proposition : financer cette fonction de manière à couvrir les coûts, en tenant compte tant de l'ancienneté que des qualifications du personnel. Coût : 18 millions de francs.

2. Pour permettre à l'association de mieux remplir sa mission, il est prévu d'y adjoindre au moins un psychologue clinique à temps partiel, avec possibilité d'extension sur base de la taille de l'association. Les psychologues aident le patient et les prestataires de soins concernés et peuvent être appelés à collaborer à la formation professionnelle pratique.

Proposition : prévoir au moins 1/2 fonction de « psychologue » par association et développer cette fonction par tranche de 300 000 habitants.

Coût : 36,7 millions de francs (sur la base d'au moins 1/2 fonction par association agréée).

· Évaluation des équipes palliatives multidisciplinaires

Ces équipes soutiennent l'association et visent à contribuer au soutien et aux soins palliatifs apportés à des patients en phase terminale désireux de vivre la dernière phase de leur vie à domicile et d'y mourir.

Alors que les associations se concentrent surtout sur la coordination, la concertation et la formation, les équipes remplissent une fonction de second échelon pour les prestataires de soins du premier échelon. L'équipe donne avant tout des avis sur les soins palliatifs aux prestataires de soins du premier échelon concernés qui, sous la direction du médecin généraliste du patient, assument en tout cas l'entière responsabilité des soins et de l'accompagnement du patient. En concertation avec les prestataires de soins du premier échelon concernés et avec leur accord, l'équipe peut, dans certains cas, prendre en charge certains aspects des soins palliatifs.

Ces équipes s'adressent à la fois aux patients à domicile et aux patients admis dans des services « intra-muros » se subsituant au domicile, offerts notamment par le secteur des maisons de repos et celui des « habitations protégées ».

En 1999, on comptait 28 équipes d'accompagnement multidisciplinaires agréées. Une des lacunes importantes observées dans le fonctionnement de ces équipes était que les effectifs de base (composés de 2 infirmiers à temps plein, de 4 heures de prestations d'un médecin généraliste et d'un membre du personnel administratif à mi-temps pour 100 patients soignés) ne tenaient pas suffisamment compte du nombre d'habitants d'une région. Les équipes actives dans des régions comptant tout juste moins de 600 000 habitants surtout, n'avaient pas droit à des effectifs plus élevés que les équipes actives dans des régions comptant, par exemple, tout juste 200 000 habitants.

Depuis le 1er juin 2000, des étapes importantes ont été franchies en ce qui concerne les possibilités de fonctionnement des équipes. Les principales améliorations sont :

­ la norme est à présent qu'à partir de 200 000 habitants et de soins donnés à 100 patients sur une base annuelle, une équipe de base de 2,6 personnes à temps plein est financée intégralement. Les équipes qui sont actives dans une région comptant un plus grand nombre d'habitants peuvent accroître proportionnellement leur effectifs si le nombre de leurs patients augmente également en proportion.

­ Les équipes disposent aussi d'une plus grande latitude pour remplir librement leur cadre de personnel sur la base du nombre de membres de personnel qui leur est accordé. Outre les infirmiers disposant d'une expérience suffisante en soins palliatifs, entrent en ligne de compte les licenciés en psychologie, les kinésithérapeutes, les assistants sociaux et les assistants en psychologie.

Sur la base des anciennes conventions impliquant 28 équipes, les dépenses ont atteint 162 655 401 francs en 1999. Un budget de 274,9 millions de francs a été prévu pour permettre les nouvelles conventions en 2000.

Proposition : dès lors que les possibilités de fonctionnement des équipes ont été sensiblement assouplies en 2000 et que le financement a été élargi (dépenses 1999 : 182 millions de francs; budget 2000 : 274,9 millions de francs), une évaluation de ces récentes modifications est prévue en 2001, avec possibilité de majoration du budget en 2002.

II. Substitution du domicile

· Subventionnement des centres de jour

Dans notre pays, quelques centres de jour et/ou résidentiels assurent déjà la prise en charge des patients nécessitant des soins palliatifs. Il s'agit d'initiatives précieuses étant donné que ces centres remplissent principalement un rôle complémentaire par rapport aux soins à domicile. Ils peuvent en outre apporter un soutien important aux soins de l'entourage. En l'absence de ces derniers, ils constituent une alternative aux soins à domicile.

Restent néanmoins plusieurs questions fondamentales concernant ces initiatives, telles que (1) leur localisation (hôpital, maisons de repos, hébergement individuel), (2) leur accessibilité et leur répartition géographique ainsi que (3) l'étendue et le mode de financement de ces centres. C'est pour ces raisons, et à la suite de l'avis du Conseil national des établissements hospitaliers, que nous proposons de subsidier à titre expérimental quelques-uns de ces centres.

Proposition : lancer quelques expériences de faible envergure.

Coût : 50 millions de francs.

· Renforcement des unités de soins palliatifs

Les unités de soins palliatifs comprennent un certain nombre de lits soit répartis dans plusieurs services hospitaliers, soit rassemblés dans des entités indépendantes, éventuellement à l'extérieur de l'hôpital. Ces lits sont destinés aux patients nécessitant des soins palliatifs dont ils ne peuvent bénéficier à domicile ni dans l'établissement où ils séjournent.

Il importe de maintenir un nombre limité d'unités de soins palliatifs dans la mesure où la culture des soins palliatifs doit concerner l'ensemble du secteur des soins de santé. Cette culture ne peut dès lors pas se limiter aux programmes de soins spécifiques des hôpitaux.

Actuellement, notre pays compte en tout et pour tout 360 « lits Sp ». Chaque lit se voit attribuer 1,25 infirmière ETP.

Proposition : les ministres entendent améliorer le fonctionnement, le financement et l'encadrement de ces lits Sp de la manière suivante :

1. en adaptant les normes de manière à ce que les médecins généralistes qui ont suivi une formation et qui ont une expérience en soins palliatifs puissent diriger ces unités de soins;

2. actuellement, les honoraires de surveillance de 808 francs par jour sont limités à 21 jours. Ils sont dus dès le premier jour de l'admission. L'intention des ministres est de faire passer cette période de 21 à 28 jours et de ne la faire débuter qu'à partir de l'entrée dans le service Sp. Coût : 50 millions de francs;

3. en faisant passer l'encadrement des unités de soins palliatifs de 1,25 par lit à 1,50 par lit.

Coût : 135 millions de francs.

· Financement mission palliative MRS et MR

En vue de soutenir les soins apportés aux patients en phase terminale en maison de repos et de soins (MRS) et par analogie avec la mission palliative des hôpitaux, le médecin désigné et l'infirmière en chef sont chargés de :

­ premièrement, instaurer la culture des soins palliatifs et sensibiliser le personnel,

­ deuxièmement, formuler des avis en matière de soins palliatifs à l'attention du personnel soignant présent (infirmières, soignants, paramédicaux, kinésithérapeutes),

­ et, troisièmement, actualiser les connaissances du personnel susvisé en matière de soins palliatifs. Cette mission vient donc en complément de celle des dispensateurs de soins et ne vise pas à prendre en charge les soins proprement dits.

Actuellement, cette mission palliative, qui ne s'applique qu'au secteur des MRS (et non à celui des MR), ne bénéficie pas d'un financement additionnel.

Proposition : soutenir la mission palliative, tant dans le secteur des MRS que dans celui des MR, par le biais d'un forfait par établissement, lequel peut être affecté à la formation du personnel et donc générer un accroissement des compétences propres en matière de soins palliatifs. Ce financement forfaitaire est prévu pour les établissements à partir de 60 lits MRS et/ou MR agréés. (Les établissements comptant moins de 60 lits agréés peuvent déjà actuellement faire appel, pour leur mission palliative, aux accords de coopération et aux équipes de soins palliatifs.)

Le forfait serait majoré en fonction du nombre de lits ainsi que de la nature de ces lits (MRS-MR). En contrepartie de ce financement additionnel, on prévoit un enregistrement et une évaluation de la mission palliative au sein de ces établissements.

Budget : un maximum de 500 millions de francs.

III. Milieu hospitalier

· Renforcement de la mission palliative

La mission palliative en milieu hospitalier est exécutée par une équipe multidisciplinaire. Cette équipe mobile est chargée, entre autres, d'introduire une culture des soins palliatifs, de donner des avis en matière de soins palliatifs et de veiller à la formation permanente du personnel et à la continuité des soins lorsque le patient en phase terminale quitte l'hôpital pour rentrer chez lui ou être admis dans le secteur des maisons de repos.

À l'heure actuelle, cette mission est fixée forfaitairement comme suit :

­ Pour les hôpitaux comptant moins de 500 lits ­ 450 000 francs;

­ Pour les hôpitaux comptant plus de 500 lits ­ 750 000 francs.

Proposition : les ministres proposent d'étendre la mission palliative dans les hôpitaux et de prévoir une équipe de soutien mobile, composée :

1. d'au moins 1 spécialiste à mi-temps par hôpital et, pour le surplus, au prorata d'1/2 par 500 lits,

2. d'au moins 0,5 infirmier gradué et 0,5 psychologue. Pour les hôpitaux comptant plus de 500 lits, on applique la règle de 1,5 ETP/500 lits.

En contrepartie de ce financement additionnel, on prévoit un enregistrement et une évaluation de la mission palliative au sein de ces établissements.

Coût : 365 millions de francs.

TABLEAUX

Budget complémentaire 2001 (en millions de francs)

RIZIV
­
INAMI
VG
­
CF
VG/RIZIV
­
CF/INAMI
Totaal
­
Total
Forfait C thuisverpleging. ­ Forfait C soins à domicile 500 500
Remgelden huisarts. ­ Ticket modérateur généraliste 100 100
Samenwerkingsverbanden. ­ Associations 55 55
Experimenten dagcentra. ­ Expériences centres de jour 50 50
Speciale bedden omkadering. ­ Encadrement spécial lits 135 135
Toezichtshonoraria. ­ Honoraires de surveillance 50 50
Palliatieve functie ROB-RVT. ­ Fonction palliative MRS-MR 500 500
Palliatieve functie ziekenhuis. ­ Fonction palliative hôpital 365 365
Totaal. ­ Total 1 200 55 500 1 755

Comparaison budget existant ­ nouveau budget
(en millions de francs)

Huidig budget
­
Budget actuel
Extra
budget
­
Budget
complémentaire
Totaal budget
­
Budget total
Thuisverpleging. ­ Soins à domicile ­ 500 500
Remgelden huisarts. ­ Ticket modérateur généraliste ­ 100 100
Toezichtshonoraria. ­ Honoraires de surveillance ­ 50 50
Samenwerkingsverbanden. ­ Associations 45 55 100
Equipes. ­ Équipes 1999 : 162
2000 : 274,9
2001 : 274,9
274,9
Thuiszorgforfait van 19 500 frank. ­ Forfait soins à domicile de 19 500 francs 395 ­ 395
Experimenten dagcentra. ­ Expériences centres de jour ­ 50 50
Speciale bedden omkadering. ­ Encadrement spécial lits 568,3 135 703,3
Palliatieve functie rustoorden. ­ Fonction palliative MR ­ 500 500
Palliatieve functie ziekenhuis. ­ Fonction palliative hôpital 123,8 365 488,8
Totalen. ­ Totaux 1 407 1 755 3 162

Équipes multidisciplinaires
d'accompagnement en soins palliatifs

Avant Maintenant Résultat nouvelles
conventions
Presque toutes les mêmes équipes de base : Effectifs de base par 200 000 habitants; les équipes travaillant dans des régions plus peuplées, peuvent augmenter leurs effectifs proportionnellement.
--> 4 heures généraliste Avant 1er juillet 2000 : 78 temps pleins
--> 2 infirmières temps plein Après 1er juillet 2000 : maximum 135 temps pleins
--> mi-temps administratif Davantage de liberté dans la composition des équipes + 73 %
+ 57 temps pleins

Conclusion

­ Le budget actuel des soins palliatifs s'élève à environ 1,5 milliard de francs.

­ Les nouvelles propositions doublent l'effort global en faveur des soins palliatifs. Celui-ci atteint un peu plus de trois milliards de francs.

M. Keirse insiste sur le fait que toutes les propositions n'entreront pas en vigueur le 1er janvier 2001. Leur entrée en vigueur échelonnée permet de déjà prévoir pour 2001 un budget d'environ 900 millions de francs. Le coût des mesures réparties sur plusieurs années est estimé à 1,6 milliard de francs.


Discussion

Un membre remercie les représentants des ministres pour la clarté de leur exposé. Une série de mesures avaient déjà été annoncées. L'intervenant trouve l'ensemble de celles-ci très cohérentes.

À titre préliminaire, il observe qu'il existe deux approches dans les soins palliatifs. L'une est celle des soins palliatifs isolés : il s'agit des unités dont il a été question. L'autre correspond à la notion de soins palliatifs intégrés, et donc continus.

Les propositions du gouvernement vont davantage en ce sens, puisqu'il y est beaucoup question du domicile et de l'hôpital.

Cette vision transversale des soins palliatifs paraît à l'intervenant devoir être privilégiée, particulièrement si la culture des soins palliatifs se développe, au départ de la formation du personnel soignant en général, et parmi la population.

Il a été question de la suppression du ticket modérateur à domicile pour les médecins. Qu'en est-il des soins infirmiers et de kinésithérapie ?

Il a aussi été question d'« associations ». S'agit-il des plates-formes ?

Si oui, la proposition est que, dans les plates-formes, le coordinateur soit financé en fonction du coût. D'autre part, on adjoindra à chaque plate-forme une demi-psychologue.

Le représentant du ministre confirme cette interprétation.

L'intervenant constate que le rôle de ces plates-formes est à la fois de coordination, de sensibilisation et d'évaluation. On ne peut donc pas considérer qu'elles se trouvent dans ce que l'on qualifie généralement de première et de deuxième ligne.

Il a aussi été question d'équipes palliatives pluridisciplinaires. En réalité, ce sont pratiquement des équipes de première ligne.

Il faudrait définir de manière précise ce que l'on entend par équipes pluridisciplinaires, dans la mesure où, si les soins palliatifs se développent, la différence entre première ligne (dans le cadre de soins continus) et deuxième ligne (équipes de soutien dans les plates-formes) aura tendance à s'effacer, la deuxième ligne ayant tendance à se rapprocher de la première.

L'intervenant souhaiterait obtenir des précisions à cet égard.

En effet, à certains endroits, ce que l'on qualifiait d'équipes de soutien était rattaché de manière directe à la plate-forme alors qu'il faudrait, selon l'intervenant, rattacher davantage ces équipes à la première ligne, voire les y intégrer.

Le représentant du ministre a parlé de médecins généralistes ou spécialistes dans les unités de soins palliatifs. L'intervenant trouve qu'il s'agit d'une mesure positive.

Concernant la demande des unités de soins palliatifs, la différence entre le financement et le coût n'était pas extrêmement importante.

L'intervenant se demande comment l'on qualifie un spécialiste en soins palliatifs, puisqu'en l'état actuel des choses, il n'y a pas, en matière de santé publique, de reconnaissance de cette spécialisation.

Quant aux maisons de repos et de soins, le représentant du ministre a parlé du montant, mais non de son utilisation.

Ce point est assez complexe et se trouve encore en discussion.

L'intervenant estime qu'il faudrait privilégier une approche de soins continus et intégrés.

La difficulté réside parfois dans la taille des MRS et des MR.

Enfin, la mesure consistant à financer les honoraires de surveillance à partir de l'entrée en unité de soins palliatifs paraît extrêmement importante, puisque la difficulté résidait dans la rémunération correcte de médecins qui, généralement de manière engagée, voire militante, travaillent dans les soins palliatifs.

Cependant, beaucoup d'unités de soins palliatifs verticalisées ont l'habitude de forfaitariser les rémunérations des médecins.

Y aura-t-il une injonction à ce sujet de la part du ministre de la Santé publique ou des Affaires sociales aux unités de soins palliatifs ?

En ce qui concerne le forfait C, l'intervenant souligne que les forfaits A, B, C sont versés aux institutions. Dès lors, à qui le forfait C sera-t-il versé en l'occurrence, dans la mesure où l'on parle de soins à domicile ?

Considère-t-on que, par exemple, ce sera une partie du réseau ou des services qui le recevra ?

M. Thijs confirme que le gouvernement part du principe que les soins palliatifs doivent être intégrés dans les soins existants. Les deux fonctions doivent être complémentaires.

En ce qui concerne l'exonération du ticket modérateur, l'intervenant précise qu'elle ne s'applique qu'aux généralistes, non aux kinésithérapeutes. En matière de soins à domicile, la nomenclature comprend un « forfait C », auquel ne peuvent prétendre que les patients qui satisfont à des conditions très strictes. La proposition actuelle prévoit que tous les patients nécessitant des soins palliatifs ont droit sans distinction au « forfait C ». Bien qu'il faille encore mettre au point cette partie de la proposition, l'objectif explicite est de permettre, dans la mesure du possible, à tous les patients nécessitant des soins palliatifs de bénéficier des soins à domicile. Ce « forfait C » sera, comme c'est le cas actuellement, octroyé aux prestataires de soins médicaux à domicile.

Les équipes multidisciplinaires font partie des associations et ont une mission de coordination. On ne change rien à cette mission. Les conventions relatives à la réadaptation fonctionnelle conclues avec l'INAMI, sur la base desquelles les équipes multidisciplinaires travaillent actuellement, n'excluent cependant pas que celles-ci, à titre exceptionnel, dispensent des soins directement aux patients, en concertation avec les prestataires de soins du premier échelon. Ces équipes sont composées d'un nombre de personnes quasi proportionnel au nombre d'habitants de la région concernée. On étend dans une large mesure leur liberté de composer elles-mêmes l'équipe, afin qu'elles puissent par exemple augmenter le nombre d'heures attribuées au généraliste. Ces modifications, qui n'ont été approuvées par le comité d'assurance de l'INAMI qu'en mai 2000 et qui représentent une dépense supplémentaire d'environ 100 millions de francs, sont maintenant appliquées sur le terrain. Il est encore trop tôt pour en évaluer l'impact.

De manière générale, les deux ministres ont l'intention de faire concrétiser leurs propositions de base par les commissions compétentes de l'INAMI, qui doivent déterminer les procédures à suivre et les modalités d'application pratiques. C'est vrai tant pour le « forfait C » que pour les propositions à l'égard des MRS-MR.

M. Keirse rappelle que la formation des médecins constitue une compétence des communautés. Un dialogue va débuter à ce sujet avec les communautés. La définition de la mission des plateformes et des équipes de soutien des hôpitaux accordera l'attention nécessaire à la formation des médecins, des infirmières et des collaborateurs concernés. Plus les moyens s'accroissent, plus le nombre d'équipements augmente sur le terrain. L'intervenant constate un intérêt croissant pour la création d'une culture palliative auprès de toutes les catégories professionnelles de terrain concernées.

Un membre constate que c'est la première fois que, dans le cadre de cette discussion, les commissions réunies ont l'occasion de s'entretenir avec des représentants du gouvernement, ce qui est normal puisque les débats sur l'euthanasie étaient laissés à l'entière initiative du Parlement.

Aujourd'hui cependant, le contexte est différent, puisqu'il s'agit d'avoir un premier exposé sur les soins palliatifs, permettant de connaître la position du gouvernement, au niveau de son action politique et des moyens budgétaires qu'il désire consacrer à cette matière fort importante. Mais on ne peut s'arrêter là.

On se trouve aujourd'hui en procédure ordinaire, à savoir qu'une série de propositions de loi sont déposées. Traditionnellement, le gouvernement doit donner son avis sur le point de savoir s'il accepte ou non les propositions, s'il estime qu'elles vont trop loin et qu'il ne pourra les suivre sur le plan budgétaire, qu'il convient de les amender, etc.

Il y a d'ailleurs deux types de propositions.

L'un s'apparente plutôt à une « loi-cadre », qui reconnaît l'importance des soins palliatifs, la nécessité que chacun ait accès à ce type de soins, et qui remet au Roi le soin de prendre toutes les mesures d'organisation de ce secteur.

L'autre reprend, en les transformant en loi, un certain nombre de règlements, d'arrêtés et d'autres textes ayant paru sur le sujet, et développe en outre certaines propositions nouvelles, en augmentant considérablement les moyens, tant financiers qu'humains, en matière de soins palliatifs.

Il faudrait donc que le gouvernement prenne position à l'égard des propositions de loi, comme il le fait pour toute proposition, en toutes circonstances.

M. Keirse propose de donner aux deux ministres la possibilité de préparer une réponse globale aux questions soulevées par l'orateur précédent quant à la position politique du gouvernement vis-à-vis des propositions déposées au Sénat. Ils pourront alors ultérieurement commenter leur réponse.

La commission se rallie à cette proposition.

Un membre constate que ce qui est proposé constitue une avancée assez remarquable et rassurante, concernant les soins continus et palliatifs. Il souligne la collaboration entre les ministres de la Santé publique et des Affaires sociales, et la concertation avec les fédérations de soins continus et palliatifs, ce qui donne plus de poids aux propositions qui sont faites.

L'intervenant pose une première question d'ordre général. On parle de cliniques de la douleur. Un membre a déposé une proposition de loi à ce sujet. Quelle est l'articulation à faire entre l'approche de la douleur en général ­ qui est le symptôme le plus fréquent en médecine et ne concerne pas seulement la fin de vie ­ et les équipes de soins palliatifs, puisque celles-ci veulent s'appeler « équipes de soins continus et palliatifs » ?

Un deuxième point concerne l'actuelle pénurie d'infirmières. Il ne faudrait pas que le développement nécessaire des soins palliatifs amène un glissement du personnel infirmier, et que la pénurie ne fasse que se déplacer. Quelles sont les propositions du gouvernement pour combler la pénurie d'infirmières ?

En ce qui concerne les soins à domicile, l'introduction de la demande du statut de patient palliatif est faite par le médecin.

Mais si un patient hospitalisé rentre à domicile, cela se fait-il en concertation entre le médecin qui a traité à l'hôpital et le médecin traitant qui va assurer le suivi à domicile ?

Quant au forfait pour les soins à domicile, il a été précisé qu'il s'agissait du forfait C. On peut penser que certains patients palliatifs n'ont besoin que de traitements légers, tandis que d'autres nécessitent des soins lourds, qui sont pratiquement des soins intensifs à domicile.

Dès lors, prévoir un seul forfait est-il adéquat face à la diversité des situations possibles ? Ne risque-t-on pas, en fixant des critères trop durs pour le forfait C, d'éliminer du remboursement une série de patients palliatifs ?

Les médecins-conseils n'auraient-ils pas un rôle à jouer, non de contrôleur, mais pour garantir un accompagnement, et assurer que les bons choix ont été faits ?

En ce qui concerne la suppression du ticket modérateur pour les consultations et visites du médecin généraliste, ne faut-il pas prévoir aussi que, si celui-ci appelle un confrère spécialiste à domicile, le ticket modérateur sera supprimé pour la visite de ce spécialiste ?

Concernant les équipes multidisciplinaires de soins palliatifs, n'y a-t-il pas un problème dans la norme d'encadrement ? S'il faut assurer un encadrement 24 heures sur 24, le minimum est de trois équivalents temps plein. Il faudrait donc prévoir trois infirmiers ou infirmières-équivalent temps plein, alors qu'actuellement, on en prévoit deux.

À propos des associations de soins palliatifs, le psychologue prévu l'est-il au bon niveau ? La plate-forme ne doit qu'exercer une mission de coordination. Or, l'action du psychologue est bien au niveau de l'équipe de deuxième ligne. Son attribution devrait donc se situer, non au niveau de la plate-forme, mais à celui de l'équipe de deuxième ligne.

L'intervenant aborde ensuite les soins en hôpital. Il note tout d'abord que le gouvernement a bien pondéré les deux options possibles, à savoir l'unité de soins palliatifs et l'équipe mobile.

Il faut prévoir les deux, en favorisant le plus possible l'équipe mobile, mais il restera des personnes qui seront mieux en unité de soins palliatifs.

Si l'on considère l'encadrement des lits en personnel de nursing, 12 lits auront un encadrement de 18 équivalents temps plein, ce qui est normal pour une unité de soins palliatifs.

En gériatrie, par contre, où interviennent beaucoup d'accompagnements de fin de vie qui ne nécessiteraient pas ­ ou le moins possible ­ un transfert dans un autre service, le même encadrement est prévu pour 36 lits.

Si l'on veut développer l'accompagnement de fin de vie, ne faut-il pas également améliorer l'accompagnement en service gériatrique ?

Pour les équipes mobiles intra-hospitalières de soins palliatifs, le médecin spécialiste responsable d'une équipe mobile sera-t-il rémunéré sur base forfaitaire ? L'intervenant pense que cela est indispensable. On ne peut imaginer une rémunération à l'acte, étant donné la diversité des situations des patients en situation palliative.

À propos des maisons de repos, et des maisons de repos et de soins, l'intervenant exprime son inquiétude quant au fait que l'on va affecter un pourcentage de personnel par nombre de personnes hébergées. Il lui semble qu'il faut considérer le plus possible la maison de repos comme le domicile, et que c'est donc l'équipe de deuxième ligne qui doit venir y aider le médecin traitant.

Enfin, concernant la formation pour les soins palliatifs, il a été dit qu'une discussion devrait avoir lieu avec les communautés.

Y aura-t-il une norme fédérale minimum pour la reconnaissance de ces formations ?

Les efforts faits par les associations de généralistes elles-mêmes (ex. le projet RAMPE, qui est en fait l'oeuvre de bénévoles) seront-ils soutenus d'une manière ou d'une autre ?

M. Keirse est d'avis que le traitement de la douleur dépasse le cadre des soins palliatifs. Le traitement de la douleur est en effet nécessaire dans des secteurs qui ne présentent aucun lien avec les soins palliatifs. L'inverse est vrai également : certaines formes de soins palliatifs n'ont rien à voir avec le traitement de la douleur. Le traitement de la douleur ne constitue qu'un des quatre piliers de la période palliative : assurer le confort physique du patient. Les autres piliers concernent les dimensions sociale, psychique et philosophique. Il n'empêche que le traitement de la douleur reste un élement important des soins palliatifs.

L'intervenant fait remarquer que, malgré la pénurie généralisée d'infirmières, il ne manque actuellement pas de spécialistes en soins palliatifs. Les infirmières considèrent que les soins palliatifs constituent un aspect très utile de leur orientation professionnelle. La pénurie touche plutôt les fonctions qui ne consistent qu'en l'administration de soins médico-techniques. Espérons que l'accord social pourra combler la pénurie d'infirmières, qui est bien réelle. On prévoit d'ailleurs de lancer dans les prochains mois une campagne destinée à améliorer l'image de la profession. La difficulté réside dans le fait que le métier d'infirmière permet difficilement de combiner vie professionnelle et vie familiale, ce qui va à l'encontre de l'air du temps. Ce problème se pose de manière d'autant plus aiguë que l'encadrement est faible. Il faudra définir des priorités dans le cadre budgétaire disponible.

Les plateformes ont pour mission d'assurer la continuité entre les soins à l'hôpital et les soins à domicile et de vérifier que l'on administre bien les soins palliatifs nécessaires. Dans de nombreuses régions, l'hôpital et les soins à domicile organisent une concertation. Il arrive même que les plateformes palliatives participent aux discussions portant sur le départ du patient de la section palliative de l'hôpital.

Aucune mesure n'est prévue concernant le ticket modérateur du spécialiste se déplaçant à domicile car on souhaite accorder la priorité au généraliste, qui est le coordinateur des soins palliatifs. Les 19 500 francs du forfait de soins à domicile peuvent compenser le surcoût éventuel du spécialiste qui se déplace à domicile.

M. Thys répète que les commissions et conseils compétents de l'INAMI feront le nécessaire pour l'application pratique du « forfait C ». Il sera néanmoins toujours possible de distinguer, d'une part, les cas très graves et, d'autre part, les patients qui ne nécessitent que des soins légers.

En ce qui concerne les lits MRS et MR, l'intervenant insiste sur le fait que les associations et les équipes multidisciplinaires ont déjà pour mission d'administrer des soins en milieu de remplacement. Rien ne les empêche dès lors d'opérer d'ores et déjà dans les maisons de repos. Il y a de grandes différences d'une région à l'autre. À certains endroits, la collaboration entre les hôpitaux, les maisons de repos et le secteur ambulatoire fonctionne très bien; à d'autres, elle ne fonctionne pas du tout.

M. Keirse fait remarquer que l'assistance psychologique prévue ne sert qu'à soutenir les plateformes et les équipes mobiles, qui doivent créer une culture palliatieve. Les prestataires de soins doivent autant que possible satisfaire à tous les besoins du patient et de sa famille. Le rôle du psychologue au sein de la plateforme est de soutenir globalement les initiatives relatives aux soins palliatifs. Il en va de même pour les équipes qui travaillent en milieu hospitalier. Il ne s'agit pas de « psychologiser » la souffrance du patient et de sa famille, mais d'accompagner les médecins et les soignants dans leur mission. En ce sens, il s'agit plutôt d'un consultant qui est à la disposition du personnel compétent.

Pour les hôpitaux de l'ensemble du pays, 360 lits au total sont destinés aux soins palliatifs. En outre, chaque hôpital doit disposer d'une équipe mobile. En effet, il ne s'agit pas de retirer tous les patients de leur section pour les transférer dans les « lits palliatifs ». L'objectif est au contraire d'investir en premier lieu dans les équipes mobiles qui peuvent administrer les soins palliatifs requis là où cela est nécessaire.

M. Thys ajoute que l'effectif de base des équipes mobiles est de 2,6 équivalents temps plein par tranche de 200 000 habitants. Cette approche proportionnelle constitue une augmentation par rapport aux anciennes dispositions. Elle implique un surcoût d'environ 100 millions de francs.

Un précédent intervenant constate que le problème est que, lorsqu'on rattache les équipes de soutien à la plate-forme, l'on part du sommet et que l'on va vers la base, alors qu'il faudrait partir du malade. L'effort à faire se situe au niveau du malade, et non au niveau de la plate-forme.

Il y a là une contradiction par rapport à l'objectif poursuivi par tous.

Un autre membre se réjouit de la continuité, voulue par le gouvernement, entre le séjour en milieu hospitalier et la prise en charge à domicile. Actuellement, ce transfert laisse en effet beaucoup à désirer; on peut affirmer qu'il est catastrophique dans 50 % des cas. Il est en effet rarement question d'un accompagnement spécifique pour les équipements les plus simples. La question est de savoir comment concrétiser cette continuité dans les limites budgétaires imposées. C'est principalement le service de week-end qui pose problème.

M. Keirse répond que, d'après son expérience, le généraliste et la plateforme palliative se concertent toujours sur le moment où le patient retourne à son domicile ainsi que sur les soins à administrer. La structure des plateformes palliatives s'y prête parfaitement. Le problème est que les pouvoirs publics ne peuvent pas imposer leur volonté partout et que la culture palliative doit au contraire se développer à partir de la base. Il convient d'établir de bons protocoles à ce sujet. Les prestataires de soins du premier échelon et les hôpitaux doivent s'asseoir autour de la table.

Un membre estime que la loi doit garantir le droit aux soins palliatifs sans en régler pour autant tous les aspects. Le plan proposé par les deux ministres représente un pas important dans la bonne direction. Quelques questions concrètes restent toujours en suspens.

La première question est de savoir si des accords ont été conclus avec les communautés afin que la formation de base des médecins accorde une place suffisante aux soins palliatifs.

L'intervenante se demande par ailleurs si l'évaluation proposée du forfait des soins à domicile, éventuellement prolongé de trois mois, est bien suffisante. Ne doit-on pas dès maintenant prévoir que le forfait des soins à domicile reste valable aussi longtemps que le patient peut être soigné à domicile, avec un maximum de six mois, comme le prévoit sa proposition de loi ? Peut-on accepter, à titre de proposition intermédiaire, l'instauration immédiate d'un délai maximum de 3 mois ? C'est en effet lorsqu'ils sont à l'hôpital que les patients coûtent le plus à la communauté, alors que la plupart préféreraient rester chez eux.

Le membre attire ensuite l'attention des commissions réunies sur le problème des suppléments d'honoraires souvent réclamés par les hôpitaux. Outre le manque d'intimité, d'une importance cruciale en phase finale, les patients sont souvent obligés de payer un supplément lorsqu'ils souhaitent occuper une chambre individuelle. C'est tout à fait inacceptable. Une personne mourante doit au moins avoir le droit de séjourner en chambre individuelle sans devoir payer de supplément.

Si les soins palliatifs recouvrent bien sûr davantage que la simple lutte contre la douleur, cette dernière en constitue cependant une partie substantielle. Nombre de médecins prétendent toutefois n'avoir que des connaissances extrêmement limitées en la matière. Dès lors, l'intervention d'un spécialiste de la douleur n'est pas un luxe superflu et doit faire partie du plan du gouvernement fédéral.

Pour les fonctions palliatives dans les MRPA et les MRS, le gouvernement a l'intention de dégager un demi-milliard de francs « en vitesse de croisière ». Mais quand aurons-nous atteint notre « vitesse de croisière » ? Quel est le montant prévu par lit dans les MRPA ou les MRS ?

Qu'en est-il des soins palliatifs dans les maisons de soins psychiatriques ? Sont-ils soutenus d'une manière ou d'une autre ? Ces patients doivent, en effet, déjà supporter des coûts élevés et ils ont droit, eux aussi, à des soins palliatifs.

M. Keirse se dit satisfait de la remarque de l'oratrice précédente selon laquelle le droit à des soins palliatifs doit être garanti pour chacun. La ministre Aelvoet prépare en ce moment un projet de loi sur les droits des patients qui sera présenté au Parlement au cours des prochaines semaines. L'article 4 de ce projet stipule que « Le patient a droit à des prestations de qualité répondant à ses besoins, conformes aux normes en vigueur et effectuées dans un climat de chaleur humaine, et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie et sans qu'une distinction d'aucune sorte ne soit faite. » Ce projet de loi définit les soins de santé comme des « services fournis par un prestataire de soins en vue de déterminer, de conserver, de restaurer ou d'améliorer l'état de santé d'un patient ou de l'accompagner en fin de vie ».

Si ce point figure dans le projet de loi, il serait superflu de le répéter dans une autre disposition légale.

L'orateur se réfère à l'intention d'organiser une concertation avec les ministres communautaires de l'Enseignement sur l'insertion de la lutte contre la douleur dans les programmes d'études. Le communautaire fera des recommandations en la matière au fédéral.

Bien que les choses s'améliorent, il est regrettable que si peu de médecins disposent de connaissances en matière de lutte contre la douleur. Alors que l'on est en mesure d'effectuer des opérations à coeur ouvert sans que le patient se rende compte de quoi que ce soit, il arrive souvent, dans une situation palliative, qu'on ne parvienne pas à soulager la douleur, bien que la science médicale soit en mesure de le faire. Tout cela provient d'un manque de culture palliative. Voici 25 ans, l'orateur a demandé que l'on s'intéresse davantage aux soins palliatifs, mais un tel sujet était tabou, tant au plan ministériel que dans la société en général. D'où l'insistance des deux ministres pour qu'on introduise cette culture palliative. Quelle que soit la manière dont la science médicale évoluera, la mort est notre lot à tous.

Un intervenant précédent nuance la déclaration selon laquelle la plupart des médecins n'auraient aucune notion en matière de soulagement de la douleur : nombre de médecins sont parfaitement capables d'adapter les dosages en fonction de l'évolution de la maladie.

M. Keirse confirme que les médecins généralistes qui veulent se recycler sont particulièrement intéressés par cette question; il n'empêche que la lutte contre la douleur ne figure toujours pas au programme des cours.

Un sénateur met en garde contre une trop grande spécialisation en science médicale. Il ne faut pas créer de nouvelles spécialisations là où cela ne se justifie pas.

M. Keirse poursuit en disant que l'ensemble des propositions vise à soutenir les spécialistes et les généralistes et non à les remplacer. Il en va de même, par exemple, pour les psychologues, dont la fonction est purement de soutien.

Sans doute quelques hôpitaux ont-ils coutume de réclamer des suppléments d'honoraires pour les soins palliatifs. Il serait préférable de les rendre d'emblée superflus.

L'accompagnement palliatif dans les maisons de soins psychiatriques n'est pas une priorité immédiate aux yeux des deux ministres fédéraux étant donné que proportionnellement, ces institutions enregistrent moins de décès que les MRS et les MRPA. Pour ces institutions psychiatriques, la solution réside dans l'existence des plateformes palliatives.

M. Thys déclare que le ministre des Affaires sociales n'est pas opposé à une extension du forfait de soins à domicile. Il fait cependant remarquer que ce forfait n'a été instauré que le 1er janvier 2000 et qu'un budget de 400 millions de francs a été dégagé à cet effet. On ne dispose encore d'aucune donnée quant à son application et quant à la question de savoir si le budget prévu répond aux besoins rencontrés sur le terrain. Il faut procéder à une évaluation avant de prendre des décisions budgétaires peut-être inappropriées.

En ce qui concerne les MRPA et les MRS, on prévoit 500 millions de francs en vitesse de croisière. La commission des conventions doit compléter les modalités d'application à cet effet. Le fédéral est ambitieux en raison de l'implication des MRPA, d'ailleurs voulue par les gens de terrain eux-mêmes. Ce n'est pourtant pas si simple car il s'agit d'une compétence communautaire. Une concertation devra avoir lieu à ce sujet.

L'orateur se réfère enfin à l'article 4 des conventions de l'INAMI, sur la base duquel travaillent les équipes multidisciplinaires et qui énumère les environnements de remplacement, y compris les maisons de soins psychiatriques.

Un membre déclare, au préalable, qu'il souhaite remercier les représentants du gouvernement pour leur exposé, qui montre que le message découlant des réunions précédentes sur la priorité absolue à accorder aux soins palliatifs a été entendu.

L'intervenant estime qu'il s'agit d'un pas important et plaide, comme d'autres intervenants, pour que les choses puissent se mettre en place le plus rapidement possible, dans l'intérêt des patients.

L'intervenant pose ensuite trois questions.

En ce qui concerne tout d'abord la formation ­ et à nouveau dans l'intérêt des patients, qui est prioritaire ­, il s'agit d'un problème préoccupant, comme certains témoins ont eu l'occasion de l'expliquer.

L'intervenant vise ici non seulement la formation de base (professionnelle et psychologique), mais aussi l'accompagnement psychologique au cours de la carrière professionnelle.

Il a été fait allusion à des contacts préalables pris avec les communautés, puisque c'est là que le programme d'études doit être modifié.

L'intervenant souligne que c'est cependant au ministre de la Santé publique à imposer les normes fondamentales à respecter sur le plan qualitatif.

La deuxième question porte sur les plates-formes. Il est maintenant question de centres-pilotes. L'intervenant plaide pour que l'on ne fasse plus trop d'expériences-pilote et que, connaissant les véritables besoins, on prenne ses responsabilités.

Puisque des moyens budgétaires suffisants semblent être disponibles, l'intervenant plaide pour qu'un maximum de ces moyens soit mis à disposition d'unités véritablement opérationnelles.

Il plaide aussi en faveur de mesures adaptées aux différents terrains, puisque la Belgique est plurielle à tous points de vue, y compris en matière de diversité géographique, d'implantations hospitalières, et donc de coordination d'un endroit à l'autre. Il faut qu'un dialogue constructif s'installe en la matière.

Le troisième point concerne l'amélioration de l'accompagnement, notamment infirmier, auquel le représentant du ministre a fait allusion. Répond-on véritablement aux besoins tels qu'explicités au cours des derniers mois ?

Enfin, l'intervenant rappelle qu'il a vécu l'épisode de la coordination des soins à domicile au niveau de la Communauté française.

Il estime qu'une coordination est absolument nécessaire, non seulement entre l'hôpital et le domicile, mais aussi entre l'hôpital et les maisons de repos et de soins.

Un « moteur » est, en la matière, plus que jamais nécessaire.

Il n'est pas souhaitable que ce soit laissé à l'appréciation des responsables des hôpitaux et des maisons de repos et de soins.

L'intervenant pense qu'il faut aller au-delà, en prévoyant une forme d'obligation en ce qui concerne la coordination.

Dans le même ordre d'idées, un autre membre demande des précisions quant au nombre de lits qui seront installés en soins palliatifs dans les hôpitaux.

Créera-t-on une unité séparée dans chaque hôpital, ou s'agira-t-il de soins continus qui resteront intégrés dans les soins généraux ?

Un membre souligne que les réseaux sont organisés différemment dans le Nord et le Sud du pays pour des raisons en partie historiques. En Flandre, il existait une multitude d'initiatives émanant de la base, sans que le gouvernement ait à fournir les incitants nécessaires. En Wallonie, c'est moins le cas. Cela fait qu'en Flandre, on a prévu un coordinateur par réseau de 300 000 habitants. Comment l'État fédéral a-t-il organisé la concertation avec les gouvernements de communauté ?

M. Keirse répond que l'autorité fédérale a également la possibilité d'imposer des normes. Elle peut ainsi proposer certaines normes de qualité. Dès lors, l'accent est mis aussi sur la responsabilisation des différents groupements professionnels. Il n'empêche qu'il est imprudent de tout imposer « d'en haut », depuis l'autorité.

L'orateur remarque que tant en Flandre qu'en Wallonie et à Bruxelles, il existe des projets initiaux en matière de soins de jour. Leur objectif n'est pas tant de lancer des projets-pilotes que de soutenir financièrement les initiatives existantes et, sur la base de celles-ci, de leur donner l'occasion d'acquérir une certaine expertise quant à la manière de maintenir la pression sur les familles à un niveau supportable.

Dans la définition de la mission des plateformes, il est dit clairement qu'elles doivent regrouper tous ceux qui, à l'intérieur d'une région déterminée, peuvent ou souhaitent être impliqués dans les soins palliatifs. Il s'agit concrètement de tous les hôpitaux, de toutes les maisons de repos et de soins, des MRPA, du secteur des soins à domicile, des pharmaciens, kinésithérapeutes, etc. Un moteur doit permettre la collaboration entre les différents échelons. Pour l'agrément des lits palliatifs dans certaines régions, par exemple, on examine quelle est leur localisation idéale et la meilleure façon de faire collaborer la plateforme palliative, les hôpitaux et les soins à domicile.

Chaque hôpital doit disposer d'une équipe de support qui puisse offrir les soins palliatifs nécessaires à l'endroit et au moment voulus.

Quant aux différences entre nos trois communautés, l'orateur confirme que la Communauté flamande prévoit des moyens supplémentaires en sus du soutien fédéral. Ne surestimons cependant pas ces différences régionales. Dans le sud du pays aussi, certaines initiatives ont vu spontanément le jour tandis que dans certaines régions de Flandre, l'initiative est venue des autorités.

Un membre souligne que, comme déjà indiqué, les auditions ont pointé un constat unanime : les soins palliatifs sont insuffisamment développés, et ne sont pas développés partout de manière égale. Ils doivent être disponibles partout de la même façon. Il faut garantir au patient la liberté de choix au niveau de la forme d'accompagnement qu'il souhaite, en garantissant l'égalité de traitement dans l'accès aux soins palliatifs (coût domicile/hôpital/MRS ...). Il convient que les moyens soient justement répartis entre les patients. Il faut définir les moyens nécessaires pour certaines maladies : le pronostic doit être posé et la prise en charge optimale doit être définie, comme le soulignait le docteur Clumeck.

Les soins palliatifs connaissent, à l'heure actuelle, un développement plutôt limité aux patient en fin de vie. Or, beaucoup d'intervenants en commission Euthanasie ont souligné la nécessité de parler de soins continus, plutôt que de soins palliatifs. S'orienter vers la culture palliative signifie à moyen/long terme une nouvelle culture de soins dite de soins continus.

Cette culture suppose, comme l'a souligné le docteur Bouckenaere :

­ une compétence médicale spécifique (soulagement de la douleur);

­ une approche relationnelle (accompagnement du malade et des proches, y compris dans le processus de deuil);

­ des éléments de repérage éthique et un questionnement éthique (ce qui suppose discussion collégiale et concertation interdisciplinaire).

Il ne s'agit donc pas uniquement du problème des dernières semaines de la vie. La diffusion de la culture palliative au sein de l'hôpital contribue à la reconnaissance et au développement des droits du patient et favorise la nécessaire démocratisation du pouvoir médical, en replaçant le patient au centre de la discussion.

LOI-CADRE

Le groupe de l'intervenant se demande s'il ne faudrait pas prévoir une loi-cadre qui intègre et encadre les dispositions légales et réglementaires existantes qui régissent la matière tant en hôpital, qu'au domicile, en maisons de repos et de soins ou en maisons de repos pour personnes âgées, habitations protégées, institutions psychiatriques, unités résidentielles et centres de jour.

Cela permettrait de disposer d'une définition plus précise des soins palliatifs, et des acteurs de ceux-ci.

ANALYSE ET CRITIQUE DES PROJETS MINISTÉRIELS

A. Associations (ou plates-formes de soins palliatifs)

Une première remarque concerne le fait que les missions de l'association sont définies par arrêté royal. Toutefois, les plates-formes sont organisées au niveau régional. Or, il s'avère que, dans la réalité, les missions effectivement exercées varient d'une plate-forme à l'autre, d'une région à l'autre. Ainsi, si l'arrêté royal précise que les associations en matière de soins palliatifs s'occupent de formation, la plate-forme bruxelloise, pour sa part, n'organise pas de formation. C'est la fédération bruxelloise qui s'en charge.

Ne serait-il pas temps de clarifier les concepts, ce qu'une loi-cadre, telle que le propose le groupe de l'intervenant, serait justement à même de faire ?

Une deuxième remarque porte sur le fait que l'augmentation des subsides fédéraux en faveur des associations que propose le ministre est une mesure proposée par le groupe de l'intervenant dans sa proposition de loi. Toutefois, la présence d'un psychologue clinicien (1/2 ETP par association) ne paraît pas utile au niveau de l'association. C'est au niveau des équipes multidisciplinaires de seconde ligne que ce besoin se fait sentir.

B. À domicile

1. Aspect patient

La proposition du groupe de l'intervenant :

­ prévoit une prise en charge par l'INAMI du ticket modérateur pour les consultations et visites du médecin généraliste, mais aussi des spécialistes, pour les prestations des kinésithérapeutes et les soins infirmiers à domicile;

­ propose d'étendre l'allocation forfaitaire mensuelle (actuellement de 19 500 francs) à quatre mois et de mieux adapter son montant en fonction des besoins du patient, notamment de ceux nécessitant des soins 24 heures sur 24.

Les auteurs de la proposition ne peuvent donc que se réjouir des propositions du ministre.

Questions :

1º Qu'en est-il des visites et consultations éventuelles des médecins spécialistes (oncologues par exemple) pour lesquelles une prise en charge du ticket modérateur n'est pas prévue ?

2º Concernant l'extension du forfait C aux patients palliatifs qui est proposée, deux problèmes ont été soulevés par des associations d'infirmières à domicile :

Le système de financement des soins à domicile serait doublement discriminatoire :

­ discriminatoire par rapport aux patients entre eux : un système de financement au forfait fondé sur une échelle de dépendance comme l'échelle de Katz n'est pas pertinent. Les patients ne sont, en effet, pas des groupes homogènes. Dans les patients au forfait A, il y a aussi bien des « A légers » que des « A lourds » et la même chose pour les forfaits B ou C. La Commission des conventions soins à domicile essaie de promouvoir un système de financement plus adéquat par rapport aux besoins du patient et pondéré par unité de temps passé au chevet du malade. Certains systèmes ont ainsi fait leurs preuves dans d'autres pays (tels qu'au Canada ou au Luxembourg).

Il faut veiller à ce que d'autres types de patients (relevant du forfait A ou B) qui sont des personnes âgées ou handicapées maintenues à domicile et qui nécessitent une prise en charge longue ne soient pas discriminés. Cela est lié à la définition que l'on donne aux soins palliatifs. Les ministres limitent le statut palliatif à la fin de vie, voire l'extrême fin de vie [deux mois en l'occurrence, puisque l'on n'envisage une éventuelle extension du forfait de soins palliatifs à domicile de 19 500 francs de 2 à 3 mois qu'en 2002 (voir infra)].

Quels sont précisément les critères qui permettront de considérer tel patient comme palliatif et pouvant bénéficier du forfait C ? Il est apparu clairement des auditions que plusieurs personnes défendaient une vision plus large des soins palliatifs que d'aucuns appelaient soins continus ou continués. Ne faut-il pas par ailleurs promouvoir une cohérence entre les différents niveaux de pouvoir (fédéral, communautaire et régional) ? Il faut rappeler l'existence du décret du 4 mars 1999 organisant l'agrément et le subventionnement des centres de coordination de soins et services à domicile et des services de soins palliatifs et continués. Quelles sont les positions du ministre à ce sujet ?

­ discriminatoire par rapport aux prestataires entre eux : les soins infirmiers à domicile coûtent en définitive fort cher au patient. Ces soins peuvent s'étaler dans le temps. Les visites des kinésithérapeutes ou des médecins sont en général plus espacées. Dans la pratique, les kinés et les médecins sont en droit de réclamer au patient le ticket modérateur et ils le font, ce que n'osent pas faire les infirmières vu le statut de la personne qui fait appel à eux et la longueur des soins. La proposition propose de ne plus percevoir de ticket modérateur de la part du patient palliatif. Où se situe le coût de la mesure dans ce cas-là ? Ne s'agit-il pas d'une économie pour l'INAMI ? Ne peut-on concevoir, dans ce cas, que le montant du ticket modérateur revienne aux infirmiers à domicile ou, du moins, serve à une revalorisation de leur fonction, qui est très sollicitée dans le cadre des soins palliatifs à domicile ?

3º Il faut attirer l'attention sur le fait qu'à l'heure actuelle il n'y pas de définition du personnel soignant, alors que le statut infirmier est protégé. Le personnel dit soignant reçoit des formations techniques ou professionnelles de niveaux hétérogènes et des décrets régionaux décrivent leur statut souvent en se référant en partie à l'art infirmier. Il faut que ce statut soit clarifié et ne soit, en tout cas, pas confondu avec le statut infirmier, afin de veiller à la qualité des soins prodigués notamment au domicile, mais aussi en MRS et en MRPA.

4º Concernant l'allocation forfaitaire mensuelle : les ministres proposent seulement d'évaluer cette mesure en 2001.

Le montant du forfait semble trop faible.

Ce forfait est actuellement de 19 500 francs pour 30 jours à compter de l'envoi d'un formulaire d'avis médical ad hoc vers le médecin conseil de la mutualité. Un renouvellement unique est autorisé après 30 jours et suppose l'envoi d'un second avis médical de conformité aux critères et aux conditions.

L'association AREMIS a évalué les frais encourus par le malade palliatif à domicile à 50 000 francs par mois après remboursements. Il s'agit probablement d'une évaluation minimale qui ne tient pas compte des cas particuliers, du manque à gagner de la famille et des non-professionnels qui en prennent soin ni des besoins en « médecines complémentaires » qui aident à vivre (massages, occupations, soins esthétiques etc.).

La proposition du groupe de l'intervenant propose d'étendre l'octroi de ce forfait à quatre mois, mais surtout d'en moduler le montant en fonction des besoins du patient, plus précisément là où le patient a besoin d'un garde-malade en permanence. Cette prise en compte est toutefois indispensable si l'on veut favoriser le maintien à domicile. C'est ce qui représente le coût le plus élevé. Les ministres ont-ils des propositions plus concrètes en la matière ?

5º Concernant le statut de patient palliatif : le statut de patient palliatif n'est pas conféré de manière collégiale, comme l'aurait souhaité le groupe de l'intervenant (avec intervention de l'équipe de 2e ligne et de l'équipe de 1re ligne), mais c'est le médecin de famille qui décide seul de l'octroi de ce statut et donne ainsi le « feu vert » à l'octroi du forfait par la mutuelle du patient. Ce forfait est accordé que le patient (ou le médecin) fasse appel ou non à une équipe multidisciplinaire de seconde ligne. Quelle est la position des ministres par rapport à ce choix ? Plus précisément, comment les ministres conçoivent-ils le rôle du médecin traitant dans le processus d'introduction du statut palliatif auprès du médecin conseil de la mutuelle, quant à la collaboration éventuelle à la fois avec les autres intervenants (équipe de 2e ligne, voire de 1re ligne), et avec le médecin spécialiste qui connaît bien le pronostic ?

6º La proposition des ministres contient un appel à tous les services existants à s'engager davantage dans les soins palliatifs. Ne convient-il pas de préciser que cela implique une collaboration active avec les équipes de 2e ligne ? Y a-t-il des propositions et des incitants concrets, ou s'agit-il simplement d'un appel, qui risque de n'être qu'un voeu pieux ?

2. Équipes d'accompagnement multidisciplinaire de soins palliatifs (ou équipes de seconde ligne)

Le financement de ces équipes est actuellement réglé par des conventions conclues entre chaque équipe et l'INAMI.

Un forfait est accordé par l'INAMI de 58 500 francs par patient pour une prise en charge totale quelle que soit la durée de la prise en charge du patient et des prestations fournies. Sont couverts 100 patients. Les 50 suivants bénéficient éventuellement d'un forfait de 5 000 francs par patient par an. Certains assouplissements ont effectivement été introduits qui sont encourageants. Toutefois certaines remarques subsistent :

1º Le forfait ne tient pas compte de la durée réelle de la prise en charge du patient. L'INAMI a pris en compte une durée théorique de deux mois. Cela ne correspond pas à la philosophie de « soins continus », ni, dans certains cas, à la réalité.

2º Le forfait est en réalité un remboursement. Les équipes doivent donc avancer les frais et les salaires, puisque la demande de forfait est à introduire auprès de la mutuelle du patient décédé, après son décès.

3º Comment veiller à ce que les instructions INAMI soient respectées par les mutuelles ? Il existe aussi des problèmes pour les patients sans mutuelle (personnes au CPAS), les non assurés petits risques ou les patients CEE.

Les ministres ont-ils envisagé un autre système de financement ? éventuellement un remboursement direct par l'INAMI pour éviter ce genre de problèmes ? Ne peut-on pas prévoir également un financement plus structurel (ce que prévoit la proposition du groupe de l'intervenant) qui évite cette insécurité pour le personnel des équipes ?

4º En ce qui concerne les honoraires et frais couverts par le forfait : la proposition des ministres en ce qui concerne les équipes de seconde ligne se limite à une option d'augmentation du budget en 2002.

Il faudrait cependant déjà prévoir une extension du forfait (comme le prévoit la proposition du groupe de l'intervenant), qui couvrirait une augmentation des prestations infirmières (3 ETP au lieu de deux actuellement), un mi-temps administratif (déjà couvert), les prestations médicales (un médecin généraliste à raison de 6 heures voire 8 heures semaine, au lieu de quatre actuellement) et les prestations d'un psychologue mi-temps (non couvert actuellement), tout cela en rapport avec la prise en charge de 150 patients par an. Les prestations couvertes par le forfait sont en effet nettement insuffisantes. Cela semble correspondre aux revendications du secteur. Qu'en pensent les ministres concernés, et quelle est la différence avec la solution qu'ils proposent ?

En conclusion, l'intervenant se réjouit qu'il y ait une avancée en matière de soins palliatifs. Les discussions qui ont eu lieu au sein des commissions réunies ont permis de mettre au jour l'importance de cette problématique, puisque des soins palliatifs adéquats doivent aussi contribuer à la réduction du nombre des demandes d'euthanasie.

M. Keirse confirme que les soins palliatifs ne doivent pas rester limités aux trois dernières semaines de la vie. La culture palliative doit être intégrée à la vie. L'éducation donnée aux enfants et leur implication dans cette problématique auront une influence déterminante sur la manière dont ils se comporteront envers les personnes en fin de vie. Plus que toutes sortes d'interventions et de réglementations financières, cette culture palliative est essentielle pour l'avenir. Le principal problème de la population n'est pas tellement le coût des soins palliatifs : il faut sensibiliser les gens ­ les proches aussi bien que le personnel soignant ­ pour qu'ils aient le courage de prodiguer le soutien nécessaire au mourant. Dans ce sens, il est grave que les discussions sur les soins palliatifs doivent être couplées aux propositions en matière d'euthanasie. Le besoin d'aider les personnes en fin de vie existe depuis bien plus longtemps. Cette mission ne peut jamais être coulée, à partir de l'autorité, dans des structures, des normes ou un financement.

M. Thys fait remarquer que le « forfait C » concerne les patients auxquels s'applique l'arrêté royal du 2 décembre 1999 relatif au forfait de soins à domicile. Il reste néanmoins de la latitude pour l'élaboration de diverses modalités et l'application des différents critères pour la mise en oeuvre de la future politique.

Les conventions de revalidation doivent faire l'objet d'une évaluation, en tout cas par rapport aux changements fondamentaux intervenus depuis début 2000.

Les règlements élaborés ne s'appliquent évidemment qu'aux personnes cotisant à l'assurance-maladie, comme le prévoit le fonctionnement de l'INAMI. Soulignons cependant que les indépendants ont, eux aussi, droit à toutes les interventions prévues dans le cadre des soins palliatifs.

L'orateur demande qu'on prenne conscience des efforts qu'a fournis le gouvernement. Pour l'année 2000, 900 millions de francs ont été dégagés pour les soins palliatifs, ce qui nous mène au total à plus d'1,5 milliard de francs. On demande aussi un peu d'attention pour la faisabilité de certaines mesures et propositions, qui n'est pas toujours évidente. L'objectif poursuivi est en tout cas de faire bénéficier le plus possible de patients d'un maximum de mesures et d'interventions, mais il faut cependant qu'elles soient réalisables et payables. En général, les plans du gouvernement sont très ambitieux.

Un précédent intervenant répète qu'il est indéniable qu'un effort a été fait en matière de soins palliatifs, et qu'il y a eu une prise de conscience de la nécessité d'avancer.

Il est également compréhensible que les mesures soient modulées dans le temps.

Cependant, le groupe de l'intervenant estime que des pas supplémentaires doivent être faits, et que les besoins qui apparaîtront au fil du temps devront être évalués de façon correcte. Il y aura en permanence un très grand nombre de personnes qui auront besoin de soins palliatifs, d'où la nécessité de prévoir des budgets suffisants.

L'intervenant souligne l'importance des options à prendre par les ministres, et la nécessité de mettre l'accent sur les soins à domicile, ce qui correspond au souhait d'une partie importante des personnes en fin de vie.

M. Keirse confirme que d'après l'enquête, environ 70 % à 75 % des gens souhaitent mourir chez eux. Bien entendu, ce souhait est formulé par des personnes qui n'ont pas encore l'expérience de la mort, puisqu'on ne meurt qu'une fois. Quand on arrive en phase terminale, on s'aperçoit que toutes les conditions ne sont pas réunies pour finir ses jours confortablement. Très souvent, l'attitude de la famille et des voisins y est pour quelque chose. C'est pourquoi il faut constamment mettre l'accent sur la nécessaire évolution de la culture sociale. Nous devons réapprendre à cotoyer la mort. Un problème fréquent est que les parents ont peur de devoir continuer à vivre dans la maison où le malade va mourir.

Un membre déclare, en ce qui concerne les unités de soins palliatifs, avoir pris note des trois mesures annoncées pour les renforcer, mesures qu'elle approuve.

Indépendamment de ces trois mesures, les ministres s'engagent-ils à évaluer les 360 lits dont il a été question, pour déterminer si ce nombre peut être maintenu ou si, à l'avenir, il doit être augmenté ?

Selon certains, en effet, ce nombre serait insuffisant.

Il a également été dit que, dans les unités de soins palliatifs, la norme infirmière passerait de 1,25 à 1,50. S'agit-il des infirmières s.s., ou de l'encadrement global du personnel ?

S'il s'agit uniquement des infirmières, les infirmières sociales de liaison pourraient-elles être englobées dans ce quota ?

Actuellement, les unités sont subsidiées selon un quota de 80 %. Pourquoi cette norme ? À l'avenir, ne faudrait-il pas prendre pour base l'occupation réelle ?

En ce qui concerne la fonction palliative en hôpital, les ministres ont annoncé que l'on reverrait probablement les forfaits insuffisants et les normes.

Mais comment tenir compte de la spécificité et des besoins réels de chaque hôpital ? Ces besoins sont très différents d'un hôpital à l'autre. Certains hôpitaux accueillent un grand nombre de personnes en fin de vie en oncologie, alors que d'autres ne sont pas du tout spécialisées dans l'accueil des patients cancéreux.

Quant aux maisons de repos, et aux maisons de repos et de soins, en matière d'encadrement, la mise à disposition d'un psychologue spécialisé, par exemple, est-elle prise en compte dans le budget proposé pour la fonction palliative dans ces maisons ?

En ce qui concerne les centres de jour, l'intervenante suppose que, lorsqu'on parle d'expériences-pilotes, c'est à ces centres qu'il est fait allusion.

Il en existe quelques-uns, qui remplissent une fonction utile et méritent d'être soutenus.

Il s'agit donc de bien plus que « d'expériences-pilotes ».

L'intervenante souhaite également aborder les questions complémentaires suivantes :

1. Suivi du deuil : le soutien palliatif comprend aussi l'accompagnement des familles dans le processus de deuil. Cet aspect est souvent négligé. Les propositions des ministres n'en font pas état.

2. Congé palliatif : ce congé est actuellement accordé pour un mois et renouvelable une seule fois. Durant le congé palliatif, la personne reçoit un montant de 20 000 francs par mois. Ne peut-on pas revoir ce montant à la hausse ?

3. Bénévolat d'accompagnement : ce bénévolat est extrêmement important dans les soins palliatifs. Il exige des critères de recrutement, de formation et d'encadrement tout autant que des critères de fonctionnement très stricts, tant sur le plan humain que sur le plan financier. Les ministres ont-ils des suggestions à ce sujet ?

4. Garde de nuit : actuellement, l'offre est très réduite et le coût très élevé. Il est indispensable que soient créés des services compétents, discrets et fiables à des prix abordables. Le prix de la garde de nuit oscille entre 1 000 et 2 000 francs et est payé le plus souvent en noir. Il faut veiller à ce que cette garde soit assurée par des gens compétents et que le prix de cette garde, si elle s'avère nécessaire, soit inclus dans l'allocation forfaitaire de soins à domicile.

5. Maisons d'hébergement psychiatriques : dans les hôpitaux psychiatriques, les maisons d'hébergement psychiatriques, et toutes les formules où des patients psychiatriques sont accueillis, il existe aussi d'importants besoins en soins palliatifs. Il faudrait réfléchir aux moyens de répondre à la demande dans ce secteur spécifique.

M. Keirse explique qu'il a été convenu avec les fédérations qui regroupent les dispensateurs de soins palliatifs des différentes régions du pays de procéder à un enregistrement qui soit comparable. Ainsi, on pourra évaluer si la capacité, actuellement de 360 lits, est suffisante. On peut déjà dire que ce n'est sans doute pas le cas. La situation pourra toutefois évoluer à l'avenir, si on veut mettre davantage l'accent sur les soins à domicile et développer les équipes de support hospitalières. Il faut, en effet, éviter de confiner la mort à des endroits spécifiques.

Ainsi que l'a déclaré l'intervenante précédente, l'augmentation de 1,25 à 1,50 infirmier vise l'encadrement et n'est pas suffisante pour assurer une continuité dans les lieux qui n'ont que 6 lits. C'est, en revanche, le cas pour une section de 12 lits pour lesquels on a 18 mandats.

Pour l'instant, on oeuvre également à l'élaboration d'un statut pour les services sociaux hospitaliers. On pourra ainsi apporter une réponse partielle à la remarque de l'oratrice précédente à propos de l'infirmière sociale de liaison.

Le taux d'occupation de 80 % dont question dans la note, se base sur le taux moyen d'occupation des départements hospitaliers. Au cours de la législature précédente, on a mis à leur disposition un financement à concurrence de 80 %, quel qu'ait été le taux réel d'occupation. Dans l'intervalle, on a constaté que le taux d'occupation de certains départements dépassait les 80 % et qu'il y avait même des listes d'attente. Dans cette optique, le soutien financier est insuffisant et l'enregistrement dont il a été question plus haut peut apporter un soulagement.

L'orateur approuve la remarque sur les grandes disparités entre hôpitaux. Ici aussi, l'enregistrement se justifie pour connaître les besoins exacts des différents hôpitaux. Il existe, en effet, de nombreux malentendus à ce sujet : les plus grands besoins en matière de soins palliatifs ne se situent pas nécessairement là où se trouve le plus grand département d'oncologie. On déplore, en effet, davantage de décès aux urgences, en soins intensifs, en gériatrie et en médecine interne.

Quant aux centres de jour, l'orateur fait remarquer qu'on vise en premier lieu à soutenir financièrement les centres existants plutôt que de se lancer dans de nouveaux projets-pilotes. Ici aussi, l'enregistrement des données va permettre de définir la future politique. À la question posée par les ministres des Affaires sociales et de la Santé publique concernant la normalisation des centres de jour, le Conseil national des établissements hospitaliers a répondu que ce point n'était pas particulièrement prioritaire.

Le projet du gouvernement en matière de soins palliatifs tient également compte de la prise en charge de la famille après le décès du patient. Tant la prise en charge pendant toute la durée des soins palliatifs que l'accompagnement dans le processus de deuil y sont inclus.

Un sénateur pense que bon nombre de problèmes « techniques » relatifs aux soins palliatifs découlent du fait qu'on leur colle trop facilement une étiquette. On ne parviendra par exemple jamais à offrir un lit palliatif à tous les patients qui nécessitent ce type de soins. Il faut considérer les soins palliatifs davantage comme un processus continu.

Quant à l'octroi du « forfait C », le problème qui se pose est qu'il faut décider à partir de quand une personne entre dans la phase des soins palliatifs. Ce problème ne fera que s'aggraver à mesure que l'on développera d'autres critères en la matière. Jamais on ne pourra donner une définition exacte du « patient palliatif ».

L'orateur est d'avis que la note du gouvernement n'aborde pas suffisamment la sensibilisation et l'information de la population quant aux structures existantes. Si, en général, il n'y a pas de problème lorsque le patient est hospitalisé, il s'en pose bien davantage lorsqu'un patient soigné à domicile passe d'une situation de médecine palliative à une situation de soins palliatifs. Il est grand temps de sensibiliser davantage les gens à cette question. La fonction d'« interface » entre le terrain et le politique est apparemment laissée aux « liens de coopération ». En pratique, la situation est parfois assez chaotique et mérite une approche plus professionnelle.

M. Keirse approuve la thèse de l'orateur précédent. Chaque médecin de famille aura une approche différente selon qu'il sera confronté à un enfant, un adolescent, un adulte ou un vieillard. De même, l'approche sera différente selon qu'il s'agira de personnes dans la force de l'âge ou d'autres qui vivent leurs derniers jours. S'il n'est pas justifié de créer des structures distinctes dans chacun de ces cas, on traitera cependant certains problèmes spécifiques par des voies différentes.

Il est, en effet, particulièrement important de sensibiliser la population aux soins palliatifs. Cette question n'est toutefois pas de la responsabilité exclusive des ministres des Affaires sociales ou de la Santé publique; elle s'inscrit dans une approche sociale globale. Les enfants doivent donc apprendre à accepter la séparation, la mort et le chagrin indissociables de la vie.

Un membre souligne que, lorsqu'il est question de soins palliatifs, on ne parle pas de maladies chroniques. Ce qui a été dit risque de créer la confusion sur la notion de « maladie chronique ».

En ce qui concerne le forfait C, il semble donc qu'il y aura un forfait palliatif, qui entraînera de manière automatique la suppression du ticket modérateur. Il y aura, en outre, des forfaits C où le malade n'est pas reconnu comme un malade palliatif, et où le ticket modérateur sera perçu.

Lorsqu'il est question de non-perception du ticket modérateur, vise-t-on bien la prise en charge, par l'INAMI, de la totalité de l'honoraire, sans tenir compte du ticket modérateur ?

M. Thys souligne que même s'il veut avant tout offrir un ballon d'oxygène aux structures en place, le gouvernement conçoit très bien que la situation actuelle est loin d'être parfaite. Le fait que la Communauté flamande apporte un soutien financier supplémentaire à un certain nombre d'initiatives alors que dans d'autres régions, ce n'est pas le cas, n'est pas satisfaisant. La Conférence interministérielle du 25 octobre 2000 a l'ambition de redresser certaines de ces distorsions et de poursuivre l'élaboration de conventions pratiques en matière de formation et d'enregistrement.

La remarque émise par l'intervenant précédent quant à une éventuelle confusion de langage est exacte. À l'avenir, il faudra que toute la clarté soit faite à ce sujet.

L'orateur souligne que les propositions, telles qu'énumérées dans le plan des deux ministres, viennent en sus des structures en place et des interventions de l'assurance maladie. Il souligne en outre qu'un certain nombre de mesures sont prévues en faveur des maladies chroniques; elles pourront aussi bénéficier aux patients palliatifs, même si tous les malades chroniques ne sont pas des patients palliatifs et vice-versa.

En ce qui concerne le « forfait C », M. Thys répète qu'il existe déjà actuellement mais que tous les patients palliatifs ne satisfont pas aux critères fixés. On devra remédier à ce problème et ajouter certains points à la nomenclature des soins à domicile. Dans la pratique, certains soignants à domicile réclament le ticket modérateur et d'autres non mais cela n'a rien a voir avec le « forfait C ».

M. Keirse se déclare partisan d'une approche multidisciplinaire et intégrale de l'ensemble de la médecine et pas seulement les soins palliatifs.

Un membre souhaite réagir vigoureusement à l'idée qui a été émise d'introduire la culture palliative dans les écoles. Cela lui paraît aller trop loin.

L'intervenant avait, au contraire, le sentiment que le gouvernement arc-en-ciel avait fondé son action sur l'optimisme et le dynamisme.

Il préfère que l'on enseigne aux jeunes le goût de l'effort et du dépassement, plutôt que de leur enseigner la façon de mourir lorsqu'ils seront atteints d'une maladie incurable.

Le président observe que les débats des commissions réunies ont, par eux-mêmes, déjà contribué à faire prendre conscience de la problématique à une partie importante, jeune et moins jeune, de la population.

Un membre se réjouit d'apprendre que le gouvernement aussi est favorable à une diffusion de la culture palliative partout et pas seulement dans le monde médical. Trop souvent, la société a tendance à occulter cette question. Il importe que chacun dispose du droit fondamental aux soins palliatifs, que ce soit à domicile, en maison de repos ou en milieu hospitalier. Les mesures concrètes proposées par le gouvernement ne sont que l'ébauche d'un processus qui mènera à ce droit fondamental. Attendons de voir comment elles seront mises en oeuvre sur le terrain.

Le membre se demande si les moyens budgétaires pour les soins palliatifs, proposés par les deux ministres, ne pourraient pas être mieux alloués. Trop souvent encore, on entend des récits poignants d'acharnement thérapeutique, des médecins avouant à leurs patients qu'ils n'ont d'autre choix que de poursuivre le processus thérapeutique. Ne pourrait-on dégager certains de ces moyens financiers pour faire comprendre aux médecins que l'acharnement thérapeutique n'est pas l'attitude adéquate ?

M. Keirse se réfère à la proposition du gouvernement de prévoir, dans l'équipe de support de chaque hôpital, un médecin ayant bénéficié d'une bonne formation en soins palliatifs. On peut espérer que cette mesure aura un impact suffisant pour contrer l'acharnement thérapeutique.

Par ailleurs, et plus généralement, il importe de soutenir davantage l'aide de premier échelon. Connaissant bien le passé du patient, le médecin de famille est, en effet, mieux à même de défendre les intérêts de celui-ci et d'estimer ce que l'on peut encore raisonnablement entreprendre.

Il n'est pas si facile de recourir à des mesures coercitives, car il est malaisé de les définir avec précision. C'est ainsi, par exemple, qu'un examen médical lourd peut quand même être important pour un patient palliatif lorsqu'il permet de découvrir les causes de la douleur. En phase terminale, une chimiothérapie peut avoir son utilité si elle permet de réduire la tumeur responsable de la douleur. Dans de tels cas, il est difficile d'imposer des normes générales.

2. Échange de vues et questions suscitées par l'audition de MM. Keirse et Thys

Un membre rappelle qu'elle a précédemment ébauché la présentation de la proposition de loi déposée par son groupe en matière de soins palliatifs (nº 2-249/1).

Elle dispose à présent des éléments nécessaires pour comparer le contenu de cette proposition de loi aux grandes lignes du plan exposé par les ministres.

L'intervenante rappelle tout d'abord que la proposition de loi déposée par son groupe est une proposition de loi-cadre, qui a une vocation très générale et tend à contenir un maximum de principes, afin qu'au niveau fédéral, on ait une vision globale des soins palliatifs, tout en sachant qu'en Belgique, on est tenu par le morcellement des compétences entre État fédéral, communautés et régions.

Ce n'est pas parce qu'une conférence interministérielle va avoir lieu qu'il faut renoncer à une proposition de loi-cadre ou générale.

Toutes les propositions de loi déposées en matière de soins palliatifs commencent du reste par rappeler quelques principes généraux.

La première question que se pose l'intervenante concerne donc la manière dont on va travailler.

La seconde est de savoir au départ de quel texte on va le faire.

La réponse à ces deux questions conditionne la préparation d'amendements, dont l'intervenante annonce le dépôt.

La proposition de loi-cadre vise à réaliser une harmonisation maximale dans notre pays, tout en respectant les compétences de chacun. Il semble en effet que des divergences existent entre Flandre, Wallonie et Bruxelles, par exemple au niveau de l'organisation des plates-formes et de l'organisation des équipes de première et de seconde ligne.

Un exemple en est la formation. On sait que celle-ci dépend, en principe, des communautés.

Par ailleurs, un arrêté royal prévoit que les associations ont pour mission, notamment, d'assurer la formation des bénévoles.

L'intervenante voudrait savoir si la formation des bénévoles va rester une compétence fédérale. Elle souhaiterait que ce sujet soit abordé dans une éventuelle loi-cadre.

Un deuxième point concerne les associations et plates-formes. À cet égard, la proposition cosignée par l'intervenante diffère du plan présenté par les ministres.

La question est de savoir où placer le psychologue, que, par ailleurs, le gouvernement accepte de subventionner.

Pour l'intervenante et son groupe, il faudrait le placer au niveau des équipes de deuxième ligne.

Là aussi, il semble exister des différences de pratiques entre Flandre et Wallonie.

Un débat doit avoir lieu à ce sujet au sein des commissions réunies.

Un second thème important est celui du patient à domicile. Le gouvernement tendra, dans l'avenir, à augmenter le délai de deux mois mais n'accepte pas la proposition de porter ce délai à quatre mois.

Ici aussi, un débat politique doit avoir lieu.

En ce qui concerne le ticket modérateur, l'intervenante se réjouit des avancées annoncées par le gouvernement. Elle a pris acte de ce que le ticket modérateur serait supprimé pour certains prestataires de soins.

Cependant, la même suppression n'est pas envisagée pour le médecin spécialiste, avec lequel, en principe, le médecin de famille travaille en collaboration (par exemple : l'oncologue).

Ne pourrait-on envisager une prise en charge, par l'INAMI, du ticket modérateur pour le médecin spécialiste ?

Sur ce point également, le plan du gouvernement s'écarte de la proposition cosignée par l'intervenante.

Une question subsidiaire se pose à ce sujet, en ce qui concerne les infirmiers. En principe, le remboursement sera pris en charge par l'INAMI pour les infirmiers, mais ceux-ci insistent sur le problème que constitue la revalorisation de leur profession. Si ce problème dépasse évidemment largement le domaine des soins palliatifs, l'intervenante aimerait apprendre de la ministre de la Santé publique ce qu'elle envisage de faire, dans d'autres projets, pour la revalorisation de cette profession.

La question du forfait devrait aussi faire l'objet d'un débat politique.

Il a beaucoup été question du forfait C.

Le statut de patient palliatif sera accordé aux personnes qui rentrent dans cette catégorie.

L'intervenante a cependant retenu que des patients palliatifs pouvaient ne pas correspondre parfaitement à ce forfait C, et que, si l'on reste dans les créneaux habituels des forfaits A, B et C, certains pourraient relever des forfaits A et B. Le choix catégorique du forfait C pourrait dès lors poser problème.

Le statut du patient palliatif à domicile passe par une réflexion sur la personne qui se trouve à côté du malade.

Ne faudrait-il pas, tout d'abord, prévoir un statut du garde-malade ? On sait qu'il est très difficile d'en trouver, et que la qualité de la personne en question peut varier de celle de bénévole à celle d'infirmière qualifiée. Mais, la plupart du temps, le coût en est très élevé, et la plupart des gens ne peuvent se permettre l'accompagnement par un garde-malade.

Dès lors, plutôt que de jouer sur les forfaits A et B, n'est-ce pas ici l'occasion de réfléchir à une nouvelle catégorie de personnel soignant, qui serait celle des gardes-malades ?

Toutes les propositions de loi parlent du « personnel soignant », ce qui n'est pas un terme légal correspondant à une définition précise.

Une autre question à trancher sur le plan politique est celle du statut du patient palliatif. Qui décide de la définition de celui-ci ?

Jusqu'à présent, et dans les propositions formulées par le gouvernement, c'est le médecin généraliste qui transmet la demande au médecin-conseil de la mutuelle, mais l'intervenante est d'avis que la définition du patient palliatif devrait être plus collégiale.

Dans la proposition cosignée par l'intervenante, il était prévu que le spécialiste avait aussi son mot à dire sur la question, et qu'une concertation devrait avoir lieu entre le médecin généraliste et le médecin spécialiste.

En ce qui concerne les soins à domicile et les équipes de deuxième ligne, l'intervenante a pris note des explications des ministres au sujet du forfait INAMI prévu pour subventionner les équipes par rapport au patient palliatif et à la période pendant laquelle il reçoit des soins, et qui peut aller de 1 à 28 jours.

L'intervenante se demande si fixer un délai de 28 jours de façon aussi générale n'est pas trop abrupt.

Là aussi, la proposition cosignée par l'intervenante divergeait de celle du gouvernement, puisqu'elle tendait davantage à prendre en compte la « durée » réelle des soins palliatifs, qui peut être extrêmement variable.

Une autre question est celle du financement des soins palliatifs. Pour le moment, le système consiste en des conventions passées avec l'INAMI, conventions qui, par définition, ont une durée déterminée et doivent dès lors être renégociées régulièrement.

Pour le secteur, cette situation est difficile, car on se demande toujours si les conventions seront renouvelées ou non.

La question se pose dès lors de savoir s'il ne faudrait pas envisager un système plus structurel. Dans les négociations éventuelles que le gouvernement aurait commencées avec l'INAMI, pourrait-on envisager une telle solution ?

Par ailleurs, l'intervenante se réjouit de la couverture des honoraires et frais par le forfait INAMI tel qu'augmenté pour les équipes de deuxième ligne mais, pour elle et son groupe, cela reste insuffisant.

Le plan parle d'une option d'augmentation en l'an 2002. Cette échéance paraît très lointaine. Le secteur a des exigences assez uniformes : 3 ETP infirmier, une augmentation du nombre d'heures prises en compte par le médecin (de 4 heures à 6 ou 8 heures), et un psychologue mi-temps sembleraient constituer une solution satisfaisante.

En ce qui concerne les soins en dehors du domicile, différents problèmes se posent :

1. Les unités de soins palliatifs : l'intervenante constate que les unités existantes sont de plus en plus occupées à 100 %, mais ne sont remboursées qu'à 80 %, en raison de la loi générale sur les hôpitaux.

La proposition cosignée par l'intervenante prévoit que le prix de journée en unité de soins palliatifs est augmenté pour couvrir essentiellement les actes intellectuels et les heures passées par le personnel de ces unités pour toutes les tâches non médicales (ex. : pour les réunions suscitées par la gestion pluridisciplinaire de telles unités).

La même proposition prévoit d'augmenter les honoraires de surveillance dans les unités de soins palliatifs. Elle est plus radicale, à cet égard, que le plan présenté par les ministres.

Un membre demande si l'intervenante a une idée de ce que coûteraient les propositions qu'elle formule en matière de soins palliatifs.

La précédente intervenante répond qu'elle ne dispose pas d'un chiffre global. Sa proposition mentionne cependant, pour chaque article, par exemple, le nombre d'ETP qu'il représente.

2. La fonction palliative en hôpital : le groupe de l'intervenante souhaite vivement que cette fonction qui, trop souvent, n'existe pas ou manque de moyens, soit élargie. La proposition cosignée par l'intervenante insiste sur le fait que les subsides que doivent recevoir les hôpitaux pour cette fonction palliative devraient être calculés en fonction des besoins réels et de la spécificité de chaque hôpital. Les normes annoncées sont beaucoup trop générales et insuffisantes.

3. Les maisons de repos et les maisons de repos et de soins : sur ce point, le plan du gouvernement paraît extrêmement faible pour ce qui est du financement de l'encadrement et de la formation.

Actuellement, les maisons de repos et les maisons de repos et de soins doivent avoir une fonction de soins palliatifs, mais pas un sou n'est prévu à cet effet.

La proposition cosignée par l'intervenante prévoit ce qu'il faudrait avoir en termes de soins médicaux et infirmiers et de psychologue pour les maisons de repos et les maisons de repos et de soins.

4. Les centres de jour : la proposition cosignée par l'intervenante n'aborde pas ce point; des amendements seront donc déposés pour la compléter.

Depuis un an, et sans doute grâce aux travaux du Sénat, la fonction palliative se développe, y compris sous de nouvelles formes.

La création de centres de jour doit absolument être soutenue, non en tant qu'expérience-pilote, mais comme élément à intégrer dans la loi-cadre qui est proposée.

Un autre membre souligne l'importance d'un vrai dialogue avec les ministres responsables, si l'on veut que le travail parlementaire qui sera accompli, entre autres en matière de soins palliatifs, soit réellement mis en oeuvre, notamment sur le plan budgétaire.

Un premier point concerne la problématique du droit des patients.

Lors de la discussion, un des ministres a fait part de ce qu'un avant-projet de loi du gouvernement existait en matière de droits du patient. L'intervenante aimerait savoir à quel stade en est ce projet, et disposer éventuellement du texte de celui-ci, car cette problématique fait partie intégrante du débat.

En effet, lorsqu'on analyse les différentes propositions de loi déposées et les propos tenus lors des auditions, il apparaît que la question des droits du patient est une question centrale dans le débat.

Le grand mérite de la discussion en cours est que l'on recentre enfin l'accompagnement de fin vie, dans toutes ses dimensions, sur le patient.

Un certain nombre de personnes entendues, et notamment Mme Baum, considéraient que cette approche du problème pouvait être non seulement un point de départ pour appréhender de manière globale et pragmatique la problématique de la fin de vie, mais qu'elle pouvait aussi constituer un point de ralliement pour les différentes propositions.

La question des droits du patient doit donc être discutée ici en profondeur.

Du reste, cette problématique est traitée depuis longtemps au niveau international. Des textes de l'OMS et du Conseil de l'Europe y sont consacrés.

Le président demande si cela signifie que l'intervenante conditionne la discussion d'un texte sur l'euthanasie à l'examen préalable d'un texte sur les droits du patient.

La précédente intervenante répond par la négative. Son propos est simplement de dire que les droits du patient doivent faire partie de la discussion. Il ne pourra d'ailleurs en être autrement puisque, dans certains des textes déposés, il y a des embryons de textes relatifs aux droits du patient (voir notamment le texte rédigé par l'intervenante avec plusieurs collègues).

Un second point concerne les soins palliatifs. Le statut précis du document communiqué par les ministres suscite des questions.

À la page 6 (§§ 1er et 2), les ministres parlent d'une contribution au débat.

Lorsqu'il est question de « contribution », de « concertation avec les communautés », cela semble vouloir dire que les choses sont encore en l'état, et qu'il ne s'agit pas encore de décisions formelles du gouvernement. C'est un plan d'intention, qui contient des éléments certes très intéressants, mais dont l'intervenante voudrait s'assurer qu'ils seront concrétisés.

Il est également important de savoir quelles sont les intentions des communautés et des régions, car il est clair que la mise en ouvre des soins palliatifs est également de leurs compétences, et qu'une harmonisation est nécessaire entre les différentes régions du pays.

L'intervenante se demande par ailleurs quel type de législation il faut prévoir.

Faut-il créer une loi-cadre définissant un certain nombre de principes généraux auxquels les soins palliatifs doivent répondre ?

Faut-il intégrer des dispositions dans les textes relatifs à l'art de guérir ?

Une troisième option serait d'entrer, au risque d'une certaine lourdeur, dans un certain nombre de considérations plus précises, comme le fait la proposition déposée par le PSC. L'inconvénient de cette dernière formule est une plus grande lenteur dans la possibilité d'adapter certaines normes, si cela s'avère nécessaire.

Un deuxième élément important en matière de soins palliatifs est le droit à ces soins, droit que toutes les propositions déposées instituent.

L'intervenante constate avec satisfaction une grande unanimité pour que ces droits puissent être mis en oeuvre quel que soit le cadre où ils s'exercent (hôpital, domicile, maison de repos et de soins, centre de jour, ...).

Une fois encore, au-delà de toutes les bonnes intentions exprimées, les moyens financiers dont on pourra disposer dans l'un ou l'autre lieu conditionneront évidemment le développement concret de ces soins palliatifs.

À cet égard, l'intervenante souhaite poser une série de questions très précises aux ministres (voir infra).

Un troisième point concerne la définition des soins palliatifs. En relisant la note des ministres, et les différentes propositions, l'intervenante constate qu'il existe des définitions différentes des soins palliatifs. Les personnes qui peuvent en bénéficier y sont vues de manière plus ou moins restrictive. Pour les uns, il s'agit uniquement de patients relevant de soins terminaux (cf. la note du gouvernement). Pour d'autres, il s'agit de personnes relevant de pathologies lourdes, mais pas nécessairement en phase terminale. Une définition claire des soins palliatifs s'impose donc.

Par ailleurs, dans les discussions et les auditions, on a soulevé à de multiples reprises des notions très différentes comme soins palliatifs, soins continus et palliatifs, ou soins supportifs (cf. la dénomination de l'unité de soins supportifs de l'hôpital Saint-Pierre, dont on a fêté récemment le dixième anniversaire et où l'on considère que les soins dits palliatifs ne doivent pas se concevoir comme apportant une aide globale aux malades uniquement en phase terminale, mais permettent d'accompagner ces malades, par exemple lorsqu'ils doivent subir des traitements particulièrement lourds).

Dans le même ordre d'idées, la question se pose de savoir qui détermine ceux qui ont droit aux soins palliatifs. Certains éléments de la note du gouvernement et du dispositif financier envisagé ne sont pas neutres à cet égard.

Il faudrait également que l'on indique clairement comment se situe la lutte contre la douleur dans le cadre des soins palliatifs.

Cette lutte doit évidemment être une préoccupation de tout l'hôpital, pour toute pathologie et heureusement, des techniques spécifiques se développent dans tous les domaines.

La lutte contre la douleur doit aussi être l'un des éléments essentiels en matière de soins palliatifs. Comment cela est-il mis en oeuvre dans le cadre du financement, étant entendu que tous les patients en phase terminale ne souffrent pas nécessairement de manière importante.

La réalité du terrain montre que la lutte contre la douleur n'est pas encore bien entrée dans les moeurs, et notamment dans les soins à domicile.

On sait qu'il existe un système de « patchs », mais lorsque la douleur est intense, son contrôle nécessite une présence infirmière rapprochée, pour pouvoir doser les anti-douleurs de façon précise.

À la relecture des auditions des représentants des pharmaciens, et des médecins généralistes, l'intervenante a été frappée par les problèmes rencontrés pour délivrer et se procurer, notamment, de la morphine le soir ou le week-end. Ce volet important du problème concerne les ministres de la Santé publique et des Affaires sociales.

Un autre élément déjà évoqué a trait aux soins à domicile. L'intervenante constate avec satisfaction que la note des ministres insiste sur le développement de l'accompagnement de fin de vie à domicile, essayant de renverser la tendance actuelle pour répondre au souhait d'une majorité de patients.

On sait en outre que les soins à domicile, lorsqu'ils sont possibles, coûtent moins cher à la collectivité que les soins en hôpital.

Néanmoins, si les efforts annoncés paraissent louables en un premier temps, il est certain que, si l'on veut réellement atteindre cet objectif, il reste énormément à faire dans ce secteur, tant en ce qui concerne les malades eux-mêmes que leurs proches.

En outre, à l'heure actuelle, il faut bien constater que beaucoup de personnes âgées vivent seules, spécialement dans les grandes villes.

De plus, il faut tenir compte du déficit chronique de personnel infirmier, en raison notamment des problèmes de rémunération et d'horaire liés à cette fonction.

À Bruxelles, tous les grands hôpitaux se plaignent de cette situation.

Ce problème se rencontre aussi dans les soins à domicile (cf. l'audition du docteur Leroy, qui exposait avoir dû suppléer lui-même à l'absence de garde-malade chez un patient, sans pour autant, bien entendu, répercuter auprès de celui-ci les frais théoriquement liés à ces prestations).

Le législateur ne peut pas ne pas traiter ce problème.

Enfin, l'intervenante aborde la question des maisons de repos et maisons de repos et de soins. Sur papier, ces institutions doivent disposer d'une fonction palliative.

Les équipes de référence ne sont toutefois jamais appelées, parce que personne ne peut financer cette fonction palliative.

Paradoxalement, c'est dans les MRS, où les situations de fin de vie sont les plus fréquentes, que l'approche palliative est la moins développée. Compte tenu du vieillissement de la population, et de la charge financière que tous les aspects de ce vieillissement vont représenter (cf. le fonds pour le vieillissement prévu dans la déclaration du gouvernement), on ne peut se passer de mesures concrètes visant à ce que les dispositions envisagées n'aient pas d'effets négatifs dans le cadre de ce vieillissement de la population.

Un autre membre se réjouit que, comme le montre la discussion, les commissions réunies essaient d'approfondir le débat sur les soins palliatifs, car c'est une garantie que chaque patient qui le souhaite puisse avoir accès à de tels soins. Cela permet de mener un débat plus serein sur l'euthanasie.

L'intervenant rejoint les interrogations et les pistes dégagées par les précédentes oratrices.

La question de la définition du concept de soins palliatifs est importante car, une fois fixé dans la législation, le choix de cette définition aura un effet durable. La définition donnée par la ministre de la Santé publique pourra peut-être être améliorée.

Il y a souvent, dans l'évolution de l'état de santé du patient, une phase de chevauchement entre soins curatifs et soins palliatifs : on peut relever encore des soins curatifs pour certaines affections ou symptômes, et être déjà justiciable de soins supportifs ou palliatifs pour d'autres.

Peut-être, grâce aux travaux des commissions réunies, la conception de l'art médical intégrera-t-elle enfin clairement qu'il ne s'agit pas seulement de l'art de guérir, mais aussi de l'art de soigner.

En ce qui concerne la dénomination elle-même, ne faut-il pas préférer l'expression « soins continus et palliatifs » ?

La précédente intervenante a eu raison d'insister sur le problème des maisons de repos, à propos desquelles il ne faut pas se voiler la face.

Il faudra veiller à ce que les équipes de première et de deuxième ligne qui sont dans le secteur ambulatoire puissent bien intervenir dans les maisons de repos.

Le fait qu'il y ait aussi un regard extérieur constitue une garantie pour les patients résidant dans ces maisons. La maison de repos doit être davantage considérée comme le domicile du patient, et celui-ci doit dès lors, en fin de vie, y bénéficier des mêmes services que celui qui veut mourir à domicile.

C'est donc le généraliste librement choisi, et l'équipe de soins à domicile qui doivent rentrer dans ces maisons, et prévoir en outre une formation spécialisée pour le personnel qui y travaille.

Une intervenante a parlé de divergences de pratiques au nord et au sud du pays. L'intervenant pense qu'il faut être plus nuancé, et parler de diversité de pratiques.

Les textes proposés tant par certains sénateurs que par les ministres sont basés sur une position commune des fédérations pluralistes de soins palliatifs de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles, qui regroupent les pionniers en la matière. C'est là un élément qu'il ne faut pas négliger. Leur expérience doit servir de base à la réflexion du législateur.

En ce qui concerne la place du psychologue, au niveau de l'association ou de la deuxième ligne, beaucoup sont favorables à la seconde solution.

Il est vrai que le besoin existe d'un psychologue qui puisse aller renforcer la première ligne auprès du patient à domicile, auprès des proches du patient, dans la maison de repos, etc.

Mais il est vrai aussi qu'au niveau des associations, le besoin de formation des bénévoles demande également l'aide d'un psychologue.

Il faut aussi un soutien aux thérapeutes et aux acteurs de la santé qui interviennent en première ou en deuxième ligne.

Faut-il rappeler que le fondement essentiel des soins palliatifs repose sur deux piliers indissociables : le traitement efficace de la douleur et des symptômes qui accompagnent la fin de vie et la relation entre le malade, son entourage, les soignants, l'équipe pluridisciplinaire.

Il y a donc un problème d'écoute. Encore trop de personnes croient que la faculté d'écoute est quasi-innée. Or, cela demande une formation extrêmement originale, qui ne relève pas des modes d'enseignement ou de formation habituels, entre autres parce que les soignants qui approchent les patients en fin de vie doivent avoir réglé leurs propres comptes avec leurs angoisses face à la mort.

Il ne faut pas minimiser les conséquences, au niveau des attitudes que l'on adopte, de la pulsion de mort qui est en chacun de nous. Entre autres, quand une personne n'a pu aborder cette question pour elle-même et avec une aide suffisante, il est, dans bien des cas, plus facile pour elle de fuir que d'accompagner un patient en fin de vie.

En ce qui concerne le patient palliatif à domicile, sa reconnaissance en termes de mois constitue une difficulté.

En effet, une fin de vie ne se compte pas en mois, mais en jours. Sinon, on donnera, par exemple, un forfait d'un mois pour quelqu'un qui décédera après cinq jours ou, au contraire, on arrêtera le forfait après deux mois, alors que la personne survivra trois mois.

Quant à l'intervention du médecin généraliste et du médecin spécialiste, l'intervenant estime que si les choses se passent à domicile ou en maison de repos, il faut faire confiance au généraliste pour décider de l'attribution du statut palliatif ­ ce qui peut être contrôlé par le médecin-conseil ­, sans alourdir la procédure par l'intervention d'un médecin spécialiste.

En ce qui concerne les gardes-malades, la question a déjà été abordée par de précédents intervenants.

Enfin, pour ce qui est de l'équipe de deuxième ligne, elle doit pouvoir intervenir 24 heures sur 24.

Avec les 2,6 ETP infirmiers prévus dans le projet, cela paraît impossible.

Un membre souligne que c'est la première fois que l'on offre à son groupe la possibilité de commenter sa proposition relative à l'amélioration des soins palliatifs.

1. Soins palliatifs et éthique de santé

1.0. Pour le groupe de l'intervenante, les soins palliatifs sont essentiels afin de garantir une fin de vie digne. Ils sont liés à l'éthique de la santé à laquelle tous les prestataires de soins doivent réfléchir. L'un et l'autre font l'objet d'un glissement des mentalités. Celui-ci a duré longtemps et doit maintenant être garanti légalement.

1.1. Chaque année, environ 100 000 personnes décèdent. Dans chaque cercle familial comptant environ vingt personnes, on dénombre un décès approximativement tous les cinq ans. Dans un cercle familial plus large (environ 100 personnes), cela représente un décès par an.

Partout où elles sont soignées, des personnes peuvent aussi mourir. Tout le monde s'accorde à dire que l'on doit pouvoir attendre d'une société solidaire qu'elle mette en place les conditions permettant à ses membres de mourir dignement. Pour le groupe du membre, cela se traduit dans une option radicale en faveur des soins palliatifs et de la lutte contre la douleur, et cela doit déboucher sur une reconnaissance du droit à des soins spécifiques en fin de vie.

1.2. C'est pourquoi les soins palliatifs doivent être intégrés dans les soins à domicile, les hôpitaux, les MRS. Et chaque prestataire de soins doit être capable de gérer le processus de perte, de douleur, de décès et de deuil.

Les soins palliatifs font partie des soins de santé basés sur les principes de qualité, de soins adaptés et sur une approche intégrale dans laquelle tous les aspects des soins sont proposés et le patient est considéré comme étant en relation avec son entourage.

Les soins de santé que le groupe entend développer constituent l'expression d'un souci sérieux pour les faibles, les handicapés et les malades.

En raison des développements complexes et rapides de la médecine moderne, il n'est pas toujours simple de déterminer comment on peut concrétiser le mieux possible la valeur fondamentale des soins solidaires. L'individu faible risque parfois d'être la victime de ce manque de clarté.

1.3. À partir de cette conception de base, nous pouvons aussi définir les soins palliatifs comme l'ensemble des soins actifs dispensés aux patients dont la maladie ne réagit plus aux thérapies curatives et pour qui le contrôle de la douleur et d'autres symptômes, ainsi que l'accompagnement psychologique, moral et familial sont essentiels.

Les soins palliatifs ne visent plus à soigner le patient, mais bien à garantir une qualité de vie optimale au malade et à ses proches.

Les soins palliatifs constituent un concept global de soins et d'accompagnement dans lequel :

­ mourir est considéré comme faisant partie d'un processus de vie normal (« pouvoir » mourir tranquillement);

­ le traitement n'a pas pour but de prolonger inutilement l'existence ou de poursuivre un acharnement thérapeutique;

­ la douleur et les autres symptômes sont apaisés;

­ les aspects psychologiques et spirituels sont intégrés dans les soins;

­ le patient est aidé afin qu'il puisse garder une autonomine maximale;

­ les proches font l'objet d'un accompagnement durant la phase terminale et le processus de deuil.

1.4. Parce que les soins palliatifs sont liés à tant d'aspects différents, ils demandent aussi une approche multidisciplinaire. Une collaboration entre les assistants sociaux, les bénévoles, la famille et le patient lui-même est nécessaire.

Il est utile d'exposer brièvement les différents angles d'approche des soins palliatifs.

a) Soins médicaux

1º Traitement de la douleur et lutte contre la douleur

La thérapie palliative n'empêche certainement pas le traitement de la douleur causale. Lorsque celui-ci n'est pas possible ou n'a plus de sens à cause de l'espérance de vie trop courte, on doit tenter de mettre en place un bon traitement symptomatique de la douleur. Grâce à la formation requise des intervenants médicaux et paramédicaux, un important pas en avant peut encore être fait afin de dispenser un meilleur traitement au patient en phase terminale qui nécessite des soins palliatifs, quel que soit l'endroit où il réside (domicile, MRS, hôpital).

2º Autre contrôle des symptômes

Un patient en phase terminale est tourmenté par de nombreux maux.

Les problèmes psychosociaux tels que l'angoisse, la tension motrice, l'hyperactivité autonome, l'insomnie et la panique constituent des problèmes qui apparaissent durant la phase terminale. Des règles standardisées peuvent être édictées mais une approche intensive et personnalisée de ces problèmes est souvent nécessaire.

D'autres symptômes comme les nausées, la dysphagie, la dyspepsie, le hoquet, la cachexie, l'anorexie, la constipation, la retention d'urine, les vertiges, la somnolence et les infections bucales peuvent être évités et réclament, de la part du personnel médical et paramédical, beaucoup d'attention, de compétence et de créativité afin de les contrôler de manière personnelle.

3º Informer le patient et sa famille et élaborer un plan d'accompagnement constituent une mission importante du médecin traitant. La conversation relative à la mauvaise nouvelle « implique la mise en place d'un accompagnement adapté et la rédaction de directives pour les autres prestataires de soins afin de tendre vers un confort maximal et d'éviter de prolonger inutilement la vie.

b) Soins infirmiers

L'infirmier possède une importante fonction de signal vis-à-vis du médecin. Au fur et à mesure que la situation du malade évolue, la priorité passe du traitement médical curatif et palliatif à l'assistance soignante.

Les infirmiers doivent, envers le patient en phase terminale, être particulièrement attentifs aux soins hygiéniques adaptés à l'ensemble du corps ­ en prévenant les escarres ­, à une position confortable, à la mobilité du patient ­ elle doit durer aussi longtemps que possible ­, à l'ingestion de nourriture et de liquide, et à des mesures adaptées à la constipation, la diarrhée et l'incontinence.

À l'hôpital, les infirmiers rechercheront, avec la famille et les autres prestataires de soins, des solutions aux problèmes pratiques et, lorsque c'est souhaitable, ils contribueront à préparer les soins à domicile. L'infirmier à domicile remplit lui aussi une importante fonction de signal vis-à-vis des autres prestataires de soins.

c) Physiothérapie

Cette discipline fait intégralement partie des soins palliatifs et peut veiller au maintien des fonctions et au contrôle des symptômes.

d) Accompagnement psychosocial

Dans le cadre des soins palliatifs, l'attention ne doit pas seulement être consacrée au patient mais aussi à son entourage proche. Celui-ci a parfois besoin d'un soutien mais il peut aussi être activement impliqué dans l'aide, ce qui permettra d'éviter le travail de deuil pathologique ultérieur.

e) Accompagnement pastoral et philosophique

Dans un contexte de soins palliatifs, le patient en phase terminale est toujours confronté à des questions fondamentales relatives au sens de la vie. La diversité de l'offre et la reconnaissance des convictions constituent dès lors une mission à assurer par un accompagnement des mourants bien élaboré. L'assistance spirituelle et philosophique offre un point d'appui au patient et à ses proches.

2. Le paysage palliatif

2.1. Les médecins généralistes, les infirmiers à domicile, les kinésithérapeutes, les aides familiales et les aides-seniors sont confrontés aux soins de patients en phase terminale. Ils tentent de faire de leur mieux à partir de leur discipline et de leur expérience.

Une approche davantage interdisciplinaire, requise pour des soins palliatifs de qualité, peut être offerte et est pour l'instant proposé par le biais des initiatives de collaboration dans le domaine des soins à domicile, des unités de soins palliatifs à domicile et des unités et fonctions palliatives existant dans les hôpitaux.

Au sein des structures de soins à domicile, on peut désigner des médiateurs en matière de soins ayant pour mission d'informer le patient et sa famille au sujet des équipements existants et de continuer un programme de soins adapté. Dans le cadre du plan de soins, on fait appel aux membres de la famille, aux infirmiers à domicile et aux bénévoles.

2.2. Depuis les années quatre-vingt, il existe en Flandre quelques formes d'organisations spécifiques pour les soins palliatifs.

Les rétroactes de la politique de soins palliatifs renvoient à l'arrêté royal du 12 août 1991 (les « expériences Busquin »). Cet arrêté a prévu une subvention INAMI pour les expériences en matière de soins palliatifs. Celles-ci concernaient tout autant les soins palliatifs ambulatoires que les soins palliatifs résidentiels.

En fin de compte, elles ont débouché sur l'ancrage structurel des soins palliatifs dans les diverses structures de soins (domicile, milieu substitutif du domicile et hôpitaux). Du côté de la Communauté flamande, des initiatives ont été prises en vue de l'agrément et de la subsidiation de réseaux palliatifs du premier échelon. L'instauration d'une programmation de 360 lits Sp (les entités palliatives résidentielles) pour l'ensemble de la Belgique (arrêté royal du 30 octobre 1996) constitue un premier pas à l'échelle fédérale.

Une série d'arrêtés royaux du 19 juin 1997 et du 15 juillet 1997 renforcent le cadre fédéral des soins palliatifs :

­ Les associations en matière de soins palliatifs : agrément et subsidiation (forfaitaire) (les équipes d'accompagnement multidisciplinaires);

­ La fonction palliative dans les MRS;

­ La fonction palliative dans les hôpitaux généraux;

­ La fonction palliative pour les unités palliatives résidentielles (service Sp);

­ Les normes d'agrément des services de soins palliatifs dans les hôpitaux généraux.

Sur la base de l'assurance maladie, les soins ont été administrés par les équipes d'accompagnement multidisciplinaires figurant dans la liste des prestations remboursables. On a prévu un remboursement de 100 % des honoraires par l'assurance.

Un bref aperçu de l'organisation actuelle.

a) Les unités de soins palliatifs, qui dispensent des soins en milieu hospitalier dans des « hospices » entièrement séparés des hôpitaux :

­ Les malades en phase terminale qui exigent des soins professionnels permanents;

­ Les patients qui sont temporairement pris en charge afin que leurs symptômes soient contrôlés;

­ Les patients sans cohabitant;

­ Les patients dont la famille n'est temporairement pas à même d'assurer les soins.

b) La fonction palliative ou unité mobile dans les hôpitaux généraux

À l'hôpital, on peut constituer une équipe pluridisciplinaire composée d'experts (un médecin tel qu'un anesthésiste ou un oncologue, un infirmier, un assistant social, un psychologue ou un éducateur social) qui apportent une aide et une assistance psychique, médicale et sociale afin de rencontrer les besoins physiques, psychiques et spirituels des patients durant la phase terminale de leur maladie. Ces spécialistes contribuent également à garantir une certaine qualité de la vie. Cette équipe veille aussi au soutien, à la formation ou à l'information de l'équipe soignante dans l'unité de soins palliatifs. Ces équipes peuvent assurer l'accompagnement direct aussi bien du patient que des soignants de l'unité de soins où le patient est soigné.

c) Les équipes de soins palliatifs à domicile

Ce sont des équipes d'experts qui soutiennent et accompagnent les soignants à domicile professionnels lors de l'administration des soins palliatifs à domicile. Un accompagnement direct du mourant ou de sa famille peut aussi être assuré par les membres de l'équipe spécialisée. Si l'équipe de soins palliatifs dispose d'un nombre suffisant de collaborateurs professionnels, on organise surtout un rôle de coordination dans l'organisation des soins palliatifs, le soutien des soins professionnels à domicile existants et un passage aisé des soins à domicile aux soins hospitaliers. Si l'équipe dispose principalement de bénévoles, sa tâche consiste alors à fournir au patient et à sa famille un soutien moral. Certaines équipes palliatives sont organisées à partir d'un hôpital et assurent simultanément l'accompagnement des soignants à domicile.

d) Les réseaux palliatifs

Depuis l'arrêté du gouvernement flamand du 3 mai 1995 réglant l'agrément et la subsidiation des réseaux palliatifs, on a sérieusement travaillé à la constitution de ces réseaux. Depuis lors, quinze réseaux sont actifs en Flandre. On a également consacré beaucoup de temps et d'attention à la formation interne et à l'organisation d'une intervision de qualité.

L'ASBL Federatie Palliatieve Zorg, également financée par la Communauté flamande, chapeaute les réseaux et leur offre un encadrement, surtout dans le domaine de la formation plus spécialisée. En même temps, la Federatie est l'interlocuteur des pouvoirs publics en vue d'un développement ultérieur des réseaux.

Le niveau d'organisation et le développement des différents réseaux palliatifs sont encore inégaux. Cela est principalement dû au financement. Les réseaux travaillent avec des moyens très différents. Outre le financement par la Communauté flamande via l'arrêté susmentionné, les réseaux palliatifs bénéficient d'un certain nombre de sources de financement incertaines.

Le financement constitue le facteur critique qui bride le fonctionnement des réseaux palliatifs. Ce financement insuffisant découle de la longue absence d'un financement fédéral. À côté des « accord de coopération », des « équipes de soutien » sont prévues. Leur financement fut planifié grâce à des conventions avec l'INAMI qui se sont longtemps fait attendre. C'est pourquoi le gouvernement flamand a pris, en 1997, des mesures afin d'apaiser les besoins financiers criants des réseaux en octroyant à chaque réseau palliatif un montant supplémentaire d'un million de francs. Ces moyens devaient être utilisés afin de préparer et, si possible, de créer déjà les structures dessinées dans les arrêtés fédéraux.

3. Une fin de vie digne : besoin d'une culture des soins palliatifs de qualité

3.1. Pour le parti auquel le membre appartient, le droit aux soins palliatifs constitue un droit fondamental pour chacun et un droit social en application de l'article 23 de la Constitution.

L'attention portée par le pouvoir politique a mené à la structuration du paysage des soins palliatifs en Belgique et en Flandre. Les autorités compétentes s'y sont employées, étape après étape les derniers temps. Il s'agit maintenant d'optimaliser et d'épurer les structures existantes. Cela doit mener à la création d'une culture des soins palliatifs intégrée aux soins à domicile, aux soins dans un milieu substitutif tel que les MRS ou les hospices, et aux soins à l'hôpital.

La proposition de loi déposée par le groupe du membre décrit ce droit aux soins palliatifs comme un droit de base.

Cela suppose bien entendu que le corps médical et le personnel paramédical bénéficient d'une formation suffisante dans le domaine de l'accompagnement des mourants. En Flandre, une initiative législative sera prise afin de rendre cet aspect des soins de santé obligatoire dans les programmes d'études des cycles de formation.

Chacun est d'accord pour affirmer que l'acharnement thérapeutique doit disparaître. La médecine moderne suit de diverses manières le patient en phase terminale. Différents codes sont utilisés. On parle du code 1 (ne pas réanimer), du code 2 (ne plus ajouter une thérapie ou ne plus étendre la thérapie en cours et du code 3 (arrêt progressif de la thérapie). Cela doit être convenu dans l'équipe et en concertation avec le patient et/ou sa famille.

Il faudrait que les décisions relatives à la fin de vie fassent l'objet de plus de clarté et de transparence. Trop de décisions se prennent actuellement sans que le patient ni sa famille ne soient consultés.

Il existe une alternative médicale, la sédation contrôlée : il s'agit d'administrer des calmants et de diminuer de façon bien réfléchie le degré de conscience afin d'éliminer la souffrance. Dans de telles circonstances, la sédation contrôlée est une possibilité de traitement normale.

On a l'intention d'imposer l'utilisation de ces codifications au corps médical en les intégrant au Code de déontologie. Il faut parallèlement régler la question du fondement juridique du Code de déontologie.

3.2. Dans le cadre du droit aux soins palliatifs, les sociaux-démocrates considèrent que les soins palliatifs à domicile sont prioritaires.

3.2.1. Les soins palliatifs à domicile ont été créés afin maintenir le plus longtemps possible le malade en phase terminale dans l'environnement qui lui est familier. On dit parfois qu'ils ramènent la mort dans notre propre environnement, à savoir à la maison, où le mourant est entouré de ses enfants et de ses petits-enfants.

La mort a en effet évolué; d'événement social, elle est devenue une phénomène strictement médico-technique. Il y a un siècle, 90 % des personnes mouraient à domicile et actuellement, 70 % décèdent à l'hôpital.

En cas de soins palliatifs à domicile, il faut assumer des soins palliatifs spécifiques en plus de toutes les activités quotidiennes normales. La famille qui s'occupe de son parent malade est soutenue par les prestataires de soins : médecin traitant, infirmiers, kinésithérapeute ... mais elle reste cependant souvent bien seule.

Le médecin traitant reste bien entendu la figure centrale des soins à domicile. Il fait preuve d'une grande disponibilité et passe même parfois plusieurs fois par jour. L'infirmière à domicile passe aussi souvent plusieurs fois par jour pour les soins corporels, le traitement, etc. Cependant, ses visites sont aussi limitées dans le temps. Il en va de même pour le kinésithérapeute et les autres dispensateurs de soins.

Les soins palliatifs à domicile requièrent donc bien plus que de la seule aide professionnelle. Bien organisés, les soins de l'entourage sont la base des soins palliatifs à domicile. La famille peut cependant parfois avoir besoin de sortir, ou peut avoir besoin de soutien psychologique. Les bénévoles constituent alors un chaînon important et servent souvent d'intermédiaires entre les dispensateurs de soins professionnels et la famille.

On peut faire appel aux équipes palliatives (équipe d'accompagnement multidisciplinaires) pour répondre aux besoins somatiques, psychologiques, sociaux et spirituels des malades en phase terminale et pour soutenir les proches dans l'organisation des soins et l'accompagnement du malade.

3.2.2. C'est ce modèle qu'il faut consolider et étendre. Cela requiert une réorientation des soins à domicile et leur coordination et intégration dans les soins du premier échelon.

De là, découlent trois propositions :

­ Il existe depuis le 1er janvier 2000 un forfait de 19 500 francs pour les soins palliatifs à domicile. Ce forfait est cependant limité à un maximum de deux mois.

­ Les sociaux-démocrates proposent de permettre la prolongation de ce forfait pour soins palliatifs jusqu'à un maximum de six mois alors que le gouvernement ne prévoit que trois mois et ce à partir de 2002 seulement.

­ L'équipe de soins palliatifs à domicile est étendue.

D'une part, on renforce l'implication du médecin traitant du premier échelon. L'équipe palliative de soutien, active dans le cadre des relations de coopération en matière de soins palliatifs à domicile, doit désormais pouvoir faire appel 8 heures par semaine à un médecin traitant ayant une formation ou une expérience spécifique en soins palliatifs. Cela représente un doublement par rapport à la situation actuelle.

D'autre part, on prévoit le soutien de l'équipe par un médecin spécialiste en algologie et par un infirmier spécialisé dans la lutte contre la douleur. Cela aussi doit contribuer à améliorer le traitement et l'accompagnement du patient.

Il faut un financement qui couvre réellement les coûts des équipes multidisciplinaires d'accompagnement des soins à domicile. Le financement actuel ne couvre pas les frais réels et indemnise insuffisamment la nécessaire multidisciplinarité. L'extension de l'équipe de soins palliatifs se traduit aussi par une extension de la subsidiation.

Selon les premiers calculs, le forfait passerait de 1 250 000 francs à 3 780 000 francs, à savoir 500 000 francs pour le soutien supplémentaire du médecin traitant, 280 000 francs pour l'intervention du médecin-spécialiste en algologie et 1 750 000 francs pour l'intégration de l'infirmier spécialisé dans la lutte contre la douleur.

3.3. Les soins palliatifs dans les institutions de soins aux personnes âgées doivent être développés notament par un financement adéquat.

3.3.1. Compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie, les personnes âgées vont en maison de repos (MR) ou en maison de repos et de soins (MRS) à un âge de plus en plus élevé. Quand elles y entrent, elles requièrent déjà plus de soins. Les personnes âgées qui vont y vivre, y meurent aussi de sorte que le nombre de décès dans ces institutions résidentielles est en augmentation.

Il ressort de l'évolution des chiffres qu'il y a dix ans, 25 % environ des personnes âgées mouraient en maisons de repos contre 75 % à l'hôpital. Aujourd'hui, la proportion est inversée.

Toutes les personnes âgées qui meurent en maison de repos ne sont pas des patients palliatifs. Pour ceux qui y meurent après une phase palliative, il importe qu'une culture des soins palliatifs y existe, qui crée un espace pour la mort et le deuil, l'adieu aux autres pensionnaires et à la famille, pour le soutien individuel, le refus de tout acharnement thérapeutique et de toute médicalisation superflue, pour un traitement adéquat de la douleur. Les soins aux mourants sont un élément important de la qualité des soins dans une institution destinée aux personnes âgées.

Mais cette conviction n'est pas encore partagée par tous, en dépit du vieillissement croissant. Dans les maisons de repos et de soins en Flandre, 1/3 environ des personnes âgées souffrent de démence. On peut aussi considérer comme palliative la dernière tranche de vie qu'elles y passent. La démence n'est plus curable. Il s'agit de personnes qui reçoivent des soins à tendance palliative ou mieux, des soins axés sur l'amélioration de leur confort de vie.

Et pourtant beaucoup considèrent ­ certes à tort ­ que mourir dans une MRS est bien plus normal qu'à l'hôpital ou dans une unité de soins palliatifs.

Il ne faut donc pas s'étonner que de plus en plus d'acteurs du secteur des soins palliatifs demandent qu'on étende le concept « palliatifs », que les MRS bénéficient des mêmes avantages que les hôpitaux, les équipes à domicile ou les hospices et qu'on ne lie pas les soins palliatifs à un délai ­ comme c'est le cas dans la pratique aujourd'hui. Les soins palliatifs ne peuvent être synonymes de soins « terminaux » mais devraient introduire une nouvelle culture de soins basée sur l'empathie et intégrée aux soins de santé.

3.3.2. Les soins palliatifs ont aussi leur place dans les MRS, tout comme dans les hôpitaux, à domicile ou dans tout autre contexte de soins. Et l'appui des pouvoirs publics aux MRS se fait attendre.

Cette situation ne peut durer, les chiffres le montrent.

Il y a 877 MRS en Flandre. En 2000, la Flandre comptera 1 310 798 personnes âgées dont une bonne partie atteintes de démence. La Fédération des soins palliatifs dit que les soins palliatifs se trouveront fort démunis.

Le parti auquel appartient la sénatrice estime qu'en matière de soins de santé, il faudra déplacer l'accent du curatif, « cure », à la sollicitude affectueuse « core », en passant par les soins, « care ». Certes, il existe des moyens techniques, mais les personnes demanderont toujours aussi du temps, de l'attention, de la chaleur, de la confiance et de la sécurité. Les personnes veulent participer à la réflexion sur et à la définition de ce qu'est pour eux la qualité de la vie. C'est un élément que nous ne devons pas perdre de vue, non seulement dans les soins palliatifs mais, de manière plus générale, dans les soins de santé dans notre pays.

Propositions :

a) Pour les maisons de repos et de soins, la fonction palliative n'est actuellement régie qu'en ce qui concerne les normes d'agrément, mais aucun financement n'est prévu. La proposition de loi prévoit 1 équivalent temps plein d'infirmier pour 100 lits MRS à fonction palliative.

Le renforcement du cadre dans les maisons de repos sera compensé par une diminution des hospitalisations qui coûtent plus cher à la communauté.

b) La fonction palliative est aussi prévue dans les MSP via les normes d'agrément et le financement.

3.4. Les soins palliatifs dans les hôpitaux doivent être étendus et soutenus.

3.4.1. Dans les hôpitaux, on porte déjà une grande attention à la culture liée aux soins palliatifs.

Les soins palliatifs constituent une « mission-clé » dans l'abandon de l'acharnement thérapeutique qui caractérise le milieu de soins médico-technique curatif. En dépit de la priorité accordée aux soins palliatifs à domicile, il est impossible pour de nombreux patients de mourir à la maison, en raison d'un déclin trop rapide, du manque de clarté sur l'évolution de leur maladie ou du manque de possibilités de soins de l'entourage et du manque de soutien aux soins à domicile. Ces personnes doivent pouvoir mourir à l'hôpital dans des conditions compatibles avec la dignité humaine.

Il faut s'atteler à l'offre de soins paramédicaux et médicaux spécialisés pour les mourants. Il faut qu'une place suffisante soit réservée aux soins palliatifs dans la formation et le recyclage des médecins.

3.4.2. Il est un fait que de plus en plus de gens s'intéressent aux soins palliatifs, quelle que soit leur forme. Ils méritent encouragement et appui. C'est précisément pour cela que leurs témoignages sont d'une grande importance.

Il est primordial que les médecins ne proposent pas l'euthanasie là où de bons soins continus suffisent.

Il ne faut cependant pas perdre de vue le contexte hospitalier actuel : les dispensateurs de soins souffrent d'un manque criant de moyens pour humaniser la fin de vie. Le manque de formation spécifique laisse aussi les médecins et le personnel hospitalier bien démunis face aux cas incurables. Dans le cadre de productivité actuel, ils n'ont plus le temps d'écouter un patient désarmé, d'être là pour lui et de lui dispenser des soins à un rythme adapté.

Le deuxième point porte sur le souci de voir la proposition de loi favoriser l'intégration dans les pratiques médicales d'une éthique du dialogue où le patient est l'élément central.

La concertation est l'élément essentiel pour toute décision qui a des implications éthiques pour les patients qui disposent de leur autonomie morale. Mais il faut aussi fixer des limites. Il faut se prémunir contre le danger qui consiste à en arriver à des actes émotionnels ou à des interprétations trop personnelles de ce que dit le patient.

Le dialogue avec la famille et les dispensateurs de soins, éventuellement élargi aux personnes qui peuvent donner des conseils sur les questions éthiques, est aussi précieux.

Une telle éthique du dialogue est nécessaire :

­ Elle stimule le diagnostic du problème éthique : la situation personnelle du patient est vue comme à travers un prisme. En effet, les dilemmes éthiques du patient sont marqués par la complexité inhérente à la souffrance globale du patient.

­ Elle confronte les diverses convictions et permet au patient d'échapper à la subjectivité d'un seul dispensateur de soins qui a sa propre vision des choses et son propre système de valeurs.

­ Elle incite chacun à étayer sa position, à éliminer les obstacles et à trouver d'autres solutions.

­ En se concertant, on trouve la solution la plus appropriée.

En effet, le drame de la fin de vie ne touche pas seulement le patient et son médecin mais aussi sa proche famille et les dispensateurs de soins.

Pour que cette concertation porte vraiment ses fruits, elle doit s'inscrire dans un cadre interdisciplinaire où le patient est central. Cette approche n'est pas compatible avec la pluridisciplinarité qui règne actuellement dans les hôpitaux où les divers spécialistes donnent chacun leur avis, ce qui peut susciter le désarroi chez le malade.

3.4.3. Pour que le malade puisse réellement exercer son autonomie, le prestataire de soins, qui possède le savoir médical, doit clairement exprimer, dans sa relation avec le patient, qu'il est prêt à l'écouter, à entamer un dialogue avec lui et à le respecter.

Cela relève d'un des droits fondamentaux des patients.

Actuellement, les soins dispensés aux patients dont le décès est proche comportent bien souvent peu d'aspects humains : peu ou pas de contact avec le médecin et le patient, peu ou pas de concertation, peu ou pas d'informations, traitements impersonnels, considérés comme des actes techniques ou de l'acharnement thérapeutique.

La véritable démocratisation du droit à l'autodétermination repose donc sur la démocratisation de l'autorité médicale.

Pour cette raison, le groupe de l'orateur veut élaborer un règlement sur les droits généraux des patients afin d'empêcher que les décisions médicales soient prises sans concertation avec eux. La base est une règle impliquant un consentement éclairé.

Le principe de ce « consentement éclairé » est explicitement inscrit comme principe de base dans la convention pour la protection des droits de l'homme et la bioéthique.

Le consentement éclairé vaut également pour la personne mourante. Les mourants méritent tous les soins et le respect.

Ce point est aussi explicitement confirmé dans des résolutions et recommandations du Conseil de l'Europe. Les États membres sont priés de prendre des mesures dans leur droit national afin d'offrir aux malades incurables et aux mourants la protection juridique et sociale nécessaire et de garantir leur dignité. La personne mourante est en effet une personne faible par excellence. Ce respect se traduit par le souci d'un environnement agréable permettant à la personne de mourir dans la dignité.

Sur la base de ces préoccupations, les démocrates chrétiens demandent plusieurs choses :

a) Les montants actuellement prévus pour la fonction palliative dans les hôpitaux ­ cette fonction étant obligatoire dans tout hôpital ­ sont insuffisants. C'est pourquoi un financement plus adéquat est proposé par analogie à celui pratiqué pour le spécialiste en hygiène hospitalière.

b) L'interdiction absolue de suppléments d'honoraires quand on entre en Sp-soins palliatifs doit être inscrite dans la loi.

c) Pour qu'une fonction palliative soit reconnue dans un hôpital, il doit y avoir une collaboration étroite avec la fonction de lutte contre la douleur au sein de l'hôpital. Elle est assurée par un médecin spécialiste en algologie et un infirmier de la douleur qui a pour mission de réaliser le nécessaire changement des mentalités et se porte garant d'une formation continue et de la coordination des différents départements concernés dans chaque hôpital.

L'introduction de la fonction de la douleur dans chaque hôpital fait l'objet d'une proposition de loi particulière, dans laquelle est également inscrit le droit au traitement et à la lutte contre la douleur pour chaque patient.

Un autre membre pense que la discussion fait apparaître une différence entre, d'une part, l'euthanasie en tant que débat éthique dans l'ensemble des droits des patients et, d'autre part, les soins palliatifs comme problème budgétaire dans l'ensemble de l'économie de la santé.

Dans la discussion actuelle, on accorde trop peu d'attention à l'accompagnement de tous les patients à chaque niveau. De nombreux patients, surtout ceux qui souffrent d'un cancer, sont confrontés au diagnostic de la maladie, qui peut être chronique ou même incurable. Dans ce cas, il faut voir bien plus loin que le simple traitement de cette maladie. Mais quand la guérison est encore possible, un accompagnement est aussi nécessaire. Dans le débat actuellement en cours au Sénat, on n'aborde malheureusement que les soins palliatifs, l'accompagnement des mourants. Le mérite du gouvernement actuel est de prendre en compte un accompagnement global des patients.

Dans les différentes structures et dans les budgets, il faut faire une distinction entre l'accompagnement des patients en général et la clinique de la douleur. À côté des patients en phase terminale qui se retrouvent en soins palliatifs, d'autres sont atteints de maladies chroniques et endurent des souffrances insupportables. On fait trop peu pour ces derniers. En Belgique, 30 000 personnes décèdent chaque année d'un cancer. Deux tiers d'entre elles meurent dans la souffrance. De plus, toujours dans notre pays, entre 500 000 et 1 000 000 de personnes ayant encore une longue espérance de vie souffrent de douleurs chroniques qui ne peuvent être atténuées. Leur problème budgétaire est encore plus important que pour les patients en phase terminale.

La lutte contre la douleur pour ces deux catégories de patients ne peut en outre pas être pratiquée par les mêmes médecins. Il s'agit en effet de deux formations différentes. Le risque existe que l'on place quelqu'un atteint d'une maladie chronique et qui souffre dans une unité de soins palliatifs pour des raisons budgétaires. Dans les cliniques de la douleur, le savoir ne s'applique pas uniquement aux patients en phase terminale, il va bien au-delà. Pour cette dernière catégorie de patients, on fait d'ailleurs trop peu appel à des spécialistes de la douleur.

Un sénateur renvoie à sa proposition de loi relative aux droits des patients. Les débats qui ont été menés au Sénat font en effet apparaître une grande lacune en la matière. Une lecture approfondie des propositions de quelques membres concernant la fin de vie fait apparaître qu'au fond, les auteurs demandent que le patient soit mieux informé et participe davantage.

L'orateur a déjà constaté plusieurs fois sur le terrain un manque flagrant d'information de la part du monde médical à l'égard du patient. Les médecins font preuve de carence dans ce domaine. La culture qui prévaut actuellement doit être adaptée. La proposition de loi de l'orateur est aussi bien relative à l'information du patient qu'à un droit de codécision dans le traitement planifié.

Ces éléments entrent en ligne de compte dans toute une série de propositions déposées dans le cadre du débat sur l'euthanasie, mais ce n'est pas une bonne chose. La proposition de loi sur l'euthanasie doit effectivement traiter de l'euthanasie mais il faut garder à l'esprit qu'une loi relative aux droits des patients est en voie d'élaboration. Les deux choses ne peuvent être confondues.

L'orateur demande également que l'on entame aussi rapidement que possible la discussion sur sa proposition de loi relative aux droits des patients, qui est du reste partiellement basée sur le projet que le ministre de l'époque, M. Colla, avait déposé sous la précédente législature. Il est urgent de prendre une décision sur l'endroit et le moment où l'on abordera cette problématique. Cela peut se faire au sein des commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales, mais l'orateur peut aussi marquer son accord pour discuter des droits des patients en commission des Affaires sociales.

L'avantage de cette deuxième possibilité est que les discussions puissent se dérouler parallèlement : l'euthanasie sera traitée en commissions réunies et les droits des patients en commission des Affaires sociales.

On se réfère aux discussions qui ont eu lieu en commission des Affaires sociales où diverses propositions sur les droits des patients ont déjà été inscrites à l'ordre du jour. Cette commission a proposé que les commissions réunies prennent une décision en ce qui concerne le traitement ultérieur de ces propositions. Il y a des arguments valables pour chaque option.

Un membre rappelle qu'une échéance précise doit être prise en considération, à savoir celle de la fin des travaux relatifs à l'euthanasie. À cet égard, les commissions réunies s'étaient mises d'accord, avant la fin de la précédente session parlementaire, sur le fait de clôturer ces travaux avant Noël.

Il faut apprécier si, en fonction de ce qui s'est passé depuis lors, ce calendrier peut être maintenu.

Il ne faudrait pas élargir le débat à d'autres matières, aussi complémentaires soient-elles par rapport à celle de l'euthanasie.

Cela paraîtrait assez inexplicable, notamment, aux yeux de l'opinion publique.

En outre, il est tout à fait envisageable que la commission des Affaires sociales traite de ces autres matières, ses membres continuant par ailleurs à suivre les travaux des commissions réunies en matière d'euthanasie.

Un autre membre souligne que la question préalable est de savoir si la discussion des textes concernant les droits du patient conditionne le traitement de ceux relatifs à l'euthanasie.

Il est fait observer que la question technique de savoir quelle commission traitera des droits du patient aura une répercussion immédiate sur le fond du problème.

Une membre renvoie à sa précédente intervention, où elle entendait montrer que les droits du patient, en tout cas au sens de l'information et du consentement, faisaient intimement partie d'une proposition relative à la fin de vie.

Beaucoup de témoins ont souligné qu'un bon dialogue entre le médecin et le patient n'était possible que si, au départ, le patient était correctement informé de sa pathologie et du déroulement de celle-ci.

Ils ont également souligné que le fait que des actes médicaux ne soient pas posés sans le consentement du patient constituait une garantie importante pour ce dernier.

Ces deux éléments, information et consentement, sont centraux aux yeux de l'intervenante, et sont le fondement même d'un dialogue d'égal à égal, autant que faire se peut, entre le patient et son médecin.

Cette question doit donc être traitée ici, par les commissions réunies.

Un membre est d'avis que les droits du patient ne sont pas dissociables de la problématique de l'euthanasie. Ce n'est pas pour cela que tout le projet sur les droits du patient doit être réglé ici.

Il faut cependant veiller à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre les différents textes qui traiteraient de ces sujets.

Un autre membre souligne qu'avec la problématique des droits du patient, on sort de l'ordre du jour. Il s'agit en effet d'un sujet beaucoup plus général, qui concerne tous les patients et qui dépasse la fin de vie, même s'il y trouve des applications importantes.

Cette discussion, certes très intéressante, ne peut donc avoir lieu qu'après celle qui est actuellement en cours au sujet des propositions figurant à l'ordre du jour.

3. Audition de Mme Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, et de M. Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions

La ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement souhaite apporter les précisions demandées par les sénateurs sur les propositions du gouvernement relatives aux soins palliatifs et expliquer la position du gouvernement à l'égard de différentes propositions de loi qui ont été déposées au Sénat sur cette matière. La ministre fait remarquer que la plupart des propositions déposées au Sénat ont pour base le droit à l'autodétermination et le droit à une information complète sur son propre état de santé. Le principe du droit aux soins palliatifs et à l'euthanasie a été formulé sur cette base.

Le projet de loi relative aux droits des patients que la ministre a préparé et qu'elle déposera dans les tout prochains jours fixera et explicitera les droits du patient dans un cadre plus large que celui des soins palliatifs.

Cet avant-projet de loi pose comme premier principe que chaque patient, sans aucune distinction sur quelque base que ce soit, a droit, de la part de la personne soignante, à des soins de qualité qui répondent à ses besoins et qui correspondent aux normes en vigueur, dans le respect de sa dignité humaine et de son droit à l'autodétermination.

En outre, on instaure le principe selon lequel le patient a le droit de recevoir de la part de la personne qui le soigne toutes les informations le concernant, nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution. L'information a aussi trait au but, à la nature, à l'urgence, à la fréquence, aux risques importants pour le patient, aux contre-indications et aux effets secondaires du traitement. Elle concerne en outre les conséquences possibles en cas de refus de consentement, les aspects financiers, les alternatives possibles et les autres précisions importantes souhaitées par le patient ou le prestataire de soins; elle doit être fournie préalablement et à temps. La communication avec le patient doit se faire dans un langage clair et compréhensible, la loi linguistique doit être respectée. Le cas échéant, le patient a aussi le droit de recevoir ces informations par écrit.

L'avant-projet traite évidemment aussi du droit au consentement éclairé. Le patient a notamment le droit, en étant informé, de donner préalablement et librement son consentement à tout acte d'un dispensateur de soins. Le consentement est donné de façon explicite, sauf lorsque le dispensateur de soins, après avoir suffisamment informé le patient, peut raisonnablement déduire ce consentement du comportement du patient. Ce dernier a le droit de refuser ledit consentement ou de le retirer sans que l'on puisse mettre fin aux soins hygiéniques indispensables. Sauf si le patient l'exprime de façon expresse, le refus ou la révocation n'a pas pour conséquence de mettre fin aux droits garantis à l'article 4. Le cas échéant, on essaie de proposer une prestation ou une orientation auxquelles le patient peut acquiescer.

Enfin, le patient a encore droit à une tenue à jour rigoureuse de son dossier, à la désignation d'une personne de confiance et au respect de son refus de consentir à un acte bien défini, lorsque ce refus s'est fait par écrit quand il était en état de juger raisonnablement de ses intérêts.

Le droit à la médiation de plainte et les droits des personnes incapables d'exprimer leur volonté ne sont pas oubliés dans le projet.

Ils sont garantis par le projet du gouvernement et les propositions faites par les sénateurs y font explicitement ou implicitement référence. Il s'agit concrètement de quatre propositions de loi et d'une proposition de résolution.

Se référant à la proposition de loi relative aux soins palliatifs de Mmes Vanlerberghe, Nagy, De Roeck, Leduc et de MM. Mahoux et Monfils (doc. Sénat, nº 2-246/1), le ministre fait remarquer qu'elle se limite à l'attribution de quelques droits généraux, comme le droit à l'accès aux soins palliatifs et à l'information correcte et complète sur l'état de santé. On fait immédiatement le lien avec le dossier relatif aux droits des patients. Ce dernier est beaucoup plus étendu que les droits aux soins palliatifs, qui en font incontestablement partie. La proposition formule aussi une définition adaptée de la médecine, qui peut être non seulement curative ou préventive, mais également palliative. Un plan fédéral relatif aux soins palliatifs est également annoncé.

Le ministre estime que la proposition de loi nº 2-246/1 contient des définitions et des dispositions qui trouveraient mieux leur place dans une proposition globale en matière de droits des patients. De plus, la redéfinition de la médecine ne tient pas compte des situations sur le terrain. Les trois dimensions ­ préventive, curative et palliative ­ sont dispersées. La notion de « soins » est d'ailleurs beaucoup plus vaste que l'administration de soins palliatifs, qui n'est nécessaire que pour les patients en phase terminale.

Par ailleurs, cette proposition permet au pouvoir exécutif de prendre ses responsabilités en établissant le plan fédéral en matière de soins palliatifs. En effet, les autres propositions sont tellement détaillées que les corrections indispensables, qui doivent souvent être apportées rapidement, sont retardées à cause des modifications de loi nécessaires.

La proposition de résolution relative au développement d'un plan de soins palliatifs axé sur les besoins du patient de Mme Van Riet et consorts (doc. Sénat, nº 2-106/1) est partiellement dépassée parce que le gouvernement y a déjà répondu concrètement avec le plan palliatif. Beaucoup d'aspects ont déjà été réalisés ou sont en préparation. Les normes de qualité, dont question dans la résolution, sont déjà prises en compte dans la pratique avec les critères de formation, d'éducation, etc. La prise en charge des soins palliatifs et de la lutte contre la douleur dans les services palliatifs relève de la compétence des communautés. Une concertation a lieu actuellement au sein d'un groupe intercabinets avec des représentants des autorités fédérales et communautaires.

De meilleures collaborations et leur financement font partie du plan palliatif du gouvernement fédéral. Cela s'applique également aux soins palliatifs à domicile, dans les maisons de repos, les MRS et les hôpitaux. Le plan palliatif prévoit également des expériences dans les centres de jour. On peut donc affirmer qu'une grande partie de la résolution est déjà mise en oeuvre sur le terrain.

Le ministre considère que les premiers articles de la proposition de loi visant à garantir le droit de chacun d'accéder aux soins palliatifs et fixant le cadre de la pratique des soins palliatifs de Mme Nyssens et consorts (doc. Sénat, nº 2-249/1) sont davantage des déclarations d'intentions que de véritables règles de droit. Pour les modalités d'exécution des soins palliatifs, on se réfère à une loi distincte, ce qui a pour conséquence que chaque adaptation doit s'effectuer par une loi.

De plus, la loi sur l'assurance maladie devient encore un peu plus obscure, ce qu'il faut précisément éviter. Cette option ne semble dès lors pas très judicieuse, d'autant qu'au plan budgétaire, on a repris la norme rigide actuelle. Le plan palliatif du gouvernement fédéral traite cette question d'une manière beaucoup plus souple.

Quant à la proposition de loi visant à instaurer le droit aux soins palliatifs et à améliorer la pratique des soins palliatifs de Mme Van Kessel et consorts (doc. Sénat, nº 2-402/1), le ministre constate que les soins palliatifs sont définis d'une manière très large. En effet, selon cette définition, il s'agit de « l'ensemble des soins actifs apportés aux patients dont la maladie ne réagit plus à des thérapies curatives, etc. ». Cela va beaucoup plus loin que les seuls soins terminaux. La définition risque par conséquent d'être dénuée de sens, car chacun peut un jour avoir une maladie ne nécessitant plus de soins, mais un soutien.

De plus, il n'est pas indiqué que la lutte contre la douleur, dans le sens large de l'expression, soit reprise dans la définition des soins palliatifs. Beaucoup de malades ont besoin d'un contrôle de la douleur sans se trouver dans une phase terminale. Ils ne doivent pas se tourner ver les soins palliatifs.

En outre, la définition étendue des soins palliatifs est limitée par les auteurs eux-mêmes, par exemple pour le forfait des soins palliatifs à domicile, où on reprend purement et simplement les critères existants. Une modification importante supprime l'espérance de vie dans les trois mois et la remplace par un forfait maximum de six mois. Le ministre propose d'évaluer la réglementation existante avant de l'étendre.

La proposition de loi du sénateur Mahoux et consorts met l'accent sur la clinique de la douleur qui doit exister dans chaque hôpital. Le ministre fait remarquer que les hôpitaux ont des tailles différentes et que pour beaucoup d'entre eux, l'obligation de créer une clinique de la douleur séparée serait une lourde charge. La lutte contre la douleur est d'ailleurs nécessaire pour beaucoup de maladies et n'est pas exclusivement réservée aux soins palliatifs. La multidisciplinarité est en l'occurrence de la plus grande importance. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de s'occuper immédiatement de la présente proposition de loi.

M. Vandenbroucke (ministre des Affaires sociales et des Pensions) remercie les membres des commissions réunies pour le signal qu'ils ont donné avec leurs propositions de loi ou de résolution concernant l'accompagnement des mourants. Le Sénat joue ici un rôle de locomotive et soutient les deux ministres dans la discussion qui se déroule au sein du gouvernement à propos de l'accompagnement des mourants, entre autres en ce qui concerne les aspects budgétaires. C'est pourquoi le plan palliatif des deux ministres est intégralement accepté par le gouvernement fédéral et sera inclus dans un accord de coopération avec les communautés.

En outre, il faut préciser qu'alors que le budget 2001 ne prévoit qu'un montant supplémentaire de 900 millions de francs pour l'accompagnement des mourants, la note des deux ministres mentionne 1,7 milliard de francs. Toutes les initiatives ne pourront donc pas être mises en oeuvre au début de l'année 2001. Pour des raisons techniques et administratives, certaines mesures n'entreront en vigueur que le 1er mars ou le 1er avril 2001.

Ce que le gouvernement fera en pratique correspond en grande partie à ce qui figure dans les différentes propositions de loi. Sur certain points, le plan du gouvernement va même plus loin.

Un problème général se pose avec les propostions déposées au Sénat, à savoir qu'on veut régler par la loi ce qui doit normalement être réglé par arrêté royal ou ministériel, voire par une convention (par exemple une convention de revalidation conclue entre l'INAMI et une équipe d'accompagnement). L'avantage de telles techniques est leur flexibilité. Ainsi, lorsqu'on assouplit le fonctionnement et le financement des équipes d'accompagnement, comme ce fut le cas récemment, cela peut se faire très rapidement, précisément parce que cela n'exige aucune modification de loi. Il n'est pas indiqué d'instaurer trop d'éléments dans des textes de loi. Le Parlement doit clairement indiquer la direction et fixer les grands cadres et principes, mais ne doit pas régler de telles matières en détail.

Le ministre signale également que les propositions de loi règlent une série de matières qui sont déjà réglées par ailleurs, par exemple dans la loi sur l'assurance maladie obligatoire. On risque d'aboutir à une législation encore plus compliquée, dans laquelle une loi distincte est élaborée pour chaque problème spécifique ou chaque maladie. De plus, les diverses propositions de loi confondent souvent lutte contre la douleur et soins palliatifs.

En ce qui concerne la proposition de résolution relative au développement d'un plan de soins palliatifs axé sur les besoins du patient de Mme Van Riet et consorts (doc. Sénat, nº 2-106/1), le ministre se réfère à la conférence interministérielle qui aura lieu le 25 octobre 2000. Comme demandé dans la résolution, le plan du gouvernement sera axé sur les besoins du patient. L'enregistrement des patients palliatifs permettra de mieux évaluer les besoins. À ce propos, les rencontres nécessaires avec les gouvernements des communautés seront organisées.

Les critères de diplômes et de formation prévus dans les conventions avec les équipes permettront d'atteindre les normes de qualité exigées dans la résolution. L'idée d'un personnel spécifiquement formé sera encore mieux concrétisée par l'instauration de la fonction palliative dans les maisons de repos et les hôpitaux.

Comme le propose la résolution, le soutien renforcé et le développement des associations et des équipes permettront d'éviter les lacunes. Quant à la liaison des subsides aux contrôles ­ un objectif d'ailleurs assez imprécis ­ le ministre estime qu'elle nécessite une réforme de l'État, ce qui n'est pas à l'ordre du jour. Les conditions requises par l'INAMI pour la subvention des équipes ont été assouplies en prévoyant une amélioration du financement dès que l'on couvre un terrain d'au moins 200 000 personnes en fonction du nombre de patients et, surtout, en offrant un plus large éventail de choix entre psychologes, kinésithérapeutes et assistants sociaux. Cela permet aussi de répondre aux attentes concernant la fonction psychosociale.

Pour les soins palliatifs à domicile, le gouvernement rencontre doublement les objectifs de la résolution, parce les patients qui entrent en ligne de compte pour le forfait palliatif ont également automatiquement droit à ce qu'on appelle le « forfait C ». De plus, ces personnes obtiennent une consultation gratuite du médecin généraliste.

Pour ce qui est de la fonction palliative dans les maisons de repos et les hôpitaux, le ministre renvoie à l'exposé technique fait par les collaborateurs de cabinet.

Quant à la création équilibrée de lits palliatifs, le ministre fait remarquer qu'il n'y aura pas d'accroissement du nombre de lits SP mais que leur encadrement médical et paramédical sera renforcé. Il s'agit en l'occurrence des honoraires de surveillance qui couvrent la période allant du premier jour jusqu'au 28e, le premier jour étant celui à partir duquel le patient occupe effectivement le lit SP. L'encadrement des lits SP est également amélioré, passant de 1,25 à 1,50 équivalent temps plein.

Enfin, à titre d'expérience, les centres de jour seront subsidiés.

Concernant la proposition de loi de Mme Nyssens et consorts (doc. Sénat, nº 2-249/1), le ministre observe que la loi règle de nombreux points qui devraient plutôt figurer dans les arrêtés d'exécution. Ainsi, cette proposition maintient le système rigide en cascade selon lequel un territoire doit atteindre 600 000 habitants pour qu'un élargissement du cadre soit possible. Quant aux équipes, elles doivent compter au moins 150 patients, être subsidiées et obtenir également un élargissement du cadre. Selon les estimations de l'INAMI, c'est un recul par rapport à la situation actuelle. Quant à l'accroissement du forfait pour les soins à domicile, le ministre juge préférable de mettre d'abord en oeuvre la réglementation existante, relativement récente et dont il convient d'évaluer l'impact budgétaire.

Le ministre se rallie à la remarque de la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement, selon laquelle la définition des soins palliatifs est trop vaste dans la proposition de Mme van Kessel et consorts (doc. Sénat, nº 2-402/1). L'arrêté royal sur la base duquel le forfait palliatif est octroyé donne une meilleure description du patient palliatif. Un autre problème concerne la fonction palliative dans les maisons de repos, pour laquelle on prévoit un équivalent temps plein pour 100 lits. Le plan palliatif du gouvernement fédéral prévoit toutefois un forfait par institution à partir de 60 lits. Celles qui se situent en dessous de cette limite doivent faire appel aux associations. Les institutions concernées doivent pouvoir décider librement de l'utilisation de ce forfait.

En résumé, le ministre considère que le plan palliatif du gouvernement répond en grande partie aux objectifs mis en évidence dans les diverses propositions et qu'il va parfois même au-delà. Il est toutefois préférable de ne fixer que les grands principes et les lignes de force dans un cadre légal, et de laisser au gouvernement le soin d'en préciser les modalités d'exécution. Le ministre est demandeur d'une évaluation régulière des progrès enregistrés sur le terrain, devant les commissions réunies. Le gouvernement prépare simultanément un projet de loi relative aux droits des patients.

Un membre remercie les ministres pour leur réponse. Il dit avoir apprécié que la ministre de la Santé publique lie immédiatement le débat à celui relatif aux droits des patients.

Par ailleurs, des mesures de santé générales, comme par exemple l'intention de revaloriser l'acte intellectuel, auront aussi des effets positifs sur les soins palliatifs.

L'augmentation du budget annoncée est également une très bonne chose.

L'intervenant déduit de l'exposé des ministres que la proposition de loi nº 2-246/1 de Mme Vanlerberghe et consorts ne présente pas de contradiction avec les intentions du gouvernement en ce qui concerne les droits des patients et le programme de politique de santé.

L'intervenant précise que ses questions porteront sur la pénurie actuelle d'infirmières, et sur la manière dont les ministres comptent pallier les effets négatifs que cette pénurie peut entraîner sur la réalisation d'un plan relatif aux soins palliatifs.

La question des gardes de nuit est également importante, car trouver des gardes de nuit et de week-end est souvent très difficile. Ne faut-il pas, par ailleurs, définir des critères minimaux de qualification pour ces gardes-malades ?

Une autre question concerne le niveau auquel il convient de situer le psychologue prévu dans le programme de renforcement des soins palliatifs : au niveau de l'association ou de l'équipe de deuxième ligne ?

Beaucoup de personnes plaident pour la seconde solution.

Par ailleurs, une mission de formation est attribuée aux associations, et il est vrai que, là aussi, le psychologue pourrait intervenir.

En ce qui concerne les infirmières de l'équipe de deuxième ligne, il faut tenir compte du fait que cette équipe doit pouvoir effectuer des prestations 24 heures sur 24. Si le quota d'infirmières accordé à l'équipe de deuxième ligne est de 2,6, on voit difficilement comment elle peut assurer une permanence 24 heures sur 24.

Il semble que trois ETP constitueraient un minimum pour pouvoir assurer une telle permanence.

Quant au statut de patient palliatif, l'intervenant se réfère à la note du gouvernement (pp. 6 et 7), où l'on calcule apparemment en termes de mois. Cependant, la réalité d'un patient palliatif se compte par jour.

Pourquoi, dès lors, s'enfermer dans un calcul par mois ?

Le forfait C est-il, lui, calculé par jour ou par mois ?

Ne faut-il pas, dans cette dernière hypothèse, prévoir plutôt un calcul par jour ?

En ce qui concerne ce forfait C, on sait par ailleurs que les situations de soins palliatifs peuvent nécessiter un accompagnement relativement léger, ou au contraire des soins quasiment intensifs.

Ne faudrait-il pas moduler la solution de façon plus souple, en fonction des situations particulières ?

La ministre de la Consommation, de la Santé Publique et de l'Environnement répond comme suit.

En ce qui concerne la pénurie des infirmières, elle se réfère à l'accord « social profit », qui a été conclu le 1er mars 2000.

Dans le cadre de cet accord, il a été prévu de créer 600 places de formation pour des personnes qui travaillent déjà comme soignants divers et qui, grâce aux fonds du Maribel social, ont droit à une formation d'infirmier ou d'infirmière.

Cette proposition a connu un tel succès qu'il y a eu 1 800 candidats pour suivre cette formation. Une sélection a donc du être opérée. Ceci a conduit, du côté néerlandophone, où les chiffres définitifs sont déjà disponibles pour les formations A2, à une augmentation des candidats de l'ordre de 22 %.

Dans cette augmentation, 15 % sont des candidats qui ont utilisé la voie créée grâce aux fonds du Maribel social.

De plus, on constate également que le pont qui a été créé, pour les infirmiers et infirmières A2, vers le niveau A1, connaît lui aussi un énorme succès.

La ministre ne dispose pas encore des chiffres relatifs aux inscriptions pour le niveau A1, car la date limite d'inscription est plus tardive que pour le niveau A2.

Des fonds ont en outre été prévus dans le cadre du budget de la Santé publique pour 2002, en vue de faire, en collaboration avec le secteur, une campagne moderne visant à encourager le choix de la profession d'infirmière.

On espère, par toutes ces mesures, renforcer les mesures déjà prises antérieurement.

En ce qui concerne la fonction de psychologue, dans le cadre du plan, il a été prévu, au niveau des réseaux de soins palliatifs, la création supplémentaire d'une fonction de psychologue.

De plus, pour ce qui est des équipes multidisciplinaires, on a prévu explicitement la possibilité qu'il y ait davantage de liberté dans la réalisation du cadre de personnel disponible.

À côté des infirmières ayant suffisamment d'expérience en matière de soins palliatifs, entrent en ligne de compte des licenciés en psychologie, des kinésithérapeutes, des assistants sociaux et des assistants en psychologie.

Le ministre des Affaires Sociales et des Pensions précise, en ce qui concerne les forfaits, que le forfait palliatif est techniquement calculé par jour mais qu'on le paie par mois.

Le maximum est de deux mois.

Cette mesure est assez neuve, puisqu'elle a été introduite le 1er janvier 2000.

Il faudra donc en évaluer l'effet sur le terrain, et apprécier, en 2002, s'il faut l'élargir à trois mois ou plus.

En ce qui concerne le forfait C pour les soins à domicile, il est accordé à ceux qui ont droit au forfait palliatif.

Il est calculé par jour, et il n'y a pas de limitation dans le temps.

Quant au principe de l'utilisation d'un instrument forfaitaire, une nuance doit être apportée. Le forfait C pour les soins à domicile s'ajoute à toutes les autres possibilités de remboursement de soins.

Il y a donc tout un registre d'instruments auxquels on peut avoir recours, et des gradations dans le remboursement des soins pour le patient concerné en fonction de sa situation.

En outre, un instrument forfaitaire a aussi des avantages, comme on peut le constater dans d'autres secteurs où il est utilisé, pour responsabiliser les prestataires de soins et l'entourage du patient en question.

Un membre prend l'exemple d'un patient à domicile, qui décède après cinq jours. Le remboursement aura-t-il lieu pour un mois, ou à concurrence des cinq jours ?

Le ministre répond que le remboursement aura lieu pour un mois.

Il s'agit de trouver un équilibre entre simplicité administrative et efficacité.

Au niveau de l'INAMI, pour des raisons administratives, il est vraiment préférable de raisonner en termes de mois. Mais il faut sans doute encore approfondir la question.

Une membre se dit satisfaite du plan palliatif du gouvernement fédéral. Son groupe a voulu exprimer par une proposition de loi l'importance qu'il accorde aux soins palliatifs. L'intervenante partage également le point de vue des deux ministres, qu'il est préférable de régler certains points au niveau exécutif, de manière à pouvoir prévoir la souplesse nécesssaire.

L'intervenante retrouve dans le plan du gouvernement fédéral de nombreux éléments de sa proposition de loi fondée sur le droit de chacun aux soins palliatifs. Au cours du débat sur l'euthanasie, il est clairement apparu que de tels soins sont une nécessité. Cette observation vaut pour les différentes possibilités d'accueil : à domicile, dans les maisons de repos et de soins, dans les hôpitaux, etc. L'intervenante ne voit aucune objection à inclure ce droit fondamental dans une loi générale relative aux droits des patients. Elle espère que le projet du gouvernement sera rapidement déposé au Sénat.

La membre n'est pas d'accord avec le ministre sur la définition des soins palliatifs. Celle qui figure dans sa proposition ne lui paraît pas trop vaste, puisqu'il est clairement indiqué qu'il doit s'agir du début de la phase terminale. La discussion à ce sujet n'est cependant pas fondamentale.

L'intervenante déplore que la question de la lutte contre la douleur ne soit pas prise en compte dans le plan palliatif. La lutte contre la douleur ne se limite pas aux soins palliatifs et inversement. Les connaissances en matière de traitement de la douleur font cependant intrinsèquement partie des soins palliatifs. Une diffusion plus rapide de ces connaissances est donc souhaitable.

Par ailleurs, l'intervenante observe que sa proposition ne parle pas, pour les soins à domicile, d'un forfait de six mois mais bien d'un maximum de six mois. Il est préférable d'évaluer la réglementation existante avant de passer à une nouvelle législation. L'intervenante insiste pour que cette évaluation ait vraiment lieu. Elle espère qu'on prévoira la marge budgétaire nécessaire à l'extension éventuelle du forfait.

Le débat relatif aux suppléments d'honoraires est d'un autre ordre mais mérite néanmoins d'être mentionné. En effet, des difficultés financières ne sauraient influencer le choix de l'endroit où le patient palliatif souhaite mourir.

L'intervenante estime que les équipes palliatives doivent pouvoir intervenir dans les maisons de soins psychiatriques. L'applicabilité de cette réglementation doit également être évaluée.

Enfin, l'intervenante renvoie aux centres palliatifs de jour. Il n'est pas précisé clairement si le financement concerne un nombre déterminé de centres, des projets ou tous les centres existants. L'intervenante préfère la dernière option.

Le ministre des Affaires sociales et des Pensions partage l'opinion selon laquelle tous les cas de lutte contre la douleur ne relèvent pas des soins palliatifs tandis qu'inversement, les patients en phase terminale n'ont pas tous besoin d'un traitement de la douleur. Il renvoie à une commission chargée d'informer le gouvernement des domaines de la santé publique où la qualité des soins pourrait être améliorée. On peut considérer que le traitement de la douleur sera l'une des priorités. Des projets seront donc développés en la matière, afin d'améliorer les compétences permettant de mieux traiter les patients. Il n'est pas nécessaire pour autant de créer dans chaque hôpital une fonction de traitement de la douleur.

Les équipes palliatives peuvent effectivement intervenir dans les maisons de soins psychiatriques. Cela présente l'avantage de créer un lien entre les soins à domicile et les institutions. On ignore cependant si cela suffira. C'est la raison pour laquelle il faut instaurer une fonction palliative spécifique dans les maisons de repos et de soins.

Le ministre espère que les médecins et les mutualités parviendront à un accord durable sur l'ensemble de la question de suppléments d'honoraires.

Un membre se réfère à la proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort (doc. Sénat, nº 2-160/1), proposition fondée sur les droits de l'homme et les droits du patient tels qu'énoncés dans les recommandations du Conseil de l'Europe et dans la Convention européenne des droits de l'homme. C'est sur cette base que le groupe de l'intervenant plaide en faveur d'un droit fondamental aux soins palliatifs. Il est souhaitable que ce droit soit fixé légalement, afin de garantir à tous les patients un accès égal à ces soins.

Nous nous trouvons en effet dans une situation exceptionnelle, dans laquelle certains proposent d'instaurer un droit à mettre activement fin à la vie, non seulement pour des patients en phase terminale mais aussi pour des malades non terminaux, et ce non seulement en raison de souffrances physiques mais aussi de facteurs psychologiques. Le fait de fixer légalement le droit aux soins palliatifs, complémentairement au droit à une existence digne, a donc une grande importance, d'autant que cela permet de donner un signal clair concernant les aspects parfois inhumains des soins de santé.

Souvent, la communication et la concertation avec le patient et son entourage sont insuffisantes, ou bien le traitement est considéré comme une question purement technique.

Le fait de fixer légalement le droit aux soins palliatifs permet également un contrôle parlementaire et offre la garantie que le droit à ces soins ne dépendra pas de la situation budgétaire. En outre, cela fait partie d'un équilibre juridique à atteindre dans le débat sur l'euthanasie. Les soins palliatifs doivent donc rester liés à ce débat-là, plutôt qu'avec les droits des patients.

Enfin, l'intervenante attire l'attention sur la disposition de l'accord de gouvernement qui précise que le débat sur l'euthanasie relève du Parlement. Bien que les deux ministres ne soient plus membres du Parlement, il serait étrange qu'ils ne prennent pas position dans ce large débat de société et se tiennent à l'écart. Bien qu'ils ne soient pas strictement tenus de répondre à sa question, l'intervenante souhaite connaître le point de vue personnel des deux ministres concernant l'euthanasie.

La ministre de la Santé publique signale qu'il y a déjà plusieurs mois qu'elle travaille aux droits des patients. Le droits aux soins palliatifs y est étroitement lié, tout comme il l'est avec le débat sur l'euthanasie. La ministre estime que chacun doit pouvoir opter pour le palliatif sur la base d'une information correcte sur son état de santé. Le gouvernement souhaite apporter une réponse concrète en ce qui concerne ce droit fondamental et la forme qu'il revêt. L'objectif n'est pas de le « noyer » dans les droits des patients; il en fait vraiment partie et y a sa place. En traitant cette question séparément, on aboutirait à un appauvrissement tant au point de vue juridique qu'au point de vue éthique. La ministre espère pouvoir déposer le projet relatif aux droits des patients en novembre 2000.

Il subsistera toujours des tensions entre les droits établis juridiquement, d'une part, et, d'autre part, l'organisation pratique de la politique des soins de santé. La ministre se réfère au droit au logement qui, dans toute l'Europe, est garanti par la Constitution mais qui, dans la pratique, n'est pas une réalité pour tout le monde. Les droits ne doivent pas seulement être garantis sur le papier; ils doivent aussi être appliqués sur le terrain. Ces derniers mois, le gouvernement a pris diverses mesures sur le plan des soins palliatifs. Les ministres des Affaires sociales et de la Santé publique ont pu invoquer l'unanimité qui s'est dégagée au Sénat pour obtenir le soutien du gouvernement à cet égard.

Le Parlement doit prendre toutes ses responsabilités dans le débat sur l'euthanasie. Au sein de son groupe, la ministre a toujours demandé qu'un règlement légal soit élaboré. La position actuelle du Sénat ne lui pose aucun problème.

Un membre se dit étonné qu'un projet de loi sur les droits du patient soit déposé à la Chambre, alors que cette matière est intimement liée à celle des soins palliatifs et au débat sur la fin de vie. L'intervenante ne comprendrait pas qu'il n'y ait pas une discussion globale à ce sujet.

Elle s'interroge aussi sur le statut de la note qui a été communiquée aux commissions réunies lors de l'audition des deux représentants des ministres.

Il s'agit, non pas d'intentions encore à discuter au sein du gouvernement, mais de points sur lesquels il y a accord au sein de celui-ci, et qui se retrouveront dans le cadre de la loi-programme qui sera déposée à la Chambre, soit pour 2001, soit pour 2002.

Il a également été fait référence à un groupe de travail avec les communautés et les régions. L'intervenante aimerait connaître l'ordre du jour de ses réunions, et savoir vers quoi on s'oriente, ou au moins quels sont les points soumis à discussion par le pouvoir fédéral.

Qu'en est-il, notamment, en ce qui concerne la formation des médecins ?

En ce qui concerne la définition des soins palliatifs, reprise dans le document des ministres (p. 3, point 2), l'intervenante souligne qu'il serait important que l'on se détermine sur la définition stricte de ces soins, encore que cela pose des problèmes concrets, puisque certains patients en phase terminale survivent beaucoup plus longtemps que le médecin ne l'avait prévu.

Aussi faut-il laisser au système le plus de souplesse possible, sans pour autant l'ouvrir de façon excessive.

En ce qui concerne le contrôle de la douleur, l'intervenante partage ce qui a été dit par une précédente oratrice.

Il est vrai que les soins palliatifs sont plus que la lutte spécialisée contre la douleur et le traitement spécialisé des symptômes (note, p. 3, point 3), mais l'un ne va pas sans l'autre.

L'intervenante rappelle que, lors des auditions, la difficulté d'accès des médecins généralistes à des substances telles que la morphine, durant les week-end, a été mise en évidence.

Le domicile reste un point éminemment délicat. En effet, si l'on ne peut qu'être d'accord avec le contenu de la note à ce sujet, encore faut-il que cela puisse s'organiser concrètement sur le terrain. Or, tel n'est pas encore le cas. Le terrain reste très cloisonné; les relations du médecin généraliste avec l'hôpital ne sont pas nécessairement excellentes, et les allers-retours entre domicile et hôpital sont difficiles.

Enfin, en ce qui concerne les maisons de repos, formellement, la possibilité existe de faire appel à la fonction palliative, mais on ne le fait pas, car cette fonction n'est pas rémunérée.

À cet égard, la note des ministres n'apporte pas d'élément neuf.

Comme déjà indiqué, la maison de repos doit être considérée comme le domicile des patients qui y résident. Il y a une réflexion à mener sur la fin de vie en maison de repos, notamment en ce qui concerne les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.

Un autre membre signale que les deux ministres ont apporté la preuve qu'ils ont écouté les gens du terrain. Il trouve important que le gouvernement annonce qu'il ne faut pas améliorer l'accompagnement des seuls patients palliatifs, mais celui de tous les patients.

L'intervenant demande dans quelle mesure les prestataires de soins palliatifs seront motivés et obligés d'expliquer au patient le déroulement de sa mort. C'est essentiel dans l'accompagnement des mourants. Trop souvent, on constate que l'accompagnement des mourants se fait sans souffler mot à ce sujet. L'intervenant désire également savoir dans quelle mesure le patient est impliqué dans l'information, l'autodétermination et le consentement éclairé en cas de sédation contrôlée.

Le problème est de savoir s'il faut demander, par exemple, la même prudence et la même obligation de déposer des rapports pour la sédation contrôlée que pour l'euthanasie.

Les soins palliatifs doivent être dissociés de la clinique de la douleur. Ce sont des choses totalement différentes, quoi que d'aucuns puissent affirmer. Cette discussion doit donc rester distincte. Néanmoins, l'intervenant estime que le débat sur l'euthanasie peut être déminé en spécifiant, dans la proposition de loi, qu'un spécialiste de la douleur doit de toute façon être consulté lors de la procédure.

Un autre membre encore demande, à propos du fonctionnement des équipes, si la question s'est posée d'une révision fondamentale du système des conventions avec l'INAMI, qui doivent régulièrement être renégociées.

Dans l'intérêt des acteurs, ne serait-il pas intéressant d'avoir une formule alternative de financement structurel ?

En ce qui concerne les unités de soins palliatifs des hôpitaux, elles sont de plus en plus pleines et atteignent souvent 100 % d'occupation. Est-il imaginable, à moyen terme, de prendre en compte la capacité réelle de ces unités, au lieu de les financer sur la base de 80 % ?

Les équipes multidisciplinaires de deuxième ligne disent qu'elles ne peuvent travailler avec les moyens que leur offre le gouvernement. Elles souhaitent un psychologue, et voudraient aussi augmenter les heures du médecin qui travaille dans ces équipes, en passant de 4 à 6, voire à 8 heures par semaine. Mais surtout, un minimum de trois ETP infirmiers est indispensable.

Pour la durée de séjour en hôpital, ne peut-on imaginer de ne pas se limiter à 28 jours et de tenir compte de la durée réelle du passage en hôpital ?

Enfin, à propos du financement des hôpitaux, ceux-ci soulignent que le secteur n'est pas homogène.

Un hôpital spécialisé en pédiatrie, et qui traite des cas lourds relevant par exemple de l'oncologie, a plus de besoins qu'un hôpital qui n'a pas ce service spécialisé.

Dans la manière dont on va financer les soins palliatifs, peut-on faire une évaluation plus précise des besoins dans chaque hôpital ?

Un membre demande aux deux ministres de donner aussi le temps aux sénateurs d'examiner le projet de loi relatif aux droits des patients afin de juger dans quelle mesure les propositions déposées en matière de soins palliatifs doivent être maintenues.

Un autre membre se réjouit des projets du gouvernement fédéral qui arrivent un an après le début du débat sur l'euthanasie. Ceci témoigne de la bonne collaboration entre les deux cabinets concernés et les sénateurs. C'est également une preuve qu'il s'agit ici non seulement du problème de l'euthanasie, mais aussi des soins palliatifs auxquels les partis de la majorité accordent une attention particulière. Le membre partage dès lors l'avis de l'orateur précédent.

Les auditions ont montré que l'aspect médical et la lutte contre la douleur ne sont pas les seuls points importants de la formation des médecins, mais que l'accent doit également être mis sur la nécessité d'une aptitude aux contacts et à la communication. Il ne s'agit de la communication non seulement avec le patient, mais aussi avec l'ensemble de la famille. Ce message doit être transmis par le niveau fédéral aux communautés, qui sont compétentes en la matière.

Le ministre des Affaires Sociales et des Pensions répond, en ce qui concerne le statut de la note déposée, que les propositions qu'il a faites avec sa collègue de la Santé publique ont été acceptées. Dans la justification de l'inscription budgétaire INAMI qui a été faite pour 900 millions, dans le groupe intercabinet du gouvernement, toutes les mesures mentionnées dans le plan ont été reprises.

Les 900 millions équivalent au lancement de toutes ces mesures pour l'année 2001.

On ne les retrouvera pas nécessairement toutes dans des lois-programme 2001 ou 2002 car certaines choses pourront être réglées par arrêté royal ou ministériel, par convention, etc. Mais toutes les mesures ont fait l'objet d'un accord politique.

En ce qui concerne l'ordre du jour de la prochaine conférence interministérielle, le plan a été déposé par les ministres en vue d'une concertation avec les communautés.

Le premier point de l'ordre du jour est donc l'approbation du plan par les communautés.

Ensuite, le groupe de travail poursuivra ses travaux. Des sous-groupes de travail seront constitués : un sous-groupe de travail « formation » et un sous-groupe de travail « enregistrement », ayant pour mission de faire des propositions pour la mise au point d'activités de formation et de modalités d'enregistrement.

La volonté existe également d'élargir le débat, en un second temps, aux institutions psychiatriques.

En ce qui concerne la définition des soins palliatifs, le ministre renvoie à ce qui est dit dans la préparation à la conférence interministérielle : « Se basant sur le principe du patient comme élément central, le groupe de travail interministériel entend par patient palliatif un patient qui correspond aux critères suivants :

1. qui souffre d'une ou plusieurs affections irréversibles;

2. dont l'évolution est défavorable, avec une détérioration sévère généralisée de sa situation physique et psychique;

3. chez qui des interventions thérapeutiques et la thérapie revalidante n'influencent plus cette évolution défavorable;

4. pour qui le pronostic de la ou des affections est mauvais et pour qui le décès est attendu dans un délai assez bref;

5. ayant des besoins physiques et psychiques, sociaux, spirituels importants nécessitant un engagement soutenu et long.

Le cas échéant, il est fait appel à des intervenants possédant une qualification spécifique et des moyens techniques appropriés. »

En ce qui concerne la question relative à l'instrument que constituent les conventions, on n'a pas songé à y substituer un autre mécanisme parce qu'il s'agit d'un instrument qui paraît souple et flexible. C'est pourquoi il semble utile de le maintenir. Cependant, le ministre n'exclut pas qu'à terme, et dans la mesure où le système des réseaux serait consolidé, on puisse prévoir un autre mécanisme.

Cependant, à moyen terme, le système souple des conventions de revalidation doit être maintenu.

Quant au taux d'occupation des lits de soins palliatifs, le ministre déclare avoir pris note de la question, mais ne pas avoir de réponse immédiate.

Il ne pense pas qu'il faille actuellement changer le système.

En ce qui concerne l'élargissement de 21 à 28 jours, pour les honoraires de surveillance, le ministre pense qu'il s'agit d'une bonne mesure et d'une nette amélioration, d'autant que le premier jour est celui où le lit de soins palliatifs est effectivement occupé.

Mais cela n'exclut pas qu'il faille ultérieurement évaluer le système.

La même réponse peut être donnée en ce qui concerne les équipes pluridisciplinaires.

Beaucoup de discussions ont eu lieu avec les acteurs concernés, et notamment avec les responsables des associations de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles.

Si un élargissement éventuel à l'avenir n'est pas à exclure, le ministre a cependant retenu de ces discussions qu'ils étaient très satisfaits de la solution proposée et que celle-ci rencontrait leurs priorités actuelles.

Le ministre propose que les réformes soient lancées moyennant le financement nécessaire, et qu'une réévaluation ait lieu de façon régulière au cours des années 2001 et 2002, car il s'agit d'un élément essentiel d'humanisation de notre système de soins.

La ministre de la Santé publique reconnaît qu'il faut s'attacher à une réelle communication avec les personnes se trouvant en phase terminale, qu'il faut parler de la mort. La situation actuelle est la conséquence de la culture dominante qui bannit la mort de la vie. Les solutions ne sont pas simples. Les cycles de formation du personnel de certains hôpitaux ou MRS évoquent ce point. Les communautés sont compétentes pour la formation de base des personnels médical et soignant. Le groupe de travail intercabinets se penche sur cette problématique. La communication est également déficiente à l'égard des patients sous sédation contrôlée.

En ce qui concerne les soins palliatifs, la ministre estime, tout comme certains orateurs, que les mourants ne reçoivent pas toujours le traitement de la douleur adéquat, bien que celui-ci soit disponible. Il faut adresser aux hôpitaux et aux maisons de retraite un signal clair à ce sujet.

En réponse à l'observation d'une intervenante sur le cloisonnement domicile-hôpital, la ministre déclare que faire disparaître ce cloisonnement constitue l'une de ses préoccupations essentielles.

C'est la raison fondamentale pour laquelle on investit dans les soins de première ligne et en hôpital.

Un montant a déjà été investi, modique mais suffisant pour qu'il y ait une meilleure communication de la part des hôpitaux vers les médecins généralistes qui suivent des patients à domicile, et pour que les rapports soient faits dans les meilleurs délais et de façon circonstanciée.

Il est vrai que des impulsions régulières doivent être données pour que l'on puisse progresser.

Une précédente intervenante rappelle à ce propos ce qui a été dit au cours des auditions.

Une personne est suivie en soins palliatifs par son médecin généraliste.

Au cours d'un week-end, la personne est hospitalisée en urgence. Aux urgences, personne ne sait qu'elle est suivie en soins palliatifs, et cela se passe, en général, très mal.

Même quand le médecin généraliste est présent, dès que le patient entre à l'hôpital, le médecin généraliste est dépossédé de son patient.

Tout le travail d'accompagnement de la fin de vie est alors réduit à néant, simplement parce que le passage du domicile à l'hôpital s'effectue mal.

La ministre poursuit en indiquant que, pour ce qui concerne la structuration des soins de première ligne, on veut créer les conditions pour qu'une certaine continuité soit assurée, avec des moyens qui répondent aux besoins des patients, mais aussi qui tiennent compte des limites de ce qu'une personne seule peut faire.

C'est pourquoi la ministre est actuellement engagée dans des négociations avec une série d'organisations de médecins, qui n'ont pas toujours la même opinion sur la meilleure façon de procéder.

Cela prend beaucoup de temps car il faut rechercher un consensus suffisamment large pour pouvoir avancer.

Un membre confirme les propos de l'orateur précédent, à savoir la déficience de la communication dans certains hôpitaux. Le membre a entendu différents témoignages de médecins qui ont hérité d'un dossier médical d'un patient qui leur est inconnu et qui n'avait pas fait l'objet d'une concertation préalable au sein de l'équipe médicale. Il s'agit souvent de cas poignants.

Un autre membre se déclare satisfait de la réponse donnée par le gouvernement, qui montre que celui-ci a entendu le message qui lui était adressé, et que le sujet figure parmi les priorités à traiter d'urgence.

Cela montre que, lorsque la volonté politique existe, on peut agir, plus vite peut-être qu'on ne l'a fait dans le passé.

L'intervenant se dit doublement interpellé par la définition qui a été donnée du patient palliatif par le ministre des Affaires sociales.

Il est important de s'accorder sur les termes, car chacun d'entre eux a son importance.

La définition se référait à un patient dont les jours sont comptés.

L'intervenant pense que, si tel peut effectivement être le cas, il y a des pathologies où il en va autrement.

Le délai est très difficile à déterminer. Par ailleurs, pour certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer, le diagnostic est difficile à poser, et la durée qui reste à vivre fort difficile à évaluer.

La notion de fin de vie « à bref délai » devrait donc être revue. Qu'est-ce d'ailleurs qu'un délai « bref » ?

La problématique des maisons de repos (et de soins) a été évoquée, de même que celle de la navette entre ces maisons et les hôpitaux.

Dans certaines maladies, la maison de repos envoie le patient à l'hôpital parce qu'elle n'arrive plus à s'occuper du patient, et l'hôpital le renvoie à la maison de repos parce que, de toute façon, il n'y a rien à faire.

L'intervenant souligne la faiblesse de certaines institutions qui accueillent des personnes âgées. Ces institutions sont incapables d'assurer un encadrement correct ­ même pour des personnes qui sont encore assez valides ­ et de les mettre dans des conditions matérielles et fonctionnelles adaptées au type de besoins de ces personnes.

La situation n'est donc déjà pas bonne à l'heure actuelle.

Que sera-ce lorsqu'on leur confiera en outre une mission palliative ?

Il faut incontestablement que l'on prévoie des moyens budgétaires supplémentaires, qui ne soient pas à charge du patient, pour éviter la situation déjà dénoncée de système à deux vitesses.

À travers les modalités pratiques qui vont être définies, ce type de problème sera-t-il rencontré ?

Une intervenante se déclare satisfaite que le gouvernement ait entendu l'appel du Sénat en matière de soins palliatifs et ait été attentif à toutes les propositions de loi déposées.

L'enveloppe reste bien sûr insuffisante, et le sera toujours.

L'intervenante aurait souhaité qu'il y ait une loi-cadre, mais il faut tenir compte de la réalité institutionnelle.

Le plan contient beaucoup de bonnes choses, mais peut-être certaines dispositions pourraient-elles être prises plus rapidement, sans attendre trop d'évaluations pour 2001 et 2002, comme par exemple en matière de forfait.

En ce qui concerne les droits des patients, l'intervenante se sent un peu dépossédée de la matière, mais sans doute la ministre n'a-t-elle pas d'autre choix que de déposer le projet à la Chambre.

Il est vrai que la réalité parlementaire montre que les meilleures propositions de loi sont toujours reprises par des projets ou des décisions de l'Exécutif.

L'intervenante souhaite en tout cas rester en dialogue avec les ministres à propos de l'évaluation de la situation, notamment en ce qui concerne la Conférence interministérielle.

En ce qui concerne la formation des infirmières, elle insiste sur la nécessité de trouver de modalités leur permettant de se rendre réellement aux séances de formation, ce qui suppose qu'elles puissent être remplacées pendant ce temps.

Quant aux gardes-malades, l'intervenante ne sait pas s'il faut prévoir un statut spécifique, organiser la profession, ou encore l'encadrer dans une définition du personnel soignant, mais le fait est qu'il y a pénurie.

Seuls ceux qui en ont les moyens peuvent y recourir.

Pour ce qui est des bénévoles, beaucoup travaillent dans le monde des soins palliatifs.

Certains le font déjà dans les maisons de repos. Ne faudrait-il pas songer à leur formation et, éventuellement, à un statut ?

Quant aux maisons de repos (et de soins), l'intervenante signale que, depuis que le plan est sorti, elle a enregistré des réactions du secteur, disant que le budget prévu est insuffisant.

En conclusion, l'intervenante répète que l'intérêt d'une loi-cadre en matière de soins palliatifs eût été de faire le tour de la question.

Elle remercie les ministres pour l'intérêt qu'ils ont manifesté à l'égard des propositions déposées. Elle ajoute qu'en tout cas, quelques grands principes devraient être inscrits dans la loi sur l'euthanasie qui serait votée.

Une précédente oratrice rappelle son observation relative aux droits des patients.

Les discussions et les auditions déjà réalisées par les commissions réunies montrent que, dans la problématique de l'euthanasie ­ terme encore très ambigu dans l'esprit de la population ­, le patient doit être la notion centrale.

Pour ce faire, il faut lui octroyer un certain nombre de droits.

Aux yeux de l'intervenante, il n'est pas possible de discuter de l'euthanasie et de la fin de vie sans parler, en même temps, de la situation du patient et des droits qu'il peut avoir.

Il ne devrait pas y avoir de problème sur la série de droits qui ont été énumérés par la ministre, dont le droit à l'autodétermination constitue le point de départ. La question est de savoir quelle méthode de travail on va suivre.

La ministre a parlé du droit à des soins de qualité, à des soins palliatifs, à l'information, au droit de donner son consentement.

Elle a aussi évoqué le langage qui doit être utilisé pour permettre l'accès du patient aux informations.

Elle a même parlé de la personne de confiance, lorsque le patient n'est plus conscient.

Tout cela a été plus que largement explicité et débattu, et figure explicitement dans certains textes et propositions.

Si l'on veut que puisse s'instituer un bon dialogue entre le patient et son médecin, surtout sur une question aussi délicate que celle de l'euthanasie où l'on insiste tellement sur la demande du patient, il faut que ce dialogue puisse avoir lieu d'égal à égal, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Peu de gens osent contester la parole du médecin parce qu'il a la toute-puissance du savoir. Donner des droits au patient, c'est lui permettre d'exister face à son médecin.

Plusieurs formules de travail sont possibles. Si, constitutionnellement, le projet relatif aux droits du patient doit être déposé à la Chambre, il est compréhensible que cela pose problème aux sénateurs qui ont mené des débats approfondis sur une matière intimement liée à ces droits.

On ne peut en tout cas omettre de mentionner un minimum de droits du patient, et notamment le droit d'accès aux soins palliatifs, dans un texte de loi sur la fin de vie.

Le but du Sénat a été de susciter sur ces questions un vrai débat de société, en abordant les différents aspects sous-jacents au thème de l'euthanasie.

Un autre membre répète que, d'après lui, l'accompagnement des mourants signifie également que l'on accompagne le patient jusqu'à sa mort. Cela veut dire que l'on ne doit pas toujours promettre une amélioration au patient, mais aussi que l'on doit oser lui dire qu'il va mourir. C'est trop rare à l'heure actuelle. Le plan palliatif du gouvernement ne souffle toutefois mot à ce sujet.

L'intervenant signale en outre qu'il existe une bonne continuité entre l'aide médicale ambulatoire et l'aide médicale à l'hôpital. Il y a toutefois une méconnaissance mutuelle des différentes spécialisations. Un médécin de la douleur ne peut pas toujours se charger des soins palliatifs, qui comprennent plus qu'une simple lutte contre la douleur. Inversement, les oncologues, médecins traitants et autres ne connaissent pas tous les techniques modernes en matière de douleur. Ces deux éléments doivent être développés indépendamment l'un de l'autre. Le cas échéant, on peut examiner si le débat sur l'euthanasie peut également aborder le problème de la création d'une clinique de la douleur.

Un membre indique que, contrairement au débat sur l'euthanasie, le débat relatif aux soins palliatifs a d'importantes conséquences budgétaires. Il est donc logique que la Chambre des représentants statue en premier ressort sur ce dossier.

L'orateur est heureux que le gouvernement reconnaisse, d'une part, que l'euthanasie est un important problème de société et, d'autre part, que les soins palliatifs y occupent une place essentielle. C'est ce qui ressort du plan palliatif du gouvernement. Du fait de la longueur du débat sur l'euthanasie, il n'est pas impensable que le débat sur les soins palliatifs ­ dans le cadre des droits des patients ­ se déroule pratiquement au même moment à la Chambre et que la procédure d'évocation au Sénat puisse servir à vérifier si les engagements pris à la Chambre correspondent aux préoccupations du Sénat en matière d'euthanasie. Par conséquent, les circonstances peuvent faire que les deux dossiers soient regroupés au Sénat.

En ce qui concerne la formation du personnel médical et soignant, l'orateur estime que toutes les catégories, de haut en bas, doivent recevoir une formation à l'accompagnement des mourants. De nombreuses traditions d'inspiration chrétienne ont disparu. Aujourd'hui, le citoyen est beaucoup plus autonome. C'est pourquoi la nécessité d'un meilleur accompagnement des mourants de la part du monde médical et paramédical se fait sentir. Les communautés doivent être associées au débat relatif à la formation du personnel.

La ministre de la Santé Publique répond comme suit aux différents intervenants.

À propos de la définition des soins palliatifs, il est vrai que le texte communiqué par le ministre des Affaires sociales sera incessamment soumis à la Conférence interministérielle.

La ministre retient de l'intervention d'un membre que la notion de fin de vie à bref délai a pour lui une dimension nettement différente de celle de phase terminale.

Elle ne croit pas que la volonté soit d'exclure du champ des soins palliatifs tous les patients dont le décès ne surviendrait pas dans un délai très court.

Plutôt que de parler en termes de mois, il s'agit plutôt de savoir que l'on parle d'une personne qui entame la dernière phase de sa vie, et dont le décès est prévisible dans un délai bref.

Il faudra confronter à cette approche les dispositions du plan actuel pour voir si elles y sont ou non conformes.

L'intervenante pense que la démarche gouvernementale est assez correcte, même si elle peut, bien sûr, toujours être améliorée. Elle est en tout cas meilleure qu'une définition trop large, qui empiéterait sur d'autres terrains.

Pour ce qui concerne la qualité de l'accueil dans les maisons de repos (et de soins), le pouvoir fédéral n'est compétent qu'en ce qui concerne les interventions venant de l'INAMI. On a annoncé une augmentation des besoins dans les années qui viennent, comme on le voit déjà pour l'année 2000.

C'est pourquoi on a plaidé, au niveau fédéral, pour une augmentation des moyens. Cela a été fait pour l'année 2001. Pour les années 2002 et 2003, les conséquences budgétaires précises n'ont pas encore été calculées, mais on sait qu'il faut prévoir des moyens croissants.

D'autre part, on ne peut nier qu'il y a là aussi une très grande responsabilité des communautés et des régions, qui doivent prendre à leurs charges une part importante de l'ensemble.

Dans le cadre de l'accord sur la révision de la loi de financement, une augmentation sensible des moyens aura lieu, qui permettra aux régions et communautés de faire leurs choix politiques.

C'est à ce niveau qu'il faudra ensuite insister.

En ce qui concerne la constatation qu'après le travail de qualité accompli au Sénat, le projet de loi sur les droits des patients sera déposé à la Chambre, il est vrai que la Constitution impose cette façon de faire.

La ministre précise ce qu'elle a convenu avec la commission de la Santé publique de la Chambre à cet égard. Elle a établi une note de réflexion sur les concepts de fond, ainsi qu'un pré-projet de loi.

Pour permettre l'intervention de la société, il est prévu que la ministre dépose, dans les semaines à venir, la note de base (de conceptnota), après quoi une première discussion aura lieu à la commission de la Chambre, qui organisera différentes auditions au sujet de cette note.

Dans ce cadre, la problématique des soins palliatifs sera également abordée, même si les droits du patient ne se limitent pas à cet aspect des choses.

La ministre propose de suggérer à la Chambre que, pour les auditions, les sénateurs intéressés soient également invités. Ils pourront ainsi réagir, et faire part des éléments acquis au cours de leurs travaux.

Il n'y a donc pas lieu de retirer les propositions déposées par certains sénateurs, avant l'aboutissement des travaux.

Quant au projet, il ne sera soumis au Conseil d'État que lorsque les auditions auront eu lieu, afin de pouvoir l'adapter éventuellement sur la base des observations formulées lors de ces auditions.

Une précédente intervenante attire l'attention de la ministre sur le fait que certaines questions précises, qui relèvent des droits du patient, devront aussi être abordées dans la discussion de la législation éventuelle relative à l'euthanasie. Tel est le cas, par exemple, de la valeur, absolue ou indicative, que l'on accordera à la déclaration anticipée. Il ne faudrait pas que des options contradictoires soient prises à ce sujet dans l'un et l'autre des débats.

En ce qui concerne les deux larges débats de société sur les soins palliatifs et l'euthanasie, un membre signale que la Chambre et le Sénat doivent prendre le temps nécessaire, mais qu'il ne faut pas perdre de vue que seule la Chambre des représentants peut prendre des engagements budgétaires.

La ministre confirme que c'est la commission de la Santé publique de la Chambre qui traitera de la problématique des droits du patient.

En ce qui concerne l'engagement budgétaire, elle renvoie à ce qui a été dit précédemment.

Pour ce qui est des résultats de la Conférence interministérielle, en général, on fait une courte conférence de presse après la réunion.

La ministre n'a aucune objection à transmettre des informations plus détaillées aux commissions réunies.

Quant à la possibilité effective, pour les infirmiers et infirmières, de participer aux séances de formation, il existe des règles générales relatives à la formation pendant le temps de travail.

Il est vrai que, vu la pénurie de personnel dans ce secteur, il devient particulièrement difficile de s'absenter.

La réponse structurelle à ce problème est d'augmenter le nombre d'infirmiers et infirmières. À cet égard, la ministre renvoie aux indications déjà données sur ce sujet.

Pour ce qui est des gardes-malades, elle déclare ne pas pouvoir prendre position ici, mais avoir pris note de la question.

Il en va de même pour ce qui concerne le volontariat, dont la fonction est absolument nécessaire dans notre société.

Le travail d'élaboration d'un statut sera entrepris, comme le ministre des Affaires sociales l'a annoncé récemment.

La ministre a pris acte du commentaire selon lequel le demi-milliard prévu dans le plan fédéral paraît insuffisant.

Cependant, si l'on considère le montant global de 1,7 milliard prévu, ce demi-milliard en représente une part importante.

Personnellement, la ministre pense que ce projet requerra, au fur et à mesure, de plus en plus de moyens, compte tenu de la demande de la société elle-même.

Le rôle moteur du Parlement pourrait aussi être important en la matière, comme il l'a été en matière de soins palliatifs.

La ministre estime que la définition et les critères du plan palliatif du gouvernement ne constituent pas un obstacle à une communication effective en ce qui concerne l'accompagnement des mourants. On doit apprendre à oser prononcer ce mot. La ministre adhère totalement à l'importante remarque formulée en ce sens par un orateur précédent.

Les moyens budgétaires affectés au prix de la journée d'hospitalisation prévoient explicitement l'élément « lutte contre la douleur », en ce sens que les connaissances existantes, qui sont trop morcelées entre diverses spécialisations, seraient présentes dans l'ensemble de la structure. En effet, certains médecins de la douleur disposent des techniques les plus récentes. Il est important que ces techniques soient disponibles le plus largement possible.


I. DISCUSSION DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE A L'EUTHANASIE (nº 2-244/1)

Intitulé de la proposition de loi

Amendements nºs 27 et 28

M. Destexhe dépose, à propos de l'intitulé de la proposition de loi, un amendement principal (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 27) et un amendement subsidiaire (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 28).

L'amendement principal propose de remplacer le titre actuel de la proposition de loi, qui reprend le mot « euthanasie », par l'intitulé suivant : « Proposition de loi visant à hâter le décès d'un patient en phase terminale dans des cas exceptionnels. »

L'auteur de l'amendement précise que les auditions ont démontré l'existence d'un assez large consensus, dépassant les clivages idéologiques et philosophiques habituels, pour légiférer en phase terminale.

Il estime donc qu'il serait sage de commencer par légiférer exclusivement sur la phase terminale, qu'il faudra encore définir. L'amendement consiste par conséquent à réduire le champ de la proposition de loi.

L'amendement subsidiaire tend à remplacer le titre de la proposition par l'intitulé suivant : « Proposition de loi tendant à autoriser, sous certaines conditions, le suicide assisté. »

On a parlé de suicide assisté dans les auditions. Cependant, après avoir soigneusement relu les définitions de la proposition en discussion, l'intervenant conclut qu'il est très important de nommer correctement ce dont on parle et les actes que l'on vise. On a vu que l'euthanasie recouvre des choses extrêmement différentes. Il règne dans l'opinion publique belge une très large confusion sur ce qu'est l'euthanasie. Certains pensent qu'elle est déjà légalisée en Belgique. D'autres croient que l'on va légiférer uniquement pour les malades en phase terminale. D'autres encore pensent que la législation en préparation visera le cas de malades tels que M. Jean-Marie Lorand, dont le cas a été fort médiatisé.

Il importe donc de clarifier les définitions et de ne pas faire en sorte que les cas des patients en phase terminale et de ceux qui ne le sont pas soient traités dans un seul et même texte.

Pour l'intervenant, lorsqu'une personne décide de mettre fin à sa vie, quelles qu'en soient les raisons, il s'agit d'un suicide. Lorsqu'un médecin décide de l'aider à accomplir cet acte, il s'agit d'un suicide assisté.

L'intervenant précise que le suicide assisté ne lui pose aucun problème philosophique. Albert Camus a écrit, dans Le mythe de Sisyphe, que le suicide était le seul problème philosophique vraiment important.

L'intervenant admet donc qu'un médecin puisse, dans certaines conditions exceptionnelles, assister une personne gravement malade, qui estime que sa vie ne vaut plus la peine d'être vécue.

Une autre option consisterait à faire deux propositions de loi distinctes, l'une concernant la phase terminale et l'autre le suicide assisté.

Un membre rappelle qu'une large part des débats qui ont eu lieu a consisté à aborder la problématique dans son ensemble.

La cohérence ne lui paraît pas renforcée par le fait de prévoir deux propositions de loi séparées, comme cela vient d'être suggéré.

L'intervenant considère pour sa part que l'état du malade ne permet pas de faire une telle distinction.

Il se réfère en outre aux travaux du Comité consultatif de bioéthique, et à la définition donnée par celui-ci, qui parle de situation sans espoir.

L'importance du travail accompli réside précisément dans le fait de pouvoir déterminer ce qu'étaient les situations sans espoir, et dans la volonté affirmée par certains membres de la commission, dont l'intervenant, de ne pas enlever, dans une loi sur l'euthanasie, le bénéfice d'une mort digne à des malades atteints d'une maladie incurable.

Toute l'évolution qui a eu lieu au cours des travaux des commissions réunies a bien montré que si telle était la volonté de certains parlementaires, on imaginait aussi, dans la cohérence d'une proposition de loi unique, de faire une distinction en fonction de la situation des malades, tout en laissant au médecin un pouvoir d'appréciation quant à cette situation.

En effet, les travaux ont montré la difficulté qu'il y avait, pour le législateur, à établir les critères permettant d'opérer une distinction entre un patient en phase terminale et un malade atteint d'une maladie incurable.

L'intervenant croit que la cohérence est plus grande en traitant les deux types de situations dans une seule et même proposition.

En ce qui concerne le suicide assisté, Camus écrivait en effet, dans Le mythe de Sisyphe, qu'il s'agissait du problème important de notre siècle, et peut-être des siècles à venir, et que c'était peut-être là la question philosophique fondamentale.

L'intervenant rappelle la référence qu'il a faite, au début des travaux, à l'ouvrage de Camus qui a suivi Le mythe de Sisyphe, et qui s'intitule « L'homme révolté ». Dans ce livre, l'auteur apporte une réponse à cette problématique du suicide, en considérant que c'est la responsabilité et la liberté qui permettent de dépasser le suicide par l'engagement et la solidarité.

L'intervenant pense que cette même démarche peut être suivie lorsqu'on aborde la problématique de l'euthanasie.

Une intervenante déclare qu'elle souhaitait réserver la question de l'intitulé de la proposition de loi, en fonction de l'évolution des discussions. À titre personnel, elle peut suivre assez largement la logique des amendements déposés par M. Destexhe, qui est le résultat de la réflexion menée avec plusieurs collègues, et qui avait amené à proposer un encadrement légal de l'accompagnement de fin de vie dans lequel l'euthanasie pouvait figurer, à titre d'exception.

Le texte était donc intitulé « Proposition relative à l'accompagnement en fin de vie ». On aurait pu ajouter « et à l'exception d'euthanasie ».

La discussion relative à la distinction proposée entre l'euthanasie en phase terminale et le suicide assisté est très importante, car il s'agit de deux situations profondément différentes, y compris sur le plan philosophique.

Il paraît évident que l'on peut trouver au sein des commissions réunies un certain consensus sur la manière dont le médecin doit accompagner les patients en fin de vie, en ce compris l'arrêt de vie en phase terminale, c'est-à-dire le fait de hâter le décès d'un patient en phase terminale dans des cas exceptionnels, comme le dit l'amendement nº 27.

Sur le fond, la distinction précitée est très importante. En effet, lorsqu'on parle de fin de vie, la plupart des gens songent à la phase terminale, et non aux situations dans lesquelles certaines personnes souhaitent qu'on mette fin à leurs jours alors que, médicalement parlant, ils ne se trouvent pas en phase terminale. Une législation qui touche à la vie et à la mort doit donc être claire sur les situations qu'elle vise.

Le fait de distinguer la phase terminale et le suicide assisté se retrouve en général dans les quelques rares législations existant en la matière à travers le monde, sauf peut-être aux Pays-Bas. Souvent d'ailleurs, on légifère uniquement sur le suicide médicalement assisté.

Dans son avis unanime, le Comité français de bioéthique introduit cette question, dans le cadre du comportement auquel il est souhaitable que les médecins puissent parvenir lorsqu'ils accompagnent des personnes en fin de vie.

C'est aussi la raison des amendements déposés par l'intervenante avec d'autres membres sur les droits du patient, le non-acharnement thérapeutique, le refus de l'abandon thérapeutique, de manière à avoir une véritable approche du patient en fin de vie, dans sa globalité, et dans son histoire personnelle.

Le professeur Vincent a bien montré combien le médecin se trouvait, avec les patients en fin de vie, devant une multiplicité de situations possibles, et qu'il serait trop simple de ne considérer qu'une hypothèse correspondant à un nombre relativement limité de cas.

Il est donc très important de distinguer la phase terminale et le suicide médicalement assisté.

Il ne faudrait pas que ces concepts, qui sont profondément différents, puissent être, aux yeux des citoyens, mis sur le même pied. Le législateur doit viser la clarté et la pédagogie.

Faire la distinction indiquée est d'autant plus important qu'un consensus semble possible sur la question de la phase terminale, alors que tel n'est pas le cas pour le suicide médicalement assisté.

Un membre souhaite que l'on en revienne à une certaine logique juridique. À cet égard, l'intervenant s'en tient à la proposition à l'examen, et aux amendements déposés. Il faudra qu'à un moment donné, les opposants à la proposition de loi choisissent une attitude précise. Il a été dit que le vote de la proposition aboutirait à une catastrophe, car il ouvrirait la porte à une série d'abus. On dit maintenant qu'il faut y englober tous les aspects de la fin de vie. Il faut savoir ce que l'on veut. Pour leur part, les auteurs de la proposition ont toujours dit que celle-ci visait un certain nombre de cas bien particuliers, à l'exclusion d'autres hypothèses, comme l'euthanasie des enfants, des handicapés, etc.

Ensuite, en ce qui concerne la distinction que l'on fait aujourd'hui entre phase terminale et suicide médicalement assisté, il est curieux qu'on ne l'ait pas abordée au moment où, à l'origine, on a demandé aux auteurs de la proposition de loi de faire la distinction entre phase terminale et phase non terminale.

Au départ, il n'y avait, dans cette proposition, que la notion de phase terminale.

C'est au cours de la discussion que certains se sont demandé s'il ne fallait pas faire la distinction entre les deux hypothèses, et prévoir une procédure plus complexe et plus longue en cas de phase non terminale.

C'est pour répondre à cette préoccupation que des amendements ont été déposés par les auteurs de la proposition.

On arrive aujourd'hui à une situation paradoxale où, maintenant que les amendements sont déposés, certains déclarent que, de toute façon, ils ne servent à rien, que le médecin est seul face à ce type de situations, et que dès lors, ils ne voteront pas les amendements en question.

On en revient ainsi au point de départ du débat sur la nécessité de légiférer. Par conséquent, tous les dérapages contre lesquels on a voulu, grâce à ces amendements, se prémunir dans le cadre de la phase non terminale risquent de se produire.

Enfin, en ce qui concerne la distinction entre l'euthanasie et le suicide médicalement assisté, l'intervenant renvoie aux débats qui ont déjà eu lieu à ce sujet, et à la distinction ­ quelque peu philosophique ­ opérée par certains experts : d'un côté, il s'agit d'un accompagnement, d'un acte de compassion; de l'autre , c'est un acte tout à fait différent, où il ne s'agit pas nécessairement d'euthanasie. L'intervenant ne peut donc se rallier aux amendements proposés.

Amendement nº 36

M. Galand dépose, à l'amendement nº 27, un sous-amendement tendant à formuler l'intitulé comme suit (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 36) : « Proposition de loi visant les actes qui peuvent hâter le décès d'un patient ». Cette formulation paraît plus correcte. L'auteur de l'amendement nº 27 déclare qu'il peut s'y rallier.

Un sénateur souhaite limiter son intervention à l'amendement nº 28, car il a lui-même déposé à certains articles des amendements qui ont à voir avec la notion de suicide. Il a le sentiment que la plus grande confusion règne à propos de cette notion, que l'on confond même avec celle d'euthanasie.

Il doit être précisé clairement que ce que l'on vise dans la proposition, c'est bien l'euthanasie, à la demande du patient, et exécutée par un tiers.

Le suicide consiste en une tout autre « technique », où un patient se donne lui-même la mort.

L'intervenant souhaite également que l'on ne crée pas ici la confusion sur la façon dont le suicide est perçu dans d'autres pays, y compris sur le plan scientifique.

Le suicide y est un concept parfaitement délimité, qui n'a rien à voir avec l'euthanasie.

L'aide au suicide est, par exemple aux États-Unis, une alternative qui se juxtapose à celle de l'euthanasie.

L'intervenant souhaiterait que l'on envisage également cette possibilité ici. En effet, il est des patients qui, arrivés au terme de leur vie, souhaitent prendre eux-mêmes la responsabilité d'y mettre fin, et ne désirent pas qu'un tiers le fasse à leur place.

L'aide au suicide, dans des situations comparables à celles envisagées pour l'euthanasie, devrait donc être visée par la législation en préparation.

L'intervenant ne veut pas dire par là que l'aide au suicide doit être légalisée dans toutes les situations. Mais elle devrait l'être dans les cas qui répondent strictement aux mêmes conditions que celles fixées pour l'euthanasie.

L'intervenant renvoie aux pays anglo-saxons, où, dans les cas où, en Europe, l'euthanasie est appliquée, on pratique plutôt l'aide au suicide, l'euthanasie étant plus rare.

Ce serait une grave erreur de légiférer uniquement à propos de l'euthanasie, et d'exclure l'aide au suicide, ce qui créerait un vide juridique et une incertitude.

Cela aboutirait à ce qu'un médecin qui se trouve dans les conditions requises pour pratiquer l'euthanasie ne soit pas autorisé à fournir au patient le moyen d'accomplir l'acte lui-même.

Mais ce serait également une erreur de substituer l'aide au suicide à l'euthanasie.

Une membre se rallie aux propos de l'auteur de l'amendement nº 27. Elle estime justifié de faire une distinction entre la phase terminale ­ où le médecin se trouve dans une situation de conflit de valeurs et ne peut faire autrement que de pratiquer l'euthanasie, dans des cas exceptionnels ­ et la phase non terminale, où il s'agit de suicide assisté.

Cependant, l'intervenante ne peut se rallier à l'intitulé proposé, car elle donne la préférence à une formulation où les droits et la dignité du patient sont explicitement visés (voir l'amendement nº 38 dont question ci-après).

Amendement nº 38

Un autre membre précise qu'il a en effet déposé un amendement tendant à remplacer l'intitulé de la proposition par l'intitulé suivant : « Wetsvoorstel houdende de bescherming van de rechten en de waardigheid van de mens bij het levenseinde » (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 38).

Cet amendement reprend le titre de la proposition que le groupe de l'intervenant avait déposée, en vue de protéger la dignité humaine, estimant qu'il fallait prévoir une législation formulée de façon positive, donner la mort à quelqu'un étant toujours un acte négatif, au moins dans ses conséquences. Il vaut mieux viser à garantir la dignité de la personne en fin de vie.

Les définitions sont dangereuses en droit, mais d'autre part, il faut savoir de quoi on parle.

À cet égard, l'avis rendu par le Comité consultatif de bioéthique en 1997 est éclairant. Il est évident que, lorsqu'on parle d'euthanasie, on vise un dilemme qui se pose en fin de vie.

Dès lors, dans l'hypothèse où l'on (se) donne la mort en dehors de la phase terminale, il s'agit bien de suicide assisté.

Cette distinction a été opérée par le Comité de bioéthique, et il importe de la faire, les deux situations étant foncièrement différentes.

En réponse à un précédent orateur, l'intervenant souligne qu'il ne faut pas parler trop vite « des systèmes anglo-saxons ».

Il n'y a qu'un État des États-Unis où l'aide au suicide est réglementée : c'est l'Oregon.

Dans l'État du Maine, un référendum vient d'avoir lieu en même temps que l'élection présidentielle, en vue de légaliser le suicide assisté. Cette possibilité a été rejetée.

Il est donc tout à fait inexact de présenter les choses comme si le suicide assisté était légalisé de façon générale dans les pays anglo-saxons.

L'intervenant auquel s'adresse cette observation répond que telle n'a pas été son intention. Il a seulement voulu souligner que l'aide au suicide était souvent, dans des circonstances bien précises, une alternative à l'euthanasie, en Belgique et dans les pays anglo-saxons.

Une autre membre constate qu'il est question de supprimer le concept de l'euthanasie. L'intervenante déclare qu'elle ne comprend pas le raisonnement qui sous-tend cette suggestion. En effet, l'euthanasie est un concept bien défini. Certes, au départ, une certaine confusion a pu régner à ce sujet dans l'esprit de la population mais, actuellement, chacun sait de quoi il s'agit.

Le but n'est pas de mélanger le texte de la proposition avec des dispositions sur la fin de vie en général, les droits du patient, la lutte contre la douleur. Si l'on veut mélanger tous ces concepts, les travaux des commissions réunies ne pourront pas aboutir.

D'autre part, on ne peut parler de suicide assisté pour tous les patients en phase non terminale. Ici encore, on mélange les concepts.

Amendement nº 37

Mme de T'Serclaes dépose à l'amendement nº 27 un sous-amendement, qui propose de formuler l'intitulé comme suit (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 37) : « Proposition de loi visant l'accompagnement en fin de vie et les actes visant à hâter le décès d'un patient en phase terminale dans des cas exceptionnels ».

L'auteur de l'amendement répète qu'il eût mieux valu discuter du titre de la proposition de loi à la fin des travaux, plutôt qu'au début.

Elle précise que des amendements ont été déposés en vue d'insérer des articles 1erbis, 1erter, et 1erquater dans la proposition de loi, qui concernent précisément l'accompagnement de la fin de vie.

L'intervenante estime qu'il faut pouvoir discuter de l'euthanasie dans le cadre de cet accompagnement, d'où la formulation proposée par son sous-amendement.

Les auditions ont en effet montré qu'une demande d'euthanasie ne surgissait pas de nulle part, mais qu'elle était le résultat de la situation d'un patient à un moment donné.

Amendement nº 39

M. Destexhe dépose un sous-amendement à son amendement subsidiaire nº 28, en vue d'insérer le mot « médicalement » entre le mot « suicide » et le mot « assisté » (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 39).

Un autre membre déclare que, lorsqu'on considère le droit du patient à disposer de lui-même ­ droit qui lui paraît essentiel ­, les choses suivantes doivent coexister pour assurer une fin de vie digne :

­ un droit d'accès correct et égal pour tous aux soins palliatifs, où il faut arriver à un soulagement maximal de la douleur : les six auteurs ont déposé une proposition de loi à ce sujet.

­ pour les patients qui ne peuvent plus endurer leur souffrance : une série de critères auxquels il doit être satisfait pour qu'il puisse être procédé à une euthanasie, en phase terminale ou non (la frontière entre ces deux phases étant difficile à définir, comme l'ont montré les auditions); à cet égard, l'intervenante peut accepter l'idée que certains patients, qu'ils soient ou non en phase terminale, préfèrent se donner eux-mêmes la mort, avec l'aide d'un médecin.

L'intervenante a retenu d'un long entretien avec des Néerlandais qu'ils considèrent l'aide au suicide comme une chose qui ne doit pas être intégrée dans une loi sur l'euthanasie.

C'est pourquoi l'intervenante envisage, après concertation avec ses collègues, le dépôt ultérieur d'une proposition de loi distincte traitant du suicide assisté.

Un autre membre encore constate que tous les parlementaires présents sont favorables à la défense de la dignité des personnes, et s'efforcent, à leur manière, de l'assurer.

L'intervenant se dit partisan d'une législation sur l'accompagnement de la fin de vie, y compris l'exception d'euthanasie. Sa préférence va à des textes spécifiques pour la fin de vie et l'accompagnement de cette fin de vie, et les phases non terminales.

En ce qui concerne le suicide médicalement assisté, il estime qu'il s'agit d'une autre problématique, car le suicide est le fait de se priver soi-même de sa vie.

L'assistance au suicide est la mise à disposition par un tiers de moyens de se suicider.

Par contre, l'euthanasie en phase terminale ou non terminale est un acte qui, à la demande d'une personne, met fin à la vie de celle-ci, et est posé par un tiers dans certaines conditions et selon certaines procédures (prévues par une législation, s'il y en a une).

Le suicide médicalement assisté est donc une autre problématique, qui demande une autre approche, et au sujet de laquelle le débat n'a pas encore eu lieu. Il serait dès lors tout à fait prématuré et inapproprié de lui faire un sort maintenant.

L'intervenant opère plutôt la distinction entre la fin de vie, et l'exception d'euthanasie dans les cas de non-fin de vie.

Quant aux soins palliatifs, ils représentent beaucoup plus qu'une bonne analgésie.

L'on essaie de créer un triptyque : droits du patient, soins palliatifs et exception d'euthanasie.

Peut-être faudrait-il trouver une dénomination globale à ce triptyque et sous ce titre, on verrait mieux, alors, les trois approches se succéder.

Amendement nº 53

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amende-ment tendant à remplacer l'intitulé de la proposition par ce qui suit : « Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967, relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales » (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 53).

L'un des auteurs de l'amendement précise que celui-ci appartient à un ensemble d'amendements qu'il faut considérer de façon globale, et qui constituent un nouveau texte, tout en s'inscrivant dans la philosophie générale du premier texte déposé par son groupe.

Au fur et à mesure de la discussion, l'intervenante exposera les modifications qui ont été apportées à ce texte initial.

Un membre déclare qu'il ne peut souscrire à cet amendement, qui est sous-entendu par une philosophie différente de celle qui a inspiré les six auteurs.

En ce qui concerne les autres amendements, l'intervenant estime que l'on confond toujours l'objectif et les méthodes et procédures.

Depuis le début des débats, voici plus d'un an, on ne s'est occupé que d'euthanasie, et non de l'accompagnement de la fin de vie. Cela doit être dit clairement à l'égard de la population.

Viser l'accompagnement des malades en fin de vie jette la confusion, parce qu'une autre proposition a été déposée, qui traite des soins palliatifs et parle précisément de l'accompagnement, et qu'il a été convenu de voter en même temps que celle qui concerne l'euthanasie.

Il faut appeler les choses par leur nom.

C'est pourquoi, après avoir entendu les auteurs des divers amendements, et tout en comprenant leur souci, il ne peut se rallier à ces amendements.

Une autre membre observe tout d'abord qu'il est assez difficile de se prononcer sur des amendements qui viennent d'être déposés, et méritent une réflexion un peu plus approfondie.

L'intervenante plaide pour que l'on distingue clairement les concepts. Toute une série d'auditions ont eu lieu à propos de l'euthanasie, et tout le monde sait maintenant de quoi il s'agit. On dispose aussi de la définition du Comité consultatif de bioéthique, sur laquelle il semblait exister un consensus.

Puisque l'on veut une législation sur l'euthanasie, il faut le dire dans l'intitulé du texte, et éviter de semer la confusion à l'égard de la population, en donnant l'impression que l'on vise quelque chose de plus large que l'euthanasie au sens strict.

L'intervenante admet que l'aide au suicide mérite sans doute autant d'attention que l'euthanasie, mais cela suppose un débat approfondi qui n'a pas encore eu lieu.

Il faut s'en tenir maintenant à la discussion de la proposition de loi sur l'euthanasie, et ensuite à celle qui concerne les soins palliatifs.

Une autre membre estime que l'on ne peut séparer le débat sur l'euthanasie de celui sur les soins palliatifs. Dans la proposition qu'elle a déposée au sujet de ces derniers, l'intervenante proposait de définir les patients susceptibles de bénéficier des soins palliatifs comme ceux qui ne pouvaient plus espérer de bénéfice d'une approche curative.

Dans le plan qu'ils ont présenté, les ministres s'écartent de cette conception, en limitant les soins palliatifs à la phase terminale.

L'intervenante estime pour sa part que les patients en phase non terminale doivent aussi pouvoir y avoir accès.

Lorsqu'on dit que tous les patients doivent pouvoir choisir entre les différentes possibilités qui existent, il faut bien constater que tel n'est pas le cas pour les patients non terminaux.

Un membre répond comme suit aux différents intervenants.

Il estime tout d'abord qu'il faut arrêter de se référer sans cesse à ce que les auditions auraient démontré puisqu'apparemment, les uns et les autres ont des perceptions différentes de ce qui a été dit.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'a dit un précédent orateur, il estime que l'état du malade permet, dans 99 % des cas, de faire la distinction entre la phase terminale et d'autres hypothèses.

Un autre membre réplique qu'il a dit que le médecin avait un rôle très important à jouer dans cette distinction, et non qu'il était impossible de la faire.

Le précédent orateur poursuit en déclarant que la discussion qui vient d'avoir lieu montre la confusion qui règne à propos de la notion d'euthanasie. Dans la définition même retenue par les six auteurs, il y a une contradiction majeure, puisqu'il y est question de l'acte pratiqué par « un tiers », alors qu'il résulte de tout le reste de la proposition que seul un médecin peut pratiquer l'euthanasie.

Les mots « par un tiers » devraient donc, en toute logique, être remplacés par les mots « par un médecin ».

Dans toutes les sources que l'intervenant a consultées (dictionnaires Robert, Larousse, comité français de bioéthique, textes internationaux), on ne trouve pas la définition du Comité consultatif de bioéthique, retenue par les six auteurs.

Celle que l'on retrouve le plus souvent est la suivante : « acte intentionnel de fin de vie d'une personne en phase terminale, que ce soit oui ou non à sa demande ».

Lorsqu'un médecin met fin à la vie d'une personne sans sa demande, il s'agit d'une euthanasie.

En outre, l'intervenant n'a pas entendu, chez les précédents orateurs, une distinction claire entre euthanasie et suicide assisté.

Un seul a tenté de la formaliser. Ses propos semblent indiquer que, selon lui, le suicide assisté serait l'acte commis par le patient lui-même, alors qu'il y aurait euthanasie lorsqu'il demande à un tiers de l'accomplir.

Cela signifie que, si le patient demande à son médecin un médicament et le prend par la bouche, il s'agit d'un suicide, mais que si le médecin administre une piqûre, il s'agit d'une euthanasie.

L'intervenant estime qu'il faudrait mettre par écrit la définition des deux notions pour pouvoir en discuter.

Il a également été dit que ne pas prévoir deux propositions distinctes était une question de cohérence. L'intervenant estime que la discussion montre qu'il s'agit plutôt d'une question de confusion.

Enfin, le fait d'élargir le champ d'application de la proposition de loi à la phase terminale trouve son origine, non dans les auditions ou les suggestions de collègues, comme cela a été dit, mais bien dans la volonté propre des six auteurs.

L'un de ceux-ci conteste ce dernier point.

Le précédent orateur poursuit en soulignant que la proposition qu'il formule ne s'identifie pas à l'état de nécessité.

En effet, celui-ci suppose l'obligation d'accomplir un acte.

Or, dans la solution proposée par l'intervenant, le médecin n'est jamais obligé d'accomplir une euthanasie; il a toujours le choix.

Un sénateur a le sentiment que l'on confond volontairement ici deux couples de notions. On a d'une part la phase terminale et la phase non terminale, et d'autre part l'euthanasie et le suicide assisté.

L'intervenant prend l'exemple d'un patient cancéreux en phase terminale qui a encore deux semaines à vivre et se trouve dans les conditions énumérées par la proposition.

Il peut donc demander à son médecin de pratiquer l'euthanasie. Mais il peut aussi attacher une grande importance à son droit à disposer de lui-même et, pour des raisons éthiques ou morales, ne pas vouloir laisser au médecin le soin d'accomplir cet acte, mais lui demander une médication qu'il prendra lui-même. Ces deux situations sont tout à fait comparables, et sont d'ailleurs souvent traitées conjointement dans les études dont on dispose sur le sujet.

Si la proposition de loi reste inchangée, pour un patient dans des conditions identiques, dans le premier cas, le médecin ne pourrait être poursuivi, alors que, dans le second, il pourrait l'être pour non-assistance à personne en danger.

Le même raisonnement peut être suivi pour un patient non terminal.

Est-il acceptable que, dans des situations identiques, le médecin ne soit pas punissable dans un cas, mais le soit dans l'autre, où l'autonomie du patient est plus grande ?

L'intervenant demande en tout cas que l'on ait l'honnêteté intellectuelle de ne pas semer la confusion dans les concepts de phase terminale et non terminale, et d'euthanasie et de suicide assisté, même s'il comprend que certains souhaitent limiter l'euthanasie à la phase terminale.

Le débat doit être mené à ce sujet.

On pourrait par exemple imaginer de se limiter à la phase terminale, tout en prévoyant la possibilité à la fois de l'euthanasie et du suicide assisté dans ce cadre.

Une membre déclare que la définition de l'euthanasie citée par un précédent intervenant l'inquiète, car elle englobe le fait de donner la mort à un patient sans son consentement.

L'intervenante y voit une raison de plus pour préciser le plus possible le titre de la proposition de loi et la définition qu'elle contient, et pour ne pas les affaiblir par le recours à des concepts voisins.

Il a aussi été dit que le patient devait pouvoir bénéficier des soins palliatifs dès qu'il ne pouvait plus espérer de guérison.

Mais que faire alors si le patient ne veut pas de cette solution ?

Lorsqu'on parle de dignité du patient en fin de vie, cela inclut aussi le choix du patient à propos de ce qu'il considère personnellement comme sa dignité.

Un autre membre souligne que la discussion sur le titre de la proposition de loi et sur la définition de l'euthanasie est très importante et lourde de conséquences.

Si l'on s'en tient à l'étymologie du mot euthanasie (« bonne mort »), celle-ci serait alors une façon de vivre sa mort. L'on n'est pas aidé par la définition du Comité consultatif de bioéthique, et un précédent intervenant a parfaitement raison de faire remarquer la grande confusion qui règne actuellement sur le terme « euthanasie » dans les textes émanant d'une série d'autorités.

Dès lors, recourir à ce terme, au lieu de sortir de la confusion, nous y plonge au contraire, parce que, partout, l'on s'est écarté de son sens étymologique.

Ceux qui veulent que ce soit une façon de vivre sa mort par un choix personnel respectable sont eux-mêmes desservis maintenant par l'usage confus et multiple qui est fait du terme euthanasie.

On pourrait dire qu'il s'agit d'une façon de faire mourir sa vie. Il faudrait donc englober ce que certains appellent aujourd'hui suicide dans l'euthanasie, mais il faudrait également englober ce que certains appellent aujourd'hui euthanasie dans le terme « suicide ».

Dans la société d'aujourd'hui, vouloir s'accrocher au terme euthanasie ne paraît donc pas être une piste pour sortir de la confusion actuelle.

En effet, c'est le désir de la vie de l'autre, même dans la façon dont il veut assumer sa mort, et non le désir de sa mort, qui doit l'emporter.

Ce désir de la vie de l'autre peut aussi être l'accompagnement de l'autre dans le respect de son désir, sa façon à lui de vivre sa mort et non de voir mourir sa vie.

C'est cette différence radicale que la loi doit clairement indiquer, pour qu'il s'agisse d'une loi de société qui aide les gens à vivre leur vie et leur mort.

Une intervenante déclare que, tant en ce qui concerne le titre que la définition, et après réflexion, le terme « euthanasie » a été, pour les mêmes raisons, supprimé de la proposition de loi alternative déposée par son groupe.

Les auteurs de cette proposition restent très perplexes, car ils constatent chaque jour que la confusion continue à régner sur le terrain entre l'acharnement thérapeutique, l'euthanasie directe, indirecte, active et passive.

Retenir la définition de la proposition ne paraît pas indiqué, car elle ne correspond ni au sens que la population donne généralement à ce mot, ni à ce qui figure dans la littérature médicale et étrangère.

En ce qui concerne l'amendement nº 27, il pose problème parce qu'on ne sait pas exactement ce qui est visé. Vise-t-on toutes les manières dont on peut accompagner un patient en fin de vie qui demande d'en finir, et toutes les manières dont on peut administrer des traitements ayant pour effet d'entraîner la mort ?

Dans la littérature médicale, les médecins font la distinction entre euthanasie passive et euthanasie active. Le titre proposé à l'amendement nº 27 vise-t-il les deux ?

Quant au suicide assisté, le groupe de l'intervenante ne souhaite pas aborder cette problématique dans le cadre d'une législation sur l'euthanasie.

Il considère en effet que, si la réflexion et les débats ont porté en général sur la problématique de l'euthanasie, ils n'ont pas été complets sur celle du suicide assisté, lequel relève d'une autre philosophie.

Enfin, il faut être prudent lorsqu'on donne une définition de l'état de nécessité; un précédent intervenant a en effet confondu celui-ci avec la contrainte morale. Dans l'état de nécessité, le médecin n'a pas l'obligation de poser un acte : il fait un choix de valeur en conscience.

Un autre membre fait observer que le législateur a le pouvoir de donner aux concepts, et notamment à celui d'euthanasie, le contenu qu'il veut.

Cependant, si l'on considère les auditions, la littérature internationale, et la définition classique de l'euthanasie, il s'agit clairement d'une intervention médicale en fin de vie. Par conséquent, si l'on entend réglementer des cas qui ne se situent pas dans la fin de vie, on ne se trouve plus dans le cadre de cette définition classique.

Votes

L'amendement nº 27 de M. Destexhe est rejeté par 23 voix contre 3 et 2 abstentions.

L'amendement nº 36 de M. Galand (sous-amendement à l'amendement nº 27) est rejeté par 23 voix contre 3 et 2 abstentions.

L'amendement nº 37 de Mme de T' Serclaes (sous-amendement à l'amendement nº 27) est rejeté par 23 voix contre 3 et 2 abstentions.

L'amendement nº 28 de M. Destexhe (amendement subsidiaire à l'amendement nº 27) est rejeté par 27 voix contre 1.

L'amendement nº 39 de M. Destexhe (sous-amendement à l'amendement nº 28) est rejeté par 26 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 38 de M. Vandenberghe et Mme van Kessel est rejeté par 17 voix contre 6 et 5 abstentions.

L'amendement nº 53 de Mme Nyssens et consorts est rejeté par 20 voix contre 2 et 6 abstentions.

Chapitre premier ­ Intitulé

Amendement nº 42

M. Vandenberghe et Mme van Kessel déposent un amendement tendant à remplacer l'intitulé du chapitre premier par ce qui suit : « Chapitre premier ­ Des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous ». (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 42).

L'un des auteurs précise que ceux-ci ont traduit en amendements la proposition de loi déposée par leur groupe.

Il est essentiel, à leurs yeux, que l'accès aux soins palliatifs soit formulé comme un droit de base pour chaque citoyen, et réalisé comme tel.

Si une personne a le droit, lorsqu'elle se trouve dans une situation de nécessité, de demander qu'il soit mis fin à sa vie, elle doit aussi avoir le droit de réclamer et d'obtenir des soins palliatifs.

Il faut d'abord offrir aux patients la possibilité de faire disparaître leur douleur, avant de procéder à une euthanasie.

On ne peut parler du droit à demander l'euthanasie en phase non terminale, si, parallèlement, le droit d'accès aux soins palliatifs n'est pas garanti dans cette même phase. Or, comme déjà indiqué, tel n'est pas le cas.

Un membre comprend le point de vue de la précédente intervenante mais souligne qu'en déposant des propositions de loi distinctes pour l'euthanasie et pour les soins palliatifs, les auteurs ont voulu mettre en évidence ­ et tel reste leur point de vue ­ que ces soins ne pouvaient à leurs yeux constituer un passage obligé avant toute demande d'euthanasie.

L'un des auteurs de l'amendement répond qu'elle partage le point de vue selon lequel les soins palliatifs ne peuvent jamais constituer une obligation pour le patient, mais qu'ils doivent être un droit, dans la phase terminale mais aussi dans la phase non terminale, ce qui n'est pas prévu.

Un membre réplique que dans l'état actuel de la législation, tout citoyen a droit aux meilleurs soins.

L'un des auteurs de l'amendement déclare que les prises de position relatives à cette matière sont évidemment de nature politique, et que, dès lors, il n'a pas l'illusion qu'il convaincra ses collègues qui sont d'un avis contraire.

Cependant, l'intervenant désire insister sur le fait que formuler un droit de base aux soins palliatifs a un sens. De la même manière, on a formulé aussi beaucoup d'autres droits sociaux.

L'intervenant se réfère à la discussion qui a eu lieu dans les années 80 à propos de la loi D'Hoore relative au droit à certains acquis sociaux. L'on s'est demandé, là aussi, si cette démarche avait un sens. Le législateur a finalement décidé de consacrer ce droit.

Consacrer un droit aux soins palliatifs fait que le législateur se sent obligé d'en tirer les conséquences. En tout cas, cela crée pour le patient un droit à contraindre l'autorité à respecter cette obligation juridique.

Un deuxième exemple est la consécration des droits économiques et sociaux dans la Constitution.

Ce point a toujours été considéré comme délicat, mais il a finalement été admis que c'était là une bonne façon de procéder.

Si l'on prend au sérieux le droit aux soins palliatifs, il doit avoir une base légale, et ne peut dépendre seulement d'une majorité, ni d'un programme politique du gouvernement ou du ministre.

Pourquoi cette base légale doit-elle figurer dans une loi relative à la dignité de la personne en fin de vie ? Pour mettre en évidence que dans la société, on fait tout, à titre préventif, pour empêcher que ne naissent des demandes d'euthanasie.

Les soins palliatifs ne sont pas une alternative à l'euthanasie mais consistent à créer un milieu et un climat de vie qui font que ces demandes ne doivent tout simplement pas être posées parce que l'on dispose de suffisamment de moyens d'accueil pour qu'il ne faille pas hâter le décès de patients.

Il va de soi que le droit aux soins palliatifs ne constitue pas une obligation de subir ces soins. Mais refuser ceux-ci ne signifie pas non plus que l'on a droit à l'euthanasie.

Le Hoge Raad néerlandais lui-même a énoncé ce principe dans l'affaire Chabot souvent citée, en indiquant que, lorsqu'on se place soi-même dans une situation de nécessité, cela ne constitue pas une cause de justification, lorsque des alternatives légitimes existent.

Un précédent intervenant déclare qu'il ne faut reprendre tous les droits de tous les citoyens dans chaque loi. On peut difficilement mentionner tous les droits des patients dans la proposition de loi en discussion.

Une proposition de loi distincte prévoit le droit aux soins palliatifs, mais ces droits sont réservés à la phase terminale. Les autres soins relèvent des droits ordinaires et quotidiens des patients.

L'un des auteurs de l'amendement ne comprend pas ce qui empêche de reprendre un article relatif au droit aux soins palliatifs dans la proposition relative à l'euthanasie, et de donner ainsi un signal important à la société.

Un membre observe que les droits du patient ne sont pas absents des propositions de loi des six auteurs.

Ceux qui concernent l'euthanasie sont repris dans la proposition qui traite de l'euthanasie, et ceux qui concernent les soins palliatifs dans celle qui traite de ces soins.

Les soins palliatifs sont d'ailleurs mentionnés aussi dans la proposition sur l'euthanasie (voir article 3, 1º).

Un autre membre déclare ne pas avoir d'objections de fond aux observations formulées par un précédent orateur, mais il constate que l'article 2 de la proposition des six auteurs relative aux soins palliatifs consacre le droit aux soins palliatifs en question.

Par ailleurs, les amendements déposés par les six auteurs ne disent pas qu'il n'y a pas de droit aux soins palliatifs en phase terminale.

L'article 3 proposé par l'amendement nº 14 (voir infra) comporte un § 3 qui détermine les éléments que le médecin doit présenter au patient, et notamment les possibilités de soins palliatifs. C'est, ultérieurement, un élément de procédure supplémentaire qui indique la différence entre la phase terminale et la phase non terminale.

Pour le surplus, l'extension des soins palliatifs est un autre problème. C'est un élément d'ordre politique général, qui ne doit pas interférer ici, dans les choix juridiques que l'on fait ici.

Mme de T' Serclaes signale qu'elle a déposé avec MM. Galand et Destexhe un amendement tendant à insérer un article 1erquater (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 24), qui reprend en grande partie la discussion qui vient d'avoir lieu, en la replaçant dans le contexte général d'une législation prévoyant un encadrement légal des actes d'accompagnement de fin de vie, dans laquelle il est clairement indiqué les obligations de la société, et en particulier du médecin, par rapport au patient en fin de vie, en ce compris le droit de bénéficier de soins continus et palliatifs de qualité.

La problématique du patient doit être considérée dans sa globalité, et en traiter les divers aspects dans des textes séparés n'est pas le meilleur signal que l'on puisse donner.

Amendement nº 45

Mme Nyssens et M. Thissen déposent également un amendement tendant à remplacer l'intitulé du Chapitre Ier par les mots « Chapitre Ier : Soins palliatifs et continus » (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 45).

L'un des auteurs de l'amendement précise que ceux-ci estiment en effet que la problématique des soins palliatifs et continus est intimement liée à celle que traite la proposition de loi en discussion. Il est vrai que, comme l'a dit un précédent orateur, chaque citoyen a droit aux meilleurs soins, mais il est vrai aussi que les soins palliatifs sont une application relativement récente de la médecine, puisqu'ils s'écartent de l'approche curative habituelle de celle-ci.

Certaines notions sont sans doute beaucoup plus présentes dans la médecine palliative que dans la médecin curative habituelle, notamment la prise en compte de la souffrance psychologique, sociale, familiale, l'accompagnement qui doit avoir lieu à ce sujet, et la problématique de la communication.

L'insertion des soins palliatifs dans la proposition à l'examen se justifie aussi par le fait que, si une autre proposition de loi des six auteurs traite effectivement de cette matière, il est impossible de dire, à l'heure actuelle, quel sera le contenu du texte qui sera finalement voté à ce sujet.

S'agira-t-il ou non d'un texte qui créera des obligations très importantes dans le chef du gouvernement, notamment quant aux moyens à mettre en oeuvre ? On ne le sait pas.

C'est pourquoi il faut indiquer ici ce que l'on entend par soins palliatifs, continus et continués, et donner un signal fort sur l'absolue nécessité d'intégrer les soins palliatifs dans la réflexion sur la fin de vie, étant donné qu'un accès correct et généralisé aux soins palliatifs doit permettre de réduire de façon significative le nombre de demandes d'euthanasie.

Votes

L'amendement nº 42 de M. Vandenberghe et de Mme van Kessel est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 45 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

Article premier

Cet article ne suscite aucune observation.

Il est adopté par 22 voix et 6 abstentions.

Article 1erbis (nouveau)

Amendement nº 22

Mme de T'Serclaes et consorts déposent un amen-dement tendant à insérer un article 1erbis dans la proposition à l'examen (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 22).

Cet article est libellé comme suit :

« Art. 1erbis. ­ Tout patient, qu'il soit mineur ou majeur, a droit à obtenir toutes informations utiles et appropriées sur son état de santé et sur les possibilités de traitement et de soins.

Le médecin les lui communique sous une forme et en des termes appropriés en fonction de sa capacité de discernement et de son état physique et mental.

Sauf urgence ou indication contraire tenant aux souhaits ou à la situation du patient, cette information doit être correcte et complète. »

L'auteur principal de l'amendement rappelle qu'à l'occasion de la discussion relative au titre de la proposition, elle a déjà eu l'occasion d'exprimer le souci des signataires de l'amendement d'élaborer une législation qui garantisse un continuum dans l'accompagnement de la fin de vie.

Les amendements nºs 22 à 24 déposés par les mêmes signataires sont repris du texte communiqué en son temps aux commissaires, qui constituait une proposition visant un encadrement légal de l'accompagnement de fin de vie, et qui tendait à ce que l'acte d'euthanasie ne soit pas envisagé isolément.

En effet, les auteurs estiment que l'on ne peut traiter de façon isolée le seul acte d'euthanasie, comme si cette demande surgissait de nulle part.

Les nombreuses personnes qui ont été auditionnées ont bien montré la complexité du sujet, et l'importance d'un meilleur dialogue patient-médecin, particulièrement au sein de l'hôpital.

Les auditions ont montré que la question de l'euthanasie a surgi face à une médecine de plus en plus technique, qui peut aujourd'hui réaliser des prouesses, mais aussi déposséder les patients de leur propre mort ou de leur parole sur leur propre vie.

Il est donc important de traiter cette question dans un ensemble, et à partir de certains droits que l'on confère au patient (voir notamment l'audition de Mme Mylène Baum à ce sujet).

Permettre à chacun de se réapproprier sa propre mort doit être l'objectif central d'une législation relative à l'accompagnement de fin de vie. Pour ce faire, il est essentiel de pouvoir développer un véritable dialogue entre le médecin et son patient.

Si l'on veut véritablement que le patient soit considéré comme une personne à part entière et pas seulement comme un organisme à soigner, il faut que ce patient puisse disposer d'un minimum de droits lui permettant de nouer un véritable dialogue avec son médecin, et d'être réellement partie prenante des décisions qui le concernent.

Si l'on veut en effet traiter correctement la question de la demande d'euthanasie, on ne peut l'isoler du contexte dans lequel cette demande est formulée.

C'est pourquoi les auteurs des amendements nºs 22 à 24 estiment que cette question doit être intégrée dans une législation sur l'accompagnement de fin de vie, dans laquelle la demande d'euthanasie est appréhendée comme une situation exceptionnelle, à laquelle on doit certes pouvoir répondre, mais dans un contexte de soins précis et de dialogue patient-médecin réhabilité.

Ce qui motive ces amendements est de pouvoir véritablement initier ce nouveau rapport médecin-patient au sein de l'hôpital, et de s'assurer que tous les actes médicaux ­ particulièrement en fin de vie ­ fassent l'objet d'un dialogue suivi, dans la transparence, entre le patient, le médecin et l'ensemble des partenaires de la décision médicale.

Les amendements déposés font déjà partie, pour l'essentiel, de la déontologie médicale, et sont repris dans de nombreux textes internationaux comme la Déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe (OMS, 1994), la Charte européenne du malade et des usagers de l'hôpital, etc.

Les articles 1erbis à 1erquater proposés définissent des droits essentiels concernant l'information et le consentement. Les auteurs des amendements tiennent à ce qu'un minimum de droits du patient soient consacrés dans la législation sur l'euthanasie, parce que ce n'est que sur cette base qu'un dialogue patient-médecin pourra se développer correctement, et que le non-dit actuel autour de la maladie incurable et du décès sera progressivement transformé en une communication sereine entre les différents acteurs.

L'article 1erbis proposé vise à donner au principe de l'information une réalité tangible sur laquelle fonder une véritable relation thérapeutique.

Il est indispensable, pour que cette relation soitcorrecte, que le patient soit informé le plus correctement et le plus complètement possible sur sa situation, sur l'évolution probable de sa maladie, sur les traitements et soins envisageables et leurs effets.

L'amendement nº 22 vise donc à conférer au patient un droit général à l'information sur son état de santé, et sur les possibilités de traitement et de soins.

Il prévoit aussi que cette information doit être communiquée au patient en des termes appropriés, et que, sauf urgence ou indication contraire tenant aux souhaits ou à la situation du patient, l'information doit être correcte et complète.

Les auteurs de l'amendement auraient pu développer davantage le texte proposé. Certains textes internationaux, certaines propositions déposées antérieurement à la Chambre, et d'autres, dont les commissions réunies sont actuellement saisies, vont d'ailleurs beaucoup plus loin dans le détail.

Un sénateur se déclare entièrement d'accord avec le contenu des propos de la précédente intervenante. Tout au long de la discussion sur l'euthanasie, il a été dit que notre législation comportait une lacune en ce qui concerne les droits du patient. Il faut renvoyer à cette lacune d'une façon ou d'une autre.

L'intervenant plaide pour que ce qui vient d'être dit soit plutôt repris dans les développements, où la nécessité d'une législation sur les droits du patient devrait être soulignée.

Du reste, il est probable qu'une telle législation verra le jour au cours de la présente législature.

Une remarque similaire vaut pour les amendements nºs 23 et 24. L'intervenant suggère de tenir le débat de fond à ce sujet à un autre moment, car il n'a pas sa place dans une discussion sur l'euthanasie et, éventuellement, sur le suicide assisté, mais bien dans une discussion plus large sur les droits du patient.

Un membre estime que la proposition du précédent intervenant est sage. Certaines propositions de loi, qui concernent les droits du patient, sont du reste actuellement soumises à la commission des Affaires sociales du Sénat.

Le groupe de l'intervenant a toujours marqué son accord pour avancer en la matière, et déterminer un corpus de règles sur ce que le patient est en droit d'attendre du médecin, entre autres au moment où survient sa maladie.

L'intervenant ne croit pas qu'il soit opportun, dans une loi particulière, de préciser des dispositions d'ordre général qui s'appliquent, non seulement à l'euthanasie, mais à l'ensemble de la situation de santé de la personne humaine.

Si l'on décidait malgré tout de le faire, ce serait extrêmement dangereux, car la disposition proposée est d'ordre général. Elle s'applique donc à tous et, ce faisant, remet en cause la position restrictive prise par les six auteurs à l'égard des mineurs et des personnes handicapées.

Une précédente intervenante répond que le droit à l'information concerne aussi bien les majeurs que les mineurs. Il ne s'agit absolument pas ici de l'euthanasie. L'article proposé se conçoit dans le cadre d'une proposition sur l'accompagnement de la fin de vie. Cet accompagnement peut concerner des mineurs comme des majeurs.

Un membre partage le point de vue selon lequel tant les mineurs que les majeurs ont le droit à l'information.

En ce qui concerne l'amendement proposé, l'intervenante peut se rallier à son contenu.

Cependant, elle se rallie aussi au point de vue exprimé par un précédent orateur et selon lequel, s'agissant de la manière dont la relation entre patient et médecin doit se dérouler, il est très difficile d'insérer cela dans le texte de loi, parce que le contenu de l'amendement proposé est beaucoup plus large.

La discussion sur l'euthanasie a accéléré et élargi, dans la société, le débat sur les droits du patient et la relation de ce dernier avec le médecin. Ce débat doit aussi être mené dans les communautés.

En septembre 1998, l'intervenante a rendu visite aux doyens de toutes les universités flamandes pour leur demander de prévoir dans la formation des médecins des éléments relatifs à la communication avec le patient et à la délivrance de messages difficiles relatifs à leur santé.

Tout cela dépasse largement l'inscription d'un article dans la législation.

Mais cela pourrait effectivement être repris dans les développements relatifs à la proposition à l'examen.

Un autre membre se rallie à l'opinion exprimée par les précédents intervenants, tout en approuvant comme eux l'amendement sur le fond.

La proposition à l'examen ne concerne que les majeurs. Il n'est pas opportun d'y introduire une disposition visant également les mineurs.

De plus, la communication entre patient et médecin va beaucoup plus loin que ce qui a été dit jusqu'à présent.

Lorsqu'on parle d'informed consent, il s'agit du traitement du patient, auquel celui-ci doit donner son accord après avoir été informé.

Dans la proposition à l'examen, il s'agit d'une demande d'euthanasie qui émane du patient lui-même et qui est adressée au médecin. Cela est traité à l'article 3 de cette proposition.

Un membre se rallie à l'amendement nº 22, déposé par Mme de T' Serclaes et consorts. L'auteur principal a rappelé les textes dont elle s'est inspirée, et qui ont une grande notoriété puisqu'il s'agit de textes internationaux émanant notamment de l'OMS et du Conseil de l'Europe.

Le groupe de l'intervenante a également prévu, dans le cadre de sa proposition globale, un chapitre relatif aux droits du patient qui est rédigé de la même manière, à quelques nuances près (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 47). La mention du droit du patient à refuser l'information y est exprimée de façon légèrement différente.

Quant aux objections relatives à l'opportunité de traiter des droits du patient dans le cadre de la proposition à l'examen, l'intervenante exprime une certaine inquiétude car, si la ministre de la Santé publique a annoncé le dépôt d'une note et d'un avant-projet en la matière, ainsi que des auditions à la Chambre, on n'a aucune assurance quant au calendrier des travaux.

En outre, il est dommage de recommencer dans une autre assemblée un travail déjà largement entamé au Sénat.

L'amendement nº 47 cosigné par l'intervenante n'est pas exhaustif au sujet des droits du patient. Les auteurs ont sélectionné ce qui pouvait concerner toutes les décisions de fin de vie et qui leur semble devoir précéder la demande d'euthanasie.

Amendement nº 52

M. Galand dépose à l'amendement nº 22 un sous-amendement, qui propose de supprimer les mots « qu'il soit mineur ou majeur » (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 52).

Ce sous-amendement tient compte de remarques qui viennent d'être formulées. Il tend à supprimer des termes qui amènent plus de confusion que de clarté.

Un autre membre constate qu'il existe une divergence d'opinions au sein des commissions réunies, au sujet de la forme légale que doit revêtir la conclusion des travaux menés depuis plus d'un an.

Depuis le débat qui a eu lieu au Sénat en 1997, il était clair que l'on entendait traiter le problème de la dignité de la personne en fin de vie, période où une série de décisions médicales sont prises, et où le nombre de cas d'euthanasie est limité. Le problème de la dignité en fin de vie ne se réduit heureusement pas à la question de l'euthanasie.

C'était précisément là l'un des apports de l'avis du Comité consultatif de bioéthique, qui suggérait que l'on fixe des conditions minimales, pour éviter un glissement des euthanasies clandestines vers d'autres décisions médicales en fin de vie.

Les amendements déposés par des membres de la majorité réduisent à nouveau le débat.

Telle est la volonté politique, qui transparaît dans le choix de régler certains aspects du problème dans la proposition à l'examen, et de renvoyer d'autres aspects à d'autres textes, dont la discussion se trouve à un autre stade d'avancement.

Or, lorsqu'il est question ici de la déclaration de volonté ou du consentement du patient, il est bon que des amendements soient déposés en vue de préciser les choses.

Le problème des droits du patient n'a rien de neuf. L'intervenant a publié des articles sur le sujet dans les années 70, à propos de la responsabilité médicale. La notion d'informed consent vient des États-Unis et a été élargie par la Cour de cassation, tant en France qu'en Belgique. Lorsque le patient n'a pas été correctement informé, n'a pas donné son consentement éclairé, la responsabilité du médecin n'est pas une responsabilité pour faute, mais une responsabilité pour le risque.

Sans vouloir se prononcer dés à présent sur le contenu des amendements proposés, l'intervenant estime qu'il ne faut pas rejeter a priori l'idée de préciser le degré de consentement requis pour les décisions visées par les propositions à l'examen.

Un membre estime que les amendements déposés au sujet des droits du patient méritent d'être examinés de façon plus approfondie, notamment sur certains sujets, comme le droit du patient de ne pas savoir.

Cela doit se faire dans le cadre de la discussion annoncée par la ministre de la Santé publique.

Un autre membre déclare que les amendements lui paraissent intéressants, mais estime lui aussi qu'ils méritent discussion. Ainsi, le droit de ne pas savoir est un problème extrêmement compliqué dans la relation entre le médecin et le malade.

Le texte présenté a tenté de prendre en compte l'ensemble des nuances relatives à la problématique de la vérité dans cette relation.

Tout cela doit faire l'objet d'une discussion générale.

Intégrer dans un texte spécifique relatif à l'euthanasie des dispositions générales sur les droits du patient, ce serait faire de ces droits du patient une problématique spécifique.

L'intervenant n'est pas favorable à une telle approche.

Pour le surplus, un précédent orateur a relevé avec pertinence qu'il existait des divergences au sein des commissions réunies quant à la manière de finaliser les travaux.

L'auteur principal de l'amendement nº 22 dit souscrire au sous-amendement nº 52 de M. Galand, qui tend à dissiper toute confusion quant à l'application du texte à tous les patients. Il n'empêche que lorsqu'on rédige une loi sur les droits des patients, on doit débattre du sort des patients mineurs en tenant compte de la Convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'observation suivant laquelle le texte proposé par l'amendement nº 22 serait davantage à sa place dans une loi relative aux droits du patient que dans une loi relative à l'euthanasie, l'intervenante souligne que l'avantage de l'amendement est que l'on pourra au moins faire référence à cette discussion lorsque le législateur examinera une législation sur les droits du patient. En outre, il semble souhaitable d'intégrer dès à présent certains droits des patients dans le cadre de la législation relative à l'euthanasie, de sorte que les patients concernés puissent déjà les invoquer.

La membre signale qu'il ressort des auditions que plusieurs témoins jugent indispensable l'existence des droits des patients, ou du moins de certains de ces droits. D'aucuns ont même affirmé que les droits des patients devaient être une condition préalable à une loi sur l'euthanasie. À la remarque selon laquelle il faut d'abord entamer une large réflexion, elle réplique qu'au cours de la législature précédente, on a déjà débattu longuement d'un projet de loi du gouvernement sur la question.

Elle renvoie également aux déclarations qu'a faites récemment la ministre de la Santé publique, qui a déclaré qu'elle allait déposer à la Chambre des représentants une note de réflexion sur les droits des patients. Elle souhaite cependant émettre quelques observations à ce sujet.

Pourquoi une simple note de réflexion ou une déclaration d'intention et non un projet de loi ? Pourquoi déposer cette note à la Chambre des représentants alors que le Sénat débat de la question depuis un an déjà ? Pour la membre, cette méthode fait qu'il est peu probable qu'une loi sur les droits du patient voie le jour au cours de la présente législature. Il est donc absolument nécessaire d'inscrire d'ores et déjà, dans la loi relative à l'euthanasie, des droits minimaux pour les patients.

L'intervenante juge que la référence à la disposition figurant à l'article 3, § 3, de la proposition de loi à l'examen, n'est pas pertinente. En effet, cette disposition doit être interprétée comme constituant une des conditions pour qu'un acte d'euthanasie afin que cet acte ne soit pas considéré comme un délit. Le texte de l'amendement nº 22 part au contraire du principe que d'emblée, une bonne relation thérapeutique s'établirait entre le médecin et le patient, et ce plus particulièrement ­ mais non exclusivement ­ en fin de vie. Telle est d'ailleurs également la portée de la proposition de loi relative aux droits du patient de M. Patrik Vankrunkelsven (doc. Sénat, nº 2-474/1), qui vise à offrir une garantie juridique des droits du patient dans tous les actes médicaux qui sont posés en fin de vie. Cela va plus loin que simplement l'euthanasie, qui est un acte médical tout à fait exceptionnel.

Pour conclure, la membre déclare qu'il y a lieu d'inscrire déjà des droits minimaux pour le patient dans la loi relative à l'euthanasie si le Sénat tient à assumer ses responsabilités législatives. C'est ce qui ressort de toutes les auditions. L'intervenante espère donc que l'amendement nº 22 pourra recueillir l'assentiment de la majorité des membres des commissions réunies.

Un membre souligne que son groupe s'est toujours prononcé contre la limitation des compétences du Sénat. Ceux qui, à l'époque, ont approuvé la réforme, sont mal placés pour émettre maintenant des critiques à ce sujet.

Un autre membre estime que le débat sur l'euthanasie s'inscrit dans un cadre plus large, à savoir celui des soins palliatifs et des droit du patient. Tant qu'on ne disposera pas d'une loi sur les droits des patients, il faudra élaborer une réglementation minimale dans le cadre de la loi relative à l'euthanasie. L'amendement nº 22 est donc indispensable. Le droit à l'information, au consentement, au refus de l'acharnement thérapeutique, aux soins palliatifs et, de manière générale, le droit qu'a le patient de choisir la manière dont il veut vivre la fin de sa vie, doivent être réglés conjointement avec la présente proposition de loi.

Il va de soi que le droit à l'information ne signifie pas qu'on est tenu d'informer des personnes sur leur état de santé alors que celles-ci ne le souhaitent pas. L'amendement nº 22 ne vise pas uniquement l'autonomie du patient ou la solidarité de l'entourage de celui-ci, mais les deux : l'autonomie et la solidarité. Tel doit être également le but du travail effectué au Sénat.

Enfin, le membre souligne que si l'on intégrait certains droits du patient dans la loi relative à l'euthanasie, comme cela est proposé dans l'amendement nº 22, la Chambre des représentants aurait toujours la possibilité de supprimer les dispositions en question du projet qui lui sera transmis, s'il s'avérait que le projet de loi relative aux droits du patient prévoit des droits identiques. Toutefois, il serait prudent de garantir d'ores et déjà certains droits du patient dans le cadre de la législation relative à l'euthanasie.

Un membre renvoie à l'amendement nº 48 qui a été déposé à l'article 3 de la proposition de loi et qui exprime des préoccupations identiques à celles qui sous-tendent l'amendement nº 22. Les patients mineurs sont mentionnés explicitement. Il ressort en effet des auditions qu'il y a un dialogue intense entre les médecins et les patients mineurs ­ souvent des enfants ­ qui sont parvenus à la fin de leur vie. Le témoignage du docteur Moulin était particulièrement frappant à cet égard.

Le membre rappelle que la réaction du patient vis-à-vis du médecin qui ne tient pas suffisamment compte de ses souhaits est à l'origine des travaux du Sénat. Les médecins agissent souvent d'une manière trop technique et pas assez humaine. En définitive, cet aspect du débat risque de ne pas être réglé dans la proposition de loi à l'examen, et c'est très regrettable. En s'abstenant de régler maintenant les droits des patients comme on le fait pour les soins palliatifs, le législateur ne prend pas ses responsabilités.

Une autre membre demande que l'on examine et adopte conjointement trois propositions de loi distinctes, à savoir celle relative à l'euthanasie, celle relative aux soins palliatifs et celle relative aux droits du patient. À ce sujet, il y a lieu de suivre plutôt l'ordre inverse et de régler d'abord les droits du patient, ensuite les soins palliatifs et en dernier lieu l'euthanasie.

Comme il appert maintenant qu'il n'est même pas possible de traiter ces trois dossiers en parallèle, il est essentiel d'inscrire dans la loi relative à l'euthanasie une disposition générale sur les droits du patient. L'intervenante peut donc souscrire aux amendements nºs 22 et 48.

Un membre confirme que depuis longtemps déjà, on aurait dû adopter une loi sur les droits du patient; il en va d'ailleurs de même en ce qui concerne une loi éventuelle sur les soins palliatifs. Pour cette dernière, on en parle depuis 1974. Par conséquent, il est grand temps que dans un délai d'un an environ, on dispose d'une législation qui couvre toutes ces matières. En effet, on a suffisamment perdu de temps ces trente dernières années.

Un autre intervenant attire l'attention sur le texte de l'article 3, § 3, 1º, de la proposition de loi. Cette disposition règle à la fois les soins palliatifs et l'information sur l'état de santé.

Une préopinante réplique qu'il y a une différence entre l'information sur les possibilités en matière de soins palliatifs, comme elle est formulée à l'article 3, § 3, 1º, et le droit aux soins palliatifs. Cette distinction est très importante, surtout lorsqu'il s'agit de patients qui ne sont pas en phase terminale.

Un membre souligne que la proposition de loi ne part pas du principe suivant lequel il y a obligation de prodiguer des soins palliatifs. En inscrivant le droit fondamental aux soins palliatifs dans la législation, le groupe de l'intervenant veut faire en sorte que l'administration de soins palliatifs devienne une obligation médicale normale, qui s'impose à tous les établissements sans distinction de personnes. On ne peut pas comparer cela avec une simple information sur les possibilités comme proposé dans la proposition de loi à l'examen.

Une préopinante réplique que cette question doit être réglée dans le chapitre « Dispositions générales ». Ce chapitre prévoit une série de dispositions générales concernant la bonne pratique médicale en fin de vie. Il est absolument indispensable de faire débuter ce chapitre par l'information et le consentement et de passer ensuite à l'obligation de fournir des soins palliatifs et à l'interdiction de pratiquer l'acharnement thérapeutique. Ce sont des conditions minimales pour une bonne pratique médicale à la fin de la vie et il y a lieu de les insérer dans la proposition de loi avant les dispositions réglant l'euthanasie proprement dite.

L'intervenante souscrit aux propos d'une préopinante qui a déclaré qu'il fallait élaborer un dispositif global pour les actes médicaux posés à la fin de la vie plutôt qu'un dispositif qui concerne uniquement l'euthanasie.

Un autre membre approuve la thèse suivant laquelle il faut intégrer un minimum de droits des patients dans la loi relative à l'euthanasie, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, on examine la proposition de loi relative à l'euthanasie avant de passer à l'examen de la proposition relative aux soins palliatifs. Même si on votera simultanément sur les deux propositions, il n'y a aucune garantie, ni quant au déroulement de la discussion ni quant au texte qui sera voté en définitive.

La deuxième raison, c'est qu'une fois devenus loi, les deux textes vont évoluer de manière indépendante. La proposition relative à l'euthanasie ne contient rien au sujet des soins palliatifs. Or, la logique demande que les soins palliatifs soient intégrés dans la loi relative à l'euthanasie.

Un membre se demande quelle est l'objection contre le fait d'insérer une disposition sommaire relative aux droits du patient, dès lors que tous conviennent de la nécessité de le faire.

Il lui est répondu qu'on ne peut pas, dans le chapitre « Dispositions générales », tout régler pour tout le monde. Si l'on devait malgré tout essayer de le faire, on créerait une législation incomplète, ce qu'il y a lieu d'éviter. Il est impossible d'intégrer tous les droits dans la future loi : les droits du patient, les droits des médecins et des hôpitaux, les droits aux soins palliatifs, etc.

Amendement nº 51

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 51), visant à insérer un article 1erbis nouveau. Cet article modifie l'article 1er de l'arrêté royal nº 78 en vue d'intégrer la dimension palliative dans l'art médical.

Votes

L'amendement nº 22 de Mme de T' Serclaes et consorts est rejeté par 15 voix contre 4 et 9 abstentions.

L'amendement nº 52 de M. Galand (sous-amendement à l'amendement nº 22) est rejeté par 15 voix contre 4 et 8 abstentions.

L'amendement nº 51 de Mme Nyssens et de M. Thissen est rejeté par 19 voix contre 2 et 7 abstentions.

L'amendement nº 48 de Mme Nyssens et de M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

Article 1ter (nouveau)

Amendement nº 23

M. Galand renvoie à la justification de son amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 2-244/4), qui vise à insérer un article 1erter (nouveau) concernant l'information et le consentement du patient. Cet article est rédigé comme suit :

« Art. 1ter. ­ Sous ces mêmes réserves, aucun acte médical ne peut être posé, poursuivi ou arrêté sans le consentement libre et éclairé du patient.

Ce consentement peut être retiré à tout moment. Dans ce cas le médecin informe le patient sur les effets prévisibles de sa décision.

Le patient, qui ne souhaite pas exercer lui-même les droits à l'information et au consentement que lui confère la présente loi, peut désigner à cet effet une personne de confiance.

Toute personne peut établir par écrit, de la manière qu'elle juge appropriée, des directives quant aux modalités de sa fin de vie pour le cas où elle ne se trouverait plus en état d'exprimer ses souhaits. Ce document a une valeur indicative pour le médecin.

Le médecin qui estime, par principe, ne pas pouvoir répondre à tout ou partie des souhaits du patient quant aux modalités de sa fin de vie est tenu de l'en informer lorsque le patient l'interroge à ce sujet. »

Un membre attire l'attention sur le fait que les commissions réunies n'ont pas examiné en profondeur le problème de l'information ni du consentement du patient, pas plus que les droits du patient en général.

L'intervenant n'est pas d'accord sur l'amendement nº 23 tel qu'il est formulé. Jusqu'où va finalement le droit du patient d'être ou de ne pas être informé ?

En outre, l'amendement vise à régler en même temps le problème du testament de vie. L'on n'y consacre que quelques lignes, alors qu'il a fait l'objet d'une longue discussion. Le texte initial de la proposition de loi à l'examen a d'ailleurs été adapté en fonction des remarques qui avaient été formulées au cours des auditions.

Enfin, le membre s'oppose à la création d'un système de recours automatique à des personnes de confiance, car il pourrait mener à des abus.

Une autre membre renvoie aux amendements nºs 49 et 50 qu'elle a déposés aux articles 4 et 5, et qui concernent également le consentement du patient et la manifestation préalable de ses souhaits, qui aurait une valeur indicative.

Il n'est pas question de personne de confiance dans ces amendements, car les auteurs, comme l'intervenant précédent, émettent certaines réserves à l'encontre d'un tel système.

La membre attire l'attention sur le fait que dans les amendements nºs 49 et 50, on emploie le mot « souhait » ­ et non, comme à l'amendement nº 23, le mot « directives » ­ parce qu'aucune formalité n'est requise et que le souhait peut être émis de n'importe quelle manière et à n'importe quel moment dans le cadre de la relation de confiance entre le médecin et le patient.

Un autre membre annonce qu'il demandera, lorsqu'on votera sur l'amendement nº 23, un vote séparé sur les différents alinéas de l'article 1erter proposé, parce que ceux-ci portent sur différentes questions.

Du reste, l'alinéa 1er n'apporte rien de nouveau. Il existe déjà, dans la jurisprudence, une longue tradition d'information du patient. Au demeurant, l'amendement prévoit clairement qu'un patient qui ne souhaite pas être informé a le droit de ne pas l'être, contrairement à ce qu'a déclaré l'intervenant précédent. Le patient peut désigner une personne de confiance, mais n'est pas obligé de le faire.

L'amendement contient en outre des dispositions relatives à la possibilité, pour le patient, de faire une déclaration concernant les traitements en cas de fin de vie imminente. L'on a fait en sorte que ces dispositions soient brèves parce que cette déclaration n'a qu'une valeur indicative. Il n'est donc pas nécessaire d'entrer dans trop de détails en la matière.

Enfin, le dernier alinéa de l'amendement garantit au patient le droit de savoir dans quelle mesure le médecin traitant répond à ses souhaits. Cet ajout semble logique.

Un membre attire l'attention sur le fait que la partie de l'amendement nº 23 qui concerne la déclaration de volonté devrait plutôt se trouver, selon lui, au chapitre IV de la proposition de loi.

L'intervenante précédente n'est pas d'accord. Dans l'optique de l'amendement nº 23, la déclaration peut concerner l'ensemble des modalités de fin de vie et pas uniquement l'euthanasie telle que régie par le chapitre IV de la proposition de loi à l'examen. Il est dès lors logique de faire figurer pareille disposition dans le chapitre « Dispositions générales ».

Un membre dit ne pas pouvoir souscrire à l'amendement nº 23. Ou bien on veut dire qu'un médecin doit pouvoir refuser de donner suite à une demande d'euthanasie pour des raisons médicales qu'il doit communiquer au patient. Une disposition en ce sens figure déjà à l'article 6 de la proposition de loi en discussion. Ou bien on souhaite que le médecin explique son attitude philosophique ou confessionnelle. Il ne saurait toutefois en être question. Celui qui, en tant que médecin, ne veut pas acquiescer à une demande d'euthanasie pour des raisons autres que purement médicales ne doit pas se justifier à l'égard du patient.

Votes

Les alinéas 1er à 3 de l'article 1erter (nouveau) proposés par l'amendement nº 23 de M. Galand et consorts sont rejetés par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'alinéa 4 de l'article 1erter (nouveau) proposé par l'amendement nº 23 de M. Galand et consorts est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'alinéa 5 de l'article 1erter (nouveau) proposé par l'amendement nº 23 de M. Galand et consorts est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

Article 1erquater (nouveau)

Amendement nº 24

M. Destexhe et consorts déposent un amendement visant à insérer un article 1erquater (nouveau) dans la proposition de loi (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 24).

Cet article est rédigé comme suit :

« Art. 1erquater. ­ Le médecin doit donner au patient en fin de vie toute assistance morale et médicale ­ curative ou palliative ­ pour soulager ses souffrances physiques ou morales et préserver sa dignité. Tout patient a le droit de bénéficier de soins continus et palliatifs de qualité.

Le médecin s'abstient de tout acte qui ne puisse raisonnablement contribuer à améliorer la santé ou la situation du patient, et plus particulièrement de tous actes inutiles ou disproportionnés par rapport à son état, en ce qu'ils n'offriraient, au regard du dernier état de l'art de guérir, aucune perspective raisonnable de guérison, d'amélioration ou de soulagement de ses souffrances, mais n'auraient pour objet que de retarder le décès.

Pour tous actes relatifs à la fin de vie du patient, le médecin doit agir en conscience, selon le dernier état de l'art de guérir et de soigner, les principes de bonne conduite médicale généralement reconnus, conformément aux dispositions des articles 1erbis et 1erter, et dans toute la mesure du possible en prenant l'avis de l'équipe soignante et de tiers susceptibles d'être utilement consultés.

Sont admis les actes destinés à assurer le confort physique et moral du patient, même s'ils peuvent avoir ou ont pour effet secondaire de hâter le décès. »

L'un des auteurs de l'amendement déclare que la première phrase de l'alinéa 1er de l'article 1erquater proposé reproduit littéralement le texte du code de déontologie médicale. L'inscription de ce texte dans une loi lui confère un plus grand poids.

Il garantit ensuite à tout patient le droit à des soins continus et palliatifs de qualité. Ce droit ne vaut pas seulement pour la phase terminale, il doit être garanti en toutes circonstances. On exprime de la sorte une conception générale à propos du système de soins.

L'alinéa 2 de l'article 1erquater proposé concerne l'acharnement thérapeutique, qui est explicitement désavoué. Le médecin doit donc s'abstenir d'actes en ce sens.

L'alinéa 3 de l'article 1erquater proposé traite de tous les actes relatifs à la fin de vie du patient. Il établit également un lien avec les articles 1erbis et 1erter proposés, qui concernent l'information et l'assentiment du patient.

L'intervenant estime que l'amendement nº 24 répond aux aspirations du professeur Vincent. Le médecin doit agir dans un cadre déontologique donné et collaborer avec l'équipe qui l'entoure.

Dans un souci de clarté optimale, le dernier alinéa de l'article 1erquater proposé dit explicitement que les actes destinés à assurer le confort physique et moral du patient sont admis. On fait ainsi une nette distinction entre ce type d'acte et les actes pouvant entraîner la mort.

Un commissaire demande si la définition que donne le dernier alinéa de l'article 1erquater proposé s'étend aux actes pouvant entraîner la mort ou, en d'autres termes, si l'euthanasie ­ selon la définition que donne de cette notion la proposition de loi en discussion ­ en relève. Ou est-elle au contraire l'expression de l'état actuel de la déontologie médicale, qui autorise les actes médicaux destinés à soulager la douleur, même s'ils hâtent le décès ?

La préopinante déclare que la définition est liée à la déontologie médicale actuelle.

Une commissaire répète que les dispositions proposées par l'amendement nº 24 seraient plus à leur place dans une loi sur les droits des patients.

Elle considère que la formulation de l'alinéa 1er laisse la porte ouverte à l'acharnement thérapeutique. Il ne faut en effet pas accorder d'assistance curative aux patients qui se trouvent en phase terminale.

L'alinéa 3 parle par ailleurs de l'avis de l'équipe médicale ainsi que de tiers. Qui sont ces tiers ? S'agit-il de membres de la famille, du curé ou d'une femme de ménage ? Le texte est très imprécis à ce sujet.

Un autre commissaire plaide pour des textes clairs, qui ne laissent pas une marge d'appréciation trop large. Le dernier alinéa risque de semer la confusion quant à son contenu exact : s'agit-il de sédation contrôlée, d'euthanasie, ... ? D'après l'intervenant, ce texte autorise l'euthanasie inconditionnellement, par exemple par l'administration de doses de morphine de plus en plus fortes. Du point de vue des opposants à l'euthanasie, cette disposition est pire que les dispositions de la proposition nº 2-244/1. L'euthanasie ne saurait être réglementée en une seule phrase de quelques lignes.

L'une des auteurs de l'amendement nº 24 répète que les premières phrases de l'alinéa 1er sont issues textuellement du code de déontologie médicale, qui implique clairement que l'on ne peut pas faire preuve d'acharnement thérapeutique. Du reste, l'alinéa 1er doit être lu en corrélation avec d'autres alinéas, de manière à clarifier les choses.

C'est le médecin qui choisit la tierce personne dont il est question à l'alinéa 3. C'est d'ailleurs lui aussi qui, le cas échéant, procède à une concertation avec un autre médecin lorsqu'il s'agit par exemple d'une pathologie difficile. C'est par précaution que ce critère a été ajouté aux dispositions relatives aux actes médicaux relatifs à la fin de la vie, mais il n'implique aucune obligation.

L'intervenante explique également que les actes médicaux relatifs à la fin de la vie doivent être accomplis conformément aux articles 1erbis et 1erter proposés, ce qui suppose une information complète du patient et son consentement. Cela vaut par exemple pour l'administration de morphine, qui ne peut pas se faire sans discernement.

Un membre renvoie au terme « licites » qu'utilise la justification de l'amendement relatif aux actes destinés à assurer le confort physique et moral du patient. Cela signifie-t-il que ces actes sont autorisés ?

La préopinante répond par l'affirmative.

La même membre fait ensuite observer que l'amendement nº 24 ne parle pas de l'élément intentionnel, c'est-à-dire de la présence ou de l'absence de la volonté de provoquer la mort, mais n'évoque que l'acte réel. Elle est d'accord avec la préopinante, qui, dans cette optique, affirme que les actes d'euthanasie ne relèvent pas de la définition du dernier alinéa de l'article 1erquater proposé. L'intervenante dit ne pas comprendre que d'autres considèrent que l'euthanasie en relève bel et bien.

Un commissaire se réfère à la définition de la notion d'« euthanasie » à l'article 2 de la proposition de loi en discussion, laquelle n'est autorisée que dans des conditions strictes. Sa remarque visait précisément à stigmatiser l'imprécision de l'alinéa 4 de l'article 1erquater proposé. On ne voit pas clairement quelle est la portée de cette phrase.

Pour ce qui est de la remarque concernant l'élément intentionnel, l'intervenant observe que, si l'on administre de fortes doses de morphine à un patient en phase terminale, cette démarche le conduira irréversiblement à la mort.

D'une manière générale, l'intervenant estime que si l'on souhaite réglementer la question de l'euthanasie, il est impossible de le faire en quelques phrases et sans donner une définition précise de la notion d'« euthanasie ».

Un des auteurs de l'amendement nº 24 répond qu'il n'est pas question d'imprécision, bien au contraire. Le but de l'amendement nº 24 est précisément de régler explicitement un certain nombre de situations floues de la pratique médicale à l'approche de la fin de la vie. Il y a une nette distinction entre, d'une part, les actes médicaux qui, destinés à atténuer la douleur, ont pour conséquence indirecte de hâter le décès du patient ­ appelés parfois « euthanasie passive » ­ et, d'autre part, l'euthanasie pratiquée à la demande du patient ­ appelée aussi « euthanasie active ». Les médecins doivent savoir très clairement dans quelle situation ils se trouvent.

L'intervenant répète que, pour l'amendement nº 24, il est indiqué de procéder à un vote distinct alinéa par alinéa.

Un autre membre souligne que l'article 2 du projet à l'examen porte sur la définition de l'euthanasie, alors que l'article 3 concerne les conditions. Il ne peut être question de faire un procès d'intention lors de la discussion de l'article 1er.

Amendement nº 58

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement subsidiaire à l'amendement nº 24 de M. Destexhe et consorts (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 58).

Cet amendement subsidiaire vise à remplacer l'article 1erquater par la disposition suivante :

« Art. 1erquater. ­ § 1er. Lorsqu'un patient se trouve en fin de vie, les médecins lui doivent toute assistance morale et médicale pour soulager ses souffrances morales et physiques et préserver sa dignité. Ils assurent le patient d'un traitement et d'un accompagnement adéquats et l'informent de manière complète et adéquate. Ils font appel au personnel compétent en matière de soins palliatifs pour donner toute l'information et l'assistance requise par le patient.

Ils doivent s'abstenir de tout acharnement thérapeutique, c'est-à-dire d'entreprendre ou de poursuivre des actes inutiles, non nécessaires ou disproportionnés par rapport à l'état de santé du patient, en ce qu'ils n'offriraient, au regard du dernier état de l'art de guérir, aucune perspective raisonnable de guérison, d'amélioration de l'état du patient ou de soulagement de sa souffrance, mais n'auraient pour objet que de retarder le moment du décès.

Sont admis, avec le consentement libre et éclairé du patient, les traitements nécessaires pour soulager les souffrances du patient en fin de vie et lui assurer un maximum de confort physique et moral, même si les traitements administrés peuvent avoir pour effet secondaire non recherché de hâter le moment du décès.

§ 2. Toutes les décisions graves relatives à un patient en fin de vie, notamment la mise en route, l'arrêt ou l'abstention d'un traitement, susceptibles d'abréger la vie du patient, sont prises par le médecin ayant la charge du patient.

Ce dernier ne peut agir qu'après avoir recueilli le consentement libre et éclairé du patient, ainsi que l'avis des proches, à moins que ce dernier ne s'y oppose, et de toute personne désignée par le patient. Il consulte également au moins un confrère spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient et, le cas échéant, l'équipe soignante ou l'équipe palliative qui entoure le patient.

Si le patient est inconscient ou dans l'impossibilité manifeste d'exprimer sa volonté, le médecin ayant la charge du patient, prend, en outre, en considération les indications éventuelles exprimées antérieurement par le patient, celles de ses proches et de toute personne désignée antérieurement par le patient. »

Un des auteurs de l'amendement constate que la portée exacte de la notion d'« euthanasie » reste imprécise. Il renvoie aux amendements déposés par son groupe et qui visent à cerner clairement cette notion.

En ce qui concerne l'amendement nº 58, qui est étroitement lié à l'amendement nº 24, tout le monde s'accorde à dire que, comme il est proposé à l'alinéa 1er, les médecins sont tenus de prodiguer tous les soins nécessaires. Il n'y a pas davantage de divergence de vues quant au devoir qu'ont les médecins de s'abstenir de tout acharnement thérapeutique qui ne peut que retarder le moment du décès dès lors qu'il n'y a pas de perspective de guérison.

Sont en revanche admis les actes médicaux visant à alléger les souffrances du patient, qui peuvent avoir pour effet indirect de hâter le décès. Contrairement à ce qu'ont déclaré certains préopinants, l'intervenant estime que l'élément intentionnel est essentiel dans ce débat, puisque l'intention revêt une grande importance en droit pénal.

Le médecin qui doit prendre les décisions à l'approche de la fin de la vie doit pouvoir le faire dans un cadre juridique; il faut pour cela le consentement libre et explicite du patient. On peut également demander l'avis de ses proches et d'autres tiers, à moins que le patient ne s'y oppose.

L'autre auteur de l'amendement nº 58 précise que son groupe a déposé des amendements dans une large optique des soins médicaux en fin de vie.

Amendement nº 61

M. Vandenberghe dépose à l'amendement subsidiaire nº 58 de Mme Nyssens et M. Thissen un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 61), tendant à faire précéder l'alinéa 2 du § 1er proposé par les mots « sauf demande contraire du patient; ».

Votes

La première phrase de l'alinéa 1er de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 24 de M. Destexhe et consorts, est rejeté par 16 voix contre 12.

L'alinéa 1er, à l'exception de la première phrase, et les alinéas 2 et 3 de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 24 de M. Destexhe et consorts, sont rejetés par 16 voix contre 5 et 7 abstentions.

L'alinéa 4 de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 24 de M. Destexhe et consorts, est rejeté par 23 voix contre 5.

L'alinéa 1er du § 1er de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 58 de Mme Nyssens et M. Thissen, est rejeté par 16 voix contre 12.

L'alinéa 2 du § 1er de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 58 de Mme Nyssens et M. Thissen, est rejeté par 16 voix contre 4 et 8 abstentions.

L'alinéa 3 du § 1er de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 58 de Mme Nyssens et M. Thissen, est rejeté par 17 voix contre 4 et 6 abstentions.

Le § 2 de l'article 1erquater (nouveau), proposé par l'amendement nº 58 de Mme Nyssens et M. Thissen, est rejeté par 17 voix contre 4 et 7 abstentions.

L'amendement nº 61 de M. Vandenberghe (sous-amendement à l'amendement nº 58) est rejeté par 16 voix contre 8 et 3 abstentions.

Article 2

Amendement nº 26

Mme de T' Serclaes et consorts déposent un amendement visant à supprimer l'article 2 (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 26).

L'auteur principale précise que dans la vision globale des signataires de l'amendement, il serait préférable que l'acte médical que l'on vise soit défini avec précision dans le même article que celui où sont fixées les conditions de cet acte. L'intervenante renvoie à la justification écrite de cet amendement. Si, toutefois, une définition du terme « euthanasie » devait être retenue, il importerait avant tout de préciser que seul un médecin est habilité à procéder à un acte euthanasique. Il n'est question, dans la définition proposée par la présente proposition de loi, que d'un tiers.

Un membre rappelle qu'au début des travaux sur l'euthanasie, les commissions réunies ont décidé de prendre comme base de discussion la définition du Comité consultatif de bioéthique. Cette définition figure actuellement à l'article 2 de la proposition à l'examen. Ce point de départ est capital pour pouvoir adopter l'attitude politique adéquate. Les conditions de la sanction de l'acte euthanasique, qui ont été insérées à d'autres endroits de la proposition, disposent par ailleurs expressément que seul un médecin peut pratiquer une euthanasie. La proposition de loi tout entière repose sur la définition du Comité consultatif de bioéthique.

Une autre membre souligne que les auditions ont montré que de nombreuses questions restaient en suspens à propos de la définition telle que proposée par le Comité consultatif de bioéthique. Certains membres des commissions réunies peuvent y trouver leur compte, d'autres non. Il est par conséquent un peu trop simple d'intégrer la définition telle quelle dans la loi, comme si elle ne souffrait aucune contestation.

Un autre membre réplique que cette définition émane du Comité consultatif de bioéthique, dont la composition est pluraliste.

L'intervenante précédente dit que si elle se réjouit du fait que le Comité consultatif de bioéthique ait fait une proposition de définition, il convient néanmoins aussi de tenir compte des débats qui se sont déroulés en commissions réunies à l'occasion des auditions.

Un membre fait remarquer que la définition donnée par le Comité consultatif de bioéthique ne revêt aucun caractère légal. Le Comité n'a d'ailleurs pas pour mission d'en proposer une. La définition donnée par le Comité avait pour objectif de délimiter les travaux proprement dits. L'on doit par ailleurs tenir compte dans la législation des auditions qui ont eu lieu en commissions réunies, des signaux qui sont lancés par la société, de nombreux documents, etc. Se contenter de reprendre la définition du Comité consultatif de bioéthique ne fera qu'augmenter la confusion.

Si l'amendement nº 26, qui vise à supprimer l'article 2, venait à ne pas être adopté, il faudrait en tout cas adapter la définition donnée à l'article 2.

Un membre souligne que cela fait longtemps que l'on discute de la portée exacte de la notion d'euthanasie. En tant que législateur, le Sénat a aussi une mission pédagogique, à savoir celle de définir clairement ses intentions, surtout qu'un large public a pu suivre l'évolution du débat sur ce thème du fait de la publicité des réunions. Certaines interventions produisent toutefois l'effet inverse et sèment davantage la confusion qu'elles ne clarifient les choses. L'intervenant est partisan du maintien de la définition du Comité consultatif de bioéthique.

Une autre membre considère comme très vagues les termes « acte » et « un tiers ». Quelle est la portée exacte du mot « acte » ? Est-il utilisé à bon escient en l'occurrence ? Dans le monde médical, d'aucuns adhèrent clairement à l'idée que l'acte euthanasique ne peut en aucun cas relever de l'art médical.

L'expression « un tiers » laisse elle aussi une très large marge de manoeuvre.

L'intervenante renvoie aux amendements que son groupe politique a déposés à propos de la définition.

Un membre adhère entièrement à la définition du Comité consultatif de bioéthique, qui est composé de spécialistes en la matière appartenant souvent à des courants philosophiques différents. Le fait que ceux-ci parviennent, à partir de conceptions différentes, à donner une définition claire, revêt une grande importance.

La définition proposée à l'article 2 a le grand mérite d'être concise. Les critères de prudence sont traités plus loin dans le texte. Il appert par exemple des autres articles que l'on vise par les mots « un tiers » un médecin, sans qu'on le mentionne dans la définition.

Un autre membre réplique que le fait que quelques experts belges parviennent à se mettre d'accord sur une définition qui n'est donnée nulle part ailleurs au monde, ne signifie pas pour autant qu'il faille l'accepter telle quelle. La définition proposée par la proposition de loi ne sera pas acceptée à l'étranger.

Lorsqu'un médecin donne à un patient un comprimé à avaler, il tombe sous le coup de l'article 2 de la proposition de loi. Lorsque le patient prend lui-même le comprimé, il n'en est rien. Il convient de se demander jusqu'à quel point cette distinction est justifiée.

L'intervenante précédente estime qu'il faut se garder d'assimiler l'expertise des membres du Comité consultatif de bioéthique aux travaux effectués par les auteurs d'un dictionnaire.

Un membre estime qu'une définition, préconisée par le Comité consultatif de bioéthique, peut constituer, dans le cadre du débat, une directive et un outil, qu'il faut néanmoins se garder de confondre avec le travail législatif, dont la nature est tout autre. Le législateur doit garder diverses circonstances à l'esprit et définir avec précision la situation qu'il vise. Or, le terme « euthanasie » couvre des situations très différentes. C'est ce qu'il faut éviter. Il importe dès lors d'élaborer des règles différentes pour des circonstances différentes.

Un intervenant précédent répète que le Comité de bioéthique n'a pas voulu imposer sa définition aux commissions réunies. Les sénateurs ne sont dès lors pas tenus par cette définition. Si le Comité a utilisé cette définition, c'est uniquement pour délimiter clairement ses travaux. Le Sénat doit prendre ses responsabilités au niveau législatif.

Un autre membre se dit opposé à une définition trop générale de l'euthanasie telle que celle proposée par le Comité de bioéthique et prône que l'on définisse et que l'on réglemente les actes médicaux de manière très précise. À défaut, la loi sur l'euthanasie engendrera de gros problèmes sur le terrain et un important contentieux judiciaire. La proposition visant à supprimer l'article 2 doit donc être lue à la lumière des propositions visant à insérer les articles 1erbis à 1erquater. L'adoption de ces amendements permettrait de rendre les choses beaucoup plus claires.

Amendement nº 5

M. Vankrunkelsven dépose l'amendement suivant (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 5) :

« Compléter cet article par un nouvel alinéa rédigé comme suit :

« Par assistance au suicide, il y a lieu d'entendre le fait d'aider intentionnellement une personne à se suicider ou de lui en procurer les moyens. »

L'auteur attire l'attention des membres des commissions réunies sur la problématique de l'assistance au suicide. Ce serait perdre une occasion que d'adopter une législation légalisant l'euthanasie sans tenir compte de cette problématique. L'on confond toutefois quelque peu certaines notions.

L'intervenant souhaite tout d'abord que l'on définisse l'assistance au suicide dans la proposition relative à l'euthanasie. On peut en donner une définition large. Le cas où une personne souhaite mettre fin à ses jours et demande par exemple à un médecin de l'aider peut tomber sous cette définition. Dans le cadre de la discussion en cours, l'intervenant ne veut cependant parler que des patients qui se trouvent exactement dans les mêmes conditions que celles pour lesquelles l'euthanasie est autorisée selon la proposition de loi nº 2-244, à savoir les personnes qui subissent des souffrances insupportables, auxquelles il n'est pas possible de venir en aide dans l'état actuel des connaissances médicales et qui estiment devoir mettre fin elles-mêmes à leurs jours, sans l'intervention d'un médecin auquel une demande d'euthanasie pourrait poser un problème éthique.

Quelque 40 % des patients en fin de vie sont confrontés d'une manière ou d'une autre à un acte médical. Les actes médicaux peuvent être classés en deux catégories, à savoir celle des actes médicaux visant à atténuer la douleur ou à suspendre un traitement (environ 35 % des cas) et celle des actes médicaux consistant à administrer des substances létales entraînant effectivement la mort (les 5 % restants).

La deuxième catégorie couvre trois sous-catégories, à savoir celle de l'euthanasie (le médecin administre lui-même un médicament), celle de l'assistance au suicide (le médecin fournit le médicament mais ne l'administre pas lui-même) et celle de l'administration de substances létales au patient sans demande de sa part, chose qui est évidemment inadmissible. Les deux autres sous-groupes ­ euthanasie et assistance au suicide ­ doivent toutefois être examinés et discutés conjointement.

D'autres pays joignent également ces deux questions : l'assistance au suicide a toujours été associée à la politique de tolérance menée aux Pays-Bas depuis 1984. Dans le cadre de la discussion actuelle relative à une nouvelle législation, les deux questions sont également examinées conjointement. C'est d'ailleurs aussi comme cela que les choses se passent actuellement dans le cadre de la discussion de la « motion Ruffi », une initiative parlementaire suisse. L'intervenant cite enfin l'exemple des États-Unis où un État a déjà réglementé l'assistance au suicide, alors que la discussion bat son plein dans les autres États et dans le monde médical. La notion d'« euthanasie » n'y est toutefois quasiment pas utilisée.

S'agissant de la législation néerlandaise, la Ligue des droits de l'homme estime que l'assistance au suicide fournie à des patients confrontés à une souffrance insupportable peut être considérée comme une forme d'euthanasie.

L'intervenant renvoie en outre aux propositions de loi initiales qui ont été déposées au début de la présente législature par chacun des coauteurs de la proposition de loi nº 2-244/1. Plusieurs de ces propositions traitent également de l'assistance au suicide, contrairement à la proposition de loi à l'examen qui reste muette à ce sujet.

La plupart des articles médicaux et des revues spécialisées associent étroitement l'euthanasie et l'assistance au suicide. Les définitions de ces notions sont même souvent fort proches. Il y a même une définition selon laquelle l'acte consistant à administrer à un patient un médicament qu'il voulait prendre sans y arriver en raison de son état de santé, relève de l'assistance au suicide.

L'intervenant fait enfin référence à un article paru dans le numéro de juillet de la revue « Ethische Perspectieven » (KULeuven) dont l'auteur, le professeur Maurice Adams, dit trouver très curieux que la nouvelle loi règle la question de l'euthanasie sans régler celle de l'assistance au suicide. Il trouve même que cette lacune revêt un caractère exceptionnel : une réglementation qui n'applique pas le principe du « qui peut le plus peut le moins » n'a aucun sens.

Sur le plan pénal, l'assistance au suicide n'est pas considérée actuellement en soi comme un crime. Elle peut toutefois être qualifiée de non-assistance à personne en danger.

En conclusion, l'intervenant déclare qu'il convient de régler ces deux questions ensemble, dans une même loi. En ne le faisant pas, l'on se ridiculiserait sur la scène internationale dans la mesure où ces deux questions sont traitées conjointement dans les autres pays. La fait que le médecin qui fournit une assistance au suicide est passible d'une condamnation pénale, qu'il ait ou non respecté les critères de prudence définis ailleurs dans la loi, constitue un problème plus fondamental. Il convient de prévoir que le médecin qui a respecté ces critères de prudence ne commet pas un crime au sens pénal.

Une membre déclare que l'amendement nº 5 montre bien l'ambiguïté du débat.

Elle pense que l'euthanasie, si elle n'est pas réservée à la phase terminale, relève d'une autre logique, qui est celle du suicide assisté.

Le fait de devoir se pencher sur la définition de l'euthanasie dans un article particulier rend les choses encore plus complexes.

La loi hollandaise, par exemple, ne définit pas la notion d'euthanasie comme telle. Elle ne l'utilise d'ailleurs même pas. Elle définit dans un article particulier l'acte qu'elle vise.

L'intervenante renvoie en outre à l'audition du professeur Dalcq, qui a bien expliqué que, dans notre droit pénal, le suicide n'est pas incriminé.

Le délit de non-assistance à personne en danger existe bien sûr, mais en tant que tel, l'acte de participation, qui vise à aider quelqu'un à se suicider, n'est pas susceptible de sanction pénale, puisque le suicide lui-même ne l'est pas.

Dans d'autres pays, cet acte est incriminé dans le Code pénal.

On a donc intérêt à ne pas mêler, dans une même législation, ce qui relève d'un acte ultime ou exceptionnel en fin de vie, de ce qui relève d'une toute autre logique où, en conscience, une personne qui n'est pas en phase terminale veut mettre fin à ses jours, ou être aidée pour le faire.

Un autre membre estime lui aussi qu'il eût été plus sage de ne pas définir l'euthanasie comme telle, parce que cela ne peut qu'être restrictif et prêter à confusion.

Quant à l'assistance au suicide, il s'agit d'un problème très difficile. Il s'agirait ici d'un suicide médicalement assisté.

Contrairement à ce qui a été dit, certains pays ont une législation sur le suicide assisté et pas sur la problématique de l'euthanasie, ou l'inverse.

L'intervenant ne peut donc suivre la voie qui est proposée.

Une membre réplique que, mis à part l'État d'Oregon, elle ne voit pas quel autre pays aurait légiféré sur le suicide assisté.

En Belgique, il n'y a effectivement pas de disposition spécifique visant le suicide assisté, mais on ne peut en conclure pour autant qu'il soit autorisé.

L'euthanasie et le suicide assisté sont deux problèmes différents. L'intervenante estime inopportun d'insérer, sans autre préparation ni réflexion, dans une législation sur l'euthanasie, un volet relatif au suicide assisté.

Elle souhaite, à tout le moins, une discussion distincte pour chacun de ces deux sujets.

Elle attire aussi l'attention sur le problème de la compatibilité des textes qui seront votés, et qui sont très audacieux, avec les principes de l'éthique médicale au niveau international. Ainsi, lors de la conférence de Marbella, il a été dit que le médecin qui intervient après un suicide manqué agit dans le cadre de l'assistance due à une personne en danger.

Un autre membre se dit contrarié par un certain nombre de généralisations exprimées par l'auteur de l'amendement nº 5. Il n'y a, en effet, qu'un seul État où une réglementation ait été élaborée. Et cette réglementation est contestée tant par une grande partie de la société que par les milieux juridiques.

L'intervenant ne partage absolument pas l'opinion selon laquelle la Belgique serait attardée parce qu'aucune réglementation sur l'assistance au suicide n'y a encore été adoptée. C'est au contraire dans le mauvais sens que la Belgique se distinguera par la législation proposée en matière d'euthanasie. L'aide au suicide diffère fondamentalement de l'euthanasie, parce que le droit de se donner la mort serait juridiquement reconnu.

D'une manière générale, l'amendement nº 5 risque de ne faire qu'accroître la confusion qui existe déjà quant à la portée rationnelle du terme « euthanasie ».

L'auteur de l'amendement nº 5 réplique à la remarque d'un intervenant précédent que l'euthanasie n'est pas, non plus que l'assistance au suicide, explicitement rendue punissable, mais qu'elle est considérée comme un meurtre ou un homicide. L'article 422bis du Code pénal parle d'abstention coupable pour n'avoir pas procuré une aide à une personne exposée à un péril grave. C'est sur cette base que ceux qui accordent une assistance au suicide peuvent être punis.

L'intervenant se réfère ensuite à la philosophie générale de la proposition de loi en discussion. L'euthanasie n'est pas acceptée en soi et elle reste punissable. Elle n'est acceptée que si toutes les conditions énumérées dans la proposition sont réunies.

L'amendement nº 5 vise à créer exactement la même situation pour l'assistance médicale au suicide, laquelle reste en principe punissable et inacceptable ­ et sans doute serait-il dès lors préférable de la mentionner explicitement dans le Code pénal ­, mais est admissible si l'on se conforme aux mêmes critères de prudence.

L'intervenant ne prétend nullement que l'aide au suicide soit autorisée dans tous les États des États-Unis, mais bien qu'elle fait l'objet d'un débat dans l'ensemble du pays.

Selon un commissaire, le préopinant déforme les paroles du professeur Adams. Celui-ci dit qu'il faut examiner la question de savoir si l'assistance au suicide ne doit pas être réglementée en même temps que l'euthanasie. Il ne prétend pas pour autant qu'il faille légaliser l'assistance au suicide.

Du point de vue juridique, la participation criminelle telle qu'elle est réglée au livre Ier du Code pénal ne peut être invoquée pour l'assistance au suicide, parce que le suicide n'est pas une infraction pénale. La participation au suicide n'est donc pas non plus punissable. Il en va tout à fait différemment de l'homicide, qui est bel et bien un délit. L'euthanasie en relève également. Il est donc tout à fait incorrect d'aborder l'euthanasie et l'assistance au suicide sous le même angle juridique.

Deuxièmement, le groupe de l'intervenant a toujours préconisé d'examiner les questions relatives à la fin de vie dans une large perspective. Telle a été également l'approche du Comité consultatif de bioéthique.

La plupart des cas de décisions médicales relatives à l'approche de la mort n'ont rien à voir ni avec l'euthanasie, ni avec l'assistance au suicide. Pour cette problématique globale, il aurait fallu développer un cadre légal, incluant les droits des patients qui se trouvent dans cette situation. Cette large approche est malheureusement aujourd'hui rejetée parce que l'on veut faire une loi sur l'euthanasie, ce qui constitue un point très spécifique.

Si, au contraire, on avait voulu créer un cadre légal large, celui-ci aurait effectivement dû inclure l'assistance au suicide, mais en partant du principe qu'elle est inacceptable.

La discussion menée actuellement ne fait qu'accroître la confusion, parce qu'on amalgame des notions différentes. L'article 2 de la proposition présentée donne une définition de l'euthanasie, mais ensuite il apparaît qu'elle vise les patients en phase terminale et ceux qui ne le sont pas. Or, selon l'intervenant, l'euthanasie ne concerne que les patients en phase terminale.

Enfin, il fait remarquer qu'aux États-Unis, seul l'État d'Oregon a réglementé l'assistance au suicide. Dans tous les autres États ­ 50 sur 51 ­ elle reste interdite. À l'occasion des élections présidentielles de novembre 2000, un référendum organisé dans l'État du Maine a conduit au rejet de l'assistance au suicide. La Chambre des représentants américaine a « rapporté » la législation de l'Oregon concernant l'assistance au suicide sur la base de la répartition des compétences entre l'autorité fédérale et les États. Cette « proposition de loi » est actuellement en discussion au Sénat américain, lequel se prononcera sous peu à ce sujet. On ne peut donc pas donner l'impression qu'aux États-Unis, la discussion évolue dans le sens de l'admissibilité de l'assistance au suicide.

L'auteur de l'amendement nº 5 réplique que le débat de société sur l'assistance au suicide aux États-Unis est mené de la même manière que la question de l'euthanasie en Belgique.

En ce qui concerne l'approche juridique du préopinant, l'intervenant déclare qu'au sein des commissions réunies, chacun, en tant que membre du pouvoir législatif, jouit du même droit de parole. Il n'y a heureusement pas que les arguments juridiques qui comptent.

S'agissant de l'analyse du professeur Adams, l'intervenant renvoie au texte écrit par ce dernier, dans lequel il dit explicitement qu'à son avis, l'assistance au suicide doit être réglementée par la loi.

Le préopinant ne le conteste pas, mais souligne que le professeur Adams, tout comme le groupe du membre, est partisan d'une réglementation juridique générale des décisions médicales relatives à l'approche de la mort, notamment en ce qui concerne l'assistance au suicide. La proposition de loi en discussion, par contre, ne concerne que la problématique de l'euthanasie. De plus, le professeur Adams n'est absolument pas partisan de l'admission de l'assistance au suicide aux conditions définies par l'amendement nº 5.

Un membre remarque que toutes les discussions qui ont déjà eu lieu à propos de l'euthanasie montrent bien la difficulté qu'il y a à cerner le problème, à trouver une situation correcte, et à rencontrer toutes les situations susceptibles de se présenter.

L'euthanasie concerne ­ bien que certains ne soient pas de cet avis ­ la phase terminale. Avec le suicide assisté, il s'agit clairement d'autre chose.

La discussion autour de l'euthanasie a aussi permis de mettre en évidence l'importance des soins palliatifs.

En ce qui concerne le suicide assisté, on n'est pas allé au bout de la discussion. Ce thème demande un examen tout aussi approfondi que celui de l'euthanasie.

L'intervenant plaide pour que l'on traite séparément de ce problème, afin d'éviter des confusions.

Un autre membre estime que les positions défendues par de précédents orateurs ne sont pas aussi opposées qu'ils semblent le croire.

En effet, l'un semble vouloir réserver l'euthanasie à la phase terminale, alors que l'autre veut ajouter un nouveau chapitre sur le suicide assisté, ce qui est différent de la phase terminale.

Aux Pays-Bas, dans les statistiques, on opère la distinction faite par l'auteur de l'amendement, où le chiffre de 0,7 % concerne le suicide assisté. Cela a été confirmé dans un article écrit par le professeur Englert.

L'intervenant estime donc qu'il y a une certaine cohérence dans la position défendue par l'auteur de l'amendement nº 5.

Un autre membre souligne que la distinction entre euthanasie et suicide assisté n'est pas liée à l'état du malade ni, lui semble-t-il, à sa situation par rapport à la mort.

Le temps qui reste à un patient est d'ailleurs toujours très compliqué à déterminer.

La distinction est plutôt liée à l'attitude que peut prendre le médecin par rapport à la demande formulée.

Certains considèrent que tout ce qui ne concerne pas la phase terminale relève du suicide assisté.

L'intervenant ne partage pas cette thèse. Pour lui, l'euthanasie concerne des patients qui se trouvent en phase terminale, ou qui souffrent d'une maladie incurable entraînant des souffrances insupportables et dont le médecin estime que la mort ne surviendra pas dans un délai rapproché.

Sur le plan juridique, les points de vue que l'on entend à propos du suicide assisté sont assez variés.

Certains disent que l'aide au suicide ne peut pas être un délit, puisque le suicide n'en est pas un.

En effet, le droit au suicide ne paraît pas être remis sérieusement en question dans notre société, encore qu'il existe des législations dans le monde qui punissent le suicide.

L'intervenant ne peut s'accorder avec une telle conception des choses.

Il se réfère à la parution, voici presque dix ans, d'un livre intitulé Suicide, mode d'emploi, qui l'avait frappé de manière particulièrement négative.

L'aide au suicide représente, à ses yeux, une forme de rupture de l'accompagnement du patient, et une attitude différente de celle où chacun assume, concrètement et jusqu'au bout, toutes ses responsabilités.

Il lui semble en tout cas que la réflexion sur le suicide assisté doit être approfondie.

En ce qui concerne l'argument avancé par certains, selon lequel il ne faudrait pas prévoir de définition de l'euthanasie, l'intervenant renvoie à ce que disait un tenant de cette thèse lors de l'audition du professeur Vincent : « Quand on parle d'euthanasie, il faut savoir de quoi on parle. Il me semble que la définition du Comité de bioéthique est claire, puisqu'elle explique en quoi consiste l'acte d'euthanasie et, a contrario, ce qu'elle n'est pas. »

De manière générale, le fait de prévoir une définition est de nature à clarifier les choses.

La suggestion d'introduire dans la proposition à l'examen un volet relatif au suicide assisté, qui n'est actuellement pas visé, montre bien que les deux notions sont distinctes.

Enfin, l'intervenant renvoi à un article émanant de la Massachussets Medical Society et ayant trait à la situation aux Pays-Bas, plus particulièrement à Rotterdam.

Cet article montre bien qu'une distinction entre euthanasie et suicide médicalement assisté ou aide au suicide peut être opérée de façon assez claire.

Une membre précise qu'elle n'a jamais prétendu qu'il ne fallait pas définir l'acte précis d'euthanasie, mais bien qu'elle ne trouvait pas opportun de donner une définition dans un article spécifique.

Par contre, l'intervenante est d'accord pour que l'on indique à l'article 3 de quel acte il s'agit (acte posé par un médecin, par opposition aux autres actes).

L'intervenante demande par ailleurs au précédent orateur quelle différence éthique et sémantique il fait entre le fait pour un médecin de donner à une personne qui le demande les moyens de mettre fin à ses jours, et le fait pour le médecin de pratiquer lui-même l'acte.

Le membre auquel cette question s'adresse répond que la différence fondamentale réside dans l'accompagnement par le médecin et dans la responsabilité de celui-ci.

Un autre membre se rallie à la thèse selon laquelle la différence entre l'assistance au suicide et l'accompagnement médical du suicide réside dans l'accompagnement du patient. La demande d'un euthanasiant est autre chose que la demande d'aide au suicide qu'un patient adresse à un médecin. La limite n'est pas toujours aussi nette.

La différence entre un patient en phase terminale et un patient qui ne l'est pas n'est pas non plus toujours aussi précise. En effet, les patients souffrant d'une affection mortelle, comme le cancer ou le sida, ne meurent généralement pas de cette affection même, mais plutôt des complications qu'elle entraîne (hémorragies, infections, plaies, troubles cardiaques, difficultés respiratoires, etc.). En outre, il est souvent difficile de faire un pronostic, même pour les plus grands experts. Enfin, un patient dont la vie n'est pas menacée peut malgré tout basculer dans une situation sans issue, marquée par une souffrance insupportable. Le cas échéant, la phrase liminaire du § 4 de l'article 3, proposé par l'amendement nº 14, pourrait être libellé comme suit : « Si le médecin est d'avis que l'affection en soi ne devrait pas entraîner la mort à brève échéance. »

Une membre déclare que l'amendement nº 5 lui paraît extrêmement large, et susceptible de donner lieu à des interprétations et à un message très larges vis à vis de la population. Si, dans certains pays, on a légiféré en cette matière, c'est d'abord pour punir tout ce qui est incitation au suicide. Or, ceci n'existe pas dans notre code pénal.

Il est vrai que, dans d'autres pays, notamment la Suisse, on punit le suicide assisté, mais on prévoit des circonstances atténuantes en fonction du mobile de l'action.

La réponse à apporter à la question doit dès lors être affinée.

Enfin, on fait souvent référence à l'exemple des Pays-Bas. Personnellement, l'intervenante se sent très loin de la législation hollandaise, et bien plus proche d'une culture latine.

Amendements nºs 62 et 90

Mme de T' Serclaes dépose à son amendement nº 26 un amendement subsidiaire tendant à remplacer l'article 2 par ce qui suit (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 62) :

« Par euthanasie, il y a lieu d'entendre l'acte exceptionnel pratiqué par un médecin, à la demande d'un patient en phase terminale, qui met fin délibérément à la vie de celui-ci pour soulager ses souffrances insupportables et irréductibles. »

Le texte actuel parle d'un acte accompli par un tiers. Cette notion de « tiers » introduit une confusion dans la définition elle-même, puisque toute la proposition ne parle que de l'euthanasie pratiquée par un médecin.

Le mot « délibérément » remplace le terme « intentionnellement ».

L'intervenante estime par ailleurs qu'il il y a lieu de limiter le champ d'application à la phase terminale.

Enfin, la mention « qui met fin délibérément à la vie » permet d'opérer la distinction avec les autres actes médicaux posés en fin de vie.

Il convient d'être extrêmement précis, dès lors que la responsabilité du médecin pourrait être engagée au civil et au pénal, si un texte devrait être voté.

Les multiples exemples relatés par la presse montrent à quel point les médecins sont exposés à être traduits devant les tribunaux, pas nécessairement à l'initiative du parquet, mais par la constitution de partie civile d'un particulier.

L'intervenante renvoie aux déclarations du professeur Vincent, qui a indiqué que, souvent, il était amené, dans son service de soins intensifs, à prendre de nombreuses décisions face à des patients en fin de vie.

Le Comité consultatif de bioéthique, qui a retenu une définition, à laquelle se réfèrent les auteurs de la proposition, exclut lui-même explicitement de sa définition, dans son avis nº 1 de mai 1998, les actes posés par un médecin tels que l'administration de calmants ou d'analgésiques qui entraînent le risque d'abréger la vie, ou l'arrêt de traitements médicaux vains.

Ceci montre l'importance d'une définition précise.

Un membre déclare que deux choses lui paraissent intéressantes dans le texte proposé. La première est l'adjectif « exceptionnel ».

Le texte proposé par les six auteurs peut, en effet, sembler être une législation d'ordre plus général. L'avantage de l'amendement nº 62 est qu'il insiste sur le caractère exceptionnel de l'acte, et que, dès lors, l'euthanasie n'est pas un traitement médical comme un autre, et s'insère dans une cause justificative, dans la logique de l'état de nécessité.

Le deuxième élément est que l'amendement ne vise que la phase terminale.

Le troisième intérêt de ce texte réside dans le terme « délibérément ». Il est apparu, lors des auditions, que beaucoup de représentants du monde médical opèrent des distinctions selon l'intention qui inspire l'acte posé.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les amendements cosignés par l'intervenante faisaient des distinctions plus fouillées entre euthanasie active et passive, directe et indirecte.

Les termes « pour soulager des souffrances insupportables e irréductibles » sont également intéressants, car ils soulignent à la fois l'aspect subjectif (insupportables) et l'aspect objectif (irréductibles, dans l'état actuel de la médecine) des choses.

Un membre souligne que l'une des confusions du débat vient de ce qu'on ne réserve pas le terme euthanasie (étymologiquement : bonne mort) à ce qui n'est pas une infraction.

Le Comité de bioéthique eût dû, à la fin de ses travaux, soit revoir le concept utilisé au début de ceux-ci, soit passer le flambeau au législateur en ce qui concerne la définition.

L'intervenant plaide pour que, soit ce soit le texte lui-même qui donne la définition, soit on maintienne un article spécifique relatif à la définition, mais alors, il faut préciser tout de suite que l'on vise un acte qui n'est pas constitutif d'infraction.

Un autre membre estime que la définition de l'euthanasie qui figure dans l'amendement nº 62 est excellente en soi, mais qu'on pourrait également l'appliquer à la notion de « sédation contrôlée ». La notion d'« allégement de la souffrance » est également présente dans la sédation contrôlée, et le médecin sait qu'elle entraînera la mort. La définition proposée est donc très déconcertante. Un médecin pratiquant la sédation contrôlée risque de devoir lui aussi satisfaire à tous les critères de prudence énumérés dans la loi.

Un membre rappelle qu'une définition doit se fonder sur des critères objectifs, et ne doit pas porter de jugements de valeur. Or, le terme « exceptionnel » constitue un tel jugement.

Le Code pénal ne fait état nulle part de ce terme.

Ainsi, le Code pénal sanctionne la rébellion. Ce délit n'est pas fréquent, Or, le Code pénal n'utilise pas le terme exceptionnel pour le définir.

L'appréciation du caractère exceptionnel se déduit d'une série d'éléments, soit de fait, soit de droit (conditions mises à la définition, qui en restreignent la portée ou, à tout le moins, l'utilisation concrète).

Le caractère exceptionnel de l'euthanasie découle d'une série d'éléments : la définition elle-même, le fait que l'on écarte les mineurs, et les personnes handicapées, les conditions prévues par la proposition de loi en discussion.

L'intervenant ne peut donc accepter le terme « exceptionnel ». Que signifie-t-il du reste ? Combien faut-il qu'il y ait d'actes pour que cela reste exceptionnel ? Exceptionnel par rapport à quoi ? Au nombre de demandes, ou à d'autres critères ?

Il ne faut pas mélanger des appréciations subjectives à la définition, même si cela peut paraître rassurant à l'égard de la population. Cela ne fera que compliquer les choses lors de son application par le médecin et, éventuellement, par les tribunaux.

Un membre estime que le terme « exceptionnel », qu'il soit repris ou non dans le Code pénal, indique bien l'objectif que l'on poursuit.

L'intervenant ne peut s'accorder avec la suggestion d'un membre de remplacer le terme « euthanasie » par les mots « sédation contrôlée ». Celle-ci n'est en effet qu'une technique parmi d'autres.

Enfin, il faudrait préciser qu'il s'agit de l'acte médical pratiqué par un médecin.

Pour le surplus, l'intervenant peut marquer son accord sur le sous-amendement nº 62.

Un membre plaide pour que l'on s'en tienne autant que faire se peut à la définition du Comité de bioéthique qui est reproduite à l'article 2 de la proposition de loi à l'examen. Le commissaire reconnaît néanmoins qu'il pourrait s'avérer souhaitable de préciser dans cet article 2 que l'euthanasie doit être pratiquée par un médecin et non pas par « un tiers ». Ce point fait l'unanimité.

Un autre membre considère qu'il y a lieu de faire une distinction entre la définition d'une notion et la procédure de mise en oeuvre qui y est attachée. L'on pourrait très bien conserver la définition du Comité de bioéthique, d'autant plus que d'autres instances telles que le Congres van de Vlaamse huisartsen ne parviennent pas non plus à dégager un consensus à propos de la définition de l'euthanasie.

De plus, il est question, dans la définition inscrite à l'amendement nº 62, de patients « en phase terminale ». Le membre renvoie à son intervention antérieure à ce propos.

Par contre, il y a un élement positif dans le fait que cet amendement indique que l'euthanasie doit être un acte accompli « délibérément ». Cet élement appelle l'attention des commissions réunies.

Un autre membre réplique, en réponse à un précédent intervenant, qu'une définition n'est pas un objectif. Le terme « exceptionnel » donnerait lieu à des difficultés sans fin, notamment dans les conclusions que pourraient ou devraient en tirer le pouvoir judiciaire.

Un intervenant précédent note qu'il y a une différence entre un congrès au cours duquel on défend des idées et des points de vues et une commission de l'assemblée législative appelée à voter un texte de loi. Une loi doit remplir plusieurs conditions. Elle doit tendre à atteindre ses objectifs.

La question de savoir s'il faut ou non insérer une définition dans une loi a déjà fait couler beaucoup d'encre. Selon un dicton issu de la tradition romaine, toute définition est dangereuse, parce que l'on se rendrait coupable d'arrogance en considérant qu'une lois peut prévoir l'avenir. Une fois votée, la loi vit sa propre existence. Comme les circonstances sociales et l'environnement technologique évoluent, certains problèmes se posent dans un contexte entièrement nouveau. Il est même déjà arrivé que la Cour de cassation donne d'une notion une définition s'écartant de celle que donne la loi. Ce fut par exemple le cas en ce qui concerne la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels, lorsque la Cour estima que les enfants naturels avaient également droit à une quotité réservée de la succession de leurs parents, bien que la loi dise autre chose.

À cela s'ajoute que l'on se trouve en l'espèce dans la sphère du droit pénal. En droit civil, une définition a valeur indicative et ne joue pas toujours un rôle déterminant. L'amendement nº 14 indique toutefois clairement que l'on se trouve dans la sphère du droit pénal.

La définition énoncée à l'article 2 est cependant contraire à celle qui est visée à l'article 3 de la proposition à l'examen. L'on sème donc la confusion. Si l'intention des auteurs des amendements nºs 13 et suivants est, ainsi qu'il ressort de la justification, de préciser que le droit pénal commun reste applicable bien qu'il ne trouve pas à s'appliquer dans les hypothèses visées à l'article 3, pourquoi la définition donnée à l'article 2 n'est-elle pas conforme à celle qui est visée à l'article 3 ? Pourquoi une définition distincte ?

De par l'application de cette définition, l'euthanasie ne sera plus assimilable à l'homicide de droit commun, même plus en dehors des hypothèses visées à l'article 3. Sinon, la définition serait en effet inutile. Il s'agit d'un élément lourd de conséquences.

Du point de vue juridique, il est dès lors incompréhensible que l'on énonce, à l'article 2 de la proposition de loi, une définition ayant telle portée et à l'article 3, une définition ayant telle autre portée. La définition d'un délit couvre les divers éléments constitutifs du délit ainsi que les exceptions. C'est ainsi que fonctionne le droit pénal.

Il n'y a qu'un nombre limité de possibilités correctes du point de vue juridique. Soit on donne à l'article 2 la définition de l'article 3 en y ajoutant les conditions qui doivent être remplies pour que l'euthanasie ne soit pas un délit, ce qui ferait bien sûr double emploi et rendrait l'article 2 superflu. Soit on retient la définition figurant dans l'amendement nº 62. Le membre dit qu'il soutiendra cette dernière, mais qu'il a l'intention de déposer quelques sous-amendements à l'amendement nº 62. Soit on remplace le mot « tiers » par le mot « médecin ».

La définition du Comité consultatif de bioéthique, qui figure à l'article 2, a toutefois été élaborée en dehors de tout contexte juridique, alors qu'elle est appelée à être utilisée dans un contexte juridique. Elle a été conçue en vue d'indiquer quels sont les cas qui sont visés dans l'avis du Comité consultatif. Il est question en l'espèce d'une dépénalisation partielle de l'euthanasie. Il faut dès lors que la définition utilisée soit conforme à la situation d'exception.

S'agissant de l'amendement nº 62, l'intervenant fait remarquer qu'il a le mérite de préciser que l'acte en question est un acte médical, mais il aurait été préférable de dire que cet acte doit être accompli non pas « délibérément », mais « intentionnellement ». Le terme « intentionnellement » a en effet un sens spécifique en droit pénal. M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement dans le sens suggéré (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 90 ­ sous-amendement à l'amendement nº 62).

Une membre déclare que les amendements des six auteurs ont choisi une voie nouvelle en ôtant du Code pénal le texte initialement proposé.

Celui-ci avait le mérite de la clarté, même si le groupe de l'intervenante ne peut se rallier à la philosophie qui le sous-tend, puisqu'il insérait, comme suite aux articles punissant le crime et l'assassinat, la formule : « Il n'y a ni crime ni délit ... ».

Bon nombre de personnes entendues et de partis politiques se sont insurgés contre ces dispositions, parce qu'il s'agissait d'une exception à l'interdiction de tuer.

Les amendements des six auteurs ont essayé de trouver une autre voie pour préserver un symbole.

L'intervenante estime que ce symbole n'est pas purement formel, et doit correspondre au fond.

Un texte qui commence par les termes « Il n'y a ni crime ni délit » s'inscrit sans contestation possible dans une logique pénale.

Il ne s'agit pas d'une loi de procédure qui serait plutôt de nature médicale.

Chaque terme de l'amendement a une résonance à la fois pénale et médicale. L'intervenante estime qu'il faudrait une fois pour toutes décider dans quelle logique on s'inscrit.

Il faut savoir si l'on se trouve devant une autorisation de la loi ou une dérogation à un interdit qui demeure.

La population demande que les choses soient clarifiées. Dans les débats, les gens posent des questions pour savoir si telle ou telle chose est permise ou non.

Un membre déclare qu'il ne comprend pas la tournure que prend la discussion. On a fait le reproche aux six auteurs de la proposition de vouloir modifier le Code pénal, alors qu'il s'agissait de légiférer à propos d'une situation particulière.

Ce message a été entendu, et le texte proposé a été « sorti » du Code pénal mais, bien évidemment, il s'agit malgré tout d'une loi qui s'inscrit dans le système pénal. C'est une disposition analogue à celle prévue en matière d'avortement, sauf qu'elle n'est pas placée dans le Code pénal.

L'article 350 du Code pénal prévoit en effet ce qui suit :

« Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen aura fait avorter une femme qui y a consenti, sera condamné à un emprisonnement de trois mois à un an et à une amende de cent francs à cinq cents francs.

Toutefois, il n'y aura pas d'infraction lorsque la femme enceinte que son état place en situation de détresse, a demandé à un médecin d'interrompre sa grossesse et que cette interruption est pratiquée dans les conditions suivantes :

(...) »

En ce qui concerne la définition, comment édicter une loi qui parle d'euthanasie, sans définir celle-ci ? Il faut bien qu'à un moment donné, on sache ce qu'est l'acte du médecin que l'on vise.

Il en irait autrement s'il existait une définition généralement reconnue. Ainsi, on n'a pas défini l'avortement, parce que chacun sait ce dont il s'agit.

Il faut une définition, lorsque la notion n'est pas unanimement reconnue et admise. On ne peut, à chaque ligne du texte, utiliser une longue périphrase pour désigner l'euthanasie.

Quant à l'article 3, il ne donne pas une nouvelle définition de l'euthanasie, mais définit les conditions dans lesquelles une euthanasie n'aboutit pas à une poursuite et à une condamnation du médecin.

De même, le Code pénal vise l'homicide, définit l'homicide et édicte des sanctions. Il comporte cependant aussi un article 411, qui prévoit que l'homicide est excusable s'il a été provoqué par des violences graves commises envers les personnes. Il y a donc une disposition de nature générale, et des causes de justification.

Si l'on supprimait la définition, l'intervenant craint fort que ceux-là même qui, aujourd'hui, demandent cette suppression, se plaignent demain du flou de la notion et de son champ d'application.

Une autre membre continue de penser qu'il est inopportun de donner une définition à l'article 2, et qu'il est préférable, sur le plan juridique, de s'en tenir à définir, à l'article 3, ce qui est visé comme étant l'acte d'euthanasie.

L'intervenante estime que les propos d'un précédent orateur ne sont pas dépourvus de contradiction puisqu'il a déclaré que la définition était nécessaire pour définir le champ d'application, alors que l'article 2 ne dit nullement, par exemple, que le texte s'applique exclusivement aux majeurs. C'est à l'article 3 que l'on retrouve cette précision.

Si l'on persiste à vouloir donner une définition à l'article 2, il faut au moins remplacer le mot « tiers » par le mot « médecin ».

Il faut aussi avoir une discussion approfondie sur les termes « délibérément » et « intentionnellement », qui ont chacun leur poids en droit pénal.

Il faudrait aussi dire clairement ce qui n'est pas visé, comme le fait le Comité de bioéthique. Sinon, les médecins qui travaillent, notamment, en soins intensifs, auront encore plus de difficultés qu'aujourd'hui, dans les décisions lourdes de conséquences qu'ils doivent prendre.

Quant à la sédation contrôlée, il est évident qu'elle ne vise pas à mettre fin délibérément à la vie d'une personne, mais à soulager des souffrances, même si cette technique peut amener de manière indirecte à hâter le décès.

La tendance générale est à engager de plus en plus la responsabilité ­ y compris la responsabilité civile ­, comme on le fait aux États-Unis.

Pour sa part, l'intervenante est une partisane acharnée d'un rapport de confiance entre le patient et son médecin.

Plus on légifère, plus on rend leur dialogue difficile.

Un membre plaide pour que l'on définisse l'euthanasie à l'article 2 de la loi, parce que l'on confirmerait ainsi qu'« une bonne mort » n'échappe pas en soi du Code pénal, mais qu'elle est admissible uniquement dans certaines procédures.

Un autre membre fait observer que la définition ne fait aucunement allusion à la présence d'un médecin, ni à une douleur insoutenable. Le problème devant lequel on se retrouve est que la définition ne dit rien des conditions légales dans lesquelles l'euthanasie ne constituerait pas une infraction.

Un autre membre encore répète que la définition lui paraît claire. Elle parle d'un tiers, parce qu'un tiers a effectivement la possibilité de pratiquer une euthanasie.

Mais elle ne prévoit pas que, lorsqu'un tiers pratique une euthanasie, il ne commet pas d'infraction. Au contraire, lorsque ce tiers n'est pas médecin, il y a infraction.

On spécifie bien que l'euthanasie doit avoir lieu à la demande du patient. Sinon, il ne s'agit pas d'une euthanasie.

On ne vise donc pas toutes les pratiques qui accompagnent la fin de vie.

Où est l'ambiguïté d'un texte de cette nature ?

À l'article 2, ce sont les mots « qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci » qui constituent une référence au Code pénal.

À l'article 3, on précise que si l'on commet cet acte, et si l'on est médecin, on ne commet pas d'infraction, pour autant que les conditions énumérées par l'article soient réunies.

Tout cela paraît assez clairement compréhensible par le citoyen.

Un membre conclut que l'on peut donc voir l'article 2 comme l'ensemble des euthanasies, et l'article 3 comme un ensemble plus restreint, situé dans le premier.

Un précédent orateur répond qu'il voudrait que ces deux ensembles se superposent parfaitement, car l'ambiguïté vient de ce que l'on ne réserve pas le mot « euthanasie » aux cas où il n'y a pas infraction.

Un autre membre rappelle que les articles 2 et 3 doivent toujours se lire conjointement. La portée des diverses dispositions et définitions est alors claire pour tout le monde.

Selon un membre, la confusion à propos de la définition de l'« euthanasie » vient de la conception, que beaucoup ont en tête, qu'il s'agit essentiellement d'une interruption de vie en phase terminale. En définissant l'euthanasie de ce point de vue, on éviterait déjà en grande partie la confusion. Or, les dispositions de l'article 3 font supposer le contraire, puisqu'elles prévoient également la possibilité de pratiquer l'euthanasie sur des patients ne se trouvant pas en phase terminale. Les auditions aussi ont montré qu'il s'agit davantage, en l'occurrence, d'aide au suicide, bien que celle-ci se présente également en phase terminale.

La proposition avancée par certains de faire une distinction, dans la législation, entre la phase terminale et la phase non terminale, permettrait d'éclaircir le débat.

Un autre membre estime qu'il n'est pas défendable d'assimiler « euthanasie » et « bonne mort ». C'est comme si la « bonne mort » n'était possible que si quelqu'un d'autre vous tue. C'est une aberration.

Ensuite, le problème du rapport ambigu entre les articles 2 et 3 se trouve une nouvelle fois posé. Si l'euthanasie telle que définie à l'article 2 est la « bonne mort », cela signifie que la mort infligée par un tiers qui n'est pas médecin et qui ne remplit pas les conditions fixées à l'article 3, ne peut être tenue pour une « bonne mort ».

Il n'y a en droit pénal aucun précédent dans lequel une partie de la définition d'un acte serait punissable tandis que l'autre ne le serait pas. La définition doit être l'extériorisation des conditions d'application. La proposition de loi actuelle fait une distinction entre homicide simple et euthanasie.

Un membre renvoie aux diverses définitions que les dictionnaires donnent du mot « euthanasie ». Il en ressort toujours qu'il s'agit de provoquer la mort de quelqu'un pour le délivrer de ses souffrances. Dans sa signification la plus ancienne, l'euthanasie est assimilée à la « bonne mort ». Cela ne signifie pas pour autant que toute « bonne mort » doive être une euthanasie.

L'article 2 reprend la définition du Comité consultatif de bioéthique qui a longuement réfléchi à la question. C'est la meilleure définition que l'on a pu donner. On peut bien sûr toujours préciser les choses et, en l'espèce, on l'a fait à l'article 3 de la proposition de loi qui définit les conditions dans lesquelles l'euthanasie ne constitue pas un délit. Il faut lire les articles 2 et 3 en corrélation l'un avec l'autre et, quand on fait cela, toute confusion disparaît.

Un autre membre dit ne pas comprendre comment il se fait que certains puissent assimiler « euthanasie » et « bonne mort ».

Il ajoute qu'il ne voit aucune ambiguïté entre les articles 2 et 3. L'article 2 donne la définition de l'acte en question, tandis que l'article 3 définit les conditions dans lesquelles il ne constitue pas un délit.

Une membre trouve le lien entre le texte proposé par les six auteurs et le Code pénal extrêmement ténu. Ne faudrait-il pas utiliser une formule telle que « par dérogation à ... » ou « sans préjudice de ... » et renvoyer à des articles du Code pénal ?

L'intervenante n'est pas rassurée sur le caractère punissable d'une euthanasie pratiquée en dehors des conditions prévues par la loi en préparation.

Un membre observe qu'il est inexact de dire qu'il n'existe pas dans le Code pénal de définition sans sanction. Il se réfère à l'article 301 de ce Code, concernant les lois et règlements sur les loteries, les maisons de jeu et les maisons de prêt sur gages.

L'article 301 donne une définition des loteries : « Sont réputées loteries toutes opérations offertes au public et destinées à procurer un gain par la voie du sort. »

Les articles suivants précisent dans quels cas les exploitants de loteries sont punissables : ceux qui ne sont pas autorisés légalement, ceux qui ont passé, distribué ou colporté des billets de loterie non autorisés, etc.

Des exceptions sont prévues, par exemple, pour les crieurs publics.

Il y a donc, dans le Code pénal, des chapitres où l'on donne une définition parce qu'elle n'est pas communément admise, définition qui ne prête à aucune poursuite, mais qui est suivie d'articles précisant dans quelles conditions il y a infraction.

Amendement nº 46

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement nº 46 (doc. Sénat, nº 2-244/5), tendant à remplacer l'article 2 par ce qui suit :

« Art. 2. ­ § 1er. Par soins palliatifs, il y a lieu d'entendre les soins visant à :

­ prodiguer au malade, en dehors de toute démarche curative, les soins adéquats qui amèneront au soulagement optimal de la douleur et au contrôle des symptômes physiques;

­ accompagner le malade dans sa souffrance psychologique, sociale, familiale et spirituelle ou philosophique, et

­ encourager la famille du malade à prendre une place dans la phase de fin de vie, optimaliser la communication entre celle-ci et l'équipe soignante et l'accompagner au cours du processus de deuil.

Les soins palliatifs s'inscrivent dans une optique de soins continus.

§ 2. Tout patient a le droit de bénéficier de soins palliatifs et continus de qualité.

Les dispositifs d'offres de soins palliatifs existants doivent garantir à la fois l'égalité de traitement de tous les patients dans l'accès aux soins palliatifs, et l'égalité de traitement de tous les associations, réseaux, équipes, unités, centres et acteurs en matière de soins palliatifs.

La formation des professionnels de la santé aux traitements de lutte contre la douleur et aux soins palliatifs doit être assurée.

À ces fins, des accords de coopération peuvent être conclus entre l'État fédéral et les communautés et régions. »

L'un des auteurs rappelle que son groupe a préparé un texte nouveau par rapport à la proposition de loi qu'il avait initialement déposée (nº 2-151/1). Ce texte a été coulé dans une série d'amendements distincts, article par article.

L'article 2 proposé par l'amendement ne correspond donc pas à l'article 2 du texte des six auteurs.

L'intervenante attire l'attention sur la définition des soins palliatifs reprise dans cet amendement, qui tient compte des éléments apportés par les auditions.

Pour le surplus, elle renvoie à la discussion qui a déjà eu lieu à ce sujet.

Amendements nºs 43 et 57

M. Vandenberghe et Mme van Kessel déposent deux amendements (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendements nºs 43 et 57).

L'amendement nº 43 vise à remplacer l'article 2 par la disposition suivante :

« Art. 2. ­ Toute personne a droit aux soins palliatifs. »

L'amendement nº 57 vise à remplacer le même article par la disposition suivante :

« Art. 2. ­ § 1er. Toute personne a droit aux soins palliatifs.

§ 2. Pour l'application de la présente loi, on entend par « soins palliatifs » l'ensemble des soins actifs apportés aux patients dont la maladie ne réagit plus à des thérapies curatives et pour qui la maîtrise de la douleur et d'autres symptômes, ainsi que l'assistance psychologique, morale, spirituelle et familiale, revêtent une importance capitale. »

Un membre souligne que son groupe est toujours parti du principe que chacun a droit à une mort digne. Cela implique que la société a le devoir de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir ce droit à chacun. Tout est déterminé entre autres par l'environnement budgétaire, par la réglementation et par les normes d'agrément en matière de soins de santé. Il y a toutefois lieu, dans le cadre de ce débat, de commencer par définir les principes et prévoir dans la loi que chacun a droit aux soins palliatifs. Cela concerne notamment les traitements de confort, les traitements supprimant toutes les formes de douleur physique, les relations avec l'environnement social et les aspects spirituels. Tout citoyen a droit à ces choses.

Il s'agit d'une question non pas seulement de moyens budgétaires, mais aussi de comportement vis-à-vis des patients. C'est le patient ­ et non pas les progrès de la médecine ­ qu'il faut placer au centre des préoccupations.

Il importe d'inscrire ce droit dans la loi même, pour que chaque citoyen puisse effectivement en exiger le respect et pour que les établissements de soins soient obligés de le garantir.

En parlant d'une législation relative aux actes d'interruption volontaire de la vie, on touche aux limites de la notion de « droits de l'homme » inconditionnellement valable pour tous. La société et le législateur doivent d'abord offrir toute les possibilités de prévention. La thèse selon laquelle les soins palliatifs et l'euthanasie seraient interchangeables est tout à fait fausse.

Il est inexact de dire que la présence ou non d'une offre de soins palliatifs dans un hôpital ou dans une maison de repos et de soins détermine le nombre de cas d'euthanasie dans ces établissements. C'est pourquoi il faut que le droit fondamental aux soins palliatifs soit inscrit dans la loi. On ne peut admettre qu'une loi relative à l'euthanasie laisse au pouvoir exécutif le soin d'organiser les soins palliatifs. Il faut au contraire concrétiser d'abord le droit fondamental aux soins palliatifs, et ce, dans une optique préventive, puis seulement élaborer une loi sur l'euthanasie.

Un membre attire l'attention sur les incohérences qui sont, à son avis, inhérentes aux propositions de loi des six auteurs. On doit prendre en considération ce qui est historiquement considéré comme étant de l'euthanasie. Dans l'édition de novembre 2000 du mensuel L'Esprit, qui fait autorité, le professeur Jacques Ricot a consacré un article à l'avis du Comité de bioéthique français qu'il dit « controversé ».

Il a également donné des précisions au sujet de l'étymologie du mot « euthanasie » en faisant référence à la portée qu'avait cette notion au XIXe siècle :

« ... D'autant que, avant de signifier l'acte de procurer une mort douce en mettant délibérément fin à la vie du malade, le terme, en cette acception strictement conforme à l'étymologie, a désigné au début du XIXe siècle ce que nous appelons à peu près aujourd'hui les soins palliatifs, comme en témoigne le texte suivant.

C'est cette science, appelée euthanasie, qui agit contre ce qu'il pourrait y avoir d'oppressant dans la maladie, soulage la douleur et rend très possible l'heure ultime à laquelle personne ne peut échapper.

Patrick Verspieren, qui cite cet extrait, apporte la précision suivante :

Cette « science de l'euthanasie », en ce début du XIXe siècle, emploie des moyens simples : aération de la chambre, attention portée à la position du malade dans son lit (et choix de ce lit), présence des proches : au plan médical, il est recommandé de s'abstenir de tout recours inutile à la chirurgie et de se contenter de traitements « symptomatiques et palliatifs. » »

Alors qu'au XIXe siècle, l'euthanasie était considérée comme un traitement palliatif symptomatique, d'aucuns affirment aujourd'hui qu'il n'y a de bonne mort que lorsque la mort est provoquée par autrui. L'objectif est de banaliser l'euthanasie aux yeux de l'opinion publique.

Dans l'amendement nº 57 notamment, on demande toutefois d'inscrire les soins palliatifs dans la loi relative à l'euthanasie, où ils ont leur place, pour donner un signal à la société, et ce, eu égard au lien nécessaire entre les deux notions. En effet, une loi distincte sur l'euthanasie sous-estimerait la complexité de la réalité et n'établirait pas ces liens nécessaires. Une loi distincte apporterait une réponse à la question « mécanique » de savoir dans quelles conditions on peut tuer quelqu'un. En employant le mot « euthanasie », on devrait au moins renvoyer à la signification historique de la « bonne mort ». En l'espèce, on commet une trahison étymologique et sémantique vis-à-vis de la signification exacte de la « bonne mort ».

Le membre renvoie à l'intervention dans laquelle le professeur Adams a plaidé explicitement au cours des auditions pour que l'on inscrive également dans la législation sur l'euthanasie un régime relatif aux soins palliatifs. Il cite en outre l'arrêt Chabot du Nederlandse Hoge Raad qui pose que les autorités doivent offrir des soins palliatifs et que lorsqu'un patient refuse ces soins, il ne se met pas lui-même dans un état de détresse justifiant l'euthanasie.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme affirme également que la loi doit protéger la vie humaine. Des juristes éminents en ont déduit qu'il fallait développer les soins palliatifs en réponse à la demande d'euthanasie. Sinon, il est fort douteux que l'on puisse se conformer à l'article 2 de la Convention européenne. Dans la mesure où cet article 2 porte à déduire que l'acte servant à mettre volontairement fin à la vie doit être le remède ultime ­ à défaut de toute autre solution ­ la législation relative à l'euthanasie doit établir clairement que les soins palliatifs doivent être proposés à titre préventif et en tant qu'alternative nécessaire.

La réplique selon laquelle les soins palliatifs doivent être réglés dans une loi distincte n'est pas convaincante, parce qu'elle écarte la thèse selon laquelle les soins palliatifs serviraient d'alternative à la demande d'euthanasie. La réponse à la question de savoir si les soins palliatifs peuvent apporter une réponse à la demande d'euthanasie ne peut être donnée qu'eu égard aux conditions définies à l'article 3 de la proposition de loi à l'examen. En réglant les soins palliatifs dans une loi distincte, on rejette ce principe.

L'un des auteurs de la proposition de loi nº 2-246/1 renvoie aux développements précédant celle-ci :

« L'accès aux soins palliatifs doit être garanti à tous. C'est l'objet de la troisième proposition de loi (doc. Sénat, nº 2-246/1) que les six auteurs de la présente proposition déposent conjointement. Il est évident en effet que les soins palliatifs et l'euthanasie relèvent d'un même objectif : assurer au patient incurable une fin de vie digne. Soins palliatifs et euthanasie ne s'excluent pas; au contraire, ils constituent deux possibilités complémentaires pour faire face à la réalité de la souffrance et de la détresse, à la perte de dignité et d'autonomie. » (doc. Sénat, nº 2-244/1, p. 4).

Ayant fait, dans les développements, de manière très explicite, l'exposé de la position des six auteurs sur le rôle des soins palliatifs et de l'euthanasie, sur le fait que les soins palliatifs doivent être développés, que soins palliatifs et euthanasie ne s'excluent pas, mais que les soins palliatifs n'excluent pas non plus les demandes d'euthanasie et, donc, la nécessité de légiférer en matière d'euthanasie, on donne, à l'article 2, une définition de cette dernière notion, en ajoutant, à l'article 3, alinéa 3 : « 1º informer complètement le patient de tous les aspects de son état de santé et de son espérance de vie, ainsi que des différentes possibilités thérapeutiques et de prise en charge palliative existante, et de leurs conséquences. »

Il y a, ici aussi, une nuance par rapport au caractère définitif que certains prêtent aux soins palliatifs.

Certains patients peuvent considérer, après qu'on leur ait exposé toutes les possibilités existant en matière de soins palliatifs, que pour eux, ce n'est pas la solution.

De la même façon, il arrive à tout médecin qui propose une thérapeutique, même curative, à un patient en y mettant toute la persuasion possible, de se heurter à un refus.

C'est pourquoi le texte parle d'informer non seulement sur les possibilités de soins palliatifs, mais aussi sur leurs conséquences.

On n'exclut donc pas, dans la proposition de loi, le caractère parallèle des deux possibilités qui existent.

Quant aux conséquences dont il est question, il peut s'agir par exemple du fait que, pendant le temps qui reste à vivre, ou pendant une période déterminée, le patient se trouvera en état de perte complète de contrôle de son libre arbitre.

L'intervenant ne fait pas seulement ici allusion aux techniques de sédation contrôlée. Cela doit être expliqué au patient, qui doit être bien conscient de ce que représente la notion de soins palliatifs, appliquée à sa propre situation et à sa propre personne.

La liberté donnée au malade doit être une liberté éclairée, dans un sens comme dans l'autre.

Un membre rappelle que l'euthanasie est un acte qui existe, sans qu'on le dise, depuis de nombreux siècles.

Lorsqu'on considère la littérature, le cinéma, combien de fois ne voit-on pas des personnes qui demandent la fin de leur vie parce qu'elles sont arrivées au bout du chemin, en raison d'un accident, d'une maladie, ... ?

Ce qui a changé, depuis cent ou cent cinquante ans, c'est le progrès médical, qui fait que l'on recule les bornes de la vie, alors même que l'on sait que la mort est inéluctable.

C'est donc la médecine qui a créé ce problème fondamental, et qui a abouti à ce que certains envisagent presque d'opposer euthanasie et soins palliatifs.

C'est seulement depuis 1948, avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, que la notion de dignité humaine est apparue dans tous les comportements, c'est-à-dire le droit pour chacun de choisir lui-même, de façon subjective, les voies par lesquelles il exprime sa propre dignité. C'est cela que veulent maintenir les auteurs de la proposition à l'examen.

En ce qui concerne la CEDH, il s'agit évidemment d'une convention qui interdisait un certain nombre d'actes de l'État par rapport au citoyen, et non du citoyen par rapport à lui-même.

D'ailleurs, aucune décision jurisprudentielle n'est intervenue de manière décisive pour empêcher quelqu'un de faire ses propres choix par rapport à son existence.

L'intervenant renvoie à une de ses précédentes interventions à ce sujet.

Ce que demandent les six auteurs de la proposition à l'examen, sans nier pour autant l'intérêt des soins palliatifs, c'est que l'on n'impose pas à un individu un passage obligé par une technique qu'il n'accepterait pas, au nom de sa propre conception de l'autonomie et de la liberté.

Une autre membre constate que l'on assiste de la part de certains intervenants à une sorte de plaidoyer autonomiste à l'extrême, qui ne tient pas compte de la réalité de la situation de certains patients, ni de leurs capacités intellectuelles et éducationnelles à avoir un dialogue d'égal à égal avec le médecin, à comprendre toutes les informations, et à faire valoir leur point de vue.

Opposer euthanasie et soins palliatifs, comme s'il s'agissait de deux alternatives, n'est pas heureux et ne correspond pas à la réalité quotidienne des patients.

Il va de soi qu'il n'est pas question d'imposer à quiconque de « subir » des soins palliatifs.

L'intervenante a suffisamment souligné, à cet égard, que l'information correcte et le consentement du patient sont requis pour tous les actes, traitements et soins médicaux.

Un précédent intervenant rappelle l'extrait des développements précédant la proposition de loi, dont il a été question ci-avant, et qui démontre que l'on n'entend pas opposer soins palliatifs et euthanasie : « Soins palliatifs et euthanasie ne s'excluent pas; au contraire, ils constituent deux possibilités complémentaires pour faire face à la réalité de la souffrance et de la détresse, à la perte de dignité et d'autonomie ».

L'intervenant s'inscrit également en faux contre l'argument ­ avancé par une seule des personnes entendues par les commissions réunies ­ et selon lequel la mort digne, la perception de la souffrance, celle de la dignité humaine et de ce que pourrait être la déchéance, seraient directement liées aux capacités intellectuelles des uns et des autres.

La douleur est ressentie quelle que soit la situation de celui ou de celle qui la ressent. La douleur, comme la mort, est une chose que l'on ne théorise pas, mais que l'on vit.

Dire que ce qui peut être proposé aux uns et aux autres en termes de liberté est fonction des capacités intellectuelles des personnes auxquelles on s'adresse, aboutit à une conception de la société où, évidemment, certains seraient plus à même que d'autres de déterminer ce que serait la dignité.

L'intervenant ne peut souscrire à une telle approche.

Les choses expliquées de manière correcte, particulièrement lorsqu'il s'agit de choses aussi graves que la vie et la mort, sont intelligibles pour tous.

Un autre membre rappelle que Mme Bron, présidente du comité d'éthique de l'Institut Bordet, avait déclaré de façon très claire que l'autonomie de droit dont il était question se doublait d'une vulnérabilité de fait, et que le patient, lorsqu'il est face à la souffrance, demande avant tout qu'on l'accompagne et qu'on l'aide.

Il ne faut donc pas trop idéaliser l'autonomie de droit dont il est question ici.

Selon un membre, il existe, au sein des commissions réunies, des divergences d'opinion fondamentales sur ce point. Il estime que le point de vue de son parti ne porte pas atteinte à la dignité humaine ni au droit à une mort dans la dignité. Au contraire, le but était précisément de discuter de la dignité en fin de vie dans le cadre de l'examen de la proposition nº 2-160. Force est toutefois de constater que l'amendement visant à remplacer les termes de l'intitulé de la proposition à l'examen par « proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort » a été rejeté.

On tient le raisonnement suivant : on dispose actuellement, grâce aux progrès de la médecine, de nombreux moyens permettant de prolonger la vie d'un patient gravement malade. Le revers de la médaille, c'est que les patients en phase terminale sont confrontés à une déchéance sans cesse plus grande; dans ce genre de situations pénibles, ils doivent pouvoir choisir leur manière de quitter la vie. En raisonnant de la sorte, on mélange certaines choses et on altère le sens de certains mots en mettant sur le même pied le fait de tuer un être humain et le fait de lui prodiguer des soins palliatifs. Pour pouvoir apprécier correctement les choses, l'on doit se référer aux principes de base. Les soins palliatifs servent à aider une personne à mourir, mais l'euthanasie sert à mettre fin à sa vie. Il est inacceptable de mettre ces deux notions sur le même pied. Affirmer que les deux notions doivent être mises sur un pied d'égalité ­ et ne pas faire de la deuxième une notion subsidiaire ­ c'est commettre un dérapage moral.

Dans une perspective historique, il faut également se demander si la dynamique que l'on a développée au fil des siècles pour répondre aux besoins concrets des mourants aurait été aussi grande si l'on avait pu laisser dès le début aux patients la possibilité de choisir entre être soignés ou être tués.

L'image du patient autonome qui, après avoir reçu des informations, prend sa décision avec détermination et en pleine connaissance de cause ne correspond pas à la réalité. Cette représentation des choses ne témoigne pas d'une vision dialectique de l'être humain, qui suppose que des décisions sont prises de manière concertée et que les conseils d'autrui sont écoutés. Dans la proposition à l'examen, on part de l'hypothèse dans laquelle un médecin peut présenter au patient en fin de vie un éventail de possibilités parmi lesquelles celui-ci peut faire un choix.

Il ressort toutefois des auditions que la première chose que souhaite la personne qui formule une demande d'euthanasie, ce n'est pas que l'on accède à sa demande, mais que quelqu'un vienne frapper à sa porte et lui dise qu'il restera avec elle. C'est cette optique relationnelle ­ dans laquelle ils veulent inscrire les soins ­ que les auteurs de l'amendement nº 57 voudraient voir exprimée, au lieu de voir mettre sur un pied d'égalité les soins palliatifs et l'euthanasie.

L'intervenant renvoie également à la Constitution allemande, qui a été rédigée après 1945 et dans laquelle on parle explicitement de la dignité de l'être humain, parce que l'on savait que, lorsqu'on lie, en politique ou dans la vie publique, la dignité de l'être humain à la notion de qualité de la vie, on va vers la dérive d'une civilisation.

Il va de soi que la qualité de vie d'un malade mourant est tout autre chose que la qualité de vie d'une personne en bonne santé, mais cela n'a rien à voir avec la valeur de la vie humaine, qui n'est nullement déterminée par la conception subjective du citoyen lui-même ou d'autrui. Au contraire, selon les conventions internationales, la dignité de la vie est une valeur intrinsèque de la condition humaine. La vie humaine est précieuse en tant que telle, mais aucun législateur ne peut évaluer dans quelle mesure une situation est plus ou moins digne.

On ne nie pas pour autant qu'il peut être difficile d'assurer une mort digne aux personnes arrivées en fin de vie. Il est essentiel d'opter pour une approche humaine de ce problème humain et d'être ouvert à des soins ne pouvant pas être mis sur le même pied que l'acte consistant à tuer autrui. C'est pourquoi il faut inscrire le droit fondamental aux soins palliatifs dans la proposition à l'examen.

Un membre déclare que le problème est de savoir quelle est la limite des possibilités d'autonomie de la personne humaine. Une précédente intervenante a dit que le patient n'était pas en état d'appréhender le problème.

L'intervenant comprend mal que ceux qui dénient à une personne en fin de vie le droit d'écarter les possibilités qu'on lui offre au profit d'un autre choix, sont les premiers à insister pour que l'on vote une loi sur les droits des patients en toutes circonstances.

Il est manifeste que, dans bien des situations médicales, le patient n'est, pas plus qu'à la fin de sa vie, en mesure de juger si le choix proposé par le médecin est ou non judicieux.

L'intervenant n'accepte donc pas l'idée qu'à l'article de la mort, on serait moins capable de donner un avis que de le donner sur des éléments techniques et scientifiques lorsqu'on se trouve, par exemple, face à une opération difficile.

Il s'agit simplement ici de respecter l'autonomie individuelle.

Il est vrai que ce débat ramène à la discussion que l'on a déjà eue et où une conception individuelle du choix du patient s'oppose à une autre conception, plus sociale, de ce choix. Ces deux conceptions, qui tiennent vraiment à la philosophie de vie des uns et des autres, paraissent difficiles à réconcilier.

C'est là un des points fondamentaux du débat.

Un autre membre estime qu'il ne faut pas opposer de façon radicale choix individuel et socialisation du choix. Ce que l'on vise ici, pour ne pas tomber dans une idéalisation de la réalité, c'est la solidarité autour de l'autonomie du patient. Il est évident qu'en fin de vie, le patient est fréquemment en état d'extrême vulnérabilité. Donc, on mobilise autour de lui des équipes de soignants bien formés, des conditions pour que son autonomie puisse, dans une telle situation de vulnérabilité, s'exprimer au maximum, et être comprise dans la profondeur même du respect de la personne.

Amendements nºs 25, 29, 91, 92, 97, 98 et 99

M. Vandenberghe et consorts déposent les amendements suivants (doc. Sénat, nº 2-244/6) :

­ l'amendement nº 91 vise à modifier la définition de l'euthanasie qui figure à l'article 2 de la proposition de loi en prévoyant que seul un médecin peut mettre fin à la vie du patient (ce qui distinguerait l'euthanasie de l'assassinat) et qu'il ne peut le faire qu'intentionnellement (ce qui distinguerait l'euthanasie des actes médicaux normaux posés par un médecin);

­ l'amendement nº 92 vise à ajouter que le patient concerné souffre d'une douleur intolérable et impossible à traiter et qu'il se trouve dans une situation médicalement sans issue à caractère terminal. Cet amendement traduit l'opinion fondamentale concernant l'euthanasie que défend le groupe politique auquel appartiennent ses auteurs et qui sera exprimée aussi dans la discussion de l'article 3. Si l'on veut définir clairement l'euthanasie et préciser en même temps dans quelles circonstances l'euthanasie n'est pas un délit, alors il faut adopter l'amendement nº 92;

­ l'amendement nº 99 (subsidiaire à l'amendement nº 92) vise à supprimer l'article 2 au cas où aucun des amendements n'aurait été adopté et où l'article serait maintenu dans sa forme actuelle. Le vote qui a déjà été émis à ce sujet l'a en effet été sans discussion préalable de l'article ni des amendements que l'on a proposé d'apporter à celui-ci.

Une membre déclare que l'amendement nº 92 de M. Vandenberghe et consorts lui paraît très proche de l'amendement nº 62 qu'elle a elle-même déposé. Elle demande dès lors à l'auteur principal de l'amendement quelle différence il voit entre ces deux amendements.

Faisant référence à l'amendement nº 90 qui a été déposé en tant que sous-amendement à l'amendement nº 62, l'auteur principal de l'amendement nº 92 répond que le mot « intentionnellement » est préférable au mot « délibérément ». Il y a une grande différence entre un acte intentionnel et un acte délibéré.

Pour le reste, les deux amendements sont en effet assez similaires, bien qu'il existe une nuance entre le mot « terminale » et le mot « stervensfase ».

Pour ce qui est du premier aspect, l'intervenant fait remarquer qu'il existe une distinction entre « délibérément », « intentionnellement » et « en connaissance de cause ». Le mot « intentionnellement » implique que l'on pose sciemment un acte pour atteindre le but visé. Si l'on utilise le mot « intentionnellement » dans la définition de l'euthanasie, on entend que le médecin doit avoir pour but de poser un acte actif visant à raccourcir la vie. « Savoir » qu'un acte médical déterminé peut avoir pour effet de raccourcir la vie est toute autre chose.

Selon l'intervenant, il importe d'utiliser le mot « intentionnellement », parce que celui-ci implique qu'il doit y avoir eu dol spécial pour que le délit d'euthanasie soit punissable. Le dol spécial réside dans ce cas dans la volonté ciblée de mettre fin activement à la vie humaine. Cela doit ressortir clairement de la définition.

M. Galand et Mme Nagy déposent un amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 2-244/5), tendant à remplacer, à l'article 2, le terme « intentionnellement » par les termes « en connaissance de cause ». Ces termes paraissent plus adéquats, car le mot « intentionnellement » revêt une signification particulière en droit pénal. En effet, l'adverbe « intentionnellement » renvoie à ce que la doctrine pénale appelle le dol général, ou encore l'intention criminelle. Il s'agit de l'élément subjectif de l'infraction. Par l'expression « commettre un fait intentionnellement », on entend le fait de le commettre en étant conscient qu'il est fautif, et donc puni par la loi, et en voulant néanmoins commettre l'illégalité.

Ce que le Comité de bioéthique a voulu souligner dans sa définition, c'est que l'euthanasie renvoie nécessairement à un acte posé en pleine connaissance de cause, à un acte réfléchi et non fortuit, ou accidentel, ou accompli par négligence. C'est bien entendu dans ce sens qu'il faut comprendre la définition du Comité, mais dans la mesure où cette définition devient légale, il y a lieu d'éviter toute ambiguïté.

D'autre part, le terme « intention » se confond, dans le langage courant ­ « ce n'était pas dans mon intention », dit-on ­ avec le mobile. On l'a vu au cours du débat. Raison de plus pour ne pas recourir au terme « intentionnellement » car, si mettre fin à la vie n'est pas l'intention, au sens pénal, du médecin, c'est encore moins le mobile de ce dernier.

Comme cela a déjà été rappelé, il ne faut pas oublier que le médecin encourt aussi des poursuites au civil.

Dans l'euthanasie, l'intention du médecin n'est pas la mort, mais le bien de son patient, ou le moindre mal pour celui-ci.

S'il pratique une euthanasie, c'est parce que c'est l'acte qui répond à la situation sans issue à laquelle le patient et son médecin doivent faire face.

Il y a donc une différence radicale entre l'acte d'euthanasie tel que précisé dans l'article 3 de l'amendement nº 14, et un meurtre.

Dans un cas, on veut la destruction de l'autre. Dans l'autre, on veut le respect du patient dans ses choix personnels et dans sa dignité.

Une intervenante regrette que le texte de la proposition à l'examen ne comporte pas une disposition générale punissant explicitement l'euthanasie qui n'est pas pratiquée dans les conditions énumérées à l'article 3. Une part de l'ambiguïté de la discussion vient de là.

Le mot « intention » relève d'une logique pénale. Le mot « délibérément » proposé par un amendement prend toute sa valeur dans le contexte d'un code de déontologie.

L'intervenante insiste à nouveau pour que l'on choisisse une fois pour toutes entre ces deux logiques.

L'intervenante est donc très mal à l'aise par rapport à l'amendement nº 25 de M. Galand et Mme Nagy, qu'elle ne peut accepter.

Un sénateur reconnaît que l'on s'engage sur une piste dangereuse si l'on abandonne le mot « intentionnellement », étant donné que l'on doit pouvoir faire une nette distinction avec d'autres actes médicaux qui peuvent entraîner la mort. Le fait d'interrompre certains actes médicaux pour ne pas verser dans l'acharnement thérapeutique, l'augmentation de la quantité de morphine en vue d'atténuer la douleur, notamment, sont des choses qu'il ne faut pas régler dans la loi. Elles risquent de toute manière de tomber sous l'application de la loi si l'on ne retient pas la notion d'intention. Au cas où une jurisprudence se développerait en la matière, l'on pourrait fort bien voir le phénomène de l'acharnement thérapeutique se développer plutôt que se résorber.

L'intervenant dit comprendre la finalité de l'amendement nº 25, mais il estime qu'il y a lieu d'utiliser un autre terme ne renvoyant pas à un concept juridique déterminé.

Un membre ne croit pas qu'un mot induise par lui-même des conséquences par rapport au caractère pénal ou non de la proposition de loi en discussion.

Ce caractère pénal se déduit de l'analyse même du texte, et du fait, par exemple, que l'on dit « Il n'y a pas infraction ... », etc.

L'intervenant signale que le dictionnaire Larousse donne, comme définition du mot « intentionnellement » : « exprès, volontairement ». Le même dictionnaire définit le mot « délibérément » de la façon suivante : « volontairement, intentionnellement ».

L'intervenant serait donc bien incapable d'indiquer les nuances existant, en français, entre ces deux termes.

Cependant, il n'a pas d'objection à l'amendement nº 25, pour autant que celui-ci apporte une clarification.

Un intervenant précédent souligne que, dans le droit pénal, les mots ont une signification juridico-technique propre. Lorsqu'un patient décède et que l'on examine quelles sont les responsabilités civiles et pénales en question, l'on recherche la cause directe du décès. Dans ce cas, elle réside dans l'intervention médicale active du médecin.

L'on examine ensuite d'abord si l'acte médical en question a été posé sciemment ­ c'est-à-dire décidé librement ­ puis s'il a été posé intentionnellement. L'élément juridique déterminant pour pouvoir apprécier un acte médical est la réponse à la question de savoir si cet acte a été voulu ou non, c'est-à-dire s'il a été intentionnel ou non.

Peu importe de savoir dans ce cadre si l'on s'est soucié de l'intérêt du patient. Un acte médical n'est en effet justifié que s'il est posé dans l'intérêt du patient. Faire une distinction entre des actes qui emportent l'euthanasie voulue par le médecin et des actes médicaux qui emportent l'euthanasie hors de l'intention du médecin n'a aucun sens du point de vue juridique, étant donné que c'est toujours l'intérêt du patient qui prime, même s'il s'agit de deux situations différentes. Le critère déterminant est la réponse à la question de savoir s'il y a eu un élément intentionnel ou non. Il faut éviter de créer la confusion à cet égard par l'emploi d'une terminologie impropre.

M. Destexhe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 29), tendant à remplacer l'article 2 par ce qui suit :

« Art. 2. ­ La présente loi vise à permettre, dans des conditions exceptionnelles, de hâter le déces d'un patient en phase terminale avec l'aide d'un médecin. La phase terminale est décrite sur la base d'un décès naturel qui devrait intervenir dans un délai d'un mois en fonction du dernier état de l'art de guérir. »

La justification de cet amendement précise que la première partie de celui-ci vise à réduire la portée et le champ de la proposition en discussion; la seconde vise à mieux définir la phase terminale. Il serait utile de demander l'avis de médecins pour tenter d'arriver à une définition cohérente de celle-ci, ce qui n'est pas simple.

L'intervenant est conscient de cette imperfection, étant donné la diversité des situations et l'impossibilité de prévoir le moment exact du décès. L'ancien recteur gantois Etienne Vermeersch, président du Comité consultatif de bioéthique, proposait de définir cette phase sur la « base d'un décès prévu dans les 20 jours ou moins ».

Une membre constate que l'amendement se situe dans la logique de ce que son auteur a précédemment défendu, à savoir une distinction entre euthanasie et suicide (médicalement) assisté.

Il s'inscrit également dans la logique du texte que l'intervenante a élaboré avec certains collègues, et qui reprenait textuellement la notion de « hâter le décès ». L'intervenante persiste à penser qu'il y a une logique à vouloir distinguer ces deux éléments.

D'ailleurs, si l'on relit bien le projet de loi néerlandaise qui pourrait être adopté incessamment, on constate que ce texte fait la distinction en question.

En outre, la loi hollandaise ne définit pas l'euthanasie dans un article particulier.

À l'article premier de cette loi, qui reprend un certain nombre de notions, l'euthanasie ne figure pas. Par contre, on trouve dans cette loi la notion de « levensbeëindiging op verzoek », et celle, bien distincte, de « hulp bij zelfdoding ».

Cette solution a l'avantage de bien clarifier les concepts. En effet, comme déjà indiqué, le concept d'euthanasie reste flou pour la population et pour les médecins, nonobstant la définition que la loi pourrait en donner.

L'intervenante renvoie également à un article paru ce 28 novembre 2000 dans le Standaard, et où le professeur Van Neste explicite la portée des deux concepts.

Un autre membre déclare que l'amendement lui paraît important, mais encore insuffisamment clair. Il a le mérite d'en revenir au concept d'euthanasie tel qu'il est compris dans la société et tel qu'il existe à l'origine des travaux du Comité consultatif de bioéthique et de ceux des présentes commissions, à savoir rendre une fin de vie digne possible, et accessible pour tous, dans le cadre de notre système de soins de santé.

La récente étude parue dans le Lancet montre qu'un grand nombre de décisions médicales sont prises en fin de vie. Près de 40 % des gens voient leur décès influencé par ces décisions. Beaucoup plus de transparence et de dialogue sont nécessaires en la matière.

Ce qui, dans l'amendement, paraît contestable à l'intervenante, c'est que l'euthanasie qui, à ses yeux, doit rester limitée aux cas où le médecin se trouve en état de nécessité, est, dans la définition, traitée comme les autres décisions médicales en fin de vie.

Il est question de « hâter » le décès.

S'il s'agit de mettre fin activement à la vie du patient, il vaut mieux le dire clairement et prévoir des conditions supplémentaires et spécifiques.

Le concept de « mort naturelle » constitue un autre point délicat de la définition proposée.

Que représente cette notion pour une personne qui est traitée médicalement, qui séjourne dans un hôpital ?

S'agit-il d'un concept juridique, qui peut être repris dans une définition légale ?

Il n'y a plus guère de personnes qui, dans notre société, meurent de « mort naturelle » ...

Enfin, en ce qui concerne le délai d'un mois, peut-on le reprendre dans une définition légale ? Il s'agit d'une appréciation médicale, qui dépend notamment des progrès les plus récents de la science médicale.

Une membre partage l'avis selon lequel l'intérêt de l'amendement est la distinction qu'il opère entre les cas relevant de la phase terminale et les autres.

L'intervenante se réfère à un courrier récent émanant des médecins spécialistes, qui soulignent la nécessité d'une telle distinction.

Ils ont des objections fondamentales à l'égard de la proposition à l'examen, précisément parce qu'elle n'opère pas cette distinction. Ces objections se fondent non seulement sur des raisons de principe, mais aussi sur les problèmes pratiques qui, selon eux, découleront de cette option.

Les médecins spécialistes considèrent que dans la phase terminale, il y a souvent une évidence suffisante quant à la proximité du décès et que, dès lors, les problèmes professionnels et médicaux se posent différemment dans cette phase et dans la phase non terminale. Ils insistent sur le fait qu'il y aurait un modèle consensuel médical et professionnel sur la phase terminale.

Sur le délai d'un mois prévu par l'amendement, l'intervenante est plus sceptique, car elle ne croit pas possible de figer la phase terminale dans un délai.

De même, le concept de « mort naturelle » pose problème car on n'en maîtrise pas parfaitement le sens.

Enfin, l'amendement pose à nouveau la question de savoir dans quelle logique on se situe : s'agit-il d'une logique pénale, ou plutôt d'une logique médicale, d'une autorisation de la loi, comme l'indiquent les termes « la présente loi vise à permettre ... » , utilisés dans l'amendement ?

La question à résoudre est alors le lien entre cette permission de la loi et la loi pénale actuelle.

M. Vankrunkelsven dépose également un amendement, tendant à remplacer l'article 2 par le texte suivant (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 97) :

« Art. 2. ­ Pour l'application de la présente loi, on entend par actes médicaux les actes par lesquels le médecin administre ou met à disposition des médicaments létaux, à la demande du patient, en sachant qu'ils mettront fin à sa vie, compte tenu de la douleur intolérable qu'il éprouve et de la situation médicale sans issue dans laquelle il se trouve. »

L'auteur de l'amendement propose dans celui-ci une nouvelle traduction de la notion d'« euthanasie », pour que l'on puisse sortir de l'impasse, même si la définition proposée par le Comité consultatif de bioéthique ne pose aucun problème à son avis.

L'amendement nº 97 tient partiellement compte des objections formulées par certains orateurs, dans la mesure où il fait référence à la douleur intolérable qu'éprouve le patient et à la situation médicale sans issue dans laquelle il se trouve. Il ne s'agit toutefois pas véritablement d'une définition de l'euthanasie. Il s'agit plutôt d'une expression des actes auxquels la loi est applicable.

Ni le terme « euthanasie » ni la notion d'« aide au suicide » ne sont mentionnés expressément. La loi s'appliquera, aux termes de l'amendement, à la mise à disposition de médicaments létaux dont le médecin sait qu'ils entraîneront la mort. Ces actes en question ne seront pas punissables dans certaines circonstances.

L'auteur de l'amendement rappelle qu'il a également déposé un amendement tendant à insérer, à côté de la définition de l'euthanasie, celle du suicide assisté.

L'intervenant a le sentiment que beaucoup de considérations philosophiques sont émises ici, et qu'il faut s'efforcer de trouver une solution, en disant simplement à l'article 2 de quoi il s'agit. Il est vrai que certains éléments recoupent en partie le contenu de l'article 3.

L'amendement tente d'évacuer ainsi la discussion délicate relative au concept « intentionnellement ».

Enfin, la dernière phrase du texte met en évidence le fait qu'il s'agit de situations sans issue.

L'amendement rassemble ainsi les divers éléments qui sont apparus comme centraux au cours de la discussion, sans mentionner expressément le terme euthanasie, ce qui apparaît comme secondaire aux yeux de l'intervenant, par rapport au fait de rendre possible les actes décrits par ce texte.

Une membre déclare que l'exercice fait par l'auteur de l'amendement montre bien combien l'on s'enferre quand on veut absolument définir l'euthanasie dans le texte de loi.

L'intervenante reste convaincue que ce n'est pas dans un article spécifique qu'il y a lieu d'indiquer de quoi on parle, mais bien lorsque l'on indique l'acte que l'on veut voir dépénalisé ou autorisé.

La formulation « on entend par actes médicaux ... », paraît curieuse à l'intervenante.

L'auteur de l'amendement précise que le mot « médicaux » n'est pas nécessaire, dans la version française de l'amendement.

La précédente intervenante déclare que, lorsqu'on tente de définir les actes dont il est question, on retombe inévitablement sur l'article 3 lui-même. C'est donc bien dans cet article qu'il faut expliciter de quoi on parle, et quelle est la pratique.

La définition proposée par l'amendement nº 97 pourrait parfaitement figurer à l'article 3. Il n'y a aucune raison de la reprendre à l'article 2 qui est trop large et, en quelque sorte, redondant.

L'auteur de l'amendement répond qu'il a précisément essayé de faire disparaître la confusion entre euthanasie et suicide assisté. Il indique qu'il s'agit des situations où des médicaments létaux sont administrés consciemment par le médecin, ou sont pris par le patient lui-même.

Dans ce dernier cas, il s'agit d'une situation d'autonomie du patient, qui n'a rien à voir avec un suicide classique.

Il s'agit ici d'aider un patient en souffrance, en lui administrant consciemment des médicaments létaux.

Une membre fait observer que ce n'est pas parce que le suicide n'est pas, comme tel, pénalisé dans notre droit, qu'il doit être considéré comme un geste positif sur le plan social. Le suicide n'est pas réprimé parce qu'il s'agit d'un geste de désespoir d'une personne isolée, qui a besoin d'aide, et qu'il serait inhumain de punir. Mais on ne peut en déduire pour autant que l'aide au suicide serait un geste de moindre portée que l'acte du médecin lui-même.

L'intervenante renvoie aux propos du professeur Englert qui, bien qu'il ne partage pas son point de vue sur l'euthanasie, veut maintenir une distinction entre euthanasie et suicide assisté, et qui n'est nullement partisan du second : « Il est plus important de se focaliser sur la demande et sur la possibilité de pratiquer une euthanasie, plutôt que d'envisager le suicide assisté, tel qu'il a été développé, par exemple, dans l'État d'Oregon aux États-Unis, cette situation laissant le patient très seul et empêchant l'interaction avec un médecin qui puisse moduler la demande et la raisonner. »

Dans l'optique de l'intervenante et de son groupe, il s'agit toujours, dans la situation exceptionnelle d'euthanasie, de l'appréciation et de l'acte d'une équipe soignante qui se trouve aux côtés du patient.

Il s'agit toujours, d'une certaine façon, d'un acte social qui vise à écouter et à accompagner le patient dans un processus de mort digne. Ce processus comporte de nombreux aspects, et notamment ceux de soutien psychologique et social, mais aussi d'interaction et de dialogue.

La demande d'en finir doit être reçue et écoutée sur le plan social, et ce jusqu'au bout.

Le suicide assisté a pour conséquence que le patient est laissé à lui-même, et que personne ne prend sur soi la responsabilité sociale de l'acte.

Il ne s'agit plus d'un acte ultime de soin, mais de la rupture d'une relation, dès avant la fin du patient.

Une membre constate que l'amendement nº 97 change évidemment la portée du texte qui suit, qui parle d'« euthanasie » et non d'« actes ».

Si l'on change de logique, c'est à l'article 3 qu'il faut le faire. Les textes successifs déposés par le groupe de l'intervenante, quant à eux, ne parlent pas d'euthanasie, mais utilisent des périphrases. C'est à l'article 3 qu'ils définissent les actes autorisés ou non.

L'intervenante se dit convaincue que l'on fait fausse route en voulant définir, dans un article préalable à la philosophie générale de la loi, des actes qui mettent fin à la vie, en reprenant des termes que l'on ne retrouve d'ailleurs pas dans les amendements déposés par les six auteurs à leur proposition.

Mais il est vrai que, dans son amendement nº 97, l'auteur entre dans une logique médicale, et abandonne la logique pénale qui inspirait ses premiers amendements.

Il avait d'ailleurs déposé, à un moment donné, un texte incriminant l'euthanasie de manière générale, et prévoyant ensuite un système dérogatoire.

La question doit en effet être posée de savoir s'il ne faut pas prévoir un texte consacrant le principe général selon lequel l'euthanasie (visée expressément ou selon un autre formule) est punissable.

Actuellement, une telle disposition n'existe pas, parce que l'euthanasie relève des dispositions pénales qui punissent l'homicide.

Une autre membre estime qu'il faut avoir l'honnêteté et la correction d'appeler les choses par leur nom. On discute ici d'une proposition qui concerne l'euthanasie et qui, dès lors, définit ce que l'on entend par ce terme.

Les six auteurs ont opté pour la définition du Comité consultatif de bioéthique, instance composée d'experts qui ont travaillé des mois pour arriver à un texte aussi clair que possible.

En réponse à une précédente oratrice, l'intervenante précise que l'intention des six auteurs n'est pas d'abandonner les patients à leur sort. Au contraire, la mort douce que l'on veut accorder, dans certaines circonstances, aux patients souffrants est un geste de compassion et de soutien à leur égard.

Un membre estime que, si le but de l'auteur de l'amendement nº 97 est de clarifier les choses, il les complique plutôt.

D'une part, les mots « l'acte par lequel le médecin ... » visent évidemment un acte médical. Dans ce type de loi, le médecin n'est autorisé qu'à poser un acte médical.

D'autre part, le texte réintroduit dans la définition deux problématiques ­ euthanasie et suicide assisté ­, qu'il vaudrait mieux traiter à des niveaux différents et progressivement.

Par conséquent, tout en entrant dans l'art de guérir, on en sort. Le suicide assisté doit-il être, de façon générale, l'action d'un médecin, même, par exemple, lorsqu'il est causé par un désespoir existentiel qui ne présente pas une dimension de souffrance physique ou psychologique qui relèverait, au moins pour partie, de l'art de soigner ?

L'intervenant en revient à l'idée qu'une éventuelle définition doit être claire. L'euthanasie n'est pas un meurtre, et s'il y a meurtre, il n'y a pas euthanasie. Le terme « euthanasie » (bonne mort) doit être réservé à ce qui n'est pas un meurtre.

En ce qui concerne la définition du Comité consultatif de bioéthique, l'intervenant souligne que les membres de ce Comité ont dû se mettre d'accord, au départ, sur une terminologie qui allait leur permettre de commencer leur travail. Mais ce n'est pas parce que l'on commence par une hypothèse de départ que l'on doit automatiquement, à la fin de ses travaux, reprendre la même définition, comme si toutes les auditions et discussions qu'on a eues n'avaient apporté aucun éclaircissement sur cette définition.

L'auteur de l'amendement déclare que, pour sa part, il n'a aucune objection à l'égard de la définition originaire du concept d'euthanasie, qui lui paraît assez claire. C'est parce qu'une discussion s'est développée sur ce sujet qu'il a tenté de mettre au point une formule de compromis. L'amendement n'a donc nullement pour but de compliquer les choses.

L'intervenant a tenté d'expliquer pourquoi, selon lui, le suicide assisté relève de la proposition à l'examen : parce qu'il s'agit, comme pour l'euthanasie, de l'administration de substances létales dans le but de mettre fin à la vie du patient.

Une précédente intervenante a eu raison de souligner qu'il serait très néfaste que l'on donne l'impression que le médecin peut se débarrasser du problème en fournissant au patient les substances en question et en l'abandonnant à son sort.

Les enquêtes montrent que, là où l'on pratique le suicide assisté, le médecin est présent au moment où le patient absorbe le médicament létal.

Il apparaît en effet que le pourcentage d'échec, qui est de 3 à 4 % en matière d'euthanasie, est un peu plus élevé dans le cas du suicide assisté et que la présence du médecin est donc souhaitable dans ce dernier cas.

Un membre pense que tous, scientifiques, médecins, philosophes ou politiciens, demandent une définition de l'euthanasie. Tout article scientifique commence par la définition de ce dont on parle.

Il faut une définition claire et transparente. Confucius disait que le premier conseil à donner à l'empereur était de donner une définition correcte.

Toutes les auditions et discussions qui ont eu lieu jusqu'à présent se basaient sur la définition qui était proposée.

L'intervenant soutient dès lors le précédent orateur dans son amendement nº 97, mais il pense qu'il ne doit pas être repris à l'article 2, qui est clair et doit rester inchangé.

Il manque à l'amendement nº 97 un élément qui figurait dans d'autres amendements précédemment déposés par l'auteur, à savoir l'accompagnement médical.

En ce sens, l'intervenant comprend la réaction d'une précédente oratrice, qui déclarait que, dans le suicide assisté, le patient était livré à lui-même.

Mais il comprend aussi la crainte de l'auteur de l'amendement nº 97 que certaines formes d'acte euthanasique ne soient pas interprétées par tout le monde de la même façon.

L'amendement serait une bonne introduction à l'article 3. La question se pose de savoir s'il est nécessaire qu'il y figure, surtout si cela doit donner lieu à des interprétations erronées en ce qui concerne l'accompagnement médical requis.

Une autre membre se rallie à la réflexion d'un précédent intervenant, selon laquelle l'avis du Comité consultatif de bioéthique était un point de départ de la réflexion.

Si l'on doit évidemment tenir compte des auditions et discussions qui ont eu lieu, il faut cependant rester dans une logique juridique cohérente sur le plan national et international.

L'intervenante déclare avoir été frappée par l'avis unanime du Comité de bioéthique français.

En France, on parle de l'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne, en vue de mettre un terme à une situation jugée insupportable.

Aux Pays-Bas, tant la loi actuelle que le projet en discussion définissent l'euthanasie comme l'acte qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à sa demande expresse et sérieuse.

Tous ces éléments se retrouvent dans la littérature médicale.

On a pu prendre connaissance de l'étude parue dans le Lancet sur les euthanasies dites clandestines en Flandre. Là aussi, on entend par euthanasie l'administration de drogues avec l'intention explicite d'abréger la vie du patient à sa demande expresse.

Pour toutes ces raisons, l'amendement nº 97, tel qu'il est présenté, ne correspond, selon l'intervenante, ni à une cohérence nationale et internationale, ni à ce que l'on veut faire dans l'article 3.

Il est préférable, dans cet article, de régler la manière dont la demande du patient sera prise en considération.

Une membre dit avoir également été frappée par le contenu de l'étude parue dans le Lancet, et par les classifications faites dans celle-ci.

Le questionnaire à la base de l'étude faisait bien la différence entre l'euthanasie ­ définie comme l'administration de drogues létales avec intention explicite de raccourcir la vie du patient à la demande de celui-ci ­ et le suicide assisté (p.a.s.).

Il est intéressant de constater l'existence de cette distinction, et le fait que le raccourcissement de la vie se situait entre 1 jour et 1 semaine dans 80 % des cas, ce qui correspondait donc bien à la phase terminale, les 20 % restants correspondant à un raccourcissement maximum d'un mois.

Beaucoup d'éléments montrent donc la différence qui est faite entre euthanasie et suicide assisté.

Dans la loi hollandaise, le concept de « hulp bij zelfdoding » peut être aussi bien l'aide active du médecin qui participe à l'acte, que le fait de donner au patient lui-même les moyens de se suicider.

Un sénateur estime absurde de renvoyer à l'article du Lancet pour démontrer qu'il y aurait une grande différence entre euthanasie et suicide assisté.

Bien sûr, dans le premier cas, c'est le médecin qui administre le produit alors que, dans le second, c'est le patient qui le prend lui-même.

Mais, lorsqu'on lit l'article, on voit que, dans toutes les analyses qui sont faites, comme du reste dans l'ensemble de la littérature scientifique, les deux actes sont considérés ensemble, par opposition aux cas où le produit létal est administré sans le consentement du patient.

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 97 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 98), tendant d'une part, à y insérer les mots « au stade terminal » et, d'autre part, à supprimer les mots « ou met à disposition ».

Un membre renvoie à ce sujet à un article du professeur Van Neste paru dans le Standaard de ce 28 novembre, où l'on peut lire : « Het mag ons niet ontgaan dat in het onderscheid terminale/niet-terminale patiënt uiteindelijk een dieper liggende tegenstelling schuilgaat : twee zeer verschillende opvattingen over euthanasie : naast de klassieke opvatting op grond van medische noodzaak, een totaal nieuwe opvatting op grond van de zelfbeschikking van de patiënt. In de klassieke opvatting impliceert euthanasie een dramatische situatie waarin terminale patiënt én arts samen kunnen terechtkomen : déze stervensfase namelijk waarin de arts steeds minder efficiënt de pijn, het lijden van de patiënt kan verzachten. Dit betekent een uitdaging voor de arts : hij gaat inzien dat dit leven beëindigen de enige uitweg is om deze pijn, dit lijden te doen eindigen. Euthanasie dringt zich in dit geval in zekere mate op als medische noodzaak, als enige uitweg om te helpen. Dit is de eigen verschijningsvorm of gestalte die euthanasie in deze situatie aanneemt.

Gaat men daarentegen uit van de « ongeneeslijke » toestand (zoals in het meerderheidsvoorstel) dan krijgt het euthanasiebegrip een heel andere teneur, niet in de eerste plaats een « dramatische » beslissing van de arts, maar een keuzemogelijkheid voor de patiënt. Vanzelfsprekend bevindt de patiënt zich ook in deze hypothese in een hachelijke toestand : geen hoop meer op genezing, op enige verbetering van kwaliteit van leven, uitzichtloosheid, het gegeven dat deze toestand nog maanden, zelfs jaren kan duren. Bij een slachtoffer van een verkeersongeval met totale verlamming als gevolg, bijvoorbeeld, is alle behandeling misschien al (lang) stopgezet. Er is dus geen enkele arts meer bij betrokken. In deze toestand die deze patiënt als « nood » ervaart, wendt de patiënt zich tot een arts met de vraag om euthanasie. Is het niet aangewezen hier over hulp bij zelfdoding te spreken ? »

La société ressent une différence entre l'hypothèse où les produits létaux sont utilisés en phase terminale, et celle où ils le sont en phase non terminale. Dans ce dernier cas, on se rapproche très fort de la notion de suicide assisté; la personne n'est pas nécessairement un patient, il n'y a pas de nécessité médicale de hâter le décès.

On peut dès lors s'interroger sur le point de savoir si cette hypothèse relève de la médecine et des tâches qui incombent au médecin.

Un intervenant rappelle que l'on a déjà souligné le fait que la distinction entre phases terminale et non terminale devrait être écartée, parce qu'elle n'est pas praticable. Les patients atteints d'une maladie mortelle ne meurent pas, la plupart du temps, de la maladie elle-même, mais de complications liées à celle-ci ou à leur traitement.

En outre, les perspectives d'avenir d'un patient incurable sont très difficiles à évaluer, même pour les scientifiques les plus avertis.

Enfin, la question du sort à réserver à la demande de patients atteints d'une maladie qui, sans être mortelle, cause des souffrances insupportables et mène à une situation sans issue est une autre discussion que celle relative à la définition de l'article 2.

Un autre membre constate qu'en dépit des difficultés liées à la distinction entre phase terminale et phase non terminale, les six auteurs opèrent cette distinction dans leurs amendements, en prévoyant des conditions supplémentaires lorsqu'on n'est pas en phase terminale. Cela prouve que cette distinction a un sens.

Le précédent orateur rappelle sa proposition de remplacer les mots « indien de arts van oordeel is .... zal overlijden » par les mots « indien de arts oordeelt dat de aandoening in zich niet binnen afzienbare tijd tot sterven behoeft te leiden » (« Quand le médecin est d'avis ou estime que le décès n'interviendra pas nécessairement comme étant la conséquence de l'affection en soi ... »).

Ainsi, ce serait davantage au médecin d'apprécier si des mesures de prudence complémentaires doivent ou non être prises, et l'on suscitera moins de discussions juridiques.

Une précédente intervenante estime très contestable de laisser un pouvoir d'appréciation encore plus grand au médecin en la matière.

En outre, comme déjà indiqué, l'argument opposé à ceux qui veulent limiter l'euthanasie à la phase terminale, et selon lequel la distinction entre phase terminale et non terminale est trop complexe, n'est pas correct puisque les six auteurs eux-mêmes font cette distinction, en prévoyant des critères de minutie supplémentaires pour la phase non terminale.

Un membre rappelle que la proposition à l'examen prévoit la consultation d'un deuxième, et dans certains cas, d'un troisième médecin.

On ne peut donc dire que cela est laissé à l'appréciation individuelle d'un médecin.

Amendement nº 67

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 67), tendant à compléter l'article 2 par les mots « à l'exception de l'assistance au suicide ». L'auteur justifie cet amendement comme suit :

1. Les auditions ont confirmé que le terme « euthanasie » a des sens variables. C'est ainsi qu'il est apparu clairement que l'on désigne souvent par euthanasie, notamment l'intervention médicale active ou passive entraînant l'interruption de la vie, l'interruption volontaire directe ou indirecte de la vie, l'abrégement volontaire ou involontaire de la vie, ...

Dans son avis de 1997, le Comité consultatif de bioéthique a tenu compte de ce risque de confusion lorsqu'il a eu à donner un avis sur l'opportunité d'une réglementation légale de l'« euthanasie ». Il a su le prévenir en recourant à la définition de l'euthanasie qu'utilise la Nederlandse Staatscommissie. Pour elle, il s'agit de tout « acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ». La notion d'euthanasie ne sert donc pas à désigner l'interruption justifiée d'un acte médical ou le fait de renoncer pour des raisons justifiées à en poser un ni l'administration justifiée d'analgésiques ayant pour effet d'abréger la vie (qui résultent de décisions médicales concernant la fin de la vie).

Bien que cette définition stricte puisse s'écarter dans une certaine mesure de certaines déclarations d'ordre linguistique ou médico-encyclopédique, elle présente l'avantage de la transparence et de la sécurité du point de vue juridique. Une réglementation légale des interventions euthanasiques requiert une délimitation précise et nette de la notion d'« euthanasie » et doit supprimer toute équivoque en la matière. Il est déjà souhaitable, pour cette seule raison, que ces actes médicaux de fin de vie ­ lesquels ne présentent aucun caractère exceptionnel et font partie des actes qu'un médecin peut accomplir en principe selon les conceptions médicales en vigueur, en fonction des possibilités dont la médecine peut faire usage, et eu égard aux patients ­ trouvent leur place dans la réglementation de l'euthanasie.

2. L'article 2 proposé reprend la définition du Comité consultatif de bioéthique.

Il ressort toutefois des dispositions suivantes de la proposition de loi que celle-ci élargit le champ d'application du terme « euthanasie » en lui donnant des sens impropres et modifie, ainsi, le contenu de la définition qu'utilise le Comité consultatif. C'est ainsi qu'elle permet de provoquer la mort par euthanasie de patients dont on n'attend pas le décès à court terme; en outre, il suffit qu'un patient se trouve dans une situation de « détresse insupportable » pour que soient remplies les conditions relatives à l'état du patient. Même l'ajout de l'expression « médicalement sans issue » n'a pas d'effet limitatif en l'espèce. Il a au contraire un effet extensif dans la mesure où, dans la proposition, la situation en question est dite « non susceptible d'être traitée curativement ». Une personne qui souffre d'une dépression impossible à traiter, mais dont on n'attend pas le décès à court terme, ou une personne handicapée ne se trouvant pas en phase terminale, mais à laquelle, dans l'état actuel de la science, aucune remède ne peut être proposé pour atténuer son handicap et qui estime, subjectivement, se trouver dans une situation de « détresse insupportable », pourrait donc solliciter l'euthanasie aux termes de la proposition.

Les cas visés dans l'hypothèse précitée s'inscrivent toutefois intrinsèquement hors du champ sémantique du mot « euthanasie » qu'a défini le Comité consultatif et hors de celui qui obéit aux critères philosophiques, éthiques et médicaux.

Ils relèvent non pas de la notion d'« euthanasie », mais de celle de « assistance à ­ ou délégation de ­ la mort volontaire ». Une réglementation légale de l'« euthanasie« » doit dès lors exclure explicitement cette hypothèse de son champ d'application. L'ajout proposé par le présent amendement est donc nécessaire.

3. Le fait de donner la mort à un patient qui ne se trouve pas en phase terminale, à sa demande (assistance à ­ ou délégation de ­ la mort volontaire) :

a) ne peut être assimilé à l'euthanasie,

b) et est injustifiable.

a) Par essence, l'euthanasie ne concerne que le patient souffrant qui est confronté à l'imminence de la mort et qui constate que le médecin ne peut plus intervenir efficacement pour adoucir sa détresse physique avec les moyens médicaux dont il dispose. Les auditions ont confirmé qu'il s'agit d'un cas exceptionnel dans lequel l'euthanasie peut être pratiquée en tant qu'ultimum remedium, à la demande spontanée, répétée, consciente, mûrement réfléchie et persistante du patient. Il s'agit d'un cas dans lequel le traitement palliatif de confort ne permettant pas non plus de remédier à la situation sans issue du patient arrivé en phase terminale, celui-ci peut demander à pouvoir finir ses jours d'une manière conforme à la dignité humaine et non pas dans la déchéance et la douleur.

Par essence, l'euthanasie concerne donc des personnes qui sont « à l'article de la mort ». Quiconque considère l'euthanasie comme un moyen dont peuvent faire usage des personnes qui, dans un élan subjectif et se prévalant d'un droit général à l'autodétermination, disent « je veux mourir », en méconnaît le caractère exact. Toute intervention à la demande de telles personnes constituerait non pas un acte d'« euthanasie », mais un acte « d'assistance à ­ ou de délégation de ­ la mort volontaire ».

En effet, c'est au médecin qu'il appartient d'éventuellement conclure, en sa qualité de praticien de l'art de guérir, que, si aucun traitement médical curatif ou palliatif ne saurait plus aider le patient, il a le devoir d'acquiescer à la demande de celui-ci de faire en sorte qu'il puisse mourir dignement avec le concours de la médecine, pour autant qu'il estime, dans des circonstances concrètes, que ce devoir doit primer l'obligation qu'il a de protéger la vie. L'euthanasie est donc bel et bien un acte médical, fût-il exceptionnel.

L'assistance à ­ ou la délégation de ­ la mort volontaire de patients qui ne se trouvent pas en phase terminale et, a fortiori, de patients qui ne souffrent que psychiquement, ne constitue pas un acte médical : elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'un conflit de devoirs auquel serait confronté le médecin, mais elle n'est conçue que pour qu'on puisse mettre fin à la vie du patient au cas où celui-ci demanderait qu'on le fasse. Telle n'est pas la tâche du médecin.

Cette distinction entre l'euthanasie et l'assistance au suicide est admise dans toute la littérature médicale internationale et elle a également été reconnue par les membres du Comité consultatif, qui ont estimé, au cours de leurs discussions, que l'« assistance au suicide » constituait un thème distinct et qui ont traité expressément l'« euthanasie » comme un acte médical de fin de vie.

C'est le professeur Van Neste qui a abordé de la manière la plus marquante la question de savoir si « l'euthanasie » peut être envisagée pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale :

« D'autres propositions de loi contiennent la condition objective de « maladie incurable allant de pair avec une nécessité physique ou psychique », mais cela nous entraîne, pour deux raisons, en dehors du cadre de la problématique propre à l'euthanasie.

Tout d'abord, il ne doit plus s'agir d'un patient en phase terminale. Si nous étudions l'historique de l'acte d'euthanasie, nous constatons qu'auparavant, on ne parlait d'euthanasie qu'à l'heure du décès, de l'agonie. En outre, il s'agissait toujours du devoir du médecin d'atténuer la douleur. Par douleur ou souffrance, on pensait toujours à un besoin qui est du ressort de la médecine.

Selon moi, il s'agit [dans ces propositions] d'un besoin existentiel. Un besoin existentiel ne peut cependant pas entrer en ligne de compte dans la problématique de l'euthanasie pour la définition de l'état de nécessité. Dans ce cas, le médecin ne se trouve pas dans un état de nécessité.

Il ne peut pas remédier à cette lassitude de vivre. Il se trouve seulement dans un état de nécessité lorsqu'il est confronté à une situation où il veut continuer d'aider avec sa compétence médicale, mais pour laquelle les moyens médicaux dont il dispose ne sont plus efficaces pour adoucir le besoin physique du patient en phase terminale. C'est précisément ce qui provoque son cas de conscience.

Dans [l'autre cas], (...) nous sortons de la problématique de l'euthanasie et nous devons plutôt parler de problématique relative à l'aide au suicide. »

Le professeur Adams estime aussi que, dès l'instant où l'on abandonne à la subjectivité du patient la facette d'apprécier si une douleur ou une détresse est insupportable, toute réglementation de l'euthanasie devient une sorte de légalisation générale de l'assistance au suicide.

b) Au cours des auditions, le Dr Philippart (Ordre des médecins), entre autres, a affirmé que la condition selon laquelle la maladie doit être incurable (que le patient soit ou non en phase terminale) est, en soi, inacceptable. Les déclarations du Dr Clumeck et du Dr Vincent ainsi que celles de 58 dispensateurs de soins palliatifs vont dans le même sens.

Le docteur Vandeville met en garde contre les risques de dérapages que l'on créerait en mettant les deux situations en question sur le même pied. En ce qui concerne la souffrance physique sans issue, le docteur Mullie met l'accent sur les possibilités qu'offrent les soins palliatifs, le professeur Schotsman évoque le principe d'humanité, qui devrait selon lui régir la manière d'envisager ces problèmes. Mme Kempeneers (Association nationale d'aide aux handicapés mentaux) a, elle aussi, exprimé sa crainte d'une assimilation.

­ Permettre légalement que l'existence d'une maladie incurable, par hypothèse à un stade non terminal, suffise pour que l'on puisse accomplir un acte dit « euthanasique », c'est faire prévaloir le modèle de l'autodétermination sur le modèle de l'appréciation médicale et de la nécessité médicale (en effet, l'assistance au suicide n'est pas la réponse à une nécessité médicale et n'apporte absolument pas de réponse à une maladie incurable ou à une souffrance insupportable).

On peut se demander si le « droit à l'autodétermination » est un droit fondamental ou un principe de droit. Il faudrait plutôt considérer qu'il constitue, en conjugaison, avec le principe de l'égalité, une source de plusieurs droits fondamentaux. En outre, le principe de l'autodétermination atteste que l'individu est en état de juger normalement et qu'il a son mot à dire sur la façon d'exercer les libertés individuelles ou, autrement dit, qu'il a le droit à la faculté d'interpréter lui-même la notion de liberté. Cela signifie que le citoyen peut décider en toute autonomie qu'une valeur personnelle comme la vie privée ou l'intégrité physique, ne doit plus être protégée dans certaines situations.

L'on peut toutefois se demander jusqu'où peut aller l'usage du droit à l'autodétermination. Autoriser l'expression sans limites de la volonté individuelle en arguant du droit à l'autodétermination, c'est admettre que, dans le cadre des règles de droit futures, le droit à l'autodétermination serait pour ainsi dire considéré comme un droit souverain et que la liberté individuelle serait considérée comme illimitée, comme absolue. Ce serait contraire à ce qui a toujours été le cas en ce qui concerne les autres droits fondamentaux classiques dont l'usage a toujours été limité dans le cadre des règles de droit, du moins dans la tradition européenne.

Les pouvoirs publics ont pour mission de protéger la vie humaine contre les atteintes qui pourraient être portées à celle-ci par des tiers. La protection ne repose pas sur l'idée que la vie n'a de valeur qu'en fonction de la volonté de vivre d'un individu et est dépourvue de valeur s'il refuse d'encore vivre. Elle repose plutôt sur l'idée que la vie humaine est précieuse dans la perspective du respect de la dignité humaine, c'est-à-dire intrinsèquement, que l'intéressé en convienne ou non. Le principe du respect de la vie humaine en tant que tel mérite de continuer à être le principe directeur, précisément parce qu'il garantit que l'on consacre à la vie des personnes faibles, vulnérables ou dont la capacité de jugement n'est pas entière autant d'attention qu'à celle des personnes fortes, non vulnérables, et en état de juger normalement.

Lorsqu'une personne fait appel à un tiers pour l'exécution d'une de ses décisions, fût-ce à un expert, son droit de décision change de caractère. Il devient en quelque sorte un droit de participation à la prise de décision médicale, presque un droit de codécision.

Lorsqu'il y a lieu de rendre un jugement juridique et politique à propos d'un acte euthanasique, diverses valeurs doivent être prises en considération, à savoir l'intérêt du mourant, la responsabilité personnelle du médecin et l'obligation, pour la collectivité, de continuer à assurer intégralement la protection de la vie. Autrement dit, toutes les règles de droit doivent doser de manière appropriée le degré d'autodétermination et le degré de réglementation. Une règle de droit ne peut donc jamais prévoir que l'on ne tiendra compte que du point de vue d'un seul individu. Il faut arriver à établir un équilibre entre les divers principes en jeu.

Lors des auditions, l'argument de l'autodétermination a également été avancé pour ce qui est des patients qui ne se trouvent pas en phase terminale. Le docteur Englert a fait référence à ce « délire d'autonomie » et l'a situé directement dans le cadre de la relation médecin-patient. Ou, comme l'a dit le docteur Cosyns : « Pour moi, il s'agit du point final d'un épanouissement. Elle doit être soumise au « A » de la relation (en néerlandais, arts) médecin-patient, pas au « A » de l'autodétermination absolue. » Le professeur Baum a fait à cet égard, avec le docteur Vincent et Mme Aubry, la déclaration suivante : « on ne peut prétendre être pluraliste et mépriser la relativisation de l'autonomie par d'autres valeurs, la vulnérabilité du patient par exemple. Il ne s'agit pas d'un débat entre individualisme et communautarisme, car comme le disait Sartre : « On ne peut être libre seul ». »

Pour le professeur Schotsmans, il s'agit de : « promouvoir l'homme dans toutes ses dimensions et relations ». « Je n'aime pas qu'on réduise le rôle du médecin à celui de l'exécuteur des décisions du patient » dit-il, « car il est alors un garagiste du corps et non un médecin du corps. »

­ Du point de vue juridique aussi, une légalisation de l'aide à ­ de la délégation de ­ la mort volontaire soulève des problèmes, plus précisément eu égard aux dispositions de la Convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le droit à la vie, qui est garanti à l'article 2 de celle-ci, emporte, pour les autorités, l'obligation de protéger la vie. D'après la logique de l'article 2, l'État ne peut en effet reconnaître la possibilité de pratiquer l'euthanasie que dans des circonstances très exceptionnelles. Un acte euthanasique ne peut être autorisé qu'en tant que remède ultime, c'est-à-dire lorsqu'il est vraiment le seul moyen qui reste pour adoucir une souffrance insupportable. Dans les cas où il est devenu impossible d'atténuer la souffrance au moyen d'analgésiques ou de soins palliatifs, et où il ne reste plus que l'acte euthanasique pour l'apaiser, les deux obligations définies aux articles 2 et 3 de la Convention européenne de protection des droits de l'homme sont inconciliables.

Donner la mort à un patient à la demande de celui-ci, alors qu'il se trouve dans une situation qui est « médicalement sans issue » (non curable) et en état de détresse (psychique) mais sans être en phase terminale, n'équivaut cependant pas à l'administration du remède ultime susvisé. En effet, dans un tel cas, le caractère insupportable de la souffrance pourra être apprécié sous tous ses aspects par le patient seul, et ce, sans la moindre limite. Son consentement suffira.

Or, la protection pénale de la vie est d'ordre public. Nulle personne ne peut, de par son seul consentement, créer d'immunité pénale pour celui qui le prive de la vie. Il faut savoir que le consentement de la victime ne constitue pas un motif de justification et ne pas négliger le fait que le médecin est confronté à un conflit d'obligations. Mais il y a un élément sous-jacent, le principe selon lequel le droit à la vie n'est pas uniquement l'affaire de l'individu. La question du respect de la vie revêt des aspects qui le dépassent et qui font qu'il est l'affaire de la société tout entière. Le poète théologien John Donne (1572-1631) a exprimé cette vérité comme suit : « Personne n'est une île. » L'homme est un être social. Dans Les Mandarins, Simone de Beauvoir fait dire au personnage qui parle à la première personne, qui envisage le suicide et qui tient déjà un flacon de poison, qu'il a sa propre mort en main. Mais il se ravise alors que sa fille rentre à la maison, pour conclure : « Oui, j'ai ma propre mort en main, mais ce sont les autres qui la vivront. » Qui dispose de sa propre vie, dispose de plus que de sa propre vie.

­ L'État se doit de maintenir telle quelle la garantie pénale en ce qui concerne la mort sur demande.

On peut également citer ici la recommandation 1418 du Conseil de l'Europe (1999) concernant la protection des droits de l'homme et la dignité des malades incurables et des mourants.

Le Conseil demande expressément aux États membres :

« 9.c. de maintenir l'interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants :

i. vu que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, est garanti par les États membres, conformément à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement »;

ii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers;

iii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort. »

4. Enfin, il y a lieu de souligner que ni les discussions au sein du Comité consultatif de la bioéthique et l'avis de celui-ci, ni les auditions organisées au Sénat n'ont porté spécifiquement sur la question de l'« aide au suicide ». Les auditions, qui visaient à étayer et à améliorer le travail législatif, se sont concentrées essentiellement sur la question de l'« euthanasie », c'est-à-dire l'acte qui consiste à mettre intentionnellement fin à la vie de patients en phase terminale, à la demande de ceux-ci.

La réglementation proposée confond deux situations, à savoir celle des mourants et celle de personnes qui ne sont pas mourantes, mais qui, d'une manière ou d'une autre, n'attachent plus aucun sens à la vie. Elle jette une certaine confusion dans la relative unanimité qui s'était faite à propos de l'« accompagnement médical des mourants », dans la mesure où elle soulève une multitude de questions relatives au suicide.

Le problème du suicide doit être abordé différemment; il ne peut en tout cas pas être assimilé à celui de l'euthanasie ni être apprécié en fonction des normes auxquelles on se réfère en parlant d'euthanasie.

On voit mal pourquoi la Belgique devrait prendre l'initiative dans ce domaine au moment où l'on examine, aux États-Unis, un projet de loi fédéral interdisant l'aide au suicide.

Il est clair en outre que la société ne souhaite absolument pas assister, à l'heure actuelle, à l'avènement d'une réglementation en la matière. Le rapport scientifique de la fondation European Values Study, qui a été publié récemment et dans le cadre de la rédaction duquel on a demandé, en 1999, à des Belges, ce qu'ils pensaient du droit de disposer de son propre corps, indique que 61,2 % des Belges estiment qu'un suicide n'est jamais justifié.

5. C'est pourquoi la définition de l'euthanasie que l'on utilise doit mentionner explicitement que « l'euthanasie » et la réglementation légale de celle-ci ne concernent pas l'« assistance à la mort volontaire » (délégation de la mort volontaire).

Un sénateur constate que dans l'exposé qui vient d'être fait, les concepts de phase terminale, non terminale et de suicide assisté sont quelque peu mêlés.

Lors des discussions relatives au projet de loi hollandaise en préparation, on a accordé beaucoup d'importance, à propos de l'affaire Bongersma, à la question de savoir comment il fallait interpréter l'autonomie du patient.

À cet égard, l'intervenant s'accorde avec l'idée que la seule requête du patient ne suffit pas pour que l'euthanasie lui soit accordée.

La proposition à l'examen prévoit de nombreuses autres conditions qui doivent être remplies pour que l'euthanasie soit pratiquée. Le médecin doit disposer à tout le moins d'un pouvoir de codécision à cet égard.

L'intervenant déplore que le concept de suicide assisté soit à nouveau utilisé par les auteurs de l'amendement à l'appui de leur thèse.

Toute la justification qui vient d'être donnée tombe à faux, puisque la proposition à l'examen donne un pouvoir d'appréciation au médecin, ainsi qu'à un second médecin.

Aux Pays-Bas, c'est précisément l'absence de réglementation légale de l'euthanasie qui a amené certains juges à donner une interprétation très large à la notion de souffrance.

C'est pourquoi on a considéré, aux Pays-Bas, notamment lors des discussions dans la seconde Chambre, que l'euthanasie ne peut être accordée que si le médecin estime qu'il s'agit d'une souffrance médicale sans issue.

La proposition et les amendements des six auteurs sont en tout cas suffisamment clairs quant au pouvoir d'appréciation du médecin.

Une membre demande si, aux yeux des six auteurs, le champ d'application de leurs amendements correspond à ce que l'on entend habituellement par suicide assisté.

En effet, le texte est fort large, puisqu'il vise une souffrance ou une détresse constante et insupportable.

Certaines législations étrangères punissent la provocation au suicide.

En droit pénal belge, le suicide n'est pas réprimé pénalement, et l'aide au suicide dans un cadre non médical non plus.

Le groupe de l'intervenante est opposé à un texte qui englobe l'assistance au suicide, et qui donnerait ainsi à la population un message dont l'impact d'ordre philosophique, éthique, culturel, ne peut être évalué actuellement.

Un autre membre estime qu'il faut garder à l'esprit la distinction entre euthanasie et suicide.

L'euthanasie suppose l'intervention d'un tiers, qui pose un acte entraînant le décès.

Le suicide consiste à se donner la mort à soi-même.

Dès lors, si l'on amende un texte qui tente de définir l'euthanasie, en présupposant que le terme euthanasie peut viser le suicide, on réintroduit la confusion.

Aucune des propositions de loi déposées au Sénat n'institue de droit à l'euthanasie dans le chef du patient ni, a fortiori, dans celui d'un tiers quelconque.

Les arguments avancés par les auteurs de l'amendement nº 67 pour critiquer le texte proposé semblent dès lors non fondés.

Ce qui, par contre, est exact dans la justification de cet amendement, mais qui n'est pas rencontré par l'amendement lui-même, c'est qu'il faut prendre garde à la vulnérabilité du patient, et ne pas idéaliser son autonomie.

Un membre déclare que chacun semble d'accord pour dire que l'euthanasie n'est pas un meurtre.

L'accompagnement médical en fin de vie n'est pas davantage, comme tel, une assistance au suicide parce que des mesures de prudence strictes, précises et claires sont prévues.

La justification circonstanciée de l'amendement nº 67 reprend largement la discussion qui a eu lieu à propos du droit à disposer de soi-même.

À propos des arguments relationnels invoqués à l'appui de l'amendement, l'intervenant formule les observations suivantes.

Il est vrai que, de sa naissance à sa mort, l'être humain est en relation avec les autres.

En fonction des circonstances, chaque personne va donner à ces relations un sens et une place particuliers.

Ceci signifie que les obligations relationnelles ne sont pas illimitées. Personne n'est contraint d'aller jusqu'à l'extrême limite en cette matière.

La vie est une valeur très importante, mais pas absolue.

Que l'on songe à la guerre, à la peine de mort, à la légitime défense, à ceux qui se sacrifient jusqu'à l'extrême et y laissent leur santé et leur vie, aux martyrs, ...

L'autonomie n'est méconnue que dans les sociétés collectivistes, dans les systèmes totalitaires.

En matière d'euthanasie aussi, le danger existe pour la société que l'individu soit privé de toute autonomie. On ne peut parler ici d'un suicide, mais de l'accompagnement d'une situation sans issue en cas de souffrances insupportables.

Ce qui est insupportable, c'est au patient d'en juger.

Quant à l'appréciation du caractère sans issue de la situation, elle ne sera pas laissée à un seul médecin, mais des mesures de prudence seront prises.

La question fondamentale est de savoir si l'on peut toucher à la vie.

À l'heure de la fécondation in vitro, il est clair que l'homme agit sur la vie à ses débuts.

Dès lors, si quelqu'un se trouve dans une situation sans issue où il souffre de façon insupportable, il faut se demander s'il n'est pas préférable de l'accompagner médicalement, plutôt que de risquer qu'il ne se jette sous un train ou du haut d'un pont.

Une intervenante demande si le précédent intervenant veut dire que quelqu'un qui est atteint d'une dépression grave, attestée par trois médecins, et veut se suicider, rentre dans le champ d'application de la proposition de loi.

Le précédent orateur répond qu'il a précisément voulu dire le contraire, et qu'il a souligné que des critères de minutie étaient prévus pour empêcher qu'un patient puisse obtenir l'euthanasie sur simple demande, ou qu'un médecin la pratique à la légère.

En ce qui concerne l'article du professeur Van Neste, pour qui l'intervenant a beaucoup de respect, il en résulte que l'auteur craint que l'aspect médical du caractère sans issue de la situation ne prenne le pas sur le caractère insupportable de la souffrance apprécié par le patient.

La proposition de loi a l'examen tente précisément d'apprécier les deux à leur juste valeur.

Une membre se rallie à l'observation d'un précédent intervenant, qui soulignait qu'aucune des propositions à l'examen n'instituait de droit à l'euthanasie sur la base d'un principe absolu d'autonomie.

Elle se demande si tout le monde partage bien ce point de vue.

Plusieurs membres le confirment.

L'intervenante poursuit en indiquant que pour elle, il s'agira toujours d'un dialogue entre le patient et le médecin et qu'en définitive, c'est ce dernier qui acceptera ou non, toutes les conditions et précautions étant par ailleurs réunies, de répondre positivement à la demande expresse du patient.

Cela est très important dans la mesure où, si l'on considère l'euthanasie comme un acte médical, la responsabilité du médecin est en jeu.

Le problème est de savoir jusqu'où on peut parler d'un acte médical. Au regard de la déontologie médicale et de l'art de guérir, un médecin doit en effet adhérer à un certain nombre de principes lorsqu'il prête le serment d'Hippocrate.

À cet égard, il est très important de souligner qu'il ne s'agit pas seulement pour le médecin de pratiquer un art de guérir, mais aussi un art de soigner.

Un membre répond qu'une lecture objective du texte de la proposition de loi fournit une réponse à ces questions.

Un précédent intervenant confirme qu'il ne saurait y avoir dans le chef du médecin aucune obligation à agir.

Une membre observe que l'on se trouve ici au coeur du problème. En effet, le texte modifie profondément la déontologie médicale, puisque le Code de déontologie médicale actuel prévoit explicitement, dans le chapitre « Vie finissante », que le médecin ne peut provoquer délibérément la mort d'un malade, ni l'aider à se suicider.

Certains médecins sont d'avis que les critères fixés par la proposition de loi et les amendements des six auteurs manquent de contours précis. L'intervenante renvoie à ce sujet au courrier que les médecins spécialistes viennent d'adresser aux commissions réunies. Ils demandent d'être beaucoup plus précis sur la description des pathologies visées, et sur la notion de situation sans issue.

Il n'est donc ni absurde ni provocateur de poser des questions sur la portée exacte du texte.

L'intervenante se réfère à la grande campagne de prévention du suicide menée dans la province de Liège, et qui montre l'ampleur du problème dans la société d'aujourd'hui.

En conclusion, elle trouve que le texte est extrêmement large lorsqu'il parle de situations médicales sans issue.

Un sénateur renvoie à l'article 3, § 3, 2º, où deux éléments sont clairement repris : d'une part, la requête du patient, d'autre part, le médecin qui doit s'assurer de la persistance de la souffrance ou de la détresse du patient.

L'autonomie du patient est donc une chose, mais il y a aussi le médecin, qui doit prendre ses responsabilités et apprécier la situation.

Quant au point de savoir s'il s'agit ou non d'un acte médical, l'intervention du médecin recouvre beaucoup plus que le seul « art de guérir ».

En l'occurrence, il s'agit d'aider le patient à la fin de sa vie.

Amendements nºs 68, 95 et 103

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 68), qui vise à compléter l'article 2 par ce qui suit :

« , compte tenu de la douleur intolérable et impossible à traiter dont souffre le patient et du caractère terminal de la situation médicalement sans issue dans laquelle il se trouve ».

Une membre précise que cet amendement vise à compléter la définition de la notion d'« euthanasie » ­ au cas où elle serait maintenue dans la loi ­ en mettant l'accent sur la douleur intolérable et impossible à traiter et sur la situation terminale, médicalement sans issue, dans laquelle le patient doit se trouver. La définition proposée est celle du Comité consultatif de bioéthique, qui ne la considérait cependant que comme une « définition de travail ».

En outre, les conditions énoncées à l'article 3 rendent la notion très extensible, au point qu'il ne s'agit plus de ce que l'opinion publique entend par « euthanasie ».

La situation doit s'évaluer à la lumière de la science médicale, ce qui signifie que la douleur doit être non seulement intolérable mais aussi impossible à traiter. Autrement dit : il ne peut vraiment plus y avoir aucune autre solution. En outre, le mot « terminal » est important. En effet, l'euthanasie concerne des personnes qui sont à l'article de la mort et non les autres.

L'intervenante souligne l'importance d'une définition inscrite dans une loi, car elle peut en restreindre ou en élargir le champ d'application.

M. Galand dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 95), en vue d'inscrire clairement dans la définition de l'euthanasie que celle-ci doit viser à soulager des souffrances inapaisables. L'on peut discuter de la formule précise à employer, mais il importe d'indiquer la finalité de l'acte dans la définition elle-même. C'est elle en effet qui doit permettre de faire la distinction entre l'euthanasie et l'assassinat. Si l'on n'ajoutait pas cette finalité à la définition, celle-ci serait vide de sens.

L'intervenant estime d'ailleurs qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable de définir l'euthanasie dans la loi, eu égard à ce qui est prescrit à l'article 3 de la proposition à l'examen, mais si on insère une définition, il faut indiquer clairement la finalité de l'acte. Le membre rappelle qu'une définition légale doit répondre à un double objectif : d'une part, cerner le contenu des notions utilisées et, d'autre part, leur donner une portée juridique qu'elles n'auraient pas eue sans cela.

L'intention du législateur n'est manifestement pas ici d'autoriser un tiers à poser n'importe quel acte euthanasique, même si c'est à la demande du patient. La finalité, qui est de soulager les souffrances inapaisables, est en l'occurrence d'une extrême importance. Elle doit apparaître dans la définition elle-même. La reprise pure et simple de la définition du Comité consultatif de bioéthique ne répond pas à ce souci.

Enfin, le membre rappelle cette parole d'un philosophe chinois qui, interrogé sur ce qu'il ferait de son pouvoir s'il était monarque absolu, répondit qu'il réhabiliterait le sens des mots.

Une membre déclare comprendre parfaitement l'idée qui sous-tend l'amendement nº 95, mais rappelle que l'on est en train de rédiger un texte juridique. La question est de savoir comment traduire la finalité dont parlait l'intervenant précédent dans un texte de loi, qui de surcroît a un caractère pénal. En droit pénal, il faut à la fois un élément matériel et un élément intentionnel. L'intention délictueuse constitue un élément indispensable dans la théorie classique du droit. On ne peut pas se permettre d'improviser à cet égard.

La membre est d'accord avec l'intervenant précédent quand celui-ci affirme que le médecin qui répond à la demande du patient en pratiquant une euthanasie, n'a pas l'intention de commettre une infraction. Actuellement, l'euthanasie est considérée comme un fait constitutif d'infraction, bien qu'elle ne figure pas en tant que telle dans le Code pénal. La loi proposée ne dispose pas davantage, au moyen d'une règle générale et explicite, dans le Code pénal ou ailleurs, que l'euthanasie est une infraction.

Les commissions réunies doivent décider d'urgence si elles optent pour une logique pénale ou pour une logique purement médicale. En effet, dans le premier cas, des mots tels qu'intention délicteuse, dol spécial, etc. ont une signification précise. Dans le second, on élabore simplement un code de déontologie médicale. Si les Ordres compétents avait fait bien leur travail et modernisé à temps leurs codes de déontologie internes, le Sénat ne serait pas confronté à la situation confuse où l'on se trouve actuellement.

Un autre membre ne partage pas le point de vue selon lequel la proposition nº 2-244 concernerait le droit pénal particulier. On n'incrimine en effet aucun acte et on ne prévoit pas davantage de sanctions. On fait une loi complétant le droit pénal, comme c'est le cas aussi, par exemple, de la loi sur la libération conditionnelle. La loi proposée crée une cause de justification pour le meurtre avec préméditation. L'intervenant concède que l'on a maintenant quitté la logique du droit médical pour entrer dans le domaine pénal.

L'intervenante précédente partage l'avis selon lequel il s'agit d'une loi particulière. Elle souhaite que la loi s'inscrive dans le cadre du droit médical, puisque telle est la bonne logique. En témoigne la proposition de loi qui a été déposée par le groupe politique de l'intervenante. Le signal qu'il faut donner est que l'on ne touche pas au droit pénal et que l'on ne permet pas purement et simplement une dérogation à celui-ci ­ une technique juridique qui a été utilisée par exemple quand s'est posé le problème de l'avortement. L'essentiel est de faire comprendre clairement que le médecin doit dispenser des soins et qu'il y a lieu d'encadrer juridiquement les décisions médicales à prendre en fin de vie.

L'amendement nº 14 de M. Mahoux dit cependant très clairement qu'il n'y a pas de délit lorsque certaines conditions sont remplies. Dans ce cas, il s'agit bel et bien d'un texte pénal qui sort de la logique du droit médical.

Une membre s'enquiert de l'avis des auteurs de la proposition de loi initiale et des amendements nºs 13 et suivants. La définition qui est donnée à l'article 2 doit-elle être interprétée dans l'optique du droit médical ou dans celle du droit pénal ?

La membre déduit des interventions des préopinants au sujet du rôle du médecin que la loi en question est effectivement une loi qui concerne le droit médical. Par le biais de l'amendement nº 95 et d'autres amendements, certains membres des commissions réunies souhaitent souligner qu'au cas où l'on inscrirait une définition à l'article 2, il y aurait lieu d'en préciser la portée exacte. Le débat révèle qu'il existe une grande confusion à ce sujet. Quel est l'avis des auteurs de la proposition de loi ?

Le président signale qu'il ne peut pas obliger une personne à prendre la parole si elle ne le souhaite pas.

La préopinante réplique qu'elle estime que, si le gouvernement doit prendre position et répondre aux questions des parlementaires, on peut aussi attendre de la part des auteurs d'une proposition de loi importante, d'une part, qu'ils disent clairement dans quelle logique ils s'inscrivent et, d'autre part, qu'ils répondent aux questions posées par les sénateurs.

Une membre répète qu'à son avis, la définition de l'euthanasie risque, si on remplace le mot « intentionnellement » par le mot « délibérément » et si l'on effectue l'ajout que comporte l'amendement nº 95, de couvrir des actes qu'on n'avait pas du tout envisagés, comme lorsque l'on arrête un traitement par l'administration accrue de médicaments ou que l'on renonce à entamer un nouveau traitement.

Un sénateur dit partager cette vision des choses. La proposition de loi à l'examen se situe dans la sphère du droit pénal. Voilà pourquoi il importe de disposer de bonnes définitions. En rendant la définition plus vague, ce qui est le cas quand on remplace l'adverbe « intentionnellement » par l'adverbe « délibérément » ou quand on fait des ajouts de toutes sortes, on contribue à favoriser l'acharnement thérapeutique. C'est très dangereux.

Un membre dit n'être pas du tout d'accord avec les préopinants. La mention de la finalité d'une définition rend celle-ci plus précise et non pas plus vague.

Une préopinante répète qu'il faut dire une fois pour toutes si l'on se situe ou non dans la sphère pénale. Se trouve-t-on, en l'espèce, devant une cause de justification pénale ­ au sens des articles 70 et suivants du Code pénal ­ ou plutôt devant une autorisation légale générale ? La réponse aura des conséquences très importantes pour les juges qui devront appliquer la loi.

Un membre affirme ne pas comprendre pourquoi l'on fait un procès d'intention aux auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1. La proposition de loi initiale était claire : on admettait une dérogation aux règles pénales définies dans le Code pénal même. Après réflexion et concertation, l'on a décidé d'inscrire cette dérogation dans une loi spéciale.

L'article 2 de cette loi donne une définition générale de l'euthanasie. Selon le droit pénal en vigueur, la décision de poursuivre ou non celui qui tue une personne dépend de la qualification que le parquet donne à son acte.

L'article 3, lui, dispose qu'il n'y a pas de délit lorsque l'euthanasie est pratiquée dans le respect des conditions qu'il définit. La différence entre la proposition de certains sénateurs de la majorité et celle de l'opposition reside dans le fait que la première ne fait pas référence à la notion d'état de nécessité, contrairement à celle des partis démocrates chrétiens qui y fait référence et qui définit les conditions dans lesquelles il y a état de nécessité, auquel cas le conportement du médecin continue à faire l'objet d'une appréciation par le parquet, alors que la proposition de loi nº 2-244 telle qu'elle sera modifiée par les amendements nºs 13 et suivants, exclut cette appréciation lorsque la procédure correcte a été suivie et lorsque les conditions ont été respectées. On crée ainsi une dérogation générale à l'interdiction de tuer et l'on évite ainsi toute ambiguïté en l'espèce. Il eût été préférable d'inscrire tout cela dans le Code pénal même, comme on l'a d'ailleurs fait en ce qui concerne d'autres délits. Cet élément n'est cependant pas fondamental.

L'intervenant souligne qu'au cas où les conditions définies à l'article 3 ne seraient pas réunies, comme celle dans laquelle l'euthanasie serait pratiquée par une infirmière, le parquet pourrait décider de poursuivre ou non l'auteur de l'acte à la lumière des faits concrets. À cet égard, la situation ne changerait pas. Les conditions qui devraient être remplies pour que l'on n'engage pas de poursuites sont d'ailleurs très restrictives.

L'auteur de l'amendement nº 95 souligne que cet amendement vise uniquement à préciser la définition de l'euthanasie dans la perspective de sa dépénalisation partielle.

Un membre rappelle qu'en principe, un médecin qui pose des actes médicaux ­ par exemple lorsqu'il effectue une opération ­ peut commetre un délit selon la doctrine traditionnelle. Toutefois, s'il a respecté la déontologie médicale et la réglementation relative à l'art de guérir, on considère qu'il n'a pas eu l'intention d'ôter la vie à quelqu'un et il ne sera dès lors pas poursuivi.

Une membre demande où l'on situe les actes médicaux qui, selon la définition donnée à l'article 2 de la proposition de loi, ne peuvent pas être considérés strictement comme des actes euthanasiques, mais qui présentent d'étroites analogies avec ceux-ci, et que d'aucuns qualifient d'« euthanasie passive », comme l'arrêt d'un traitement ou l'administration d'une dose de morphine. Ces actes relèvent-ils de la bonne pratique médicale comme elle est largement admise ? Tombent-ils dans le champ d'application de la proposition de loi à l'examen ? La réponse à cette question est importante pour la sécurité juridique du médecin.

Un autre membre fait référence au Code pénal suisse qui consacre un chapitre au « meurtre sur la demande de la victime ». L'on y confirme la règle générale suivant laquelle le meurtre est punissable, mais en prévoyant que les personnes qui ont tué un patient incurable en phase terminale dans le but de le délivrer d'une souffrance sans issue, ne sont pas poursuivies. L'on y confirme la règle générale suivant laquelle l'acte qui consiste à tuer autrui est un acte punissable, contrairement à ce que fait la proposition de loi nº 2-244/1.

La différence entre la proposition de loi à l'examen et la loi pénale suisse réside en outre dans le fait que l'on dispose ici qu'il n'y a pas délit lorsque certaines conditions sont remplies, tandis que le texte suisse se borne à indiquer que les pouvoirs publics s'abstiendront d'engager des poursuites. Il y a donc bel et bien délit dans ce cas, mais il ne donne pas lieu à des poursuites. Le texte de la proposition nº 2-244/1 ne va-t-il pas trop loin ?

Un autre membre réplique que ce qui se fait en Suisse n'a aucun rapport avec ce qui se fait ou non en Belgique en matière d'euthanasie. Le texte initial de la proposition de loi à l'examen visait à modifier le Code pénal. Pour des raisons psychologiques ­ qui sont parfaitement compréhensibles ­, on propose maintenant par les amendements nº 13 et suivants de déroger au droit pénal commun par une loi particulière. Le but recherché ­ non-poursuite du médecin qui pratique l'euthanasie dans des circonstances bien définies ­ se trouve ainsi réalisé.

À la remarque d'une intervenante précédente, le membre répond que sont seuls visés les cas d'euthanasie pratiqués dans le respect des critères de prudence prévus à l'article 3. Les autres actes médicaux ne sont donc pas concernés, ce qui signifie que l'on ne vise qu'un nombre très restreint d'actes médicaux. L'intervenant rappelle l'application de l'article 70 du Code pénal, qui prévoit pour les médecins une dérogation implicite au droit pénal commun.

L'auteur de l'amendement nº 95 fait remarquer que cet amendement s'inscrit parfaitement dans le raisonnement de l'intervenant précédent, explicitant même le point de vue de ce dernier.

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 103, sous-amendement à l'amendement nº 95) qui tend à insister aussi sur le caractère sans issue de la souffrance et complétant l'ajout proposé par les mots « et rebelles à tout traitement ».

Le débat que l'on a pour l'instant indique, on ne peut plus clairement, que l'on se situe dans la sphère du droit pénal. Que l'on inscrive la dépénalisation de l'euthanasie dans le Code pénal ou dans une loi particulière n'a, à cet égard, pas la moindre importance. On ne répond par conséquent non plus en aucune manière à la demande, formulée au cours des auditions, de ne pas dépénaliser l'euthanasie. Le point de vue des partis de la majorité est resté inchangé sur ce point.

Le problème est toutefois que l'article 2 donne une définition de l'euthanasie, tandis que l'article 3 définit les conditions dans lesquelles celle-ci n'est pas considérée comme un délit. La portée de l'article 2 est beaucoup plus large que celle de l'article 3. Il s'ensuit une grande confusion étymologique puisque l'on crée ainsi deux types d'euthanasie : aux termes de l'article 2, le fait qu'un patient soit tué par un tiers, à sa demande, est un acte d'euthanasie, alors que du point de vue du droit pénal, c'est considéré comme un homicide, pour lequel on pourra, le cas échéant, invoquer l'état de nécessité. Voilà pourquoi la thèse des deux cercles concentriques, l'article 3 étant inclus dans l'article 2 plus large, est incorrecte. Des cercles concentriques doivent se situer dans le même plan alors qu'en l'occurrence, en vertu de l'article 3, homicide et euthanasie ne sont pas mis sur le même plan.

Tout ceci est fort illogique et confus. Même les médias, dans leur compte rendu de l'étude parue dans la revue médicale The Lancet, n'ont cessé d'utiliser des notions erronées. Il y était question tantôt d'« euthanasie à la demande du patient » et tantôt d'« euthanasie sans demande du patient ». Tout ceci n'est pas innocent. Il est dès lors urgent de faire la clarté en cette matière.

L'intervenant reconnaît que si la définition donnée par le Comité consultatif de bioéthique peut certes servir de point de départ au débat, ledit Comité n'a jamais affirmé qu'elle pouvait s'appliquer à une infraction pénale. Le seul but de cette définition de travail était de baliser le terrain devant faire l'objet d'un avis scientifique à l'intention des Chambres législatives.

Sur le fond, le membre estime que les actes qui ressortissent effectivement à l'article 2 sans toutefois remplir les conditions prévues à l'article 3, nécessitent un autre traitement et ne peuvent pas être simplement qualifiés d'homicide. Selon lui, la définition donnée à l'article 2 est par conséquent tout à fait superflue, mais si elle devait malgré tout être maintenue, il faudrait l'affiner.

L'amendement nº 103 tend à préciser qu'il n'est plus possible de soigner l'affection dont souffre le patient au moyen d'un traitement médical normal. Si, toutefois, cette possibilité existe, il est inacceptable de placer l'euthanasie au même niveau que les méthodes médicales qui soignent le patient. On donnerait l'impression que l'on permet au médecin de mettre le patient devant le choix suivant : être soigné ou être tué. Le fait que le patient puisse faire l'objet de soins curatifs ou palliatifs serait dans ce cas dépourvu de pertinence pour juger si l'euthanasie est possible ou non. C'est ignorer la complexité de la situation.

Au demeurant, le membre attire l'attention sur le fait que les traductions néerlandaises de textes déposés en français ne sont pas toutes d'une égale précision.

Amendement nº 100

Mme de T' Serclaes dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 100), qui vise à préciser dans la définition de l'euthanasie que l'acte doit être exécuté par un médecin, alors qu'il n'est question, dans la définition proposée, que d'« un tiers ».

Amendements nºs 101 et 104

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nr. 101), qui vise à remplacer, dans la définition, le mot « intentionnellement » par le mot « sciemment ».

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 104, sous-amendement à l'amendement nº 101), dans lequel il propose de ne modifier que le texte français dans le sens de l'amendement nº 101 et de laisser le texte néerlandais inchangé.

Il y a lieu de conserver dans la définition la notion néerlandaise de « opzettelijk » ­ souvent traduite en français par « sciemment ». Le terme néerlandais « bewust » est beaucoup plus vague, de telle sorte que tout autre acte accompli envers le patient en fin de vie répondrait à la définition, ce qui n'est pas le but poursuivi.

L'auteur de l'amendement nº 101 dit soutenir le sous-amendement nº 104.

Un membre s'enquiert de la justification de l'amendement nº 101. S'agit-il ici de dol pénal général ou du dol spécial ? La réponse à cette question est importante pour la qualification pénale des actes en cause.

Un autre membre fait référence à l'article 383bis, § 2, du Code pénal, qui traite de la diffusion de cassettes vidéo à caractère pornographique et dans lequel le mot français « sciemment » a pour équivalent néerlandais le mot « wetens ».

Le membre dit ne pas bien comprendre la différence entre « intentionnellement » (« opzettelijk ») et « sciemment » (« wetens »). Ces deux notions n'ont en effet pas la même portée pénale. Il importe d'utiliser des notions claires.

Il lui est répondu que « sciemment » (« wetens ») signifie que l'on a conscience des actes que l'on accomplit, que l'on agit en connaissance de cause. L'on souligne que l'article 2 est indissociablement lié à l'article 3, qui définit les conditions à respecter pour qu'un acte euthanasique ne soit pas considéré comme un délit.

Un membre estime qu'il ne s'agit pas tant ici de la sémantique, mais plutôt de l'ambiguïté voulue de la définition. La question qu'il faut se poser est de savoir quelle est la portée juridique et pénale des mots « intentionnellement » (« opzettelijk »), « sciemment » (« wetens »), « consciemment » (« bewust ») ou « volontairement » (« vrijwillig »). Mettre le mot français « sciemment » sur le même plan que le mot néerlandais « opzettelijk » et donner à ce dernier le sens d'« en connaissance de cause » serait une innovation juridique. L'improvisation est de mauvais aloi en l'espèce.

Pour pouvoir utiliser le mot « intentionnellement » (« opzettelijk »), il doit s'agir d'une personne posant un acte dans le but direct de produire l'effet escompté. Il va de soi que cette personne accomplit aussi son acte « en connaissance de cause », mais cette dernière notion est beaucoup plus vaste. Cette expression n'exprime pas que l'acte est accompli dans le dessein direct de produire un effet déterminé.

Le membre donne l'exemple d'un mineur dont la responsabilité doit être appréciée. Pour être civilement responsables, les mineurs doivent en effet avoir atteint l'âge de discernement. Cela signifie qu'ils doivent pouvoir faire la différence entre le bien et le mal et accomplir des actes en connaissance de cause. C'est tout autre chose qu'affirmer que le mineur ne peut être rendu civilement responsable que s'il a agi intentionnellement. Un mineur qui joue avec le feu dans une grange remplie de paille sera jugé responsable ou irresponsable selon qu'il aura agi en connaissance de cause, c'est-à-dire qu'il savait ou non quels risques étaient liés à ses actes. C'est fort différent qu'affirmer que le mineur a mis intentionnellement le feu à la grange. Le mot « opzettelijk » qui, selon les amendements nºs 101 et 104, se traduit en français par le mot « sciemment », ne peut donc pas simplement être mis sur le même pied que l'expression « en connaissance de cause ».

L'intervenant se demande si, en utilisant les mots « en connaissance de cause », on ne jongle pas avec les notions dans le but d'étendre l'appellation « euthanasie » à une série de cas qui ne répondent pas à la définition de l'article 2 ­ comme par exemple l'arrêt d'un traitement qui n'a plus aucun sens. L'arrêt d'un traitement, qui est décidé en connaissance de cause par le médecin, peut conduire au décès du patient, mais cela n'est pas son objectif direct. Pareil acte n'est dès lors pas accompli « intentionnellement ». Mais en mettant ces notions sur le même pied, on les fait relever du champ d'application de l'euthanasie, tel qu'il est défini à l'article 2.

Le membre plaide dès lors pour le maintien du mot néerlandais « opzettelijk » comme traduction du terme français « intentionnellement ». Il relève en outre que l'on utilise parfois les mots néerlandais « wetens en willens » (sciemment et volontairement) qui désignent traditionnellement le dol spécial.

Un autre membre rappelle la mise en garde qui a été faite durant les auditions à l'encontre de la prémisse : « Il y a délit sauf lorsque ... » Les médecins sont confrontés quotidiennement à de cas qui se situent dans la zone d'ombre et qui devront nécessairement faire l'objet d'une évaluation par les tribunaux. Le risque d'insécurité juridique pour le médecin subsiste dès lors.

Un intervenant confirme que certains termes sont à utiliser avec prudence. L'« état de détresse » du point de vue médical diffère de la notion juridique d'« état de nécessité ». Alors que le dol pénal présuppose une mauvaise intention, le caractère intentionnel de l'acte médical peut avoir une connotation positive. L'intervenant se demande si le terme « intentionnellement », tel qu'il est utilisé à l'article 2, suppose par définition une mauvaise intention ou s'il peut également désigner quelque chose de positif.

Un membre répond qu'un acte médical s'accomplit par définition dans une bonne intention. L'amendement nº 95 entend d'ailleurs inscrire clairement dans la définition de l'euthanasie que celle-ci doit viser à soulager des souffrances inapaisables.

Reste à savoir si le fait pour un médecin de débrancher l'appareillage d'un patient qui est plongé dans le coma depuis déjà plusieurs mois, tombe également sous le coup de l'article 2. Il n'est en effet pas question ici d'une quelconque demande du patient. Ce médecin pourrait-il faire l'objet de poursuites sur cette base ?

Un membre réplique que la loi ne vise pas une telle situation. L'application du droit pénal aux personnes qui accomplissent pareils actes restera inchangée, que la présente proposition de loi acquière force de loi ou pas.

Un sénateur se rallie aux propos d'un intervenant précédent qui plaidait pour une bonne utilisation des notions.

Il semblerait que lorsqu'un médecin pratique un acte euthanasique mais que le patient ne décède pas, la littérature scientifique parle d'« échec ». C'est la meilleure preuve qu'en cas d'euthanasie, l'intention est de faire mourir le patient, sans qu'on y donne de connotation négative. La clarté s'impose sur ce point. Aussi l'intervenant prône-t-il le maintien du mot néerlandais « opzettelijk » (en français « intentionnellement »).

Un membre fait remarquer qu'à ses yeux, si l'on maintient le mot « opzettelijk-intentionnellement » sans toutefois définir la finalité de l'acte dans la définition même, comme tend à le faire l'amendement nº 95, l'on a affaire à un meurtre avec préméditation.

Votes

L'amendement nº 26 de Mme de T'Serclaes est rejeté par 17 voix contre 5 et 6 abstentions.

L'amendement nº 29 de M. Destexhe est rejeté par 17 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 43 de Mme van Kessel et M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 46 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 57 de M. Vandenberghe et consorts, qui remplace les amendements nºs 43 et 44, est retiré.

L'amendement nº 62 de Mme de T'Serclaes (amendement subsidaire à son amendement nº 26) est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 90 de M. Vandenberghe et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 62 de Mme de T' Serclaes) est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 91 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 92 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 97 de M. Vankrunkelsven est retiré.

Par conséquent, l'amendement nº 98 de M. Vandenberghe et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 97 de M. Vankrunkelsven) devient sans objet.

L'amendement nº 99 de M. Vandenberghe et consorts (amendement subsidiaire à l'amendement nº 92) est sans objet.

L'amendement nº 25 de M. Galand et Mme Nagy est retiré.

L'amendement nº 5 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 24 voix et 3 abstentions.

Une membre donne une explication de vote. Le thème de l'assistance au suicide a déjà été abordé dans la proposition de loi qui a été déposée initialement par son groupe politique. En principe, l'intervenante est donc favorable à l'amendement nº 5. Elle reconnaît toutefois qu'il n'est pas faisable politiquement d'édicter des règles en matière d'assistance au suicide et elle s'abstient par conséquent lors du vote sur ce point.

L'amendement nº 67 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 68 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 15 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 95 de M. Galand est rejeté par 23 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 103 de M.Vandenberghe et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 95 de M. Galand) est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 100 de Mme de T'Serclaes est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 101 de M. Mahoux et consorts est retiré.

L'amendement nº 104 de M. Vankrunkelsven (sous-amendement à l'amendement nº 101 de M. Mahoux et consorts) est retiré.

Consécutivement au retrait des amendements nºs 101 et 104, M. Galand redépose l'amendement nº 25 (doc. Sénat, nº 2-244/5).

L'amendement nº 25 de M. Galand et Mme Nagy est rejeté par 24 voix contre 4 et 1 abstention.

L'article 2 est adopté par 17 voix contre 12.

Chapitre Ibis (nouveau) ­ Article 2bis (nouveau)

Amendement nº 69

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 69) qui vise à insérer un chapitre Ierbis comprenant un article 2bis.

Le chapitre Ierbis proposé est libellé comme suit :

« Chapitre Ierbis. ­ Des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous.

Art. 2. ­ § 1. Tout un chacun a droit à des soins palliatifs.

§ 2. Pour l'application de la présente loi, on entend par « soins palliatifs » : l'ensemble des soins actifs apportés aux patients dont la maladie ne réagit plus à des thérapies curatives et pour qui la maîtrise de la douleur et d'autres symptômes, ainsi que l'assistance psychologique, morale, spirituelle et familiale revêtent une importance capitale.

§ 3. Le Roi prend, dans un délai d'un an prenant cours le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge, et au plus tard le 31 décembre 2001, les mesures nécessaires en vue de coordonner le développement d'un système de soins palliatifs à part entière, quel que soit le lieu où celui-ci est organisé. »

Une commissaire souligne que ce chapitre définit la notion de « soins palliatifs » et inscrit en outre dans la loi le droit à ceux-ci. L'intervenante estime que la portée sociale de pareilles dispositions ne peut être absente d'une législation relative à l'euthanasie et c'est la raison pour laquelle elle tient à les soumettre à nouveau aux commissions réunies.

Une membre note le parallélisme entre l'amendement nº 69 et un de ses amendements. Elle est persuadée que de bons soins palliatifs peuvent répondre à 99 % des demandes d'euthanasie et veut dès lors voir insérer dans la loi le chapitre Ierbis proposé.

Une autre commissaire considère que le texte proposé a suffisamment intégré la problématique des soins palliatifs dans celle de l'euthanasie. Elle juge qu'il n'est pas opportun d'inscrire dans une seule loi l'euthanasie et les soins palliatifs, étant donné que cela peut créer une confusion entre les deux termes, qui ne sont absolument pas synonymes, et que le champ d'application des soins palliatifs est beaucoup plus étendu. L'intervenante ajoute qu'il existe également une proposition de loi distincte relative aux soins palliatifs (doc. Sénat, nº 2-246).

Une membre renvoie aux développements de la proposition de loi, où l'on peut lire que le patient doit éprouver une souffrance ou une détresse constante et insupportable. Elle estime que dans un pourcentage important des cas, cette détresse peut être adoucie par des soins palliatifs. Il y a donc effectivement un lien entre l'euthanasie et les soins palliatifs, et il serait opportun d'également exprimer ce lien dans la loi.

Une des intervenantes précédentes souligne que dans la proposition, les dispositions proposées relatives aux soins palliatifs sont limitées. Elle considère que tout le monde est d'accord sur le droit aux soins palliatifs et que ceux-ci peuvent faire disparaître bon nombre de questions sur la fin de la vie. C'est la raison pour laquelle elle juge nécessaire de lancer un signal social important en inscrivant succinctement dans un texte relatif à l'approche de la mort la définition des soins palliatifs et le droit d'y recourir.

Une autre membre signale que l'on a déjà voté à plusieurs reprises sur des amendements qui avaient pour objet les dispositions susvisées. L'intervenante est convaincue qu'il est logique de préciser non seulement dans la loi distincte, mais aussi dans le texte en discussion, que tout patient a droit à des soins palliatifs et peut faire valoir certains droits liés à l'approche de la mort.

Elle ajoute que tous ces aspects font partie d'une problématique globale et que le mieux est de l'examiner dans son entier, comme l'illustre l'article de The Lancet.

Un membre explique qu'il est ressorti des auditions que les soins palliatifs font disparaître une partie des demandes d'euthanasie, mais qu'une certaine demande subsiste malgré tout. C'est précisément dans cette optique que l'on a inscrit dans la proposition de loi que le médecin doit informer le patient de l'existence des soins palliatifs. Le patient y a donc clairement droit, mais il ne faut assurément pas oublier que les dispositions proposées parlent à la fois de patients en phase terminale et de patients qui ne le sont pas. Certains patients en phase terminale peuvent estimer que ces soins palliatifs ne leur sont pas destinés et il faut leur laisser la liberté de choisir. Les soins palliatifs ne sont même pas directement applicables aux patients qui ne se trouvent pas en phase terminale, puisque le moment de leur mort est encore éloigné.

Une autre intervenante souligne également que les soins palliatifs réduisent sensiblement la demande d'euthanasie, mais elle ajoute qu'ils sont déjà mentionnés dans le texte actuel de la proposition. Elle aussi est favorable à une scission des deux textes. Il ne faut quand même pas inscrire non plus le droit à l'euthanasie dans une loi relative aux soins palliatifs. L'intervenante estime en outre que sinon, on éveillerait un sentiment de culpabilité chez les personnes qui demandent l'euthanasie.

Une commissaire trouve que la façon dont les patients doivent être informés des différentes possibilités existantes de soins palliatifs relève plutôt des droits des patients. Elle aussi estime que le droit à des soins palliatifs ne doit pas être inscrit dans une loi relative à l'euthanasie, et vice versa. Il faut mieux élaborer la proposition actuelle relative aux soins palliatifs, de manière à en préciser les objectifs.

La commissaire ajoute que les propositions concernant les soins palliatifs et l'euthanasie seront votées ensemble, si bien que les deux lois seront chaque fois citées d'une seule traite. Il n'est donc pas nécessaire d'alourdir les deux textes.

L'une des intervenantes précédentes réplique que les informations relatives aux soins palliatifs et le droit à ceux-ci sont deux choses différentes. En outre, inscrire dans cette loi le droit à des soins palliatifs impliquerait l'obligation, pour les autorités, de les développer au maximum. Socialement, cela constitue un signal très important.

Un commissaire estime que les deux propositions de loi distinctes attestent précisément qu'elles sont aussi importantes l'une que l'autre, sans que cela doive signifier que le législateur peut se prononcer sur la façon dont le patient doit terminer sa vie. Celui-ci est en effet au centre du processus.

Un autre membre croit que la nature des soins palliatifs indique déjà qu'il est préférable de ne pas toujours les rattacher à la problématique de l'euthanasie. Comme le point de départ est, lui aussi, différent, chaque problématique doit suivre sa propre voie.

Un autre membre encore signale qu'il existe un lien évident entre l'euthanasie et les soins palliatifs. Les points de départ, par contre, sont tout à fait différents, étant donné qu'il y a une grande différence entre soigner quelqu'un et lui donner activement la mort. Le refus d'inscrire les soins palliatifs dans la loi relative à l'euthanasie implique en outre que le législateur exclut la possibilité de soins lors de l'évaluation de la situation et montre le manque d'appréciation de la complexité des faits. Ce n'est pas parce qu'un patient refuse des soins qu'il a droit à l'euthanasie. S'il en était ainsi, ce raisonnement pourrait être appliqué dans de nombreux cas. Sur quelle raison le médecin doit-il se fonder pour accomplir l'acte non médical de l'euthanasie ? En fait, le médecin est étranger à cette question, car il peut soigner le patient. Pourquoi, alors, doit-il le tuer ?

L'une des préopinantes dit que les auditions ont démontré que l'application de l'euthanasie entraîne un très long processus entre le médecin et le patient. Il serait absolument faux de dire que pour le médecin, c'est une partie de plaisir ou qu'il traverse cela sans peine.

Une commissaire tient à rappeler que les soins palliatifs s'inscrivent assurément dans le cadre général des droits des patients à l'approche de la mort. Elle renvoie à cet égard à l'article paru récemment dans The Lancet, qui conclut notamment que la problématique de la fin de vie est interprétée différemment selon la culture et le pays et qu'elle doit faire l'objet d'un examen plus approfondi. C'est pourquoi l'intervenante exprime son souci de voir l'application d'une réglementation en matière d'euthanasie demeurer dans notre culture un élément exceptionnel et de voir réglementer la fin de vie des patients de manière telle que la majorité de ceux-ci ne demandent pas l'euthanasie.

Chapitre Ierter (nouveau) ­ article 2ter (nouveau)

Amendements nºs 94, 107 et 108

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 94), qui tend à insérer un chapitre Ierter comprenant un article 2ter relatif aux conditions de protection en cas de traitement analgésique et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical.

Le chapitre Ierter proposé est libellé comme suit :

« Chapitre Ierter. ­ Des conditions de protection en cas de traitement analgésique et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical

Art. 2ter. ­ La décision d'arrêter ou de s'abstenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique justifié du point de vue de l'état actuel du savoir médical et ayant pour effet d'abréger la vie, ne peut être prise qu'à la condition d'être conforme à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir :

1º que le patient a été informé de la décision envisagée et y a donné son assentiment;

2º qu'au moins un confrère médecin a été consulté dans le cas où le patient n'était pas en état d'exprimer sa volonté;

3º que la personne de confiance désignée par le patient même ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée et ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

L'article 76bis, alinéa 4, du Code civil est applicable. »

Les mêmes membres déposent également deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 107 ­ sous-amendement à l'amendement nº 94 ­ et l'amendement nº 108 ­ sous-amendement à l'amendement nº 107).

L'auteur principal part du principe que si l'on crée un cadre de prise de décision en vue de l'approche de la mort, il faut également avoir le courage de considérer le cadre global et de réglementer de surcroît les autres décisions relatives à la fin de vie. Ce cadre global, qui constituait un apport important du Comité consultatif de bioéthique, a complètement disparu dans la proposition en discussion.

Les résultats de l'enquête Deliens ­ qui font trop souvent l'objet d'un commentaire unilatéral ­ le prouvent également. L'étude démontre qu'un pourcentage élevé (environ 40 %) des décès sont précédés par une décision médicale. Cette constatation n'est pas nouvelle : elle figurait déjà dans le livre du parti de l'intervenant relatif à l'euthanasie. Il s'avère en outre qu'en Flandre, environ 4,3 % des personnes meurent après administration de substances létales, contre 2,9 % aux Pays-Bas. Qui plus est, il est précisé clairement que le nombre de personnes qui demandent elles-mêmes l'administration de substances létales est plus élevé en Flandre qu'aux Pays-Bas. On déduit alors de ces résultats que l'euthanasie doit être légalisée d'urgence, parce qu'il faut donner aux gens l'occasion de solliciter eux-mêmes l'administration de substances létales.

Mais ce que l'on ne dit pas, c'est que l'enquête comportait également une question relative à l'usage abusif de médicaments de nature à entraîner la mort, comme l'administration de surdoses de morphine ou d'analgésiques, et ce, sans que le patient en ait fait la demande.

Les résultats de cette étude illustrent que c'est plus souvent le cas aux Pays-Bas qu'en Flandre : 16 % contre 5,3 %. Malgré la législation sur l'euthanasie et la politique de tolérance à ce propos aux Pays-Bas, cela fait quand même une différence de 11 %.

Selon le membre, ces chiffres montrent clairement que si l'on règle un aspect de la fin de vie, il faut également régler les autres. Sinon, on ne fait que déplacer le problème. On contourne l'obligation de déclarer en empruntant une voie parallèle. Mais de cela on ne parle pas.

Tout ceci montre très clairement qu'il faut légiférer globalement, non seulement sur l'euthanasie, mais aussi sur les décisions médicales concernant la fin de vie et les droits du patient, comme le suggère également le Comité consultatif de bioéthique. Il y a en effet un lien évident entre les décisions en matière d'euthanasie et les autres décisions médicales. Le membre renvoie aux propositions et amendements qu'il a déposés en ce sens, mais constate que l'on n'a malheureusement pas eu de débat ouvert, en dépit des arguments et des statistiques. C'est contraire aux auditions libres qui ont été organisées et qui ont porté sur l'ensemble des aspects de la fin de vie imminente. Le membre estime que les amendements qui règlent le problème des droits des patients en fin de vie sont nécessaires pour disposer d'une bonne législation sur l'euthanasie.

Un membre réplique que les données de l'étude datent d'avant l'entrée en vigueur de la législation sur l'euthanasie et d'avant la création d'une commission d'évaluation aux Pays-Bas. En outre, il n'est pas scientifique d'isoler de l'ensemble la technique de la narcotique et de la comparer aux résultats recensés en Flandre. Ne rien dire au patient est bien plus grave que de ne pas signaler l'euthanasie.

L'intervenant reconnaît que d'autres décisions relatives à la fin de vie, comme l'administration de doses élevées d'analgésiques, doivent être rendues transparentes. Mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas continuer à travailler à la loi sur l'euthanasie.

Une autre membre est partiellement d'accord avec l'argumentation de l'intervenant précédent. Elle renvoie, à cet égard, à l'amendement nº 24 qui vise à insérer un article 1erquater, incorporant une série d'éléments qui ont été soulevés par l'intervenant précédant. Elle plaide, elle aussi, pour une approche plus globale du thème de la fin de vie, d'autant plus que l'étude de The Lancet montre que 88 % des décisions relatives à la fin de vie ne sont pas des euthanasies selon la définition de l'enquête, et que la grande majorité de ces décisions sont prises sans l'accord du patient.

La membre estime donc inacceptable que le Sénat vote une loi sur l'euthanasie sans régler également les droits des patients. En outre, elle souligne qu'il est important que le texte sur les droits des patients soit discuté prioritairement au Sénat, et non à la Chambre des représentants. La méthode de travail proposée par le gouvernement aura pour conséquence que l'on n'élaborera pas de législation sur les droits des patients au cours de la présente législature, ce qui serait très regrettable.

Un membre déclare que la définition de l'euthanasie figure à l'article 2. Il propose que l'on s'en tienne, à l'avenir, à cette définition, notamment pour les comparaisons scientifiques et la défense des points de vue.

Par ailleurs, le membre estime lui aussi qu'il faut entamer la discussion sur la question des droits des patients. En ce qui concerne les amendements qui visent à inscrire le droit aux soins palliatifs dans le texte en discussion, il répond que ces droits sont mentionnés à l'article 3. En outre, il répète que le but est d'organiser un vote simultané sur les propositions de loi nºs 2-244 et 2-246.

Un autre membre fait référence aux articles parus récemment dans la presse concernant les résultats de l'étude Deliëns. La presse populaire, surtout, insiste sur le fait que 40 % des gens décèdent non pas de mort naturelle, mais après qu'une décision médicale ait été prise concernant la fin de vie, ce qui crée une certaine inquiétude. On a l'impression d'être impuissant face au monde médical. Quand on parle de fin de vie digne, en tout cas, il importe de pouvoir offrir à la population un cadre rassurant. Les gens doivent avoir la certitude que rien ne sera décidé à leur insu concernant la fin de leur vie et qu'ils seront informés sur le traitement et les médicaments administrés. Il faut affirmer clairement que l'euthanasie n'est que le sommet de l'iceberg et que toute une série d'autres décisions sont prises. Il faut une grande transparence dans la culture médicale. L'amendement nº 94 a pour objectif de contribuer à cette transparence.

Un membre réplique qu'il n'est pas correct qu'un parti affirme être le porte-parole de l'« opinion publique » ou de ce que « les gens » pensent. Au contraire, l'opinion publique regroupe des points de vue divers. Il y a également des gens qui pensent que les travaux au Sénat avancent trop lentement et qui espèrent qu'il y aura rapidement une loi sur l'euthanasie.

En outre, certains devraient savoir ce qu'ils veulent. On ne peut pas affirmer à la fois que la loi aura un champ d'application trop large et que 95 % des cas ne seront pas couverts.

Enfin, le membre attire l'attention sur les conséquences des réformes de l'État successives, qui font que les compétences du Sénat ont été réduites et que le gouvernement dépose par conséquant la plupart de ses projets de loi à la Chambre des représentants. Ce sera également le cas du projet de loi sur les droits des patients. Au demeurant, l'on ne saurait reprocher à la ministre de la Santé publique d'associer les sénateurs aux travaux de la Chambre et d'organiser, comme cela s'est fait au Sénat en ce qui concerne l'euthanasie, des auditions pour pouvoir élaborer une meilleure législation.

Une autre membre approuve l'amendement nº 94, qui, en ce qui concerne l'accompagnement des patients en fin de vie, s'inspire de la même philosophie que les propositions et amendements qui ont été déposés par son groupe politique. Ceux-ci concernent le droit de tous à l'aide médicale, le renoncement à l'acharnement thérapeutique, l'obligation de soulager la douleur, etc. On n'oublie pas non plus la procédure en la matière, basée sur une prise de décision collégiale.

Il est exact que l'amendement nº 94 traite de la lutte contre la douleur, mais la membre souhaite aller plus loin et aborder également l'ensemble de la problématique de l'allégement de la douleur. La science médicale est en pleine évolution dans ce domaine. C'est pourquoi de nombreuses demandes d'euthanasie n'auront plus lieu d'être à l'avenir.

Selon une membre, quand on parle, en médecine, de décisions médicales concernant la fin de vie, il s'agit en fait des aspects suivants : l'arrêt d'un traitement et/ou l'augmentation de l'administration d'analgésiques, le fait de ne pas instaurer un traitement, l'euthanasie sans l'accord du patient, l'aide au suicide et, enfin, l'euthanasie à la demande du patient. Cette demande correspond à la définition de l'euthanasie donnée à l'article 2.

Les deux premiers aspects sont déjà réglés par les articles 97 et 98 du code de déontologie médicale. Il est dès lors superflu de les mentionner une fois de plus dans une loi concernant l'euthanasie; il peut suffire de renvoyer auxdits articles dans les développements. Tout le monde convient que le troisième aspect ­ l'acte visant à mettre fin à la vie du patient sans l'autorisation de celui-ci ­ est punissable et ne peut faire l'objet d'une discussion. Pour ce qui est du suicide assisté, des amendements visant à inclure également ce quatrième aspect dans la loi ont déjà été rejetés. La proposition de loi à l'examen a précisément pour objectif de régler le cinquième aspect, à savoir l'euthanasie. Afin d'éviter toute confusion en la matière, il semble préférable que la loi se limite également à cet aspect-là.

En ce qui concerne le projet de loi relatif aux droits du patient, la membre renvoie à l'intervention d'un préopinant, qui a attiré l'attention sur la répartition constitutionnelle des compétences entre la Chambre et le Sénat.

Un membre répond que ce n'est pas un projet de loi que la ministre de la Santé publique déposera à la Chambre des représentants, mais une note d'intention. Aussi la répartition constitutionnelle des compétences ne joue-t-elle pas sur ce plan.

La préopinante répète que la ministre de la Santé publique a exprimé le même souhait qu'elle, à savoir que les sénateurs soient associés aux travaux de la commission compétente de la Chambre. Les ministres sont d'ailleurs en permanence accusés de soumettre au Parlement des avant-projets de loi entièrement achevés auxquels plus rien ne peut être changé. Les parlementaires ont pour une fois l'occasion d'apporter une collaboration active.

Un membre fait remarquer que le Sénat n'est pas simplement un pouvoir subordonné, mais qu'il décide de manière autonome de ses travaux. Chaque sénateur dispose en outre d'un droit d'initiative. En ce qui concerne la question de l'euthanasie, la déclaration gouvernementale prévoit explicetement que le Parlement doit pouvoir prendre pleinement ses responsabilités en ce qui concerne les questions éthiques. Pourquoi faut-il dans ce cas attendre l'initiative du ministre ? Des propositions ont déjà été déposées qui peuvent faire l'objet d'une discussion.

Un autre membre répète qu'il souhaite que l'on inscrive déjà dans la loi sur l'euthanasie quelques droits minimaux dont bénéficient les patients et qui concernent la fin de la vie, ne fût-ce qu'à titre conservatoire, jusqu'à ce qu'une loi relative aux droits du patient soit votée. L'intervenant renvoie aux amendements qu'il a déposés dans ce sens.

En ce qui concerne l'amendement nº 94, l'intervenant se demande si l'alinéa 1er de l'article 2ter proposé ­ dans lequel il est fait référence à l'état actuel des connaissances médicales et aux droits du patient pour ce qui est des décisions d'arrêter un traitement médical ­ s'applique également à toutes les décisions médicales. Si l'on prévoit explicitement cette règle pour un aspect bien spécifique, l'on risque de donner l'impression qu'elle s'applique uniquement à cet aspect, et pas aux autres décisions médicales, ce qui ne peut certainement pas être le but.

Un autre membre renvoie à l'intervention d'un préopinant qui a souligné qu'il est plus grave de ne pas informer le patient que de ne pas informer les pouvoirs publics. Force est toutefois de constater que le patient est malheureusement trop peu souvent associé à la prise de décision médicale. L'amendement nº 94 vise à inscrire explicitement dans la loi que le patient a le droit d'être informé lorsque les décisions en question peuvent entraîner la mort. Il n'empêche qu'il vaudrait mieux garantir d'une manière générale ce droit ultérieurement ­ et de préférence le plus vite possible ­ par le biais d'une loi sur les droits du patient.

Un autre intervenant souligne qu'il existe déjà une importante jurisprudence concernant les droits du patient, par exemple concernant le droit au consentement éclairé, qui a été confirmée par la Cour de cassation. Il n'empêche qu'il est souhaitable que les droits du patient soient explicités et précisés dans un texte de loi.

La proposition de loi à l'examen n'aborde que la situation des personnes qui se trouvent dans la phase terminale de leur vie et ne crée un cadre que pour l'euthanasie et non pas pour les autres décisions médicales. L'on instaure, de cette façon, un moyen détourné permettant aux médecins de prendre des décisions médicales qui auront également la mort pour conséquence mais pour lesquelles il n'existera pas de devoir de notification. Aucun contrôle n'est possible quant à ces décisions, comme le montrent les chiffres relevés aux Pays-Bas. On souhaite, par la voie de l'amendement nº 94, combler cette lacune. Cela pourrait, le cas échéant, aider la famille à fournir la preuve qu'un certain nombre de critères de prudence n'ont pas été respectés.

L'intervenant fait d'ailleurs remarquer que l'on propose, en un autre endroit, d'insérer un article 76bis dans le Code civil, afin d'instaurer un contrôle sur la prise de décision en ce qui concerne les décisions médicales qui ne constituent pas des actes d'euthanasie au sens de l'article 2 de la proposition à l'examen, mais qui s'en rapprochent fortement.

Les précisions qui sont proposées ici n'ont bien entendu pas pour effet que les garanties envisagées ne s'appliqueraient qu'aux décisions médicales relatives à la fin de vie et non pas aux autres décisions.

Un membre répète qu'un amendement du genre de l'amendement nº 94 est nécessaire. Il est en effet ressorti des auditions que de plus en plus d'hôpitaux réglementent les décisions médicales relatives à la fin de vie. Il est regrettable que l'on ne profite pas de l'examen de l'actuelle proposition pour arrêter ces règles dans une loi.

L'auteur principal de l'amendement nº 107 explique la portée de celui-ci (sous-amendement à l'amendement nº 94). Il vise à régler la déclaration de volonté lors de la prise de décisions médicales relatives à la fin de vie autres que l'euthanasie.

Un des cosignataires attire l'attention sur l'objectif du troisième paragraphe de l'article 2ter proposé. Bon nombre de gens craignent l'acharnement thérapeutique. Dans de nombreux hôpitaux, l'on a « codifié » l'une et l'autre chose et l'on sait à l'avance que, dans des circonstances déterminées, il sera mis fin progressivement au traitement. Pareille « codification » n'existe cependant pas partout. Il est ressorti des auditions que le monde médical ne partage pas un point de vue unanime face à un cadre légal pour cette « codification ».

Certains médecins sont favorables à cette codification, d'autres pensent que c'est une tâche dont doivent se charger les médecins eux-mêmes. Le but du § 3 de l'article 2ter proposé est de donner pour mission à l'Ordre des médecins ­ ou, comme il est proposé au sous-amendement nº 108, à l'Académie royale de médecine ­ d'élaborer un code de déontologie uniforme relatif à l'acharnement thérapeutique.

Un autre membre confirme que des codes de déontologie de ce genre existent déjà dans certains hôpitaux et constituent un outil utilisable pour les médecins, mais il souligne qu'un aspect bien précis, à savoir la demande d'euthanasie, y fait à chaque fois défaut. Si l'on élabore une réglementation uniforme, il faut également aborder cet aspect-là.

Un membre rappelle que tout acte médical doit en principe déjà se faire avec la prudence nécessaire. Si l'on devait élaborer des critères de prudence particuliers, on les inclurait dans la loi en discussion relative à l'euthanasie, laquelle n'est toutefois pas la législation idéale pour ce genre de dispositions.

Tout acte médical est également assujetti à des directives. C'est le cas non seulement pour ce qui est de l'acharnement thérapeutique, mais aussi pour ce qui est des antibiotiques, etc. L'Ordre des médecins n'est pas bien placé pour élaborer pareilles directives générales et uniformes.

Un autre membre répond que, si l'on suit le raisonnement du préopinant, il s'applique à tous les actes. Tout un chacun est en effet tenu à un devoir de prudence pour tout acte humain, conformément aux articles 1382 et suivants du Code civil. L'ensemble du problème de la responsabilité médicale se fonde sur ces articles. Il est absurde d'affirmer que la mention explicite dans la législation du devoir de prudence viderait celui-ci de sa substance. Ce procédé a déjà été appliqué dans d'autres domaines, par exemple dans le cas de la sécurité alimentaire.

Le préopinant maintient son point de vue selon lequel les critères de prudence élaborés dans une loi relative à l'euthanasie ne peuvent s'appliquer qu'à celle-ci, et non pas aux autres décisions médicales à prendre lors de la fin de vie.

Votes

Chapitre Ibis (nouveau) ­ article 2bis (nouveau)

L'amendement nº 69 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

Chapitre Iter (nouveau) ­ article 2ter (nouveau)

L'amendement nº 94 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 107 de M. Vandenberghe et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 94) est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 108 de M. Vandenberghe et consorts (sous-amendement à l'amendement nº 107) est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

Intitulé du chapitre II

Amendements nºs 13 et 47

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 13), visant à modifier l'intitulé du chapitre II en « Conditions et procédure ». L'auteur principal de l'amendement renvoie à la justification de celui-ci.

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 47) visant à modifier l'intitulé du chapitre II en « Droits du patient en fin de vie ».

Votes

L'amendement nº 13 de M. Mahoux et consorts est adopté par 18 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 47 de Mme Nyssens et de M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 10.

Article 3

Amendement nº 14

M. Mahoux et consorts déposent l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/4), qui vise à remplacer l'article 3 par ce qui suit :

« Art. 3. ­ § 1er. Le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction s'il constate que :

­ le patient est majeur ou mineur émancipé, capable et conscient au moment de sa demande;

­ la demande est formulée de manière expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante;

­ le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance ou d'une détresse constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologie grave et incurable;

et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi.

§ 2. La requête du patient doit être actée par écrit, dressée en présence d'un témoin majeur, qui ne pourra avoir aucun lien de parenté avec le patient, datée et signée par le requérant et par le témoin. Le document écrit constate éventuellement que le patient n'est pas en état de signer et en énonce les raisons.

§ 3. Sans préjudice des conditions complémentaires que le médecin désirerait mettre à son intervention, il doit, préalablement et dans tous les cas :

1º informer complètement le patient de tous les aspects de son état de santé et de son espérance de vie, ainsi que des différentes possibilités thérapeutiques et de prise en charge palliative existantes et de leurs conséquences;

2º s'assurer de la persistance de la souffrance ou de la détresse du patient et de sa volonté réitérée. À cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient;

3º consulter un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l'affection, en précisant les raisons de la consultation. Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient et s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance ou de la détresse. Il rédige un rapport de ses constatations.

Le médecin consulté doit être indépendant à l'égard du patient ainsi qu'à l'égard du médecin traitant et être compétent quant à la pathologie concernée. Le médecin traitant informe le patient concernant les résultats de cette consultation;

4º s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir de la demande du patient avec les membres de celle-ci;

5º si telle est la volonté du patient, s'entretenir de sa requête avec les proches que celui-ci désigne;

6º s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa requête avec les personnes qu'il souhaitait rencontrer.

§ 4. Si le médecin est d'avis que le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance, il doit, en outre :

1º consulter un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée, en précisant les raisons de la consultation. Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance ou de la détresse et du caractère exprès, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchi, répété et persistant de la demande. Il rédige un rapport de ses constatations. Le médecin consulté doit être indépendant tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et que du premier médecin consulté. Le médecin traitant informe le patient concernant les résultats de cette consultation;

2º laisser s'écouler au moins un mois entre la demande initiale du patient et l'euthanasie.

§ 5. La requête écrite du patient, ainsi que l'ensemble des démarches du médecin traitant et leur résultat, y compris le(s) rapport(s) du (des) médecin(s) consulté(s), sont consignés régulièrement dans le dossier médical du patient. »

L'auteur principal déclare qu'on a constaté au cours des discussions et des auditions qui ont été organisées au sein des commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales du Sénat, que certaines conceptions des membres convergeaient et que d'autres divergeaient. C'est pourquoi l'amendement nº 14 propose de modifier l'article 3 sur quatre points.

Il a d'abord fallu poser la question de savoir si le Code pénal devait ou non être modifié. Une modification aurait présenté l'avantage de la clarté. Il existe néanmoins de bonnes raisons de ne pas le modifier. De nombreux membres des commissions réunies ont, pour des raisons plutôt symboliques, jugé inopportun de modifier le Code pénal. Cela n'a toutefois aucune conséquence concrète pour le médecin qui pratique l'euthanasie dans le respect des conditions définies. En effet, il ne commet aucune infraction et il ne sera dès lors pas poursuivi.

Une deuxième modification concerne la demande du patient et l'état de celui-ci. L'on propose de prévoir que le patient doit se trouver dans une situation médicale sans issue pour qu'il n'y ait pas d'infraction. En proposant d'ajouter cet élément et d'exiger que la situation résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, on vise à ce que les choses soient abordées d'une manière plus équilibrée.

Les auteurs ont concrétisé leur souci de donner au patient le plus de garanties possible en exigeant expressément que la demande du patient soit écrite et explicite. Il ne peut pas y avoir le moindre doute à propos du désir réel du patient. Le caractère écrit de la demande doit lever tout doute. Les auteurs ont également prévu une garantie pour le patient qui n'est plus en état de signer.

Troisièmement, on inscrit expressément dans la loi que le médecin est libre d'accéder ou non à la demande du patient, et ce, pour des raisons médicales ou en raison d'objections de conscience. La liberté déontologique et la liberté de conscience du médecin sont entièrement préservées, si bien qu'il peut informer le patient que des conditions doivent être remplies pour qu'il accède à une éventuelle demande d'euthanasie de sa part. En tout cas, le médecin a l'obligation de donner une réponse au patient qui demande l'euthanasie. Cette obligation, qui était implicite dans la proposition initiale, est explicitée dans l'amendement nº 14. Le médecin est donc tenu de donner une réponse à la demande du patient : soit il n'y accède pas et ce, pour des motifs médicaux ou en raison d'objections de conscience, soit il y accède, auquel cas il doit respecter les critères de prudence minimaux, soit il n'y accède que si certaines conditions sont remplies.

Quatrièmement, il faut que des conditions supplémentaires soient réunies pour que puisse être prise en considération la demande d'un patient que le médecin considère comme ne se trouvant manifestement pas à l'article de la mort. En effet, des exemples récents ont montré qu'il ne serait pas souhaitable de prévoir que l'euthanasie pratiquée sur des patients en phase terminale est la seule à ne pas être punissable, mais cela n'enlève rien à la nécessité de prévoir des garanties supplémentaires pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale. L'intervenant souligne par ailleurs qu'il n'est pas toujours aisé de distinguer les patients qui sont en phase terminale de ceux qui ne le sont pas.

Pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale, deux conditions supplémentaires ont été définies au § 4 de l'article 3. Il y a d'abord l'obligation de consulter un deuxième médecin, qui doit être psychiatre ou un spécialiste de l'affection dont souffre le patient. En outre, un délai d'au moins un mois doit s'écouler entre le moment où la demande initiale est formulée et celui où l'acte euthanasique est accompli.

En résumé, l'intervenant estime que l'amendement nº 14 tient compte des remarques fondamentales qui ont été faites au cours des débats. Le fait, notamment, que l'on ne touche pas au Code pénal et la possibilité de permettre également l'euthanasie pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale si des conditions supplémentaires sont respectées, en sont la conséquence. À ceux qui font remarquer que la proposition de loi relative à l'euthanasie telle qu'elle sera amendée par l'amendement nº 14 impose des conditions trop strictes et institue une procédure trop rigide, le membre répond que le patient en question a droit à une procédure correcte d'examen de sa demande. Celle-ci offre les garanties nécessaires à l'égard du médecin et ne modifiera pas le comportement de ce dernier, parce que de telles garanties figurent déjà dans le dossier médical.

Un commissaire déclare qu'à chaque demande d'euthanasie, le médecin sera confronté à un problème médical, un problème juridique et un problème éthique. Le problème médical est constitué par le caractère sans issue de la situation. Le problème moral est engendré par la souffrance du patient. Il ressort des contacts avec les fédérations professionnelles et des textes en provenance de ces dernières qu'elles craignent surtout les implications juridiques.

La présente proposition de loi décrit en détail tous les actes du médecin. Le médecin peut se voir imputer toute déclaration incomplète, toute erreur d'appréciation, toute lacune au niveau de la communication ou tout manquement, et son acte peut être qualifié de crime. La loi sur l'euthanasie ne doit pas être inutilement complexe et elle doit être humaine. Elle doit partir du principe que le médecin qui respecte les critères de prudence requis ne doit pas pouvoir être poursuivi pour ses actes. Le médecin doit pouvoir être appelé à se justifier sur son intention d'aider le patient. Si le fait pour un médecin de donner suite à la demande légitime de son patient l'expose à des poursuites pénales, il est compréhensible qu'il s'abstienne d'appliquer l'euthanasie ou qu'il le fasse sans le déclarer. C'est ce qu'il faut éviter.

Un autre membre demande comment les auteurs de la proposition de loi initiale nº 2-244/1 et de l'amendement nº 14 en sont venus à parler d'une « situation médicale sans issue » en combinaison avec les autres critères. Qui sera appelé à porter une appréciation sur ce point ? Les affections doivent-elles être évaluées par les médecins selon un consensus médico-scientifique ? On utilise ici des notions fort vastes. Les fédérations professionnelles de médecins demandent que la clarté soit faite sur ce point.

L'auteur principal de l'amendement nº 14 réplique que l'expression « situation médicale sans issue » est sans doute inacceptable pour certains, mais il estime que chacun sait bien ce que l'on veut dire par là. Les milieux médicaux ne sont en tout cas pas demandeurs d'une liste de maladies justifiant l'application de la loi. Cela serait en effet très surprenant. L'on ne pourra jamais atteindre un consensus médical sur pareille liste.

Le principe qui sous-tend la proposition de loi et l'amendement nº 14 est au contraire que c'est le patient qui décide si son état, la gravité de sa maladie et la douleur qu'il endure peuvent justifier une demande d'euthanasie. Ce ne sont ni le médecin, ni l'entourage de l'intéressé qui peuvent décider si la douleur est supportable ou non. Il n'en reste pas moins qu'il faut suivre une procédure déterminée et que les critères de prudence doivent être respectés.

Un intervenant précédent fait remarquer que les médecins demandent surtout une protection juridique pour les cas où, en âme et conscience, ils posent un acte visant à délivrer le patient de sa douleur et de sa souffrance.

Un membre considère que le texte de l'article 3, tel qu'il sera modifié par l'amendement nº 14 déposé par les chefs de groupe des partis de la majorité, soulève toute une série de questions. Celles-ci ont trait à la structure juridique, au champ d'application et à la portée des notions utilisées.

Dans tout pays civilisé s'applique l'adage : tu ne tueras point. Un acte visant à donner la mort ne pourra jamais être un acte médical. Le seul pays où cette règle ne s'applique plus entièrement est le Royaume des Pays-Bas. On ne peut qu'espérer que la Première Chambre du Parlement néerlandais ne confirmera pas le vote de la Deuxième Chambre et que la proposition adoptée ne deviendra jamais loi. L'interdiction de tuer son prochain doit aussi trouver son expression dans le Code pénal. La proposition nº 2-244 initiale prévoyait néanmoins l'insertion dans le Code pénal d'un article 417bis dépénalisant l'acte consistant à mettre fin à la vie d'une personne qui en a fait la demande.

Comme les auditions l'ont montré, il serait cependant très gênant de s'écarter de ce principe dans le Code pénal. Le régime proposé par l'amendement nº 14 prétend abandonner cette piste et ne pas porter atteinte à la règle fondamentale. La lecture de l'article 3, tel que proposé par l'amendement nº 14, nous apprend toutefois que même si le Code pénal n'est effectivement pas modifié, on propose une loi particulière prévoyant, d'une part, que l'euthanasie n'est plus punissable lorsque certaines conditions sont remplies et, d'autre part, que le contrôle du ministère public portant sur les actes provoquant mort d'homme ne peut plus être exercé. En conséquence, il s'agit à n'en point douter d'une légalisation ­ d'une dépénalisation ­ de l'euthanasie. Les critiques émanant de la société civile, qui ont été exprimées notamment lors des auditions, selon lesquelles il ne faut pas faire sortir l'euthanasie de la sphère du droit pénal, ne sont donc pas prises au sérieux. On donne l'impression que les opposants à la proposition nº 2-244/1 font preuve d'une attitude inhumaine puisqu'ils refusent d'offrir une solution aux malades qui endurent une souffrance insupportable. Il n'en est rien. La réalité est que l'on n'accorde aucune attention aux arguments juridiques sérieux qui s'opposent à une légalisation de l'euthanasie.

L'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) dispose que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi et que la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement. L'exception qui y est mentionnée ­ la peine capitale ­ a également été interdite depuis lors par le Septième Protocole additionnel. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui jouit à cet égard des mêmes pouvoirs que ceux d'une assemblée constituante, a déclaré expressément que l'article 2 de la CEDH ne peut être interprété en ce sens qu'une loi puisse autoriser l'euthanasie à la demande du patient.

Consécutivement à l'adoption de la loi sur l'euthanasie par la Deuxième Chambre du Parlement néerlandais, l'Assemblée parlementaire a rappelé une nouvelle fois la portée de l'article 2 de la CEDH. Cet argument juridique n'est contesté par personne. Au contraire, d'éminents juristes ont déclaré que le seul moyen juridique permettant de concilier l'article 2 de la CEDH et les circonstances qui pourraient légitimer une demande d'euthanasie consiste à avoir recours à la notion juridique de l'état de nécessité ou de la force majeure, selon l'ordre juridique dans lequel on se trouve.

Une législation conditionnelle de l'euthanasie est dès lors inadmissible à la lumière de la CEDH. Il y a en effet trois sortes de droits de l'homme. La première catégorie ne souffre aucune exception. L'article 2 de la CEDH ­ qui a pour objet la protection de la vie humaine ­ entre dans cette catégorie, qui est la catégorie principale. La valeur de la vie humaine est une valeur en soi, indépendante de son aspect qualitatif, et dont la définition ultime est intangible. La deuxième catégorie est celle des droits minimaux, c'est-à-dire une série de droits minimaux garantis qui peuvent cependant être modulés. L'interdiction de la privation de liberté en est un exemple. La troisième catégorie de droits de l'homme se compose des droits souffrant certaines exceptions, comme par exemple la protection de la vie privée, la liberté d'expression, etc.

Il ne faut pas oublier que l'article 2 de la CEDH est d'effet direct, si bien que les citoyens auxquels la CEDH est applicable peuvent s'en prévaloir directement. De surcroît, les citoyens ont le droit de contester les lois qui y seraient contraires et peuvent saisir jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.

Il est d'ailleurs à noter que les parlementaires peuvent se prévaloir devant cette Cour d'un intérêt lié à leur fonction s'ils souhaitent contester des lois qui seraient votées dans leur assemblée et dont ils estiment qu'elles violent la CEDH.

Le membre rappelle en outre la décision que l'Office européen des brevets de Munich a prise en mai 2000 : il a estimé que la demande de l'université du Michigan visant à faire breveter certains médicaments permettant l'euthanasie était contraire à l'article 2 de la CEDH.

Le raisonnement juridique consistant à dire que les droits inaliénables de l'homme consacrés par la CEDH impliquent essentiellement un droit à disposer de soi-même auquel on peut éventuellement renoncer et dont on peut décider de ne pas se prévaloir, est totalement inexact. La Cour européenne des droits de l'homme ne suivra jamais ce raisonnement. Pour illustrer son point de vue, l'intervenant cite l'exemple de l'esclavage, qui est explicitement interdit. Une convention par laquelle une personne renoncerait à bénéficier de l'interdiction de l'esclavage, interdiction consacrée par maints traités internationaux et lois fondamentales, afin d'être quand même considérée comme un esclave, ne pourrait jamais être tenue pour conforme à la CEDH et serait totalement inacceptable du point de vue juridique. Les droits inaliénables ont au contraire précisément pour caractéristique que l'on ne peut pas y renoncer et qu'ils ont notamment été créées pour protéger les individus contre eux-mêmes.

Par ailleurs, le fait que le patient renoncerait volontairement à son droit humain inaliénable ne servirait à rien pour juger de sa demande, car une telle renonciation ne confère en aucun cas à un tiers le droit de mettre fin à sa vie. À l'égard de ce tiers, en effet, l'article 2 de la CEDH reste applicable, qui dispose qu'il faut préserver la vie humaine. La position juridique d'un tiers ne peut jamais être influencée par l'attitude de la personne que l'on tue, même pas si celle-ci renonçait délibérément à son droit inaliénable, ce qui est impossible.

La différence fondamentale entre, d'une part, le recours à l'état de nécessité ou à la force majeure et, d'autre part, la légalisation conditionnelle de l'euthanasie est que dans le premier cas, l'euthanasie conserve son caractère d'infraction, mais que par suite de circonstances individuelles, il peut ne pas y avoir de faute ni, partant, de sanction. La règle générale reste toutefois intacte. Par contre, la légalisation sous conditions de l'euthanasie a pour effet que la règle pénale ­ tu ne tueras point ­ ne s'applique pas dans certains cas et que l'on ne pose plus dans tous les cas la préservation de la vie comme principe général.

La modification proposée par l'amendement nº 14, qui implique que l'on ne change pas le Code pénal mais que l'on inscrive la légalisation conditionnelle de l'euthanasie dans une loi particulière, n'est donc rien de plus qu'une façade juridique et n'a pas de portée réelle. Le principe juridique de la proposition nº 2-244 reste dès lors inchangé, de sorte que l'argument de la violation de l'article 2 de la CEDH reste valable. Ce sont les instances internationales compétentes ­ et non une majorité occasionnelle dans un pays donné ­ qui en décideront.

En lisant les commentaires relatifs à la proposition de loi qui a été adoptée aux Pays-Bas par la Deuxième Chambre, on constate que chacun considère l'adoption de cette proposition comme un pas historique, mais un pas de trop. Il ne fait aucun doute que l'on portera le même jugement vis-à-vis de la Belgique. Les Pays-Bas, en effet, ne sont pas toujours un pays-pilote.

Le membre a nettement l'impression qu'aux Pays-Bas, on s'attaque à ce qui a été édifié depuis la période pré-chrétienne et que l'on tend à s'engager dans une entreprise iconoclaste. La proposition relative à l'euthanasie n'est pas, en effet, un cas isolé : le mariage des homosexuels, la légalisation de la prostitution, l'acculturation de la toxicomanie, etc., sont à l'ordre du jour.

Les organisations et associations qui donnent du sens à la vie sont marginalisées et isolées par une certaine majorité. On ne tient désormais plus compte d'une minorité importante. La même évolution inquiétant risque aujourd'hui de se produire en Belgique, ce qui aurait des conséquences néfastes pour la cohésion de la société. On marginalise une minorité importante à tel point que l'on rend impossible tout compromis sur des questions éthiques importantes. Néanmoins, il faut constater dans le même temps que le ministre allemand de la Justice, un socio-démocrate, a fait savoir dans une déclaration officielle, qu'il était exclu, ne fût-ce que de mettre à l'ordre du jour, une légalisation de l'euthanasie selon l'exemple néerlandais, et plus encore d'en discuter ou de l'approuver. Présenter les choses comme s'il n'y avait, dans le monde entier, qu'un seul pays charitable et que les autres auraient tort, c'est prendre des libertés avec la vérité. Dès lors, le membre estime que la démarche juridique qui est mise en avant par la minorité politique de ce pays mérite une certaine attention.

Le deuxième obstacle fondamental au régime proposé par l'amendement nº 14 ­ qui rend le compromis très difficile, si pas impossible ­ est, selon l'intervenant, que l'on développe des critères matériels uniformes pour des situations qui sont en fait différentes : celle des patients en phase terminale et celle des patients en phase non terminale. La procédure est différente pour les deux catégories, mais les critères matériels de dépénalisation sont identiques. Peut-on sérieusement affirmer qu'être en phase terminale et en phase non terminale a la même signification ? Il n'est pas exclu qu'une maladie qui semble sans issue à un certain moment, devienne tout à fait curable quelques années plus tard.

Il n'est pas possible de mettre les deux situations sur le même pied, parce qu'il faut évaluer différemment l'importance de la vie humaine. Dans la deuxième situation, en effet, l'on peut espérer vivre pendant des années, alors que ce n'est pas le cas dans la première. Il faut donner un contenu différent à la procédure formelle, mais aussi aux critères matériels de dépénalisation.

Au demeurant, en quoi consiste exactement la différence entre un patient en phase terminale et en phase non terminale ? Dans la plupart des cas, un spécialiste peut estimer si quelqu'un se trouve à l'article de la mort, sans pouvoir pourtant estimer le nombre exact de jours qu'il lui reste à vivre. Il est toutefois particulièrement difficile ­ même pour des médecins ­ de juger si une personne se trouve ou non en phase terminale, alors que, selon l'amendement nº 14, il y a lieu d'appliquer une procédure différente selon le cas. Sur la base de quels critères décide-t-on en la matière ? La proposition des chefs de groupes politiques des partis de la majorité n'apporte aucune réponse à ce sujet.

Quand au fond, le membre estime que l'euthanasie n'est acceptable que si le médecin se trouve dans un état de nécessité, lequel ne peut pour ainsi dire se produire que si le patient est en phase terminale. Ce n'est que dans ce cas-là qu'un médecin doit faire face à deux devoirs contradictoires : préserver la vie humaine et empêcher qu'une personne n'aboutisse dans une situation contraire à la dignité humaine.

Dans le cas de patients qui ne sont pas en phase terminale, le médecin n'a en effet aucun rôle à jouer, étant donné que le fait de donner la mort à un patient dans cet état n'a rien à voir avec l'art de guérir. On a plutôt besoin en l'espèce d'un « officier de la mort ». Tel sera aussi l'avis du corps médical. La distinction purement procédurale entre patients en phase terminale et patients qui ne se trouvent pas en phase terminale porte par conséquent gravement préjudice à la qualité de la proposition de loi nº 2-244, même si l'on tient compte de l'amendement nº 14.

Par ailleurs, le membre attire l'attention sur l'importance d'une définition exacte de la portée des conditions matérielles, parce que c'est sur elle qu'il faut se baser pour faire en sorte que la loi pénale ne s'applique pas. C'est ainsi que dans l'amendement nº 14, on utilise notamment l'expression « mineur émancipé ». Une telle personne est toutefois, juridiquement parlant, une personne majeure, donc libre de prendre des décisions. Qu'entend-on alors par là ? Vise-t-on le cas où un mineur qui réclame l'euthanasie, à laquelle ses parents s'opposent, l'obtient à la suite d'une émancipation rapide ?

La charnière de l'amendement nº 14 se situe au troisième tiret de l'alinéa 1er du § 1er de l'article 3. Le texte français ne correspond toutefois pas au texte néerlandais. Contrairement au texte néerlandais, il est question, dans le texte français, d'un critère particulier, dissociant la situation médicale sans issue et la souffrance insupportable (« situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance ... »). Quel est le texte de référence, le néerlandais ou le français ?

L'intervenant se demande ce qu'il faut entendre par « situation médicale sans issue ». Cette notion dépend en effet beaucoup du moment de l'évaluation. Certaines affections qui, voici 20 ans, étaient responsables d'une situation totalement sans issue peuvent très bien être traitées aujourd'hui. Il s'agit par conséquent en l'espèce d'une notion subjective, qu'il est néanmoins possible d'objectiver un tant soit peu à la lumière de l'état d'avancement de la science médicale. Il convient certes de tenir compte à cet égard du fait qu'il est sans doute plus facile de qualifier certaines affections somatiques de « médicalement sans issues » que des affections psychiques. Ces dernières sont en effet très complexes; les cas sont plus difficiles les uns que les autres. Quoi qu'il en soit, il y est moins facile d'établir clairement, avec la rigueur qui s'impose, le caractère sans issue de la situation médicale.

L'utilisation du terme « détresse » au troisième tiret de l'alinéa 1er du § 1er de l'article 3, comme le propose l'amendement nº 14, permet un nombre certes très grand d'interprétations. Une personne « fatiguée de vivre » se trouve-t-elle dans une « situation médicale sans issue de détresse constante et insupportable » ? Si, à Haarlem, un juge a rendu un jugement allant dans ce sens, il n'en demeure pas moins que cette notion reste très subjective et trop imprécise. L'amendement nº 14 doit clarifier cette notion, d'autant plus qu'il y va de l'application de la loi pénale. Dans l'état actuel des choses, l'appréciation subjective de la douleur et de la souffrance est l'unique critère déterminant. Cela ne garantit pas beaucoup la sécurité juridique.

C'est d'autant plus le cas que l'on dit que la douleur ou la détresse « ne peut être apaisée ». Lorsque la situation est sans issue et la douleur insupportable, il convient de se demander si la maladie est susceptible de faire l'objet d'un traitement. Le but de la médecine est en effet précisément de soigner quand même les situations sans issue et la douleur insupportable. Quel traitement médical un médecin prendra-t-il en considération pour juger que la douleur est insupportable et la situation médicale sans issue ?

Selon la proposition de loi nº 2-244/1 et à la lumière de l'amendement nº 14, la possibilité de prodiguer des soins palliatifs au malade ne sera pas envisagée comme réponse à cette question. De cette manière, la dispensation de soins est mise sur un pied d'égalité avec la mort sur demande.

L'intervenant renvoie à l'arrêt Chabot de 1994 rendu par le Nederlandse Hoge Raad, qui est célèbre pour deux raisons. Premièrement, on y reconnaît que des situations psychiques peuvent être considérées comme suffisamment qualifiées pour pouvoir légitimer une demande d'euthanasie. Le Hoge Raad a aussi dit que, pour apprécier le caractère insupportable de la souffrance et pour vérifier la possibilité de traiter ou non la maladie, le refus du patient de subir certains traitements ne peut entraîner pour celui-ci la possibilité d'une demande justifiée d'euthanasie. Si par son comportement, on se place dans une situation de souffrance insupportable, en refusant les soins proposés, on ne crée pas les conditions dans lequelles on peut réclamer une euthanasie.

Le fait que tous les amendements visant à intégrer le droit aux soins palliatifs dans la loi sur l'euthanasie sont rejetés montre clairement que l'on veut suivre, en Belgique, une autre voie que celle empruntée par les Pays-Bas. Lorsqu'un patient souhaite ne pas suivre un traitement, il a le droit de le refuser, ce qui rend sa demande d'euthanasie justifiée en ce sens qu'il se considère comme étant dans une situation médicale sans issue et dans un état de souffrance insupportable. L'euthanasie devient alors une forme de soins alternatifs, ce qui est absolument inadmissible pour le groupe politique auquel le membre appartient. En effet, cette situation n'a plus rien à voir avec la médecine. On minimise par conséquent le rôle des soins palliatifs.

Une autre membre peut suivre en partie le raisonnement de l'intervenant précédent tout en estimant qu'un patient doit avoir le droit de refuser de suivre un traitement déterminé lorsqu'il juge que cela n'a plus aucun sens.

L'intervenant précédent confirme que le patient doit avoir ce droit, mais que celui-ci ne lui ouvre pas un droit à l'euthanasie. Même la jurisprudence néerlandaise suit cette logique dans l'arrêt Chabot novateur. Or, si chaque patient peut se placer dans les conditions où la demande d'euthanasie n'est plus considérée comme une infraction, ces conditions deviennent tout à fait superflues et dénuées de sens. Elles restent donc au stade de belles paroles, mais ne trouveront jamais leur application sur le terrain. Les soins ne sont plus une solution de rechange à l'euthanasie. C'est là une critique fondamentale. Le fait de soigner un patient ne doit jamais être mis sur pied d'égalité avec le fait de mettre fin à ses jours.

Une autre membre souhaite rappeler les raisons pour lesquelles son groupe a une vision tout à fait différente de celle qui inspire l'article 2, ainsi que l'amendement nº 14, et voudrait formuler des critiques plus spécifiques sur le plan juridique, éthique et politique.

Chacun s'est accordé, dans la discussion générale, avec l'idée que l'interdit de tuer ­ consacré par le Code pénal ­ est un principe fondamental de notre société.

Le texte présenté constitue, en fait et en droit, une dérogation fondamentale à ce principe.

C'est pourquoi le groupe de l'intervenante ne peut marquer son accord sur la figure juridique utilisée.

Il est vrai que l'amendement nº 14 prévoit plus de critères de précaution que le texte original, mais le principe même de la proposition lui paraît devoir être écarté.

Sa philosophie générale touche au principe de l'interdit de tuer, et l'on ne se trouve plus tout à fait dans l'art de soigner, en particulier pour ce qui est du suicide assisté.

On sait que, dans la plupart des cas, la souffrance peut être atténuée et la détresse soignée.

Dans le texte présenté, l'articulation entre la notion de souffrance, celle de détresse, et le lien avec Code pénal paraissent inacceptables à l'intervenante et à son groupe.

On ne peut avoir un texte qui, d'emblée, prévoit qu'« il n'y a pas d'infraction » dans une série de conditions et procédures qu'il énumère.

L'actualité nourrit la réflexion à ce sujet, puisque la deuxième Chambre hollandaise vient de voter un texte en la matière.

L'intervenante se dit très étonnée et très interpellée par le fait que ce texte ne part pas de l'idée qu'« il n'y a pas infraction », mais dit dans quelles conditions un médecin n'est pas punissable, ce qui est tout autre chose sur le plan de la philosophie.

Cela rejoint les propositions de loi déposées par le groupe de l'intervenante et par d'autres commissaires.

Tous cherchent à définir des causes de justification ou d'excuses, sans déroger à un principe général.

La grande différence est que l'acte de tuer reste, dans cette optique, un acte qui n'est pas permis et qui, du point de vue éthique et juridique, doit rester une transgression.

Si, dans des cas exceptionnels, ce principe est transgressé, il faut trouver une figure juridique qui traduise cette idée de transgression éthique et juridique.

Le texte des six auteurs ne se situe absolument pas dans l'optique d'une cause de justification, que ce soit l'état de nécessité ou la contrainte morale, qui supprime l'intention frauduleuse et justifie l'acte posé par le médecin dans certaines conditions.

On se trouve vraiment dans une dérogation au principe de l'interdiction de tuer.

Cela suscite des questions par rapport, non seulement aux principes généraux du Code pénal, mais aussi aux textes internationaux. Ainsi, lors des auditions, les juristes ont évoqué l'article 2 de la CEDH.

Il n'est pas sûr que, compte tenu de ces textes internationaux, on puisse prévoir une dérogation aussi générale, par une loi qui n'est plus de l'ordre de l'exception.

On se trouve en fait dans le cadre d'une autorisation générale de la loi qui enfreint un principe fondamental.

La figure juridique adoptée, et la philosophie qui sous-tend ce choix sont, pour l'intervenante et son groupe, inacceptables.

En outre, indépendamment de toute discussion juridique et éthique, l'intervenante ne comprend pas que le principe de précaution ­ qui pourrait être un principe constitutionnel ­ ne soit pas davantage invoqué, alors qu'il l'est dans la plupart des autres discussions de fond que mène le législateur.

Le texte proposé est très large, et ne prend pas en compte les risques liés à son impact culturel sur la population, et notamment sur les personnes plus âgées, mais aussi sur les générations futures.

La charge juridique, émotionnelle et éthique de tels textes est énorme, et l'on ne sait pas, à l'heure actuelle, quel impact ils auront.

Le fait que l'on légifère sans prévoir de période transitoire paraît aussi très audacieux.

En ce qui concerne les conditions et procédures prévues par le texte, et le champ d'application de celui-ci, l'intervenante constate que le texte vise en fait deux hypothèses : la phase terminale et le suicide assisté.

Elle est de plus en plus convaincue que l'on mêle deux choses tout à fait différentes.

Elle en veut pour preuve que la distinction entre un suicide médicalement assisté et une euthanasie active directe pose problème, si l'on considère trois situations, l'une où le médecin place le médicament létal sur la table de nuit du patient, l'autre où il le place dans sa main, et la troisième où il le place dans sa bouche. Dans tous ces cas, il y euthanasie, car le médecin a participé activement à un acte causant directement la mort, même dans l'hypothèse du suicide, où le médicament est à portée de main du patient.

Dans la littérature médicale belge et étrangère, il semble évident que la distinction entre le suicide assisté et l'euthanasie volontaire est souvent confuse.

Selon certains auteurs, l'euthanasie volontaire serait une forme de suicide impliquant l'assistance d'autres personnes.

La distinction existe cependant. Elle réside essentiellement dans la personne qui va poser l'acte ultime, et la législation hollandaise reprend cette distinction, mais elle n'utilise plus le terme d'euthanasie. Cela mérite réflexion.

On a longtemps discuté sur la définition, et un article a été voté, qui prévoit que l'euthanasie consiste à mettre fin intentionnellement à la vie de quelqu'un à la demande de celui-ci.

L'intervenante s'interroge de plus en plus sur la distinction entre phase terminale et phase non terminale.

L'article 2 de la proposition à l'examen utilise le terme euthanasie, et renvoie à la définition retenue par le Comité consultatif de bioéthique.

Or, celui-ci ne visait pas le suicide assisté, et a limité le champ d'application de ses travaux à la phase terminale.

L'intervenante demande dès lors quel type d'actes est, en définitive, visé par l'article 3 de la proposition. Si la réponse est que le suicide assisté n'est pas visé, pourquoi en est-il ainsi, et comment les auteurs situent-ils alors le suicide assisté par rapport à l'euthanasie ? Est-il moins ou plus légitime ? Le considèrent-ils comme permis ? Quid si un patient incapable, pour des raisons physiologiques ou psychologiques, de se suicider, demande le suicide assisté ?

Le suicide assisté et l'euthanasie devraient-ils être limités aux patients en phase terminale ?

On sent bien que certains voudraient se limiter à cette dernière phase. La proposition déposée par le groupe de l'intervenante concerne uniquement cette phase.

D'autres voudraient aller plus loin.

Si l'autonomie ou l'autodétermination est la base d'un droit à requérir le suicide assisté ou l'euthanasie, et si l'on va au bout de cette logique, pourquoi se limiter aux patients terminaux ?

Pourquoi, à première vue, exclure les patients non terminaux, qui endurent des souffrances parfois tout aussi insupportables, où même plus insupportables, pour une période plus longue de leur vie, puisque leur mort n'est pas imminente ?

Il n'est pas, dans ce cas, plus conséquent de faire une distinction entre les patients qui sont en phase terminale, et ceux qui sont sérieusement malades, ou les personnes handicapées.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la vie peut paraître intolérable à une personne. Si l'autonomie est le critère majeur, pourquoi la souffrance de la personne devrait-elle pouvoir être contrôlée de manière objective ?

Y aurait-il un désir raisonnable de se suicider d'un côté, un désir plus irrationnel de mettre fin à sa vie de l'autre, et une méthode objective pour faire la distinction entre les deux ?

L'évaluation de sa situation par la personne elle-même ne suffirait-elle pas ?

Le critère n'est-il pas la demande autonome du patient ?

Les auteurs de la proposition l'ont compris puisqu'ils veulent offrir le bénéfice de l'euthanasie le plus largement possible, dès lors, a dit un membre lors de la discussion générale, que la situation du patient lui paraît intolérable, qu'elle n'a plus de signification pour lui.

Le critère décisif, dans la proposition à l'examen, est donc celui de l'autonomie du patient, considérée d'un point de vue subjectif.

Il n'est donc a priori pas légitime, selon les six auteurs, de faire une distinction entre les patients en phase terminale et ceux qui ne le sont pas, pas plus qu'il ne peut y avoir de différence entre les patients qui souffrent de douleurs intolérables et les autres, dont les souffrances peuvent être contrôlées. L'avis du patient selon lequel sa souffrance est inapaisable devrait suffire. Qui peut, en effet, mieux dire si la souffrance est insupportable, que le patient lui-même ?

Ainsi, aux États-Unis, les propositions de légalisation de l'aide au suicide médicalisé ­ qui ont été rejetées dans plusieurs pays ­ exigeaient seulement qu'un patient capable soit atteint d'une maladie terminale, et exprime une requête persistante pour recevoir cette aide.

Ce patient ne doit pas souffrir d'une maladie terminale douloureuse, ou s'il en souffre, il peut recevoir des analgésiques qui, même de l'avis du patient, soulagent adéquatement la souffrance physique.

Ce qui est clair, c'est que la peur de la souffrance ou de la douleur incontrôlable est un argument important, mais n'est pas l'argument central qui justifierait une légalisation de l'aide au suicide ou de l'euthanasie.

L'intervenante se dit très frappée que, dans le projet de loi hollandais, après avoir respecté les critères de minutie, ce n'est que s'il n'y pas de solution possible pour apaiser les douleurs, alors que l'on a tout fait pour y arriver, que le médecin peut envisager de mettre fin délibérément à la vie du patient.

Donc, selon ce projet de loi, il faut, en amont de la pratique de l'euthanasie, avoir tout fait pour soulager les souffrances du patient.

Tel n'est pas le cas dans la proposition et dans les amendements des six auteurs.

Or, l'euthanasie ne peut être, aux yeux de l'intervenante, qu'un acte exceptionnel qui transgresse un principe fondamental.

Dès lors, ne pas prévoir de manière expresse qu'elle ne peut avoir lieu que lorsqu'il n'y a plus d'autre solution acceptable est un peu léger.

Bien sûr, la perception subjective que le patient a de sa souffrance est un élément très important.

Cependant, les auditions ont montré aussi que l'on fait d'énormes progrès dans le soulagement de la douleur, partout dans le monde. Des cliniques de la douleur sont créées.

On ne peut pas ne pas tenir compte de manière objective, dans la future législation, de l'évolution en cette matière.

Mais en réalité, ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Les six auteurs souhaitent une législation pour les cas qui restent exceptionnels, et où l'intéressé juge, de façon subjective, qu'il ne veut pas ou plus de sa situation.

Il faudrait donc une législation générale pour des cas exceptionnels, qui sont en fait de nature plutôt philosophique. C'est du droit de choisir sa mort dont il s'agit, et non de la présence ou de l'absence de la douleur.

Dans la proposition à l'examen, plus encore que dans la loi hollandaise, cet aspect philosophique est très présent. La preuve en est que l'euthanasie n'est pas vue comme le remède ultime. Il n'est pas posé comme condition préalable à la pratique de l'euthanasie que le médecin ne doit pas disposer d'autres moyens pour apaiser la douleur ou la détresse.

C'est donc essentiellement le patient qui détermine, non seulement si sa peine est insupportable, mais aussi si elle est apaisable.

L'accompagnement du patient apporte cet élément objectif indispensable pour apprécier la situation du patient.

Il est indispensable que le médecin possède une compétence particulière en soins palliatifs et en accompagnement du patient, car cet accompagnement, tant médical que psychologique, est primordial pour supporter la souffrance.

La loi hollandaise, il faut le rappeler, pose comme condition que le médecin doit s'être forgé la conviction avec le patient que, pour la situation dans laquelle il se trouve, il n'y a pas d'autre solution raisonnable (« ... geen andere redelijke oplossing »).

Dans la proposition à l'examen, il n'y a, en définitive, pas de critère objectif réel, et l'avis du patient prime, d'une certaine façon, sur le jugement du médecin.

Le seul critère réellement objectif qui semble subsister est celui de la maladie grave et incurable, mais en quoi ce critère est-il vraiment objectif ?

Il y a lieu d'examiner brièvement les critères développés dans la proposition de loi.

Le patient doit se trouver dans une situation médicale sans issue, et faire état d'une souffrance ou d'une détresse constante et insupportable, qui ne peut être apaisée, et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.

La souffrance est une donnée connue, selon le texte. On sait aussi que l'on peut souffrir sans éprouver de douleur, ou avoir des douleurs sans souffrir.

La douleur peut, à l'heure actuelle, être contrôlée dans la plupart des cas.

La souffrance n'a pas de corrélation objective avec la situation médicale d'un patient.

En particulier, un patient peut souffrir, sans que cette souffrance soit entièrement ou même essentiellement le résultat d'une douleur physique.

La souffrance, si elle constitue un élément très important, n'est donc pas une donnée facilement objectivable en termes médicaux.

L'intervenante renvoie à nouveau au courrier adressé aux commissaires par l'association des médecins spécialistes. Les critères proposés méritent d'être examinés à la lumière des observations de ces médecins.

Quant à la détresse, il s'agit, par définition, d'une notion subjective et floue, puisqu'elle se réfère au vécu personnel de chacun, et non médicalement objectivable.

En ce qui concerne le critère de « situation médicale sans issue », il vise apparemment tant la situation psychique que la situation somatique.

Le projet de loi hollandais a le mérite de la clarté. Il ne s'agit pas d'une situation sans issue d'un point de vue médical, mais il est plus juste de dire qu'il s'agit d'une souffrance sans issue et insupportable pour le patient.

L'intervenante s'interroge dès lors sur la conjonction des termes « médicale » et « sans issue » dans le texte à l'examen.

Quant aux termes « affection accidentelle ou pathologique grave et incurable », ils peuvent renvoyer à une diversité, voire à une infinité de situations, même si, comme le disait un précédent orateur, on ne peut établir maintenant une liste d'affections qui pourraient servir de base à la réflexion des médecins.

En ce qui concerne les affections psychologiques et psychiatriques, l'intervenante exprime des réticences par rapport au texte en discussion, dont le champ d'application lui paraît extrêmement large, à une époque où l'on parle tant de dépendance.

Comment circonscrire le champ d'application de la loi ? Le facteur-clé semble être ici la présence ou l'absence d'une situation médicale objective qui ne peut s'améliorer. La qualité de la vie de la personne s'en trouve profondément affectée, au point qu'elle en souffre de manière constante et intolérable; cela peut être aussi bien la perte de la vue qu'une paralysie complète du corps ou une tendance dépressive chronique. La décision doit être prise par le patient de manière autonome et réfléchie.

Il semble donc que les seuls cas où l'euthanasie ne sera pas admise sont ceux où la personne souffre de manière tout aussi constante, intolérable et inapaisable pour des motifs autres que médicaux.

Cependant, si l'on se trouve dans la problématique du suicide assisté, cette frontière est-elle rationnelle ?

Il a été dit à plusieurs reprises que le suicide, et l'assistance au suicide, n'étaient pas pénalement punissables, mais on met dans la proposition de loi les motifs pour lesquels un suicide assisté pourrait être demandé, et l'on médicalise cette matière.

En définitive, la frontière entre l'euthanasie et le suicide assisté, et surtout entre l'acte médical et l'acte non médical, devient extrêmement difficile à cerner.

C'est sur ce point que les professions médicales réfléchissent et réagissent actuellement.

Jusqu'à présent, le médecin était là pour guérir, soigner et accompagner le patient, de façon générale, et notamment en phase terminale.

Par une proposition de loi aussi large, ne touche-t-on pas fondamentalement à une profession organisée, qui jouit de la confiance du public ?

En effet, le médecin est un tiers à qui l'État a confié des missions de service public.

Ne demande-t-on pas au médecin de s'occuper de matières qui ne relèvent pas de sa profession ?

Il semble donc bien que la frontière entre la souffrance ou la détresse résultant d'une condition médicale objective et les autres types de détresse qui ne seraient pas qualifiées de médicales devient de plus en plus illusoire.

Des études réputées de psychiatres (gériatriques en particulier), qui travaillent quotidiennement sur les cas de personnes à tendance suicidaire, et de psychologues spécialisés dans l'analyse des comportements suicidaires, indiquent qu'un suicide se produit rarement en l'absence d'un désordre psychiatrique majeur, et que cela est vrai aussi pour les personnes âgées.

Par ailleurs, les experts sous-estiment toujours l'incapacité des personnes dépressives à reconnaître la sévérité de leurs symptômes, et l'incapacité des médecins à détecter des dépressions majeures, singulièrement chez les patients âgés.

Les personnes suicidaires succombent à ce qu'elles expérimentent comme une pression toute puissante et persistante dans leur environnement, qui les pousse à cesser de vivre.

Ce sentiment de pression peut s'exprimer de différentes façons : peur, isolement, inutilité, ...

L'intervenante souligne que les parlementaires continuent à recevoir un abondant courrier sur la problématique de l'euthanasie.

Le président de la société nationale de gérontologie et de gériatrie de Belgique et toute son équipe ont ainsi exprimé d'énormes craintes au sujet du champ d'application du texte.

Les amendements contiennent certes plus de critères de minutie que le texte initial, mais on sous-estime quand même l'impact d'une telle législation sur les personnes âgées.

On voit d'emblée qu'une législation qui dépénalise et autorise une pratique de façon aussi générale, avec un champ d'application aussi extensif, sur base de l'autonomie du patient, en présentant les soins palliatifs et l'accompagnement du malade comme une option, et non comme un préalable, heurte profondément un sentiment d'humanité.

Un précédent intervenant a développé des arguments tirés du droit international et du droit comparé, et qui sont assez éclairants.

L'intervenante reste pour sa part très perplexe quant au travail législatif actuellement réalisé en Belgique, quand on voit la situation des quelques pays qui, mise à part la toute nouvelle loi hollandaise, ont fait le même exercice.

En Australie, la Cour constitutionnelle a cassé la législation. Aux États-Unis, la Californie a légiféré, non sur la phase terminale, mais sur le suicide assisté.

Cette législation, qui va fort loin, fait actuellement l'objet d'un recours fondé sur des arguments d'inconstitutionnalité, devant les autorités qui ont pouvoir de se prononcer sur ce point.

Pour la Californie, il est donc inconcevable de demander à un médecin de poser un acte aussi grave. Par contre, le suicide y est apparemment plus acceptable, parce qu'il ne met pas en cause une profession qui est là pour guérir et soigner.

Les débats en Belgique sont très avancés, mais ils peuvent utilement s'enrichir de la réflexion menée dans d'autres pays.

Il faut prendre le temps de réfléchir pour voir si l'on ne fait pas fausse route, car il n'est pas anodin que des cours constitutionnelles étrangères s'interrogent sur l'opportunité d'une législation, non par simple amour du droit, mais parce que celui-ci n'est qu'un instrument pour exprimer des choix de valeurs dans une société.

L'intervenante déclare qu'à titre personnel, si le texte à l'examen était voté dans son état actuel, elle serait très attentive aux réactions dans les autres pays, à la manière dont notre législation y serait reçue, et en particulier à la réaction du corps médical international, où le texte belge, tout comme le texte hollandais, semble susciter bon nombre d'interrogations.

D'après les contacts que l'intervenante a pu avoir avec des médecins étrangers, la pratique hollandaise semble rester une pratique très spécifique par rapport à une cohérence européenne et internationale.

Elle conclut que, si la distinction entre phase terminale et phase non terminale peut paraître malaisée, la notion de phase terminale et de patient en fin de vie n'est cependant pas impossible à cerner.

On peut le faire en faisant appel à des notions telles que le pronostic de décès à brève échéance, ou la situation débouchant inévitablement et rapidement sur la mort.

La position du groupe de l'intervenante est de voir réglementer dans une loi uniquement la phase terminale, et pas les situations visées dans le deuxième volet de la proposition à l'examen.

Par ailleurs, l'article 3 de celle-ci, s'il est très large dans son champ d'application, est restreint dans la mesure où il ne vise que l'euthanasie. On peut déplorer qu'une proposition de loi sur l'euthanasie ne vise que la dépénalisation telle qu'elle est formulée, et qu'elle n'englobe pas toutes les autres décisions de fin de vie, et notamment l'arrêt de traitement, ou la décision de ne pas entreprendre de traitement.

L'idée, contenue dans la proposition de loi, de permettre aux personnes de mettre par écrit ce qu'elles souhaitent pour leur fin de vie est bonne.

Il ne faut cependant pas limiter les souhaits d'un patient à sa demande éventuelle d'euthanasie, mais il faut qu'il puisse exprimer tous ses souhaits quant à la fin de vie, notamment par rapport à l'acharnement thérapeutique et à l'arrêt de traitement, car, l'intervenante en est convaincue, les problèmes qui se posent actuellement sont ceux-là.

Enfin, quant à la philosophie générale des amendements des six auteurs en ce qui concerne le contrôle, et la mise en place d'une commission d'évaluation, les problèmes qu'elle suscite aux yeux de l'intervenante seront développés plus loin, lorsqu'il en sera question à un autre article, mais elle renvoie d'ores et déjà à ce qui a été prévu aux Pays-Bas à ce sujet.

Un autre membre constate que l'article 3 constitue une disposition centrale de la proposition de loi, que l'on ne peut aborder sans se référer en même temps à l'amendement nº 14, qui apporte un certain nombre de modifications au texte initial.

L'article 3 définit à la fois les conditions ­ les éléments matériels, comme l'a dit un précédent intervenant ­ que le médecin doit respecter s'il veut voir l'acte d'euthanasie tel que défini à l'article 2 justifié aux yeux de la loi.

L'intervenante souhaite formuler des observations tant sur le fond que sur le dispositif juridique choisi.

Quant au fond, la question se pose tout d'abord de savoir qui peut demander, et éventuellement « bénéficier » de l'euthanasie telle que définie à l'article 2.

La proposition et les amendements prévoient qu'il s'agit des majeurs. Un précédent intervenant a évoqué à ce sujet la notion de mineur émancipé.

L'intervenante a déposé un amendement tendant à supprimer cette notion (voir infra), car il lui semble que tous les mineurs doivent en tout cas être exclus du champ d'application de la loi.

La notion de « capable » pose également problème. Il faudrait que les auteurs précisent ce qu'ils entendent exactement par là.

Au sens juridique du terme, les personnes sous statut de minorité prolongée, par exemple, ne sont pas capables. Cependant, Mme Kempeneers, représentante de l'ANHAM, a souligné, lors de son audition, qu'il y avait des personnes qui ont la capacité juridique, mais sont atteintes d'un handicap mental léger qui rend leur capacité aléatoire, et qui nécessite un accompagnement.

L'amendement nº 14 parle aussi d'une personne consciente au moment de la formation de la demande.

Suffit-il d'avoir été, au départ, conscient ?

La formulation du texte ne risque-t-elle pas de donner lieu à toutes sortes de contestations juridiques ?

Un deuxième élément a été rappelé, notamment, par le groupement des médecins spécialistes et par l'association des psychologues de l'UCL.

Il s'agit du fait que la proposition de loi ne fait pas de distinction entre phases terminale et non terminale, ce qui entraîne non seulement des questions de fond (s'agit-il encore d'une situation relevant de l'art médical ?), mais aussi de forme.

En effet, si aucune différence de fond n'est faite entre la situation de souffrance du patient terminal et celle du malade non terminal, on introduit cependant une différence au niveau de la procédure.

Mais qui va déterminer si l'on est ou non en phase terminale ? Certains (le docteur Clumeck, le groupement des médecins spécialistes) se sont demandés s'il ne serait pas utile de poser la question a priori à l'instance d'évaluation que l'on crée.

La définition de phase terminale mérite une discussion. L'intervenante estime que l'on pourrait trouver un consensus sur ce point, sur la base des éléments fournis par les auditions et des études existantes.

On pourrait parler de phase terminale lorsque le décès est inéluctable à brève échéance, ce qui paraît acceptable sur le plan tant médical que de la simple réalité.

L'intervenante se réfère à ce qu'écrit le groupement des spécialistes : « Le fait qu'aucune distinction n'est établie entre le patient terminal et le patient non terminal est à l'origine d'une objection fondamentale à l'encontre du texte amendé, et ce non seulement pour des raisons de principe, mais également parce que, ainsi, un certain nombre de problèmes importants restent sans solution. Dans le cas du patient terminal, l'issue fatale de la situation est certainement suffisamment claire et les médecins peuvent ajuster leurs actes au cadre général d'un modèle consensuel médico-professionnel. Dans le cas de patients non terminaux ­- et ce d'autant plus si on inscrit cela dans un contexte largement défini de situations subjectivement incurables ­ il en va tout autrement. »

Ces médecins et les différentes enquêtes réalisées (celle du Lancet, et même celle de Test Achats, bien que la base intellectuelle et les chiffres paraissent assez faibles à l'intervenante) ont montré clairement que, dans les cas de figure présentés, si la population apparaît globalement d'accord vis à vis de certaines situations, à savoir la phase terminale, le corps médical et infirmier est plus que réticent : moins de 40 % est favorable à l'euthanasie en phase terminale, et encore beaucoup moins dans la phase non terminale.

Ce débat est fondamental. L'intervenante plaide pour que l'on ne mélange pas tous les problèmes, et que l'on se limite, en un premier temps, à ce qui suscite le plus de consensus dans la population et dans le corps médical, et à ce qui est le plus objectivable sur le plan médico-professionnel.

En ce qui concerne la « situation médicale sans issue », comment la définir ? Qui va juger de ces situations ? Que fera-t-on de toutes les situations qui sont la réalité de terrain, qui ne sont pas prises en compte par la proposition, et qui sont le lot quotidien des médecins ?

Plus on fige une situation dans une loi, plus on complique les choses sur le terrain, et plus les médecins vont se trouver devant des situations où ils ne savent pas ce qui leur est permis, et ce qui ne l'est pas.

Beaucoup de médecins, notamment des intensivistes, ont demandé que l'on ne complique pas encore davantage leur tâche.

Qu'on le veuille ou non, lorsqu'on règle certaines situations très précises dans la loi, on fragilise la position des médecins dans toutes les autres situations qui ne sont pas visées par la loi.

À cet égard, le renvoi à la notion d'état de nécessité ne constitue pas une réponse suffisante.

L'intervenante formule ensuite plusieurs remarques générales relatives au dispositif lui-même, et à la manière dont les différentes situations sont décrites dans la proposition.

Tout d'abord, au regard de l'interdit pénal actuel du meurtre, dans quelle figure juridique se situe-t-on ici ? Un précédent intervenant a déjà explicité un certain nombre d'éléments à cet égard. L'intervenante s'en réfère à l'audition de M. Roger Dalcq et du professeur Messine, qui ont tous deux expliqué que les médecins se trouvaient aujourd'hui, par rapport à tous les actes médicaux qu'ils posent, passibles, d'une manière ou d'une autre, des dispositions du Code pénal.

Néanmoins, ont-ils expliqué, le médecin qui agit dans le cadre de sa profession et conformément à sa déontologie médicale se trouve implicitement justifié par rapport aux actes qu'il pose comme chirurgien, ou comme médecin.

L'article devrait être clair par rapport à la figure juridique dans laquelle il s'inscrit.

Il est préférable de prévoir une disposition explicite, plutôt qu'une règle implicite, par laquelle le médecin serait autorisé, dans certaines conditions, à pratiquer un acte d'euthanasie. Dans sa formulation actuelle, l'amendement contient une formule batarde et peu claire. On se trouve dans le cadre d'une dépénalisation, alors que les auteurs de l'amendement ont expliqué qu'ils voulaient maintenir entier l'interdit pénal, mais que, par ailleurs, on pourrait voir justifier un certain nombre d'actes.

C'est pourquoi l'intervenante a déposé une série d'amendements tendant à clarifier la figure juridique dans laquelle on s'inscrit (voir infra).

En outre, si on lit en parallèle le § 1er et le § 3 de l'article 3 proposé à l'amendement nº 14, on constate que certains éléments se superposent, et l'on ne sait pas si l'on se trouve devant des éléments du cas de figure de la permission, ou devant des éléments de procédure.

Par ailleurs, les commissions réunies ont adopté la définition reprise à l'article 2. L'intervenante reste d'avis que c'est regrettable.

La loi hollandaise n'utilise pas le terme « euthanasie », pas plus que certaines propositions de loi déposées antérieurement en Belgique (cf. une proposition de loi de M. Monfils, où il n'est pas question d'« euthanasie », mais d'« interruption de vie »).

L'article 2 parle d'une « personne », alors qu'à l'article 3, il est question d'un « patient ». L'intervenante souligne que ces deux termes ne sont pas équivalents.

Le second, contrairement au premier, indique que l'on se trouve dans le cadre de l'art de guérir.

Le texte parle aussi de « demande » et de « formation de la demande ».

Tout d'abord, cela a pour conséquence que toutes les situations où il n'y a pas demande sont fragilisées, et il ne suffit pas, à ce sujet, de renvoyer à l'état de nécessité, qui s'applique aujourd'hui dans ce type de situations puisque, dans l'intervalle, une législation visant certains cas limités aura été adoptée.

En outre, sur le plan civil, quelle sera la responsabilité du médecin ?

L'amendement nº 14 utilise également la formule « le médecin constate que ... ».

La loi hollandaise est beaucoup plus précise, car elle demande au médecin d'« avoir acquis la conviction que ... ». L'intervenante annonce le dépôt d'un amendement à ce sujet.

En ce qui concerne la notion de « requête écrite », elle pose également problème.

Cela peut certes constituer une sécurité pour le patient, quoique les tribunaux n'accordent pas toujours une valeur absolue à de telles instructions écrites.

La Société belge de gérontologie et de gériatrie a toutefois attiré l'attention sur la situation dans laquelle se trouvent les personnes âgées : « les gériatres entendent en effet les personnes âgées confier leur sentiment d'inutilité ou de charge pour les autres. Ils ont donc des raisons de craindre que la dépénalisation de l'euthanasie telle qu'elle est proposée entraîne des demandes ou des décisions de fin de vie motivées par de telles raisons, voire par des raisons économiques, de la part de ceux qui se sentiraient depuis trop longtemps à charge de la société ou de leurs proches. Ils s'interrogent également sur l'impact d'un tel cadre sur la qualité de la fin de vie des patients déments, qui sont également relativement absents des discussions actuelles. »

Il faut donc être extrêmement prudent par rapport à une requête écrite, et s'assurer qu'elle ne puisse pas être suscitée d'une manière ou d'une autre, notamment dans les maisons de repos.

L'intervenante a des craintes quant aux dérives possibles, surtout si l'on rapproche l'exigence d'une requête écrite de celle d'un patient conscient lors de la formation de la demande.

Un autre membre fait observer qu'il n'y a pas que la demande du patient qui joue un rôle, il y a aussi l'examen pratiqué par le médecin et, éventuellement, celui du second médecin consulté. Ces personnes doivent s'assurer de la souffrance insupportable et du caractère irréversible de la maladie du patient. On ne trouvera aucun médein pour apporter sa collaboration à une demande d'euthanasie basée uniquement sur le sentiment d'inutilité éprouvé par le patient. On peut partir de l'hypothèse que les médecins agiront en leur âme et conscience. L'inquiétude exprimée par la préopinante n'est donc pas fondée.

La précédente intervenante déclare qu'elle peut suivre ce raisonnement mais qu'alors, il serait opportun de voter l'amendement qu'elle dépose en vue d'utiliser plutôt la formule « Le médecin doit avoir acquis la conviction que ... ».

L'intervenante se demande également quel est encore le rôle du ministère public par rapport au contrôle des conditions fixées. Il faudrait à cet égard revoir l'articulation des §§ 1er et 3, et mettre en évidence, dans un paragraphe distinct, que le médecin est tenu de respecter à la fois les conditions de forme et les conditions de fond.

Par rapport à la proposition initiale, les amendements déposés ont l'avantage de faire du dossier médical un élément plus central.

Ce rôle central est extrêmement important. Il était d'ailleurs mis en évidence dans le texte que l'intervenante avait rédigé avec plusieurs collègues.

La proposition et les amendements des six auteurs sont bâtis autour d'éléments de procédure certes très importants, mais dont l'expérience montre que les médecins y sont très réticents.

Aux Pays-Bas, 40 à 50 % seulement des médecins remplissent les documents. Sans doute seraient-ils moins réticents à remplir le dossier médical. À cet égard, l'article 5 de la proposition est très important, et paraît aller dans le bon sens.

En effet, cet élément semblerait pouvoir recueillir un assez large consensus, et permettrait aussi de garantir un certain respect de la vie privée des patients.

Enfin, l'intervenante souligne que, si les Pays-Bas viennent d'adopter une loi sur l'euthanasie, qui, à certains égards, paraît plus claire que celle que l'on prépare ici, ils y travaillent depuis plus de dix ans. Ils ont procédé de façon progressive et pragmatique, en étant soucieux de trouver le consensus le plus large possible au niveau médical, et d'avoir une concertation avec les autorités judiciaires.

Ils admettent par ailleurs que le débat sur cette délicate question doit se poursuivre.

C'est pourquoi l'intervenante pense qu'il ne faut pas vouloir tout régler à la fois, et qu'il faut essayer de trouver un consensus le plus large possible. La proposition et les amendements à l'examen peuvent en tout cas être encore améliorés.

Une commissaire reconnaît que le texte qui a été voté par la Deuxième Chambre néerlandaise est limpide. Cela est dû au fait que ce texte est très succinct. La préopinante ne veut, au contraire, qu'alourdir la proposition de loi en discussion en y ajoutant des éléments supplémentaires.

L'intervenante signale néanmoins que la proposition belge parle d'une équipe médicale, ce qui n'est pas le cas dans le texte néerlandais. Le texte belge fait une distinction dans la procédure pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale. À cet égard également, il en va autrement dans le texte néerlandais. Ce sont là des points de différence importants, qui rendent le texte belge meilleur que ce qui a été approuvé aux Pays-Bas. La comparaison entre les deux textes doit se faire objectivement.

Une autre intervenante pense que, dans un débat comme celui-ci, il faut pouvoir s'enrichir des éléments qui apparaissent comme les plus positifs, quelle que soit leur origine.

L'article 3 a pour but de protéger le droit de certains patients à demander à mourir. À dessein, l'intervenante ne souhaite pas utiliser l'expression de « mort digne », parce qu'elle estime qu'aucune loi ne peut déterminer ce qu'est mourir dans la dignité pour une personne déterminée. Une personne peut vouloir vivre sa vie jusqu'à l'extrême limite, même si cela se fait dans d'énormes souffrances, alors qu'une autre estime que la dignité est, pour elle, de ne pas aller jusque là. La loi doit protéger ces deux manières de voir les choses.

Or, il faut constater, sur ce point, une très grande différence dans les prises de position, et c'est normal, car, sur un tel sujet, il ne peut pas y avoir d'unanimité.

Il y a des personnes qui considèrent qu'il n'est pas légitime de disposer de sa vie. C'est leur droit.

L'intervenante considère qu'il faut arriver à dégager la plus large adhésion possible au fondement du texte; elle trouve, au vu de tout ce qui a été dit, que le travail des commissions réunies va plutôt dans ce sens.

Il faut accepter de reconnaître que le texte n'est peut-être pas rédigé de la manière la plus satisfaisante possible, et de le changer.

Par contre, l'intervenante n'accepte pas que, sous prétexte de mille complications, l'on veuille cacher qu'en réalité, on refuse le droit de légiférer dans cette matière, et de faire respecter la volonté de certains de voir mettre fin à leurs jours par un médecin.

Elle estime immoral de déclarer dans la presse que, désormais, la vie des patients atteints d'asthme chronique serait en danger, parce qu'ils seraient à la merci des médecins si la loi était votée.

En effet, on se trouve devant une population vieillissante, qui a déjà des craintes de tous ordres.

Y ajouter des dangers imaginaires pour faire peur aux citoyens, pour des raisons de simple positionnement sur l'échiquier politique, relève, aux yeux de l'intervenante, de l'immoralité politique.

Elle a, pour sa part, tenté de dépasser les clivages résultant d'un attachement de principe à l'une ou l'autre position dans ce débat, car elle pense que, dans la société, la question ne se pose pas comme cela.

Les gens n'ont pas envie de mourir dans la souffrance; ils ne veulent pas non plus être en danger par rapport à des pressions économiques, médicales ou familiales.

Le rôle du législateur est de rechercher une solution qui protège les individus, afin qu'ils puissent voir leurs droits respectés.

C'est ce que veut faire l'article 3 proposé. On peut bien sûr discuter sur la façon dont le texte est rédigé, mais il faut reconnaître qu'à un moment donné, parce que la question se pose dans notre société, il faut légiférer. Tel est le choix qu'a fait l'intervenante, comme l'ont fait la majorité des commissaires.

L'article 3 détermine les conditions dans lesquelles un patient, atteint d'une maladie grave, et dont les souffrances sont importantes et ne peuvent être apaisées, peut demander une euthanasie, qui devra être effectuée par un médecin.

Ce dernier point constitue une distinction importante par rapport à la problématique du suicide assisté, qui ne paraît pas à l'intervenante faire partie du champ d'application de la loi.

Il est aussi très important de souligner que, lorsque la demande d'euthanasie apparaît, il y a une obligation d'information sur toutes les possibilités qui existent, notamment en matière de soins palliatifs.

Sur ce point, les précisions obtenues des ministres Aelvoet et Vandenbroucke sont très importantes.

Si les formations des médecins sont adéquates, ceux-ci seront de plus en plus formés à une approche de soins palliatifs, conçue de façon générale.

En ce qui concerne la distinction entre phase terminale et phase non terminale, l'intervenante partage le point de vue selon lequel il y a probablement un plus large consensus sur le fait de prévoir une procédure d'euthanasie en phase terminale qu'en phase non terminale.

Quant à la définition de la phase terminale, l'intervenante ne sait pas s'il faut vraiment la reprendre dans le texte de la loi. C'est le médecin qui déterminera si le patient est en phase terminale ou pas.

Le docteur Englert a donné de la phase terminale la définition suivante : c'est le moment où l'issue de la maladie évolutive devient prévisible, où le médecin sait que le patient ne peut plus être sauvé.

Il n'est pas sûr que l'on puisse figer cela dans un texte de loi. Les médecins savent si un patient est ou non en phase terminale.

Lorsque le patient n'est pas en phase terminale, il importe de prendre des précautions supplémentaires, pour éviter que par désespoir, dépression, peur de faire souffrir leur proches, manque d'information, ou isolement, des personnes choisissent de mourir.

L'amendement tente d'améliorer la capacité de reconnaître la véritable demande d'euthanasie par rapport à d'autres demandes. À cet égard, le devoir du médecin d'informer le patient est essentiel, de même que la façon dont celui-ci est entouré.

En ce qui concerne la responsabilité civile du médecin, elle n'est en rien modifiée par la proposition à l'examen.

Quant à la question du droit pénal, l'intervenante trouve assez clair que le fait d'avoir une loi qui détermine dans quelles conditions une euthanasie est permise, réalise de fait la décriminalisation de cet acte. Peut-être faut-il revoir le texte pour en faire disparaître une ambiguïté éventuelle.

En ce qui concerne le champ d'application du texte, on ne peut à la fois lui reprocher son caractère trop large et son caractère trop restreint.

L'intervenante estime qu'il faut procéder par paliers. La proposition ne traite que des patients conscients. Pour les autres cas, l'état de nécessité doit subsister. C'est pourquoi légiférer sur l'état de nécessité serait la plus mauvaise des solutions, car on enfermerait dans des conditions très précises ce qui est, par définition, un concept au contenu imprévisible.

Enfin, certains disent qu'il faut réglementer des situations comme l'arrêt de traitement. L'intervenante pense qu'il s'agit vraiment là d'actes qui relèvent de la pratique médicale, et qu'il faut éviter que le législateur intervienne dans ces matières. Du reste, certains éléments seront réglés dans le cadre du projet de loi annoncé sur les droits du patient.

Un membre constate que dans le débat des commissions réunies, des modes se manifestent.

Lorsque ce débat a commencé, la première a été de considérer le modèle hollandais comme très mauvais; on a souligné qu'il s'agissait d'ailleurs d'un modèle jurisprudentiel, les Pays-Bas eux-mêmes n'ayant pas voulu légiférer, et que dès lors, les comparaisons avec ce système n'étaient pas indiquées.

Il a été dit également que la Belgique serait le premier pays à légaliser l'euthanasie.

Une nouvelle mode consiste maintenant, puisque les Pays-Bas ont adopté ou vont adopter incessamment une législation en la matière, à se référer à cette loi.

Une troisième tendance est de considérer qu'il faut revenir en arrière, et parcourir le chemin que les Pays-Bas ont suivi au cours des dix dernières années.

L'intervenant trouve ce raisonnement assez étonnant, et estime pour sa part que l'on peut tirer profit de l'évolution et de l'expérience déjà engrangées ailleurs.

On peut aussi analyser la position de certains pays, ce qui permettrait de constater que notre pays adopte une attitude extrêmement restrictive par rapport aux ouvertures jurisprudentielles laissées par certains arrêts de la Cour de cassation française, que l'intervenant n'approuve pas, et qui aboutissent à des conséquences inquiétantes.

Un précédent intervenant a émis certains propos, dont il ressortait que l'on marginalisait une minorité. L'intervenant se dit très étonné de cet argument.

En effet, depuis vingt ans, il a plutôt l'impression que c'est une minorité qui marginalise ceux qui veulent aller plus loin.

Si aujourd'hui, de manière pressante, un certain nombre de questions d'ordre éthique apparaissent (euthanasie, recherche sur les embryons, adoption par des couples homosexuels, ...), c'est que depuis de nombreuses années, contre l'avis d'une partie importante de la population, on n'a jamais voulu permettre le libre débat sur ces sujets.

Cet argument signifie-t-il que l'on considère qu'un parti, un mouvement représentant 20 à 25 % de la population, a le droit de dire non à toute recherche, tout développement, toute évolution ?

Cela n'est pas acceptable. Il y a, dans notre pays, une règle de décision à la majorité.

L'intervenant ne croit pas que, dans le passé, avec le blocage systématique du débat sur tous les problèmes éthiques, ce soit la règle de la majorité qui ait prévalu, mais bien la règle d'un parti, qui a interdit que l'on discute de tous ces problèmes.

L'intervenant n'est pas certain que ce parti soit le garant de l'opinion publique, même en Flandre.

Un autre commissaire nie énergiquement que son groupe se soit jamais opposé à un débat sur les problèmes éthiques. L'euthanasie et les décisions médicales relatives à la fin de vie, entre autres, ont, au cours de la précédente législature, fait l'objet de longs débats auxquels le parti de l'intervenant a participé activement. Les documents parlementaires peuvent l'attester.

Le précédent orateur rappelle, à propos de la prétendue incompatibilité de la proposition à l'examen avec l'article 2 CEDH, les arguments qu'il a précédemment développés à ce sujet pour réfuter cette thèse, en se basant sur d'excellents auteurs, dont l'un écrivait notamment : « L'article 2 ne concerne pas des droits discutés comme celui de transmettre la vie ou de mettre fin à sa propre vie.

En revanche, il reconnaît à chacun le droit de n'être privé de sa vie que dans les cas qu'il énumère (...) ».

Quand on fait une analyse en fait du Pacte sur les droits civils et politiques, ou de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on se rend compte que tous ces droits dépendent de la dignité inhérente à la personne humaine, sont essentiels à son épanouissement libre et intégral, et qu'il s'agit de droits dont on impose le respect aux États et aux pouvoirs publics.

D'ailleurs, lorsqu'on lit le titre II de la Constitution, sur les libertés publiques, on voit qu'il ne s'agit pas de libertés que l'individu veut contrôler pour lui-même, mais des libertés que l'on impose à l'État de respecter. Il est demandé à l'État de ne pas prendre de loi qui interdise la liberté l'association, la liberté d'expression, la liberté de l'enseignement, etc.

Quant à la CEDH, ce serait en faire une lecture incorrecte que de dire qu'elle prévoit des droits individuels que l'intéressé peut s'imposer à lui-même.

Comment une personne qui décide de ne pas respecter ces droits pourrait-elle se punir elle-même ?

L'intervenant renvoie également à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cette charte, tout récemment rédigée dans des conditions très difficiles, a fait l'objet d'un consensus de la part de la convention chargée de rédiger le projet, au sein des diverses délégations et au sein du Parlement européen, qui l'a approuvée à une très large majorité.

Cette charte comporte 54 articles, tous relatifs à des droits fondamentaux, et se rapproche de la CEDH, l'idée étant d'avoir une Constitution européenne avec des droits personnels, comme la Convention européenne, et comme les Constitutions nationales.

Elle contient un article 2, intitulé « Droit à la vie », et où l'on peut lire : « Toute personne a droit à la vie. »

On ne peut cependant en conclure que l'euthanasie soit ainsi condamnée. En effet, un amendement a été déposé, selon lequel le droit à la vie s'étend jusqu'à la fin naturelle de celle-ci. Cet amendement a été repoussé. Aucun arrêt de la Cour européenne n'a réellement condamné l'euthanasie, pas plus que l'avortement.

Au moment où la CEDH a été rédigée, l'euthanasie ne faisait pas l'objet de débats. Il est donc normal qu'elle n'en ait pas parlé, et que l'on ne trouve pas de littérature à cet égard.

Aujourd'hui, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne se place dans un autre contexte, et le rejet de l'amendement précité est donc significatif.

Ce texte tient compte de l'évolution de l'actualité. Ainsi, l'article 2 prévoit que, dans le cadre de la médecine et de la biologie, les principes suivants doivent notamment être respectés : interdiction de la pratique eugénique, respect du consentement éclairé du patient, interdiction de faire du corps humain et de ses produits une source de profit, introduction du clonage reproductif des êtres humains.

Cela va plus loin que les articles de la CEDH, parce que l'on a visé des problèmes que, dans leur très grande majorité, les États, les gouvernements et les parlementaires européens souhaiteraient voir figurer dans le texte.

Si l'euthanasie n'est pas mentionnée, ce n'est pas parce qu'elle a été oubliée, mais parce qu'on ne l'a pas voulu. Ce problème appartient dès lors à la conscience de chacun, ainsi qu'aux corps législatifs des différents pays.

Enfin, la Convention européenne sur la biomédecine a aussi aperçu le problème, puisqu'elle prévoit, en son article 9, que les souhaits précédemment exprimés au sujet d'une intervention médicale par un patient qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa volonté, seront pris en compte.

En ce qui concerne les critères fixés par la proposition à l'examen et par l'amendement nº 14, comment pourrait-on aller plus loin dans la précision ?

Après tout, le Code pénal est-il toujours aussi précis en ses dispositions ? L'intervenant renvoie, à titre d'exemple, à l'article 369 de ce Code, qui suppose une marge d'appréciation par le tribunal.

Aucune définition ne sera jamais à ce point parfaite qu'elle n'ouvre aucune interrogation sur un point ou un autre.

Il a été dit qu'il s'agissait dans la proposition de sentiments subjectifs de souffrance, et qu'il aurait fallu lier cela aux soins palliatifs. Ce ne serait qu'en bout de course, lorsque ceux-ci ont échoué, que l'on pourrait envisager une euthanasie. On s'est référé à ce sujet à l'arrêt Chabot.

L'intervenant estime qu'il s'agit là d'une curieuse façon d'envisager l'autonomie du patient.

À suivre ce raisonnement, on pourrait ne pas soigner un patient cancéreux, au motif qu'il a refusé d'arrêter de fumer.

L'état de souffrance insupportable consécutif à une maladie incurable relève en effet d'un sentiment subjectif, mais dès lors qu'il est reconnu par la pratique médicale, il semble à l'intervenant qu'il doit être admis.

L'intervenant renvoie à cet égard à un article récent paru dans un quotidien, et intitulé : « L'euthanasie, à n'importe quel prix et qu'on m'achève ». Pauline, 70 ans, 34 kilos, déclarait dans cet article : « Depuis quatre ans, je souffre d'une maladie dégénérative incurable, probablement héréditaire et dont on ignore tout. Je veux disparaître au plus vite, je n'en peux plus. Dites-leur que la douleur morale est encore plus insupportable que la douleur physique.

(...)

Chaque fois que j'ai été hospitalisée, j'ai remis mon testament de vie au médecin. Aucun d'eux n'en a jamais tenu compte. Ils se réfugiaient tous derrière la loi, se contentaient de me proposer des soins palliatifs, c'est-à-dire une alimentation artificielle et un psychiatre ... Je n'en veux pas : je ne suis pas dépressive. »

L'intervenant trouve inacceptable que cette personne ne puisse décider elle-même, en toute connaissance de cause, quelle est la limite de sa dignité d'être humain, et qu'on lui impose un passage préalable par les soins palliatifs.

C'est la dignité et l'autonomie de l'être humain ­ par opposition à une certaine sociétalisation de l'être humain ­ que le groupe de l'intervenant considère comme les valeurs centrales dans ce débat, même s'il est vrai qu'il faut éviter les dérapages, comme cela a notamment été souligné lors des auditions. C'est pourquoi les textes proposés multiplient les précautions, au risque d'encourir le reproche de complication administrative.

L'intervenant précise une nouvelle fois que les six auteurs n'entendent pas autoriser l'euthanasie de mineurs. Le sort des mineurs émancipés peut faire l'objet d'un débat.

Mais on en revient toujours au même constat : certains ne veulent pas d'une loi sur l'euthanasie, parce qu'ils ont une conception fondamentalement différente de celle des six auteurs.

Un membre déclare qu'il a lu, lui aussi, l'article récent auquel s'est référé le précédent intervenant. Il a été frappé par le fait que la personne qui s'y exprime est isolée, et que ce cas présente donc, outre l'aspect souligné par le précédent orateur, une connotation de désespérance due à un problème social.

Un autre intervenant fait observer que le préopinant n'a pas répondu aux arguments avancés concernant l'application de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni à la résolution du Conseil de l'Europe qui a, en la matière, les pouvoirs d'une assemblée consituante. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est juridiquement moins contraignante que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme élaborée par le Conseil de l'Europe.

Sur le fond, le membre désire souligner que le débat qui a lieu au sein des commissions réunies est moins une affaire de politique de parti qu'une confrontation entre représentations de l'homme. Le mouvement politique dont fait partie l'intervenant a une certaine vision de l'homme, que partagent d'ailleurs aussi des membres d'autres partis. Le vote de la proposition de loi nº 2-244 représenterait une rupture historique, moins du fait qu'un parti déterminé a été au pouvoir pendant un certain nombre d'années que parce qu'on abandonnerait aujourd'hui certaines conceptions séculaires.

Une proposition de loi qui traite de questions aussi fondamentales est tout autre chose qu'une proposition ou un projet de loi visant à mettre en oeuvre les réalisations politiques d'une majorité. Il s'agit au contraire ici de ce qui est au coeur d'une civilisation, à savoir la place d'un être humain dans la société. Cela dépasse la politique de parti. Une minorité déterminée risque toutefois ici d'être mise complètement hors jeu, contrairement à d'autres minorités sociologiquement moins importantes qui, dans le cadre du pluralisme, jouissent d'une attention disproportionnée. Le choix qui sera fait n'est pas neutre et il aura, à l'avenir, une incidence sur la force d'intégration d'une société. Une partie importante des citoyens ne se retrouvera pas dans la légitimité et poursuivra la lutte. Ce n'est pas souhaitable. Sur des points aussi importants, il s'impose de rechercher un large consensus.

L'intervenant rappelle à cet égard l'allocution qu'il a tenue en séance plénière du Sénat le 10 décembre 1997 et dans laquelle il plaidait clairement pour une régulation de toute la problématique de la fin de vie et en indiquait les limites. Si ce dossier n'a pas progressé au cours de la précédente législature, c'est en raison des importants problèmes de justice rencontrés alors et de la discussion des accords dits octopartites. Le procès d'intention fait ici par d'aucuns est donc inadmissible.

Un précédent orateur souligne que le gouvernement n'intervient pas dans le débat, qui est l'affaire des parlementaires élus démocratiquement. Exactement comme à l'époque de la loi sur l'avortement, chacun prend attitude en pleine connaissance de cause. L'orateur est étonné d'entendre dire que l'absence éventuelle de consensus pourrait entraîner un problème de cohésion du corps social.

L'a-t-on ressenti lorsque la loi sur l'avortement a été votée à une courte majorité, après avoir été présentée pour la troisième fois ?

On sait qu'il est plus difficile de trouver une majorité dans les matières éthiques que dans les autres domaines.

Il ne faut pas appeler au consensus, alors que l'on sait que ce débat éthique se présente, pour beaucoup de parlementaires, sur des bases fondamentalement différentes, et qu'il existe entre les uns et les autres des fossés profonds sur quelques points.

Il ne semble pas qu'en dix-huit mois de débat, les choses aient changé à cet égard.

Cela est normal, et il en sera ainsi dans tous les problèmes éthiques. Ce n'est pas cela qui va mettre en danger la cohésion du corps social.

Au contraire, cela enrichira le débat dans les années à venir.

Une membre renvoie à la justification de l'amendement nº 14 dans laquelle il est dit qu'on continue à considérer qu'une modification du Code pénal est la solution la plus simple. Le texte initial de la proposition de loi nº 2-244 prévoyait d'ailleurs explicitement l'insertion, dans le Code pénal, d'un article 417bis qui légalise l'euthanasie sous certaines conditions. On craint toutefois que l'insertion de cette exception dans le Code pénal n'ait valeur de symbole. Par conséquent, les auteurs de l'amendement nº 14 ont compris qu'il n'y avait pas de majorité en faveur d'une dépénalisation explicite de l'euthanasie dans le Code pénal. C'est une constatation importante. Le fait que les auteurs de l'amendement nº 14 l'aient affirmé expressément dans la justification témoigne également de leur ouverture.

La membre estime cependant que c'est faire preuve d'arrogance que d'affirmer que les témoignages donnés au cours des auditions portaient uniquement sur la valeur de symbole du Code pénal. Cela n'est évidemment pas exact. Lors des auditions, on a surtout avancé des arguments de fond pour défendre le maintien de la norme sociale dans le droit pénal en général.

De nombreux témoignages ont fait apparaître le souci de préciser expressément que l'euthanasie est un acte anormal et exceptionnel, qui doit être punissable en principe et être évité le plus possible. Notre système social doit tenir compte de cette préoccupation. Cela va toutefois beaucoup plus loin que simplement la portée symbolique. L'amendement nº 14 va tout à fait à l'encontre de cette préoccupation, car il modifie effectivement le droit pénal en instaurant une dépénalisation conditionnelle de l'euthanasie.

L'intervenante se pose beaucoup de questions quant à l'applicabilité des conditions. On utilise en effet de nombreuses notions dont il faudrait déterminer exactement la portée afin de pouvoir définir correctement la responsabilité pénale. À la première phrase du § 1er de l'article 3 proposé par l'amendement nº 14, il est question du « médecin qui a pratiqué l'euthanasie ». Est-ce qu'il s'agit du médecin traitant ou peut-il s'agir également d'un médecin que le patient ne connaît pas ? Quelle est la relation de soins entre le patient et ce médecin ? Ce médecin doit-il être un spécialiste des actes d'euthanasie ?

Qu'entend-on par la demande « répétée » du patient ? Est-ce qu'il suffit de formuler une demande deux fois en succession rapide ? Est-ce que cette demande doit être formulée par écrit les deux fois ? Va-t-on tenir un registre de ces demandes ? Un patient qui demande l'euthanasie par écrit est-il tenu par cette demande de sorte qu'il n'a plus la possibilité de revenir oralement sur sa décision dans la seconde demande ou à l'occasion de demandes ultérieures ?

La « situation médicalement sans issue » suscite également beaucoup de questions qui restent sans réponse. Il va de soi que cela dépend de l'état de la médecine à un moment donné, mais lors des auditions, plusieurs médecins ont insisté sur le fait que pour certaines pathologies et affections, cette notion est précisée par consensus. En effet, si l'on ne procédait pas ainsi, on aurait une loterie où un médecin déciderait telle chose tandis qu'un autre déciderait autrement.

Comment faut-il interpréter les mots « douleur constante et insupportable ? » Est-ce le médecin qui détermine la douleur ? Quel rapport y a-t-il entre cette constatation et les informations que le médecin doit communiquer au sujet des possibilités de soins palliatifs, conformément au § 3 de l'article 3 proposé ?

Cette formulation, qui donne l'impression que les deux éléments doivent être examinés indépendamment l'un de l'autre, ne tient absolument pas compte du renversement des mentalités que l'on souhaite voir s'opérer dans les soins de santé, suivant lequel on consacrerait davantage d'attention aux soins palliatifs. C'est comme si on lisait un livre de cuisine à un affamé au lieu de lui offrir un repas.

La membre souligne que d'après le texte de l'article 3, il n'est pas question uniquement de souffrance constante et insupportable; il peut aussi y avoir chez le patient une « détresse » insupportable et constante (« souffrance ou détresse ») qu'il est « impossible d'apaiser ». Est-ce que cette dernière expression porte uniquement sur la souffrance ou couvre-t-elle à la fois la souffrance et la détresse ? Cette détresse est-elle uniquement psychique, par exemple dans le cas d'une personne qui a été abandonnée par sa famille ou se sent incomprise ? Le patient est-il le seul à pouvoir en juger ? Qui doit apaiser la détresse le cas échéant : la famille, les proches, le personnel soignant, le patient même ... ? Bref : qui est responsable du non-apaisement de la détresse du patient ? Le gouvernement va-t-il prévoir un budget dans ce but, par exemple afin de financer du personnel infirmier supplémentaire ?

L'intervenante fait également référence à la distinction qui est faite entre la procédure pour les patients en phase terminale et celle pour les patients en phase non-terminale. Cette distinction a maintenant été intégrée en dépit de l'opposition initiale des auteurs de la proposition de loi nº 2-244, qui ne voulaient pas limiter le champ d'application aux patients en phase terminale pour la raison qu'il n'était pas possible de le délimiter. Il est donc manifestement possible de délimiter la catégorie des patients en phase terminale, vu la distinction qui est faite sur le plan de la procédure dans l'amendement nº 14.

Au § 4, 2º, de l'article 3 proposé, il est question d'un délai d'un mois entre la « demande initiale » et l'application de l'euthanasie. Qu'entend-on par « demande initiale » ? Est-ce qu'il s'agit d'une demande écrite ? Dans l'affirmative, il faudrait le préciser. Que se passe-t-il pendant la période intermédiaire d'un mois si on se trouve dans un cas de souffrance ou de détresse constante et insupportable qu'il n'est pas possible d'apaiser ? Est-ce qu'on se contente de faire attendre le patient pendant un mois ? Si, au cours de cette période, une possibilité de traitement subsiste, quelle est l'utilité médicale de l'euthanasie ? Dans ce cas de figure, dans quelle mesure peut-on encore justifier le fait d'associer un médecin à la mort du patient ?

Une autre membre réplique qu'à l'issue des auditions, on a prévu une procédure plus lourde pour les patients en phase non terminale, même s'il n'est pas toujours possible de déterminer avec précision quels sont les patients qui entrent dans cette catégorie. Certains patients sont en phase terminale pendant six mois. La distinction qui est faite dans l'amendement nº 14 sur le plan de la procédure a cependant été prévue précisément en vue d'inclure des critères de précaution supplémentaires, comme plusieurs membres l'avaient demandé.

En outre, il se fait que les patients en phase non terminale sont moins pressés par le temps, de sorte que prévoir, dans leur cas, des critères de prudence supplémentaires ne peut pas entraîner de conséquences irrévocables.

La membre déclare néanmoins à titre personnel que pour elle, ces critères de prudence supplémentaires sont également superflus pour les patients en phase non terminale.

Un membre fait remarquer que la réponse de la préopinante montre que les critères matériels pourtant identiques pour les patients en phase terminale et les patients en phase non terminale ont en fait des contenus différents. La souffrance intolérable des patients en phase non terminale est d'un autre ordre que la souffrance intolérable des patients en phase terminale.

L'intervenante précédente est tout à fait en désaccord avec ce qui vient d'être dit. Le patient en phase non terminale, dont la vie est devenue inhumaine, doit avoir le droit à l'euthanasie. L'inscription de critères de prudence supplémentaires, à la demande de certains membres des commissions réunies et sur la proposition du professeur Vermeersch, aura pour conséquence de prolonger d'un mois la douleur d'une personne qui se trouve dans pareille situation.

Une préopinante ajoute que l'on voit très mal qui jugera du respect des critères définis à l'article 3. Il faudrait pourtant que ce soit clair, car il y a lieu de savoir s'il existe ou non un droit à l'euthanasie. L'existence des conditions sociales requises doit être clairement établie et objectivement vérifiable. Au cas où le patient serait seul à pouvoir dire si les critères sont respectés, l'on se trouverait devant une législation qui va très loin.

L'intervenante part au contraire de l'idée que l'homme n'est homme qu'au travers de sa relation à autrui. Le degré d'acceptation de soi-même dépend en grande partie des relations que l'on entretient avec son entourage.

Elle estime dès lors qu'il est exclu que l'on puisse créer une catégorie de personnes dont on pourrait interrompre la vie au cas où elles demanderaient qu'on le fasse et que l'on puisse rendre cette pratique socialement acceptable. On se livrerait de la sorte à une interprétation inacceptable des droits de l'homme. La même évolution se produit dans d'autres domaines dont, par exemple, la biomédecine. 25 pays européens ont interdit la création d'embryons humains, parce que l'on est parfaitement conscient que si l'on créait de tels embryons, l'on transgresserait une limite. Le risque existerait en effet que l'on soumette la vie humaine à une sélection à ses débuts et à son terme. Il est tout à fait inacceptable, en tout cas en ce qui concerne les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale, d'affirmer que certains n'ont plus leur place dans la société des gens qui sont en bonne santé. L'exemple néerlandais est tout à fait isolé en l'espèce et il ne mérite certainement pas d'être suivi.

Un membre répète ce qu'il a déjà dit, à savoir que la prudence s'impose pour tous les soins médicaux. Certains présentent maintenant les choses comme si la confrontation avec un médecin était une loterie. C'est une manière tout à fait erronée de présenter les choses. L'intervenante précédente sort certaines déclarations des associations de médecins de leur contexte.

Par ailleurs, il n'est pas non plus sérieux de présenter les choses comme si le fait d'informer les patients sur les possibilités en matière de soins palliatifs revenait à lire un livre de cuisine.

Une autre membre déclare qu'elle souhaite, au milieu du débat qui est parfois houleux, soulever de manière très sereine un point très difficile à discuter, sur lequel elle se sent isolée; elle veut, dès lors, l'aborder très prudemment. Sa conscience lui commande de soumettre ce point à la discussion. Il s'agit de la possibilité, pour un enfant et pour ses parents, de demander ensemble l'euthanasie.

Elle sait qu'il existe pas mal de partis pris émotionnels à ce sujet, mais elle souhaiterait que l'on mette les émotions de côté et que l'on prenne ses arguments en considération.

Pour elle, l'euthanasie est une manière d'interrompre la souffrance extrême d'un être humain. Que faire quand une personne n'est plus capable de supporter sa souffrance et qu'elle demande qu'on y mette fin ?

La proposition de loi concerne les patients qui sont capables d'exprimer leur volonté. Pour ce qui est des patients qui sont incapables de l'exprimer, il y a un gros problème et il est parfois impossible de connaître leur volonté.

Si l'on considère qu'une personne capable est une personne qui peut se constituer une volonté et qui peut l'exprimer, alors cela vaut tant pour les adultes que pour les enfants.

En effet, il y a aussi parmi les jeunes de moins de 18 ans, c'est-à-dire parmi les enfants, certains patients qui sont capables d'exprimer leur volonté et d'autres qui en sont incapables. Beaucoup d'enfants sont capables de parler de manière très réfléchie et avec beaucoup de lucidité d'événements dramatiques survenant dans leur vie, et en particulier de leur mort imminente. Beaucoup sont capables d'exprimer leur volonté à cet égard au cours d'une conversation avec leurs parents.

Les enfants qui ont mené pendant des années une lutte difficile contre la maladie et qui sont en phase terminale, ont connu un processus de maturation qui fait d'eux des personnes très particulières.

L'intervenante sait que quand elle pense à l'euthanasie et aux enfants, elle penser à son propre fils qui serait non pas en bonne santé, mais en phase terminale et au terme d'une lutte pénible et épuisante.

Dans notre pays, 200 enfants environ développent un cancer chaque année. Un enfant sur trois en mourra.

Dans notre pays, les soins palliatifs pour les petits cancéreux en phase terminale sont bien organisés, du moins dans les centres qui leur sont destinés. La lutte contre la douleur est bien organisée et l'on se sert de petites pompes spéciales aux fins de celle-ci.

L'on a dit néanmoins, au cours des auditions, que, dans 10 % des cas, comme chez les adultes, l'on ne peut pas éliminer totalement la souffrance des enfants. Dans ces cas-là également, les enfants et les parents se cramponnent ensemble à la vie jusqu'au dernier moment.

Mais il arrive aussi qu'un enfant, comme un adulte, ne puisse plus supporter la douleur ni la dégradation et qu'il veuille mettre un terme à ses souffrances, de concert avec ses parents. Là gît un problème fondamental qui pose un grave problème de conscience à l'intervenante.

S'il n'y a pas d'autre voie que la mort, que l'enfant se trouve dans une situation de douleur persistante et intolérable ou de souffrance résultant d'une affection lourde et incurable due à un accident ou à une maladie et qui ne peut pas être apaisée, que l'enfant est conscient et que les médecins constatent que, grâce à son expérience, il parvient à exprimer sa douleur, qu'il formule une demande d'euthanasie avec ses parents, que le souhait ultime de l'enfant et de ses parents est de pouvoir se séparer ainsi, sereinement, pourquoi ne pourrait-on pas accéder à cette demande ?

Le fait que l'on considère de manière fondamentalement inégale la souffrance d'un adulte et la souffrance d'un enfant pose problème à l'intervenante. À cet égard, l'on part du principe que l'enfant est plus à même de supporter sa douleur.

Il est important, pour l'intervenante, que la proposition de loi soit adoptée. Elle ne veut dès lors pas compliquer l'examen de celle-ci en déposant un amendement formel. Les discussions avec les autres sénateurs ont montré qu'elle ne bénéficierait pas du soutien de ceux-ci au cas où elle en déposerait un. Elle n'en reste pas moins convaincue qu'il est de son devoir de partager le souci profond que lui inspire cette situation.

Une membre souhaite répondre à un précédent intervenant qui a cité, à l'appui de son exposé, l'exemple de l'article 369 du Code pénal, relatif à la tentative d'enlèvement, comme si l'on n'avait pas de définition de la tentative dans le Code pénal.

Or, cette définition existe; dans certains cas, la tentative est pénalisée, et dans d'autres pas.

L'intervenante se dit par ailleurs préoccupée, comme une précédente oratrice, par la mise en oeuvre de la Convention internationale sur les droits de l'enfant. Ceci montre combien, à partir du moment où l'on veut légiférer dans un domaine comme celui de l'euthanasie, on se trouve devant d'énormes difficultés.

Lorsqu'on définit des catégories précises auxquelles la loi s'applique, se pose la question de savoir ce que deviennent les personnes qui ne rentrent pas dans ces catégories, dont la souffrance n'est pas nécessairement moins intolérable, et qui ont tout autant droit à une mort digne.

Il n'est donc pas si simple de légiférer dans la matière qui nous occupe.

Une intervenante constate que certains membres plaident en avançant plus ou moins d'arguments contre une réglementation légale de l'euthanasie, dans laquelle la demande du patient jouerait un rôle central, qui imposerait plusieurs critères de prudence, qui ne contiendrait aucune disposition ayant de quelque manière que ce soit pour effet d'obliger le patient ou le médecin à accomplir un acte euthanasique. Ces membres n'ont-ils pas lu les résultats de l'étude Deliëns ? Ne veulent-ils pas empêcher, grâce à une dépénalisation bien conçue, que les abus qui ont été constatés jusqu'à présent se poursuivent ? Ne souhaitent-ils pas qu'on réprime ces abus ?

La membre estime que l'on ne saurait remettre en cause le droit à la vie, tel qu'il est défini à l'article 2 de la CEDH, mais elle estime, par ailleurs, que le droit à la vie doit être le droit à une vie digne. Ce droit doit exister, aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Alors que l'on est en train de mettre au point une solution pour la première catégorie, le problème reste malheureusement posé pour la deuxième, celle des enfants. Pour eux, il faudra continuer à avoir recours à la notion d'« état de nécessité ». Selon l'intervenante, le droit à la vie prend fin dès que la vie cesse d'être humaine, dès que la vie n'est plus une vie. Chacun connaît des situations dans lesquelles un patient souffre de manière intolérable et se voit devenir horrible. Dans ces cas, l'euthanasie doit être possible, que le patient soit ou non en phase terminale, à condition toutefois que certains critères de prudence soient respectés. Il n'empêche, évidemment, que chaque patient doit avoir la faculté de rester en vie jusqu'au dernier moment.

Un autre membre revient sur la question de l'interprétation de l'article 2 CEDH.

A. L'objet de l'article 2 CEDH

L'article 2 CEDH ne confère pas, à proprement parler, un droit à la vie mais impose aux États l'obligation de protéger le droit de chacun à la vie et leur interdit d'infliger la mort intentionnellement (210). Ce n'est donc pas la vie mais le droit à la vie qui doit être protégé (211).

Le « droit à la vie » au sens de cette disposition « n'est que le droit à la vie physique au sens usuel du terme et non le droit à une vie que l'individu concerné peut subjectivement qualifier de « décente » (212). Le droit protégé est donc le « droit de n'être pas mort » (213). Il ne s'agit pas non plus d'une obligation de rester en vie.

B. Le destinataire principal de la norme

Le devoir de protéger le droit à la vie s'adresse principalement au législateur (214). En effet, l'article stipule expressément que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ». On peut d'ailleurs se demander si l'absence d'une législation relative à l'euthanasie ne pourrait pas être en contradiction avec l'article 2.1 dans la mesure où aucune protection légale n'est prévue quant aux pratiques médicales de nature à raccourcir la vie.

C. Portée de l'article 2 CEDH

Cette disposition implique de la part des États de s'abstenir de commettre des actes qui mettent la vie en danger. Sa violation ne peut être invoquée à Strasbourg que si l'État a manqué à son devoir de protection du droit à la vie (215).

L'obligation de protéger le droit à la vie n'est remplie que si la législation visant à protéger le droit à la vie est effectivement appliquée (216). La protection accordée par la loi doit être effective : l'abstention de l'autorité de rechercher et de poursuivre les auteurs de privation illicite de la vie pourrait être critiquée devant les organes de Strasbourg (217). On peut ainsi soutenir que la situation actuelle (les parquets ne poursuivent pas les auteurs d'euthanasie bien que cette dernière tombe sous le coup de l'article 394 du Code pénal) constitue une non-exécution de la législation protectrice du droit à la vie et que de ce fait, l'article 2 CEDH n'est pas respecté.

La portée réelle du devoir de protection de l'État est, d'abord, l'obligation d'ériger en infraction les atteintes volontaires à la vie de la part des ses propres agents, et de définir avec précision les cas où la mort peut être légalement infligée. L'État est tenu à la même obligation à l'égard des atteintes au droit à la vie commises par des particuliers. Légiférer en matière d'euthanasie pourrait, sous cet angle, apparaître comme une obligation pesant sur le législateur national.

D. Euthanasie et article 2 CEDH

Ni la commission ni la Cour européenne de Strasbourg n'ont eu à se prononcer sur l'euthanasie, ni sur l'existence d'un droit à mourir, ni sur les rapports de ce droit avec le droit à la vie (218).

Bien que l'euthanasie paraisse condamnée par les termes formels du § 1er de l'article 2 CEDH et ne rentre dans aucune des exceptions visées au § 2 du même article, on constate cependant dans la doctrine et dans la jurisprudence une tendance à admettre l'euthanasie lorsque certaines conditions restrictives sont réunies (219).

L'euthanasie n'est pas per se en conflit avec la Convention (220). L'article 2 interdit aux autorités et aux particuliers de revendiquer le droit de mettre fin à la vie de quelqu'un sans sa volonté mais n'offre aucun fondement pour interdire à une personne le droit de mettre fin à ses jours, ou de demander à un autre de l'aider dans ce sens (221). Les euthanasies pratiquées sans le consentement de l'intéressé ne semblent a priori pas compatibles avec l'article 2 CEDH.

Toutefois, la valeur de la protection de la vie doit être mise en balance avec les autres dispositions de la Convention, en particulier l'article 3 qui interdit les traitements inhumains et dégradants (222). L'arrêt d'un traitement médical inefficace qui a pour conséquence d'entraîner la mort n'est pas en contradiction avec l'article 2 CEDH. On peut dire que l'interruption des traitements inutiles doit être élevée au rang de principe général de déontologie médicale. Tout traitement doit être évalué en fonction de son objectif. Il doit exister un rapport raisonnable entre les moyens et les objectifs d'un traitement sous peine de faire perdre tout sens au traitement donné. La protection de la vie visée à l'article 2 n'a pas, semble-t-il, de caractère absolu de telle manière qu'il commanderait la prolongation de traitements inutiles. Cela concerne également les personnes qui ne sont plus en mesure d'exprimer leur volonté; on pense aux personnes qui sont dans le coma depuis longtemps et pour lesquelles aucun traitement pouvant entraîner une amélioration de leur état n'est envisageable. De même, les traitements dont la conséquence est d'abréger la vie mais dont l'objet est de soulager les souffrances conformément aux règles de l'art de guérir ne sont pas contraires à l'article 2 CEDH (223).

Nombreux sont les auteurs qui adoptent une interprétation nuancée de cet article.

Un commissaire observe que les citations faites par le préopinant ne portent pas atteinte à l'argumentation relative à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le seul auteur à penser autrement est Van Dijk, un membre du parti néerlandais D66. L'intervenant renvoie à l'exposé du professeur Adams concernant la compatibilité d'une réglementation sur l'euthanasie avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a effectivement un rapport de tension entre les articles 2 et 3 de cette Convention, l'article 2 protégeant le droit à la vie tandis que l'article 3 interdit les traitements dégradants.

Dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les deux intérêts se contredisent, il faut faire un choix. Telle est précisément la portée de la notion d'« état de nécessité » : aucune infraction n'est commise, alors que l'acte matériel défini est bel et bien exécuté. Ceci dit, il y a bien entendu encore une distinction à faire entre mettre activement un terme à la vie et interrompre un traitement médical inutile.

On peut également citer ici la Recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe (1999) concernant la protection des droits de l'homme et la dignitié des malades incurables et des mourants.

Le Conseil demande expressément aux États membres :

« 9.c. de maintenir l'interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants :

i. vu que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, est garanti par les États membres, conformément à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que `la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement';

ii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers;

iii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort. »

Cette Recommandation laisse elle aussi ouverte la possibilité d'invoquer l'état de nécessité, mais elle indique simultanément qu'une légalisation conditionnelle de l'euthanasie telle que la suggère la proposition nº 2-244 dépasse largement les limites des droits de l'homme. Ni la Commission, ni la Cour des droits de l'homme n'ont dû, jusqu'à présent, se prononcer sur une réglementation légale, puisqu'il n'en existe toujours pas.

La Charte des droits fondamentaux, qui, contrairement à la Convention européenne des droits de l'homme, a vu le jour dans le cadre de l'Union européenne, énonce : « Toute personne a droit à la vie. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté. »

L'intervenant commence par faire remarquer que cette Charte n'a pas la même portée juridique que la Convention européenne des droits de l'homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, élaboré dans le cadre des Nations unies. L'intervenant renvoie à la doctrine sur la question. La Charte n'est qu'une déclaration de programme générale.

Autrement important est le fait que les similitudes et les points de divergence entre la Charte et la Convention européenne des droits de l'homme ont été exposés dans une note aux membres de la convention chargée de rédiger la Charte. Cette note dit, entre autres, que l'article 2 de la Charte a exactement la même portée et la même signification que l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il ne faut donc pas opposer ces articles l'un à l'autre. C'est ce qui ressort d'ailleurs également de l'exposé des motifs de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Enfin, l'intervenant renvoie à l'article 53 de la Charte, qui en précise le niveau de protection. Cette article indique qu'aucune disposition de la Charte ne peut être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leurs champs d'application respectifs, par le droit de l'Union européenne, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l'Union (...) ou les États membres, notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'intervenant conclut que la portée de la Charte est particulièrement claire. Elle ne déroge pas à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et ne peut du reste jamais y déroger. Même si c'était le cas ­ quod non ­ cette dérogation ne pourrait alors concerner que l'ordre juridique communautaire, parce que cette Charte ne porte que sur les compétences de l'Union européenne ­ et non sur les compétences qui reviennent aux États membres. En soi, cette Charte n'est donc absolument pas pertinente dans la problématique actuellement abordée dans la proposition de loi nº 2-244, à savoir celle de l'euthanasie.

Un autre membre répond qu'il ne lui a pas échappé que la Charte européenne n'a, en l'état actuel des choses, pas de pouvoir contraignant.

Les choses peuvent cependant évoluer, car un certain nombre de pays souhaitent en arriver à un corpus européen.

La question de la compatibilité et même de l'existence du Conseil d'Europe, en ce qu'il défend les éléments fondamentaux des libertés publiques, sera posée le jour où ce corpus deviendra obligatoire.

Ce jour-là, en effet, l'Union européenne deviendra réellement un État, capable de garantir à l'ensemble de ses ressortissants des libertés qui, actuellement, sont approuvées par une convention européenne qui doit être votée et ratifiée par l'ensemble des États membres.

L'objectif de l'intervenant était de souligner qu'alors que la CEDH n'avait pas pu, à l'époque, s'occuper de ces problèmes récents, ceux-ci ont maintenant été abordés, et que des amendements sur des questions comme celle de l'euthanasie ont été rejetés.

Le précédent intervenant a dit que la Charte européenne ne pouvait en quelque sorte être contraire à la CEDH.

Il postule par conséquent que la Convention interdit l'euthanasie. Or, cela est impossible, puisque pas un seul arrêt n'a abordé ce sujet, tout comme aucun arrêt n'a condamné la possibilité pour les États de légiférer en matière d'avortement.

En ce qui concerne la Recommandation du Conseil de l'Europe, outre la valeur relative d'un tel texte, il faut rappeler qu'elle a été votée un vendredi matin par le quart des membres.

Par contre, quand on vote des textes comme la Convention européenne de bioéthique, ou la directive sur les brevets en matière de biotechnologie, on le fait un jour où tout le monde est là, ce qui donne lieu à des votes significatifs.

Le préopinant réplique que les auteurs de la Convention européenne des droits de l'homme n'ont jamais pensé à la possibilité de l'euthanasie. La rédaction de cette Convention a eu lieu juste après la Seconde Guerre mondiale, à la lumière de la barbarie du nazisme en Europe. L'intervenant ne souhaite absolument pas donner l'impression que la proposition de loi nº 2-244/1 irait dans le même sens, mais il estime important de rappeler les circonstances dans lesquelles la Convention européenne des droits de l'homme a vu le jour ainsi que l'objectif poursuivi, qui est d'interdire les traitements humiliants et dégradants infligés aux êtres humains. De telles garanties n'étaient pas inscrites dans les constitutions classiques, parce que jusque-là, tout le monde croyait qu'elles étaient évidentes. C'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle la protection de la dignité humaine a été inscrite explicitement dans la constitution allemande après la Seconde Guerre mondiale.

Le membre fait remarquer par ailleurs que les circonstances dans lesquelles la Recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe a vu le jour en mai 1999 ne sont nullement pertinentes. La Recommandation est légitime, et au cas où d'autres estimeraient que ce n'est pas le cas, ils ont toujours la possibilité de faire voter une autre recommandation. Le fait que cela ne se soit pas produit démontre à suffisance qu'il y a bel et bien au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe une majorité favorable à la Recommandation nº 1418. En outre, la tendance de la grande majorité des commentaires relatifs au texte néerlandais approuvé par la Deuxième Chambre fait clairement apparaître qu'il y a bien un conflit entre ce texte et l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Un membre en revient à l'article paru dans un quotidien et intitulé : « L'euthanasie à n'importe quel prix, et qu'on m'achève. »

Il pense que la proposition en discussion ne rend certainement pas possible l'euthanasie à n'importe quel prix, et ne la considère certainement pas comme un achèvement, mais comme l'aboutissement d'un dialogue et d'une réflexion.

L'intervenant s'abstiendrait donc, pour défendre l'euthanasie, de faire référence à cet article, d'autant plus que celui-ci illustre une part de ses préoccupations. Autant l'intervenant est partisan du respect des options philosophiques de chacun où se fait le choix sur la façon de vivre sa mort, autant il entend que l'on défende aussi le citoyen lorsqu'il est en situation de vulnérabilité.

Une série d'amendements proposés vont dans ce sens. On peut lire dans l'article précité : « Un jour, je suis tombée sur le trottoir, dans mon quartier de riches. Des passants m'ont donné des coups, traitée de soularde. Un autre jour, j'avais fait une chute au milieu de la rue. Les voitures me contournaient. »

C'est là ce qu'on peut appeler une pression sociale.

L'article ajoute : « Pauline vit seule. Une fois par semaine, elle reçoit la visite d'une aide familiale. Ses enfants n'habitent pas loin, mais ... `Il y a deux ans, le soir de Noël, je m'étais retrouvée seule. Ma fille m'avait récupérée à l'hôpital, après une tentative de suicide'. »

Il y a là, manifestement, un manque d'aide sociale.

On peut lire encore dans cet article : « Pauline tente de nous convaincre qu'elle n'est pas dépressive, qu'elle possède toute sa raison. »

On se trouve donc plus dans un cas de désespoir existentiel, et ce n'est pas à la médecine à y répondre, mais à la société.

L'intervenant ajoute qu'il appuiera certaines des propositions et suggestions d'amélioration du texte formulées par une précédente intervenante.

Personnellement, il n'aperçoit pas, dans le débat, deux groupes, dont l'un regrouperait les sénatrices et les sénateurs favorables à une loi explicite, et un autre qui regrouperait les opposants à une telle loi. Il y a un groupe favorable à une loi explicite et un autre à une objectivation de l'état de nécessité, mais sur ce point, il faut répondre aux objections du professeur Messine sur les effets pervers d'une approche par l'état de nécessité, et à celles du professeur Vincent, notamment.

Parmi ceux qui sont favorables à une loi explicite, l'intervenant distinguerait deux groupes : un groupe majoritaire dans la majorité, qui appuie le texte de base, partiellement amendé, et un groupe minoritaire dans la majorité, qui souhaite un texte sous-amendé, avec référence plus explicite aux droits du patient.

Les amendements déjà apportés au texte de base rencontrent un certain nombre des préoccupations de ce groupe minoritaire, mais de façon encore insuffisante.

Quant à la souffrance extrême des enfants dans certains cas, c'est un souci que partage l'intervenant.

Celui-ci estime qu'il faut travailler de façon progressive, en rencontrant les difficultés au fur et à mesure, car celles-ci sont trop importantes pour pouvoir être surmontées toutes à la fois.

Une précédente intervenante a rappelé à juste titre que la loi ne peut couvrir toutes les situations de fin de vie. Vouloir le faire serait illusoire et abusif. Il y aura toujours un espace pour en appeler à l'état de nécessité. Mais cela ne signifie pas que l'on arrêtera le travail une fois les propositions à l'examen votées. On est en effet entré dans une période où les débats bioéthiques vont se succéder, et où l'on ne peut laisser les questions éthiques, en raison d'un forfait démocratique, aux mains des seuls experts. Il doit s'agir d'un enjeu de société permanent pour l'avenir. D'où l'importance du présent débat, qui prépare la voie aux autres.

Un sénateur regrette qu'un intervenant précédent ait annoncé son intention de ne pas déposer d'amendements concernant la problématique de l'euthanasie chez les mineurs. Cette problématique mérite en effet aussi une discussion urgente. L'intervenant dit comprendre en revanche que l'on ne veuille pas hypothéquer une législation sur l'euthanasie en y ajoutant des éléments qui, malheureusement, ne sont toujours pas susceptibles d'être discutés. Il renvoie aux amendements qu'il a déposés à ce sujet.

À la remarque, faite par un intervenant précédent, selon laquelle les Pays-Bas seraient actuellement isolés en matière d'euthanasie, le sénateur réplique que l'euthanasie est aujourd'hui pratiquée partout sans qu'il existe de cadre légal. Les Pays-Bas ne sont pas seulement isolés parce qu'ils sont le seul pays à avoir approuvé une dépénalisation explicite, ils le sont aussi parce qu'ils ont introduit en l'espèce un certain nombre de critères de prudence qui font défaut ailleurs.

Le sénateur constate qu'il existe une certaine confusion conceptuelle entre l'euthanasie et l'assistance au suicide. Les interventions de plusieurs préopinants le confortent dans la conviction que dans certains cas, cette distinction n'a plus de raison d'être. On va dès lors se trouver devant un vide juridique dangereux si l'assistance au suicide n'est pas réglementée. Le sénateur espère que la lecture du texte néerlandais, dans lequel cet aspect est bel et bien abordé, convaincra certains membres qu'il doit en être ainsi en Belgique également.

L'intervenant observe que l'euthanasie pratiquée sur des patients ne se trouvant pas en phase terminale pose un problème à plusieurs membres ­ tant de la majorité que de l'opposition. Dans quelle mesure seraient-ils disposés à mener le débat sur la dépénalisation conditionnelle de l'euthanasie ­ et non, dès lors, sur l'application de la construction de l'état de nécessité ­ s'il se limitait aux patients en phase terminale ? S'ils y étaient disposés, on pourrait peut-être aboutir à un consensus beaucoup plus large au sein des commissions réunies et de l'assemblée plénière du Sénat. Le sénateur souhaite de la sorte faire une ouverture dans le débat, bien qu'il soit lui-même partisan d'une réglementation légale applicable également aux patients qui ne se trouvent pas en phase terminale. Il exprime néanmoins sa crainte de voir certains camper sur leurs positions et n'envisager d'autre solution que l'état de nécessité pour les patients en phase terminale également.

Un membre constate que les demandes d'euthanasie en règle générale ne sont pas formulées prioritairement par le patient. Elles le sont souvent par l'entourage et, éventuellement, par le corps médical.

Dans une large mesure, les demandes d'euthanasie, au moins lorsqu'elles sont formulées pour la première fois, sont souvent des appels à l'aide, à avoir une attention bienveillante sur les plans médical, psychologique et affectif, par rapport au patient, à prendre en compte sa souffrance, sa détresse, son sentiment que sa vie devient difficilement supportable.

Dans la grande majorité des cas, les soins palliatifs, en tant qu'accompagnement global du malade, apportent une réponse, et le patient obtient le soulagement qu'il demande.

En tant que médecin, l'intervenant souhaite également formuler une observation sur le contexte général actuel qui prévaut dans les hôpitaux, dans les maisons d'hébergement pour personnes âgées, et dans tous les lieux où le personnel médical est confronté à des personnes en fin de vie ou gravement malades.

Ce personnel se dit confronté à des problèmes de temps, d'absence de dialogue, de manque de moyens en personnel pour humaniser les soins.

Les hôpitaux sont, il faut le rappeler, tenus par la loi d'atteindre un équilibre budgétaire, et donc une certaine efficacité dans la prestation des soins.

Cette efficacité est importante et louable, mais peut parfois s'opposer à la recherche de temps, de dialogue, et d'humanisation, entre les équipes soignantes et les patients.

Il y a donc peu de temps pour la discussion éthique et, en outre, il faut bien constater une méconnaissance de la part des médecins du traitement de la douleur.

Le patient en fin de vie est extrêmement vulnérable, et dépendant de son entourage, du personnel médical et de la compétence de celui-ci, des avis qui lui sont donnés, du temps qui lui est consacré. Le regard que pose l'entourage sur lui est souvent celui que l'on pose sur une personne qui ne jouit plus de toute son autonomie, qui n'est plus entièrement capable d'exprimer ses volontés.

L'autonomie d'un patient en fin de vie est effectivement toute relative. L'intervenant cite les propos de Mme Herremans, présidente de l'ADMD, qui déclarait dans la presse (La Libre Belgique du 23 décembre 2000) : « Lorsque l'être humain est envahi par la souffrance, qu'il n'est plus que douleur, il n'y a plus de place à la communication avec les autres, il n'y a plus de place à la liberté de faire des choix. »

Lorsqu'on invoque l'autonomie du patient comme fondement du droit de celui-ci à réclamer l'euthanasie, on ne prend pas suffisamment de précautions par rapport à la réalité de cette autonomie, au regard notamment des pressions économiques, affectives, familiales ou sociales.

Celles-ci peuvent amener le patient à formuler des requêtes qui ne correspondent pas nécessairement à sa volonté intime. C'est sur le contenu de cette dernière qu'il faut s'interroger.

L'intervenant considère que la question de l'euthanasie ne peut être traitée isolément. C'est, à ses yeux, un des défauts majeurs de la proposition de loi à l'examen, qui traite de l'élément sans doute le moins fréquent parmi toutes les situations de fin de vie, lesquelles sont extrêmement variées.

Il est fort dommage que l'on n'ait pas adopté le point de vue plus global des droits du patient, pour prendre en compte l'ensemble des problèmes relatifs à la fin de vie.

L'intervenant souligne par ailleurs que la Belgique serait le deuxième pays au monde, après les Pays-Bas, à dépénaliser l'euthanasie; il n'est pas sûr qu'il faille être pionnier en ce domaine. L'orateur précise qu'il a toujours porté beaucoup d'attention et de respect aux déclarations du Conseil de l'Europe, sans sélectionner ce qui lui convient ou non dans celles-ci. L'opposition du Conseil à la nouvelle législation hollandaise lui paraît être un élément fondamental à prendre en considération.

Il fait confiance à cette institution internationale, que les gouvernements ont voulue, et qui a fait un travail remarquable sur toutes les questions qu'elle a traitées.

Il serait regrettable qu'à travers la dépénalisation de l'euthanasie, on mette à mal une telle institution.

Un autre membre réplique que la délégation belge au Conseil de l'Europe est incapable de faire valoir son point de vue parce que, précisément en raison du fait que les commissions réunies discutent de l'euthanasie, elle ne peut plus s'adresser à Strasbourg pour y défendre son point de vue.

Le précédent intervenant répond que l'on ne peut faire grief au Conseil de l'Europe d'avoir intentionnellement organisé ses réunions de telle sorte que la délégation belge ne puisse y participer.

Il n'est, de plus, pas certain que les autres États membres modifieraient leur point de vue sur la question.

L'avis du Conseil de l'Europe n'est pas récent, et il n'a pas été modifié, mais répété récemment (recommandation nº 1418).

L'intervenant regrette que certains parlementaires qui représentent la Belgique au Conseil de l'Europe ne prennent pas davantage en compte des travaux aussi importants émanant d'une telle institution.

En ce qui concerne le § 2 de l'article 3, qui traite notamment de la procédure écrite à suivre, l'intervenant déclare qu'en tant que médecin, il est extrêmement étonné de la rédaction de cette disposition. Il pense que les formalités prescrites seront difficilement praticables. D'abord, il s'agit essentiellement d'imposer au patient une série de contraintes de procédure qui devraient l'être surtout au médecin.

Autant il est important que celui-ci s'entoure d'avis médicaux, autant il est difficile, voire cruel, de demander à un patient d'acter par écrit sa demande d'euthanasie, en présence d'un tiers.

Cette procédure, imposée au patient, est figée. Quand formule-t-il sa demande par écrit ? Est-ce la première, la deuxième ou la troisième fois qu'il rencontre le corps médical ?

Qui est le témoin majeur qui doit assister à la rédaction de la requête du patient ? On rompt ici nettement le colloque singulier entre le médecin et le patient.

Quid si le patient vit seul, et qu'il ne connaît pas de personne qui puisse être témoin ? Prendra-t-on la première personne qui passe, ou le patient n'aura-t-il pas accès à l'euthanasie s'il ne peut faire appel à un témoin ?

Comment pourra-t-on démontrer la présence du témoin ? Sous-entend-on qu'il devra cosigner ou co-rédiger la requête du patient ?

La proposition cosignée par l'intervenant prévoyait que le médecin devait demander l'avis d'un autre médecin et de l'équipe soignante, et que cela devait figurer dans le dossier médical.

Par ailleurs, l'amendement nº 14 prévoit que le document écrit doit, le cas échéant, constater que le patient n'est pas en état de signer. On peut supposer que, s'il n'est plus en état de signer, il n'est pas non plus en état de rédiger.

Dans ce cas, la requête serait donc rédigée par un tiers, qui mentionne les raisons pour lesquelles le patient n'a pu la rédiger lui-même. Quelle preuve a-t-on à ce moment que le patient est d'accord avec la requête ?

N'y a-t-il pas là un danger considérable ?

Enfin, on a maintes fois invoqué, à l'appui de la proposition à l'examen, le fait que celle-ci renforcerait la sécurité juridique des médecins.

Il faut rappeler que le nombre de poursuites qui ont eu lieu est extrêmement limité.

Par contre, l'intervenant relève, comme l'a confirmé l'Absym, que les médecins ne se sentent pas du tout assurés d'une plus grande sécurité juridique par l'adoption de la proposition de loi à l'examen.

Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas légiférer en matière d'euthanasie.

Le groupe de l'intervenant a affirmé à plusieurs reprises qu'il était favorable à une exception d'euthanasie en fin de vie.

Un cadre légal amènerait en tout cas un contrôle accru, et donc plus de situations où les médecins sont amenés à se justifier de leurs actes. Il est donc faux de prétendre que la législation proposée aurait pour effet qu'il y aurait moins d'affaires soumises à la justice.

Un autre membre souhaite s'arrêter à quelques questions qui ont été posées lors de la discussion générale et qui concernent la portée exacte de l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que le problème de l'état de nécessité.

En ce qui concerne la portée de l'article 2 de la CEDH, l'intervenant renvoie aux passages suivants de la contribution intitulée « Het leven, de dood en de grondrechten. Juridische beschouwingen over zelfdoding en euthanasie », que le professeur Velaers a apportée au livre Over zichzelf beschikken ? Juridische en ethische bijdragen over het leven, het lichaam en de dood (dans la série « Het recht en de samenleving » ­ Bijdragen van het Centrum Grondslagen van het Recht van de Universiteit Antwerpen (UFSIA), Anvers, Maklu, 1996).

« Het `recht op leven' en de plicht van de overheid om het leven te beschermen, is dan ook het meest fundamentele mensenrecht. Het is immers de voorwaarde om de overige grondrechten te kunnen uitoefenen. De Belgische grondwetgever vond het « recht op leven » klaarblijkelijk dermate vanzelfsprekend, dat hij naliet het uitdrukkelijk in de Grondwet te erkennen. »

« De na-oorlogse mensenrechtenverdragen waarborgen het recht op leven wel. Zo bepaalt artikel 2 van het EVRM : `Het recht van eenieder op het leven wordt beschermd door de wet. Niemand mag opzettelijk van het leven worden beroofd ( ... )' Ook artikel 61 van het UNO-verdrag tot bescherming van de burgerlijke en politieke rechten bepaalt dat de wet het recht op leven moet beschermen. Aldus geformuleerd is het recht op leven in wezen een afweerrecht. Het leven is geen concessie van de Staat aan haar burgers. Het is wel een natuurlijk gegeven dat de Staat heeft te eerbiedigen en dat hij daarenboven moet doen eerbiedigen door de medeburgers. De Europese Commissie noemde dit recht op leven de `hoeksteen voor alle andere rechten' (ECRM, Kirkwoord versus V.K., nr. 10479/83, DR, nr. 37). »

« Het recht op leven houdt in de eerste plaats voor de overheid de verplichting in het recht op leven van zijn burgers zelf te eerbiedigen en hen dus het leven niet te ontnemen. Artikel 2 voorziet wel meteen in een uitzondering. Het bepaalt : `Niemand mag opzettelijk van het leven worden beroofd, tenzij bij wege van ten uitvoerlegging van een vonnis, dat is uitgesproken door een rechtbank, wegens een misdrijf waarop de wet de doodstraf heeft gesteld'. Uit artikel 2 van het EVRM blijkt dus dat de doodstraf mogelijk is. Inmiddels is evenwel het zesde protocol bij het EVRM in werking getreden. Het eerste artikel ervan luidt : `De doodstraf is afgeschaft. Niemand wordt tot een dergelijke straf veroordeeld of terechtgesteld.' `België heeft intussen dit protocol bekrachtigd, aangezien de doodstraf recent uit het Strafwetboek werd geschrapt. Artikel 2, tweede lid, van het EVRM voorziet in drie gevallen waarin de levensberoving niet strijdig is met dit artikel, met name wanneer deze het gevolg is van geweld dat absoluut noodzakelijk is, a) ter verdediging van wie dan ook tegen onrechtmatig geweld, b) ten einde een rechtmatige arrestatie te verrichten of het ontsnappen van iemand die op rechtmatige wijze gevangen wordt gehouden, te voorkomen, of c) ten einde, door middel van wettige maatregelen, een oproer of opstand te onderdrukken.' Volgens de Europese Commissie gaat het hier om een exhaustieve lijst (ECRM, 13 januari 1993, inzake Kelly tegen V.K., nr. 17579, DR, 74, blz. 139). Slechts in deze gevallen kan een vrijwillige levensberoving verantwoord zijn, niet in andere. »

C'est à partir de cet important point de départ qu'il convient d'examiner s'il faut obliger les citoyens à respecter la vie l'un de l'autre, sous quelles conditions il faut le faire et s'il est possible de renoncer à ce droit à la protection de la vie en autorisant un tiers à le transgresser.

« Artikel 2, eerste lid, van het EVRM luidt : `Het recht van eenieder op het leven wordt beschermd door de wet.' Artikel 2 houdt voor de overheid niet alleen een negatieve onthoudingsverplichting in (« Gij zult niet doden! »), doch ook een positieve prestatieverplichting (« Gij zult het leven beschermen. ») De Europese Commissie heeft dit uitdrukkelijk erkend. Zo stelde de Commissie dat « la première phrase de l'article 2 impose à l'État une obligation plus large que celle que contient la deuxième phrase : l'idée que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi » enjoint à l'État non seulement de s'abstenir de donner la mort « intentionnellement » mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie » (ECRM, 12 juillet 1978, nº 7154/75, inzake X. tegen V.K.; ECRM, 28 février 1983, nº 9348/81; ECRM, 2 septembre 1991, affaire Dujardin contre France, nº 16734/92). Uit de algemene formulering van artikel 2 blijkt dat de Staat de verplichting heeft het leven te beschermen tegen elke levensbedreiging, ook wanneer deze uitgaat van medeburgers. Artikel 2 heeft met andere woorden niet alleen een verticale werking tussen de overheid en de burger, het dwingt de Staat er ook toe om een horizontale werking te geven aan het recht op leven, zodat ook « derden » verplicht zijn het te eerbiedigen (derdenwerking). »

« Artikel 2 EVRM bepaalt uiteraard niet exhaustief op welke wijze de Staat zijn positieve verplichtingen uit artikel 2 kan voldoen. In beginsel beschikt de Staat hier over een beoordelingsvrijheid. Deze is echter niet absoluut. Zo impliceert artikel 2 van het EVRM hoe dan ook dat de Staat moord en doodslag in beginsel verbiedt en strafbaar stelt, en dat bij de schuldige aan moord of doodslag opspoort, vervolgt en bestraft (onder meer : ECRM, 2 september 1991, inzake Dujardin tegen Frankrijk, nr. 16734/90). Zo het overlijden het gevolg is van het gewelddadig optreden van de overheid, vergt artikel 2 procedurele waarborgen voor een openbaar en onafhankelijk onderzoek naar de omstandigheden van het overlijden. »

« Artikel 2 impliceert met name ook, zo, oordeelde de Europese Commissie, dat het mogelijk is de eventuele verantwoordelijkheid van een geneesheer voor het overlijden van zijn patiënt vast te stellen. Volgens de Commissie impliceren de positieve verplichtingen die de Staat heeft met het oog op de bescherming van het leven `la mise en place par les hôpitaux de mesures réglementaires, propres à assurer la protection de leurs malades.' en daarenboven `l'obligation d'instaurer un système judiciaire efficace permettant d'établir la cause d'un décès survenu à l'hôpital et éventuellement la responsabilité des médecins traitants.' (ECRM, 22 mei 1995, inzake Isiltan tegen Turkije, nr. 20984/92). »

Il est dès lors tout à fait inexact d'affirmer que la portée de l'article 2 de la CEDH n'a jamais fait l'objet d'un jugement, comme le montrent les nombreuses décisions citées de la Commission européenne des droits de l'homme. Il s'ensuit qu'à chaque fois qu'il est question d'euthanasie, l'article 2 de la CEDH est en cause. Aussi est-ce à tort que certains juristes ont prétendu le contraire lors des auditions.

Selon l'intervenant, il y a lieu de se demander dans quelle mesure on pourrait éventuellement renoncer au droit à la vie.

« Het `recht op leven' behoort de mens niet toe. De mens kan er geen afstand van doen (Cf. Jacobs, F.G., The European Convention on Human Rights, Londen, Clarendon, 1975, p. 22; Hirsch Ballin, EMH, « Over het leven beschikken », RR. 1984, p. 183; Schalen, TM, « Euthanasie en de rechtspolitieke betekenis van het gewetensconflict », NJB, 1984, p. 44). »

Selon les commentaires récents de M. Frohwein au sujet de l'article 2 de la CEDH, les exceptions précitées constituent un « état de nécessité ». C'est dès lors que dans le cadre de l'état de nécessité que l'on peut, aux dires de cet éminent auteur, renoncer au droit à la vie.

Une personne ne peut renoncer simplement à son droit à la vie, parce que ce droit, à l'instar d'autres droits fondamentaux, est « d'ordre public ». Cela signifie qu'une convention qui s'écarterait de ce principe serait dépourvue de force juridique. L'intervenant renvoie à l'exemple précité de l'esclavage, mais donne également un autre exemple. Un contrat dans lequel tout contrôle judiciaire serait exclu à l'avance serait contraire à l'article 6 de la CEDH, selon lequel toute contestation sur les droits de caractère civil doit pouvoir faire l'objet d'un recours en justice devant un tribunal indépendant et impartial. Cela a été confirmé à plusieurs reprises par la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme.

Le raisonnement ci-dessus s'applique également à l'article 2 de la CEDH. Le renoncement au droit à la vie que ferait le patient serait contraire à l'article 2 de la CEDH. Une personne ne peut, par son assentiment, conférer d'immunité pénale à celui qui le prive de la vie. Il n'est par exemple pas possible d'organiser un match de boxe pour lequel les deux boxeurs se déclarent au préalable d'accord de combattre jusqu'à la mort.

« De diepere, achterliggende reden is dat het recht op leven niet alleen een zaak is van het individu. Met de eerbied voor het leven is meer in het geding. Ook de samenleving is betrokken. Binnen het rechtsgoed van het leven tekenen zich twee waarden af, schrijft Mulder, enerzijds de waarde die het voor de gemeenschap heeft, anderzijds de waarde die het voor het individu heeft. »

On ne peut pas dire que le droit à l'autodétermination soit en quoi que ce soit pertinent pour la formulation du problème juridique. Ce droit peut éventuellement jouer un rôle dans l'appréciation de l'état de nécessité, mais il est dépourvu de pertinence par rapport à l'article 2 de la CEDH lui-même. Le caractère irrévocable de la mort, surtout, nécessite la plus grande vigilance. Tout cela n'est nullement contesté par d'éminents auteurs.

On peut toutefois se demander quelles sont les conséquences de la lecture conjointe de l'article 2 de la CEDH et des articles 3 ­ interdisant les traitements inhumains ou dégradants ­ et 8 ­ garantissant la protection de l'intégrité physique ­ de la même convention.

« De artikelen 3 en 8 van EVRM impliceren o.i. dat de Staat de geneesheer slechts mag toelaten inbreuk te plegen op de lichamelijke integriteit van zijn patiënt, voorzover het medisch handelen zinvol is, voorzover het een curatief karakter heeft. Dit is meteen ook de grens van het medisch handelen. De geneesheer heeft niet het recht therapeutische hardnekkigheid te bedrijven. »

La confusion ­ créée délibérément au non ­ autour de la question de savoir si l'arrêt d'un traitement médical inutile peut être qualifié ou non d'euthanasie est particulièrement regrettable. L'arrêt d'un traitement devenu inutile n'entraîne pas, en effet, le décès du patient. Dans ce cas, le patient meurt de son affection. Il y a lieu d'en tenir compte lorsqu'on apprécie l'intervention du médecin.

On peut se demander sous quelles conditions un médecin pourrait mettre fin intentionnellement à la vie du patient, à la demande de celui-ci. Un conflit peut surgir en l'occurrence entre l'article 2 ­ protection de la vie ­ et l'article 3 de la CEDH ­ interdiction des traitements inhumains. Le droit à l'autodétermination est à cet égard sans importance puisqu'on ne peut renoncer à l'un des deux droits fondamentaux cités.

« Dat betekent meteen dat de overheid aan het einde van een mensenleven voor een dilemma kan staan. Vanuit het EVRM heeft hij een dubbele verplichting : enerzijds het leven beschermen (artikel 2 EVRM), en anderzijds de mens van onmenselijke en vernederende behandelingen vrijwaren (artikel 3 EVRM). »

« Voor het conflict van grondrechten biedt het EVRM zelf geen oplossing. Van een principiële voorrang van het ene grondrecht op het andere is er geen sprake. Uit niets blijkt immers dat het recht op leven (artikel 2 EVRM), dat overigens voor beperkingen vatbaar is, zou voorgaan op het verbod van onmenselijke en vernederende behandelingen (artikel 3 EVRM), dat geen uitzonderingen duldt. Dat betekent dat men ruimte krijgt om zelf voor het conflict van grondrechten een oplossing te vinden voor euthanaserend handelen. »

« Het conflict van grondrechten geeft immers reeds de contouren ervan aan. We onderzoeken hierna een vijftal, in abstracto geformuleerde criteria, die men o.i. in het licht van het conflict van grondrechten kan vooropstellen : het moet gaan om een ongeneeslijk zieke patiënt wiens leven niet meer te redden is (a), die ondraaglijk lijdt (b) die om die reden het eigen leven niet meer levenswaard vindt en verzoekt uit dit lijden verlost te worden (c); de euthanasie is daartoe het « enige middel » (d), waartoe in samenspraak tussen geneesheer en patiënt wordt beslist. (e) »

Lorsqu'au début des années 70, les juges néerlandais ont été confrontés au problème, ils ont recouru à la théorie de l'état de nécessité pour trouver une solution à ce conflit de droits fondamentaux.

Dans sa proposition de loi, l'intervenant part du principe que, dans le cadre de l'état de nécessité, l'euthanasie ne se justifie que lorsque le patient se trouve en phase terminale. Il n'existe pas de réponse absolue à la question de savoir ce qu'il convient d'entendre par « patient en phase terminale », puisqu'il est difficile d'avancer un nombre de jours et que chaque situation concrète appelle une réponse appropriée.

« In een arrest van het Amerikaanse Court of Appeals van 6 maart 1996 in de « Compassion in dying »-zaak ging het om terminale patiënten die hun geneesheren vroegen om hen te helpen bij zelfdoding door een euthanaserend middel voor te schrijven. »

« De cruciale voorwaarde in het arrest van het Court of Appeals is dat het om een « terminale patiënt » moet gaan, een, patiënt waarvan de dood « imminent and inevitable » is, en die vraagt om hulp bij zelfdoding omdat hij een « goede dood » wenst. Volgens de Amerikaanse « Uniformed Rights of the Terminally Ill Act », is een patiënt terminaal wanneer zijn medische toestand « incurable and irreversible » is. Dat betekent dat « without administering life-sustaining treatment the condition, will, in the opinion of the attending physician, result in death in a relatively short time. »

Le champ de tension qui relie les articles 2 et 3 de la CEDH détermine les limites dans lesquelles les autorités nationales peuvent prendre des mesures légales en matière d'euthanasie.

« De ziekte dient dus in de eerste plaats « niet behandelbaar » te zijn. Het betreft hier uiteraard een medisch oordeel. Het komt aan de geneesheer toe om vast te stellen of er nog een reëel behandelingsperspectief bestaat. Is dat het geval, dan is de patiënt niet « terminaal ».

« Euthanaserend handelen is ons inziens slechts mogelijk wanneer er werkelijk sprake is van een conflict van grondrechten. De Staat mag de bescherming van het leven (artikel 2) slechts opgeven, wanneer dit het enige middel is om de patiënt voor een onmenselijk lijden (artikel 3) te behoeden. Alleen dan is er van een echt conflict van grondrechten sprake, alleen dan kan een beroep worden gedaan op de strafrechtelijke rechtvaardingsgrond « noodtoestand ». Die wordt immers beheerst door het subsidiariteitsbeginsel : er is een noodtoestand indien het doel dat de dader wilde bereiken ook op een « andere, niet of minder strafbare wijze bereikt had kunnen worden ». Of met andere woorden er dient sprake te zijn van « medische onvermijdelijkheid ».

Cela ne signifie pas pour autant qu'une approche purement chiffrée, mathématique, du problème soit possible. Selon l'intervenant, le fait de refuser un traitement exclut que l'on puisse invoquer l'état de nécessité, mais dans certaines circonstances le refus d'un traitement alternatif peut quand même donner lieu à une situation de détresse, ce qui a pour effet qu'il peut être accédé à une demande d'euthanasie.

Résumant le problème de l'incompatibilité de la loi relative à l'euthanasie et de la CEDH, l'intervenant déclare que ceux qui estiment qu'il ne pourrait y avoir de problème en la matière ne peuvent en tout cas pas invoquer une quelconque décision de la Commission européenne des droits de l'homme, puisque celle-ci a plusieurs fois affirmé que l'on ne peut renoncer aux droits garantis par l'article 2. L'opinio communis de la plupart des auteurs est conforme à ce point de vue.

L'on n'a probablement pas encore dit le dernier mot en la matière, mais il est important d'indiquer dans quelles limites le législateur peut se mouvoir à la lumière de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour ce qui est de la question de l'état de nécessité, l'intervenant déclare, en faisant référence à l'intervention du professeur Vermeersch, qu'il doit toujours pouvoir être invoqué dans un cas particulier. Il est impossible de prévoir dans une loi que l'état de nécessité peut être invoqué dans un cas déterminé, et pas dans un autre. Il pourrait consentir à ce que les conditions qui doivent être remplies pour pouvoir invoquer l'état de nécessité, soient définies dans une loi.

Dans son audition, le professeur Vincent a notamment déclaré qu'il était souhaitable de recourir à l'état de nécessité. M. Panier, par contre, a estimé que l'état de nécessité ne constituait pas la meilleure construction juridique pour régler l'euthanasie. Il appelle à définir clairement les conditions légales, sans avoir toutefois démontré qu'une réglementation fondée sur l'état de nécessité serait a priori impraticable.

Le professeur Adams déclare lui aussi, en se fondant sur l'article 2 de la CEDH, que la seule manière de régler légalement le problème de l'euthanasie est le recours à l'état de nécessité. Il part du principe que la lex specialis prime la lex generalis, ce qui permet de préciser la portée de l'état de nécessité dans une matière pénale spécifique sans pour autant porter atteinte à la théorie générale de l'état de nécessité dans les autres cas.

Le professeur Dalcq a fait une proposition concrète prenant en compte toutes les hypothèses. À un moment donné, il juge qu'on peut régler le problème uniquement en invoquant l'état de nécessité. Il propose concrètement de rétablir dans une nouvelle version l'article 72 du Code pénal, qui avait été abrogé jadis, et dans lequel on prévoirait, à l'intention du médecin, un état de nécessité dans des circonstances déterminées. C'est le cas notamment lorsque le patient fait état d'une souffrance et d'une douleur insupportables et lorsque le médecin agit dans le cadre de l'arrêté royal nº 78, qui précise les conditions procédurales. Le professeur Dalcq doute d'ailleurs fortement que la proposition nº 2-244 soit conforme aux articles 2 et 3 de la CEDH.

Le professeur Schotsmans a lui aussi défendu le point de vue selon lequel seul l'état de nécessité pouvait résoudre le problème de l'euthanasie pour qu'il y ait conformité aux articles 2 et 3 de la CEDH. L'intervenant n'est pas d'accord sur la thèse du professeur Messine, selon laquelle pareille solution ne serait pas opérationnelle.

Le membre constate que bon nombre des experts entendus ont exprimé le souhait de maintenir l'euthanasie dans le droit pénal, tout en prévoyant une solution pour les cas critiques, par exemple au moyen de la construction juridique de l'état de nécessité, parce que, de cette manière, l'interdiction générale de tuer autrui continue à valoir sans restriction aucune. L'intervenant ne peut souscrire à l'hypothèse que la mention explicite de l'état de nécessité pour des délits déterminés aurait pour conséquence qu'il ne serait plus question, en réalité, d'un état de nécessité. Si l'on admet en effet que, dans la jurisprudence, l'état de nécessité soit précisé par des jugements et des arrêts, pourquoi ne pourrait-on pas admettre que le législateur le précise dans la loi ? En effet, cela n'épuise pas la construction juridique de l'état de nécessité, qui, s'appliquant d'une manière générale, peut continuer à sortir son plein et entier effet.

Cette formule a certaines conséquences. C'est ainsi qu'on ne peut simplement tout grouper sous le dénominateur « état de nécessité ». Cette solution se distingue ainsi de celle qui consisterait en une autorisation générale prévue par la loi. L'état de nécessité sert en effet d'issue lorsqu'il y a conflit entre deux droits fondamentaux équivalents. C'est une garantie contre l'éventuelle dérive morale qui pourrait résulter d'un élargissement trop important du champ d'application.

Si l'on veut être logique, il est souhaitable de rétablir, après l'article 71 du Code pénal relatif aux causes de justification, un article 72, qui prévoit que la loi peut définir les circonstances particulières dans lesquelles l'état de nécessité peut être invoqué. Pareille loi pourrait prévoir dans quelles circonstances particulières l'euthanasie est possible. Cette solution présente l'avantage que l'interdiction de pratiquer l'euthanasie continue à figurer sans restriction dans le droit pénal, mais qu'il peut être question, dans des circonstances déterminées, d'un « état de nécessité » au sens pénal du terme. Dans ce cas, ces circonstances doivent être interprétées strictement et peuvent uniquement concerner un conflit entre deux droits fondamentaux. Cela signifie concrètement que l'euthanasie n'est praticable que chez des patients en phase terminale.

À la lecture, notamment de la recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe, un autre membre déclare partager l'idée selon laquelle la demande du patient, quelle que soit la forme dans laquelle elle s'exprime, ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers.

Le désir de mourir exprimé même par un malade incurable ou un mourant ne peut, en soi, servir de justification légale à l'exécution d'actes destinés à entraîner la mort. Chacun paraît s'accorder sur cette idée puisque toutes les propositions prévoient, outre la demande du patient, que c'est le médecin qui prend la décision.

C'est pourquoi des propositions de loi ont été déposées sur base de l'état de nécessité.

L'intervenante rappelle qu'elle a, voici quelques mois, tenu un exposé comparable à celui du précédent intervenant. Celui-ci propose donc de modifier l'article 71 du Code pénal, pour mettre dans l'état de nécessité des conditions exceptionnelles générales, et non des conditions particulières que l'on retrouverait par ailleurs dans une proposition de loi séparée.

Il a été dit que les juristes entendus avaient démontré l'inadéquation de la notion d'état de nécessité.

L'intervenante attire l'attention sur l'intervention de M. Dalcq.

On dit souvent que celui-ci aurait déclaré que l'on pourrait objectiver l'état de nécessité. Cependant, ses propos étaient limités à l'euthanasie indirecte. Jamais il n'a été aussi radical dans une autorisation de la loi quand il s'agissait de l'euthanasie directe.

Peut-on objectiver ou non l'état de nécessité ?

En réponse à ce qu'a dit M. Messine lors de son audition, l'intervenante précise que, dans la proposition déposée par son groupe, si l'on donne des conditions, ce ne sont que des balises à l'état de nécessité. Il ne s'agit donc pas d'une objectivation de l'état de nécessité.

Le médecin ne serait pas automatiquement justifié si ces conditions étaient réunies, mais les principes généraux de l'état de nécessité continueraient à s'appliquer. L'appréciation en conscience par le médecin subsisterait donc.

Y a-t-il des précédents à une telle objectivation de l'état de nécessité ?

Il est vrai qu'il en est très peu d'exemples, mais la jurisprudence et la doctrine ont balisé l'état de nécessité. Tout juge qui applique cette notion fait le même exercice. Pourquoi, dès lors, le législateur ne pourrait-il le faire ?

Le groupe de l'intervenante a retenu l'état de nécessité parce que, pour lui, la règle reste l'interdit, et qu'en droit, l'une des seules manières de décrire une situation de crise exceptionnelle caractérisée par un conflit de valeurs est la figure juridique de l'état de nécessité, qui exprime bien la transgression d'un interdit.

Une loi dépénalisant l'euthanasie de façon générale lui paraît risquer d'engendrer des abus et d'être mal comprise.

Un membre souligne l'importance du débat relatif à la notion d'état de nécessité, qui a également été évoquée par le professeur Van Neste, et par le professeur Adams.

Tous deux ont rappelé que cette notion était un point de départ très intéressant, parce qu'elle concerne les situations où le devoir d'une personne lui commande de transgresser la loi. C'est donc un peu la situation du médecin qui se trouve devant un patient qui demande que l'on mette fin à ses jours.

Mais il ne faut pas nécessairement rester enfermé de façon stricte dans ce concept.

On peut l'objectiver d'une autre manière, et sans y faire de référence directe, pour laisser entière la notion d'état de nécessité dans notre arsenal jurisprudentiel.

On pourrait ainsi créer une figure juridique, peut-être innovante, mais qui se rapproche d'une bonne pratique médicale, et qui pourrait se situer dans l'arrêté royal nº 78, mais aussi dans une loi particulière qui s'adresse au médecin.

Un second point concerne le courrier adressé aux membres par l'association des pharmaciens, suite à l'audition de deux de leurs représentants.

Les pharmaciens ont opportunément rappelé leur existence et leurs préoccupations par rapport à la proposition en voie d'élaboration.

Les termes utilisés par les pharmaciens dans cette lettre sont frappants, puisqu'il est question de « médecins exécuteurs ».

L'intervenante aimerait savoir quelle réponse les auteurs de la proposition et des amendements apportent aux observations des pharmaciens, qui concernent la propre responsabilité de ceux-ci quant à la délivrance de produits euthanasiants. Les médecins délivreront-ils, notamment, des prescriptions claires en la matière ?

Une autre membre estime que l'article 3 aborde un point extrêmement difficile en visant aussi bien les patients en phase terminale que les autres patients. Selon l'intervenante, une législation relative aux décisions médicales en fin de vie doit partir du principe que l'euthanasie est exclue, à moins que des conditions déterminées ne soient remplies. Une de ces conditions est qu'il doit s'agir de patients en phase terminale. Aussi le champ d'application de l'article 3, tel que défini par la proposition nº 2-244 et par l'amendement nº 14, est-il beaucoup trop large. C'est également l'opinion du professeur Van Neste, qui estime qu'il faut parler plutôt de suicide assisté si le patient qui introduit une demande d'euthanasie ne se trouve pas dans une phase terminale. C'est pour cette raison que la suggestion qui a été faite précédemment par une membre des commissions réunies de distinguer ces deux aspects et de consacrer un débat distinct au suicide assisté, est particulièrement fondée. Il ressort également d'une enquête de Test Achats que pas mal de médecins optent pour un suicide assisté lorsque le patient ne se trouve pas en phase terminale.

L'intervenante déclare que l'article 3 lui pose à cause de cela de grandes difficultés. Bien que les patients en phase terminale et les autres patients soient différenciés sur le plan de la procédure, les conditions matérielles restent les mêmes pour les deux catégories de patients. Ils sont donc mis quasiment sur le même pied. Si l'on tient compte à cet égard qu'en Flandre, la demande de suicide est plutôt élevée, et qu'il n'est pas impossible, aux termes du texte à l'examen, que l'article 3 s'applique aussi à des patients qui ne souffrent que psychiquement, on peut en déduire que le corps médical ne répondra pas correctement à de nombreuses demandes d'assistance. Il a en effet été indiqué, lors des auditions, que seul un tiers des médecins reconnaissait une dépression sévère comme telle.

De plus, les différences culturelles jouent également. Des études ont montré qu'en Flandre, les gens n'osent pas rapidement solliciter une aide professionnelle. Aux Pays-Bas, cela se fait beaucoup, bien que les facteurs à risque soient les mêmes. Le nombre de suicides y est dès lors nettement moins élevé, parce que le seuil du recours à une aide professionnelle y est bien plus bas.

Une législation relative à l'euthanasie, qui doit effectivement voir le jour, pourrait recueillir un consensus nettement plus large si elle se limitait aux patients en phase terminale. Il n'y a d'ailleurs pas que des sénateurs de l'opposition qui défendent ce point de vue.

Un sénateur convient que ce problème ­ la distinction, dans le cadre de l'euthanasie, entre les patients en phase terminale et les autres ­ a suscité de nettes dissensions. Un certain nombre de malentendus sont également apparus. La confusion apparue concernant le suicide assisté pour les patients en phase terminale comme en phase non terminale eût probablement été moins grande si la portée exacte des termes avait été plus claire dès le début.

C'est pourquoi le sénateur insiste pour que l'on prenne le temps d'examiner comment aborder ces deux catégories de patients de manière fondamentalement différente. Il se dit en effet convaincu que de nombreux membres des commissions réunies craignent une interprétation radicale de l'article 3. Il faut éviter que cette interprétation ne doive être donnée par les cours et tribunaux. Il doit en tout cas être clair qu'il faut aborder avec une plus grande prudence les patients ne se trouvant pas en phase terminale.

Un membre déclare, en réponse à un précédent orateur, que d'autres auteurs que Van Dijck et Van Hoof sont d'avis que l'article 2 CEDH n'interdit pas une législation en matière d'euthanasie, et même que ne pas le faire pourrait laisser certaines personnes sans protection, en raison du manque de clarté de la situation.

Si M. Dalcq pose légitimement la question de cette compatibilité avec l'article 2 CEDH, il se garde bien d'y répondre, étant spécialiste du droit de la responsabilité civile, et non des droits de l'homme.

En ce qui concerne l'état de nécessité, l'intervenant renvoie une nouvelle fois à l'exposé d'un précédent orateur, en ses points 40 à 52.

Il a bien montré que préciser les conditions de l'état de nécessité dans la loi ­ fût-ce dans un cas particulier ­, c'est prévoir une permission de la loi, qu'on le veuille ou non.

Si l'état de nécessité est objectivé par la loi, on n'est plus, ipso facto, dans l'état de nécessité.

La question porte sur l'essence même de l'état de nécessité car, par définition, cette notion juridique tente de répondre aux lacunes de la loi, et non à préciser ce qui est légal. Dès que l'on inverse la démarche, on sort de l'état de nécessité.

Ce qui est objectivé ne pourra plus relever de l'état de nécessité dans le futur.

C'est ce que l'orateur précité a indiqué aux points 3 et 44 de son exposé. Il a cependant bien précisé que tout le monde partait, éthiquement, de l'état de nécessité, mais que la déduction qui en était faite ne se traduisait pas de la même façon dans toutes les propositions.

Quant à ce que vient de dire le précédent orateur, l'intervenant pense qu'il faut continuer à rechercher des voies susceptibles de rassembler la plus large majorité possible.

Un orateur précédent réplique que l'article 2 de la CEDH n'empêche pas l'élaboration d'une loi sur l'euthanasie. Pareille législation doit toutefois se situer dans le champ de tension reliant les articles 2 et 3 de la CEDH, ce qui signifie que la législation doit être restrictive et qu'elle ne peut s'appliquer qu'à des patients en phase terminale.

L'argument selon lequel on ne peut plus parler d'un état de nécessité dès lors qu'on le définit, ne tient pas. Pourquoi pareille définition pourrait-elle être donnée par la jurisprudence et pas par le législateur ? Il est parfaitement possible de créer pareille cause de justification en incluant dans le Code pénal un article 71bis ­ voire un article 72 ­ qui permettrait qu'une loi particulière définisse les conditions devant être remplies pour que l'on puisse parler d'un état de nécessité.

Un membre demande, à partir du moment où l'on objective les conditions de l'état de nécessité, ce que devient cet état de nécessité.

Le préopinant répond que le législateur peut estimer qu'il y a lieu de garantir la transparence de la prise de décision et les droits du patient en définissant l'état de nécessité. C'est ce qui a été fait, par exemple, à propos de l'utilisation d'armes à feu par les policiers. Dans ce cas aussi, on peut parler d'état de nécessité pour le policier, qui doit choisir entre son intervention de maintien de l'ordre et son intégrité physique et pour qui il ne s'agit pas seulement de remplir un certain nombre de conditions procédurales. Cela n'a pas eu pour conséquence de rendre inapplicable la théorie juridique générale de l'état de nécessité. La Cour de cassation a, en effet, elle aussi déjà explicité à plusieurs reprises la notion d'état de nécessité pour un délit déterminé.

Un membre déclare qu'en objectivant l'état de nécessité moyennant les conditions fixées par le texte rédigé par plusieurs collègues, on crée bien une autorisation de la loi. Mais comme ce texte ne prévoit pas de lien avec le Code pénal, on peut se demander en quoi il est tellement différent de la proposition de loi à l'examen.

La question est de savoir quel rapport on établit avec le Code pénal. L'intervenant précédent propose d'établir un tel lien dans les articles 71 et suivants du Code pénal.

La grande différence avec la philosophie qui sous-tend l'état de nécessité est que celui-ci s'applique au cas par cas. Ce n'est donc pas d'une autorisation générale qu'il s'agit, même si, dans plusieurs propositions, on balise cet état de nécessité. Sur le plan de la philosophie juridique, c'est très différent.

Un autre membre déclare que l'on reprend ici le débat qui a déjà eu lieu avec les experts. L'intervenant se souvient que précisément à propos de l'état de nécessité, M. Panier avait fait d'intéressantes remarques à l'encontre de la proposition à l'examen.

Il avait souligné que l'on ne pouvait viser les cas où il y a clairement dépénalisation moyennant un certain nombre de conditions, et les justifier par une sorte d'« état de nécessité » car alors, on se demande quel sera le statut des cas qui ne sont pas visés par la proposition de loi.

À la suite de cette observation, les six auteurs ont adapté leur texte, pour en supprimer la référence à l'état de nécessité, lequel continue à s'appliquer dans les cas non visés par la proposition de loi à l'examen.

Il n'y a donc aucune passerelle possible entre celle-ci et le texte élaboré en son temps par plusieurs sénateurs.

Un membre estime que les règles d'utilisation des armes à feu n'opèrent pas une objectivation de l'état de nécessité; elles sont prévues dans une loi du 5 août 1992 sur la fonction de police.

L'intervenant s'étonne aussi qu'une précédente oratrice veuille revenir au Code pénal.

Par l'objectivation de l'état de nécessité, on en revient aussi à une permission de la loi, mais on affaiblit l'état de nécessité.

Une membre déclare que l'amendement nº 14 suscite chez elle une série de questions.

Ainsi en va-t-il, par exemple, de la notion de « capacité » après avoir relu ce qu'en a dit le Comité consultatif de bioéthique, qui utilise la notion de patient incapable de droit et de fait.

Que visent exactement les auteurs de l'amendement par le mot « capable » ? Cette notion est-elle utilisée dans son sens juridique, ou dans un sens plus large (cf. l'audition de Mme Kempeneers, représentante de l'Association nationale d'aide aux handicapés mentaux) ?

Un autre membre renvoie à la doctrine, qui décrit clairement ce qu'est la capacité juridique.

Amendements nºs 109, 93, 131 et 132

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 109), tendant à insérer, avant le § 1er, ce qui figure aujourdhui à l'article 96 du Code de déontologie médicale, à savoir : « Le médecin doit au patient en fin de vie toute assistance morale et médicale, curative ou palliative, pour soulager ses souffrances physiques ou morales et préserver sa dignité. »

L'un des auteurs déclare qu'il importe de rappeler, dans un loi comme celle que l'on prépare, que le médecin ne peut à aucun moment abandonner son patient et que, lorsque celui-ci ne peut plus être guéri, le médecin doit être à ses côtés pour soulager ses souffrances, qu'elles soient physiques ou morales.

Il y a encore trop de cas sur le terrain, où des médecins se désintéressent de leur patient, lorsque tout traitement curatif est devenu inutile.

M. Galand avait déposé un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 93), tendant à remplacer, au § 1er de l'article 3 proposé, les mots « Le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction » par les mots « Tout médecin peut répondre à une demande d'euthanasie ».

Cet amendement est retiré.

Un membre déclare, à propos du sous-amendement nº 109, que le texte proposé relève de la déontologie médicale, alors que l'on prépare ici un texte de loi.

Quant aux mots « préserver sa dignité », comment vérifie-t-on cela ? Qui juge de la dignité, et selon quelle procédure ? Est-ce le patient lui-même ?

Qu'entend-on par ailleurs par « assistance morale » ? Si le patient et le médecin ont des convictions philosophiques ou religieuses différentes, cela ne pose-t-il pas problème ?

L'un des auteurs de l'amendement répond qu'en ce qui concerne l'assistance morale, il est de règle que ce soit celle que souhaite le patient; sinon, le médecin lui-même irait contre sa propre déontologie.

Cependant, les mots « assistance morale » ont aussi une connotation psychologique : il s'agit du moral du patient.

Quant à la dignité, c'est également la conception du patient à cet égard qui doit prévaloir.

Un membre se dit frappé par la référence que l'on fait dans la loi à un code de déontologie. La référence inverse lui paraît plus logique, en termes de hiérarchie des normes.

On fait observer que l'amendement ne fait pas expressément référence au Code de déontologie médicale, mais en reprend une disposition pour en faire une disposition légale.

Un membre fait remarquer que, si l'amendement nº 109 ne résout pas l'écueil considérable que constitue l'article 3 de la proposition à l'examen, il représente toutefois un ajout appréciable. Si le but est de permettre une fin de vie dans la dignité, il n'est pas superflu de définir clairement les obligations du médecin. Il est en effet ressorti des auditions que trop de médecins encore sont formés pour dispenser une aide curative, mais ne sont plus à même de s'occuper de patients incurables. Ceux-ci ne peuvent cependant nullement être abandonnés. Aussi l'ajout proposé par l'amendement nº 109 est-il souhaitable.

La portée exacte de la dignité de l'être humain peut probablement faire l'objet de plusieurs interprétations, mais l'intervenant souligne que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne se fonde sur cette dignité de la personne humaine, à juste titre d'ailleurs, puisque cette notion participe de la civilisation européenne.

Un autre membre observe que l'on ne peut à la fois dire que le principe de la dignité, déjà inscrit dans la déclaration de 1948 et dans tous les textes subséquents, ne constitue pas un élément qu'il faut prendre en compte pour écarter la possibilité d'appliquer la Convention européenne des droits de l'homme à l'euthanasie, et invoquer ensuite la dignité dans un amendement pour en tirer des éléments juridiques.

Un autre membre fait remarquer que le quorum n'est pas atteint dans les commissions réunies, mais déclare qu'il ne souhaite pas profiter de ce fait pour retarder la discussion sur l'euthanasie. Il est donc faux de prétendre, comme certains l'ont parfois fait, que l'opposition parlementaire se sert de tous les moyens disponibles pour renvoyer le débat aux calendes grecques. Il s'agit en effet d'une matière essentielle, qui ne peut faire l'objet de petits jeux politiques.

Quant au fond, l'intervenant nie que son groupe ait jamais prétendu qu'il ne fallait pas prendre la dignité humaine en compte lors de la mise en balance des droits fondamentaux prévus aux articles 2 et 3 de la CEDH; tout au contraire. Dans la jurisprudence à propos de l'article 3 de la CEDH, on prend précisément la dignité humaine en compte pour apprécier s'il y a traitement inhumain ou non. La protection de la vie humaine ne s'oppose donc pas à la défense de la dignité humaine.

À la remarque d'un préopinant selon laquelle la dignité humaine serait une notion vague, l'intervenant répond que ce terme figure explicitement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que dans la constitution allemande élaborée après le Deuxième Guerre mondiale. La notion de « dignité humaine » a dès lors bel et bien une valeur contextuelle. Le droit doit en effet toujours être replacé dans un contexte temporel et spatial déterminé.

L'intervenant attire ensuite l'attention sur le problème juridique classique de la responsabilité de celui qui a enfreint un code de déontologie à l'égard de celui qui en est la victime. Le but de la déontologie est en effet d'instaurer certaines règles de conduite pour une catégorie professionnelle mais n'ouvre pas, en soi, de droits pour les tiers qui subiraient un dommage.

Inscrire semblables règles déontologiques dans la loi permet précisément de faire un saut qualitatif, puisqu'elles constitueront non seulement un code de déontologie, mais aussi un droit du patient. L'ajout proposé par l'amendement nº 109 est dès lors particulièrement utile.

Un membre est d'avis que le concept de « dignité » s'applique à la façon très concrète dont le patient est pris en charge dans la vie de tous les jours (être ou non relégué dans une chambre où plus personne ne vient le voir ...).

Le saut qualitatif consistant à élever une disposition déontologique au rang de disposition légale a toute son importance.

Un autre membre ne partage pas la conception que la précédente intervenante a de la dignité humaine. Pour lui, c'est aussi le respect de l'autonomie du patient et de sa vision sur son propre avenir.

Il la considère comme un principe, dont il tire un certain nombre de conséquences, et non comme un élément de confort.

Un intervenant observe que le texte se réfère bien à la conception personnelle du patient, puisqu'il parle de sa dignité.

Une précédente oratrice déclare que chacun a sa propre perception de la dignité. L'exemple qu'elle a donné n'est qu'une illustration parmi d'autres de ce que peut être la situation d'un patient en fin de vie.

Une conception de la dignité n'est pas contraire à l'autre.

Un membre se demande si l'amendement nº 109 permet à un patient de refuser des soins palliatifs s'il l'estime nécessaire. L'amendement fait en effet état d'« assistance curative ou palliative ». Le mot « doit » prête également à confusion. L'amendement n'est pas clair, est incomplet et prête à confusion.

Il lui est répondu que le patient a le droit de refuser tout traitement, quel qu'il soit, y compris des soins palliatifs. Le sous-amendement ne fait que rappeler au médecin quel est son devoir.

Un membre propose d'insérer dans le sous-amendement, après les mots « en fin de vie », les mots « qui peut la refuser ».

Afin de répondre à l'objection formulée par un préopinant, un autre membre propose de rédiger le texte néerlandais comme suit : « De arts dient bijstand te verlenen. »

Mme van Kessel et consorts déposent à cet effet un sous-amendement au sous-amendement nº 109 (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 131).

Un des auteurs de l'amendement estime que le point de vue selon lequel un patient peut simplement refuser un traitement fait complètement abstraction du caractère particulier de la situation, qui suppose un dialogue entre le médecin et le patient. Une relation de très grande confiance est nécessaire entre eux. Il est dès lors inadmissible de prétendre que cette relation équivaudrait à une relation entre un acheteur et un vendeur.

Le processus de décision dans lequel sont engagés médecin et patient est de nature bien plus compliquée qu'un simple oui ou non. Le médecin doit convaincre le patient de donner son accord pour un traitement déterminé. Il faut en effet partir de l'hypothèse selon laquelle le médecin vise au bien-être du patient. Tel est également le point de départ de l'amendement nº 109.

Un membre insiste pour que la législation en matière d'euthanasie reste lisible. Plus on inclut de règles déontologiques et de droits du patient, plus la loi deviendra illisible, puisque cette réglementation reste applicable sans restrictions.

Un membre partage les préoccupations formulées par un préopinant à propos de la lisibilité du texte, mais estime que les ajouts proposés sont essentiels. Ceux-ci permettent en effet, par quelques phrases très courtes, d'insérer dans la loi les droits fondamentaux aux soins palliatifs et à l'assistance médicale. L'intervenant ne peut imaginer qu'on puisse y voir la moindre objection.

Un autre membre ne peut se rallier à l'observation d'un préopinant selon laquelle le code de déontologie reste tout simplement applicable. Comme on l'a déjà expliqué, le fait d'inclure certains droits fondamentaux dans la loi leur donne une plus-value qualitative. On ne peut en effet exclure qu'il y ait un conflit entre, d'une part, la loi sur l'euthanasie et, d'autre part, le code de déontologie. Dans cette hypothèse, c'est la loi qui prime le code de déontologie. Aussi est-il souhaitable d'inscrire le droit aux soins palliatifs dans une loi. En effet, le devoir médical ne cesse pas d'exister dès lors qu'une maladie incurable a été diagnostiquée.

M. Dubié dépose au sous-amendement nº 109 le sous-amendement suivant (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 132), tendant à remplacer le texte proposé par ce qui suit :

« Le médecin doit, dans le respect de la volonté du patient en fin de vie, toute assistance morale et médicale ­ curative ou palliative ­ pour soulager ses souffrances pysiques ou morales et préserver sa dignité. »

Justification

Reformulation du texte pour éviter toute confusion concernant le respect de l'autonomie du patient.

Un membre renvoie à la formulation du code de déontologie. Les termes de l'amendement nº 132 peuvent peut-être poser un problème dans le cas d'un patient qui n'est pas en mesure de donner formellement son accord parce qu'il est inconscient ou pour une cause semblable. Ces patients aussi doivent pouvoir bénéficier de garanties identiques.

Amendement nº 96

Mme Lindekens et consorts ont déposé à l'amendement nº 14 le sous-amendement suivant (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 96) :

« Faire précéder le § 1er par la disposition suivante :

« La présente loi ne s'applique que si l'euthanasie est pratiquée par un médecin. »

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 63

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 63), tendant à remplacer la première phrase du § 1er par ce qui suit :

« Le médecin ne peut mettre fin délibérément à la vie d'un patient en phase terminale à sa demande, pour soulager ses souffrances, que dans les cas exceptionnels où : »

L'auteur de l'amendement estime en effet que le texte de l'amendement principal n'est pas meilleur que celui de la proposition sur ce point, et qu'il n'y a pas lieu de maintenir le terme « infraction ».

D'autre part, l'amendement nº 14 parle du « médecin qui pratique l'euthanasie ».

L'auteur de l'amendement préfère la formule « mettre fin délibérément à la vie d'un patient », nonobstant le texte de l'article 2 déjà voté.

La définition de l'article 2 reste, aux yeux de l'intervenante, très ambiguë, et fait référence au meurtre, ce qui ne lui paraît pas la bonne façon d'aborder le problème.

Les auteurs des différentes propositions ont utilisé des termes très divers dans leurs textes de base.

Dans une proposition déposée en février 1999, par MM. Lallemand et Erdman, il est question (de la dignité) des patients incurables, et non d'euthanasie.

De même, la proposition de M. Monfils parle « d'interruption de vie ».

Le texte de loi néerlandais n'utilise pas non plus le terme « euthanasie », pas plus que la législation d'Orégon ni celle de l'Australie.

L'intervenante continue de plaider pour que l'on dise clairement qu'il s'agit de mettre fin délibérément à la vie d'un patient, le terme « délibérément » faisant référence au Code de déontologie médicale.

Le deuxième élément important de l'amendement de l'intervenante est la notion de « phase terminale ».

Certains ont en effet souligné que l'une des faiblesses de la proposition à l'examen était de ne pas faire de distinction entre la situation du patient en phase terminale, et celle de patient en phase non terminale.

L'intervenante persiste à croire qu'un certain consensus pourrait se dégager, au sein des commissions réunies, sur la notion de « phase terminale ».

Elle pense que certains seraient prêts à abandonner la formule de l'état de nécessité, au profit d'une formule comme celle de son amendement.

L'intervenant suggère à ceux qui ne partagent pas ce point de vue de relire attentivement les textes internationaux, et les rares textes législatifs adoptés dans d'autres pays, hormis les Pays-Bas dont le texte paraît fort ambigu.

Les textes de l'Oregon ou de l'Australie parlent de terminal ill ou de terminal disease. Il sont beaucoup plus restrictifs que le texte proposé ici.

Le texte australien indique même qu'un médecin ne peut répondre à une demande que si le patient est passé par les soins palliatifs.

Pour le cas où la notion de « phase terminale » ne paraîtrait pas satisfaisante, l'intervenante propose dans un amendement de la remplacer par la formule « un décès inéluctable à brève échéance ».

La législation d'Oregon, qui vise le suicide assisté, mais ne réglemente pas l'euthanasie, définit la phase terminale comme celle où le décès du patient est prévisible dans un délai de six mois.

L'intervenante pense pour sa part préférable de ne pas fixer de délai.

Enfin, elle souligne que l'amendement nº 63 en discussion utilise l'expression « pour soulager ses souffrances », puisque l'on se place dans un contexte médical, et que c'est là le seul motif pour lequel il peut être mis fin délibérément à la vie d'un patient.

Il faut souligner également qu'il s'agit là de situations de nature exceptionnelle, comme l'a montré l'étude du Lancet et comme l'avait aussi souligné le Comité d'éthique français dans son avis rendu à l'unanimité.

Un membre revient à l'objection d'un précédent intervenant, selon lequel le courrier émanant de l'association des médecins spécialistes ne serait pas représentatif. Celle-ci, dans un courrier plus récent, précise qu'elle regroupe 7 000 médecins belges. Ce n'est donc pas à négliger, surtout lorsqu'une telle association écrit : « Le fait qu'aucune distinction n'est établie entre le patient terminal et le patient non terminal est à l'origine d'une objection fondamentale à l'encontre du texte amendé, et ce non seulement pour des raisons de principe mais également parce que, ainsi, un certain nombre de problèmes importants restent sans solution. Dans le cas de patients non terminaux, et cela d'autant plus si l'on inscrit cela dans un contexte largement défini de situations subjectivement incurables, il en va tout autrement. »

Un autre membre fait observer que l'amendement nº 63 s'inscrit dans une logique de légalisation de l'euthanasie, dans le cadre de l'article 70 du Code pénal, alors que l'intervenant a déjà exprimé précédemment sa préférence pour une solution faisant référence à la motion d'état de nécessité et à définir dans un article 71bis ou 72 à insérer dans le Code pénal.

L'intervenant renvoie au débat concernant l'utilisation du mot « délibérément » (« bewust »), qui a été mené dans cadre de la discussion de l'article 2. L'on emploie à nouveau ce terme dans l'amendement nº 63, alors que le membre préfère le terme « intentionnellement » (« opzettelijk »). Si l'on utilise le terme « intentionnellement », l'ensemble des cas dans lesquels le médecin estimera que tout traitement médical est devenu inutile entreront en ligne de compte. Toutefois, tel n'est pas l'objet de l'amendement, puisqu'il n'est absolument pas question d'un rapport de cause à effet entre le traitement administré par le médecin et la mort du patient.

Un membre renvoie à l'enquête de Test Achats, dont il résulte que 68,2 % des médecins estiment que la loi doit leur permettre d'accéder aux demandes d'euthanasie, que 80 % des spécialistes de l'art de guérir estiment même que l'Ordre devrait plaider en faveur d'une dépénalisation, et que 20 % des médecins ont déjà pratiqué une euthanasie active sur demande du patient.

Les études, courriers et prises de position vont donc en sens divers, et à ce stade du débat, il n'est guère opportun de les brandir comme argument.

En réponse à une intervenante, qui a souligné qu'une proposition de loi antérieurement déposée par lui ne parlait pas d'euthanasie, mais d'interruption de vie, l'orateur rétorque que la situation a évolué, et lui-même aussi, en écoutant les remarques des uns et des autres.

En 1995, lors du dépôt de la proposition de loi en question, le mot « euthanasie » paraissait encore choquant.

L'auteur de l'amendement nº 63 observe que la question subsiste de la divergence de formulation entre l'article 2 et l'article 3. Pourquoi, à ce dernier article, utilise-t-on les termes « qu'un médecin interrompe sa vie », au lieu des termes « qu'un médecin pratique l'euthanasie » ?

Un membre estime qu'une idée intéressante de l'amendement nº 63 est celle du caractère exceptionnel de la demande, qui apparaît de façon de plus en plus évidente, notamment au vu des récentes émissions télévisées consacrées au sujet.

Les médecins évoluent de plus en plus vers le soulagement de la douleur et l'accompagnement du patient, et ce qui reste un problème dans la société, ce sont ces quelques cas exceptionnels.

Au vu des émissions précitées, et en tant que juriste, l'intervenante reste convaincue qu'il faut rester dans le cadre d'une figure juridique qui correspond à ce caractère exceptionnel.

On ne peut envoyer à la population un message selon lequel on va transformer la fin de vie en permettant, par une autorisation générale de la loi, de pratiquer de tels actes.

Les cas dont il a été question lors d'émissions télévisées récentes ne se présentent heureusement pas tous les jours.

La plupart des gens meurent de mort naturelle, entourés par leur famille.

Leur demande essentielle est précisément d'être entourés, et ce sont les cas où cet entourage fait défaut et où les personnes sont isolées qui sont les plus fréquents.

Restent quelques cas plus « philosophiques » de personnes qui, volontairement et après mûre réflexion, demandent à en finir parce qu'elles jugent qu'elles n'en peuvent plus.

L'intervenante voudrait que l'on trouve une formule juridique traduisant ce caractère exceptionnel.

L'article 3 ne répond pas à cette exigence.

Un autre membre déclare qu'il ne soutiendra pas l'amendement nº 63, et ce pour diverses raisons.

Tout d'abord, il fait remarquer que, selon le texte néerlandais, le médecin ne peut pas mettre délibérément fin à la vie du patient. Cela signifie, même si ce n'est nullement ce à quoi veut aboutir l'auteur de l'amendement, que l'acte en question serait autorisé si le médecin l'accomplissait d'une manière qui ne serait pas délibérée. Il faut donc corriger le texte néerlandais.

En outre, l'amendement est formulé d'une manière telle que l'on crée une règle légale en matière d'euthanasie. Toutefois, l'intervenant estime qu'eu égard aux dispositions de la CEDH, l'euthanasie n'est possible que dans le cadre de l'état de nécessité.

Enfin, l'amendement nº 63 entrave sérieusement les décisions médicales relatives à la fin de vie. L'on met sur le même pied les décisions concernant l'euthanasie et les décisions concernant d'autres actes médicaux relatifs à la fin de vie.

L'auteur de l'amendement nº 63 note que les auteurs de la proposition n'estiment même pas utile de répondre à son amendement, et que c'est l'opposition qui doit le faire.

Un membre réplique qu'il ne souhaite pas répondre à la fausse justification d'un amendement, qui refait l'historique de la proposition sur l'euthanasie, que l'on discute depuis quinze mois.

Amendements nºs 72 et 156

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 72), tendant à remplacer, au § 1er de l'article 3 proposé, la première phase par ce qui suit :

« § 1er. Le médecin qui, dans des circonstances exceptionnelles, décide de poser des actes qui entraînent le décès d'un patient à la demande de celui-ci, peut être justifié à agir, selon les principes de l'état de nécessité, s'il constate que : ».

Cet amendement reprend toute la philosophie du groupe auquel appartiennent les auteurs.

L'un des auteurs souligne que les amendements de la majorité se contentent de ne pas toucher formellement au Code pénal.

Si l'on considère qu'il n'y a pas lieu de toucher à la balise essentielle que constitue, dans notre société, l'interdit de tuer sanctionné par notre Code pénal, il convient d'aller jusqu'au bout de ce raisonnement. Cela signifie que donner la mort à un patient, même pour des raisons de compassion, doit rester un homicide et l'euthanasie, pratiquée dans les conditions déterminées par la présente loi, une transgression éthique et pénale de cet interdit fondamental de tuer.

À ce propos, l'intervenante a été frappée de constater que le texte de la nouvelle loi hollandaise commence par une disposition formelle consacrant l'interdiction de l'euthanasie et du suicide assisté. Les conditions dans lesquelles ces actes sont autorisés sont précisées ensuite. Tout autre raisonnement paraît inadéquat aux auteurs de l'amendement.

Or, les amendements des six auteurs ne consacrent pas une telle interdiction comme point de départ.

Les auteurs de l'amendement nº 72 estiment qu'une transgression peut cependant, dans des circonstances exceptionnelles, être justifiée.

Dans les cas où il est jugé que la transgression est, dans un cas d'espèce, justifiée, l'infraction disparaît. L'état de nécessité qui permet ainsi d'enfreindre la loi pénale vise essentiellement une situation de crise, exceptionnelle, caractérisée par un conflit de valeurs. Les demandes d'euthanasie doivent continuer à poser des problèmes de conscience au médecin.

Tel que rédigé, l'article 3 amendé de la proposition de loi constitue une autorisation de la loi (ou une dépénalisation). À l'inverse d'une autorisation de la loi, la cause de justification objective que constitue l'état de nécessité implique que l'auteur de l'acte transgresse la loi avec la conscience de la transgresser pour faire son devoir, mais également avec la conscience de devoir toujours rendre compte de ses actes. Avec l'état de nécessité, le contrôle de la société porte sur les raisons pour lesquelles la mort a été administrée.

Plusieurs médecins et juristes ont, lors des auditions, non seulement insisté sur les conditions de fond et les conditions formelles que l'on peut mettre a priori dans une loi, mais ont aussi souligné qu'indépendamment de celles-ci, il restait des raisons à apprécier au cas par cas par un médecin face à un patient dans une situation exceptionnelle.

Avec une autorisation de la loi, le contrôle se limite à un contrôle de type formel sur les conditions de l'administration de l'acte : celui qui agit, s'il se conforme aux conditions que la loi énonce, n'aura aucun compte à rendre. C'est inadmissible au vu de la gravité de l'acte et des personnes qu'il concerne, à savoir les personnes qui sont parmi les plus vulnérables de notre société. L'état de nécessité est la figure juridique qui garantit le mieux l'existence d'un véritable contrôle de la société sur les actes posés.

L'intervenante estime que le débat sur l'euthanasie est particulièrement intéressant sur le plan politique, parce qu'il pose la question de la norme.

Dans notre société, la norme change en quelque sorte de valeur. Jadis, on vivait dans une société où existaient des normes préétablies et plus communément admises, parce que le schéma était plus autoritaire.

Il y avait une sorte de morale commune, largement admise par la société.

Actuellement, quelles sont les quelques normes que l'on peut encore généraliser, que ce soit dans le Code civil ou le Code pénal, et qui conviennent à tous ?

Y a-t-il encore de telles normes ou bien vivons-nous dans une société où chacun, au départ d'un concept de liberté très moderne issu de la Révolution française et de la philosophie des lumières, tient de plus en plus de place ?

Il est vrai que la place de l'individu est importante. Les parlementaires ne disent rien d'autre lorsqu'ils estiment unanimement que le patient doit être au centre du processus décisionnel.

Mais faut-il que la société rencontre désormais le désir du patient de manière générale et immédiate, ou y a-t-il d'autres valeurs qui doivent être, non pas opposées, mais juxtaposées à ce désir ?

À ce stade du débat, l'intervenante arrive à la conclusion que le désir de l'individu d'exprimer sa liberté, dans la plupart des cas, rencontre d'autres souhaits comme celui d'être en relation avec sa famille, son médecin, le personnel soignant.

La liberté de l'homme n'est pas absolue : elle s'inscrit, de fait, dans une relation avec les autres.

On n'est plus dans une société moyenâgeuse où des principes philosophiques ou religieux seraient imposés d'en haut.

Le groupe de l'intervenante ne s'inspire pas d'une telle logique, mais il a de la liberté une conception davantage axée sur l'idée que l'individu est en relation avec les autres.

Les cas visés par les six auteurs sont tout à fait exceptionnels. L'intervenante admet que personne n'a le droit de juger de ceux-ci, mais il ne faut pas en faire un message culturel moderne de nature générale, car la plupart des gens n'ont pas la force de porter tout seuls ce genre de décision.

Un membre répond que ce qui, depuis le début, sépare et séparera toujours les six auteurs de la précédente intervenante et de ceux qui défendent la même position, c'est la conception qu'ils ont de l'autonomie de la personne humaine et de sa liberté.

Cette opposition se manifestera d'ailleurs dans tous les débats éthiques à venir. Jusqu'il y a 20 ou 25 ans, et depuis 150 ans, on vivait sous un contrôle normatif de l'ensemble des activités personnelles de l'être humain, et cela suffisait.

Alors que le droit n'avait fait que traduire la situation sociale à un moment donné, il est devenu lui-même la justification pour ne pas prendre en compte l'évolution sociale importante qui a eu lieu en 150 ans.

Le problème est le déséquilibre entre cette construction juridique traditionnelle et l'évolution de la société : on le voit non seulement en matière d'euthanasie, mais aussi en ce qui concerne, par exemple, l'adoption par les couples homosexuels, ou encore le statut de ces couples, qui a donné lieu à une modification, non du droit des personnes, mais du droit des biens.

Certains de ceux qui se rendent compte aujourd'hui qu'il faut changer la norme invoquent un argument nouveau : il y aurait une relation sociale, qui aboutit à une autre forme de contrôle, à savoir un contrôle social.

C'est sur ce point que les six auteurs ne peuvent marquer leur accord.

Chacun est, bien sûr, libre de se concerter avec d'autres, et de s'entourer d'avis mais, en fin de compte, il faut que quelqu'un décide.

La précédente intervenante a fait allusion à des émissions télévisées récentes. Pour sa part, l'intervenant a retenu, parmi d'autres, une phrase de Jean-Marie Lorand, qui disait en substance : « Je n'ai pas envie de vivre pour les autres. » En cela, il avait parfaitement raison.

Les six auteurs ne veulent pas qu'en bout de course, ce contrôle social devienne pratiquement une forme de contrôle juridique, aboutissant à une interdiction de décider soi-même.

C'est pourquoi ils veulent, contrairement à la précédente intervenante, un message culturel moderne qui fasse qu'après mûre réflexion, après avoir confronté son point de vue à celui des autres et envisagé toutes les possibilités, finalement, l'être humain décide en toute autonomie et en toute liberté.

Il ne s'agit pas ici d'opposer libéralisme social et personnalisme chrétien, comme l'ont dit certains, car les signataires de la proposition viennent d'horizons divers. Mais au-delà de l'appartenance à des « chapelles », ils ont réussi à définir une ligne d'action par rapport à l'autonomie, qu'ils estiment totale, de l'être humain.

Quant à l'idée qu'il s'agit de cas exceptionnels, l'intervenant estime que, même s'il n'y avait qu'un seul cas, il faudrait encore légiférer.

De même, ce n'est pas parce que chaque histoire individuelle est différente qu'il ne faut pas légiférer, et fixer des règles générales.

Enfin, même si l'expérience étrangère est utile pour déterminer les conditions et les limites d'une législation, il faut être prudent lorsqu'on veut traduire dans notre législation des textes étrangers, car nous n'avons pas la même culture juridique que d'autres pays.

Ainsi, le système de pensée germanique est assez différent du mode de raisonnement français, dont l'intervenant se sent plus proche.

Un autre membre constate que l'amendement nº 72 marque incontestablement une évolution dans la position du courant traditionnel dans lequel s'inscrivent ses auteurs.

Cependant, il reste basé sur l'état de nécessité. À supposer qu'il soit adopté, qui jugera de cet état de nécessité ? Ce sera nécessairement un juge. N'y a-t-il pas un problème à transférer à un juge la décision qui devrait être prise par la personne en question ?

L'un des auteurs de l'amendement nº 72 répond que, tout d'abord, les juges ne seront pas fréquemment saisis de ce type de cas.

En outre, comme certaines des personnes entendues l'ont souligné, il faut faire une certaine confiance aux médecins et aux magistrats.

De plus, pour le cas où le médecin serait traduit en justice, et pour accompagner la réflexion du magistrat, l'intervenante a cosigné des amendements qui prévoient aussi la création d'une commission, inspirée par l'idée du comité bioéthique français.

Cette commission pourrait rendre des avis non seulement sur les cas de fin de vie, mais aussi sur les cas non terminaux.

Un membre déclare qu'il croit en l'autonomie du patient. Si celui-ci estime que la limite au-delà de laquelle la douleur n'est plus supportable a été franchie en ce qui le concerne et qu'il conclut, avec son médecin, qu'il faut mettre un terme à une vie devenue indigne, il peut prendre congé de sa famille et de ses amis en toute liberté et en toute dignité. Une séparation bien réfléchie est également possible quand on a décidé de pratiquer l'euthanasie. L'amendement nº 72 présente donc les choses de manière erronée.

Au demeurant, le membre conteste que les circonstances dans lesquelles une demande d'euthanasie peut être justifiée soient si exceptionnelles. Malheureusement, le nombre de décès dûs au cancer augmente sans cesse. Telle est la réalité quotidienne. Par conséquent, l'on ne saurait considérer que le problème de l'euthanasie ne concerne que les patients se trouvant en état de nécessité.

Un autre membre déclare qu'au vu d'une récente émission télévisée, à laquelle d'autres membres ont déjà fait référence, il a constaté, non qu'une large majorité des personnes entendues était favorable à l'euthanasie, mais que dans tous les cas présentés, il s'agissait de personnes qui connaissaient une détresse importante, qui considéraient que la fin de vie d'un proche avait été extrêmement difficile et cruelle, et que l'on pouvait mieux faire, dans une série de domaines très variés.

Il en ressortait que, plutôt qu'une législation sur un problème exceptionnel, la population demandait que l'on prenne mieux en compte l'ensemble des problèmes de fin de vie (détresse, solitude, manque de soins et d'attention, douleur, ...).

Il y avait, aux yeux de l'intervenant, un contraste entre ces témoignages, et le court débat de fin d'émission, où des arguments connus se retrouvaient de part et d'autre, mais appauvrissaient quelque peu, à son estime, les témoignages très poignants qui précédaient.

On évoque toujours l'autonomie et la liberté individuelle à l'appui du texte à l'examen, mais il s'agit là d'une vision très idéalisée, et assez désincarnée, voire totalisante, très éloignée de la réalité des choses.

Les témoignages précités ont bien montré à quel point les gens sont dépendants de leur entourage, de sa sollicitude, de sa capacité à prendre en compte leurs aspirations et leurs difficultés.

On voit bien le paradoxe d'une loi qui part du principe fondamental d'autonomie et de liberté individuelle, mais qui a pourtant besoin d'un tiers et de la société pour hâter le décès d'une personne.

L'intervenant estime pour sa part qu'une série de valeurs coexistent : la liberté individuelle en est une, la préservation de la vie et la protection des plus faibles en sont d'autres, et il y a en l'occurrence matière à arbitrage entre ces différentes valeurs. C'est pourquoi le groupe de l'intervenant a fait de l'état de nécessité un concept central.

Il n'y a pas, à ses yeux, une hiérarchie évidente parmi ces valeurs.

C'est en conscience que le médecin, entouré par la famille et le corps médical, pourra arbitrer plutôt dans tel sens ou dans tel autre.

Un autre membre encore rappelle que la notion d'état de nécessité s'applique déjà aujourd'hui, et qu'il n'est pas sûr qu'il faille la « réécrire ».

Quant au caractère exceptionnel et marginal des cas visés par la proposition de loi à l'examen, l'intervenant estime qu'une grande prudence s'impose car, pour celui qui se trouve face à sa fin de vie, ce fait exceptionnel n'a évidemment rien de marginal.

En ce qui concerne la question de l'interdit, il souligne que ce qui doit être interdit, c'est de nier la personne, sa particularité, la façon dont, tout au long de sa vie, elle s'est constituée elle-même, et dont elle essaie de s'exprimer dans ce qu'elle a de plus personnel.

On peut tuer une personne sur le plan existentiel, en la niant dans ce qu'elle est devenue, et dans ce qu'elle essaie d'exprimer.

L'intervenant cite à ce propos Marie Balmary qui, dans son ouvrage intitulé « Abel ou la traversée de l'Eden, » écrivait : « À quelque époque que la chose se produise, le `terme des jours' pour l'humain, si nous gardons en mémoire nos mythes, c'est un moment où il doit s'avancer seul, parler seul ­ mourir seul ­ en son propre nom. » Seul, mais pas abandonné. Au contraire, entouré, accompagné, respecté dans des relations entre des personnes, mais pas dans des relations qui nient la différence ou la personnalité propre.

À propos de l'autodétermination, l'intervenant déclare que la législation doit veiller à protéger et promouvoir un contexte de respect réel de l'autodétermination. On n'insistera jamais assez (cf. notamment, l'audition du docteur Clumeck) sur le fait que c'est l'environnement social, l'égalité sociale, qui vont créer un contexte respectant cette autodétermination, sans que des pressions ­ en particulier socio-économiques ­ agissent sur l'individu, qui viendraient réduire ou annihiler les vraies possibilités d'autodétermination.

Un membre ne peut se rallier à l'argument tiré du caractère exceptionnel des cas visés par la proposition à l'examen. En effet, le Code civil, par exemple, compte bon nombre de dispositions réglant des cas exceptionnels. Ainsi, il y a environ 40 adoptions par an, pour 110 000 naissances, soit 0,04 % de cas. On n'en a pas pour autant renoncé à légiférer en matière d'adoption.

N'y aurait-il que cinq cas d'euthanasie par an, il serait bon de légiférer car, si, dans trois de ceux-ci, le médecin était emprisonné, cela serait catastrophique.

Il est assez paradoxal que l'on envisage de façon aussi extensive, et parfois au-delà de toute logique, les droits de l'enfant, les droits du patient, et que l'on conçoive par contre de façon aussi limitée les droits du mourant.

Par ailleurs, l'intervenant aimerait que l'on cesse de considérer que l'euthanasie est l'affaire des médecins. La loi sur l'euthanasie n'est pas une loi médicale. Il est certes utile de savoir ce que pensent les médecins du point de vue technique, mais pas sur le point de savoir s'il faut au non légiférer en matière d'euthanasie.

C'est le rôle des députés et des sénateurs, qui viennent de tous les horizons, et non celle d'un corps social particulier, d'autant que le médecin serait, selon la proposition, libre de pratiquer ou non l'euthanasie.

Mme van Kessel et M. Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 156 ­ sous-amendement à l'amendement nº 72) qui vise à souligner que les décisions médicales ayant pour conséquence le décès du patient ne peuvent pas être toutes classées dans la sphère de l'« euthanasie ». Par contre, les dispositions de la loi proposée ne peuvent concerner que l'euthanasie.

L'un des auteurs fait observer que l'article 2 de la CEDH oblige les États membres à légiférer pour préserver la vie. Il est dès lors normal que le pouvoir judiciaire exerce un contrôle en la matière. Contrairement à ce que certains orateurs affirment, ce contrôle est tout à fait normal dans un État de droit démocratique. Dès lors, le membre estime que, si l'on veut respecter la CEDH, l'euthanasie n'est possible que lorsqu'il y a état de nécessité. La réponse à la question de savoir quand l'euthanasie est autorisée et quand elle ne l'est pas ne saurait dépendre des contingences de la vie politique d'un pays en particulier. L'intervenant souhaite que l'on regarde plus loin que le bout de son nez. Il faut également souligner en l'occurrence que les problèmes traités dépassent de loin le simple droit à l'autonomie.

Un membre souligne que, si l'on adopte la proposition à l'examen, on ne légifère pas sur les actes tels que l'arrêt de traitement ou le fait de ne pas entreprendre un traitement, qui ont pour conséquence de hâter le décès, et se trouvent juste en amont de l'euthanasie.

La limite entre de tels actes et l'euthanasie n'est pas toujours très claire.

Dès lors, si la loi en préparation n'est pas, selon le précédent intervenant, de nature médicale, la manière dont la proposition à l'examen et tous les amendements sont rédigés montrent bien que l'on se trouve dans une matière médicale.

Une autre membre constate que la rédaction de la proposition à l'examen part du médecin, à la différence de la proposition de loi déposée en son temps par MM. Lallemand et Erdman, qui partait du patient.

L'intervenante évoque ensuite les situations de désescalade ou d'arrêt thérapeutique, qui sont le lot quotidien des services de soins intensifs.

On sait qu'en posant de tels actes, on va mettre fin à la vie du patient, sans que, la plupart du temps, celui-ci ait rien demandé et sans qu'il soit conscient.

Quelle est la situation juridique du médecin dans de tels cas, dès lors que les amendements cosignés par l'intervenante, et notamment ceux visant à introduire des articles 1bis à 1quater, ont été rejetés ? Est-ce, comme cela a déjà été dit, la notion d'état de nécessité qui s'applique, avec le risque d'éventuelles poursuites pour un acte qui aurait été mal réalisé ?

Amendement nº 113

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 113) qui vise à remplacer la phrase introductive du § 1er de l'article 3, de sorte que l'euthanasie ne soit pas une infraction lorsqu'on peut parler d'un état de nécessité. L'un des auteurs renvoie à ses interventions précédentes sur le thème de l'état de nécessité et à la justification écrite de l'amendement.

Amendement nº 114

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 114), tendant à remplacer le § 1er et le premier tiret de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« § 1er. Le médecin ne peut mettre fin intentionnellement à la vie d'un patient majeur, capable et conscient que s'il a acquis la conviction que : ... »

Amendement nº 119

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 119), tendant à remplacer, au § 1er de l'article 3 proposé, la phrase liminaire et le premier tiret par ce qui suit :

« § 1er. Le médecin ne peut mettre fin délibérément à la vie d'un patient majeur, capable et conscient à la demande de celui-ci que s'il a acquis la conviction que : ... »

L'un des auteurs souligne que les termes « s'il constate que » utilisés dans l'amendement nº 14 visent une simple constatation de type purement formel.

La loi hollandaise, quant à elle, utilise un concept qui paraît beaucoup plus intéressant, et qu'un autre membre a d'ailleurs également repris dans l'un de ses amendements, à savoir celle de « avoir acquis la conviction que » (« de overtuiging heeft gekregen »).

Cette expression est beaucoup plus forte, et indique mieux la philosophie qui doit inspirer le processus qui se déroule entre le patient et son médecin.

Le rôle de celui-ci ne peut se limiter à celui d'un notaire, qui devrait seulement constater, tout en devant prendre certaines précautions indiquées au § 3.

Le médecin doit avoir acquis la conviction, c'est-à-dire qu'il doit estimer en âme et conscience pouvoir répondre à la demande d'euthanasie du patient.

L'intervenante s'interroge en outre sur l'articulation des différents paragraphes de l'article 3.

Elle se demande notamment si la dernière phrase du § 1er ne devrait pas figurer ailleurs, faute de quoi le texte pourrait être interprété comme signifiant qu'il suffirait que les conditions du § 1er soient réunies et que, dans ce cas, il n'y aurait pas d'infraction.

Dans la notion de « procédures », le fait de devoir remplir les documents pour la commission d'évaluation est-il compris ?

Le coauteur de l'amendement insiste pour sa part sur l'importance politique et de fond que les auteurs de l'amendement attachent à celui-ci. En effet, le terme « constate » se situe dans une perspective différente de celle de l'expression « a acquis la conviction que », même si l'on pourrait soutenir que, sur le plan strictement juridique, ces deux expressions sont similaires.

Il faut éviter que la loi n'apparaisse comme un processus bureaucratique, sur le fond et sur la forme. Il s'agit ici d'autre chose, particulièrement dans la logique du respect de la personne, de son autonomie et de sa dignité.

Il s'agit d'un processus, d'une écoute, de l'aboutissement d'un dialogue.

Au cours des débats, combien de fois n'a-t-il pas été souligné à juste titre qu'un tel dialogue est indispensable, et que la législation actuelle freine ou empêche ce dialogue ouvert, confiant et libre entre le patient et son médecin.

La compassion ne saurait être seulement le résultat d'un constat procédural.

Il y a une telle différence entre les deux formulations précitées dans la tonalité et dans la façon de présenter les choses que l'amendement est, sur le plan politique, d'une grande importance aux yeux de ses auteurs.

Ensuite, pour décriminaliser partiellement l'euthanasie comme on veut le faire, il n'est pas nécessaire de dire qu'il n'y a pas d'infraction.

À partir du moment où le législateur confère une base légale à une pratique, celle-ci n'est évidemment plus illégale et, a fortiori, pas constitutive d'infraction.

Cette approche est confirmée par le professeur Masset, de l'université de Liège, qui, consulté à ce sujet, écrit : « En réponse à votre interrogation, je peux vous préciser que la loi en projet une fois adoptée permettra effectivement de conclure sans réserve à la décriminalisation des pratiques conformes à son prescrit sans qu'il soit nécessaire d'indiquer expressément dans ladite loi qu'il n'y a pas d'infraction lorsque l'euthanasie est pratiquée conformément à la loi.

En effet, l'article 70 du Code pénal vaut pour toutes les infractions, et érige en cause de justification les comportements conformes à la loi. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à une autre disposition dans la loi en projet. »

Un membre comprend les arguments des auteurs de l'amendement nº 119, mais estime que la distinction juridique entre le mot « constater » et les mots « acquérir la conviction » doit être exposée très clairement. Comment un tribunal va-t-il juger si un médecin a, ou non, « acquis la conviction » ? La réponse juridique à cette question est essentielle.

Quant à l'élément de progressivité de la demande d'euthanasie, le membre renvoie au libellé de l'amendement nº 14, qui parle d'une « demande répétée ».

En outre, le § 3 de l'article 3 proposé dispose que le médecin doit « s'assurer » de la « persistance » de la souffrance ou de la détresse.

Un autre membre se demande si l'amendement ne suscite pas une difficulté. L'article 6 de la proposition précise que, si le médecin estime ne pas pouvoir donner suite à la demande, il doit transmettre le dossier à un confrère.

Dans l'hypothèse où le médecin n'a pas acquis la conviction dont il est question dans le texte, mais que la demande du patient persiste, cette obligation subsiste-t-elle ?

Un commissaire fait observer qu'il est dangereux de trop se référer au texte néerlandais. La proposition des partis de la majorité telle qu'elle s'exprime dans l'amendement nº 14 offre beaucoup plus de critères de prudence. Il n'est donc pas nécessaire de parler chaque fois de « conviction » au lieu de « constatation ». L'intervenant cite l'exemple de l'âge de la majorité, qui relève de la simple constatation et n'a rien avoir avec une conviction. On peut, le cas échéant, séparer les critères de prudence pour lesquels une simple « constatation » suffit, des autres qui requièrent une « conviction ».

Une intervenante souligne qu'il faut lire conjointement le § 1er et le § 3 de l'article 3.

Le § 1er, selon lequel le patient doit être majeur, capable et conscient lors de la formation de la demande, vise des constatations formelles, quoique l'on puisse s'interroger, par exemple, sur le caractère formel de la condition de « conscience ». C'est pourquoi, dans l'amendement nº 119, ces conditions ne sont pas reprises parmi celles dont le médecin doit avoir acquis la conviction, mais bien au début du paragraphe.

Quant aux 2e et 3e tirets du § 1er de l'article 3 proposé à l'amendement nº 14, ils recoupent le 2º du § 3 du même article. La scission entre les conditions prévues au § 1er et celles prévues au § 3 de cet article ne se justifie pas.

Par ailleurs, l'intervenante se demande ce que sont exactement les « conditions complémentaires » que le médecin désirerait mettre à son intervention », (article 3, § 3, du l'amendement nº 14), termes qui lui paraissent ouvrir la voie à un certain arbitraire, et qui ne vont pas dans le sens des droits du patient.

Un sénateur met l'accent sur la logique qui caractérise le texte de l'amendement nº 14 par suite d'une approche graduelle. Le § 1er parle effectivement de « constater ». Ce terme neutre indique clairement de quoi il s'agit. Le médecin, en effet, ne doit pas être convaincu de quelque chose, il doit uniquement vérifier si les conditions sont remplies, par exemple celle de la majorité. Dans une seconde phase, l'interaction entre le médecin et le patient joue un plus grand rôle. Ils doivent acquérir ensemble la conviction que plus aucune autre solution n'est possible. L'intervenant renvoie à cet égard à son amendement nº 115 B, qui utilise également, au § 3, l'expression « arriver à la conviction ». Pour le § 1er, toutefois, le mot « constater » suffit.

L'un des auteurs de l'amendement nº 119 reconnaît que la formule de celui-ci mérite sans doute d'être encore améliorée. Il est vrai que, dans sa formulation actuelle, il part du médecin, alors que l'on veut mettre en évidence qu'il s'agit d'un processus commun au médecin et au patient.

Un membre dit comprendre l'intention des auteurs de l'amendement nº 119. « Acquérir la conviction » est une expression plus forte que le verbe « constater » et elle indique même que la préoccupation doit être de lancer un processus de dialogue interactif.

Le point de vue d'un membre précédent, selon lequel il suffit d'une simple « constatation » pour ce qui est des deux premiers paragraphes, d'une part, et une interaction entre le médecin et le patient ne s'impose qu'à un stade ultérieur, d'autre part, ne peut pas recueillir le plein assentiment du membre. Il vaut mieux exprimer ce processus dès le début.

Un autre membre constate que la plupart des membres des commissions réunies sont sur la même longueur d'onde. Les notions que couvrent « constater » et « se rendre compte » peuvent être objectivées, ce qui n'est pas le cas de celles que couvre « acquérir la conviction ». Le membre n'est pas opposé à la progressivité envisagée dans l'amendement nº 115 B, mais il estime qu'il est préférable de conserver le texte de l'amendement nº 14. L'intervenant ne voit pas bien quelle est la portée juridique de la notion d'« acquérir la conviction ».

Une membre observe que la discussion relative à l'amendement nº 119 a montré que le choix des mots « a acquis la conviction » ou « constate », dépend de la suite de la phrase, et du point de savoir si les conditions sont de nature subjective ou objective.

Le texte hollandais parle effectivement de conviction : « De arts die de overtuiging heeft gekregen dat er sprake was van uitzichtloos en ondraaglijk lijden van de patiënt. »

En droit hollandais, on ne parle donc que de « souffrance ». Le terme « uitzichtloos » serait plutôt de type objectif, mais il n'est pas question d'une situation médicale sans issue. L'intervenante se demande pourquoi.

Quant aux mots « ondraaglijk lijden », ils renvoient davantage à un élément subjectif.

Le texte hollandais n'ajoute pas la notion de « détresse », et l'on peut se demander si celui-ci n'est pas redondant.

Il faudrait en tout cas que les auteurs de l'amendement nº 14 indiquent s'ils considèrent les conditions qu'ils énumèrent comme subjectives ou objectives car de la réponse à cette question dépend la formulation du texte.

Un membre peut se rallier à cette approche, pour autant qu'il soit clair qu'au troisième tiret, les termes « fait état d'une souffrance ou d'une détresse constante et insupportable » renvoient à une appréciation subjective de la part du patient, mais dont le médecin fait la constatation objective.

Un autre membre répond qu'il ne s'agit pas dans le chef du médecin d'un simple constat. Il doit vérifier si tous les moyens ont été utilisés pour soulager la souffrance du patient, dont l'appréciation peut d'ailleurs varier dans le temps.

Les choses ne sont donc pas si simples.

L'essentiel est de savoir si l'on fait tout pour que la personne puisse s'affirmer elle-même dans la façon dont elle veut vivre sa fin de vie.

Une intervenante estime que le médecin ne peut faire une simple constatation formelle, sur la base d'un document écrit, de ce que la demande est formulée de manière expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante.

Il s'agit d'un processus au cours duquel il doit y avoir plusieurs entretiens, la consultation d'un autre médecin, etc., pour aboutir à la conviction que le patient se trouve dans une situation médicale sans issue.

L'intervenante demande en outre si les six auteurs sont prêts à abandonner la formule « Ne commet pas d'infraction ... ».

Elle renvoie à cet égard à l'opinion du professeur Masset, dont un précédent intervenant a donné lecture.

Amendement nº 155A

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 155 A), qui vise à insérer le mot « simultanément » dans la phrase liminaire du § 1er de l'article 3 proposé.

Toutes les conditions sont en effet d'égale importance. Il doit être absolument clair pour l'organe de contrôle qu'il est exclu que certaines conditions soient moins importantes que d'autres. Il faut éviter que l'euthanasie puisse être pratiquée en toute impunité lorsqu'une partie seulement des conditions sont remplies. Les critères de prudence sont tous d'égale importance et ils doivent tous être respectés simultanément.

Un membre suppose que, dans l'esprit des auteurs de l'amendement nº 14, toutes les conditions que fixe celui-ci sont cumulatives.

Cependant, aucune sanction spécifique n'est prévue lorsqu'un médecin n'aura pas respecté les conditions.

L'intervenante a, pour sa part, cosigné un amendement qui prévoit une sanction spécifique, consistant en une amende administrative, lorsque le médecin n'a pas suivi la procédure fixée.

En effet, elle a retenu des auditions qu'aux Pays-Bas, beaucoup de médecins ne remplissaient pas les formulaires prévus.

Pourquoi ne pas prévoir ici un contrôle beaucoup plus strict, pour inciter les médecins à le faire ?

Dans le système prévu, il n'existe aucune solution intermédiaire : soit les conditions sont remplies, et le dossier est classé, soit elles ne le sont pas, et le dossier est transmis à la justice.

Un des auteurs de l'amendement nº 14 réplique qu'effectivement, aucune sanction spécifique n'est prévue pour le cas où il y aurait eu négligence de la part d'un médecin. Le cas échéant, la commission de contrôle se prononcera sur le cas et transmettra, au besoin, le dossier au parquet. Suivra un jugement particulièrement sévère, étant donné qu'il ne saurait être question d'euthanasie en l'occurrence et qu'un acte répréhensible aurait par conséquent été commis.

Un membre estime qu'il faudrait faire une distinction entre le fait de pratiquer l'euthanasie sans demander le consentement du patient et le fait de ne pas communiquer un cas d'euthanasie qui constitue plutôt une faute de procéduce.

Un autre membre se demande quelle objection il peut y avoir contre l'insertion du mot « simultanément ».

L'intervenant précédent répond que l'emploi systématique du mot « et » emporte automatiquement que toutes les conditions sont cumulatives et doivent être remplies simultanément.

Amendement nº 64

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 64), tendant à supprimer, au § 1er, 1er tiret, de l'article 3 proposé, les mots « ou mineurs émancipés ». En effet, les auteurs ne voient pas pourquoi une exception à l'exclusion des mineurs du champ d'application de la loi serait faite pour les mineurs émancipés.

D'ailleurs, l'émancipation est souvent accordée pour des motifs financiers. Ce type de raisons n'a rien à voir avec une demande d'euthanasie.

Un des auteurs de l'amendement nº 14 estime que la présence des mots en question dans le texte est nécessaire. Dans certains cas, une répétition peut aussi servir la clarté et la lisibilité d'un texte de loi.

L'un des auteurs de l'amendement nº 64 en déduit que les auteurs de la proposition ne sont pas favorables à l'amendement.

Le président fait observer qu'il ne peut contraindre personne à répondre aux amendements déposés.

Pour le surplus, chacun prendra position au moment du vote.

Un membre estime qu'une clarification serait cependant utile, car la suppression des mots « mineur émancipé » peut être interprétée dans un sens comme dans l'autre, les mineurs émancipés disposant de la capacité juridique.

Amendement nº 115A

M. Vankrunkelsven dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 115A), qui prévoit que les mineurs de plus de 16 ans peuvent demander l'euthanasie pour autant que leur(s) parent(s) soi(en)t associé(s) à leur décision.

Cet amendement s'inscrit dans la tendance à octroyer aux mineurs ayant atteint l'âge de 16 ans un droit de décision à part entière dans les affaires médicales les concernant. Il est dès lors logique d'autoriser l'euthanasie pour ces personnes. Il faut néanmoins que les parents soient associés à la décision. La décision ultime appartient toutefois au mineur en question et à lui seul.

Un membre demande si l'amendement signifie bien que ce serait le médecin qui apprécierait si le patient peut être jugé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts en la matière.

Dans le texte français figurent les mots « qu'il puisse être jugé ... ». Ces termes semblent signifier que ce n'est pas le patient lui-même qui juge.

En outre, l'amendement réintroduit à nouveau le suicide assisté dans le champ de la loi.

Enfin, un patient mineur capable fait-il encore l'objet d'une tutelle ?

L'auteur de l'amendement répond que, s'il s'avérait qu'une majorité des membres souscriraient à l'amendement nº 115A, au cas où l'on supprimerait la référence à l'assistance au suicide, il est prêt à déposer un sous-amendement visant à supprimer cette référence.

D'ailleurs, c'est au médecin qu'il appartient de juger si le patient en question est ou non en mesure d'évaluer la situation dans laquelle il se trouve.

Amendements nºs 121 et 154

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement tendant à supprimer, au § 1er, 1er tiret, de l'article 3 proposé, les mots « lors de la formation de la demande » (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 121).

L'auteur se demande tout d'abord ce que signifient les mots « formation de la demande », qui lui paraissent susciter la confusion.

Que visent-ils par rapport au processus prévu aux paragraphes suivants ?

Qu'advient-il du patient qui devient inconscient dans l'intervalle ?

L'intervenante croyait avoir compris que le champ d'application du texte se limitait aux patients capables et conscients, sous réserve du chapitre consacré aux déclarations anticipées.

Un membre estime qu'il faudrait à tout le moins parler des demandes, puisque la demande doit être répétée. Par ailleurs, il vaut mieux parler de formulation de la demande, plutôt que de formation de celle-ci.

Un autre membre dit souscrire à l'amendement nº 121. À la lecture globale de l'article 3 proposé, il apparaît que la pérennité de la requête est un élément important de la demande d'euthanasie. Il doit y avoir plusieurs entretiens, la demande doit être persistante, etc. Or, tel qu'il est rédigé, le texte donne à penser que les critères de prudence ne doivent être remplis qu'au moment de la première requête.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 pense que le mot « formation » pourrait être remplacé par le mot « moment », comme dans la version néerlandaise du texte, encore que l'idée de « formation » souligne le caractère évolutif de la demande.

D'autre part, on a assisté, au cours des auditions, à une série de démarches interprétatives de la demande, jusqu'à la négation de toute forme (d'existence) de (la) demande.

Il faut éviter que l'on puisse surseoir de manière définitive à des demandes en en niant l'existence par une démarche interprétative abusive.

L'intervenant souligne en outre que l'on définit ce qu'est la demande au § 1er, deuxième tiret, de l'article 3 proposé à l'amendement nº 14.

Il est évident que, selon l'interprétation que l'on en fait, y compris par un « décodage » persistant, on pourrait considérer que la demande doit être réitérée à l'infini pour pouvoir être prise en compte.

On ne peut utiliser une interprétation, qui peut être justifiée pendant un certain temps, pour éviter de donner une réponse au malade.

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement nº 154 (doc. Sénat, nº 2-244/10) comparable au sous-amendement nº121.

Amendements nºs 40 et 105

M. Remans renvoie aux amendements nºs 40 (doc. Sénat, nº 2-244/5) et 105 (doc. Sénat, nº 2-244/7) , qui traitent de la même question. L'intervenant retire le sous-amendement nº 40 tout en soulignant que le sous-amendement nº 105, qu'il a déposé avec quelques collègues, répond aux souhaits de l'auteur de l'amendement nº 121.

L'intervenant explique que l'amendement nº 105 vise à retirer quelques adjectifs du texte de l'article 3. Pour l'instant, l'amendement nº 14 propose de spécifier que la demande doit être formulée de manière « expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante ». Or, dans sa lutte contre la mort, le patient passe par différents états. Le choix des adjectifs n'est donc pas dénué d'importance.

Les mots « non équivoque », « expresse » et « persistante » sont superflus. Les mots « mûrement réfléchie », « volontaire » et « répétée » peuvent suffire, car l'interprétation pourrait donner lieu à des contestations juridiques dans le cadre desquelles la preuve devra être apportée par des témoignages et par le dossier médical.

De tels témoignages peuvent porter atteintes à la vie privée du patient. Et le dossier médical peut être compromettant pour le médecin car sous cet angle, le dossier devient plus important que le patient lui-même. Toute insuffisance ou omission au niveau de la déclaration pourrait transformer l'acte d'euthanasie en délit, alors que le but est de protéger le médecin bien intentionné qui souhaite venir en aide au patient en situation sans issue.

Un membre estime qu'il ressortait des auditions que les mots « non équivoque » étaient très importants, et déplore dès lors leur suppression.

Une autre membre constate que cet amendement relance la discussion précédente relative au fait que le médecin doit se forger une conviction par rapport au caractère de la demande.

Tant qu'au § 1er, on mêle un certain nombre de caractéristiques dont certaines sont objectives et d'autres dont le médecin doit, aux termes du § 3, s'assurer, ou acquérir la conviction, on suscitera des discussions de type sémantique.

L'intervenante regrette que le sous-amendement en discussion ne mentionne plus le caractère persistant de la demande, car il s'agit à ses yeux d'un élément important.

En effet, les auditions ont montré que des demandes d'euthanasie peuvent être formulées à différents moments, et en fonction de l'état et des circonstances dans lesquels le patient se trouve.

Il se peut qu'un patient formule une telle demande, et ne la réitère pas, par exemple parce que sa situation s'est améliorée et qu'il se sent plus entouré.

Le mot « persistante » a donc toute son importance.

En outre, le médecin doit pouvoir se justifier. Le dossier médical est le meilleur endroit pour ce faire, parce qu'il préserve la vie privée du patient. C'est d'ailleurs le seul endroit où la vie privée du patient est préservée, sauf, évidemment, si la production de ce dossier médical est requise au niveau judiciaire parce qu'une plainte a été déposée.

Quelle que soit la position que l'on adopte à l'égard de la proposition de loi, il est souhaitable que le dossier médical occupe une place centrale, y compris lorsqu'il s'agira de discuter des droits du patient.

C'est une garantie à la fois pour le médecin, pour le patient et, le cas échéant, pour la famille de ce dernier.

Un membre déclare que celui qui détermine le caractère (non) équivoque d'une demande, c'est celui qui la reçoit. Ce n'est donc pas un élément objectivable. Il est lié à la subjectivité de celui qui la reçoit.

Un membre réplique que c'est précisément pour cette raison qu'il est important de prévoir, dans la proposition de loi, que le médecin devra constater que toutes les conditions de base sont simultanément respectées. Cela implique notamment que si une demande d'euthanasie est réitérée, le patient doit aussi être conscient à ce moment-là. Il faut, en effet, être attentif non seulement au « décodage » d'une demande d'euthanasie, mais aussi au phénomène inverse. Un patient peut formuler une demande d'euthanasie à un moment donné et retirer cette demande ultérieurement en raison d'une amélioration de sa situation sur le plan psychique ou sur le plan physique. Il faut veiller à ce qu'une demande d'euthanasie ne poursuive pas toujours le patient. Celui-ci doit être conscient tout au long du processus de demande d'euthanasie et il doit répéter clairement sa demande.

Le membre ne comprend pas pourquoi il faut supprimer les mots « non équivoque », « expresse » et « persistante ». Puisque la demande doit être faite par écrit, il va de soi qu'elle est « expresse ». Par ailleurs, il importe d'inscrire dans la loi que la demande doit être claire, c'est-à-dire « non équivoque ». Le patient se trouve, en effet, en position vulnérable et il ne doit pas subsister le moindre doute sur le fait qu'il demande effectivement que l'on mette fin à ses jours. Le caractère « non équivoque » de la demande doit donc être maintenu dans le texte.

En ce qui concerne la persistance de la demande, le membre souligne que ce terme a une autre portée que le mot « répétée ». Dans une demande d'euthanasie, en effet, les professionnels de la santé découvrent souvent, en réalité un appel à l'aide, ainsi que les auditions l'ont confirmé. Un tel appel à l'aide peut être « répété » plusieurs fois, même s'il est formulé autrement. Une véritable demande d'euthanasie ne doit pas seulement être « répétée »; elle doit aussi être « persistante » et se maintenir dans l'intervalle des diverses répétitions. Le médecin doit avoir à ce sujet une certitude absolue.

L'auteur principal de l'amendement nº 105 signale que celui-ci vise à retirer autant que possible du texte de la loi les termes susceptibles d'interprétation subjective. Peut-on imaginer que par la suite, des témoins soient convoqués pour confirmer qu'une demande d'euthanasie a été « expresse », « non équivoque » et « persistante » ? Si l'assurance existe que la demande est « mûrement réfléchie », « volontaire » et « répétée », alors des éléments objectifs sont là qui permettent de démontrer que la demande d'euthanasie est justifiée dans le cadre de la loi et qu'elle n'est pas le résultat d'une impulsion soudaine. Et de cette manière, on écarte les termes subjectifs du texte de la loi.

Le membre souligne d'ailleurs que c'est l'opinion du patient qui est au centre du processus. La conviction du patient est l'élément fondamental de toute la demande. Cette conviction doit pouvoir être objectivée.

Enfin, l'intervenant souligne que la proposition de loi s'emploie à faire en sorte que le médecin agisse avec prudence dans l'exercice de sa fonction. Ce point ne souffrira aucune discussion. Mais certaines demandes justifiées d'euthanasie n'aboutiront pas, si la procédure est trop complexe, pour le patient comme pour le médecin.

Un membre fait observer que la personne qui formule une demande d'euthanasie peut très bien garder en elle-même une ambivalence par rapport à cette demande, décider d'assumer cette ambivalence, et persister dans sa demande. Si l'expression « sans équivoque » exprime que l'on est arrivé à une conviction au terme d'un processus et d'un dialogue patient-médecin, et qu'il s'agit de la libre expression de la personne sans pression extérieure, l'intervenant n'a pas d'objection éthique à cet égard.

Si par contre, cette expression veut dire qu'il n'y a plus d'ambivalence humaine d'aucune sorte, il pense qu'il vaut mieux ne pas la maintenir.

Ne faudrait-il pas ajouter « librement » « sans pressions » ou encore « sans contrainte » ?

Un autre membre fait référence à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, pour qui l'absence d'équivoque est une exigence essentielle du renoncement à un droit. Du point de vue juridique, il n'est pas possible de renoncer au droit à la vie. De plus, si un tel renoncement devait avoir lieu malgré tout, il devra, suivant la Cour de cassation, être non équivoque. Il est donc exclu de supprimer cette condition dans la proposition de loi. L'amendement nº 105 aura pour conséquence qu'un médecin pourra déduire une demande d'euthanasie du contexte général de la situation du patient, sans que cette demande soit formulée en termes explicites. Renoncer à ce caractère non équivoque est donc une démarche radicale qui peut avoir des conséquences néfastes.

Le pas ainsi franchi s'inscrit néanmoins dans la logique de la proposition nº 2-244/1, qui veut que l'euthanasie puisse être pratiquée à la demande du patient ­ au sens large du terme. La raison en est, selon l'amendement nº 105, que l'on ne doit en aucun cas courir un risque pénal. Apparemment, le fait de tuer autrui ne doit exposer qu'au moins de risques possible sur le plan pénal. Il va de soi que le membre ne peut pas souscrire à cette logique.

Amendement nº 118

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 118), tendant à remplacer le mot « persistant » par les mots « et que le patient persiste dans sa volonté ».

Ceux-ci paraissent plus clairs, et devraient, à leur estime, rencontrer l'approbation des auteurs de la proposition, qui se réfèrent toujours à la volonté du patient.

Amendement nº 122

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 122), tendant à répondre à la crainte que des demandes d'euthanasie puissent être motivées, non par une souffrance physique ou psychique, mais par des pressions extérieures, des raisons de type économique, ou le fait de se sentir à charge de sa famille ou de la société.

L'une des raisons qui ont inspiré le dépôt de cet amendement est la crainte que l'on utilise la possibilité donnée au médecin de pratiquer une euthanasie, notamment à l'égard de patients âgés en fin de vie mais non mourants, dans un home ou même à domicile, face à une famille exténuée, ou encore pour « faire de la place » dans un hôpital, à l'égard de patients atteints de longues maladies, etc.

Les auteurs de l'amendement préfèrent les termes « de son plein gré » au mot « volontairement », et « sans pression extérieure d'aucune sorte ».

Pour éviter tout risque à cet égard, il est de la responsabilité du médecin de se soucier de la situation du patient.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 estime que le terme « volontaire » répond aux observations de la précédente intervenante.

Une membre se déclare favorable au sous-amendement en discussion. Elle se dit convaincue que la majorité des demandes d'euthanasie peuvent émaner des proches. Il importe donc d'accorder à ceux-ci toute l'attention nécessaire.

Les proches les plus affectueux peuvent, même inconsciemment, véhiculer ou renforcer des messages négatifs à l'égard du malade qui, en raison de sa situation, est vulnérable.

Ils peuvent aussi avoir eux-mêmes des pensées dépressives ou suicidaires parce qu'il n'en peuvent plus et il peut arriver que ce soient eux qui aient le plus besoin de soutien affectif.

Souvent d'ailleurs, le patient parvient à accepter qu'il arrive à la fin de sa vie, alors que sa famille ne s'y résout pas.

Le texte doit donc être rédigé de façon à éviter que le patient n'en vienne à formuler une demande d'euthanasie sous la pression, même inconsciente, de son entourage.

L'intervenante renvoie à une étude américaine assez récente et à un ouvrage sur le suicide assisté écrit par un fonctionnaire américain, M. Johnston, ayant en charge la politique des personnes âgées en Californie. Il a analysé, d'un point de vue sociologique, les répercussions des suicides assistés et l'entourage de la personne qui aurait demandé volontairement le suicide assisté.

Ce livre est particulièrement intéressant parce qu'il montre les dérives inconscientes et collectives qui peuvent résulter d'une telle législation, bien pensée au départ, exigeant une demande répétée, volontaire et réfléchie, comme on l'envisage ici.

Même s'il n'existait que quelques cas d'influence de proches sur le patient, cela mériterait que l'on fasse tout pour empêcher que la volonté et le désir propre du patient soient ainsi infléchis.

Le sous-amendement en discussion s'impose donc, non seulement pour des raisons d'ordre économique et financier, mais aussi de pressions sociales, et pour éviter que les demandes volontaires soient le résultat de l'influence de l'entourage.

Une autre membre est d'avis que la signification de l'amendement nº 122 est essentielle. Elle ne peut souscrire à la thèse selon laquelle une demande d'euthanasie qui a été formulée de manière volontaire, mais à la suite de pressions extérieures, peut être justifiée. Elle pense au contraire qu'on ne peut accéder à une demande d'euthanasie que s'il est établi qu'il n'y a eu aucune pression, de quelque côté que ce soit. Sans cela, en effet, la demande n'est pas « volontaire ».

L'intervenante renvoie à l'intervention d'une préopinante concernant le droit à l'autodétermination. Lorsqu'on est gravement malade, on représente une charge et on doit faire appel à la famille. Si on en vient à propager le droit à l'autodétermination, un patient gravement malade devra se demander constamment dans quelle mesure il ou elle a encore suffisamment de raisons de continuer. Des études psychologiques déjà menées aux Pays-Bas montrent que ce phénomène se produit surtout lorsque les patients en question découvrent la fatigue et l'inquiétude dans les yeux de ceux qu'ils chérissent le plus. On peut se demander si de tels patients formuleront vraiment leur éventuelle demande d'une manière tout à fait volontaire.

Au cours des auditions, le monde médical a souligné que le nombre de demandes d'euthanasie a sensiblement augmenté depuis que le débat est en cours. Cette augmentation exponentielle du nombre de demandes est essentiellement le fait des membres de la famille des patients, et non pas de ces derniers eux-mêmes. La crainte de voir augmenter la pression morale sur les patients gravement malades si les textes proposés sont votés est donc bien réelle. Aussi est-il primordial de bien souligner qu'une demande d'euthanasie ne peut jamais résulter de pressions. C'est là un signal social et éthique important à donner.

Un autre membre encore insiste sur la préoccupation qui a inspiré le dépôt du sous-amendement en discussion, et demande qu'elle soit prise en compte.

Le terme « volontairement » n'est pas, à ses yeux, une réponse satisfaisante à cette préoccupation, contrairement à ce qu'a dit un précédent orateur.

En effet, un malade peut vouloir en finir en raison de pressions socio-économiques, comme des études l'ont montré. Que l'on songe par exemple à un père de famille d'un milieu laborieux, qui doit recevoir des soins terminaux dont le coût complémentaire est tel que la poursuite de ces soins mettrait en cause les études d'un de ses enfants. Ce père de famille peut, dans un tel contexte, décider volontairement de se sacrifier.

L'euthanasie ne peut être utilisée comme excuse à des lacunes dans le développement de l'aide sociale dans une société.

Aux yeux de l'intervenant, le mot « volontaire » ne répond en aucune façon à cette objection.

Des enquêtes récentes, qui constituent à tout le moins un signal d'alerte, montrent qu'en Belgique, un pourcentage important de personnes âgées sont victimes de maltraitance, en grande partie psychologique, et essentiellement dans le milieu familial.

Que cela ne soit pas considéré comme un facteur qui puisse induire des pressions qui amènent volontairement quelqu'un à décider d'en finir, c'est, aux yeux de l'intervenant, prendre les choses de façon un peu légère.

Celui-ci admet par ailleurs qu'il puisse y avoir des mots plus adéquats que ceux proposés dans le sous-amendement, et il appartient aux commissions de les trouver.

Une des auteurs de l'amendement nº 14 souligne que ce dernier vise précisément à répondre à cette préoccupation en empêchant l'« euthanasie économique », qui pourrait résulter par exemple d'un manque de lits d'hôpitaux. Il faut également résister à la pression des familles. Telle est précisément la portée du terme « volontaire » utilisé dans l'amendement. En outre, on prévoit plus loin dans le texte des garanties supplémentaires avec la consultation d'un autre médecin et l'information à fournir sur les possibilités palliatives. L'équipe soignante aussi doit être consultée parce que les gens qui prodiguent les soins ont souvent des rapports très étroits avec la famille du patient. Ces garanties supplémentaires ne figuraient pas dans la proposition initiale et sont désormais prévues explicitement.

Un membre n'est absolument pas d'accord avec l'affirmation de la préopinante. Le raisonnement construit autour du terme « volontaire » est identique à celui qui était utilisé au XIXe siècle par le libéralisme concernant la validité des actes juridiques : c'est la volonté du citoyen qui fait droit. Or, l'histoire a montré que les relations entre, par exemple, bailleur et preneur ou employeur et travailleur sont autrement plus complexes. La volonté est en effet souvent manipulée et, ainsi, détournée de l'intention réelle. En réaction, on a mis en avant certains principes de droit, comme la fidélité, l'équité, l'interdiction d'abuser d'une position dominante, etc.

En l'espèce, on risque toutefois d'en revenir à la conception du XIXe siècle. Comme parade à la pression extérieure, on postule le libre arbitre. Concrètement, cela signifie que l'on admet une certaine pression, mais qu'une certaine pression qui irait jusqu'à annihiler le libre arbitre n'est plus admise. Il convient de rejeter résolument cette conception juridique, notamment parce qu'elle est contraire à l'article 2 de la CEDH, ainsi qu'on l'a déjà plusieurs fois souligné.

Le noeud de la question, c'est que l'image abstraite que l'on nous dépeint du patient en phase terminale qui pourrait encore exercer son libre arbitre comme une personne en bonne santé, n'est en fait pas du tout conforme à la réalité. Le processus par lequel se détermine la volonté d'un tel patient est beaucoup plus fragile et aléatoire. Il est dès lors inadmissible de permettre qu'une manifestation de volonté telle que celle-là ait des conséquences aussi radicales. Le signal donné par les auditions et le mouvement palliatif est qu'il faut prendre en charge le tourment de ces personnes et leur procurer un accompagnement. Dans ce sens, l'amendement nº 122 est l'évidence même.

Il est exact de dire que toutes ces questions doivent être envisagées dans une vision d'ensemble. Du côté de la majorité, on a pourtant déposé un amendement nº 105 qui supprime du texte les termes « non équivoque ». Les garanties que l'on insère pour prendre en compte la fragilité des intéressés, notamment en prévoyant que la demande doit être formulée « de manière non équivoque », sont systématiquement éliminées. La loi méconnaît la richesse et la complexité de la situation et ne répond pas à la réalité. L'intervenant répète que selon lui, l'objectif de la loi est de faire courir le moins de risques possible sur le plan pénal au médecin qui pratique l'euthanasie. Cet objectif repose sur une conception de l'homme et de la société que l'intervenant ne peut absolument pas partager.

Un membre partage le point de vue selon lequel le terme « volontaire » est extrêmement ambigu, et ne répond pas aux préoccupations liées aux pressions possibles de la famille.

La loi future, quelle qu'elle soit, doit prendre en compte ces préoccupations.

Le § 3 ne répond pas à celles-ci.

Ce n'est pas parce que le patient est correctement informé par son médecin qu'il ne peut être l'objet de pressions ou de contraintes.

Le mot « volontaire » indique seulement qu'il va prendre lui-même la décision. Cette décision sera le fruit d'un arbitrage entre différents éléments.

Elle pourra être de mettre fin volontairement à sa vie alors que, si le patient s'était trouvé dans d'autres conditions (traitement adéquat de la douleur, absence de pressions familiales, ...), une décision inverse eût été prise.

Ce sont ces écueils que les auteurs du sous-amendement veulent éviter, et qu'aucun des termes actuellement repris dans le texte à l'examen ne permet d'éviter.

Il est fait observer que les pressions extérieures peuvent s'exercer en sens divers.

Un sénateur estime que la responsabilité du médecin qui doit se prononcer sur la pression éventuellement exercée sur le patient est écrasante et peut-être encore plus forte que lorsqu'il doit évaluer la douleur du patient.

Il souligne néanmoins que la proposition de loi en discussion telle qu'elle sera modifiée par l'amendement nº 14 tient bel et bien compte de cette problématique. Dans le texte néerlandais aussi, le terme « vrijwillig » est utilisé à plusieurs reprises, précisément pour éviter qu'une pression sociale ne soit exercée sur le patient. L'intervenant ne comprend pas bien que d'aucuns souhaitent ramener le caractère volontaire à une forme d'individualisme, d'autodétermination ou de libéralisme. Les auteurs de l'amendement veulent, au contraire, indiquer qu'il faut que le patient ait posé lui-même, de son plein gré, la demande d'euthanasie. Le sénateur renvoie par ailleurs à l'amendement nº 115B déposé par lui, qui souligne que les contacts individuels que le médecin a avec le patient doivent le convaincre pleinement que le patient a fait sa demande volontairement. Il est toutefois tout à fait impossible d'exclure, dans un texte de loi, toute forme de pression sociale. En définitive, le médecin devra en l'espèce prendre ses responsabilités.

Un commissaire souligne que le texte tel qu'il est proposé par les amendements nºs 14 et 105 dit également que la demande doit être formulée de manière « réfléchie » et « répétée ». La meilleure défense contre les abus est justement l'autodétermination. Les États totalitaires sont précisément totalitaires parce qu'ils violent l'autodétermination.

D'ailleurs, l'intervenant signale que, dans le processus décisionnel, la demande d'euthanasie est influencée par la peur de souffrir, le sentiment de dépendance et la perte du respect de soi. Le patient a le droit de demander l'euthanasie, mais cela ne signifie pas automatiquement que celle-ci sera pratiquée. C'est que le droit à l'autodétermination n'est pas absolu. La volonté du patient et l'appréciation du médecin sont mis en balance.

Une autre membre estime que l'amendement nº 122 constitue un ajout très important, puisque non seulement il spécifie le mot « volontaire », mais en outre il crée, selon elle, une condition de fond supplémentaire. Elle se demande si d'autres commissaires partagent cet avis.

Elle renvoie à une des premières propositions relatives à l'euthanasie faites au cours de la présente législature, qui prévoyait qu'un patient se considérant comme inutile et à charge pouvait demander et obtenir l'euthanasie sans qu'on puisse parler d'infraction. L'adoption de l'amendement nº 122 exclurait explicitement une telle situation. Dans ce sens, il s'agit d'une condition supplémentaire, qui fait plus que simplement souligner le caractère volontaire.

Dans de nombreux cas ­ certains parlent de 50 % ­ des disputes opposent en effet les différents membres de la famille à l'occasion du décès d'un patient, le plus souvent pour des questions d'héritage. Une telle situation risque d'influencer la demande d'euthanasie. C'est ce que doit absolument prévenir la loi qui réglementera l'euthanasie.

Un sénateur reconnaît qu'il faut exclure des situations de ce genre. Si le sentiment qu'éprouve le patient de n'être rien d'autre qu'une charge pour ses proches et d'être, de ce fait, inutile est l'unique motif de sa demande d'euthanasie, on ne peut pas y accéder. Les soins palliatifs offrent sur ce plan une solution. Le médecin doit contrôler consciencieusement cet aspect.

En réponse à un membre, qui estimait que l'autodétermination constituait la meilleure protection contre les abus, un membre déclare que cela n'est pas suffisant, comme l'histoire nous l'a appris. Il faut aussi la solidarité sociale, qui garantit à chacun un niveau de vie et d'accès aux services et ressources, qui le mette à l'abri des contraintes et pressions socio-économiques excessives.

C'est cet équilibre qui est le sens même de nos sociétés. Sans autodétermination, on se trouve évidemment dans le totalitarisme. Mais sans solidarité ni protection sociale, on se trouve, comme le disait M. Maystadt, « dans le poulailler libre, avec des renards libres ». Le mot « volontaire » n'est donc pas une réponse à la préoccupation de l'intervenant puisque, sous une pression socio-économique, une personne pourrait être amenée à formuler « volontairement » une demande d'euthanasie. Des études scientifiques l'ont montré. Récemment encore, le docteur Clumeck a fait état de cette situation, à propos d'une étude réalisée au sujet d'une série de patients souffrant de sclérose latérale amyotrophique, et qui montrait que, suivant le contexte socio-économique et l'environnement, les demandes variaient.

L'intervenant rejoint entièrement la préoccupation exprimée par l'un des six auteurs d'éviter à la fois les erreurs par excès et les erreurs par défaut.

En l'occurrence, on se trouverait précisément devant des erreurs par excès, si l'on ne prémunissait pas les personnes en situation de plus grande fragilité contre les pressions en question.

Un autre membre estime que les six auteurs ont une vision des choses très cartésienne, qui méconnaît non seulement les sciences humaines et la psychologie, mais aussi l'apport de la sociologie.

Combien de sociologues n'ont-ils pas souligné qu'il existe dans les hôpitaux une rationalité technique et financière qui a tendance à l'emporter, et que des balises sont nécessaires en la matière.

L'étude de M. Johnston déjà citée montre qu'autant de médicaments et de réconfort sont nécessaires aux familles qui entourent les patients qu'à ces derniers.

Il faut tenir compte de cet élément.

Un commissaire fait observer que le meilleur terme qu'il ait entendu est le mot « volontaire », qui dit parfaitement que le patient doit formuler de son plein gré ­ et non sous une quelconque pression ­ sa demande d'euthanasie.

L'intervenante suivante renvoie aux développements de la proposition de loi relative à l'euthanasie dont elle est l'auteur (doc. Sénat, nº 2-86/1) et qui cite effectivement une enquête néerlandaise selon laquelle une demande d'euthanasie a souvent pour cause une infirmité. C'est là une réalité dont il a été tenu compte lors de la rédaction de la proposition nº 2-244 et de l'amendement nº 14. Il faut toutefois ajouter que les textes proposés ont été rédigés de manière à réduire de telles situations à un minimum absolu.

Un membre estime que le législateur a sa propre responsabilité. La question qui se pose est toujours de savoir dans quelle mesure certains comportements sont la règle, en d'autres termes, s'il y a une distinction entre ce qui est et ce qui doit être. Ce n'est pas parce qu'il existe certains abus que cela doit être la norme sociale. Dans le cas contraire, il faut réduire le rôle du législateur à une sorte d'observatoire.

L'intervenant souligne ensuite que son point de départ, à savoir que le droit à l'autodétermination n'est ni le début, ni la fin du débat sur l'euthanasie, ne doit pas aboutir à un plaidoyer en faveur d'un régime totalitaire, comme l'a suggéré un intervenant précédent. Il a simplement voulu dire que le patient malade se trouve dans une situation de dépendance qui nécessite qu'il soit protégé.

Il renvoie en outre aux principes qui ont été inscrits voici deux siècles dans le Code civil, à savoir qu'un testament doit être rédigé du plein gré de son auteur. C'est l'une des conditions de validité d'un testament. Les auteurs du Code civil ont fait montre d'une grande intelligence psychologique de la société car en plus du caractère volontaire du testament, ils ont également inscrit à l'article 909 que les médecins et les pharmaciens qui auront traité le patient pendant la maladie dont il meurt ne pourront profiter matériellement d'un testament qu'il aurait fait en leur faveur pendant le cours de sa maladie. Le Code civil a ainsi voulu réagir contre la captation d'héritage et des abus de tous ordres.

Tout cela n'est pas dénué d'importance dans la discussion menée aujourd'hui. Le personnel soignant peut en effet exercer une énorme pression sur un malade. Le Code civil a précisément voulu dire que le plein gré n'est pas le dernier mot pour apprécier une situation, mais il introduit certaines garanties. C'est une présomption irréfutable de la pression sociale qui peut être exercée par le personnel soignant. Il ne suffit donc pas d'inscrire dans la loi que l'euthanasie doit être « volontaire ». Il faut prévoir des garanties supplémentaires. La suppression proposée des mots « non équivoque » donne un signal erroné.

Un membre déclare que, se fondant sur l'expérience vécue avec un proche, il pense que bon nombre de patients se trouvent à un moment donné dans une situation où ils n'ont plus de volonté propre.

Lorsqu'on parle de soins palliatifs, personne ne peut garantir non plus que le patient exprime vraiment sa volonté. Si l'on considère les choses de la sorte, la mission du législateur devient alors impossible.

Il ne faut pas perdre de vue que le patient a un allié en la matière, à savoir le médecin. On ne peut mettre le rôle de ce dernier en avant pour certaines choses, et le gommer pour d'autres.

Enfin, l'intervenant souhaiterait que ceux qui sont opposés à l'euthanasie et ceux qui y sont favorables le disent clairement, ce qui permettrait de sortir de la discussion où l'on s'enferme depuis des mois, et d'avancer.

Un sénateur réagit à l'intervention d'un orateur précédent concernant le droit des médecins et du personnel soignant d'hériter de leurs patients. L'argument en la matière n'est pas tellement qu'ils peuvent exercer des pressions sur le patient, mais bien qu'ils sont maîtres du traitement et qu'ils pourraient donc le tuer. Un médecin qui aurait la possibilité d'hériter d'une personne de quatre-vingt ans, aurait peut-être moins de raisons de lui administrer tous les soins.

Toutefois, l'intervenant reconnaît qu'une personne qui pourrait tirer profit du décès d'un patient pourrait influencer négativement celui-ci. De telles choses arrivent. L'entourage du patient exerce parfois des pressions sur le médecin pour que celui-ci pratique l'une ou l'autre forme d'euthanasie. Le médecin lui-même exerce parfois des pressions sur le patient. Dans bien des cas, le médecin doit procéder à un examen de conscience à ce sujet et tirer, avec le patient, la bonne conclusion. On peut inscrire cela dans un texte de loi, mais on ne pourra pas éviter que certaines situations continuent à se présenter dans les faits. Toutefois, l'on ne saurait utiliser ce qui vient d'être dit comme argument contre l'euthanasie.

Un intervenant précédent réagit à une déclaration d'un sénateur concernant l'exclusion des médecins et du personnel soignant des successions de leurs patients. L'on a bel et bien adopté cette disposition en raison de la vulnérabilité particulière du patient par rapport au médecin, comme le montrent les travaux préparatoires du Code civil. L'intervenant se demande sur quelle source l'on se base pour réfuter pareille affirmation. De plus, il renvoie à la disposition qui prévoit que le dispensateur de soins médicaux a un privilège sur la créance, pour que les patients insolvables puissent être soignés de la même manière que les autres. Toutefois, cela n'a rien a voir avec l'exclusion de la succession.

Une membre redemande si en vertu de l'amendement nº 14 une demande d'euthanasie peut être justifié simplement par le fait que le patient a le sentiment d'être une charge pour sa famille et pour son entourage.

Amendement nº 65

Mme de T'Serclaes dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14, qui est également un amendement subsidiaire à son sous-amendement nº 63 (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 65).

Cet amendement tend à insérer, au § 1er de l'article 3 proposé, au 3e tiret, après les mots « se trouve », les mots « en phase terminale ».

L'intervenante estime que la « situation médicale sans issue » est un concept beaucoup trop large et insuffisamment défini sur le plan médical.

On a beaucoup discuté sur la notion de « phase terminale », en insistant sur la difficulté à la définir. L'intervenante constate cependant que les auteurs de la proposition y font référence, lorsqu'ils visent le décès qui n'interviendra manifestement pas à brève échéance.

L'intervenante répète qu'elle croit un large consensus possible sur la pratique de l'euthanasie en phase terminale, où se situent la grande majorité des cas, et à laquelle se réfèrent les législations de l'Oregon et de l'Australie.

Contrairement à la présentation manichéenne que certains font du débat, il ne s'agit pas de ceux qui seraient pour ou contre l'euthanasie, mais de parlementaires qui s'efforcent de mettre au point la meilleure législation possible dans une matière particulièrement délicate, tant les situations sont diverses.

Un membre demande si, à supposer que les six auteurs retirent la partie de leur texte qui concerne la phase non terminale, la précédente intervenante accepterait de voter la partie de la proposition de loi relative à la phase terminale.

L'intervenante précédente répond qu'elle s'est employée, avec d'autres collègues, à élaborer une contribution qui soit claire à ce sujet, et qui est déposée ici sous forme d'amendements.

Un membre souligne qu'il ne se reconnaît pas le droit de refuser le bénéfice d'une euthanasie à un malade incurable qui présente des souffrances physiques ou psychiques que la médecine ne peut soulager.

La précédente intervenante observe que la proposition à l'examen n'institue pas un droit à l'euthanasie, et que le médecin n'est jamais obligé de donner suite à une telle demande.

Un membre estime que certains multiplient les obstacles, répètent sans cesse les mêmes questions, et veulent en fait exercer un contrôle social total sur la fin de vie, et empêcher que le patient puisse exprimer sa volonté en la matière.

La précédente intervenante réplique qu'il s'agit là de procès d'intentions qu'elle ne peut accepter.

Un membre demande si l'on peut choisir « volontairement » l'euthanasie, pour des raisons socio-économiques.

Un autre membre répond par l'affirmative, pour autant que la décision soit prise librement, ce qui exclut les pressions. Chacun a le droit, actuellement, de se suicider, et ce pour les raisons qui le regardent.

Dès lors, quelqu'un peut demander l'euthanasie s'il a des raisons personnelles pour le faire.

Le législateur essaie de définir parmi les raisons possibles, celles qui doivent être libres de pressions.

Amendements nºs 66 et 213

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 deux sous-amendements, tendant à remplacer, au § 1er de l'article 3 proposé, au 3e tiret, les mots « ou d'une détresse » par les mots « physiques ou psychiques » (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 66) ou par les mots « physiques et psychiques » (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 213).

L'auteur des amendements estime que le mot « détresse » a ici une connotation plus économique que reflétant véritablement la notion de souffrance. Néanmoins, il est clair que l'on ne peut se contenter de prendre en considération une souffrance purement physique.

Plusieurs membres déclarent se rallier à ces amendements.

Un membre ne peut souscrire à l'amendement nº 66. Bien que la suppression du mot « détresse » dans le texte soit incontestablement positive, il faut attirer l'attention sur le fait que la notion de « souffrance psychique » est particulièrement obscure. Alors que la souffrance physique a également pour conséquence une souffrance psychique et qu'elle a même un lien étroit avec elle, il est particulièrement dangereux d'isoler la simple souffrance psychique. En effet, c'est un terme qui très est difficile à objectiver.

Conformément aux amendements nºs 14 et 66, il n'est pas exclu que la souffrance psychique inapaisable

­ qui suppose une interprétation particulièrement subjective ­ soit en soi suffisante pour justifier une demande d'euthanasie qui ne serait pas sanctionnée. Chacun est confronté un jour ou l'autre à des situations, dans lesquelles on estime qu'une souffrance psychique est inapaisable. Cependant, il serait tout à fait inacceptable que ces situations donnent lieu à des euthanasies.

Un membre fait observer que le texte du troisième tiret du § 1er doit être lu dans sa totalité. La souffrance psychique doit en effet résulter d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. En d'autres termes, il doit y avoir un fondement médical à l'euthanasie. En outre, s'il s'agit de patients qui ne sont pas en phase terminale, trois médecins doivent confirmer l'existence de ces causes médicales.

L'intervenant précédent constate que l'on tente systématiquement de réfuter les critiques sur le contenu en faisant référence à la procédure. Or, l'on a tort de le faire. Ceux qui devront appliquer les procédures devront en effet utiliser les notions concrètes et ces notions ne sont absolument pas claires.

En outre, il faut constater que, si l'on adopte l'amendement nº 66, l'on pourra pratiquer l'euthanasie sur des personnes démentes, ce qui est contraire aux déclarations précédentes des auteurs de la proposition nº 2-244, qui avaient explicitement exclu pareille possibilité. En effet, les déments peuvent être victimes de souffrances psychiques résultant d'une affection pathologique.

L'on répond qu'il n'y a pas de mal à renvoyer aux garanties de procédure qui ont été inscrites dans les textes et qui permettront d'éviter les abus. En ce qui concerne l'amendement nº 66, la membre renvoie d'ailleurs non pas à la procédure, mais à une lecture complète de l'article 3 proposé.

Un membre se rallie à l'idée selon laquelle chaque partie du texte doit être reliée à l'ensemble de la proposition.

On peut avoir sur un point précis l'impression que le texte a une portée extrêmement large, mais en fait, la proposition a pour objet à la fois de permettre certains actes, et d'en délimiter le champ.

Un intervenant précédent réplique que l'état de conscience et l'état de démence ne sont pas des états clairement distincts, mais qu'il y a entre eux une gradation. Les médecins sont confrontés au problème, mais aussi des personnes issues du monde juridique. L'article 488bis du Code civil permet en effet au juge de paix de prendre des mesures provisoires concernant ce genre de patients.

Le texte proposé prévoyant que la demande spontanée doit émaner d'un patient qui éprouve une souffrance spirituelle incurable et qui résulte d'un accident ou d'une maladie, l'on peut se demander quel est son champ d'application précis. L'intervenant ne fait pas un procès d'intention aux auteurs, mais il faut se demander comment un juriste pourra déterminer, a posteriori, si la maladie d'Alzheimer, par exemple, entre dans ce champ d'application. En effet, l'on s'accorde à dire qu'une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer peut exprimer consciemment sa volonté à certains moments. En outre, une telle personne pourrait rédiger une déclaration anticipée conformément à l'article 4. Souhaite-t-on que ces personnes puissent demander l'euthanasie ou non ?

Un membre attire l'attention sur la disposition qui figure au premier tiret du § 1er, à savoir que le patient doit être capable, lors de la formation de la demande. Toutes ces conditions sont cumulatives, ce qui permet de répondre au danger évoqué par l'intervenant précédent.

Un autre membre estime que les sous-amendements en discussion sont importants, parce qu'ils constituent une clarification du texte et qu'ils renforcent la logique de celui-ci. Il se déduit du texte que le deuxième médecin sera, en l'occurrence, un psychiatre.

On distingue bien, grâce à ces amendements, ce qui relève d'une pathologie à connotation psychologique de ce qui relève de la détresse existentielle, qui ne relève pas du champ de l'art de soigner.

La loi en préparation traite bien de pathologies pour lesquelles on ne trouve pas de voie d'apaisement, et où le patient et le médecin arrivent, éclairés par les éléments précisés dans la loi, et au terme d'un processus, à la conclusion que l'euthanasie est, pour ce patient, la meilleure ou la moins mauvaise solution.

Un intervenant précédent réagit à l'argument selon lequel on réglera le problème des personnes démentes en prévoyant une condition de capacité. Rien n'est moins vrai. D'un point de vue juridique, l'on a en effet la capacité civile tant que l'on n'a pas été déclaré explicitement déchu de celle-ci. Cela vaut également pour les personnes démentes. L'on n'évite donc absolument pas le risque de voir l'euthanasie pratiquée impunément sur ces personnes.

En outre, le terme « conscient » ne convient pas davantage. En effet, un patient qui souffre d'un début de maladie d'Alzheimer est parfaitement conscient de sa situation et pourrait formuler une demande d'euthanasie, conformément aux critères qui ont été définis.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 confirme que le terme « capable » doit bien être compris dans son acception juridique.

Quant aux termes « demande réfléchie, volontaire et répétée », ils excluent les déments du champ d'application de la loi.

Un membre observe que les malades mentaux constituent une autre catégorie que les handicapés mentaux. Ces derniers peuvent être mis sous minorité prolongée et ne sont pas capables, mais quelle est la situation des malades mentaux placés sous le régime de l'administration des biens ?

On peut supposer qu'ils ne peuvent valablement exprimer une demande d'euthanasie.

Une autre intervenante souligne qu'il existe un certain nombre de régimes d'incapacité. Il faut donc effectivement être précis quant aux notions que l'on utilise.

La question a été posée lors de son audition par Mme Sabine Henry, de la Ligue Alzheimer, à propos des patients souffrant de la maladie d'Alzheimer, qui se trouvent en état de démence, avec des intervalles de lucidité, et disposent pour la plupart de la capacité juridique.

Amendements nºs 73 et 164

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 73), tendant à remplacer, au § 1er de l'article 3 proposé, le 3e tiret par ce qui suit : « ­ ces actes constituent le seul moyen de soulager les souffrances inapaisables et insupportables d'un patient en fin de vie, atteint d'une maladie incurable, dont le décès doit survenir à brève échéance; »

L'un des auteurs précise que l'objectif de ce sous-amendement est d'insister sur les mots « le seul moyen de soulager les souffrances inapaisables et insupportables ».

Dans la logique des auteurs, les actes d'euthanasie ne peuvent intervenir que lorsqu'on a vraiment tout essayé pour soulager les souffrances des malades.

Les mots « inapaisables » et « insupportables » sont choisis pour leur dimension à la fois objective et subjective.

Le mot « et » est préféré à « ou », parce que la dimension physique et la dimension psychique sont très liées.

On se situe en phase terminale, d'où les termes « en fin de vie, atteint d'une maladie incurable, dont le décès doit survenir à brève échéance. »

Une membre souligne que l'on peut avoir réduit les souffrances physiques d'un patient, et qu'il peut néanmoins subsister chez lui des souffrances psychiques très profondes et très réelles.

L'intervenante pense dès lors qu'il ne faut pas nécessairement lier les deux types de souffrances, d'où la formule retenue dans l'amendement nº 66.

Un autre membre peut souscrire à l'amendement nº 73, mais propose d'y ajouter les mots « impossible à traiter ». Sans doute est-ce ce que veulent dire les auteurs de l'amendement lorsqu'ils parlent du « seul moyen », mais tant que l'amendement nº 14 parle d'une douleur « qui ne peut être apaisée », on ne voit pas clairement s'il s'agit d'un élément subjectif ou objectif. Le fait qu'une douleur puisse ou non être apaisée peut aussi dépendre de l'absence d'une médication déterminée dans un hôpital, des connaissances du médecin, du manque d'infirmiers, etc. Le texte serait mieux rédigé si l'on disait sans équivoque que la douleur est vraiment « impossible à traiter » selon l'état de la science. C'est pourquoi Mme De Schamphelaere dépose un sous-amendement dans ce sens (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 164).

L'auteur de l'amendement nº 73 fait observer que son amendement comporte déjà, dans son texte français, le terme « incurable ».

Amendement nº 123

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 123), tendant à ajouter, au § 1er, 3e tiret, les mots « et dont le décès est inéluctable à brève échéance », après les mots « situation médicale sans issue ».

Il s'agit là d'une autre formulation de la phase terminale, de manière à mieux qualifier la « situation médicale sans issue ».

L'intervenante renvoie à la justification de son amendement en ce qui concerne la position du Comité de bioéthique français à cet égard. Elle renvoie en outre à la proposition de M. Monfils, et à celle de Mme Leduc ­ où l'on trouve les termes « de patient binnen afzienbare termijn zal overlijden » ­ bien qu'il y ait manifestement eu une évolution depuis lors dans l'esprit des auteurs.

Amendement nº 152

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 152), qui vise à ce que l'on dispose que la douleur doit être non seulement insupportable, mais aussi, et ce, explicitement, qu'elle doit être impossible à traiter.

Un commissaire estime qu'une douleur qu'il est possible de traiter ne peut pas donner lieu à un acte d'euthanasie. Dans un tel cas, il faut éliminer la douleur physique du patient sans le tuer. Est-ce également le point de vue des auteurs de la proposition nº 2-244 telle qu'elle est amendée par l'amendement nº 14 ?

Amendement nº 110

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 110), tendant à compléter le § 1er proposé par ce qui suit : « Il doit être arrivé avec le patient à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation. »

L'un des auteurs de l'amendement signale qu'un sénateur a déposé un amendement comparable au § 3 de l'article 3 (doc. Sénat, nº 244/8, amendement nº 115B de M. Vankrunkelsven).

Elle n'aurait pas d'objection à insérer le texte proposé au § 3 plutôt qu'au § 1er.

Ce texte s'inspire de celui de la loi hollandaise.

Il vise à souligner l'équilibre qui doit exister, dans la discussion, entre le patient et le médecin, et le fait qu'il doit s'agir entre eux d'une conviction partagée, qui doit se forger progressivement entre le patient qui formule sa demande et son médecin qui accepte ainsi d'engager sa responsabilité tant civile que pénale.

Amendement nº 159A

Mme De Roeck et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 159A), qui vise à remplacer, au § 1er de l'article 3, les mots « constate que » par les mots « s'est assuré que », pour indiquer qu'il entre dans l'évaluation des conditions non seulement des éléments objectifs, mais aussi des éléments subjectifs.

L'intervenante renvoie à la discussion d'un amendement déposé précédemment, qui prévoyait l'utilisation des mots « a acquis la conviction que ». Ces mots ne peuvent, à leur tour, viser que des critères subjectifs, alors que des critères objectifs sont aussi présents, comme la condition d'âge.

C'est pourquoi l'intervenante estime que si l'on utilisait la formule « s'est assuré que », on soulignerait suffisamment qu'un dialogue doit intervenir entre le médecin et le patient, pour l'évaluation tant des critères objectifs que des critères subjectifs.

Deux membres estiment que le sous-amendement constitue une amélioration du texte, même s'ils demeurent plus favorables à la formulation proposée par l'amendement qu'ils ont eux-mêmes déposé, et qui leur paraît de nature à impliquer davantage le médecin.

Le sous-amendement nº 159A rend compte du fait qu'il s'agit ici, non d'une simple condition procédurale, mais d'une démarche intellectuelle.

Un autre membre partage cette appréciation. Les termes « avoir la conviction » seraient encore préférables, parce qu'ils soulignent que le médecin doit prendre une décision en âme et conscience (cf. la loi hollandaise : « De arts moet de overtuiging gekregen hebben dat ... »).

L'intervenante renvoie à un des amendements qui ont été déposés, qui propose l'expression « er zich van overtuigen », mais dont la traduction française « s'assurer que » paraît approximative.

Un membre considère que l'emploi du mot « assurer » améliore le texte, en ce sens qu'il exprime mieux ce que l'on vise précisément, à savoir réaliser un dialogue sérieux entre le médecin et le patient.

Un autre membre renvoie à l'amendement nº 115bis, qui sera discuté ultérieurement et qui dispose explicitement que le médecin « doit arriver, avec le patient, à la conviction (...) ». Cette formulation est moins à sa place ici, parce qu'il y a également des éléments objectifs en cause.

Une intervenante conclut de ce qui vient d'être dit que le terme « s'assurer » convient en tout cas mieux que celui de « constater », si l'on laisse inchangée la structure de l'article, dont le § 1er concerne la responsabilité du médecin, et dont le § 3 concerne plutôt les conditions du dialogue, où c'est la conviction du médecin qui s'exerce, qu'il s'agisse du dialogue avec le patient, avec l'équipe médicale, ou avec un autre médecin.

Un commissaire dit soutenir l'amendement nº 159A parce que celui-ci parle de la présence d'un élément objectivable et, qu'en outre, il facilite le contrôle a posteriori.

Un autre membre s'associe à ce raisonnement. Contrairement au texte néerlandais, qui parle effectivement de la « conviction » du médecin et du patient, mais dans lequel il est question de critères subjectifs ­ comme la demande volontaire, la souffrance sans issue, l'absence d'alternative raisonnable, etc. ­ il vaut mieux parler, dans la proposition en discussion, de l'« assurance », puisque l'on introduit en l'espèce des critères de prudence objectivables.

Une intervenante estime que l'existence d'une situation médicale sans issue est un critère médical objectif : il doit s'agir d'une affection que l'on ne peut guérir avec les moyens dont dispose la science médicale actuelle.

La préopinante réplique que, lorsqu'un médecin constate que le patient souffre d'une affection médicale qui évoluera irréversiblement vers la mort, il se trouve devant un élément objectif. La façon dont le patient le ressentira constitue, quant à elle, un élément subjectif. Le dialogue entre le médecin et le patient doit lever toute équivoque. La formulation proposée par l'amendement nº 159A clarifie les choses.

Amendement nº 161

M. Galand dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 161), tendant à remplacer, au § 1er, 1er tiret, de l'article 3 proposé, les mots « la formation » par les mots « l'expression ».

Cet amendement vise à adapter une terminologie peu adéquate et ambiguë, en tenant comptant des précédentes discussions et du fait que le terme « formulation », proposé par certains comme alternative, paraît trop formel.

Une intervenante rappelle qu'elle a déposé un amendement tendant à supprimer les mots « lors de la formation de la demande », en vue de clarifier le texte, et pour éviter des contradictions ou des chevauchements avec les conditions prévues au § 3.

Il résulte clairement de l'ensemble du texte que, sauf l'hypothèse de la déclaration anticipée, le médecin ne peut pratiquer une euthanasie sur un patient inconscient.

L'intervenante ne soutiendra donc pas l'amendement nº 161, même s'il a le mérite de tenter de clarifier le texte.

Un membre note une divergence entre le texte français et le texte néerlandais, où il est question du moment de la demande.

Pourquoi ne pas s'en tenir à cette dernière formule ?

La précédente intervenante fait observer qu'au § 2, il est question d'une requête écrite. Il suffirait alors que le patient soit conscient à l'instant de sa signature, pour que le médecin puisse pratiquer une euthanasie, puisque, notamment, la demande doit être répétée.

Un commissaire souscrit à la constatation selon laquelle il y a discordance entre le texte néerlandais et le texte français de l'amendement nº 161. Sur le fond, l'intervenant fait observer que, comme il ressort du contexte, le patient ne doit pas être conscient uniquement au moment de la première demande, comme il ressort du contexte. La demande doit en effet être répétée, avoir un caractère persistant et être écrite. L'état de conscience et l'observation des critères de prudence doivent dès lors avoir un caractère permanent. Une solution permettant de lever l'équivoque que présente le texte consiste à supprimer les mots « lors de la formation de la demande ». L'intervenante renvoie à l'amendement qui a été déposé dans ce sens.

Une membre renvoie à l'amendement nº 163 (doc. Sénat, nº 2-244/10), où le mot « formation » est remplacé par le mot « formulation », non seulement pour des raisons de correction formelle, mais aussi pour renvoyer au tiret suivant, qui explicite le processus de formulation de la demande.

L'auteur de l'amendement nº 161 rappelle qu'il avait souhaité éviter le mot « formulation », en raison de son caractère trop formel, mais il reconnaît que ce terme s'articule mieux avec la suite du texte.

Il pourrait donc s'y rallier, mais se demande s'il ne faudrait pas parler plutôt « des formulations de la demande », puisque celle-ci doit être répétée.

Il faut à la fois respecter les options philosophiques et les choix de fin de vie de chacun, et éviter les abus et pressions sociales susceptibles d'être exercées sur les personnes en situation de plus grande fragilité. On imagine à quels abus peut mener l'interprétation des termes « formulation de la demande », par exemple dans une maison de repos.

Amendement nº 153A

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 153 A) à l'amendement nº 14, dans le but d'apporter les modifications suivantes au troisième tiret du § 1er de l'article 3 proposé :

« insérer les mots `en phase terminale et' entre les mots `le patient' et les mots `dans une situation médicale sans issue' ».

En effet, les auditions ont clairement montré qu'il ne peut être question d'euthanasie qu'à la condition que le patient se trouve en phase terminale et qu'il ne soit plus possible de lui appliquer un traitement respectant la dignité humaine pour soulager sa souffrance.

Il importe de souligner que le texte indique clairement que l'euthanasie n'est qu'une « sortie de secours », le remède ultime pour résoudre une situation précise, et qu'elle ne peut certainement pas être une solution de remplacement pour un traitement curatif ou palliatif. Présenter les choses autrement aboutirait à une grande confusion terminologique. En effet, le cas de figure du patient terminal est totalement différent de celui du patient non terminal, mais la proposition de loi aurait pour effet de regrouper les deux catégories de patients sous le même dénominateur.

L'article 3 confond d'ailleurs l'aide au suicide et la délégation de la mort volontaire. L'intervenant souligne que le nombre de suicides est bien plus important que le nombre de décès consécutifs à un accident de la circulation. En ce qui concerne ce dernier problème, le gouvernement débloque des moyens supplémentaires, ce qui est justifié. Mais il ne faut pas perdre de vue que le taux de suicides en Belgique est très élevé par rapport à ce qu'il est dans les autres pays. Cependant, le débat qu'on mène actuellement fait que le suicide va être considéré comme un acte « normal » par rapport auquel il est possible d'adopter une attitude relativement neutre. C'est une grave erreur. Pour éviter cette attitude, il est indispensable de circonscrire la discussion qui est menée aujourd'hui à propos de l'euthanasie aux seuls patients en phase terminale. Sinon, on affaiblira les initiatives qui sont déployées en matière de prévention du suicide dans la mesure où le problème sera banalisé.

L'intervenant renvoie à sa précédente intervention, dans le cadre de laquelle il a replacé l'euthanasie dans son contexte historique. La discussion qui est menée actuellement donne à cette notion une signification entièrement nouvelle. On peut établir une comparaison avec le « newspeak » du roman « 1984 » de George Orwell dans lequel on utilise la langue pour dire autre chose que ce que les mots signifient. Là encore, il faut replacer le terme « euthanasie » dans le bon contexte.

Un membre souligne que, dans les statistiques des accidents mortels sur la route, il y a beaucoup de suicides camouflés. Certaines personnes utilisent l'accident de la circulation comme moyen de suicide et impliquant autrui. Dans ces cas-là, l'aide au suicide est une meilleure solution.

Le préopinant confirme qu'un accident de la circulation peut parfois être un suicide déguisé. Il n'empêche qu'il faut considérer les suicides comme une plaie sociale et qu'il faut par conséquent les combattre. Pour le moment, on intervient de manière sélective.

Amendement nº 153B

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 153B) à l'amendement nº 14, tendant à supprimer les mots « la souffrance ou de ». Il s'agit en effet d'une notion très subjective. Le risque est réel de voir cette notion utilisée comme un « alibi » pour appliquer l'euthanasie de manière trop extrême et pour repousser les limites.

Amendement nº 153C

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 153C) à l'amendement nº 14, visant à préciser expressément dans le texte qu'il doit y avoir des raisons médicales suffisamment graves pour que l'on puisse justifier une demande d'euthanasie. Suivant la conception de l'intervenant, il ne peut en effet être question d'euthanasie que lorsqu'il y a état de nécessité. Cet état de nécessité doit être objectivé. Le médecin même doit être convaincu qu'il y a suffisamment de raisons pour pratiquer l'eutanasie.

Amendement nº 150

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 150) à l'amendement nº 14, qui vise à compléter le § 1er, alinéa 1er, de l'article 3, proposé, par un quatrième tiret rédigé comme suit :

« ­ selon les conceptions médicales en vigueur, il n'existe aucun autre moyen de traiter la douleur du patient ni de préserver sa dignité. »

On ne peut pas non plus assimiler l'euthanasie à d'autres actes médicaux; l'euthanasie n'est envisageable en ordre subsidiaire que lorsque les autres possibilités sont épuisées.

D'ailleurs, un médecin doit toujours agir suivant les conceptions médicales en vigueur. Le médecin doit en tout état de cause parvenir au constat que suivant ces conceptions, le patient n'est plus susceptible de faire l'objet d'un traitement. Si un tel traitement est encore possible, c'est au patient qu'il appartient de décider s'il désire ou non le subir. Ce n'est pas du tout la même chose qu'un contrat de vente. En matières médicales, le processus décisionnel est particulièrement complexe. Le médecin doit pouvoir se mettre à la place du patient. Ce faisant, il doit parvenir à cerner la meilleure solution suivant les conceptions médicales en vigueur. L'approche juridique formelle est à proscrire en l'espèce.

Un membre se demande ce que signifie une souffrance « qui ne peut être apaisée ». C'est une disposition essentielle, car, si la souffrance peut être apaisée, l'euthanasie est un délit. Y a-t-il une obligation en la matière ? Quel est le critère applicable ? Qui est juge en la matière ?

Ni le texte, ni la justification n'apportent de réponse à ces questions. On pourrait arguer que l'euthanasie peut être légitimement appliquée dès lors qu'il est impossible d'apaiser la souffrance par manque de moyens ou de personnel ou simplement parce qu'on n'en a pas envie. Cela n'a évidemment aucun sens. Il faut donc objectiver cette disposition. C'est pourquoi l'amendement nº 150, qui tend à ajouter le critère des « conceptions médicales en vigueur » revêt une importance fondamentale.

Un autre membre souligne que les techniques de soulagement de la douleur se développent considérablement. Des cliniques de la douleur se créent, et le soulagement de la douleur devient une spécialisation médicale.

Les termes « selon les conceptions médicales en vigueur » donnent une ouverture à la proposition, en évitant que celle-ci donne un mauvais signal au corps médical.

En outre, l'amendement insiste sur le caractère ­ dans certains cas ­ subsidiaire de l'euthanasie, lorsque le soulagement de la douleur fait disparaître la demande de celle-ci, soit dans environ 8 des 10 % de demandes d'euthanasie qui s'expriment.

Enfin, l'amendement a le mérite de mentionner explicitement la préservation de la dignité du patient, puisque c'est là la limite du pouvoir médical : les médecins ne peuvent s'acharner lorsque le patient déclare qu'il n'en peut plus.

L'amendement comprend à la fois l'obligation de ne pas abandonner le patient et de le soulager, et celle de ne pas s'acharner.

Un membre note que tout acte médical posé par le médecin doit être conforme aux conceptions médicales en vigueur. On peut donc se demander pourquoi il est nécessaire de faire cet ajout. L'ajout pourrait néanmoins avoir une utilité, étant donné qu'au cours des auditions, plusieurs intervenants ont souligné que la science médicale évolue effectivement et qu'il est possible d'éviter certains cas d'euthanasie.

En ce qui concerne la souffrance « qui ne peut être apaisée », le membre souscrit à la thèse d'un préopinant suivant laquelle cette formulation est difficile à objectiver. Il serait peut-être préférable de supprimer ces mots. S'ils devaient malgré tout s'avérer utiles, il serait souhaitable de les intégrer dans le § 2 ­ qui reprend les éléments concernant le patient ­ ou dans le § 3 de l'article 3 ­ où sont regroupés les éléments relatifs au médecin.

Enfin, on ne peut qu'approuver qu'il soit explicitement question de la dignité du patient.

Un membre se rallie à l'observation du précédent intervenant. Il demande si, dans l'intention de l'auteur du sous-amendement, les deux conditions énoncées par ce dernier sont cumulatives. Sinon, une sédation contrôlée suffirait puisqu'elle soulage la douleur.

L'auteur de l'amendement répond qu'il s'agit de conditions cumulées. Il dit ne pas être attaché à la lettre du texte de l'amendement nº 150. Ce qui compte, c'est que l'on en exprime l'idée. Il lui paraît également souhaitable d'insérer l'idée dans le § 1er, puisqu'il est question en l'espèce d'une condition fondamentale et non d'une procédure.

Une membre estime également que l'on se trouve devant une condition de base. En ce qui concerne le mot « inapaisable », elle fait observer qu'il est en effet possible de faire en sorte que certains patients ne souffrent pas en les rendant inconscients ou en les plaçant sous sédatifs. Toutefois, la question est de savoir si l'on peut encore parler dans ce cas d'une vraie « vie » digne de ce nom. Selon l'intervenante, la douleur est dans ce cas une douleur inapaisable. Ce mot a donc sa place au § 1er.

Amendement nº 151

M. Vandenberghe dépose, à l'amendement nº 14, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 151) qui vise à inscrire dans la loi que le patient a droit à toute assistance morale, médicale, curative et palliative. Si ce n'est plus possible, l'acte exceptionnel d'interruption de vie relèvera de l'état de nécessité pour le médecin.

Un membre demande si l'amendement signifie que le médecin qui ne pourrait s'assurer que toute assistance morale, médicale curative et palliative a été donnée a le droit de refuser la demande du patient.

L'auteur de l'amendement répond que selon l'amendement nº 151, l'euthanasie ne peut pas être pratiquée si un autre type d'assistance est possible qui préserve la dignité humaine. À cet égard, le mot « et » est important.

Un membre remarque que l'obligation d'assistance telle que formulée par l'amendement se trouve déjà dans le Code de déontologie, au chapitre sur la vie finissante.

Une autre membre rappelle qu'elle a cosigné un amendement nº 109 allant dans le même sens, qui tend à insérer un paragraphe supplémentaire et à rappeler d'emblée qu'un médecin ne peut jamais abandonner son patient, et qu'une demande d'euthanasie ne peut être le résultat d'un tel abandon (voir aussi le sous-amendement nº 132).

Quelle que soit la formule qui sera finalement retenue, l'intervenante estime qu'une phrase de ce type doit se retrouver dans la future législation.

Un membre estime plus opportun d'insérer cette formule en tête de l'article, pour indiquer le cadre dans lequel on se place. D'autre part, l'amendement nº 132 indique aussi mieux que l'amendement nº 151 le droit du patient au consentement ou au refus d'un traitement.

Un autre membre se demande dans quelle mesure on tient encore compte de l'opinion du patient en la matière. Il s'agit finalement de prolonger une vie qui touche à sa fin. L'intervenante craint que, si l'on adopte l'amendement nº 150, le médecin ne doive pousser les choses jusque dans leur dernière extrémité, que le patient ne soit plus entendu et qu'il ne joue plus qu'un rôle minime.

L'auteur de l'amendement n'est pas d'accord avec l'intervenant précédent, qui présente les choses de manière dichotomique. Ce n'est pas parce que le consentement pose problème que l'on ne peut pas organiser une assistance adaptée. C'est précisément cette assistance qui doit jouer un rôle central dans la prise de décision médicale normale. Il ne faut pas seulement agir en fonction des connaissance médicales en vigueur, mais il faut aussi toujours avoir l'autorisation du patient pour les actes médicaux. L'on ne peut dès lors pas non plus dire que la répétition est superflue pour ceci mais nécessaire pour cela. Il importe de souligner qu'une approche sommaire et formellement juridique de la prise de décision en la matière serait tout à fait inadéquate.

Un membre réplique que personne ne souhaite pareille approche. Il faut parvenir à un bon dialogue entre le patient, qui juge en toute dignité et qui dispose de son libre arbitre, et le médecin qui doit porter un jugement sur le caractère sans issue de la douleur. L'intervenant estime que l'amendement nº 150 nie complètement l'autonomie du patient.

Plusieurs membres demandent que soit communiquée aux commissaire la note conceptuelle de la ministre de la Santé publique sur les droits du patient, par rapport à laquelle il serait intéressant de discuter l'amendement. La même remarque vaut aussi pour les dispositions relatives à la déclaration anticipée, puisqu'il semble que la note en question contienne des dispositions sur la volonté anticipée du patient par rapport au traitement.

Amendement nº 155B

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 14, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 155B) qui vise à préciser dans le texte que les conditions et procédures doivent être respectées cumulativement. Le non-respect de l'une des conditions constitue une infraction à la loi, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Il est important de le prévoir explicitement.

Dans les travaux préparatoires du projet de loi qui a été adopté aux Pays-Bas, l'on peut en effet lire que le ministre de la Justice a déclaré que, si une des conditions n'est pas respectée, la commission d'évaluation doit examiner si ce non-respect est suffisamment grave pour que l'on puisse parler d'un infraction pénale. Le non-respect de l'une des conditions prévues ne constitue donc pas automatiquement une infraction à la loi.

Cela illustre de manière frappante le caractère ambigu du texte adopté aux Pays-Bas. Il faut absolument empêcher que l'on fasse pareille lecture du texte à l'examen. L'amendement prévoit dès lors que les conditions doivent être remplies cumulativement; sinon, l'on peut parler d'infraction pénale.

Si cet amendement était rejeté, il serait clair que certaines conditions pèsent plus lourd que d'autres. Dans ce cas, l'on irait vers une dépénalisation très poussée de l'euthanasie.

Un membre demande aux auteurs de la proposition et de l'amendement nº 14 ce qui se passe si une seule des conditions fixées, par exemple une condition formelle, n'est pas respectée.

Il semble qu'il n'y ait pas de sanction, et qu'il s'agisse simplement d'une appréciation globale par la commission d'évaluation.

L'un des auteurs confirme que les conditions doivent toutes être remplies simultanément. Sinon, la commission doit transmettre le dossier au parquet.

La précédente intervenante en conclut que toutes les conditions énoncées sont cumulatives.

Un membre observe que cela se trouve confirmé par le mot « et » (« en »), par lequel commence la dernière phrase du § 1er.

Un autre membre estime également que toutes les conditions doivent être remplies cumulativement. Toutefois, il attire l'attention sur le fait que le non-respect d'une condition peut être sanctionné plus lourdement que le non-respect d'une autre. Le fait de ne pas déclarer l'euthanasie, par exemple, sera sanctionné plus légèrement que le fait de commettre un meurtre. En d'autres termes, les fautes n'ont pas toutes le même poids.

Un membre constate que l'on crée ainsi une grande ambiguïté. En effet, certaines conditions sont plus importantes que d'autres. En outre, on n'indique pas quelles sont les conditions importantes et les conditions moins importantes. De plus, il est clair que la réponse que l'on donne aux diverses questions posées par la minorité politique, à savoir que l'on a inscrit, dans la proposition de loi à l'examen, des conditions de prudence plus poussées que dans le texte adopté aux Pays-Bas, est dépourvue de sens, puisque certaines conditions sont importantes et d'autres non.

Quelles sont les conditions importantes et quelles sont les conditions qui ne le sont pas ? Quelle sera la sanction en cas de non-respect des conditions qui ne sont pas importantes ?

L'un des auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 14 répète que toutes les conditions doivent être remplies. Si la commission constate que l'une des conditions n'a pas été remplie, le dossier est transmis au juge. Celui-ci doit prononcer des peines selon le jugement qu'il porte sur l'affaire. En effet, le pouvoir législatif ne saurait se substituer au pouvoir judiciaire.

L'intervenant précédent fait observer que la commission se prononce à la majorité des deux tiers. En outre, le texte à l'examen ne fait absolument pas apparaître que, si une des conditions n'est pas respectée, le dossier sera transmis au pouvoir judiciaire. Si le dossier est bel et bien transmis au juge, sur la base de quels critères celui-ci doit-il juger s'il est question du non-respect d'un critère important ou de non-respect d'un critère non important ?

Amendement nº 160

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10 amendement nº 160), tendant à insérer, à la dernière phrase du § 1er proposé, après les mots « conditions et procédures », les mots « ainsi que la déclaration ».

Il doit être clair que le médecin doit avoir respecté toutes les conditions de procédure (et que parmi celles-ci figure la déclaration), à défaut de quoi il ne peut bénéficier de l'autorisation prévue par la loi.

Le texte actuellement proposé est trop flou sur ce point.

En outre, ce n'est pas parce qu'une telle loi serait votée que la justice ne pourrait plus intervenir, car la famille d'un patient, ou un tiers quelconque justifiant d'un intérêt, pourra toujours déposer plainte et le médecin pourra alors être amené à se justifier.

Un membre souligne que le texte de l'article qui traite de la commission d'évaluation comporte deux fois le terme « peut ». Il ne s'agit donc pas d'obligations dans le chef de cette commission.

Un autre membre estime que l'on peut résoudre le problème en reformulant la disposition de l'article 3 en question de façon à prévoir que toutes les conditions doivent être remplies. L'ajout du mot « toutes » pourrait résoudre tous les problèmes d'interprétation. L'intervenant ne s'oppose pas à une reformulation de ce genre.

Un membre souligne que la plupart des situations continueront à relever de l'état de nécessité, même après le vote de la loi en préparation. Il faut être clair à cet égard, à défaut de quoi on risque de relancer, sans le vouloir, des pratiques d'acharnement thérapeutique.

Ainsi, ne faudrait-il pas préciser que la majorité des situations d'aide à la fin de vie en soins intensifs ne relèveront pas du texte de la loi ?

C'est d'ailleurs pour cela que l'intervenant estimait préférable de ne pas maintenir l'expression « il n'y a pas infraction lorsque ... ».

La loi en préparation encadre donc un nombre limité de fins de vie, mais son but est de permettre un climat de dialogue plus serein entre patient et médecin.

Un autre sénateur fait remarquer que, si l'on adoptait l'amendement nº 160, on ferait une distinction entre les infractions commises à l'encontre des conditions, des procédures et de la déclaration, ce qui différencierait la culpabilité. C'est là une piste intéressante.

L'auteur de l'amendement demande si cela signifie que, selon le précédent intervenant, un médecin qui n'aurait pas rempli de déclaration se trouverait dans les conditions du § 3.

Le préopinant répond par la négative. Il y a lieu de remplir toutes les conditions. Mais en mentionnant la déclaration séparément, on obtiendrait des niveaux d'incrimination différents.

L'auteur de l'amendement ne partage pas ce point de vue car le § 1er explicite les conditions dans lesquelles il y a une autorisation de la loi.

Si l'on ne mentionne pas la déclaration au § 1er, le texte n'aura pas du tout le même impact.

Le préopinant répète que selon lui, toutes les conditions doivent être remplies pour éviter que l'acte entraînant l'euthanasie soit punissable. Si l'on fait la distinction entre, d'une part, la déclaration et, d'autre part, les conditions, on pourrait assortir de sanctions différentes l'inobservation du devoir de déclaration et celles des conditions.

Un membre souligne que c'est le juge, et non la commission, qui se prononcera en dernière instance. La commission ne fait que constater si les conditions ont été remplies ou non.

Un autre membre pense que le texte énonce des conditions de différentes natures. Certaines conditions sont de procédure, y compris celle de déclaration, et d'autres sont liées à l'état du malade, mais l'absence d'infraction est liée au fait que l'on remplit l'ensemble des conditions de manière cumulative.

Un membre constate que, selon le texte proposé de l'amendement nº 14, le dossier n'est nullement transmis au pouvoir judiciaire. Il est envoyé à une commission d'évaluation, qui peut éventuellement le transmettre au tribunal. On ne prévoit toutefois pas la moindre sanction.

L'intervenant souligne le manque de cohérence de tout le raisonnement suivi par les auteurs de la proposition nº 2-244/1. D'une part, on dit que les conditions matérielles sont renforcées et on s'en justifie en renvoyant à la sévérité des conditions procédurales. D'autre part, on déclare que le non-respect des procédures n'induira pas en toutes circonstances un fait relevant du droit pénal. Et en plus, on souligne que l'on pourra invoquer à tout moment l'état de nécessité. On déplace totalement le débat. La loi vise-t-elle à régler l'euthanasie ou bien à lutter contre l'acharnement thérapeutique ? L'objectif n'était-il pas de justifier la prise de décision relative à la fin de vie ? La proposition empile les théories et les procédures de toutes sortes, de sorte que, sur le terrain, la loi n'aura comme seule conséquence, que de déplacer la limite de la protection de la vie humaine.

Le précédent orateur constate que le problème de la nature de la commission d'évaluation, telle qu'elle a été prévue, sera soulevé dans la suite de la discussion.

Il est clair que la commission n'a pas de caractère juridictionnel.

Le texte prévoit qu'il n'y a pas d'infraction si les conditions sont remplies. Il devra donc y avoir une vérification liée à la déclaration à la commission, qui établira si les conditions sont remplies.

Pour le surplus, rien n'empêche qu'une plainte soit déposée par toute personne qui estimera avoir un intérêt, même dans les cas où toutes les conditions sont réunies.

La procédure pénale classique sera alors suivie, le parquet étant saisi.

Cela n'empêche pas la procédure prévue devant la commission d'évaluation, y compris dans les cas où il n'y a pas d'infraction, puisque la déclaration à cette commission aura lieu même quand toutes les conditions sont remplies, ce qui est une garantie de transparence et de protection du malade.

La proposition permettra d'éviter les erreurs par défaut ­ c'est-à-dire celles où il n'est pas donné suite à la demande, alors que toutes les conditions sont réunies ­ en rendant à la parole un champ beaucoup plus large qu'à l'heure actuelle.

La protection donnée au patient par rapport aux euthanasies « par excès » est qu'il doit y avoir à un moment donné, même pour les situations où l'on considère qu'il n'y a pas d'infraction, un geste qui permette une vérification en dehors d'un processus strictement judiciaire.

C'est pourquoi les propositions de loi des six auteurs comportent deux volets, qui en assurent l'équilibre. Il s'agit, d'une part, de permettre, dans les situations dramatiques, de pratiquer l'euthanasie, moyennant le respect de conditions multiples et cumulatives, et d'autre part, de prévoir une forme de contrôle assuré par la commission d'évaluation.

Un sénateur souligne que la proposition à l'examen prévoit que l'équipe soignante doit être également consultée en cas d'euthanasie. L'obligation d'informer plusieurs personnes augmente l'éventualité qu'une plainte soit effectivement déposée au parquet.

Le sénateur estime par ailleurs que la commission d'évaluation ne peut se limiter à une fonction notariale. Elle doit faire plus que prendre acte du fait qu'une euthanasie a été pratiquée et acter que toutes les conditions requises ont été énumérées. Elle doit également, selon l'intervenant, faire une évaluation de l'euthanasie et en donner une interprétation. Il est en effet tout à fait possible qu'une ou plusieurs conditions prescrites par la proposition de loi ne puissent être remplies mais que la commission d'évaluation estime malgré tout que dans telle situation précise, l'euthanasie a été entièrement justifiée. Le contraire est possible également. La commission d'évaluation peut être amenée à constater que, toutes les conditions ont été formellement remplies, mais que l'euthanasie ne se justifiait pas. Les conditions sont un fil conducteur extrêmement important mais, en fin de compte, la commission d'évaluation devra vérifier si l'euthanasie a été correctement appliquée ou non.

Un membre constate qu'on fait une distinction entre, d'une part, l'accomplissement de conditions matérielles en matière d'euthanasie et, d'autre part, l'observation des conditions procédurales. En principes, la commission d'évaluation doit décider à la majorité des deux tiers si elle transmet ou non le dossier au parquet. Cependant, si l'on indique dès à présent que le non-respect d'une condition de procédure ne suffit pas pour transmettre le dossier, on pose implicitement que le non-respect des procédures n'induit pas un fait punissable. La transparence recherchée ne sera alors nullement atteinte, tout au contraire. La thèse selon laquelle c'est le juge qui, en fin de compte, appréciera s'il y a infraction ou non se trouve invalidée du fait que les dossiers dans lesquels les procédures n'auront pas été respectées ne seront pas transmis au parquet.

Un autre membre ajoute à cela que le juge saisi de l'affaire devra travailler avec des qualifications de droit commun telles que l'homicide, les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort, etc. Si une des conditions procédurales n'a pas été respectée et pour peu que le dossier soit transmis par la commission, le juge n'aura d'autre base juridique à sa disposition que les qualifications précitées. Le droit pénal ne fait en effet aucune distinction entre les conditions matérielles et les conditions procédurales d'une infraction. L'intervenant renvoie d'ailleurs à la proposition néerlandaise, qui pévoit une sanction distincte.

L'un des auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 14 répond que la loi en préparation définit les conditions cumulatives dans lesquelles il n'y a pas d'infraction.

Il n'y a pas de sanction prévue parce que, si les conditions ne sont pas respectées, on se trouve dans une situation identique à la situation actuelle, où le parquet aura à connaître de l'affaire, et où l'euthanasie est qualifiée de meurtre.

Dans ce cas, il n'est pas exclu que le juge pénal fasse éventuellement application de la notion d'état de nécessité en tant que motif d'excuse.

Au contraire, lorsque toutes les conditions sont remplies, c'est d'une absence d'infraction qu'il s'agit. Ces conditions, il faut le répéter, sont liées à la situation du malade et à la procédure qui doit être respectée.

Un membre constate que deux questions juridiques doivent être résolues. Celle de la définition de l'infraction, tout d'abord.

L'intervenante pense en effet que l'on ne respecte pas adéquatement le principe « nulla poena sine lege » (le principe de légalité en droit pénal).

Le précédent orateur réplique que, puisque la proposition ne définit pas une infraction, mais bien les cas dans lesquels il n'y a pas d'infraction, la logique est différente.

La précédente intervenante poursuit en demandant ce qu'il advient si une condition n'est pas remplie, par exemple celle relative à la consultation d'un deuxième médecin.

Supposons qu'une plainte soit déposée, indépendamment de la commission d'évaluation.

L'intervenante n'est pas sûre qu'un juge n'appréciera pas le cas, non seulement au départ de la loi en préparation, mais aussi au regard des règles de droit commun, et notamment de celle de l'état de nécessité.

L'un des auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 14 confirme ce point de vue.

Un sénateur souhaiterait que l'on définisse explicitement de quelle infraction il s'agit ici. Contrairement à la proposition de loi nº 2-244 initiale, la proposition telle qu'amendée par l'amendement nº 14 ne précise pas de quelle infraction il retourne. L'intervenant propose de prévoir également dans la loi un taux de peine distinct pour la transgression des conditions matérielles et des conditions procédurales associées à cette infraction.

L'intervenant fait toutefois remarquer que, même dans ce cas, un problème pourrait encore se poser selon d'aucuns. Demande-t-on qu'un taux de peine spécifique soit prévu pour chaque condition prise séparément ? Tel n'est pas l'usage en législation pénale. Le juge saisi de l'affaire doit, au contraire, apprécier les peines qu'il prononce en se fondant sur la gravité de l'infraction.

Un membre réplique que l'on débite pas mal d'inepties juridiques à ce sujet. La loi et la procédure pénales sont, en effet, soumises à certains principes de base importants relatifs à la qualification, à la légalité, etc.

Selon l'intervenant, on ne peut être puni que si les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis. Or, il n'est précisé nulle part dans la phrase liminaire de l'article 3 de quelle infraction il s'agirait. De plus, lorsqu'on fait référence aux éléments d'une infraction de droit commun, il n'est nulle part fait allusion à la procédure. On crée ainsi un hiatus juridique. Des infractions telle que l'homicide, l'assassinat, les coups et blessures volontaires, etc., ne comportent en effet aucun élément procédural.

Lorsqu'un juge est saisi, il doit uniquement examiner si les éléments matériels et intentionnels de l'infraction sont réunies. Il n'est pas question de procédure en droit pénal commun. Selon le principe de légalité, qui est de stricte interprétation, il n'est question d'infraction que si la loi le prévoit explicitement. L'inobservation de la procédure prévue par la loi n'est toutefois pas assortie de sanctions, de sorte que l'encadrement procédural n'offre pas la moindre garantie.

L'un des auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 14 répète que la proposition à l'examen ne définit pas un délit, mais les conditions dans lesquelles il n'y a pas de délit.

Pour le reste, s'il apparaît que ces conditions ne sont pas réunies, on se retrouve dans la situation actuelle, où le Code pénal prévoit les qualifications de meurtre et d'assassinat.

Pourquoi, dès lors, prévoir une sanction pour une chose que la proposition ne modifie pas ?

Un sénateur renvoie à l'article 8 de la proposition initiale, qui précisait bel et bien de quelle infraction il s'agissait. Il réitère sa question de savoir si le problème peut être réglé juridiquement, soit en indiquant dans la loi de quelle infraction il s'agit ­ avec renvoi ou non au Code pénal ­ soit en définissant une nouvelle infraction.

Un préopinant répond qu'il a déjà exposé sa position juridique à plusieurs reprises. Il appartient aux auteurs de la proposition de loi d'en tenir compte ou non.

Amendements nºs 165 et 172

Mme Nyssens signale qu'elle a déposé à l'amendement nº 14 un sous-amendement nº 172 (doc. Sénat, nº 2-244/12), qui remplace son sous-amendement nº 165 (doc. Sénat, nº 2-244/11).

Il se situe dans le droit fil des dernières discussions qui ont eu lieu au sujet du danger de dérives.

L'amendement propose l'insertion à l'article 3 d'un § 1erbis nouveau, libellé comme suit :

« § 1erbis. Le médecin s'assure des conditions visées au § 1er en procédant, en tout état de cause, à l'aide notamment des avis des personnes visées au § 3 et au § 4, à une évaluation globale de la santé physique et psychique du patient qui prenne en compte les aspects socio-économiques de sa situation. »

L'auteur de l'amendement déclare que les dérives socio-économiques potentielles de la proposition ont été mises en avant par tant d'interlocuteurs qu'il lui a paru essentiel de les mentionner expressément dans le texte proposé. Il faut éviter que la loi ne devienne un instrument de régulation sociale. Les risques de dérive existent en germe dans cette proposition où l'aspect accompagnement du malade est relégué à l'arrière-plan (voir les réflexions du groupe de travail euthanasie, Journal du Médecin, novembre-décembre 2000).

La proposition de loi même amendée ne présente, en effet, aucune balise de protection à l'égard des patients vulnérables.

En adoptant une législation relative à l'euthanasie ou au suicide assisté, le risque existe de créer un courant dans la société qui pousse certaines personnes soit à demander l'euthanasie, soit à se suicider elles-mêmes, soit à recourir à un tiers-médecin pour qu'on les aide à se suicider.

Même les défenseurs avérés du « suicide rationnel » admettent clairement les dangers de ce qu'ils appellent les « suicides manipulés ».

Mme Margaret Pabst-Battin, spécialisée en matière de suicide, Assistant Professor of Philosophy à l'Université de Utah, est l'auteur de nombreux articles et d'un livre intitulé « Suicide ». Elle défend l'idée du suicide rationnel. Cependant, elle admet que le suicide rationnel donne lieu à la possibilité d'une manipulation du suicide à grande échelle et à la manipulation des gens vers le choix du suicide, alors qu'ils ne l'auraient pas fait normalement.

Des associations qui, dans notre pays, répondent aux appels des personnes qui envisagent le suicide, insistent également sur les précautions qu'il faut prendre à l'égard de ces personnes.

Mme Pabst-Battin souligne qu'une forme de manipulation peut exister lorsque le manipulateur change à ce point la situation de la victime que la victime elle-même choisit la mort de préférence à continuer à vivre. Cette pression s'exerce souvent de manière subtile dans l'environnement familial. Le manipulateur arrange les choses de manière à ce que le suicide devienne, au vu des autres alternatives, le choix le plus raisonnable pour sa victime. La manipulation est efficace, même si le manipulateur n'a pas conscience qu'il se livre à une manipulation.

Le docteur Pabst-Battin reconnaît qu'une société tout entière peut être manipulée pour changer ses valeurs en ce qui concerne qui doit vivre et qui doit mourir, une fois que cette société a admis le « suicide rationnel ». La société en arriverait ainsi à suggérer qui devrait se suicider tant pour son propre bien que pour le bien de chacun. Le groupe le plus à risques est celui des personnes âgées, les personnes vulnérables en raison de leur état de physique (handicap) ou de leur statut socio-économique (les pauvres ou les minorités) et les personnes dépressives.

La sociologue Anita Hocquart a montré également l'extraordinaire convergence observable entre la rationalité technique et financière, qui fait qu'il existe, contrairement au discours ambiant, une comptabilité sociale des coûts et des bénéfices qui n'est pas favorable à la population physiquement ou mentalement diminuée, et la raisonnabilité létale dont font preuve les demandeurs du droit de mourir. Leur souhait correspond de manière surprenante aux souhaits d'économie des systèmes de santé.

Tout cela a été rappelé dans une « carte blanche » parue dans Le Soir, quelques jours avant Noël.

Dans son deuxième avis, la Société belge de gérontologie et de gériatrie a pris position de manière claire à ce sujet : « Le risque existe réellement que la personne vieillissante perde ses repères dans une société qui autorise l'abréviation volontaire de la vie, dans une société où ce qui est considéré comme « grave et incurable » est souvent plus insupportable pour les autres que pour la personne elle-même. Beaucoup de personnes âgées pourraient se sentir inutiles et à charge de leurs proches et de la société. Les institutions gériatriques et les structures de soins ont besoin de moyens accrus et de nombreux professionnels valablement formés pour améliorer la condition sanitaire des aînés et les accompagner à la fin de leur vie, afin que celle-ci soit digne tant à domicile qu'à l'hôpital qu'en maison de repos. »

La proposition de loi ne constitue pas un moyen de promouvoir des soins de qualité en gériatrie, insiste encore la Société belge de gérontologie et de gériatrie.

Il faut rappeler également que, même si les études sont encore rares en cette matière et si on manque de recul pour juger si le phénomène est en augmentation, on estime que 20 % des aînés sont victimes de maltraitance, qui va des abus financiers aux mauvais traitements psychologiques et aux atteintes à l'intégrité physique.

Le groupe belge d'étude et de prévention du suicide rappelle la réalité cachée que constitue le suicide des personnes âgées. Les études de ce groupe ont mis en évidence que plus on est âgé, plus le risque suicidaire augmente. Plusieurs études scientifiques ont également mis en avant l'augmentation nette du suicide des jeunes (15-24 ans). Cette augmentation est encore relativement faible par rapport à la tranche 25-44 ans, où il constituait la première cause de mortalité pour les hommes et les femmes en 1987 (tableau, Cahiers du GERMS, nº 22, 1994, p. 13).

Enfin, le mouvement ATD Quart Monde a récemment souligné : « Il ne faudrait pas qu'une libéralisation de l'euthanasie ouvre la voie à des formes d'extermination douce des populations les plus pauvres. »

« L'histoire européenne récente abonde en véritables « crimes contre l'humanité » perpétrés à l'encontre des populations les plus pauvres : stérilisations forcées massives en Suède, Norvège, Danemark, « génocide culturel » des nomades en Suisse, déportation des enfants pauvres et orphelins pendant plus de deux siècles en Grande-Bretagne, « extermination douce » des malades dans les hôpitaux psychiatriques en France pendant la guerre, etc. » (X. Godinot, courrier du 29 novembre 2000).

Quelle que soit la forme qu'il pourrait prendre, un amendement destiné à éviter les dérives socio-économiques constituerait un signal éthique important pour notre société.

Il faudrait que le médecin évalue de façon globale la santé du patient, et prenne à la fois en compte les aspects physique et psychique, et la personnalité tout entière de son patient.

L'un des auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 14 déclare que le souci de prévenir les dérives socio-économiques, dans un sens comme dans l'autre, est important, et qu'il faudra examiner à quel endroit une disposition à ce sujet peut être insérée. L'intervenant fait cependant observer que de telles dérives sont sans doute davantage à craindre dans le contexte actuel que sous l'empire d'une législation qui mettrait des balises.

Une membre estime qu'il s'agit là d'un point fondamental du débat.

Elle évoque la situation des personnes qui disposent de la capacité juridique, mais sont plus fragiles. L'intervenante pense notamment aux handicapés mentaux légers.

En effet, tous les handicapés mentaux ne se trouvent pas sous le statut de la minorité prolongée.

Les patients âgés sont, eux aussi, plus fragiles, et ne sont pas nécessairement en mesure de résister aux pressions de toutes sortes susceptibles de s'exercer sur eux.

Enfin, certains patients ont un rapport au médecin qui ne leur permet pas d'avoir avec lui une discussion sur pied d'égalité.

C'est d'ailleurs pourquoi les droits du patient sont tellement importants.

Amendement nº 74

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14, en vue de supprimer le § 2 de l'article 3 proposé (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 74).

L'un des auteurs précise que ce qui apparaît, à première vue, comme une condition protectrice du patient, s'avère, en définitive, une disposition visant à assurer uniquement la sécurité du médecin, au sens commun du terme (et non la sécurité juridique recherchée).

L'obligation de « figer » la demande du patient dans une requête écrite peut présenter des risques de dérives de plusieurs types :

­ La difficulté, voire l'impossibilité, pour le patient, vu son état moral ou physique, de revenir sur ce qu'il a écrit, qui sera ressentie comme une sorte d'engagement. Le mal-être du patient peut connaître des évolutions.

­ Par ailleurs, le texte précise que le document écrit constate éventuellement que le patient n'est pas en état de signer et en énonce les raisons. Si le patient n'est pas en état de signer, cela signifie également qu'il ne peut pas rédiger lui-même le document. Le texte amendé, s'il n'est pas autrement précisé, implique donc que le document peut être rédigé par quelqu'un d'autre. L'exigence de l'écrit qui au départ semble être une protection du patient, risque en définitive de se retourner contre lui.

­ Le risque existe que ce document écrit constitue, à terme, « la preuve » que les conditions relatives à la demande (caractère exprès, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchi et persistant de la demande) étaient réunies, et rende ainsi purement formelle l'obligation de remplir les autres conditions prescrites par la loi.

­ Comment concilier les deux exigences, qui peuvent sembler contradictoires, de « demande répétée et persistante » (article 3, § 1er) et de « requête écrite » ? À quel moment la demande doit-elle être écrite ? Considère-t-on qu'elle est persistante à partir du moment où elle est constatée par écrit ou le médecin a-t-il l'obligation de vérifier jusqu'au bout, même après la rédaction de la requête, la persistance de cette demande ?

­ L'articulation entre le § 1er et le § 2 n'est pas claire : le patient a-t-il l'obligation de mettre sa demande par écrit ? Ou s'agit-il d'une faculté ?

L'exigence d'une requête écrite ne paraît pas nécessairement protéger davantage les droits du patient. Il faut, une nouvelle fois, renvoyer aux auditions où il a été clairement précisé que la meilleure protection contre les euthanasies clandestines était :

1º l'organisation d'une procédure de consultation collégiale pluridisciplinaire préalable,

2º une législation des droits du patient, et

3º la tenue d'un dossier médical détaillé.

Il semble aux auteurs de l'amendement qu'il faut entendre toutes les demandes du patient, quelle que soit la forme que peuvent prendre ces demandes.

Cette position paraît la plus respectueuse de la situation particulière du patient en fin de vie.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 répond que l'exigence d'un texte écrit se justifie par le souci d'avoir une assurance supplémentaire, non seulement pour le médecin, mais aussi pour le patient.

Le texte proposé prévoit en outre les cas, que l'on rencontre dans la pratique, où le patient n'est pas en état de signer.

L'intervenant n'a, par ailleurs, pas d'objection à utiliser le terme « demande » dans l'ensemble du texte, au lieu du terme « requête ».

Un membre observe, à titre de remarque générale, qu'au § 1er, il est question d'une demande répétée, alors qu'au § 2, il est prévu que la requête du patient doit être actée par écrit.

Comment combiner ces deux dispositions ?

Faut-il comprendre que plusieurs documents doivent être rédigés ?

En outre, le texte ne dit rien de la possibilité pour le patient de révoquer sa demande.

Il n'exclut pas non plus que le médecin soit le témoin majeur dont il est question au § 2.

Y a-t-il suffisamment de garanties contre les pressions possibles d'un tiers en vue d'inciter le patient à signer une telle déclaration ?

Quel est le statut juridique du § 2 ? Est-il facultatif ou obligatoire, et quelles sont les sanctions s'il n'est pas respecté ?

Le précédent intervenant renvoie à la réponse donnée précédemment à la question relative à l'absence de sanctions.

Quant aux conditions fixées par le texte, elles sont cumulatives. La demande doit donc être expresse et réitérée, et il faut, en outre, un document écrit.

L'intervenant se dit par ailleurs très sensible à l'exigence qu'il n'y ait aucune pression extérieure exercée sur le malade; il faut réfléchir à la manière dont cette exigence peut être traduite dans le texte.

Enfin, exiger que la demande soit persistante suppose pour le malade la possibilité de changer d'avis.

Une membre estime que l'exigence, qui a été introduite, d'une requête écrite constitue un élément intéressant, mais suscite un certain nombre de questions.

Elle oblige à une certaine formalisation de la demande, ce qui est un élément positif parce qu'il contraint chacun à réfléchir, et au premier chef celui qui formule la demande.

En effet, bon nombre de personnes entendues ont insisté sur l'ambivalence de cette demande.

Cependant, la question se pose de savoir à quel moment la requête écrite doit être rédigée. Est-ce elle qui enclenche le processus ?

On peut aussi s'interroger sur la valeur intrinsèque de cette demande. L'intervenante pense personnellement qu'elle ne peut valoir consentement.

Un autre point concerne l'exigence de la présence d'un témoin majeur. Il ne faudrait pas que cette présence soit purement formelle, comme cela se passe dans d'autres contextes où la présence d'un témoin est requise par la loi.

La notion « ne pas être en état de signer » doit aussi être clarifiée. Pour l'intervenante, elle vise une impossibilité physique et matérielle de signer, et non une incapacité intellectuelle liée, par exemple, au fait que l'intéressé se trouve dans un état second.

Le précédent intervenant répond que le document devra exister dans le dossier.

Quant au fait pour le malade de ne pas être en état de signer, il peut résulter d'une série de raisons, qui ne sont pas liées à l'inconscience du patient, puisque la proposition requiert expressément que celui-ci soit conscient.

Il s'agit d'éléments physiques, qui peuvent naturellement faire l'objet d'une appréciation : il peut s'agir non seulement d'une paralysie des membres supérieurs, mais aussi d'une imprécision quant à l'écriture, liée à certaines pathologies.

Quant au témoin, le texte paraît assez clair. Il est exclu d'imaginer que l'on puisse, pour une demande de cette nature, faire appel au premier inconnu qui passe.

Il est fait observer que le texte requiert seulement que le témoin n'ait pas de lien de parenté avec le patient. Il pourrait donc s'agir d'un membre du personnel de l'hôpital.

Le précédent intervenant répond que la philosophie de la proposition de loi est de garantir la liberté du malade. Le témoin doit donc être quelqu'un qui ait la confiance du malade.

Un membre souligne qu'un problème de médiation interculturelle pourrait se poser.

Une difficulté de rédaction et de compréhension pourrait ainsi se présenter pour certains malades.

Quelles garanties le texte offre-t-il par rapport à ce type de situations ?

Il existe aussi des personnes analphabètes; il devrait être précisé que leur cas rentre dans l'hypothèse visée au § 2 in fine.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 confirme que l'exigence d'une requête écrite a été ajoutée comme condition supplémentaire de sécurité, suite aux auditions et à l'abondant courrier reçu en la matière.

La déclaration écrite est le résultat du processus de demandes répétées de la part du patient.

Il est évident que cette déclaration écrite peut être révoquée par le patient, tout comme celui-ci peut décider, à tout moment du processus, de renoncer à sa demande d'euthanasie.

Chacun sait par ailleurs qu'il est des malades qui demandent l'euthanasie mais ne sont plus en état de mettre eux-mêmes cette demande par écrit, d'où la possibilité prévue in fine du § 2.

Un membre comprend que le § 2 soit le résultat des préoccupations ­ que tous partagent ­ exprimées lors des auditions, et notamment du souci de ne pas laisser au seul médecin, dans sa relation avec le malade, la responsabilité de comprendre et d'interpréter la demande de celui-ci.

L'intervenant se dit cependant surpris du caractère bureaucratique du texte proposé.

Il n'est pas d'usage, dans le domaine de la santé, de demander à un patient de notifier par écrit sa demande, même pour des interventions où il faut s'assurer que patient et médecin se sont bien compris.

Le texte fait peser cette charge bureaucratique sur le patient, auquel on demande de traduire sa requête en mots.

De plus, il existe dans notre société un pourcentage assez important de personnes qui ne savent pas écrire.

Quel est le statut de telles personnes ? Devront-elles systématiquement, pour leur requête, s'en remettre à une autre personne qui décidera ?

Comment être certain que le patient n'était pas en mesure d'écrire lui-même sa requête, et qui en jugera ?

Une latitude très importante est laissée au tiers qui interviendra.

L'intervenant aurait préféré que l'on s'inscrive dans la manière habituelle de pratiquer l'art de guérir, c'est-à-dire qu'il y ait un dossier médical détaillé où soient colligés tous les éléments relatifs à la demande répétée du patient, le cas échéant contresignés par un ou plusieurs tiers (voir infra, l'amendement nº 127).

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 rappelle que la demande est toujours celle du malade. Par ailleurs, il pense que si l'exigence d'une requête écrite n'avait pas été ajoutée par les six auteurs, on leur aurait demandé de le faire.

Une membre demande s'il serait concevable que les institutions hospitalières en arrivent à établir des sortes de formulaires, où le patient serait invité, dès l'entrée à l'hôpital, à indiquer ses volontés.

Dans beaucoup d'hôpitaux américains, on soumet de tels documents, formulés dans des termes médicaux très précis, aux patients.

Au contraire, la requête écrite émane-t-elle toujours de l'initiative personnelle du patient, à l'exclusion de toute sollicitation extérieure ?

Le précédent intervenant répond qu'il ne faut pas confondre déclaration anticipée et requête écrite en vue d'une euthanasie. Lorsqu'un patient qui entre à l'hôpital pour une pathologie générale signe pour l'avenir le document décrit par la précédente intervenante, il ne s'agit évidemment pas d'une requête écrite au sens du § 2 de l'article 3.

Un membre rappelle les points qu'il a soulevés et auxquels il n'a pas été répondu :

­ le médecin peut être le témoin visé au § 2;

­ le témoin peut être une personne qui a un intérêt matériel à la disparition du patient; la notion de « témoin majeur » est trop large, et devrait être précisée pour indiquer que la personne en question ne peut jamais avoir un intérêt direct ou indirect à la mort du patient;

­ comment combiner les §§ 1er et 2 ? À quel moment la requête écrite doit-elle être rédigée ? De quoi résulte le caractère répété de la demande ?

Un autre membre souligne que l'exigence d'une requête écrite ne s'inscrit pas dans le cas de figure d'un consentement, comme lorsqu'un médecin propose une opération, par exemple.

En l'espèce, il ne pourra donc jamais y avoir de formulaire préimprimé.

Si l'euthanasie est proposée par un tiers, on sort du contexte décrit par la proposition à l'examen.

L'écrit est la preuve de la manifestation de la volonté du patient; cette volonté ne se réduit pas à l'écrit, sur lequel le patient peut d'ailleurs revenir à tout moment.

Il faudrait en tout cas préciser dans le cadre des travaux préparatoires s'il s'agit d'une condition de forme ou de fond.

Enfin, il faut souligner que l'écrit ne libère jamais le médecin de sa responsabilité. Telle est la logique du texte, qui prend comme point de départ, non pas le corps médical, mais le patient.

C'est ce dernier qui est l'initiateur. Le § 2 de l'article 3 ne recherche pas une sécurité pour le médecin, mais un mode d'expression correct de sa demande par le patient.

Amendement nº 173

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement, qui est également un amendement subsidiaire à l'amendement nº 74 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 173), visant à remplacer le § 2 proposé par ce qui suit :

« § 2. La demande d'euthanasie peut être formulée par écrit. Dans ce cas, elle est rédigée, datée et signée par le patient lui-même. La demande peut être rédigée en présence d'un témoin majeur indépendant choisi par le patient, qui ne pourra avoir aucun lien de parenté avec celui-ci. Le témoin contresigne et date le document. »

L'auteur de l'amendement précise que la rédaction d'une demande d'euthanasie doit rester une faculté pour le patient. L'obligation de figer la demande du patient dans une requête écrite peut présenter des risques de dérives (cf. justification de l'amendement nº 74). L'état du patient connaît des évolutions fort variables, non seulement d'un jour à l'autre mais aussi d'un moment à l'autre d'une même journée, en fonction de facteurs très divers. Le patient aura d'extrêmes difficultés à revenir sur ce qui peut être ressenti comme un engagement.

La présence d'un témoin lors de la rédaction de cet écrit doit être laissée à la discrétion du patient. Celui-ci peut vouloir préserver son intimité. Il est indispensable que ce témoin soit choisi par le patient et indépendant.

Par ailleurs, il est indispensable que le document soit rédigé par le patient lui-même. La rédaction actuelle du § 2 implique que l'écrit peut être rédigé par un tiers. En outre, il importe qu'il soit signé par lui.

Amendement nº 127

M. Dallemagne dépose à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 127) tendant à remplacer le § 2 de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« § 2. L'ensemble des demandes et des souhaits formulés par le patient, en ce compris les demandes de hâter son décès, doit être consigné au dossier médical du patient.

Les mentions sont signées par le médecin en charge du patient et un autre membre de l'équipe soignante ou de l'équipe palliative qui entoure le patient. »

L'auteur de l'amendement renvoie aux observations qu'il a formulées précédemment. Il ajoute qu'il s'agit bien de rentrer dans le cadre habituel d'une relation entre le patient et son médecin, et de la confiance qui peut s'établir entre un patient et une équipe médicale.

Aujourd'hui, en effet, la bonne pratique en matière médicale dépasse souvent le simple colloque singulier, surtout lorsqu'il s'agit de décisions graves; l'équipe médicale est souvent interrogée et formule ses observations et avis.

L'intervenant estime que la requête écrite est, en soi, non un geste de confiance, mais plutôt un geste de méfiance dans une relation entre le patient et l'équipe soignante.

L'amendement prévoit par ailleurs que l'ensemble des demandes et souhaits du patient doivent être consignés au dossier médical. Ceci paraît important, y compris dans la perspective d'un contrôle ou d'un conflit ultérieur éventuel, hypothèse dans laquelle il importe de connaître l'ensemble de l'histoire de la relation entre un patient et une équipe médicale.

Cette procédure a l'avantage d'être relativement souple et légère.

On imagine mal, par ailleurs, que des faux puissent être colligés au dossier médical, surtout si plusieurs personnes viennent y rédiger leurs observations au même moment et font état de la demande d'un patient.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 attire l'attention sur le § 5 de l'article 3 proposé, selon lequel l'ensemble des démarches du médecin traitant et leur résultat sont consignés dans le dossier médical.

Le précédent orateur répond que ce § 5 ne rencontre pas le souci qui inspire son amendement, lequel a une portée beaucoup plus large : il s'agit de l'ensemble de l'histoire du patient, de l'ensemble de ses demandes, et des observations, non seulement du médecin, mais aussi de membres de l'équipe soignante ou palliative.

Une membre estime intéressants les éléments apportés par l'amendement en discussion, qui devraient, selon elle, s'ajouter, et non se substituer à la requête écrite et aux autres éléments prévus au § 5 de l'article 3, car cette requête constitue une garantie importante.

L'idée qu'un tiers et non le médecin seul intervienne dans le dossier médical et puisse indiquer les sollicitations dont il a été l'objet de la part du patient, est aussi intéressante.

Il est frappant de constater que lorsqu'on interroge les gens de terrain, la notion de « dossier médical » varie fortement selon le médecin.

Certains, notamment des médecins généralistes, (cf. l'audition du docteur Leroy) estiment qu'il s'agit du dossier dans lequel tout le monde s'exprime, y compris des membres de la famille.

L'intervenante conclut que l'amendement en discussion devrait être redéposé au § 5 de l'article 3.

Un membre déclare que l'endroit du texte où devrait s'insérer l'amendement peut se discuter, mais que celui-ci contient des éléments importants.

Certains éléments peuvent, il est vrai, plaider en faveur d'une requête écrite. Le danger est qu'elle soit isolée du contexte, et interprétée comme un engagement du patient, comme l'expression unique de sa volonté, alors que dans le processus suivi par un mourant, celui-ci peut formuler beaucoup d'autres demandes (revoir une fois ses enfants, être entièrement soulagé de la douleur dont il souffre, ...), qui doivent aussi être consignées au dossier médical.

Il est répondu qu'il résulte du § 5 que toutes les données aboutissent dans ce dossier.

La précédente oratrice réplique que le texte du § 5 de l'article proposé à l'amendement nº 14 ne vise pas toutes les demandes du patient, comme le fait l'amendement en discussion.

Il est fait observer qu'il faut demander aux médecins si cela leur paraît praticable.

La précédente intervenante rappelle qu'il s'agit ici de critères de minutie.

L'auteur de l'amendement nº 127 préfère que son amendement s'intègre au § 2, plutôt qu'au § 5, car il s'agit véritablement pour lui de conditions et procédures pour la prise en compte de la requête du patient.

En outre, comme le fait un autre amendement, on peut prévoir la possibilité d'une requête écrite.

Mais, aux yeux de l'intervenant, celle-ci ne peut être considérée ni comme un consentement ni comme étant absolument obligatoire parce qu'il s'agirait d'assurer la sécurité juridique du patient et du médecin.

L'intervenant répète qu'à son avis, il vaut mieux s'écarter le moins possible des pratiques médicales habituelles, à défaut de quoi on risque de fixer des obligations que les médecins auront tendance à ne pas observer, si elles sont trop éloignées de leur pratique actuelle.

Il est préférable de faire confiance au colloque qui s'installe entre le patient, ses proches et l'équipe soignante, à travers le dossier médical.

Un membre estime impossible de mentionner au dossier médical l'ensemble des demandes et des souhaits du patient.

Il fait remarquer que l'équipe palliative est aussi une équipe soignante et que, de ce point de vue, la formulation de l'amendement n'est pas adéquate.

Un autre membre se rallie à l'appréciation formulée par le précédent intervenant, et souligne que les médecins craignent le juridisme, qui va à l'encontre de la recherche d'une loi simple et praticable.

Amendement nº 168

Mme de T'Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 244/12, amendement nº 168), tendant à remplacer le § 2 proposé par ce qui suit :

« § 2. Le patient qui formule la demande qu'un médecin mette fin à sa vie confirmera celle-ci par écrit. Cette demande écrite est indicative de la volonté du patient et peut être retirée à tout moment. Le médecin s'assurera que celle-ci a été rédigée librement et en pleine capacité. »

L'auteur de l'amendement précise que la demande écrite du patient ne peut constituer un blanc seing pour le médecin. S'il peut être utile et pour le patient et pour le médecin que le patient consigne sa volonté par écrit, ce document ne peut avoir valeur de consentement de la part du patient.

Par ailleurs, le patient doit toujours avoir la possibilité de revenir sur ce document. Il faut donc le prévoir explicitement.

Enfin, le médecin doit s'assurer de la pleine capacité du patient au moment où celui-ci formalise sa demande par écrit.

L'intervenante estime que le § 2 contenu à l'amendement nº 14 conçoit la requête écrite de façon trop bureaucratique, en requérant la présence d'un témoin extérieur, pour un document qui ne peut valoir consentement.

Enfin, l'intervenante est d'avis que la requête écrite doit se situer au début du processus. Ce point devrait être confirmé.

Un membre estime que le terme « volontaire », figurant actuellement à l'amendement nº 14, équivaut à « librement, en pleine capacité ».

Le mot « répété » y figure également, et il faut se limiter à ce terme, si l'on veut éviter d'ouvrir la porte à un juridisme excessif.

Enfin, le texte actuel prévoit déjà que le document n'est pas décisif. C'est le médecin qui décide.

Une intervenante et les membres de son groupe se rallient à l'amendement parce qu'ils partagent les préoccupations qui l'ont inspiré et qui ont été explicitées ci-avant par son auteur.

Le précédent orateur insiste sur le fait que la décision du médecin de pratiquer une euthanasie ne sera jamais facile ni prise à la légère. Il s'agit en effet à la fois d'un problème moral, médical et juridique. Il ne faut pas pour autant grossir ce dernier aspect.

L'auteur de l'amendement nº 168 déclare que bon nombre des médecins qu'elle a interrogés sur la question de la requête écrite, et qui étaient surtout des médecins généralistes, estimaient ne pouvoir répondre à une telle demande, que s'il existait un consensus suffisant, à la fois sur le plan médical, au sein de l'éventuelle équipe soignante, et au sein de la famille.

En effet, ils craignent notamment que, si une euthanasie était pratiquée alors que la famille n'a pas été consultée ou y est opposée, des plaintes ne soient déposées contre eux par des membres de cette famille.

Certains médecins qui avaient déjà pratiqué un tel acte disaient même avoir demandé à la famille un accord écrit.

Le précédent orateur rappelle que c'est le patient qui doit formuler la demande et non la famille, au sein de laquelle il arrive d'ailleurs fréquemment que des points de vue opposés s'expriment, avec les meilleures intentions.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 rappelle pour sa part que le médecin peut répondre à la demande, la refuser, ou encore poser toutes les conditions particulières qu'il estime nécessaires.

Amendements nºs 34 et 157

M. Galand retire le sous-amendement nº 34 (doc. Sénat, nº 2-244/5) qu'il avait déposé à l'amendement nº 14, au bénéfice du sous-amendement nº 157, qu'il a cosigné avec M. Dubié (doc. Sénat, nº 2-244/10).

L'amendement nº 157 vise à sous-amender le § 2 de l'article 3 proposé à l'amendement nº 14, en remplaçant les mots « qui ne pourra avoir aucun lien de parenté avec le patient » par les mots « qui ne pourra avoir aucun intérêt matériel au décès du patient ».

L'un des auteurs se réjouit qu'un consensus semble se dégager pour introduire, sous une forme ou une autre, une disposition prévoyant que le témoin ne peut avoir aucun intérêt matériel à la disparition du malade.

L'intervenant a retenu des visites qu'il a faites dans un certain nombre d'hôpitaux et de maisons de repos qu'il ne s'agissait pas là d'un risque illusoire.

Il existe des gens qui considèrent des maisons de repos payantes comme une source de revenus. La prudence s'impose donc.

Le danger existe que certains patients dont les cas deviennent de plus en plus lourds, fassent l'objet de tentatives d'influence, et qu'on les pousse à prendre certaines décisions.

L'amendement vise à empêcher ce type de dérives.

Une membre partage la préoccupation des auteurs de l'amendement. Elle se demande cependant pourquoi celui-ci ne complète pas le texte, au lieu de le modifier, ce qui a pour conséquence de faire disparaître la condition selon laquelle le témoin ne peut avoir aucun lien de parenté avec le patient.

On pourrait évidemment dire que tout parent a un intérêt matériel potentiel au décès du patient.

Cependant, il peut aussi y avoir d'autres mobiles dans le chef des membres de la famille, liés par exemple à l'épuisement consécutif à la longueur de la maladie, ou au manque de temps.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 partage le point de vue selon lequel le témoin ne peut avoir d'intérêt matériel au décès du malade.

L'intervenant ne voit pas pourquoi l'on exclurait les membres de la famille qui n'ont pas un tel intérêt.

Il n'est pas évident que l'on puisse toujours trouver dans l'entourage du patient une personne qui n'aurait pas d'intérêt matériel direct et qui ne serait pas un parent.

L'amendement a le mérite de régler les deux problèmes à la fois.

Pour le surplus, l'intervenant souligne une fois encore que c'est du patient que doit venir la demande.

L'un des auteurs de l'amendement nº 157 ajoute qu'il pourrait même y avoir une certaine cruauté à exclure a priori les parents du malade, notamment lorsqu'il s'agit d'un patient âgé, dont l'entourage peut être relativement limité.

Il faut que le témoin puisse être une personne de confiance. Pourquoi ne pourrait-il s'agir d'un parent, qui a cheminé avec le malade tout au long de sa maladie, et qui est le mieux placé pour dire quelle est la volonté du patient ?

Un membre observe que la difficulté éventuelle à trouver un témoin renvoie aux objections que lui-même et d'autres membres ont formulées à l'encontre du système du témoin prévu par le texte. Il faut éviter de créer des obstacles, non pas éthiques ou idéologiques, mais bureaucratiques.

Il pense en outre, comme une précédente oratrice, qu'il peut y avoir d'autres intérêts que des intérêts matériels : intérêts affectifs, intérêts liés à la recomposition d'une famille, etc. C'est pourquoi il propose d'élargir la portée du texte en parlant plutôt d'un témoin « indépendant », si tant est que l'on veuille maintenir cette exigence d'un témoin (voir infra, amendement nº 125).

Quant au souci exprimé par un autre membre, dans le cadre de son amendement, tendant à éviter d'éventuelles pressions socio-économiques, l'intervenant souligne qu'il dépassait largement la problématique du témoin, et concernait aussi la requête.

Cet aspect des choses devrait également être rencontré.

Un autre membre s'interroge sur la manière dont on pourra déterminer quelles sont les personnes qui ont un intérêt matériel au décès du patient. En effet, avant que ne s'ouvre une succession, il n'est pas toujours possible de déterminer qui seront les héritiers.

Cela risque d'avoir pour conséquence, surtout lorsque l'entourage du patient est très limité, qu'il deviendra quasiment impossible de trouver un témoin répondant au critère fixé par le texte.

En outre, s'il s'avérait ultérieurement que le témoin avait bel et bien un intérêt matériel au décès du malade, devra-t-il renoncer à la succession ?

Un membre ne croit pas qu'un héritier qui serait intervenu comme témoin doive être ipso facto déshérité. Mais il est vrai que l'intérêt matériel n'est pas nécessairement connu au moment de la requête écrite.

Le malade pourrait, par exemple, avoir rédigé un testament en faveur d'un parent qui ne le sait pas.

Un autre membre répond que la question de savoir si le témoin sait qu'il a un intérêt matériel doit s'apprécier au moment où son intervention est sollicitée.

Un autre membre encore objecte qu'il pourra toujours prétendre ne rien savoir.

Une précédente intervenante ajoute qu'elle s'interroge, comme d'autres commissaires, sur les conséquences qui découleraient du fait que le témoin avait un intérêt matériel. Cela entraînerait-il la nullité du document, la caducité de la procédure ? En tout état de cause, il sera trop tard, puisque le patient sera mort.

La disposition proposée par l'amendement, qui procède d'une intention louable, n'est cependant qu'indicative, car il n'y aura pas de sanction.

Amendement nº 149

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 149), tendant à supprimer, au § 2 proposé, les mots « le document écrit constate éventuellement que le patient n'est pas en état de signer et en énonce les raisons ».

L'auteur estime en effet que cette formule comporte trop de risques. En droit commun, lorsqu'une personne n'est pas en état de signer, on fait venir un notaire, qui confirme par un acte authentique l'incapacité de signer. Ici, alors qu'il s'agit non de simples questions patrimoniales, mais de la mort d'un individu, il n'y aurait pas une telle garantie.

Il ne s'agit pas ici de juridisme, comme d'aucuns le prétendent.

Le droit exprime des valeurs et s'appuie sur une certaine expérience, accumulée au fil des siècles, à l'égard des abus et manquements dans les comportements humains.

Ainsi, on a pu se rendre compte que l'affirmation selon laquelle une personne ne pouvait pas signer devait être entourée de garanties très strictes. C'est ce que l'on a prévu en droit commun, et que l'on ne prévoit pas ici.

Amendement nº 126

M. Dallemagne dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 126), qui est également un amendement subsidiaire à l'amendement nº 74 et a pour but de supprimer la dernière phrase du § 2 proposé.

Il a donc la même portée que l'amendement nº 149 précité.

L'auteur indique que, si le patient n'est pas en état de signer, cela signifie qu'il n'est pas à même de rédiger le document lui-même; cette exigence implique donc que le document puisse être rédigé par quelqu'un d'autre.

Cela paraît inadmissible précisément au regard de la particulière vulnérabilité du patient et de sa sensibilité aux pressions tant familiales qu'économiques ou sociales.

Qui décide que le patient n'est pas en mesure de signer, sur base de quels critères, comment vérifiera-t-on ce point ultérieurement, comment vérifier que le patient savait qu'une requête avait été rédigée en son nom ?

On peut très bien imaginer que, dans le système proposé, des euthanasies soient pratiquées à l'insu du patient qui, par définition, ne sera plus là pour confirmer ou infirmer la requête écrite.

Un membre demande comment l'auteur de l'amendement résout le problème posé par les cas du type de celui de M. Jean-Marie Lorand, dont il a déjà été question.

L'auteur de l'amendement répond qu'il faut soit modifier complètement la procédure proposée, soit procéder par intervention d'un notaire.

Un membre ajoute que le cas cité présente un caractère exceptionnel.

La question est de savoir s'il faut prévoir un texte qui pourrait ouvrir la porte à un grand nombre d'abus, pour régler quelques cas particuliers.

Le cas de M. Lorand s'est réglé en l'absence de législation, et personne n'a été poursuivi.

Un autre membre souligne qu'il faut s'efforcer de tenir compte de contraintes qui peuvent sembler opposées. Il faut rencontrer les situations de fin de vie, plus nombreuses qu'on ne le dit, où les personnes ne sont plus en état d'écrire un document, de le signer ni de le dater.

Cette possibilité doit aussi être laissée par prudence, pour permettre à la personne de ne pas signer, et pour éviter des pressions en vue de signer alors même qu'elle aurait des difficultés à le faire.

D'autre part, si l'on ne considère qu'un côté de la question, on risque de provoquer des effets pervers et de mettre les médecins en difficulté, parce que le juge fera systématiquement référence à ce qui a été précisé dans le texte de loi, même pour les cas qui relèveraient de l'état de nécessité.

Dès lors, si le texte de la loi n'évoque pas le cas des patients qui ne peuvent signer, on fragilise certains patients, ainsi que les médecins, et l'on risque même, dans certains cas, de relancer l'acharnement thérapeutique, et de provoquer plus d'effets négatifs que positifs.

Un membre se demande s'il faut comprendre de ce qui vient d'être dit qu'il pourrait y avoir un document écrit par un tiers, alors que le malade refuse de signer.

Il lui est répondu que, d'une part, l'exigence d'une requête écrite est un élément parmi d'autres dans l'ensemble des conditions fixées par le texte. On ne peut réduire la demande répétée au fait qu'à un moment donné, un document a été rédigé.

D'autre part, à aucun moment il ne peut être passé outre au fait pour le malade de ne pas rédiger de requête écrite, alors qu'il a la possibilité de le faire car, dans ce cas, il n'y a tout simplement pas de demande du malade.

Le précédent intervenant réplique qu'il préférerait que l'on ne suppose pas qu'un document qui n'a pas été rédigé ni signé par le patient est une requête.

Un membre attire l'attention sur le fait que l'avantage du texte est d'obliger à expliciter par écrit les raisons pour lesquelles le patient n'est pas en état de signer, alors que l'on sait combien de dossiers de fin de vie, à l'heure actuelle, sont réduits à leur plus simple expression.

Une autre membre se demande s'il ne faudrait pas insérer la disposition relative à la requête écrite plutôt au § 3, en tant qu'élément de procédure, dont le médecin doit s'assurer mais qui, en tout état de cause, ne l'exonère pas de sa responsabilité.

En ce qui concerne le cas des analphabètes, l'intervenante estime qu'il n'est pas visé par les termes « le patient n'est pas en état de signer ».

Un analphabète peut écrire avec des fautes, ou dicter sa volonté à un tiers qui écrit à sa place.

Les termes précités évoquent plutôt, dans l'esprit de l'intervenante, une incapacité d'ordre physique.

Amendements nºs 162 et 194

Mme de T'Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 162), visant à renuméroter les paragraphes de l'article 3 proposé.

L'auteur rappelle que la question s'est en effet posée de savoir à quel moment la requête écrite doit intervenir.

Si la réponse est qu'elle enclenche la procédure, elle doit effectivement figurer au § 2 de l'article.

Si elle constitue au contraire l'aboutissement du processus, il est préférable de modifier l'ordre des paragraphes, comme indiqué dans l'amendement.

Cette question a aussi une importance pour le calcul du délai d'un mois prévu dans le cas des patients non terminaux.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 répond que le document écrit doit intervenir dans le processus, conformément à la logique de dialogue qui sous-tend le texte proposé.

Par ailleurs, il est évident que le patient peut revenir à tout moment sur sa déclaration écrite.

L'auteur de l'amendement nº 162 réplique qu'elle aurait alors préféré que la requête écrite ne soit pas mentionnée au § 2 de l'article car, de la sorte, on insiste sur cette requête.

Compte tenu de la réponse du précédent intervenant, elle retire son amendement au § 2, et reviendra sur la question dans la discussion de la suite de l'article.

Mme Nyssens propose d'utiliser systématiquement le terme « demande » au lieu du mot « requête ».

Elle dépose un sous-amendement à cet effet (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 194).

La commission se rallie à cette suggestion.

Amendement nº 193

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 193), en vue de remplacer, dans le texte français du § 2 proposé, le mot « requête » par le mot « demande ».

Amendement nº 178

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 178), tendant à remplacer, au § 2 proposé, les mots « la requête du patient » par les mots « la demande répétée et persistante du patient ».

L'auteur de l'amendement déclare que, dans le texte français de l'article 3, il est question tantôt de demande (au § 1er), tantôt de requête. Ce dernier terme est utilisé au § 2, où le lien avec le § 1er et la demande qui y est mentionnée n'est pas explicité, au § 3, 6º, qui précise que le médecin doit « s'assurer que le patient a eu l'occasion de s'entretenir de sa requête avec les personnes qu'il souhaitait rencontrer », et au § 5 (qui précise que la requête écrite est consignée dans le dossier médical). Sous peine de vider de sa substance la condition relative au caractère répété et persistant de la demande, il importe de lever l'ambiguïté et d'utiliser le même terme dans la proposition. C'est la demande du patient qui est essentielle et non la requête écrite, sous peine de transformer toute la situation en une procédure administrative formelle où la requête écrite consignée au dossier médical constituerait la preuve que l'ensemble des conditions relatives à la demande du patient ont été respectés. Le terme « requête » semble d'ailleurs un terme administratif tout à fait incongru dans cette proposition de loi. Les risques évoqués semblent réels, particulièrement si le § 3 de l'article 4 est lu conjointement avec le § 4. Si, pour les patients, qui ne sont pas en fin de vie, qui demandent l'euthanasie et pour lesquels les auteurs disent avoir posé des conditions plus restrictives que celles prévues pour les patients en fin de vie, le délai minimum requis est d'un mois entre la requête et l'acte d'euthanasie, on peut logiquement en déduire que ce délai pourrait être inférieur dans le cas des patients en fin de vie visés au § 3 (voire inexistant ?). Le risque existe donc réellement que dès qu'il y a requête écrite, l'euthanasie soit pratiquée de manière quasi immédiate et que les exigences relatives au caractère répété et persistant de la demande, de même que celles relatives à la consultation de tiers, deviennent rapidement de simples conditions administratives.

L'intervenante renvoie également à son amendement nº 194 (voir supra).

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 s'accorde, comme déjà indiqué, avec le remplacement du mot « requête » par le mot « demande ». Pour le surplus, il renvoie à nouveau au § 5, qui précise que la procédure doit être consignée dans le dossier du malade.

Amendement nº 124

M. Dallemagne dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 124), qui est également un amendement subsidiaire à l'amendement nº 74, et qui a pour but d'ajouter, au § 2 proposé, après les mots « témoin majeur », les mots « désigné par le patient ».

Cet amendement vise à éviter que l'exigence de présence d'un témoin ne se transforme en condition formelle tendant à assurer la « décharge du médecin ».

Une membre estime que cet amendement contient un ajout important. Elle insiste cependant sur le fait que la condition de désignation par le patient doit être cumulée avec les autres. La simple désignation par le patient ne peut pas signifier que celui-ci est d'avis que le témoin n'a pas d'intérêt matériel à son décès, ou, le cas échéant, de lien de parenté avec lui, selon les critères qui seront retenus.

Le danger existe par ailleurs qu'il y ait des témoins « de service », par exemple un membre du personnel soignant.

Il faut éviter de tomber dans un formalisme excessif.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 répond que toute la difficulté est précisément de donner des garanties, sans formalisme excessif, et qui permettent à toute personne de bénéficier de l'euthanasie.

Il est favorable à l'idée de prévoir que le témoin est désigné par le patient.

Un membre croit savoir qu'en tout état de cause, les tribunaux ne considèrent pas ce type de document comme valant consentement.

Cette déclaration doit être considérée comme un document écrit indicatif, qui montre qu'un pas supplémentaire a été franchi par le malade.

Mais en ce qui concerne le témoin, l'intervenante estime que l'on va trop loin dans le formalisme.

Le précédent intervenant répond qu'il s'agit d'une condition éventuellement nécessaire, mais non suffisante, pour s'assurer du bon déroulement du processus.

En outre, l'intervenant renvoie à nouveau au § 5 de l'article 3, qui montre bien qu'indépendamment de l'écrit, une procédure doit être respectée, qui sera consignée dans le rapport.

Amendement nº 125

M. Dallemagne dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 125), tendant à ajouter, au § 2 proposé, après les mots « avec le patient », les mots « et sera indépendant ».

L'auteur de l'amendement considère qu'outre la possibilité d'une confusion d'intérêts matériels, d'autres hypothèses sont possibles, et notamment celle d'une dépendance d'ordre affectif.

La notion d'« indépendance » est d'ailleurs reprise, par rapport au médecin, à l'alinéa 2 du § 3.

Amendement nº 169

M. Galand et Mme de T' Serclaes déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 169), qui tend à compléter le § 2 proposé par les mots « Cette requête peut être retirée à tout moment par le patient. »

Le président renvoie à ce qui a été dit précédemment à ce sujet, et dont il semblait résulter qu'un consensus existait sur le contenu de l'amendement.

Amendement nº 179

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 179), tendant à compléter le § 2 proposé par un dernier alinéa, rédigé comme suit :

« Le médecin qui pratique une euthanasie suite à une requête écrite d'un patient a l'obligation de s'assurer que cette requête fait suite à une demande formulée dans les conditions énumérées au § 1er. »

L'auteur estime que la rédaction actuelle de l'article 3 ne permet pas de concilier ces deux exigences qui a priori semblent tout à fait contradictoires de « demande répétée et persistante » et de « requête écrite » unique. Considère-t-on que la demande est persistante à partir du moment où elle est constatée par écrit ? Ou le patient a-t-il encore la possibilité de revenir sur sa décision ?

Selon l'intervenante, le médecin a l'obligation de vérifier jusqu'au bout, même après la rédaction de la requête, avant de pratiquer une euthanasie, que la demande de mourir du patient est réelle.

Elle constate par ailleurs que certaines des questions soulevées ont, dans l'intervalle, été rencontrées au cours de la discussion d'autres amendements.

Amendements nºs 180 et 181

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 180), qui tend à compléter le § 2 proposé, en précisant que la requête écrite peut être révoquée par le patient par tout moyen et à tout moment.

Cet amendement est comparable à l'amendement nº 169 précité de M. Galand et Mme de T' Serclaes.

Mme Nyssens dépose, dans le même ordre d'idées, un second sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 181), qui tend à compléter le § 2 proposé, par un dernier alinéa rédigé comme suit :

« Lorsque le médecin pratique une euthanasie suite à une requête écrite du patient, le médecin a l'obligation de s'assurer que cette requête n'a pas fait l'objet d'une révocation par le patient. »

L'auteur de l'amendement estime en effet que le patient doit avoir la possibilité de renoncer à sa décision par tout moyen et à tout moment. Vu la situation particulière de vulnérabilité dans laquelle il se trouve, il importe que la responsabilité repose sur le médecin de s'assurer que cette requête n'a pas fait l'objet d'une révocation de sa part. Cette exigence particulière renforce également l'obligation pour le médecin de dialoguer tant avec l'équipe soignante ou palliative, qu'avec l'entourage du patient.

Un membre estime qu'il s'agit là d'un amendement très important, à partir du moment où l'on institue un système de requête écrite.

Celle-ci est révocable à tout moment, mais on ne pousse pas le formalisme jusqu'à préciser sous quelle forme.

Il est dès lors essentiel que le médecin s'assure jusqu'au dernier moment de la persistance de la volonté du malade, et qu'il vérifie qu'aucune révocation n'est intervenue.

Un autre membre estime que l'on satisferait à cette exigence si l'on adoptait l'amendement, déposé précédemment qui vise à remplacer, dans la phrase liminaire du § 1er, les mots « s'il constate que » par les mots « s'il s'assure que ».

Amendement nº 166A

Mme de T'Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/11, amendement nº 166), dont le point A tend à remplacer l'alinéa premier du § 3 par ce qui suit :

« Le médecin ne peut répondre à la demande du patient qui se trouve dans les conditions énoncées au § 1er que si, au préalable et dans tous les cas :

1º il a informé complètement le patient de tous les aspects de son état de santé et de son espérance de vie, ainsi que des différentes possibilités thérapeutiques et de prise en charge palliative existantes et de leurs conséquences;

2º il s'est assuré de la persistance de la souffrance ou de la détresse du patient et de sa volonté réitérée. À cette fin, il mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient;

3º il a consulté un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l'affection, en précisant les raisons de la consultation. Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient et s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance ou de la détresse. Il rédige un rapport concernant ses constatations. »

L'auteur de l'amendement précise que celui-ci porte davantage sur la forme que sur le fond du texte. Si elle partage entièrement l'idée selon laquelle le médecin doit pouvoir mettre des conditions complémentaires à son intervention, elle estime que la formulation proposée par l'amendement nº 14 n'offre pas toutes les garanties au patient.

C'est pourquoi elle propose d'insérer plutôt la disposition en question à la fin du § 3, en précisant que le médecin doit informer le patient des conditions complémentaires qu'il pose. Tel est l'objet du point B de son amendement.

Parmi les conditions complémentaires qu'un médecin pourrait poser, l'intervenante cite le fait de tenter de soulager mieux encore la douleur, le fait de demander la consultation d'un psychiatre, en dehors des hypothèses visées au § 4, ou encore celle de l'équipe palliative. Le médecin peut aussi décider de n'agir que moyennant l'accord de la famille.

Même si le médecin reste maître des conditions qu'il pose, et que le patient ne peut s'y opposer, celui-ci doit au moins en être averti.

L'un des auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 et de l'amendement nº 14 précise que le texte initial de la proposition ne prévoyait pas la possibilité pour le médecin de poser des conditions complémentaires, car elle paraissait aller de soi. Le texte a été précisé, suite aux interrogations qui ont été formulées sur ce point.

La philosophie du texte est celle d'une double liberté, celle du malade de qui doit venir la demande, et celle du médecin d'accepter, de refuser, par exemple pour des raisons philosophiques, ou de lier son intervention au respect de certaines conditions supplémentaires.

La seule restriction est que le médecin, quelle que soit sa décision, doit informer le malade du contenu et des motifs de celle-ci.

L'intervenant estime le texte suffisamment clair à cet égard, notamment en son article 6.

L'auteur de l'amendement nº 166 répond que l'article 6 vise une autre hypothèse, qui est celle de l'objection de conscience.

Un membre estime que l'amendement nº 166 constitue une clarification importante du texte.

Amendement nº 133

Mme de T'Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 133), tendant à remplacer le 1º du § 3 de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« 1º Informer le patient le plus complètement possible sur son état de santé et son évolution probable, et envisager avec lui les différentes prises en charge thérapeutiques ou palliatives possibles ainsi que l'aide psychologique, matérielle et sociale dont il pourrait bénéficier. »

L'un des auteurs de l'amendement souligne qu'il ne suffit pas d'informer le patient formellement sur son état de santé et les perspectives qui s'offrent à lui, que ce soit sur son état de santé ou les possibilités de soins; il est indispensable de mener avec ce dernier un véritable dialogue à partir de sa demande et d'examiner avec lui les différentes prises en charge possibles tant sur le plan curatif que palliatif ainsi que l'aide sociale, matérielle et psychologique qui peut lui être apportée dans sa situation.

C'est pourquoi l'amendement utilise l'expression « envisager avec lui », et ajoute au texte de l'amendement nº 14 les mots « ainsi que l'aide psychologique, matérielle et sociale dont il pourrait bénéficier », toujours dans le souci d'éviter que des euthanasies soient pratiquées pour des raisons de pressions socio-économiques.

Le mot « complètement » a aussi été remplacé par les mots « le plus complètement possible », afin de mieux rendre compte de la réalité des choses. Sinon, on pourra toujours reprocher au médecin de n'avoir pas donné assez d'informations. Les mots « le plus complètement possible » visent aussi la forme de la communication.

Il est renvoyé à ce sujet aux récents travaux de l'Ordre des médecins, relatifs au devoir d'information du patient.

L'amendement remplace aussi les mots « des différentes possibilités » par les mots « les différentes prises en charge thérapeutiques ou palliatives possibles ».

En effet, il ne s'agit d'informer le patient sur les services existants en général, mais bien sur ce qui est possible au vu de sa situation particulière.

Une membre déclare pouvoir se rallier à la philosophie générale de l'amendement. Elle se demande toutefois si l'expression « le plus complètement possible » est judicieuse.

Ne doit-il pas s'agir d'une information adéquate, c'est-à-dire une information proportionnée, qui tient compte du vécu et de l'état de santé du patient (cf. les auditions sur les droits du patient, qui ont eu lieu en commission de la Justice de la Chambre, ce 9 janvier 2001) ?

Dans cette perspective, il est des cas où l'information ne sera justement pas « la plus complète possible ». L'intervenante renvoie à l'amendement qu'elle a déposé à ce sujet.

Les auteurs de l'amendement se rallient à cette observation.

Un membre constate que la Flandre est confrontée à ce qui constitue presque une situation de crise en ce qui concerne le traitement des patients cancéreux. Beaucoup soutiennent que l'avis d'un médecin individuel n'est pas toujours complet, et ne conduit pas nécessairement à la thérapie la plus adéquate.

L'interdisciplinarité apporte incontestablement une plus-value en ce domaine.

La question est de savoir si l'information qui doit être fournie au patient repose sur le jugement individuel d'un médecin, ou si elle peut intégrer l'avis des collègues et de l'expert en soins palliatifs.

L'un des auteurs de l'amendement nº 14 répond qu'il n'est pas dit dans le texte que le deuxième médecin consulté doit interférer dans la relation thérapeutique entre le malade qui demande et le médecin qui répond. Il s'agit toujours, dans le texte, d'un dialogue singulier.

Mais un médecin peut toujours, dans l'exercice de son art, avoir recours à toutes les consultations qu'il juge utiles.

L'intervenant considère que ceci ne rentre pas dans le champ de ce que le législateur doit régler.

Amendement nº 41

M. Remans dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 41), en vue de remplacer, au § 3, 1º, proposé, les mots « informer complètement le patient de tous les aspects de son état de santé » par les mots « informer le patient des aspects de son état de santé ».

Amendement nº 75

Mmes Nyssens et M. Thissen déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 75) ayant également trait à la nécessité d'informer toujours le patient, donc dès le départ, de manière correcte et adéquate sur son état de santé. L'objectif est d'apporter au patient un maximum de soutien, adapté à sa situation individuelle, afin de pouvoir situer la demande d'euthanasie dans le bon contexte et éventuellement de pouvoir y déceler une demande d'une aide supplémentaire et différente.

Un des auteurs se réfère à la justification écrite de l'amendement.

Un membre estime que le texte de l'amendement nº 14 est déjà suffisamment clair. L'orateur signale que le médecin concerné a la responsabilité d'informer le patient correctement et de façon précise de l'évolution de sa maladie. Le but n'est pas que le médecin se contente de s'assurer que le patient est suffisamment informé comme le prévoit l'amendement nº 75.

En outre, il est important que les médecins fassent preuve du respect et de la discrétion nécessaires lorsqu'ils informent les patients de leur espérance de vie et que, pour ce faire, ils intègrent toutes les informations dans le cadre d'une approche personnalisée.

L'oratrice précédente répond qu'elle a volontairement opté pour la phrase « que le médecin doit s'assurer que le patient a été informé d'une manière correcte et adéquate ». Cependant, lorsque le patient formule une demande d'euthanasie, le médecin traitant doit s'assurer que le patient a été mis au courant dans un stade bien antérieur de toutes les possibilités et qu'il a bien été correctement accompagné.

En rapport avec les termes « information adéquate », le membre rappelle que certains témoins ont démontré qu'il n'est pas toujours opportun que le patient connaisse toute la vérité.

Une intervenante juge logique le texte proposé par l'amendement nº 75. Elle estime que la disposition du § 3, 1º, de l'amendement nº 14 proposé stipulant que le médecin doit informer le patient des différentes possibilités thérapeutiques est en contradiction avec une des conditions de base de la pratique de l'euthanasie, à savoir que le patient doit être dans un état médical sans issue.

Un autre membre estime que le médecin est personnellement responsable de la diffusion des informations. En outre, il fait remarquer qu'une appréciation post factum de termes comme « adéquate », « correcte » et « morale » est très difficile.

Un orateur précédent indique que les patients palliatifs n'ont plus de possibilités curatives mais qu'il existe encore des possibilités thérapeutiques. Il est important de distinguer clairement les deux définitions.

Amendement nº 70

M. Galand dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 70) tendant à préciser clairement que le patient et ses proches reçoivent toutes les informations quant aux possibilités d'aide sociale.

Le membre précise qu'un environnement social approprié peut accueillir une demande d'euthanasie comme le montrent certains exemples tirés de la pratique et les résultats d'une enquête américaine qui établit un lien entre le nombre de demandes d'euthanasie et la qualité de l'environnement social du patient.

Un membre estime que les commissions réunies doivent se limiter au texte de l'amendement nº 14, principalement en égard aux conséquences pénales. Lorsque le patient émet une demande d'euthanasie, le médecin doit clairement l'informer de son état, des différentes possibilités thérapeutiques et des possibilités de soins palliatifs.

Par contre, informer un patient sur les possibilités d'aide sociale, comme le propose l'amendement nº 70, relève de la problématique des droits du patient et d'une bonne pratique des soins du premier échelon.

Une autre membre marque son accord sur l'amendement nº 70. L'oratrice estime que le texte proposé ne peut pas se limiter au seul aspect thérapeutique, mais doit également prendre en compte le patient dans son intégralité, l'accompagnement social et certaines pressions externes.

Elle n'est donc pas partisane d'une traduction minimaliste des critères de prudence, ni de confier les autres aspects à un texte de loi sur les droits des patients. En outre, le texte sur les droits des patients en est encore à la phase d'avant-projet et n'a pas encore été soumis au Conseil d'État.

Elle estime que l'application des sanctions pénales ne sera pas si simple et renvoie l'oratrice à un débat ultérieur.

Un autre membre est, comme un orateur précédent, favorable à un texte simple et lisible et estime qu'une distinction doit être faite entre les exigences minimales et des exigences plus spécifiques.

Une membre estime que le débat sur les droits des patients aurait dû précéder le débat sur l'euthanasie. Elle constate cependant que l'amendement proposé concerne les critères de prudence qui doivent empêcher les demandes d'euthanasie abusives. Une demande d'euthanasie formulée pour des raisons sociales est clairement une demande d'euthanasie abusive, c'est pourquoi cette condition devrait également figurer dans la loi.

Un membre estime que certaines situations sociales susciteront effectivement des demandes d'euthanasie. C'est la raison pour laquelle il veut préciser dans le texte que le médecin traitant est responsable de la diffusion d'informations correctes au patient.

L'auteur principal de l'amendement nº 14 précise que la préoccupation des auteurs de cet amendement à l'égard de la situation sociale du patient peut être clairement exprimée par les termes : « tous les aspects de son état de santé et toutes les possibilités thérapeutiques et de prise en charge palliative existantes et leurs conséquences ».

L'orateur précédent propose d'amender le texte comme suit : « et de prise en charge y compris palliative ».

Un membre trouve l'ajout de l'auteur de l'amendement nº 70 particulièrement pertinent, surtout en ce qui concerne les patients non terminaux pour lesquels la pression sociale peut être beaucoup plus forte. En outre, le membre fait remarquer que l'idée du texte français, qui exprime également « la prise en charge », est beaucoup moins explicite dans le texte néerlandais. De ce point de vue également, l'ajout de l'orateur précédent est donc très important.

Il est proposé d'insérer le terme « notamment » entre les mots « de prise en charge » et « palliative ».

L'amendement nº 70 est retiré.

On fait remarquer que cette correction ne résout pas le problème de la nuance entre les versions française et néerlandaise du texte.

Un membre propose à cet effet de modifier le texte de l'amendement nº 70 proposé comme suit : « possibilités de prise en charge, notamment palliative » (au lieu de « possibilités de prise en charge palliative »).

Une autre membre signale que le texte proposé par l'orateur précédent risque de ne pas mettre suffisamment l'accent sur les soins palliatifs.

Un membre estime que ce texte proposé diminue le pouvoir du palliatif et de toutes les possibilités que l'on ne connaît pas encore ­ par exemple la manipulation génétique.

L'intervenante précédente partage cet avis et propose dès lors de revenir à l'amendement nº 70 tel qu'il a été déposé, principalement en raison de sa préoccupation pour les patients non terminaux.

L'intervenant précédent signale que la préoccupation envers les patients non terminaux devrait se refléter dans les dispositions ayant trait aux patients non terminaux.

Amendement nº 71

M. Galand dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 71) tendant à supprimer le mot « existantes ». Il souligne que le mot « existantes » ne devrait absolument pas pouvoir être interprété comme étant une « possibilité sur le plan organisationnel ». Il propose dès lors de supprimer ce mot.

Une membre met l'accent sur les différences entre les textes néerlandais et français. Elle précise que l'interprétation que l'on peut donner au texte français n'est pas possible dans le texte néerlandais, mais que le but n'est effectivement pas de devoir se limiter à ce qui est possible sur le plan de l'organisation et au point de vue budgétaire.

Un autre membre ajoute que la signification du terme « existantes » est déjà contenue dans le mot « possibilités ».

Les auteurs de l'amendement nº 14 sont favorables au sous-amendement nº 71.

Amendement nº 106

M. Remans et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 106) visant à remplacer les mots « informer complètement le patient de tous les aspects de son état de santé » par les mots « informer le patient de son état de santé ».

L'auteur principal de l'amendement nº 106 se réfère à sa justification écrite.

Un membre interprète la suppression du mot « complètement » comme une sécurité pour le médecin et trouve que le patient a droit à une information aussi complète que possible.

Un autre membre signale que la jurisprudence n'a cessé de renforcer le devoir d'information du médecin à l'égard du patient. Au fil des ans s'est développée une jurisprudence considérant que le médecin qui n'informe pas le patient sur des risques importants, mais statistiquement peu significatifs porte une responsabilité en raison du risque encouru et non du fait personnel au cas où le risque se concrétise. Le tribunal estime donc que le médecin est responsable parce qu'il a donné, dès le départ, des informations incomplètes au patient.

Selon l'interprétation de l'orateur, le médecin doit transmettre au patient toutes les informations importantes à la lumière de l'espérance de vie existante et des conséquences. Il déclare qu'il n'est pas le seul à interpréter les choses de cette manière et se réfère à cet égard à l'article 6 de la note conceptuelle de la ministre Aelvoet relative aux droits du patient.

Enfin, le membre conclut que, pour des motifs de simplicité et de lisibilité du texte, les garanties prévues pour les autres processus décisionnels médicaux ne peuvent dépasser celles de l'euthanasie.

L'auteur principal de l'amendement nº 106 se rallie à l'avis de l'orateur précédent et propose d'informer complètement le patient de son espérance de vie. À cet égard, il signale qu'il est impossible d'informer vraiment complètement. Quelqu'un peut toujours trouver qu'il y a eu des lacunes dans la transmission des informations.

Un sénateur plaide pour la mise en concordance de la proposition de loi sur les droits du patient avec la présente proposition. Le sénateur propose également d'adapter le texte de manière à ce que « tous les aspects importants de son état de santé doivent être communiqués ».

En outre, l'orateur signale que le contrôle a posteriori sera difficile, étant donné la thématique, et que cet article vise principalement à demander un certain engagement de la part du médecin.

Un membre estime que cet article traite d'une culture du « droit à une information aussi complète que possible ».

Amendement nº 115B

M. Vankrunkelsven dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 115B) tendant à élargir le dialogue entre le patient et le médecin afin qu'ils arrivent ensemble à la conviction que l'euthanasie est la seule solution raisonnable dans l'état dans lequel se trouve le patient et que la requête du patient est entièrement volontaire.

Une membre signale que la disposition proposée a été presque littéralement reprise du texte néerlandais. Le mot « conviction » est extrêmement important puisqu'il indique qu'un dialogue a eu lieu entre le médecin traitant et le patient et que l'on n'a pas exclusivement suivi des procédures formelles.

En outre, la décision doit être prise en toute indépendance et ne peut être la conséquence d'une pression extérieure. L'oratrice estime que cet amendement rencontre ses préoccupations et elle le soutiendra donc également.

Un autre membre estime également que l'amendement proposé a été repris du projet de loi néerlandais (article 2D). C'est la confirmation que l'euthanasie se pratique en colloque singulier, sans réel contrôle quant au respect des conditions générales.

Par ailleurs, le membre signale qu'une thèse a récemment été publiée aux Pays-Bas sur les possibilités d'employer les mots « raisonnablement » et « légitimement » dans un contexte juridique. Selon cette thèse, la signification de ces termes dépend de la personne qui les utilise. Par conséquent, ces termes ne conviennent pas dans un texte de loi parce qu'ils privatisent le processus décisionnel.

Dans ce sens, l'euthanasie peut se placer dans une société de marché où le service d'euthanasie est également disponible sur le marché, comme l'acheteur et le vendeur ­ dans ce cas : le médecin et le patient ­ marquent leur accord sur les conditions qu'ils peuvent apprécier en toute indépendance à l'aide de termes tels que « raisonnablement » et « légitimement ». C'est pourquoi l'orateur ne peut marquer son accord sur l'amendement nº 106.

Un membre signale que, dans une situation de marché, chaque chose a un prix déterminé et fixé et qu'il n'y a pas de place pour l'interprétation. L'euthanasie concerne toutefois des problèmes humains pour lesquels une certaine liberté d'interprétation doit nécessairement être laissée au médecin et au patient, notamment l'interprétation de termes tels que « raisonnablement », « souffrances » et « douleur ».

Selon un autre orateur, cette problématique ne peut être appréhendée par une connaissance encyclopédique. Le texte de loi doit dès lors être lu dans son ensemble et être suffisamment nuancé. La note conceptuelle relative aux droits du patient de la ministre de la Santé ne peut pas davantage être tirée de son contexte.

L'auteur de l'amendement nº 115B fait remarquer que le texte de l'amendement nº 14 se caractérise par des conditions et des critères de prudence de pure forme. Le sénateur regretterait que le texte final omette totalement l'importante interaction entre le patient et le médecin tout en accordant une grande importance à ces conditions de pure forme.

Une membre juge minimaliste la suppression proposée des mots « complétement » et « tous ». Elle suggère de reprendre la proposition de texte de la note conceptuelle relative aux droits du patient.

Un autre membre rappelle que la ministre de la Santé publique élabore également un texte concernant les interventions des prestataires de soins. À cet égard, il faut s'efforcer de mettre les deux textes en concordance et éviter d'éventuelles contradictions.

Il est proposé de modifier la disposition proposée en ce sens « que le patient doit être informé correctement de son état de santé ».

En ce qui concerne le membre de phrase « informer complètement le patient », un sénateur se réfère à « l'exception thérapeutique ». Bien que ne figurant pas dans la note conceptuelle de la ministre de la Santé publique relative aux droits du patient, cette donnée est très importante.

Amendement nº 148

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 148) qui opte pour un modèle de société dans lequel les gens sont obligés de se porter mutuellement assistance et qui tend donc à garantir au patient le droit à une aide morale et médicale, curative et palliative suffisante.

L'auteur de l'amendement nº 148 estime que le texte de l'amendement nº 14 n'engage pas à grand-chose. L'amendement rentre tout à fait dans le cadre d'une approche d'économie de marché où le devoir d'assistance, la protection de la vie et l'aspect relationnel de la société humaine trouvent insuffisamment à s'exprimer.

Le texte de l'amendement nº 14 part d'une certaine réalité et les auteurs estiment que le législateur doit tenir compte de cette réalité. Le parlement crée de ce fait un cadre dans lequel 10 millions de belges peuvent agir selon leurs propres lois et leur propre réalité.

Cette option ignore totalement l'opinion de divers philosophes. C'est ainsi que les exposés d'un des plus grands philosophes de l'histoire, Emmanuel Kant, ne traitaient pas des faits et de la façon dont on peut les aborder pour que le libre choix du citoyen soit déterminant. Ils n'étaient pas davantage basés sur des axiomes sociologiques. Par contre, ces exposés traitaient de l'universalité de la loi et du fait que la protection de la vie humaine constitue l'essence de cette universalité. Toutefois, ces principes sont à présent totalement abandonnés.

Un membre réplique que, dans certains cas, l'aide morale, médicale, curative et palliative ne peut soulager la souffrance physique et morale des patients. Le membre veut insister sur ce point à l'occasion de la présente discussion.

Un autre membre se réfère aux pensées de Thomas More pour nuancer les considérations de l'auteur de l'amendement.

Amendements nºs 170 et 171

Mme de T' Serclaes dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 170) tendant à compléter le 1º du § 3 de l'article proposé afin qu'une concertation prélable ait lieu avec l'équipe de soutien palliatif ou avec la plateforme locale.

L'auteur de l'amendement nº 170 souligne que la science médicale se caractérise par un degré de spécialisation très élevé. Pour cette raison, l'oratrice estime important que le médecin, confronté à une demande d'euthanasie, s'informe et se fasse assister par des personnes hautement spécialisées dans les soins palliatifs, ce qui garantit encore davantage une information correcte du patient.

À la lumière des différentes propositions relatives aux soins palliatifs et aux progrès que le gouvernement veut enregistrer dans ce domaine, il est important de prévoir, dans la loi, l'organisation d'une concertation entre l'équipe de soutien palliatif ou la plateforme et le médecin traitant.

La même membre dépose un amendement subsidiaire à l'amendement nº 170 pour le cas où l'on trouverait le texte trop lourd (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 171). Cet amendement tend également à promouvoir la concertation entre le médecin traitant et l'équipe de soutien palliatif ou la plateforme locale. Il veut nettement indiquer que l'ensemble des possibilités de soins inclut les possibilités de soins palliatifs.

Étant donné le consensus existant au sujet de l'amendement nº 115B, l'oratrice déposera quand même cet amendement en tant que sous-amendement à l'amendement nº 115B.

Un membre répond qu'un médecin traitant a la liberté de faire appel à différents spécialistes et que, dans le texte proposé, le médecin doit déjà informer le patient des possibilités de soins palliatifs.

Quant à la consultation de l'équipe de soutien palliatif, l'orateur signale que le 4º du § 3 proposé fait déjà état d'une concertation de ce type entre le médecin et l'équipe soignante qui est en contact régulier avec le patient.

L'auteur des amendements nºs 170 et 171 souligne la différence entre l'équipe soignante et l'équipe de soutien palliatif.

Les soins palliatifs n'étant pas encore connus de tous, une membre comprend l'inquiétude de l'oratrice précédente.

Elle propose dès lors d'intégrer l'amendement nº 170 dans le texte de l'amendement nº 115, même sous une forme atténuée, par exemple sans utiliser le terme « approfondie ».

Un membre souligne la nécessité de proposer d'emblée toutes les possibilités thérapeutiques existantes, y compris palliatives.

En outre, le membre se réfère aux auditions qui ont clairement montré que la connaissance de la prise en charge palliative se concentre encore à l'heure actuelle chez les médecins qui s'intéressent à la question. Le professeur Distelmans a expressément indiqué la nécessité d'un revirement dans le domaine de la culture des soins médicaux.

Il faut donc veiller à ce que la transmission d'informations sur les soins palliatifs au patient ne soit pas une formalité. Il importe également d'impliquer les spécialistes en soins palliatifs lors de la diffusion de ces informations.

Un autre membre signale que les soins palliatifs ne peuvent résoudre tous les problèmes et que l'avis du patient est également important.

Amendement nº 76

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 76) tendant à insérer un 1ºbis (nouveau) au § 1er proposé de l'article 3. Celui-ci stipule que le médecin doit s'assurer que le patient bénéficie d'un accompagnement et de soins optimaux.

Un des auteurs signale la similitude entre son amendement et l'amendement nº 148 au point de vue du fond et, pour le reste, se réfère à la justification de l'amendement nº 76.

Une membre déclare que le médecin doit toujours s'assurer que le patient bénéficie d'un accompagnement et de soins optimaux. Elle estime qu'il n'est pas nécessaire que cette pratique médicale courant soit explicitement mentionné dans la loi sur l'euthanasie.

Un autre membre partage l'avis de l'intervenante précédente. Il signale par la même occasion que la logique de l'amendement nº 14 consiste à mentionner dans le 1º tout ce qui a trait au droit à l'information et, à partir du 3º, les consultations qui doivent accompagner ces informations. Le membre demande de respecter autant que possible cette structure.

Un membre signale que, selon l'amendement nº 145, le médecin doit informer le patient des possibilités de traitement de confort, de lutte contre la douleur, de soins pallaitifs et qu'il doit s'assurer du caractère constant de la douleur et de la détresse du patient. Selon ce même amendement, le médecin ne doit pas s'assurer que le patient bénéficie d'un accompagnement optimal.

Le membre estime toutefois que le médecin doit, dès le début de la douleur, accorder son aide au patient comme le lui prescrit également la déontologie médicale. Il ne faut pas attendre une demande d'euthanasie pour combattre la douleur. Le texte proposé parle seulement « d'informer ». Il ne va pas assez loin. Le membre compare cela à la lecture, à un affamé, d'un livre de cuisine, avec toutes les recettes et préparations imaginables. C'est un repas qu'il faut offrir dans ce cas. L'équipe médicale a donc également l'obligation de combattre la douleur dans ce cas.

Un autre membre marque son désaccord sur le raisonnement de l'oratrice précédente et signale que ce n'est pas parce qu'une disposition ne figure pas dans le texte qu'elle n'existe pas. En ce qui concerne l'amendement nº 76, l'intervenant fait remarquer que se pose le problème du patient qui ne veut plus et qui estime que cela suffit. Il faut encore réfléchir à ce sujet.

Un membre signale que personne ne doit subir un traitement contre sa volonté, sinon on se dirige vers l'acharnement thérapeutique. Cependant, l'accompagnement optimal du patient est très important. C'est pourquoi, ce membre est partisan d'une adaptation du texte.

Un des auteurs de l'amendement nº 76 répond que son amendement ne vise absolument pas à promouvoir ou à soutenir l'acharnement thérapeutique. En outre, elle a l'impression que l'on propose trop peu de soins palliatifs et se demande où des gens seraient encore soignés contre leur volonté.

Un orateur précédent répond que beaucoup de gens, du fait de leur éducation et de leurs convictions morales, n'osent pas demander publiquement l'euthanasie. En outre, certaines personnes sont soignées contre leur volonté parce que personne n'ose prendre la responsabilité de pratiquer sur eux une euthanasie.

Cependant, un certain nombre de médecins sont contre l'euthanasie parce qu'ils craignent que la loi impose des conditions trop contraignantes, rendant sa mise en oeuvre impossible.

Amendement nº 188

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 188) tendant à modifier comme suit la première phrase du § 3 de l'article 3 proposé :

A. Remplacer les mots « informer complètement le patient » par les mots « communiquer avec le patient et l'informer complètement ».

B. Après le mot « complètement », insérer les mots « et correctement ».

C. Après les mots « espérance de vie », insérer les mots « , dans des termes clairs et compréhensibles pour celui-ci ».

D. Compléter la disposition par les mots « à la demande du patient, cette information est confirmée par écrit ».

L'auteur principal se réfère à la justification écrite. En ce qui concerne le point D, l'orateur souligne que le médecin doit confirmer par écrit si le patient le demande.

Cette confirmation écrite offre au patient la possibilité de réfléchir et ­ s'il le souhaite ­ de consulter d'autres personnes. En outre, le patient a ainsi, a posteriori, la garantie supplémentaire qu'aucune information arbitraire n'aura été fournie.

Par ailleurs, le membre signale que toutes les données importantes sont confirmées par écrit dans notre société et il veut que ce soit le cas de cette confirmation.

Amendement nº 201

Mme van Kessel et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 201) tendant à remplacer les mots « tous les aspects de son état de santé » par les mots « tous les aspects pertinents nécessaires pour apprécier son état de santé, l'évolution de celui-ci et son espérance de vie ». L'amendement nº 201 s'inscrit dans le prolongement de l'amendement nº 188 et tient également compte de l'amendement nº 106 qui propose de supprimer les mots « complètement » et « tous les aspects ».

L'auteur principal de l'amendement nº 201 souligne qu'elle distingue trois aspects importants dans la diffusion d'informations au patient : une information correcte, une information pertinente sur son état de santé et, éventuellement, sur son espérance de vie et des informations écrite à la demande du patient. L'oratrice signale que le droit à une information est également clairement exprimé dans la note conceptuelle de la ministre de la Santé publique relative aux droits du patient. Le droit à une information complète est un des éléments essentiels des droits du patient et c'est pourquoi il est très important de veiller à ce qu'il soit correctement formulé dans la loi.

Un membre signale qu'une information correcte inclut également des informations pertinentes. Il propose de réfléchir plus avant à la terminologie appropriée.

Amendement nº 202

M. Vankrunkelsven dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 202) tendant à insérer, dans la disposition proposée, le mot « pertinents » entre les mots « tous les aspects » et les mots « de son état » et à supprimer le mot « complètement ».

Pour le commentaire de cet amendement, l'auteur se réfère à la justification écrite et aux remarques émises antérieurement par quelques membres des Commissions réunies.

Une membre souligne l'importance du mot « pertinentes » dans le texte proposé. Elle se réfère à l'amendement nº 201.

Un autre membre demande la signification du mot « pertinentes ».

Amendement nº 182

Mme Nyssens dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 182), subsidiaire à l'amendement nº 76, et qui tend à compléter la disposition proposée par un 1ºbis stipulant que le médecin doit, au préalable et dans tous les cas, procurer l'assistance morale et l'aide médicale curative et palliative nécessaire pour soulager les souffrances morales et physiques du patient et préserver sa dignité.

L'auteur de l'amendement nº 182 se réfère à la justification écrite.

Amendement nº 77

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/7, amendement nº 77) tendant à remplacer le 2º du § 3 proposé par une garantie absolue satisfaisant à toutes les conditions visées au § 1er.

Un des auteurs se réfère à la justification écrite de l'amendement.

Une membre estime qu'il a été signalé à juste titre que l'utilisation du mot « détresse » dans le texte comporte certains dangers. Elle signale cependant que le mot « détresse » est encore utilisé au § 1er et qu'il conviendrait donc d'adapter également ce paragraphe.

L'oratrice précédente se réfère à son amendement nº 176 remplaçant également le mot « détresse » dans le § 1er.

Amendement nº 134

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 134) visant à remplacer la première phrase du § 3, 2º, de l'article proposé, de manière à préciser la nature de la conviction que le médecin doit acquérir face à une demande d'euthanasie formulée par un patient.

Les auteurs de l'amendement nº 134 soulignent que celui-ci reprend également l'idée de l'amendement nº 115B.

Un membre propose d'attendre l'amendement annoncé de l'auteur de l'amendement nº 115B.

Un membre demande pourquoi, afin d'assurer une construction logique du texte, on n'a pas repris, dans les critères de prudence du § 3, les conditions de base du § 1er en indiquant clairement que le médecin doit s'assurer d'un certain nombre de faits qui dépassent les conditions de base.

Le membre pense qu'il est plus correct, du point de vue juridique, d'opter pour un tel renvoi.

Un autre membre répond que cette remarque peut également être reprise dans la version remaniée du texte qui est proposé.

Amendements nºs 204 et 214

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendements nºs 204 et 214) visant à remplacer, à l'article proposé, les notions de « souffrance ou de détresse » par celle de « souffrance physique ou psychique ».

L'auteur renvoie à l'amendement nº 213 qu'elle a déposé au § 1er de l'article.

Amendement nº 159B

Mme De Roeck et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 159B) visant à remplacer, dans la première phrase de l'article 3, § 3, 2º, les mots « zich vergewissen » par les mots « zich verzekeren van ».

L'auteur principal explique que cet amendement permettra de traduire de manière identique, dans l'ensemble du texte, le mot « s'assurer ».

Amendement nº 146

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 146) visant à supprimer, à l'article 3, § 3, 2º, les mots « ou de la détresse ».

L'auteur de l'amendement nº 146 renvoie aux arguments avancés lors de la justification de ses amendements précédents.

Un membre regrette que, lors des auditions, les représentants d'organisations pour la prévention du suicide n'aient pas été invités, étant donné que ce texte aura aussi des conséquences pour cette problématique.

Amendement nº 147

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 147) visant à insérer, à l'article 3, § 3, 2º, les mots « , ainsi que du caractère insupportable et impossible à traiter » entre le mot « persistance » et les mots « de la souffrance ».

L'auteur de l'amendement nº 147 estime que le simple maintien de la demande subjective d'euthanasie est insuffisant pour l'autoriser. C'est pourquoi le mot « insupportable » est absolument nécessaire, tout comme les mots « impossible à traiter ».

Une membre ajoute que l'expression « impossible à traiter » est introduite dans le contexte de la lutte contre la douleur et n'a aucunement rapport avec l'acharnement thérapeutique. Il est important que le médecin s'assure clairement de l'aspect impossible à traiter de cette douleur. En outre, l'oratrice renvoie à sa proposition de loi relative au traitement et à la maîtrise des douleurs aiguës et chroniques (doc. Sénat, nº 2-405/1) et à la proposition de loi de M. Mahoux visant à créer en milieu hospitalier un service spécialisé dans l'approche et la prise en charge de la douleur (doc. Sénat, nº 2-156/1). Elle explique que sa proposition de loi s'inspire de la constatation que les connaissances relatives à la lutte contre la douleur et aux possibilités de traitement de la douleur sont insuffisamment connues et diffusées.

Un autre membre se demande quels moyens devront être utilisés pour ce traitement de la douleur et jusqu'où on ira dans ce traitement. Il juge impossible qu'un tel traitement continue contre la volonté du patient.

L'oratrice précédente réplique que son intervention était inspirée par la préoccupation selon laquelle, lorsque le patient fait une telle demande, on ne peut néglier aucune possibilité pour apaiser la douleur dont il souffre.

Un membre remarque que le troisième alinéa de l'article 3, § 1er, prévoit déjà que le médecin doit constater que le patient se trouve dans une situation de « souffrance ou de détresse insupportable qui ne peut être apaisée » et que, selon l'article 3, § 3, 3º, « le médecin consulté doit s'assurer de la persistance de la souffrance ou de la détresse qui ne peut être apaisée ». L'orateur estime suffisantes les deux définitions et considère comme superflue une définition supplémentaire.

L'auteur de l'amendement nº 147 répond que les propositions de son groupe devraient en fait être lues dans leur ensemble, mais la méthode de travail utilisée ne permet pas une telle vue globale.

En outre, l'objectif de l'amendement nº 147 n'est absolument pas de calmer les personnes gravement malades avec des doses fréquentes de morphine. À ce sujet, il renvoie à l'amendement nº 145 qui prévoit que le médecin doit s'assurer que, selon les conceptions médicales prédominantes, il n'existe aucune autre possibilité de traiter la douleur du patient et de lui garantir sa dignité.

En outre, l'orateur estime que l'expression « apaiser la douleur » est très subjective et que l'amendement nº 145 répond à cette remarque.

Un membre réplique qu'il s'agit ici d'une demande du malade.

En ce qui concerne le terme « détresse », l'orateur signale que le malade est aussi confronté à la souffrance. En même temps, il sait qu'il va mourir bientôt. Cette souffrance ne peut jamais être écartée mais peut exercer une influence sur les circonstances dans lesquelles le patient va mourir.

Amendement nº 189

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 189) visant à remplacer, à l'article 3, § 3, 2º, la première phrase par ce qui suit : « s'assurer que les conditions visées au § 1er sont réunies ».

Les auteurs de l'amendement nº 189 renvoient à la discussion de l'amendement nº 147.

Amendement nº 145

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 145) visant à compléter l'article 3, § 3, 2º, par un 2ºbis, rédigé comme suit :

« 2º bis s'assurer que, selon les conceptions médicales dominantes, il n'existe aucun autre moyen de traiter la souffrance du patient et de lui garantir sa dignité. »

L'auteur de l'amendement nº 145 renvoie à la justification écrite de celui-ci.

Amendement nº 32

M. Galand dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 32) visant à ajouter, dans l'article 3, § 3, 3º, après les mots « ou de la détresse », les mots « de l'adéquation des soins et des traitements prodigués ».

L'auteur de l'amendement nº 32 renvoie à sa justification écrite. Il indique que cet ajout au texte proposé s'inspire de la réponse du docteur Englert durant les auditions et des déclarations du professeur Van Bel de l'Université de Gand. Ce dernier indiquait que tous les médecins ne sont pas au courant de tous les modes de traitement possibles et donnait sa préférence à une approche interdisciplinaire des différentes pathologies.

Un membre fait remarquer que, dans son exposé, le professeur Englert a utilisé le mot « pourrait ». L'orateur peut alors être d'accord avec la possibilité de ce second avis mais il précise en même temps qu'une telle obligation peut difficilement être intégrée dans le texte de la proposition. On ne peut en effet pas obliger un médecin à partager avec un autre praticien la responsabilité d'un patient.

L'auteur répond que son amendement nº 32 ne vise pas à partager la responsabilité concernant un patient déterminé. La justification de l'amendement ne peut donc pas être lue dans ce sens. En revanche, lorsque le second médecin connaît un traitement inconnu du premier, il est obligé de le signaler à son confrère.

Un membre signale que l'amendement nº 76 vise également une approche multidisciplinaire, mais on préfère y intégrer cette disposition dans un paragraphe séparé, de façon à éviter toute ambiguïté concernant la responsabilité envers le patient.

L'orateur précédent explique qu'il veut indiquer expressément dans le texte que le second médecin est tenu de donner son avis sur les soins et le traitement. C'est pourquoi cette disposition se trouve au bon endroit.

Une membre partage la préoccupation de l'orateur précédent. Si l'on se base sur certaines déclarations du professeur Van Bel dans la presse, selon lesquelles 40 % des cancéreux ne bénéficient pas du traitement le plus efficace, et si l'on tient compte du débat sur les droits du patient et notamment sur le droit à la « second opinion », cette disposition est extrêmement judicieuse. C'est pourquoi l'intervenante défend l'amendement nº 32.

Un autre membre soutient également l'amendement nº 32 et renvoie aussi aux déclarations de certains médecins.

Un des orateurs précédents se réfère au texte de l'amendement nº 14. Il fait remarquer que si, le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine le patient, doit s'assurer du caractère persistant et insupportable de la douleur ou de la détresse, et rédige un rapport à ce sujet, le médecin consulté donnera certainement son opinion sur le traitement préalable.

Un membre explique que chaque patient a droit à une « second opinion ». En outre, selon l'interprétation de l'amendement nº 32 faite par ce membre, une procédure pour la consultation d'un second médecin est clairement définie.

Une oratrice précédente ne conteste pas le fait que chaque patient peut demander une « second opinion ». Elle est aussi favorable à une mention explicite dans le texte expliquant que chaque médecin consulté s'exprime « sur la qualité des soins et le traitement qui sont administrés ».

Amendements nºs 143 et 190

M. Vandenberghe et consorts déposent deux amendements (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 143 et doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 190). L'amendement nº 190, qui est un sous-amendement à l'amendement nº 143, vise à modifier le premier alinéa de l'article 3, § 3, 3º, de façon à ce que tous les aspects de la « second opinion » soient clairement décrits.

L'auteur principal de l'amendement nº 190 explique que sa critique envers le § 3 proposé par l'amendement nº 14 se base entre autres sur le fait qu'aucun second avis ne permet de vérifier si les conditions de base prévues à l'article 3, § 1er sont respectées. Une seconde opinion devrait être clairement émise sur ce sujet également.

En outre, l'orateur estime qu'il est important que ces constatations soient consignées par écrit car, de cette manière, la sensation de fraude, actuellement très grande, induite par ce texte, peut s'amoindrir.

Un membre fait remarquer qu'un rapport est toujours écrit et que les rapports écrits sont repris dans le dossier médical. Le médecin traitant met en outre le patient au courant de cette consultation. C'est pourquoi le membre pense que la critique exprimée dans l'amendement nº 190 est déjà rencontrée dans le texte.

On doit encore réfléchir à la question de savoir si la communication entre le médecin traitant et le patient, relative à cette consultation, doit se dérouler par écrit.

Un autre membre abonde dans le sens de l'orateur précédent. Il renvoie également aux données relatives au patient et qui sont reprises dans son dossier médical, dont le médecin consulté prend connaissance. De plus, le médecin consulté examinera le patient encore une fois. Il pourra donc lui aussi s'assurer que les conditions du § 1er sont respectées.

Une autre membre souligne que, nulle part, on n'indique explicitement que le médecin consulté doit s'assurer du respect des conditions du premier paragraphe. En écoutant la discussion qui vient d'avoir lieu, elle comprend que la consultation du dossier médical par le second médecin implique aussi que ce dernier doit vérifier si les conditions de base prévues par le premier paragraphe ont été respectées.

En outre, elle explique que par le terme « rapport », on entend toujours un rapport écrit et que, lorsque le texte stipule que « le médecin traitant informe le patient », il s'agit en fait d'une obligation pour le médecin traitant.

Un sénateur affirme que le texte proposé précise clairement que le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, mais que la disposition selon laquelle le médecin consulté rédige un rapport écrit n'apparaît cependant nulle part dans l'amendement nº 14.

En revanche, dans l'amendement nº 3 C (doc. Sénat, nº 2-244/2), il est clairement établi que le rapport destiné à la commission d'évaluation doit contenir le rapport écrit du médecin consulté.

Un membre pense également que compulser le dossier médical doit suffire au médecin consulté pour se faire une idée correcte de l'ensemble de la situation.

En ce qui concerne la seconde remarque de l'orateur précédent, le membre renvoie au § 5 de l'article 3 proposé par l'amendement nº 14. Ce paragraphe stipule en effet que le ou les rapports du ou des médecins consultés sont régulièrement versés au dossier médical du patient.

L'un des auteurs de l'amendement nº 190 fait remarquer que le second médecin ne doit pas du tout donner d'avis sur la qualité de la demande d'euthanasie. Un dossier médical dans lequel est reprise la demande écrite ne peut en effet se prononcer à ce sujet.

L'amendement nº 190 a donc pour objectif d'assurer que le second médecin s'exprime sur toutes les conditions de base, y compris la qualité de la demande, et pas seulement sur le caractère incurable.

Un des orateurs précédents estime que le rôle du second médecin est purement médical. Il doit considérer les facteurs médicaux et ne peut faire du travail de recherche ni sur le travail moral du médecin traitant ou du patient, ni sur l'aspect juridique. À la suite de son examen médical, il formulera des propositions qui éventuellement peuvent être consignées par écrit. Ceci doit encore être examiné.

L'un des auteurs de l'amendement nº 190 conclut que le deuxième médecin ne juge donc pas de la qualité de la demande, et notamment de son caractère persistant.

Le précédent orateur répond que telle n'est pas sa mission.

La précédente intervenante constate qu'il ne s'agit donc pas d'un second avis complet.

Le précédent orateur réplique que le deuxième médecin n'intervient pas comme un tribunal avant la lettre. Il a une mission médicale dans le cadre de laquelle il peut proposer des traitements possibles. Le patient en est informé et prend sa décision.

Un membre déclare que l'on ne peut instrumentaliser le deuxième médecin. Comme tout praticien, il essaiera d'avoir une vue globale et la plus complète possible de la situation.

Il n'aura pas un rôle de juge ou de moraliste, ni celui d'un médecin-conseil qui veut opérer un contrôle, mais il gardera le rôle d'approche globale de tout médecin, dans la confraternité avec le premier, et permettra éventuellement de prendre un peu de recul par rapport à une situation difficile.

On demande que ce médecin soit indépendant, car c'est un peu la logique du tiers qui est suivie ici.

Un autre membre attire l'attention sur le texte hollandais, qui va dans le sens de l'amendement en discussion.

En effet, la loi hollandaise prévoit que le rôle du deuxième médecin est de contrôler l'application des critères de prudence prévus par la loi.

L'auteur principal de l'amendement nº 190 maintient son point de vue. Les termes du texte sont clairs « consulter un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l'affection (...). Le médecin consulté (...) examine le patient et s'assure du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance ou de la détresse ».

L'avis du second médecin se limite strictement à ces éléments, qui ne coïncident pas avec le contenu du § 1er.

Le fait qu'il doive prendre connaissance du dossier médical ne change rien à l'affaire, puisque sa consultation est évidemment indispensable pour vérifier les éléments énumérés par le § 3, 3º.

L'intervenant et son groupe estiment que le second avis doit porter sur toutes les conditions énumérées au § 1er.

Quant à l'argument selon lequel certaines des conditions ne sont pas de nature médicale, pourquoi alors laisser le premier médecin porter une appréciation à leur sujet ?

De plus, si l'on considère le § 4, 1º, on constate que la consultation du deuxième médecin est décrite selon une autre formule encore. Dans ce paragraphe, il est prévu que le deuxième médecin doit se prononcer sur le caractère exprès, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchi, répété et persistant de la demande. Or, là aussi, il doit prendre connaissance du dossier médical.

La consultation de ce dossier ne constitue donc pas une réponse à l'objection formulée par l'intervenant à propos du § 3, 3º.

Un précédent orateur répète que, selon cette dernière disposition, la mission du deuxième médecin se limite aux aspects médicaux, à l'exclusion des aspects juridiques et/ou moraux.

La question devra être examinée de savoir s'il doit ou non en être de même pour les patients non terminaux.

Un autre membre constate que selon certains, la consultation du dossier prévue dans le cadre du § 3, 3º, signifie que le deuxième médecin doit se prononcer sur la qualité de la demande, alors que, selon d'autres, il ne doit pas le faire, contrairement à ce qui est prévu au § 4 pour les patients non terminaux.

Ce point devrait être éclairci.

Un sénateur estime que la question de fond est de savoir si la tâche du deuxième médecin doit être différente, selon que le patient est en phase terminale ou non.

L'intervenant n'est pas sûr que l'intention des auteurs du texte ait été de prévoir une telle distinction.

Il pense personnellement que l'on pourrait utilement chercher une formulation uniforme pour le § 3, 3º, et le § 4, 1º, en renvoyant, par exemple, au 3e tiret du § 1er.

Un membre observe que, selon le § 3, 3º, alinéa 1er, le deuxième médecin rédige un rapport concernant ses constations. Il s'agit évidemment des constatations qui découlent à la fois de la consultation du dossier et de l'examen du patient. Ce médecin sait qu'il s'agit d'une demande d'euthanasie, et est censé savoir quelles sont les conditions fixées par la loi à ce sujet. S'il a le moindre doute quant au respect des conditions prévues au § 1er, il devra l'indiquer dans son rapport, pour des raisons de simple déontologie.

Un autre membre rappelle qu'au départ, un parfait parallélisme avait été envisagé entre les vérifications à faire par le médecin dans les différentes hypothèses.

Cependant, après réflexion, cela a été modifié. En effet, le médecin traitant construit, au fil du temps, une relation de confiance avec son patient.

Il constate l'évolution de la maladie et la dégradation progressive de l'état du malade jusqu'à ce que la demande d'euthanasie soit finalement formulée. Tout cela est inscrit au fur et à mesure dans le dossier médical.

Le deuxième médecin ne doit pas parcourir une nouvelle fois toutes ces étapes, car il voit dans le dossier tout ce qui s'est passé et tout ce qui a été entrepris.

Si les vérifications qu'il doit faire sont plus nombreuses pour le patient non terminal, c'est parce que dans ce cas, on a voulu prévoir des critères de minutie supplémentaires.

Un membre fait observer qu'il n'y a pas de règles en ce qui concerne le contenu du dossier médical.

Amendement nº 205

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 190 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 205), tendant à insérer, à l'article 3, § 3, alinéa 1er, 3º, le mot « écrit » entre les mots « rédige un rapport » et le mot « présentant ».

Amendement nº 135

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 135), dont le point A vise à remplacer les deux dernières phrases de l'alinéa 1er du § 3, 3º, de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical, examine et s'entretient avec le patient afin de s'assurer du caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance. Il s'assure en outre de l'adéquation des soins et des traitements prodigués. Sur cette base, il rédige un rapport dans lequel il fait part de ses constatations et de ses conclusions quant à la situation du patient. »

Le point B de l'amendement tend, dans la dernière phrase de l'alinéa 2, à remplacer les mots « informe le patient concernant les » par les mots « s'entretient avec le patient des ».

L'un des auteurs précise que le second médecin appelé en consultation suite à une demande d'euthanasie doit lui aussi pouvoir entamer avec le patient un véritable dialogue sous peine de voir son rôle réduit à une simple formalité. Il ne doit pas se limiter à des constatations, mais doit donner un véritable avis sur la situation globale du patient, et pas seulement quant à la pathologie dont il souffre.

C'est pourquoi l'amendement ajoute, d'une part, que le médecin « s'entretient » avec le patient et, d'autre part, qu'il fait part de ses conclusions sur la situation du patient.

L'amendement reprend également à un autre amendement de M. Galand, la formule selon laquelle le médecin « s'assure en outre, de l'adéquation des soins et des traitements prodigués ».

Un membre souligne qu'un examen médical suppose, selon la propédeutique habituelle, anamnèse, auscultation, percussion et palpation.

Le premier élément, l'anamnèse, suppose un entretien avec le malade.

L'un des auteurs de l'amendement en discussion estime néanmoins préférable d'insérer dans le texte une disposition plus explicite à cet égard.

Un autre membre encore constate que l'amendement proposé se limite aux aspects médicaux de l'examen, et au rapport écrit de la consultation, à l'exclusion de la qualité de la requête.

En ce qui concerne le point A de l'amendement, l'un des auteurs de celui-ci s'accorde avec l'idée que, selon la propédeutique médicale, l'examen inclut l'anamnèse, l'examen clinique au lit du patient, et la discussion qui s'ensuit.

Par contre, au point B, il importe de parler d'un entretien pour éliminer du texte, comme on l'a fait en remplaçant « constate » par « s'assure », ce qui relève de la logique du constat. On ne se situe pas dans un système bureaucratique, mais dans un processus de dialogue.

Un précédent orateur dit ne pas avoir d'objection quant au point B de l'amendement.

Amendement nº 78

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 78), tendant à remplacer, au § 3 de l'article 3 proposé, le 3º, alinéa premier, par ce qui suit :

« 3º consulter au moins un autre médecin spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient, en précisant les raisons de la consultation.

Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical et examine le patient. Il s'assure de l'existence de l'ensemble des conditions visées au § 1er et rédige un rapport concernant ses constatations. »

L'un des auteurs précise que cet amendement est comparable à d'autres amendements déjà discutés.

Il vise à élargir la mission du deuxième médecin à l'ensemble des conditions énumérées au § 1er.

L'intervenante conclut de tout ce qui a été dit que les auteurs de la proposition de loi souhaitent limiter le contrôle de ce deuxième médecin, dans le cadre du § 3, parce qu'il pourrait y avoir un rapport difficile entre le premier et le deuxième médecin, et qu'ils veulent préserver la demande du patient et la position du premier médecin.

L'intervenante peut admettre que la communication entre les deux médecins sur un tel sujet sera sensible, et que des conflits pourraient éventuellement surgir. Elle aurait cependant, pour sa part, souhaité une formule plus large, comme celle de l'amendement.

Elle ajoute que la consultation d'un confrère est une notion bien connue dans le Code de déontologie, qui prévoit, en son chapitre sur la « vie finissante », à l'article 97, que, lorsqu'un médecin souhaite arrêter un traitement, il prend conseil auprès d'un confrère au moins.

L'intervenante ne sait pas au juste ce que recouvre, dans la pratique, ce texte assez laconique, mais en tout cas, l'idée n'est pas neuve.

Il ne faudrait pas être en-deça de la pratique actuelle déjà visée dans le Code de déontologie.

Un membre répète que l'on ne se situe pas ici dans une logique d'inspection.

À l'heure actuelle déjà, le code INAMI prévoit qu'un médecin à domicile peut faire appel à un deuxième médecin, et cela est remboursé.

Le médecin généraliste qui sollicite la visite à domicile d'un médecin spécialiste rentre dans cette catégorie.

L'intervenant estime que cette pratique doit être encouragée, compte tenu de la complexité croissante de la médecine, car elle permet au médecin d'avoir un recul par rapport aux situations rencontrées.

Une autre membre fait observer que le second médecin doit examiner le patient car il ne saurait être question d'une simple consultation téléphonique.

Cependant, on veut apparemment éviter qu'il puisse à nouveau confronter le patient à sa demande d'euthanasie et s'en entretenir avec lui, alors que c'est pourtant cette demande qui est à l'origine de la consultation d'un second médecin, et que l'on exige par ailleurs une demande répétée et persistante.

L'intervenante trouve cela très grave, et pense que cela découle de l'idéologie défendue par les auteurs de la proposition.

Un membre répond que cela n'est pas dû à des motifs idéologiques, mais qu'il s'agit d'une question de responsabilité dans le chef du médecin.

Celui-ci peut assumer la responsabilité médicale, mais non la responsabilité morale ni juridique de l'acte.

Un membre ajoute qu'il faut tenir compte du texte, tel qu'il est rédigé. Un médecin est responsable de l'euthanasie : c'est celui auquel elle est demandée.

Il est contraint de consulter un autre médecin, en précisant les raisons de la consultation. Le second médecin sait donc que celle-ci se situe dans le cadre d'une demande d'euthanasie. Il rédige un rapport concernant ses constations, sans qu'aucune limitation ne soit mise à cet égard.

Il est évident que si, au terme de l'examen du patient, il a des doutes, il a l'obligation déontologique de les consigner dans son rapport.

Mais on ne peut l'obliger à assumer une responsabilité dans l'acte d'euthanasie, à l'exécution duquel il ne participera pas. Le médecin qui posera l'acte aura connaissance des réserves formulées par le deuxième médecin consulté, les appréciera, et s'il choisit de donner suite à la demande d'euthanasie, en répondra, le cas échéant.

Amendement nº 144

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 144), tendant à supprimer, au § 3, alinéa 1er, 3º, de l'article 3 proposé, les mots « ou de la détresse ».

Cet amendement est subsidiaire à l'amendement nº 143 du même auteur.

Amendement nº 195

M. Vandenberghe et Mme van Kessel déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 195), tendant à remplacer, au § 3, alinéa 1er, 3º, de l'article 3 proposé, la dernière phrase par ce qui suit :

« Le médecin traitant est tenu d'informer le patient des résultats de cette consultation et d'avoir avec lui un entretien à ce sujet. »

Amendement nº 206

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 206), tendant à remplacer, au § 3, alinéa 1er, 3º, de l'article 3 proposé, les mots « ou de la détresse » par les mots « physique ou psychique », pour assurer la concordance avec un autre amendement précédemment discuté.

Un membre demande si l'auteur de l'amendement envisage la possibilité d'une euthanasie justifiée exclusivement par des souffrances psychologiques.

L'auteur de l'amendement répond par l'affirmative.

Amendement nº 33

M. Galand dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 33), tendant à insérer, au § 3 de l'article 3 proposé, un 3º bis libellé comme suit :

« 3ºbis. si aucun de ces deux médecins n'a de compétence spécifique en soins palliatifs, consulter également un spécialiste de ces soins; ».

L'auteur précise qu'il s'agit de répondre au droit à l'information du patient, en l'occurrence à propos des soins palliatifs. Or, l'expérience montre que la compétence en la matière est loin d'être généralisée parmi les médecins.

On peut donc concevoir qu'aucun des deux médecins n'ait cette compétence.

On sait par ailleurs que les soins palliatifs peuvent, de façon significative, répondre à certaines situations dramatiques, et réduire le nombre et la persistance des demandes d'euthanasie.

Le législateur doit dès lors s'assurer que l'information prévue au § 1er de l'article 3 puisse être donnée de façon pertinente.

Un membre rappelle qu'il a été souligné qu'il n'existait pratiquement aucune formation ni aucun diplôme ou certificat en soins palliatifs. Comment, dès lors, déterminer qu'une personne est ou non compétente en la matière ?

Un autre membre comprend le souci de l'auteur du sous-amendement, mais souligne qu'il faut comprendre les termes « compétent quant à la pathologie concernée » de façon non restrictive. Le patient doit, à cet égard, être considéré, non organe par organe, mais de façon globale, en ce compris la douleur éventuelle dont il souffre.

L'auteur de l'amendement nº 33 répond, à propos de la détermination de la compétence spécifique en matière de soins palliatifs, qu'il faut laisser au pouvoir exécutif le soin de préciser un certain nombre de choses.

Quant à la formation en matière de soins palliatifs, elle est en pleine évolution. Elle sera sans doute rendue obligatoire à l'avenir, mais ce n'est pas encore le cas.

Ce sous-amendement répond aussi à la préoccupation de ceux qui proposaient que ce soit l'équipe de deuxième ligne qui soit obligatoirement consultée.

L'intervenant trouve cette solution moins souple que celle contenue dans le sous-amendement.

Il ne peut en outre se rallier à l'interprétation donnée par le précédent intervenant aux termes « compétent quant à la pathologie concernée ». En effet, s'il s'agit d'un symptôme de douleur, le médecin compétent sera un spécialiste de la douleur ou un anesthésiologiste. Les soins palliatifs constituent une autre approche, beaucoup plus globale, et l'on ne peut pas dire qu'il y ait une pathologie déterminée qui relève de la médecine palliative.

Un membre se rallie au point de vue du précédent intervenant. Des membres de son groupe ont, de leur côté, déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 191), proposant de requérir l'avis d'un spécialiste en soins palliatifs, compte tenu de l'influence de ces soins sur le nombre et la persistance des demandes d'euthanasie.

Divers experts entendus, et notamment les représentants de la Federatie palliatieve zorg Vlaanderen, ont du reste insisté pour qu'un tel avis soit recueilli.

Un autre membre déclare que, si l'auteur du sous-amendement nº 33 estime apporter par celui-ci plus de souplesse au système, il estime personnellement qu'il entraîne au contraire une plus grande rigidité.

En effet, selon les patients, les circonstances, la nature de la pathologie, l'expertise requise, la détresse psychologique, l'intensité de la douleur, etc., l'intervention d'autres personnes que des spécialistes en soins palliatifs sera nécessaire. Il faut donc veiller à une certaine souplesse dans le choix du deuxième médecin.

L'auteur de l'amendement en discussion rappelle que le médecin qui pratique l'euthanasie n'est pas nécessairement le médecin traitant, qui suit le patient depuis longtemps.

On peut se trouver dans une situation où le médecin traitant a une objection de conscience, et a fait appel ou a permis au patient de faire appel à un confrère qui n'a pas une telle objection.

Ce dernier peut être amené à prendre connaissance du dossier dans un délai très court, s'il s'agit d'une situation extrême.

Le législateur doit aussi prendre en considération ce cas de figure.

Un membre renvoie au texte de l'amendement nº 14, qui prévoit que le médecin doit informer le patient, notamment, des possibilités de prise en charge palliative existantes. Il lui appartient de déterminer la manière dont il satisfait à cette obligation.

D'autre part, on peut supposer que, s'agissant de médecins habitués à traiter des maladies incurables, ils seront également familiarisés avec le traitement de la douleur et les soins palliatifs.

Enfin, l'intervenant craint que l'obligation de consulter un spécialiste de la douleur et/ou des soins palliatifs n'entraîne éventuellement dans le chef de ce dernier une confusion d'intérêts qui n'est pas souhaitable.

L'auteur de l'amendement nº 33 répond que la consultation proposée d'un spécialiste en soins palliatifs est une démarche différente de la consultation d'un deuxième médecin, et que l'on ne demande pas que le spécialiste consulté consigne ses constatations au dossier.

La seule chose qui doit être mentionnée au dossier est que la consultation de ce spécialiste a bien eu lieu, si aucun des deux médecins n'a de compétence particulière en la matière.

Un précédent orateur estime que le fait que le médecin qui va pratiquer l'euthanasie n'est pas nécessairement le médecin traitant est une raison de plus pour ne pas l'enfermer dans un carcan, en ce qui concerne la qualification du deuxième médecin à consulter.

Un membre s'étonne de ce que la consultation d'un spécialiste en soins palliatifs, qui est proposée comme une garantie supplémentaire pour le patient, soit présentée par certains comme un risque ou comme l'occasion d'une confusion d'intérêts.

Amendement nº 142

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 142), tendant à compléter le § 3 de l'article 3 proposé par un 3º bis (nouveau), rédigé comme suit :

« § 3bis. demander l'avis d'un spécialiste en soins palliatifs concernant le respect des conditions visées au § 1er. Le médecin traitant fait part de cet avis au patient. »

L'auteur précise que ce sous-amendement doit être lu conjointement avec les sous-amendements nºs 191 et 207.

Il ajoute que, pour son groupe, le fait de mettre fin à la vie d'un patient ne peut en aucun cas être considéré comme un acte médical ordinaire. Cela doit résulter clairement des conditions posées. Il ne s'agit pas ici d'une logique bureaucratique.

De plus, l'euthanasie n'est pas, aux yeux de l'auteur des sous-amendements et des membres de son groupe, un problème purement privé entre le patient qui la demande, et le médecin qui répond à cette demande.

Il faut prendre en compte les conséquences sociales d'un tel acte, la possibilité pour la société d'exercer un contrôle, et l'unité de respect de la règle.

De ce point de vue, l'intervenant considère que la proposition de loi est défaillante.

Il estime que les textes proposés font un usage abusif du terme « précaution ».

Comment peut-on prétendre raisonnablement que le patient est correctement informé sur les possibilités de soins palliatifs, si celui qui demande l'avis d'un confrère peut juger arbitrairement qu'un médecin non spécialisé en la matière est plus compétent qu'un spécialiste pour donner un tel avis ?

Amendement nº 191

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 142 de M. Vandenberghe un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 191), en vue de remplacer le § 3, alinéa 1er, 3ºbis proposé, par ce qui suit :

« 3ºbis demander l'avis d'un spécialiste en soins palliatifs concernant, d'une part, le respect des conditions visées au § 1er et, d'autre part, les possibilités de soins palliatifs, et l'informer des raisons de cette consultation. Le spécialiste en soins palliatifs examine le patient. Le médecin traitant fait part de cet avis au patient. »

Amendement nº 207

M. Vandenberghe dépose à son sous-amendement nº 191 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 207), en vue d'insérer au § 3, alinéa 1er, 3ºbis proposé, entre les mots « demander l'avis » et les mots « d'un spécialiste », le mot « écrit ».

Amendement nº 54

Mme Lindekens et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 54) visant à supprimer les mots « les membres de » à l'article 3, § 3, 4º. L'auteur principal renvoie à sa justification écrite. Elle ajoute qu'elle veut supprimer cette précision afin d'éviter des fautes potentielles.

Amendement nº 60

M. Remans dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 60). L'auteur explique qu'il existe d'autres raisons pour lesquelles un membre de l'équipe soignante ne peut participer à la discussion. C'est pourquoi il propose que le médecin prenne lui-même la responsabilité et détermine qui fait partie de son équipe. En ce sens, l'orateur propose de remplacer, à l'article 3, § 3, 4º, les mots « les membres de celle-ci » par les mots « l'équipe ou des membres de celle-ci ».

Un membre se rallie à l'amendement nº 60. Il ne juge pas opportun que le législateur établisse la composition d'une équipe médicale.

Une autre membre comprend qu'il n'est ni pratique ni nécessaire d'impliquer dans cette décision des infirmiers qui n'ont eu que des contacts sporadiques avec le patient. Cependant, elle estime nécessaire de discuter de ce problème avec l'équipe soignante. Elle propose donc que le texte proposé dispose que cette équipe doit entretenir des contacts réguliers avec le patient et que les infirmiers qui n'ont que des contacts sporadiques ne peuvent participer à la discussion.

L'auteur de l'amendement nº 60 répond qu'il partage la préoccupation de l'oratrice précédente. C'est justement pour cela que sa proposition contient la phrase « l'équipe ou les membres de celle-ci ». On évite ainsi que chacun doive participer mais il est toujours possible de travailler en équipe.

Amendement nº 79

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 79) visant à remplacer le 4º du § 3, par ce qui suit :

« 4º recueillir l'avis de l'équipe soignante et de l'équipe palliative, ainsi que de tout tiers ou toute cellule d'aide à la décision susceptible d'être utilement consultée, sur l'ensemble des conditions visées au § 1er; ».

Selon un des auteurs de l'amendement nº 79, ce dernier reflète sa philosophie de base selon laquelle le médecin doit, en raison de l'importance du traitement, consulter différentes personnes, des tiers. Pour le reste, elle renvoie à la justification écrite.

Un membre affirme que l'objectif de l'amendement nº 60 est d'encourager la concertation entre les différents membres de l'équipe soignante et d'imposer certaines conditions lorsque le malade le réclame lui-même. Par contre, le but n'est pas d'introduire des exigences complémentaires si le patient ne le souhaite pas. Le texte de l'amendement nº 79 impose par contre cette condition.

Amendements nºs 141 et 184

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 141) visant à compléter l'article 3, § 3, 4º, de façon à ce qu'un avis non facultatif soit demandé aux membres de l'équipe soignante et que le médecin traitant informe le patient de cet avis.

L'auteur de l'amendement indique que les mots « discuter » et « se concerter » ne désignent aucune notion normative. Ils sont parfaitement facultatifs et ne sont pas porteurs de sens. Étant donné la nature particulière du traitement, l'orateur propose le texte de son amendement.

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent également à l'amendement nº 141 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 184) visant à préciser clairement dans le texte proposé que l'avis demandé doit être rendu en fonction des exigences du § 1er.

Un membre souligne que l'expression « discussion avec l'équipe soignante » est plus large que la transmission d'informations, qui indique une simple communication, à sens unique.

Un autre membre pense également qu'il existe une gradation de la terminologie. S'il est important, pour l'évolution de la discussion, de nuancer cette terminologie, il est important de le faire tout de suite.

Il affirme alors qu'une « discussion » durant seulement 15 secondes peut aussi être définie comme une discussion. Elle n'implique cependant pas qu'une concertation entre les deux parties a réellement eu lieu. C'est pourquoi l'orateur soutient l'amendement nº 141 qui stipule que le médecin traitant informe le patient de cet avis.

Un autre membre encore est partisan d'une concertation. Il propose de renforcer le terme « discuter », en le transformant en « délibérer ». L'orateur prévoit cependant des problèmes pratiques si chaque membre de l'équipe doit formuler son avis au sujet du patient qui peut ainsi recevoir un avis partagé.

Amendement nº 120

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 120) visant à remplacer l'article 3, § 3, 4º, de manière à ce que le médecin discute préalablement, et en tout cas avec l'autorisation du patient, de la demande de celui-ci, avec les proches.

L'auteur de l'amendement souhaite ainsi déterminer que le médecin doit toujours discuter a priori de la demande du patient avec les proches de celui-ci, sauf lorsque ce patient s'y oppose. Cet amendement s'inspire de la préoccupation que les médecins doivent rechercher un consensus aussi large que possible pour une décision aussi difficile que celle qui concerne la fin de vie du patient, étant donné que, comme l'ont montré les auditions, elle marque très fortement la famille.

Un membre réplique que l'ensemble des possibilités est déjà contenu dans la formulation actuelle du 5º du § 3. Il va en effet de soi que le patient est libre de discuter avec ses proches. En outre, pour l'instant, on oblige déjà le médecin, lorsque le patient le souhaite, à discuter de sa demande avec les proches qu'il désigne. Enfin, s'il le juge nécessaire, le médecin pourra avoir les entretiens nécessaires avec le patient lui-même et, même si celui-ci ne le demande pas mais si le médecin le juge nécessaire, ce dernier est libre de discuter avec les proches. On ne peut priver le médecin de ce droit eu égard au respect de la liberté du médecin confronté à une telle demande.

En l'absence de la précision qui précède, une autre membre pensait que le médecin ne discutait avec la famille qu'à la demande du patient. Il est désormais clair pour l'intervenante que le médecin peut discuter avec la famille de sa propre initiative, sans requête expresse du patient.

Elle pense que cette donnée est très importante, puisque cette concertation stimule l'implication de la famille, implication dont on ne souligne jamais assez l'importance.

En outre, la membre pense que, si la famille demande un entretien au médecin et si le patient ne s'y oppose pas, le médecin devrait le lui accorder. Elle pense cependant qu'elle n'a pas encore lu cette disposition dans le texte proposé.

L'orateur précédent répond que le patient constitue la première préoccupation du médecin traitant. C'est pourquoi il n'est pas bon d'obliger le médecin traitant à informer la famille si elle le souhaite.

En revanche, l'objectif est bien de faire en sorte que cette discussion entre le médecin et la famille ait lieu si le patient la souhaite.

Un membre fait remarquer que le texte de loi est beaucoup plus important que le rapport de la discussion, étant donné que la loi constituera la référence finale.

En outre, il est très important de définir, à l'article 3, § 3, 5º, qui sont les proches, de façon à ce que soient clairement déterminées les personnes qui peuvent ou qui devraient participer à la discussion portant sur la demande du patient.

Le texte actuel prévoit à ce sujet que le patient peut choisir les membres de sa famille qui peuvent participer à la discussion. Mais peut-être est-il indiqué de préciser que le patient peut décider que certains membres de sa famille ne participeraient pas à la discussion portant sur sa demande. Le principe reste cependant que le médecin se concerte de toute façon avec les proches afin de renforcer et de compléter ses informations.

C'est pourquoi l'orateur suggère de modifier le 5º proposé et de déterminer que le patient peut désigner les proches avec lesquels le médecin ne peut pas se concerter.

L'orateur précédent réplique que le médecin peut fixer les conditions de son intervention.

En ce qui concerne l'intervention de la famille, l'orateur s'en tient à son argumentation.

L'auteur de l'amendement nº 120 insiste sur le fait que cet amendement enrayera les abus actuels qui voient les médecins prendre une décision concernant la fin de vie d'un patient sans consulter la famille.

L'intervenante illustre par deux exemples le fait que les proches connaissent souvent une période de deuil très difficile à cause de cette décision. Elle plaide donc pour la modification qu'elle propose.

Un membre signale qu'un deuil se déroule moins péniblement si la mort était la volonté du patient et si la famille en est consciente.

En outre, il est déjà prévu que le médecin se concerte avec la famille. Il y a en effet davantage de choses prévues et de possibilités que d'obligations. C'est pourquoi l'orateur soutient l'amendement.

Un autre membre est cependant partisan du libellé original du 5º. Il juge important que le médecin exauce le voeu du patient qui souhaite un entretien.

Un membre pense que l'amendement proposé vise à conduire le médecin dans une logique ou un automatisme qui consiste à discuter chaque fois de la demande avec la famille, avec l'autorisation du patient.

Cet automatisme peut éviter que, lorsque la famille constate que cette concertation n'a pas eu lieu, le médecin puisse se retrancher derrière l'absence de demande explicite du patient. C'est pourquoi l'orateur soutient l'amendement.

L'orateur précédent pense que l'on ne peut partir de l'a priori que la famille a le droit d'être informée de l'intention ou de la demande du patient. Il ne soutient donc pas l'amendement.

Une intervenante apprécie l'amendement nº 120 qui renverse la réglementation actuelle et implique davantage la famille. C'est pourquoi elle soutient l'amendement.

Il importe aussi que le médecin veille à ce que le patient ne cède pas à une certaine pression familiale le poussant à formuler sa demande. De ce point de vue aussi un contact entre le médecin et la famille est donc important.

Un autre membre comprend l'argumentation de l'auteur de l'amendement nº 120 et la soutient. L'oratrice déplore le désaccord existant au sein de la majorité.

Un sénateur indique qu'il n'est pas acceptable que le médecin discute avec la famille sans le consentement du patient. Il s'agit en effet d'une violation du secret professionnel. Telle ne peut être l'intention.

Amendement nº 80

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 80) visant à insérer, au 6º du § 3, les mots « ou susceptibles de l'aider » après le mot « rencontrer ».

Un des auteurs de l'amendement nº 80 déclare que le médecin est obligé de proposer au patient l'aide d'un tiers s'il pense honnêtement que ce tiers peut fournir au patient une assistance, par exemple psychologique.

Amendement nº 139

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 139) visant à compléter le § 3 proposé par un 7º (nouveau), rédigé comme suit :

« 7º procéder à une évaluation de la situation du patient conjointement avec un responsable désigné par le comité d'éthique de l'établissement de soins ou avec un tiers non-médecin désigné d'un commun accord avec le patient et figurant sur une liste pluraliste et multidisciplinaire établie par le conseil provincial de l'Ordre des médecins, dans le cas où le patient bénéficie d'un traitement à domicile. »

L'auteur de l'amendement nº 139 explique que ce texte renvoie à l'avis du Comité consultatif de bio-éthique, selon lequel « une concertation de l'équipe médicale s'impose dans toutes les procédures. Le médecin traitant du malade peut éventuellement y être associé ... Dans l'élaboration des procédures, on examinera si, hormis la concertation précitée, d'autres formes de concertation sont nécessaires. » (traduction)

Dans la procédure d'euthanasie, la « concertation complémentaire » est définie comme suit : un jugement éthique du médecin responsable avec soit un second collègue médecin ­ à ce sujet, des amendements ont déjà été déposés par le membre ­, soit une tierce personne, quelqu'un qui n'est pas médecin et qui est désigné par le comité local de bio-éthique.

L'amendement nº 139 s'inspire du fait que l'euthanasie ne concerne pas un traitement purement médical. C'est prouvé par le contrôle externe de la concertation. Si on maintient toute la procédure à l'intérieur du secteur médical, on considère l'euthanasie comme un traitement médical et on sous-estime totalement la portée sociale de l'acte consistant à donner activement la mort à une personne. L'orateur renvoie aux auditions relatives à ce sujet (entre autres du professeur Englert, de Mme Pesleux, de Mme Vandeville, du docteur Bouckenaere, du docteur Philippart et du professeur Schotsmans), lors desquelles on a indiqué l'importance du contrôle externe de la concertation. Les médecins sont en effet souvent trop impliqués dans la situation de leurs patients et il leur est dès lors difficile de prendre du recul.

Le texte proposé considère clairement l'euthanasie comme une situation de demande-réponse au sein de la sphère médicale. C'est bien entendu un choix mais on doit s'assurer que la signification de la mort d'une personne ne s'en trouve pas banalisée. Une perspective plus large, un certain éclairage éthique, s'expriment dans le présent amendement. La loi néerlandaise stipule par exemple qu'a posteriori, un certain nombre de personnes qualitate qua doivent certainement siéger dans la commission de contrôle.

Un membre confirme qu'il s'agit d'un choix. L'euthanasie est en effet considérée comme un traitement médical, comme un dernier geste d'humanité qu'un médecin peut faire vis-à-vis d'un malade qui le demande. Cette réponse positive au malade est cependant entourée des garanties nécessaires, qui assurent le contrôle de la continuité de la réalité de la demande et qui, pour un acte si important, mettent certaines balises de manière à ce que le traitement soit administré en toute sécurité. Cela lui paraît suffisant.

Un autre membre estime extrêmement curieux que, pour une décision si délicate concernant la mort de personnes, les comités éthiques existants ne soient pas impliqués, alors qu'on a de plus en plus tendance à faire appel à eux. On s'adresse de plus en plus aux comités éthiques dans les institutions de soins ou dans les hôpitaux, afin de leur demander d'apprécier des questions difficiles ou de rendre un avis. Par le biais de la gestion et de diverses réglementations, ils sont donc impliqués dans la réflexion sur les traitements dans le secteur médical. Aucun médecin ne considère l'application du traitement euthanasique comme une sinécure. Le médecin cause en effet directement la mort d'un patient, et ce dans l'exercice de sa profession.

L'euthanasie ne peut donc pas devenir un traitement médical normal. Si cependant ce traitement s'avère nécessaire, une appréciation du comité d'éthique est très importante, étant donné qu'elle procure un soutien et une information préalable au médecin. Dans le cas contraire, le médecin risque d'être confronté, seul, aux conséquences psychologiques négatives.

Une membre signale la question fondamentale qu'appelle cet amendement. Comment les médecins et le personnel soignant s'organiseront-ils entre eux pour mettre en place la discussion éthique à la suite de la demande du patient ? Un certain nombre de médecins ont loué les débats du Sénat qui ont le mérite d'ouvrir la discussion sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une conversation entre patient et médecin. Ils mettent donc le doigt sur la nécessité de créer des lieux de discussions éthiques. De nombreux médecins confirment que, traditionnellement, on débat trop peu d'éthique dans les hôpitaux et que leurs actes restent donc individuels et isolés. Les médecins sont souvent seuls pour prendre des décisions graves. Pour un médecin, il est intéressant d'entendre les éventuels avis contraires. Là où il y a discussion, il y a pluralisme d'idées.

Finalement, l'oratrice abandonne l'idée d'une intervention obligatoire du comité éthique en raison du risque de verser dans le formalisme. En effet, il semble que, dans certains hôpitaux, la commission d'éthique aborde les problèmes de manière assez bureaucratique. On a opté pour les mots « cellule d'aide à la décision ». On vise, entre autres, le comité éthique local. Il est important, pour le médecin, que le plus grand nombre possible de confrères pratiquant d'autres disciplines soient consultés. Une approche multidisciplinaire est nécessaire.

Un membre estime que diverses opinions sont à la base de la discussion. Ni les médecins ni les auteurs des propositions de loi ne considèrent que cette législation donne le droit de tuer. Cette loi offre la possibilité de mourir dans la dignité et donne au patient l'occasion de participer à la décision. Le droit à une mort digne et le droit à l'autodétermination sont au coeur du débat. Si on se met à accepter toutes sortes d'évaluations externes, on mine le droit à l'autodétermination. L'intervenant ne peut en aucune manière consentir à ce que des évaluations externes soient effectuées par des personnes pratiquant des disciplines non réglementées. Qu'entend-on par « spécialiste des questions éthiques » ?

Un autre membre confirme que la discussion résulte d'une différence d'idéologie. L'intervenant souligne que, ces derniers temps, la formation éthique des médecins a été fortement améliorée.

En outre, il serait impensable qu'un médecin aille lui-même trouver un autre médecin figurant sur une liste dressée par l'Ordre des médecins, et que ce confrère intervienne dans la décision d'un patient. Une telle attitude paternaliste est inacceptable pour de nombreux patients.

Amendement nº 140

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 244/10, amendement nº 140), tendant à compléter le § 3 par un 8º, qui prévoit qu'après avoir été informé des avis du deuxième médecin, du spécialiste en soins palliatifs et de l'équipe soignante, des éventuelles communications de ses proches et de l'évaluation effectuée par un spécialiste des questions éthiques, le patient doit avoir la possibilité de réfléchir à sa demande. Ce n'est qu'une fois que le patient réitère sa demande que tous les critères de prudence sont respectés.

La demande du patient doit être objectivée. Le respect de la vie ne se situe pas sur le même plan que le fait de mettre un terme à la vie humaine. La discussion et l'évaluation de la décision doivent demeurer très sérieuses. On ne peut affirmer que le sens éthique du médecin est suffisamment élevé et rend superflues les consultations proposées alors que, par ailleurs, on constate que quantité de dispositions légales contrôlent et organisent strictement le comportement (par exemple le comportement prescripteur des médecins, l'encadrement juridique de la relation entre patient et médecin).

En ce qui concerne l'identification de l'euthanasie à la compassion, c'est-à-dire un acte d'humanité et de pitié, l'orateur renvoie à un article publié dans le magazine l'Esprit du 20 novembre 2000 : « le vocabulaire de la compassion est toujours employé pour caractériser le geste euthanasique et jamais les soins palliatifs ou l'accompagnement des mourants. Compassion, sollicitude, humanité, solidarité ont été utilisées uniquement et de manière répétée pour caractériser le geste euthanasique ». Il est inexact de considérer que seul le geste euthanasique fait preuve d'humanité et de compassion.

Selon l'orateur, on fait preuve de davantage de compassion et d'empathie à l'égard d'une personne en l'accompagnant jusqu'à ses derniers moments qu'en mettant fin à sa vie d'une manière qui, dans les circonstances données, n'est pas naturelle.

Amendement nº 166B

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/11, amendement nº 166B) tendant à compléter le § 3 comme suit :

« Le médecin peut mettre des conditions complémentaires à son intervention dont il informera le patient. »

L'auteur de l'amendement déclare que cet amendement n'implique pas de modification de fond. L'intention est de clarifier le § 3.

Amendement nº 203

Mme de T' Serclaes dépose un amendement à titre de sous-amendement à l'amendement nº 115B de M. Vankrunkelsven (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 203) tendant à insérer les mots « après concertation avec l'équipe de soutien palliatif de l'institution ou, à défaut, de la plate-forme locale » entre les mots « envisageables ainsi que » et les mots « les possibilités qu'offrent les soins palliatifs ».

Amendement nº 208

MM. Galand et Vankrunkelsven déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 208) tendant à insérer au § 3 un 1ºbis, qui impose au médecin de s'assurer de l'adéquation des soins administrés et de l'assistance dont bénéficie le patient.

Il ne suffit pas d'imposer au médecin de donner au patient une information complète sur l'état de santé de ce dernier et les possibilités thérapeutiques et de s'assurer de la persistance de la souffrance du patient. Il convient également de garantir au patient que les soins et l'assistance nécessaires lui seront dispensés entre le moment où il exprime sa demande et le moment où la décision sera mise en oeuvre. Une fois sa demande d'euthanasie exprimée, le patient ne peut être abandonné à son sort.

De plus, le médecin qui pratique une euthanasie n'est pas nécessairement le médecin traitant. Il convient donc que ce médecin qui pratique l'euthanasie n'agisse pas à la suite d'une carence de traitement.

Un des auteurs souligne que le médecin qui pratique l'euthanasie n'est pas nécessairement le médecin traitant. L'intervenant estime qu'il y a lieu de demander au médecin en charge du contrôle si le traitement se déroule de manière adéquate.

Un membre signale que son amendement nº 76 (doc. Sénat, nº 2-244/6) concerne le même sujet.

Un des auteurs de l'amendement nº 208 estime que ces deux amendements ne sont pas identiques. De plus, l'amendement nº 208 insère la disposition à un autre endroit. Afin que l'euthanasie ne soit pas considérée comme une infraction à la loi, le médecin a l'obligation de s'assurer que le patient reçoit et continue à recevoir les soins et l'assistance nécessaires. C'est évident lorsque le médecin qui pratique l'euthanasie est le médecin traitant. Ce n'est toutefois pas toujours le cas.

Un membre estime que l'amendement nº 208 ajoute une précision essentielle.

Un autre membre déclare pouvoir se rallier à cet amendement qui offre une garantie supplémentaire.

Un membre précise que le médecin traitant prend la demande en charge et endosse ensuite la responsabilité de l'entièreté de la procédure. Dès qu'une demande à laquelle il ne veut pas donner suite est exprimée, il en informe le patient. Le malade peut alors choisir un autre médecin qui devient bien entendu le médecin traitant. C'est une question de libre choix du médecin. Ce médecin doit respecter la procédure en question ainsi que les critères de prudence.

L'intervenant suivant attire l'attention sur le fait qu'il a déjà été précisé que le médecin consulté rédige un rapport écrit (dans lequel il peut proposer d'autres possibilités thérapeutiques) qui est communiqué au patient, lequel peut alors faire le choix d'accepter les propositions de soins complémentaires.

Un des auteurs de l'amendement nº 208 admet que, dans la plupart des cas, il n'y aura pas de problème. Il envisage toutefois la situation dans laquelle le patient est confronté à deux médecins, à savoir le médecin généraliste, qui refuse l'euthanasie, et le médecin qui la pratiquera. Cela risque de causer une certaine interruption des soins. La principale préoccupation de l'auteur, à laquelle cet amendement veut offrir une réponse, est d'assurer la continuité des soins, même en cas de changement de médecin.

Un membre se réfère à l'intervention d'un des auteurs de l'amendement nº 14 et déclare que lorsqu'un médecin ne peut, en âme et conscience, répondre à la demande du patient, mais qu'un autre médecin le fait, ce dernier devient le médecin traitant et doit respecter les critères de prudence. En conséquence, l'amendement est superflu. Il ne faudrait pas en arriver à ce que le médecin qui pratique l'euthanasie doive s'assurer que le traitement a été correctement administré. En effet, personne ne dira qu'il n'a pas agi de manière correcte.

Un des intervenants précédents souligne que la persistance de la demande du patient est fondamentale.

Un des auteurs de l'amendement nº 208 renvoie à sa justification.

Un autre membre continue à soutenir cet amendement. Il est logique que le médecin s'assure que les soins sont bien adéquats. Cela ne vise pas nécessairement un autre médecin. Le médecin peut également se référer à la littérature scientifique ou à l'expérience d'autres collègues, ou contrôler si ses prescriptions sont bien appliquées par le personnel soignant. Un médecin compétent ne doit pas seulement s'assurer de la souffrance du patient, il doit aussi se demander ce qu'il peut faire pour la soulager.

Un membre estime que la disposition qui prévoit que le médecin traitant doit informer le patient des résultats de cette consultation répond aux préoccupations. Le fait que le médecin traitant informe le patient implique ipso facto que certaines possibilités thérapeutiques soient proposées, parmi lesquelles le patient doit faire un choix. Cela implique la persistance de la demande.

Un autre membre ne peut se rallier à la logique de l'amendement nº 208. Le médecin doit, premièrement, fournir au patient une information complète; deuxièmement, s'assurer de l'adéquation des soins administrés; troisièmement, s'assurer du caractère persistant de la souffrance.

L'orateur précédent se réfère au 1º déjà modifié du § 3 de l'article 3 proposé. La préoccupation de l'amendement nº 208 y est intégrée.

Un des auteurs de l'amendement nº 208 maintient que les obligations sont complémentaires. La souffrance persistante, qui comporte un aspect plus subjectif (l'avis du patient) doit continuer à être présente après le traitement approprié, ce qui implique un avis plus objectif (de la part du médecin).

Amendement nº 167

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 167), tendant à introduire un 3ºbis qui précise qu'en cas d'hospitalisation du patient, le médecin qui doit faire face à une demande d'euthanasie doit également contacter le médecin généraliste du patient, afin de s'entretenir avec lui de l'évolution de la santé du patient et de sa situation concrète.

En principe, le médecin généraliste est celui qui connaît le mieux le patient. Aussi, il est plus logique de s'informer auprès de lui au sujet de la situation du patient, de manière à pouvoir l'apprécier en toute connaissance de cause. Cela constitue une garantie supplémentaire pour le patient.

Un membre demande si le médecin spécialiste ne prend pas toujours contact avec le médecin généraliste du patient lorsque ce dernier est admis à l'hôpital. Cela lui semble une évidence dans la pratique médicale. Si ce n'est pas le cas, cet amendement constitue un ajout utile.

Un des auteurs de l'amendement nº 167 relève incidemment que des demandes d'euthanasie peuvent également être émises par des patients qui sont soignés à domicile. Dans ce cas, c'est le médecin généraliste qui est confronté à ces demandes et il semble que des difficultés d'ordre pratique fassent obstacle à la visite de spécialistes au domicile du malade. Cette situation ne devrait-elle pas être expressément clarifiée ?

Amendement nº 210

M. Vandenberghe dépose l'amendement nº 210 (doc. Sénat, nº 2-244/12) à titre subsidiaire par rapport à l'amendement nº 191. Cet amendement propose d'insérer dans le § 3, alinéa 1er, 3ºbis avant les mots « demander l'avis », les mots « si aucun des deux médecins n'est spécialisé en soins palliatifs ».

L'auteur de l'amendement nº 210 insiste sur le fait que sa demande d'un avis supplémentaire est dictée par le caractère délicat de la matière, donner la mort étant un acte totalement différent des actes médicaux habituels.

Amendement nº 211

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 211), tendant à remplacer dans le § 3, 4º, de l'article 3 proposé les mots « s'entretenir de la demande du patient avec les membre de celle-ci » par les mots « se concerter avec les membres de celle-ci au sujet de la demande du patient ».

Amendement nº 209

M. Galand et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 209), tendant à reformuler l'article 3 proposé de manière à ce qu'il tienne compte de la discussion antérieure.

Les auteurs de l'amendement nº 209 renvoient à la discussion antérieure et à la justification écrite.

Une membre estime que l'amendement proposé est de nature moins bureaucratique que le texte initial. Cependant, l'intervenante n'est pas entièrement d'accord pour utiliser le terme « inaptitude » dans le texte français, parce qu'il a une connotation de compétence. C'est pourquoi elle propose d'utiliser le terme « impossibilité ».

Un autre membre fait remarquer que, selon le droit commun, on peut soit rédiger de sa propre main une déclaration relative à sa fin de vie, soit faire appel à un notaire. Il n'est donc pas admis que n'importe quelle personne mette par écrit une déclaration au nom d'une autre personne, parce qu'il doit être possible de contrôler la crédibilité de la personne qui fait la déclaration. La disposition proposée au point C accorde cependant un mandat très étendu à un tiers, ce qui risque de mener à des fraudes. De surcroît, cette disposition n'exclut pas que le médecin lui-même fasse cette déclaration de manière à pouvoir l'utiliser pour se défendre.

Un membre fait remarquer qu'il est question ici de l'impossibilité de mettre par écrit une déclaration pour des raisons physiques et non de l'incapacité de faire une déclaration.

En outre, l'orateur estime que la philosophie de cette disposition doit être clairement reflétée. On attend du patient une déclaration qui soit consignée dans un écrit. Si le patient n'est pas en état de le faire, il y a lieu de faire appel à un tiers.

Un membre estime que l'amendement proposé accorde un rôle trop important au tiers, qui devient en quelque sorte un mandataire et se voit confier une trop grande responsabilité.

L'oratrice suivante signale que le nouveau texte se base trop sur la confiance mutuelle et ne comporte pas suffisamment de garanties. Elle ne peut donc marquer son accord sur le texte proposé.

Un membre considère que la disposition proposée implique qu'une seule personne de mauvaise foi peut provoquer la mort du patient. En effet, une seule personne, qui ne doit même pas avoir de compétences médicales, peut juger que le patient est dans l'impossibilité de rédiger et de signer la déclaration, et décider de le faire elle-même. Elle peut en porter témoignage. De plus, au cours de ce processus, aucune autre personne ne doit vérifier la teneur de la demande ni contrôler le respect des critères de prudence. C'est inouï : une fois écrit par un individu de mauvaise foi, le document peut signifier la mort d'une personne.

Un autre membre n'approuve pas l'interprétation de l'orateur précédent. Il estime néanmoins utile de reconsidérer le libellé de l'amendement et, le cas échéant, de l'adapter.

Amendement nº 81

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 81) tendant à supprimer le § 4 de l'article 3 proposé. En effet, ce paragraphe fait fondamentalement obstacle à la présente proposition de loi, attendu qu'elle offre également la possibilité à un patient non terminal de demander l'euthanasie.

Le § 4 instaure, pour ce groupe de personnes, une condition de procédure supplémentaire en ce qui concerne l'euthanasie, comme suggéré au cours des auditions.

En tout état de cause, l'intention des auteurs de l'amendement est claire : le cumul du critère de « situation médicale sans issue » ­ la question de savoir ce qu'on entend par là restant posée ­ avec le critère « souffrance ou détresse constante et insupportable qui ne peut être apaisée, résultant d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable » signifie que des patients atteints d'une maladie incurable sont visés par cette loi, même s'ils ne se trouvent pas dans la phase dite « terminale » de la maladie.

En fait, le critère « gravité de l'affection » ne constitue pas un seuil; il perd toute signification dès lors que la proposition met entièrement l'accent sur l'idée subjective qu'une personne peut avoir de son état (le sentiment de détresse suffit). Quelles maladies, quels handicaps seront considérés comme graves et qui se prononcera à ce sujet, si ce n'est le patient lui-même ? Car c'est ce dernier qui, finalement, juge de la situation médicale sans issue. La définition s'applique à des personnes qui, de naissance ou à la suite d'un accident, souffrent d'un handicap physique (par exemple un handicap moteur aux jambes), à des personnes atteintes d'une maladie grave (?) mais non mortelle (mucoviscidose, diabète, cécité, sclérose en plaques, maladies musculaires, maladies cardiaques, maladie d'Alzheimer, ...) et même aux handicapés mentaux, pour autant qu'ils n'aient pas été déclarés incapables juridiquement et que leur demande réponde aux conditions fixées par la loi (demande expresse, non équivoque, persistante, ...), ou à des personnes qui se trouvent dans une situation de détresse persistante, comme les dépressifs chroniques et les personnes qui ont des tendances suicidaires permanentes et veulent mourir.

Il est vrai qu'en ce qui concerne l'euthanasie de personnes dont, manifestement, le décès n'interviendra pas à brève échéance, on a prévu une procédure de consultation obligatoire d'un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée. Mais cela ne semble pas être une garantie suffisante. En outre, parler d'une « situation médicale sans issue » est encore plus vide de sens pour des malades qui ne sont pas en fin de vie que pour ceux qui le sont. Qui peut dire qu'une situation médicale est réellement sans issue lorsque la personne concernée a encore une espérance de vie importante ?

Selon l'intervenant, l'euthanasie pratiquée sur une personne qui ne se trouve pas en phase terminale est un tout autre problème. Cela doit également être précisé dans la présente proposition de loi. Dans la littérature médicale étrangère, cette distinction est toujours présente. Il n'est donc pas souhaitable que l'euthanasie des patients en phase terminale et le suicide assisté fassent l'objet d'une seule et même législation. Les débats en commission et les auditions ont essentiellement porté sur l'euthanasie et la réflexion sur le suicide assisté est loin d'être terminée.

Au cours des auditions, il a été souligné que la législation relative à l'euthanasie et, a fortiori, au suicide assisté, se réalise au moment où, précisément, le nombre de suicides au sein de notre société ne cesse d'augmenter.

La société n'a-t-elle vraiment aucune autre réponse à donner aux personnes fragilisées, malades ou accidentées, que de leur dire qu'elles ont raison de vouloir mourir parce qu'elles se sentent inutiles ?

Quoi qu'il en soit, la législation en la matière devra tenir compte de l'obligation des médecins de toujours essayer de sauver la vie d'un patient inconscient à la suite d'une tentative de suicide [cf. par exemple, la Déclaraction sur les droits du patient de Lisbonne (AMM, 1995)].

Une intervenante souligne que l'amendement nº 81 a trait à l'essence même du débat relatif à l'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale.

Elle se réfère à des interventions antérieures de certains auteurs de la proposition de loi, qui ont avancé l'idée qu'il n'y avait pas lieu de faire la distinction entre patients terminaux et non terminaux, celle-ci n'étant basée que sur un avis subjectif d'un médecin. Les auteurs de l'amendement nº 14 ont manifestement changé d'opinion, étant donné qu'à présent, pour ce qui concerne la procédure, ils font bel et bien une distinction entre patients terminaux et non terminaux. La question est donc de savoir ce que l'on veut dire exactement lorsqu'on parle d'un patient qui, manifestement, ne décédera pas à brève échéance. Le premier médecin est-il le seul à en juger ? Le deuxième médecin doit-il aussi se prononcer ? Ce n'est pas clair.

L'amendement nº 14 précise qu'un autre médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie en question, doit être consulté. Il est question d'une souffrance ou d'une détresse insupportable qui ne peut être apaisée. Cela signifie-t-il qu'en cas de « détresse », c'est un psychiatre qui doit émettre un avis, tandis que pour la souffrance physique, il est fait appel au spécialiste ? À moins que l'on n'attache pas d'importance au domaine de spécialisation du deuxième médecin ?

Un des auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 et de l'amendement nº 14 renvoie, pour la réponse à quelques questions, à la discussion générale de la proposition de loi ainsi qu'à l'introduction générale de l'amendement nº 14. La question de savoir ce qu'on entend par « maladie incurable » y a notamment été largement développée.

L'intervenante précédente réplique qu'elle pose maintenant des questions spécifiques, qui n'ont pas été traitées lors de la discussion générale, et qui ont trait notamment au rôle et à la qualification du deuxième médecin ainsi qu'à la portée de mots figurant dans le texte. Pour quelle raison le deuxième médecin doit-il effectivement juger si la demande est expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante, alors que le premier médecin ne doit pas le faire ?

Une autre difficulté résulte de la durée d'un mois, dont il est question dans le 2º du § 4. S'agit-il ici d'une simple question de procédure ou bien toutes les conditions de fond doivent-elles toujours être remplies sans restriction, une fois ce mois écoulé ? La réponse à ces questions précises a une grande importance, étant donné que ceux qui, à l'avenir, auront à appliquer la présente loi, y seront confrontés.

L'intervenant précédent répond que, selon la philosophie qui est à la base de l'amendement nº 14, les circonstances sont définies dans lesquelles il n'y a pas de délit. En conséquence, si l'on ne satisfait pas à toutes les conditions énumérées, il s'agit bien d'un délit et le droit pénal est alors applicable. L'objectif du § 4 est précisément d'offrir des garanties complémentaires en ce qui concerne l'euthanasie pratiquée sur des patients non terminaux. C'est la raison pour laquelle le deuxième médecin doit effectivement vérifier si les conditions de fond sont bien respectées.

L'intervenant souligne que le délai d'un mois, dont il est question au 2º, est proposé parce que, manifestement, le patient ne décédera pas à brève échéance. Pour les patients terminaux, cela n'a bien entendu aucun sens de prévoir encore un délai supplémentaire, car cela signifierait que le patient n'obtiendrait aucune réponse à sa demande, ce qui serait particulièrement cruel. On dispose forcément de davantage de temps pour étudier à fond la demande quand celle-ci est faite par un patient qui n'est pas en phase terminale.

Le médecin juge si, manifestement, le décès du patient interviendra ou non à brève échéance. Il doit donc aussi opter pour la procédure qui devra être appliquée. En tout état de cause, un autre médecin doit être consulté. Celui-ci doit également se prononcer, après avoir lu le dossier et examiné lui-même le patient, sur le caractère imminent ou non du décès. Le médecin peut d'ailleurs toujours consulter deux autres médecins s'il a des doutes au sujet du caractère terminal. Les noms de ces médecins et du patient sont consignés dans le dossier médical. Quand celui-ci est transmis à la commission d'évaluation, le secret médical est temporairement levé. Tout cela offre suffisamment de garanties pour éviter les abus. Il est impossible de trouver une formule plus adéquate.

Répondant à la deuxième question de l'intervenante précédente, le membre considère que le médecin concerné doit décider s'il y a lieu de consulter un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie en question. Il est impossible de fixer dans un texte de loi dans quelles circonstances un médecin doit ou ne doit pas consulter un spécialiste. Cela relève de la responsabilité du médecin concerné.

Le fait que deux médecins doivent être consultés et que ceux-ci doivent juger de la demande du patient, indique que la demande d'euthanasie de patients non terminaux doit être étudiée avec une attention encore plus grande que les demandes de patients terminaux, bien que pour cette dernière catégorie, on doive aussi faire preuve d'une extrême vigilance.

L'intervenant dit avoir la conviction personnelle que les conditions fixées pour les patients terminaux sont suffisamment strictes pour exclure aussi les abus chez des patients non terminaux. D'autres sénateurs estiment cependant que la problématique des patients non terminaux demeure particulièrement délicate, malgré les garanties complémentaires. Celles-ci sont toutefois suffisamment solides pour empêcher les abus. Le membre estime qu'il est mal placé pour refuser de donner suite à une demande d'euthanasie émise par un patient qui, bien qu'il ne soit pas terminal, est atteint d'une maladie incurable et souhaite mourir dans la dignité.

Enfin, l'intervenant souhaite signaler, à titre purement indicatif, que lorsqu'un médecin juge qu'il est possible qu'un patient déterminé meure dans le délai d'un mois, on ne peut assurément pas considérer qu'il s'agit d'un patient non terminal pour lequel le § 4 est d'application. Appliquer quand même cette procédure reviendrait à mentir au patient, puisque celui-ci mourra peut-être avant que le délai d'un mois ne se soit écoulé et que, par conséquent, on ne pourra plus répondre à sa demande d'euthanasie.

Un membre estime que le débat au sujet de l'amendement nº 81 est étroitement lié à la discussion portant sur le fait de savoir si, dans le cadre de cette proposition de loi, l'euthanasie peut aussi être pratiquée sur des patients non terminaux. Si l'on décidait quand même de rendre l'euthanasie possible pour ces patients, il faudrait évidemment offrir des garanties complémentaires. L'idéal serait de les préciser dans un article séparé. L'intervenante estime que, de toute façon, il s'agirait là d'une démarche très imprudente. Sur ce point, chacun doit décider en son âme et conscience.

Le membre souligne qu'il est parfaitement possible de faire la distinction entre des patients dont, manifestement, le décès n'interviendra pas à brève échéance, et les autres patients. Contrairement à ce qui a été affirmé pendant les auditions, le médecin peut juger si le patient se trouve ou non en phase terminale. Selon l'intervenant précédent, le premier médecin doit se prononcer à ce sujet tout comme, le cas échéant, le deuxième médecin qui a été consulté.

L'intervenant précédent précise que, selon lui, il relève de la responsabilité du médecin qui reçoit la demande d'euthanasie et qui doit donner la réponse au patient, de décider si oui ou non le patient est en phase terminale. Le deuxième médecin et, le cas échéant, le troisième médecin, examinent le patient et prennent connaissance du dossier médical, mais ne prennent pas la responsabilité de la décision concernant le caractère terminal ou non.

L'intervenante précédente poursuit en disant que non seulement les noms des médecins consultés figurent dans le dossier médical, mais aussi leur rapport. Si par la suite, le parquet devait mener une enquête au sujet des circonstances précises dans lesquelles l'euthanasie a été pratiquée, il pourrait également prendre connaissance du point de vue des premier et deuxième médecins consultés. C'est extrêmement important, parce que cela garantit que, dans des circonstances aussi délicates, les médecins concernés feront preuve de suffisamment de prudence pour éviter toute dérive. Les médecins ont particulièrement intérêt à agir très prudemment dans les cas pour lesquels on peut légitimement avoir des doutes quant au caractère terminal ou non. Bien que le membre affirme être très réticent face à l'euthanasie qui serait pratiquée sur des patients non terminaux, il est correct de souligner ce point.

La situation est moins claire en ce qui concerne le délai d'au moins un mois qui doit s'écouler entre la demande initiale du patient non terminal et l'acte d'euthanasie. Tout d'abord, l'intervenante fait remarquer qu'il est question d'un délai d'au moins un mois. Un mois est donc un strict minimum et le médecin peut estimer qu'un délai plus long est nécessaire. De plus, l'intervenante suppose que le médecin concerné doit mentionner dans le dossier médical la date à laquelle la demande d'euthanasie a été exprimée pour la première fois.

Il est confirmé que, dès le moment où une demande d'euthanasie est formulée pour la première fois, un dossier médical est constitué et que la date de cette première demande y est notée. Cela vaut d'ailleurs aussi bien pour les patients terminaux que non terminaux.

L'intervenante précédente réplique que, comme dans les deux cas, il est question d'une affection d'origine accidentelle ou pathologique, l'intéressé se trouve dans une situation médicale sans issue. Il existe donc déjà un dossier médical au moment de la première demande d'euthanasie et il n'y a pas lieu d'en constituer un à ce moment-là. La date de cette première demande d'euthanasie doit être consignée dans le dossier.

Un membre fait observer qu'il ressort des débats que tout le monde est d'accord sur le fait que la première demande d'euthanasie n'est pas nécessairement une demande écrite. Selon un intervenant précédent, le délai d'un mois commence déjà à courir dès le moment où la première demande d'euthanasie est exprimée. Par contre, au § 5, il est seulement précisé que la demande écrite du patient doit figurer dans le dossier. Le texte proposé manque de précision, étant donné qu'en vertu du § 5, seule la demande « écrite » doit être consignée dans le dossier, alors que conformément au § 4, 2º, un mois au moins doit s'écouler entre la demande « initiale », qui n'est pas nécessairement faite pas écrit, et l'euthanasie.

Une autre imprécision a trait au moment auquel le deuxième médecin consulté doit juger des caractéristiques de la demande, à savoir vérifier si cette demande est expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et constante. Cela doit-il se faire au début où à la fin du mois ?

L'intervenante précédente est d'accord sur le fait que non seulement la demande écrite, mais aussi la demande initiale et, à la limite, toutes les demandes doivent être consignées dans le dossier médical, lequel doit être aussi complet que possible. Il convient de le préciser au § 5 de l'article 3.

Un membre fait observer qu'en raison de la crainte qu'éprouvent certains de voir l'euthanasie pratiquée sur des patients pour lesquels il n'est pas certain qu'une demande ait effectivement été formulée, un § 2 est proposé par l'amendement nº 14, selon lequel une série de garanties ont été prévues concernant la requête du patient. Ces garanties valent pour tous les cas, tant pour les patients terminaux que non terminaux. Elles ont trait notamment au caractère écrit de la requête et à sa signature par le patient, ainsi qu'aux témoins.

Un autre membre n'approuve pas une phrase qui figure dans la justification de l'amendement nº 81 : « La société n'a-t-elle vraiment aucune autre réponse à donner aux personnes fragilisées, accidentées ou malades que de leur dire qu'elles ont raison de vouloir mourir parce qu'elles se sentent inutiles ? » Il n'est évidemment pas question de cela dans la proposition nº 2-244. L'amendement nº 14 a pour objectif d'indiquer que des affections médicales, physiques ou psychiques déterminées sont à la base de la demande d'euthanasie. De cette manière, la demande est objectivée, bien que des éléments subjectifs continuent à intervenir, comme la question de savoir si une souffrance déterminée ne peut être soulagée. Néanmoins, on exige qu'un médecin constate l'existence d'une affection médicale. Le simple fait de se sentir inutile dans la société n'est aucunement visé par la proposition de loi nº 2-244. Les auteurs de l'amendement nº 81 font donc ici un procès d'intention.

Du reste, aucun texte de loi ne peut répondre parfaitement à toutes les situations pour lesquelles l'euthanasie peut être justifiée. L'intervenant insiste sur le fait que, pour une personne qui ne répondrait pas aux conditions de l'article 3, il est encore toujours possible d'invoquer l'état de nécessité, comme c'est le cas actuellement.

Amendements nºs 128, 129 et 130

M. Galand dépose trois amendements (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendements nºs 128, 129 et 130), tendant à supprimer les dispositions du § 4 de l'article 3 (sous-amendement nº 128 à l'amendement nº 14) et à les inclure dans un article 3bis séparé (sous-amendement nº 129 à l'amendement nº 14). L'amendement nº 130 (sous-amendement à l'amendement nº 129) concerne une simple modification du libellé du texte.

L'un et l'autre ont pour objectif de créer une plus grande clarté dans la proposition de loi en traitant l'euthanasie dans des articles séparés selon qu'il s'agit de patients en phase terminale ou non. Pour cette dernière catégorie en effet, des conditions complémentaires sont prévues, car une plus grande prudence est exigée. Les deux situations ne peuvent être comparées.

Un des auteurs de l'amendement nº 14 n'est pas d'accord avec l'orateur précédent et estime que la distinction entre les deux catégories est bien exprimée dans l'article 3 où il est clairement indiqué que, pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, on a fixé des conditions supplémentaires qui complètent les conditions existantes valables pour tous les patients. Un article séparé atténuerait précisément le lien entre les deux groupes et le caractère complémentaire des conditions du § 4.

Le délai complémentaire d'un mois, qui n'est pas valable pour les patients en phase terminale, commence à courir, pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, dès que l'on a une indication matérielle d'une première demande d'euthanasie.

Un membre est d'accord avec l'orateur précédent mais, pour plus de clarté, il souhaite insister sur le fait que l'ensemble de la procédure commence déjà dès l'instant de la première demande et non au moment où toutes les formalités prescrites au § 2 sont remplies.

L'orateur précédent poursuit en disant qu'avant de pratiquer l'euthanasie sur des patients qui ne sont pas en phase terminale, un deuxième médecin doit être consulté et qu'il faut attendre un délai d'un mois afin de s'assurer de la demande d'euthanasie. Il précise, à l'intention de l'orateur précédent, que ce délai prend cours à partir du moment où il existe une demande écrite d'euthanasie. Il n'empêche que toute la procédure générale élaborée à l'article 3 commence déjà à courir à partir du moment où la demande est formulée, sous quelque forme que ce soit.

Une oratrice précédente pense que, si l'interprétation donnée par l'orateur précédent au § 3 est la bonne, il est souhaitable de déposer un amendement visant à remplacer le terme « initiale » par le mot « écrite ». Ainsi, on dissipe tout doute ou toute imprécision.

L'intervenante dit comprendre l'intention de l'auteur des amendements nºs 128, 129 et 130 visant à faire une nette distinction entre les patients en phase terminale et ceux qui ne le sont pas, en prévoyant un article séparé pour chacune des deux catégories. Si ces amendements étaient effectivement adoptés, une disposition devrait être insérée dans l'article 3bis proposé afin de faire apparaître que les conditions et procédures imposées par la loi doivent aussi être suivies pour les patients qui ne sont pas en phase terminale. La procédure et les conditions inscrites à l'article 3 pour les patients en phase terminale sont en effet également valables pour les patients qui ne sont pas en phase terminale.

L'orateur précédent abonde dans ce sens.

Un sénateur estime que la discussion qui a eu lieu sur la demande écrite d'euthanasie et l'importance qui y est accordée démontre que les amendements nºs 128, 129 et 130 méritent l'attention nécessaire. La catégorie des patients en phase terminale et celle des patients qui ne sont pas en phase terminale doivent en effet être clairement distinguées l'une de l'autre. La lecture de l'amendement nº 14, tel que formulé actuellement, peut en effet donner lieu à des difficultés d'interprétation; celles-ci peuvent être évitées si on adopte ces trois amendements et si l'on prévoit des articles séparés pour chacune des deux catégories.

Un membre déclare que, selon son groupe, l'euthanasie doit être traitée de manière équivalente, que les patients soient ou non en phase terminale, et qu'il est donc préférable d'avoir un seul article. Pour la seconde catégorie de patients, on a en effet prévu des critères particuliers de prudence complémentaires aux exigences générales de précaution.

Une autre membre dit que les amendements nºs 128, 129 et 130 témoignent de sagesse parce qu'on y fait une nette distinction entre les deux catégories. En outre, le libellé du § 4 n'est pas tout à fait clair, car on y parle de la consultation d'un « deuxième médecin » alors qu'en fait il s'agit du troisième médecin qui est concerné.

En outre, l'oratrice estime que, pour dissiper tout malentendu et insister sur le caractère exceptionnel de la situation, il vaut mieux que toutes les conditions de base soient à nouveau énumérées. Contrairement au « premier » médecin consulté, le « deuxième » médecin consulté doit en effet voir si la demande est formelle, exprimée de plein gré, sans équivoque, mûrie, répétée et permanente. Les auteurs de l'amendement nº 14 estiment également qu'en conséquence, une plus grande prudence s'impose pour les patients qui ne sont pas en phase terminale et que l'on ne peut simplement dire que l'article 3 constitue un ensemble.

Par ailleurs, l'intervenante souhaiterait que le « deuxième » et le « troisième » médecin se voient conférer la même mission, afin que tous deux doivent analyser les conditions fondamentales. Pour les deux catégories de patients, il suffirait que le médecin signale que l'on satisfait aux conditions de base telles que décrites au § 1er.

L'oratrice estime finalement que le commentaire qui est donné au § 4 de l'article 3, comme proposé par l'amendement nº 14, indique clairement la distinction qui est faite entre les deux catégories. Le commentaire stipule en effet que la procédure décrite au § 4 doit être appliquée « pour le traitement de la demande d'un malade que le médecin estime ne pas être, manifestement, dans la phase terminale de sa maladie ». Cette formulation est plus claire que « si le médecin est d'avis que le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance ».

Un membre souligne que, dans les deux cas, aussi bien pour les patients en phase terminale que pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, c'est le malade qui exprime la demande d'euthanasie. Cette donnée a déjà pour conséquence qu'une certaine uniformité doit être suivie dans la réglementation. Personnellement, l'intervenant estime qu'une réglementation globale pour les deux groupes serait parfaitement possible et efficace. Néanmoins, le texte fait la distinction, bien qu'il soit particulièrement difficile pour le médecin de déterminer si un patient est oui ou non en phase terminale. Dans une approche globale et uniforme des deux catégories, des critères de prudence complémentaires sont inscrits pour les patients qui ne sont pas en phase terminale; ces critères impliquent une certaine forme de subjectivité.

Lorsqu'un médecin estime qu'un patient ne décédera manifestement pas à brève échéance, il s'impose lui-même des conditions supplémentaires et il rend sa tâche considérablement plus difficile. Quoi qu'il en soit, son avis est mentionné dans le dossier médical. L'avis de l'autre médecin qui est consulté et qui connaît parfaitement la raison pour laquelle on le consulte ­ à savoir la demande d'euthanasie ­ est également consignée dans le dossier médical. Lorsque le médecin estime que le patient ne décédera manifestement pas à brève échéance, un deuxième médecin est consulté et ses conclusions sont également consignées dans le dossier médical. De ce fait, la crainte exprimée par certains selon laquelle la loi facilitera l'acte d'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale est précisément réfutée. En règle générale, le médecin concerné sera plutôt porté à penser qu'il s'agit de cas terminaux plutôt que de cas non terminaux, vu que la procédure y afférente est « moins lourde ». Le risque existe plutôt dans le sens contraire, à savoir que, quand une demande d'euthanasie émane d'un patient en phase terminale, le médecin, pour se protéger suffisamment, décide quand même d'appliquer la procédure « plus lourde ». Il n'est pas exclu que le patient en phase terminale décède avant que le délai d'un mois, prescrit au § 4 pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, s'écoule et qu'ainsi, aucune suite ne puisse être donnée à la demande d'euthanasie.

L'intervenant fait cependant remarquer qu'un certain nombre de membres des commissions réunies s'opposent non seulement aux conditions fixées pour les patients en phase terminale, mais aussi à l'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, et même à la proposition de loi nº 2-244 en général. Toutes les réponses aux questions posées resteront peut-être insuffisantes si l'on demeure fondamentalement opposé à la proposition.

L'oratrice précédente constate que l'interprétation qui, selon les auteurs, doit être donnée au § 4 de l'article 3 proposé est la suivante : le médecin qui est confronté à la demande d'euthanasie de son patient juge ­ et lui seul ­ si ce dernier est oui ou non en phase terminale et, par conséquent, décide quelle procédure doit être appliquée. Le premier et le deuxième médecin consultés ne peuvent plus rien y changer.

Un intervenant précédent confirme que c'est la bonne interprétation. Selon lui, c'est une procédure efficiente qui offre suffisamment de garanties contre les abus. Il n'empêche qu'un médecin consulté qui ne partage pas l'avis du médecin auquel la demande d'euthanasie a été adressée a toujours la possibilité de consigner ses remarques dans le dossier médical. Mais le jugement final revient au médecin qui est confronté à la demande.

L'auteur des amendements nºs 128, 129 et 130 dit, à titre complémentaire que, si ce médecin doit finalement se justifier devant un tribunal ­ ce qui est toujours possible ­, il doit pouvoir indiquer les raisons de sa décision et expliquer pourquoi il a suivi l'une ou l'autre procédure.

Amendement nº 215

Mme de T' Serclaes dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat nº 2-244/12, amendement nº 215) visant à remplacer les mots « ou d'une détresse » au 1º du § 4 par les mots « physiques et psychiques ». Par cette formulation, la situation globale du patient doit être prise en considération lors de l'appréciation de la demande d'euthanasie et il est clairement établi qu'un état purement désespéré ne suffit pas en lui-même pour justifier cette demande. Lorsqu'un patient est dépressif à certains moments, même s'il est incurable, ce n'est pas, en d'autres termes, dans l'esprit de l'auteur de l'amendement nº 215, une raison suffisante pour justifier l'euthanasie.

Un membre estime que ce débat ne doit pas à nouveau être rouvert. Les garanties inscrites dans le texte de la proposition pour combattre les abus sont plus que suffisantes : consultation d'un deuxième et d'un troisième médecin, concertation des personnes que le patient souhaite rencontrer, etc. En outre, il ressort du texte qu'une simple dépression nerveuse ne signifie pas comme motif d'euthanasie.

Néanmoins, l'intervenant dit n'avoir aucune difficulté à accepter l'amendement nº 215 pour autant qu'il s'agisse de souffrance physique « ou » (et non : « et ») psychique. Une personne atteinte d'une maladie incurable, qui, psychiquement, ne peut supporter plus longtemps la déchéance de son corps, sans pour autant endurer nécessairement une souffrance physique, doit en effet pouvoir demander l'euthanasie.

L'auteur de l'amendement réplique que, si cette interprétation du texte du § 4, 1º, comme proposé par l'amendement nº 14, est confirmée, elle est satisfaite. Néanmoins, il a été établi au cours de discussions antérieures qu'une simple dépression suffirait en elle-même pour justifier la demande d'euthanasie. Elle ne peut en aucune façon approuver cette interprétation.

Un membre répond que l'interprétation qui vient d'être donnée est la seule qui soit exacte. Si, au cours des débats, une autre interprétation était donnée à ces termes, ce serait à tort.

En conséquence, l'amendement nº 215 est retiré.

Un membre se demande si une personne devenue aveugle, qui se sent tout à fait isolée et en souffre gravement, ou une personne qui a de graves cicatrices au visage à la suite de brûlures graves et dont le moral est très atteint peuvent tomber sous le champ d'application de la loi. Une telle souffrance est souvent causée par une certaine mentalité véhiculée par la société selon laquelle être jeune et attirant est très important. C'est cette mentalité qui, parfois, rend permanente la demande de telles personnes. Dans l'esprit des auteurs, une raison de ce genre peut-elle être invoquée pour justifier une demande d'euthanasie ?

L'auteur de l'amendement nº 215 reconnaît que cette problématique peut soulever des problèmes dans le cadre de la présente proposition de loi, laquelle vise aussi les patients qui ne sont pas en phase terminale. Personnellement, elle est attachée à l'idée qu'une loi sur l'euthanasie peut exclusivement concerner les patients en phase terminale. À leur égard, le présent texte ne pose aucun problème. Ce n'est toutefois pas l'optique de la majorité des membres des commissions réunies.

Un membre estime qu'aucun texte de loi ne pourra englober tous les cas possibles. En outre, il fait remarquer qu'une intervenante précédente souhaite manifestement en venir à un système de contrôle social où la collectivité déciderait ce qui est bon ou mauvais pour l'homme. On en revient au début de tout le débat sur l'euthanasie. Pour lui, il est absolument inadmissible que la société oblige à continuer à vivre quelqu'un qui, par exemple, porte sur tout le visage de graves cicatrices dues à des brûlures. L'individu doit pouvoir lui-même prendre une décision à ce sujet.

Un sénateur estime que, quelles que soient les conceptions que l'on a en matière d'euthanasie, il n'est pas correct d'angoisser les gens en présentant les choses comme si les médecins pouvaient agir indifféremment. Ni le texte de la proposition ni la justification à l'amendement nº 14 ne l'autorisent. Le présent texte n'autorise personne à demander l'euthanasie, sans plus, pour un simple mal de tête. Il doit en effet y avoir une affection, laquelle doit avoir une base médicale et, en outre, engendrer une souffrance insupportable. De plus, un autre médecin doit être consulté; dans le cas d'un patient qui n'est pas en phase terminale, c'est même un deuxième médecin qui doit être consulté. Ces médecins sont des gens consciencieux. On ne peut pas banaliser sans plus l'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale en prenant constamment telle ou telle autre situation spécifique comme exemple et en élaborant une théorie adaptée.

Une intervenante précédente réplique que l'on ne commet aucune faute en citant des exemples concrets puisqu'on est confronté à de tels cas dans la pratique et que les médecins doivent savoir si la loi est oui ou non applicable. En outre, elle fait remarquer qu'il y a une contradiction entre les réponses des auteurs de l'amendement nº 14. Selon un orateur précédent, la question relative à la manière dont certaines personnes sont acceptées par la société est déjà paternaliste en soi et ne peut être posée puisque c'est l'individu qui occupe la place centrale. Sa demande d'ordre purement moral mériterait une réponse, en lui donnant auparavant une base médicale au moyen de l'avis de quelques médecins. Si une personne ne souhaite plus vivre avec une affection déterminée, elle a droit à l'euthanasie. Selon l'orateur précédent par contre, un médecin ne procédera pas à l'euthanasie sans mûre réflexion et on angoisse les gens en présentant les choses de cette manière. L'intervenante estime que le risque de cassure du tissu social existe si certaines catégories de personnes malades peuvent tout simplement être euthanasiées.

Un membre déclare formellement être partisan d'une législation sur l'euthanasie parce que c'est une manière de ne plus en faire un tabou et que cela permet une meilleure communication en la matière. Une telle législation doit toutefois s'insérer dans le cadre du raccourcissement du processus de la mort. L'intervenant déclare dès lors qu'il peut très difficilement accepter une demande d'euthanasie dans un cas de phase non terminale. Cela vaut d'autant plus si l'objectif est de rendre l'euthanasie possible quand il est seulement question de détresse psychique. C'est angoissant. En outre, on donne un mauvais signal : alors que, chez de telles personnes, on devrait soulager la souffrance, on donne l'autorisation de mettre fin à la vie.

Un autre membre peut s'imaginer qu'un médecin puisse, dans des situations extrêmes, être obligé de pratiquer l'euthanasie sur des patients qui ne sont pas en phase terminale. Un texte de loi peut-il définir de manière précise les circonstances dans lesquelles cet acte est autorisé ? Selon l'orateur, cela ne semble pas possible aujourd'hui sans exclure à l'avance des abus dans un sens ou dans l'autre. On peut imaginer que le parquet, s'il est saisi, décide, sur la base du présent texte qu'il n'y a pas infraction à la loi et que, par conséquent, aucune poursuite n'est engagée, tandis que l'Ordre des médecins conclut qu'il est bel et bien question de traitement médical négligent. Il s'avérera très difficile de juger si, dans un cas bien déterminé, l'euthanasie est justifiée ou non. Un texte de loi ne peut offrir une réponse à toutes les situations possibles.

L'intervenant indique qu'actuellement, il n'y a pas de vide juridique. Un médecin qui pratique une euthanasie peut en effet toujours invoquer l'état de nécessité. On ne peut donc reprocher à ceux qui s'opposent à une réglementation de l'euthanasie en dehors de la phase terminale de vouloir à tout prix prolonger la vie et de s'opposer à des solutions humaines. On doit toutefois admettre que la loi ne peut offrir une solution dans tous les cas individuels.

Pour le reste, l'orateur souligne que la définition du terme « santé » est très large et que, de ce fait, de nombreuses situations peuvent être étayées d'un point de vue médical. Il est possible que l'une ou l'autre affection puisse être attribuée à des personnes souffrant de dépression ou ne se sentant pas bien dans leur peau. Il faudra voir comment les tribunaux interpréteront ce terme.

Un membre fait observer qu'une loi peut toujours avoir sur le terrain d'autres conséquences que celles auxquelles les auteurs s'attendaient. Aux Pays-Bas, la législation relative à l'euthanasie, qui existe déjà depuis des années, ne visait absolument pas à considérer une dépression comme un motif d'euthanasie. Néanmoins, des années plus tard, le pouvoir judiciaire en a jugé autrement. Il agit de son plein droit. Il importe dès lors de circonscrire précisément la portée d'un texte de loi dans le dispositif de la loi même. Le droit a néanmoins ses limites. Cela vaut d'autant plus dans cette matière.

L'oratrice ne partage pas l'idée selon laquelle ceux qui s'opposent à l'euthanasie dans les cas de phase non terminale angoissent les gens. Il apparaît néanmoins que, dans la société, les gens se posent beaucoup de questions. Ces questions et angoisses se retrouvent dans la science médicale, même chez les spécialistes en la matière.

Un autre membre réplique que le présent texte de la proposition de loi, conformément à l'amendement nº 14, inclut suffisamment de garanties pour répondre à ces angoisses. C'est également ce message qui est donné au monde extérieur. Vu que certains s'opposent à la présente proposition de loi, ils traduiront plutôt leurs angoisses vers le monde extérieur. C'est leur droit.

L'oratrice précédente poursuit en disant qu'il n'est pas facile de traduire la réflexion d'une société en pleine évolution dans un texte de loi. C'est avec la prudence nécessaire que de nouvelles balises doivent être mises en place. Le but est en effet de définir dans le Code pénal des normes sociales qui soient indépendantes des conceptions individuelles de chacun. Dans l'optique de l'oratrice, il est élémentaire de protéger les personnes à l'égard desquelles la loi pourrait avoir des conséquences perverses.

Un intervenant précédent estime que ce n'est pas tant la société mais bien le paysage politique qui a changé. De nos jours en effet, la volonté existe auprès d'un certain nombre de membres de la majorité politique actuelle d'élaborer une législation qui ne pose pas spécialement comme principe la protection de la société mais bien la liberté et l'autonomie de l'individu. Toutefois, il faut éviter les dérives. C'est la raison pour laquelle toute une série de critères de prudence ont été inscrits dans le texte de la loi.

Un membre fait observer que, si le présent texte était approuvé, des interprétations excessives de la loi, comme celles qui ont été faites aux Pays-Bas, seraient exclues. Une dépression n'est en effet pas une situation médicale sans issue.

L'orateur souligne du reste la différence entre la perception d'une personne déterminée d'une part, par elle-même et, d'autre part, par la société. La loi doit exclure qu'une personne demande l'euthanasie en raison de la manière dont elle est acceptée ou non par la société.

Une autre membre partage la préoccupation exprimée par une oratrice précédente et qui a trait à l'euthanasie qui serait pratiquée sur des personnes ne se trouvant pas en phase terminale mais étant en détresse psychique. Son point de vue est qu'il doit aussi y avoir une solution pour cette souffrance morale. La proposition de loi rend cette solution possible en prenant en considération un certain nombre de critères de prudence. D'une part, ces derniers sont inscrits dans les conditions de base qui stipulent que l'on doit avoir affaire à une souffrance médicalement sans issue, permanente, insupportable et qui doit être la conséquence d'une maladie grave ou incurable ou d'un accident. Par conséquent, tous les cas de maux de tête ne relèvent pas de cette description de « souffrance morale ». D'autre part, dans la procédure, on fait aussi une distinction entre les patients qui ne sont pas en phase terminale et les patients en phase terminale, par la consultation d'un deuxième médecin.

La divergence fondamentale qui prévaut au sein des commissions réunies entre, d'une part, ceux qui estiment que l'euthanasie doit aussi être possible pour les patients qui ne sont pas en phase terminale et, d'autre part, ceux qui trouvent qu'une telle possibilité ne peut exister, ne sera pas éliminée pour autant. L'intervenante ne peut que constater que certains groupes répandent délibérément un sentiment d'angoisse dans la société. Cette angoisse est totalement injustifiée.

Enfin, l'oratrice partage l'avis selon lequel une interprétation excessive, comme celle qui a été donnée aux Pays-Bas à la loi sur l'euthanasie, qui existe depuis des années déjà, serait impossible en Belgique.

Un autre membre encore admet qu'une législation peut avoir des effets secondaires spécifiques non souhaités sur le terrain. Cela ne peut toutefois empêcher le législateur de placer l'objectif principal au centre. En l'espèce, cela signifie que, lorsqu'un patient demande l'euthanasie et que le médecin trouve cette demande raisonnable, tous deux doivent avoir la garantie qu'ils agissent dans un cadre légal.

Un membre n'approuve pas l'affirmation d'un orateur précédent selon laquelle certains groupes, dont des médecins, répandent tout simplement un sentiment d'angoisse à propos de la législation en préparation en matière d'euthanasie. Au contraire, ils savent souvent très bien ce qui est en chantier et c'est justement pour cela qu'ils attirent l'attention sur quelques manquements et dangers de la proposition de loi à l'égard des plus faibles dans notre société, tels les patients gravement malades. Rappeler ces risques n'a rien à voir avec le refus de toute législation sur l'euthanasie.

Le membre réagit ensuite à une intervention précédente selon laquelle la présente proposition de loi empêchera que la manière dont la société accepte ou non une personne constitue un motif d'euthanasie. C'est très optimiste, vu que de nombreux sentiments et comportements des individus ont précisément trait aux relations avec les autres personnes. Par conséquent, une loi ne peut malheureusement pas empêcher d'éventuels abus.

Une oratrice précédente réitère son point de vue : une personne qui doit faire face à une détresse psychique ne pouvant être adoucie et qui est la conséquence d'une grave dépression peut, selon le texte de la présente proposition de loi, demander et se voir accorder l'euthanasie. Cela l'inquiète sérieusement. L'intervenante renvoie aux indicateurs de santé en Flandre faisant apparaître que le pourcentage de suicides chez les hommes de plus de 65 ans est très élevé, en comparaison avec d'autres pays. Les cas de solitude auxquels aucune réponse n'est apportée ne sont pas rares dans notre société. La loi sur l'euthanasie donnera le signal que l'euthanasie est une solution pour ces gens. C'est un signal erroné, les pouvoirs publics devraient au contraire prendre des initiatives pour s'attaquer effectivement à de tels problèmes.

Un membre réplique que, pour tomber sous le champ d'application de la loi, il doit y avoir une cause médicale que le médecin doit pouvoir prouver à l'aide du dossier médical. Dans ce cadre, une dépression postnatale ne peut être invoquée comme motif. En outre, il semble assez invraisemblable qu'un médecin procède quand même à l'euthanasie si aussi bien le premier que le deuxième médecin consulté jugent qu'aucune raison médicale ne peut être établie.

Un autre membre ajoute que toutes les personnes qui se trouvent dans une situation désespérée ne font pas nécessairement une dépression. Toutefois, celles qui se retrouvent dans un tel état et qui souhaitent mettre un terme à leur vie doivent pouvoir en faire la demande au médecin. Cela ne signifie pas que le médecin accédera sans plus à cette demande puisque celui-ci doit constater que la situation est réellement sans issue. La solitude, par exemple, n'est pas une situation sans issue. Actuellement, il arrive qu'un médecin agisse secrètement. On prévoit qu'au moins trois médecins doivent émettre leur avis médical et le consigner dans le dossier médical.

En outre, l'intervenant indique qu'il existe certaines formes de dépressions endogènes que l'on ne peut traiter et dont les causes sont d'ordre biochimique. C'est autre chose qu'un problème temporaire, hormonal. De telles personnes représentent souvent un danger pour la société et peuvent bel et bien se trouver dans une situation médicale sans issue.

Un membre renvoie à un amendement déposé antérieurement à l'article 3, § 3, 1º, dans lequel on parle des « possibilités de soins palliatifs ». Toutes les possibilités psychosociales doivent être examinées et épuisées et tous les traitements adaptés doivent être dispensés.

Amendement nº 138

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 138) qui vise à supprimer le présent § 4. L'orateur estime que ce paragraphe donne lieu à de grandes inquiétudes au sein de la société quand on sait ce qui s'est produit dans le passé au nom de la psychiatrie.

Le point crucial de la discussion sur le § 4 consiste, selon lui, à savoir si on se limite au sens premier des mots ou si l'on se penche effectivement sur leur contenu. Le texte, tel que proposé ne couvre manifestement pas la portée que les auteurs veulent lui donner. Tout d'abord, depuis des siècles, l'euthanasie a eu un rapport avec le processus de la mort, ce qui peut engendrer un conflit entre, d'une part, la protection de la vie humaine et, d'autre part, les souffrances insupportables auxquelles on est confronté. La protection de la vie humaine est la première valeur dans une société et c'est une condition pour l'exercice de tous les autres droits. On ne peut donc tout simplement y renoncer, vu que cela conduirait automatiquement à une violation de l'article 2 de la CEDH. Dans le présent texte, le terme « euthanasie » est élargi à des situations qui, au fond, n'ont rien à voir avec cet acte et pour lesquelles ­ maintenant déjà ­ on peut faire appel au cas de figure de l'état de nécessité.

Tout cela conduit à la certitude qu'un large compromis est impossible, bien que l'on affirme toujours que c'est le but. La proposition nº 2-244 veut faire passer un point de vue éthique, sans jamais mener de discussion à ce sujet avec l'opposition. La preuve en est que la majorité politique actuelle se réunit séparément et dépose des amendements.

L'intervenant estime qu'il est question d'une forme de « newspeak » dans le texte. Ainsi par exemple, il y a la question de savoir ce qu'on doit précisément comprendre par « détresse psychique ». Les avis de psychiatres, qui sont entre autres émis lors de litiges, peuvent souvent être très divergents. Il arrive que, selon un psychiatre, une personne soit très équilibrée, tandis qu'aux yeux d'un autre, des caractéristiques purement négatives lui soient attribuées. Par le passé, on a en outre abusé de la psychiatrie, par exemple en enfermant des personnes en raison de leur comportement déviant. Il est dès lors impossible de considérer la souffrance psychique comme un facteur objectif. C'est pourtant ce qui se passe dans le présent texte.

L'orateur donne un autre exemple, celui de la douleur qui ne peut être soulagée. Quand, selon le patient, une certaine douleur physique ou psychique ne peut être soulagée, bien que, médicalement parlant, des traitements soient sans doute possibles mais qu'ils sont refusés par le patient, ce dernier a droit à l'euthanasie. On manie une image de l'homme qui ne correspond pas à la réalité vu que l'accompagnement humain dans la souffrance constitue l'essence de la solution. Toutefois, on n'en parle pas.

Le texte du § 4 donne un signal erroné à la collectivité. Les personnes qui se retrouvent dans une situation difficile au cours de leur vie sont confirmées dans leur propre image et ont droit à l'euthanasie. Ce signal renforce la personne dans sa position et conduira à des conséquences sociales totalement indésirables. L'histoire le montre en tout cas. La collectivité devrait au contraire donner le signal opposé et dire que la vie est aussi précieuse et peut être vécue de manière utile, en mettant à disposition les moyens nécessaires. Ce point de vue n'est pas exprimé.

Le texte part d'une approche fonctionnelle de l'euthanasie qui mènera sur un terrain glissant; la preuve en est l'évolution aux Pays-Bas ou l'on étend systématiquement les possibilités d'euthanasie à une dépression rebelle à tout traitement, par exemple. C'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle une telle législation n'est votée nulle part ailleurs dans le monde.

La conséquence indésirable que le présent texte aura réside dans le fait que la protection de la vie sera liée à la qualité de celle-ci. Cela commence par la conviction individuelle que la qualité de sa propre vie est tellement détériorée qu'il faut y mettre fin. Quand un tel raisonnement devient monnaie courante et que l'on est persuadé que l'euthanasie est une solution acceptable dans de telles situations, l'étape suivante est la prise de mesures indirectes et adaptées à cette évolution, par les pouvoirs publics, par exemple en matière de financement des soins de santé. C'est un choix particulièrement unilatéral qui offre uniquement des garanties verbales puisqu'aucune sanction pénale n'est prévue. En raison de cette carence, le juge devra conclure à l'absence de délit vu qu'aucun délit ne fait l'objet d'une procédure. Si l'on considère également le cadre administratif, on peut parler d'euthanasie « administrative ». C'est une loi qui fait peur, qui est contraire aux droits fondamentaux de l'homme, lesquels stipulent que la loi doit protéger la vie.

Un membre répète qu'à ses yeux, le droit pénal commun est d'application lorsqu'on ne répond pas à une des conditions énumérées à l'article 3. Comme la situation actuelle le prouve, il n'est pas du tout exclu que des poursuites soient engagées à l'encontre de médecins qui sont en infraction avec le Code pénal.

En outre, c'est un fait que la Belgique est à la traîne dans certains domaines, par exemple pour ce qui est de l'accès au mariage et à l'adoption pour des personnes du même sexe, de la recherche scientifique sur les embryons etc. D'autre pays européens ont déjà beaucoup plus évolué en la matière et ont adapté leur législation aux récentes évolutions de la société. On ne peut donc certainement pas dire que, dans de telles questions éthiques, la Belgique soit un précurseur, au contraire. La France, par exemple, a adapté la législation relative à l'avortement, alors qu'en Belgique, rien n'a été fait. D'ailleurs, le danger auquel l'orateur précédent a fait allusion, à savoir que certaines mesures des pouvoirs publics soient prises en fonction de la qualité de vie des personnes âgées n'a rien à voir avec la législation relative à l'euthanasie. En Grande-Bretagne, par exemple, certains traitements ne sont plus remboursés aux fumeurs, sans qu'il existe une législation sur l'euthanasie.

En outre, l'intervenant conteste que la présente législation soit vague et juridiquement incohérente. Il renvoie à la proposition de loi qui a été déposée par M. Vandenberghe (doc. Sénat, nº 2-160/1) où il est question de raisons médicales suffisamment sérieuses pour éventuellement pratiquer l'euthanasie. Cette terminologie est aussi vague ou précise que celle qui est utilisée dans la proposition de loi nº 2-244/1; elle n'offre nullement davantage de sécurité juridique. Ici aussi, c'est le médecin qui juge en dernier ressort et le contrôle a posteriori est tout aussi difficile. Il en va de même pour quelques amendements qui ont été déposés par le même auteur ou pour le cas de figure de l'état de nécessité qui offre également de nombreuses possibilités d'interprétation. L'option consistant à formuler quelques critères clairs dans le cadre desquels il y a dépénalisation de l'euthanasie, est beaucoup plus claire.

Dans la proposition de loi nº 2-244/1, des garanties suffisantes sont offertes contre quelques abus, par exemple, si l'euthanasie était demandée pour le motif d'une simple dépression. Ceux qui attirent à présent l'attention sur une surchage administrative dans la législation sur l'euthanasie sont aussi ceux qui demandent davantage de contrôles et de garanties. On ne peut développer un argument dans deux directions opposées.

La position de base de l'orateur précédent est au fond qu'il ne souhaite pas de loi sur l'euthanasie. Dès lors, il ne doit pas reprocher à ceux qui veulent qu'une telle législation soit élaborée de réfléchir ensemble sur son contenu. Ce faisant, on a tenu compte de quelques objections fondamentales, ainsi que de l'opinion et des suggestions d'experts en la matière et autres. De cette manière, la proposition de loi initiale a été sensiblement améliorée et on a rencontré les objections exprimées par certains.

Amendement nº 196

M. Vankrunkelsven dépose un sous-amendement à l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-244/12) qui insère un 1ºbis au § 4, tendant à créer une commission ad hoc. Il indique qu'au cours des débats, de nombreux arguments pour et contre l'euthanasie ­ dans le sens de « mort douce » ­ ont été émis en ce qui concerne les patients qui ne sont pas en phase terminale. Alors qu'initialement, l'orateur émettait des réserves à l'encontre d'une réglementation pour cette catégorie de patients dans le cadre de la loi relative à l'euthanasie pour les patients en phase terminale, il est arrivé à la conclusion que cela devait être possible. La question est bien entendu de savoir comment procéder. Le cas de figure de l'état de nécessité pourrait être utilisé ici. On pourrait aussi reprendre explicitement dans la loi les conditions dans lesquelles l'euthanasie est possible pour les patients qui ne sont pas en phase terminale. Sur ce point, on rencontre une grande résistance, et le sénateur est convaincu que l'on doit envisager cette possibilité avec beaucoup de circonspection.

Le § 4 proposé introduit déjà deux conditions supplémentaires pour les patients qui ne sont pas en phase terminale : la consultation par le médecin traitant d'un deuxième médecin et, en outre, un délai d'un mois minimum entre la demande initiale et l'euthanasie. L'orateur est favorable à un relèvement de ce seuil pour éviter que les personnes atteintes d'une maladie grave ou d'un handicap ne se sentent inutiles et exclues.

Concrètement, le sénateur propose d'instaurer un contrôle a priori. Au cours des auditions, le professeur Adams a proposé de le prévoir dans tous les cas, mais, pour les patients en phase terminale, cela sera souvent irréalisable. En revanche, pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, c'est tout à fait possible et même souhaitable. Il est proposé de créer, au sein de la commission d'évaluation, une commission ad hoc qui devra donner une appréciation préalable sur la souffrance ou la détresse du patient qui ne peuvent être soulagées. L'orateur est d'ailleurs favorable à ce que la commission d'évaluation donne également une appréciation a posteriori, et qu'elle ne se limite pas seulement à un contrôle formel des conditions.

Le sénateur insiste sur le fait que cet amendement n'est pas à prendre ou à laisser, et il espère de cette manière rendre possible un rapprochement entre des points de vue très divergents. Il espère qu'un compromis sera possible en ce qui concerne cet amendement.

Un membre dit bien comprendre l'intervention de l'orateur précédent mais répète qu'à son point de vue, les conditions de base à remplir pour toute demande d'euthanasie impliquent suffisamment de garanties contre les abus. La question des patients qui ne sont pas en phase terminale a été soulevée dès le début du débat parlementaire, notamment par le professeur Vermeersch qui a insisté pour qu'une réglementation différente soit envisagée pour cette catégorie de patients.

Cette réglementation différente a déjà été prévue dans l'amendement nº 14 et a surtout trait à la consultation d'un deuxième médecin. Le membre a la conviction personnelle qu'il s'agit là d'une rupture du colloque singulier entre le médecin traitant et le patient, qui est l'essence même de l'approche médicale de la problématique de l'euthanasie. Demander l'avis de deux médecins implique aussi des risques. Néanmoins, l'intervenant reconnaît que cette condition a été retenue afin d'atteindre un consensus le plus large possible.

La deuxième condition a trait au délai d'un mois entre la demande initiale et l'euthanasie. Ce délai commence à courir quand une demande écrite a été formulée.

Troisièmement, l'intervenant estime que, quand on demande à un médecin, dans le cadre d'une demande d'euthanasie, de donner un avis médical après avoir examiné le patient et son dossier médical, on offre des garanties suffisantes contre les abus.

Enfin, l'intervenant déclare s'opposer à une structure qui doit se prononcer a priori et décider à la place du patient. Cela signifierait la mise en péril de la liberté du patient et de celle du médecin. L'intervenant souligne le danger de voir intervenir un expert en science éthique ou un juriste dans la procédure de décision basée sur le dialogue entre le médecin et le patient. Il ne s'agit pas de corporatisme, il s'agit de l'autonomie du patient qui est l'élément central de la proposition de loi nº 2-244. Il doit toujours rester maître du processus décisionnel et de la manière dont il souhaite mourir.

Un autre membre juge que l'amendement nº 196 constitue une approche intéressante de la problématique, qui part de certaines expériences personnelles que l'auteur a eues en matière d'euthanasie chez des patients non en phase terminale. C'est précisément pour cela qu'il souhaite des garanties supplémentaires et propose la constitution d'une commission ad hoc composée de tierces personnes. Bien des acteurs médicaux confrontés sur le terrain à des décisions difficiles à prendre d'un point de vue éthique, sont favorables à cette idée, pas seulement lorsqu'il s'agit d'euthanasie, d'ailleurs, mais pour tous les actes médicaux de la fin de vie. Le Conseil consultatif de bioéthique était aussi en faveur de l'idée d'un contrôle a priori.

L'amendement nº 196 mérite donc une discussion et une réflexion approfondies même s'il prévoit que les membres de cette commission proviennent de la commission d'évaluation, ce qui peut mettre son impartialité en péril. Malheureusement, la philosophie de l'amendement nº 196 ne semble pas pouvoir recueillir un large assentiment.

Un membre fait remarquer que le texte de la proposition de loi autorise le médecin traitant à avoir recours à des consultations supplémentaires, mais qu'on ne peut pas l'obliger à choisir parmi des médecins repris préalablement sur une liste. Cela vaut d'autant plus si ces médecins font partie de la commission d'évaluation; dans ce cas, ils ne peuvent plus intervenir ultérieurement.

Un intervenant souligne également que des propositions visant à un contrôle préventif ont déjà été faites auparavant; il s'agissait d'un contrôle préalable par le ministère public sur la base d'un questionnaire anonyme qui serait transmis par un intermédiaire au ministère public. Ce accord préalable ­ ou au contraire son absence ­ offrirait une plus grande sécurité juridique, pour autant que les circonstances réelles dans lesquelles l'euthanasie est pratiquée correspondent à celles dans lesquelles la demande a été formulée.

L'intervenant estime qu'il faut envisager de tels contrôles par le ministère public, a fortiori lorsqu'il s'agit de patients qui ne sont pas en phase terminale. Les propositions actuelles ne prévoient qu'un contrôle administratif a posteriori et en ce sens, elles introduisent par conséquent « l'euthanasie administrative ». Il ne s'agit pas d'une corvée administrative de plus, comme l'a suggéré un intervenant précédent, mais bien d'une dépénalisation conditionnelle de l'euthanasie à laquelle est liée un procédure purement administrative.

Une autre intervenante souligne que l'euthanasie chez des patients qui ne sont pas en phase terminale lui pose problème. Elle pense cependant, que si on l'envisageait malgré tout, la distinction entre les deux catégories ne pourra être suffisamment claire. En ce sens, un contrôle préalable peut s'avérer une mesure supplémentaire judicieuse. Toute la question est de savoir cependant si la commission ad hoc, composée de membres de la commission d'évaluation, est bien la formule appropriée.

Elle ne partage pas les craintes d'un intervenant précédent qui considère qu'un contrôle préalable comporte le risque qu'on ne donne pas suite à certaines demandes d'euthanasie; au contraire, elle pense qu'il s'agit d'une garantie supplémentaire pour le patient qui ne se trouve pas en phase terminale. Un tel patient n'est certes pas toujours en mesure de juger de sa propre situation d'un point de vue médical. Elle donne trois exemples pour illustrer son propos. Il ressort des chiffres que l'hystérectomie est le plus souvent pratiquée par des médecins de sexe féminin car elles sont conscientes de la pertinence de cette intervention. Par ailleurs, on pratique dix fois plus d'opérations du genou dans la partie est d'une certaine région que dans la partie ouest de cette même région. Enfin, 40 % des cancers sont mal ou insuffisamment traités, la présence ou l'absence d'un service de radiothérapie dans une clinique proche étant décisive à cet égard. Les analyses relatives à la nécessité d'une intervention médicale semblent donc très divergentes. Un contrôle préalable visant à vérifier si le patient a bien reçu tous les traitements voulus n'est par conséquent pas superflu.

Un membre ne nie pas que certains traitements médicaux peuvent varier très fort d'une région à l'autre mais finalement, personne n'est mieux placé que le patient pour juger de sa souffrance physique et psychique. Il s'agit en effet d'une donnée subjective.

L'intervenant se demande en outre comment un expert en science éthique ou un juriste peut mettre de nouveaux éléments en lumière que le médecin traitant ou le(s) médecin(s) qu'il a consulté(s) n'aurait (auraient) pas vu. Pour ce qui est des éléments objectifs, comme par exemple le caractère incurable de la maladie, il y a donc suffisamment de garanties.

L'intervenante précédente réplique que les médecins aboutissent parfois à des conclusions erronées ou divergentes. Il arrive que l'on annonce à des patients qu'ils sont atteints d'une maladie incurable, alors qu'ils survivent encore des années. Or, l'estimation par le patient de sa propre situation en dépend fortement. Par conséquent, l'examen préalable des demandes d'euthanasie émanant de patients qui ne sont pas en phase terminale est judicieuse. En outre, l'amendement nº 196 n'évoque pas d'expert en science éthique, on y parle de deux médecins et d'un juriste.

Une membre est d'avis que le débat sur l'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale n'est possible que dans le cadre de l'état de nécessité, puisque ce cas de figure permet de justifier certains actes exceptionnels.

En ce qui concerne l'amendement nº 196, on peut considérer que le contrôleur est contrôlé puisque des personnes de la même commission jugent aussi bien a priori qu'a posteriori. Il est cependant positif qu'un contrôle préalable soit instauré, comme le professeur Clumeck l'a déjà proposé auparavant. La consultation préalable d'une commission, dont des médecins font partie, est un signe d'humilité dans le chef du médecin, et ce certainement quand on est confronté à un acte aussi exceptionnel chez un patient qui ne se trouve pas en phase terminale. L'intervenante souligne aussi qu'il n'est pas question d'un expert en science éthique dans l'amendement nº 196, contrairement à la loi néerlandaise qui, elle prévoit la présence d'un expert en science éthique dans la commission d'évaluation qui exerce le contrôle a posteriori.

Enfin, elle évoque le délai de trois semaines proposé dans l'amendement 196 et qui peut sans doute être mis en parallèle avec le délai d'un mois dont il est question à l'amendement nº 14. Elle estime ce délai trop court.

Un autre membre approuve la justification de l'amendement nº 196 selon laquelle la discussion relative aux patients qui ne sont pas en phase terminale est particulièrement sensible et pourrait susciter l'insécurité chez ce groupe. Cependant, elle pense que la tentative entreprise par l'auteur de l'amendement nº 196 afin de régler certains aspects par voie légale, illustre parfaitement la difficulté ­ voire l'impossibilité ­ d'intervenir socialement sur ce terrain.

Il faut bien entendu, comme pour tout délit, vérifier s'il n'y a pas une cause de justification ou une cause d'excuse. Le danger réside cependant dans le fait que la répétition de contrôles a priori par la commission ad hoc pour des cas individuels aboutisse à une sorte de « jurisprudence » qui autoriserait toujours l'euthanasie pour une certaine catégorie de patients, par exemple les patients atteints de sclérose en plaques. On aboutirait ainsi au résultat opposé de celui visé par l'auteur de l'amendement nº 196. Certains groupes sociaux se sentiront visés et l'insécurité que l'on veut précisément éliminer ne fera qu'augmenter.

Un intervenant précédent précise que les médecins n'ont pas peur de consulter d'autres médecins mais qu'une telle consultation n'est pas nécessairement favorable à la relation entre le médecin et le patient.

Il souligne que le texte de l'article 3 tel que proposé prévoit déjà la consultation d'un médecin et, s'il s'agit d'un patient qui n'est pas en phase terminale, celle d'un deuxième médecin. Si le médecin traitant estime devoir encore consulter un autre médecin, il lui est loisible de le faire.

Un membre revient sur la remarque qu'a faite une intervenante précédente à propos de la divergence des points de vue médicaux. S'il y a le plus souvent consensus quant à l'analyse des affections médicales, il est vrai qu'il peut y avoir de grandes divergences quant à la thérapie à suivre. Pour des affections communes, il y a parfois 30 % de différence.

Complémentairement à l'intervention de l'orateur précédent au sujet de la consultation d'un ou de deux médecins, le membre souligne que, quoi qu'il en soit, un contrôle a posteriori sera exercé et qu'un médecin fera preuve de la prudence requise en matière d'euthanasie.

L'auteur de l'amendement nº 196 reconnaît qu'en ce qui concerne l'euthanasie pour les patients qui ne sont pas en phase terminale, on se trouve sur un terrain glissant. Il est vrai que la politique néerlandaise de tolérance concerne les patients qui ne sont pas en phase terminale, même si ce n'était pas l'objectif poursuivi. Plus tard, par le biais de la jurisprudence, on a même étendu cela aux patients dépressifs, jusqu'au cas extrême de l'arrêt Chabot. Il faut se demander s'il ne faut pas tirer les leçons de l'expérience néerlandaise et, par conséquent, ne pas se limiter à un contrôle a posteriori, mais prévoir aussi un contrôle préalable dans la procédure. Le législateur doit prendre ses responsabilités en cette matière. C'est pourquoi l'amendement nº 196 a été déposé. L'orateur se déclare ouvert à d'éventuels sous-amendements susceptibles d'améliorer le texte.

Le sénateur réplique à un intervenant précédent qui considère le contrôle a priori comme un remplacement du colloque singulier, que le colloque singulier se fait avant la consultation. C'est également ce que prévoit l'amendement nº 14 où l'on part du principe de la consultation d'un premier et d'un second médecin. L'amendement nº 196 ne prévoit qu'un contrôle supplémentaire.

Avoir une commission ad hoc constituée par des membres de la commission fédérale d'évaluation et composée de membres de cette commission fédérale garantit qu'il s'agit de personnes ayant une certaine expertise et permet d'éviter la divergence des pratiques selon les arrondissements judiciaires. Quoi qu'il en soit, les contrôles a priori sont exercés par un collège et non par un médecin afin de permettre une meilleure évaluation. Le sénateur plaide pour qu'on ne se limite pas à une approche médicale de cette problématique et pour que l'approche soit aussi juridique.

L'argument selon lequel le contrôleur doit se contrôler lui-même a posteriori est démenti par la délimitation précise de la tâche de ceux qui exercent le contrôle a priori. Ils doivent en effet se limiter à une évaluation de la souffrance et de l'impossibilité d'y porter remède médicalement. Comme il ressort de l'amendement nº 197 (doc. Sénat, nº 2-244/12), le contrôle a posteriori ne sert dans ces cas-là qu'à vérifier si l'on a rempli toutes les conditions formelles.

Le sénateur rejette enfin la crainte que certaines catégories de la société ne se sentent visées en soulignant le fait que le contrôle a priori n'est qu'une appréciation d'un cas déterminé et non une autorisation absolue de pratiquer l'euthanasie.

Un membre se demande comment un médecin doit réagir à une demande d'euthanasie émanant d'un patient qui n'est pas en phase terminale et pour lequel l'état de nécessité n'a pas encore été déterminé, si l'on estime que, pour ces patients, l'euthanasie n'est possible que dans le cadre de l'état de nécessité.

Une autre membre répond que de telles situations se présentent aujourd'hui. Actuellement, les médecins prennent aussi souvent des décisions qui sont contraires à la loi mais qui se justifient par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le patient se trouve, qu'il s'agisse ou non d'un patient en phase terminale. Le président du Comité français de bioéthique a déclaré que cette distinction n'était pas pertinente dans cette problématique. L'intervenante se déclare opposée de manière générale à une dépénalisation conditionnelle de l'euthanasie.

L'intervenant précédent se demande ensuite ce qui, selon l'intervenante précédente, doit être fait, si le médecin estime qu'il y a état de nécessité mais que le patient ne partage pas cet avis.

Elle lui répond que de tels cas ne se présentent que rarement, voire jamais.

Comme l'auteur de l'amendement nº 196, un membre pense qu'il y a eu aux Pays-Bas une évolution qui n'était ni prévue ni souhaitée. Le danger de dérapages utilitaristes n'est donc pas illusoire. Par conséquent, ce membre estime un contrôle a priori indiqué pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale.

Néanmoins, on a fait remarquer lors de la discussion qu'il est fort possible que cette commission soit à la fois juge et partie et doive se contrôler elle-même. Il faut se demander si la consultation préalable du premier et du second médecin suffit pour préserver le contrôle a priori des demandes d'euthanasie des développements qu'il a connus aux Pays-Bas. Il faut y réfléchir sérieusement.

Un autre membre réplique que les Pays-Bas ont pratiqué une politique de tolérance qui ne s'appuyait pas sur une législation explicite.

Un autre membre souligne qu'en dépit de leur autonomie croissante, bien des patients se trouvent encore souvent dans une forte relation de dépendance. Ce sont surtout ces patients-là qui formuleront une demande d'euthanasie sur la base de l'avis du médecin traitant, sans demander d'avis complémentaire. C'est principalement pour cette catégorie que le contrôle a priori constitue une garantie complémentaire contre les abus et qu'il est particulièrement utile.

Un membre répète qu'un médecin traitant fera, quoi qu'il en soit, normalement preuve de circonspection et préservera tant son patient que lui-même des abus. Il y aura en effet de toute façon toujours un contrôle a posteriori qui peut le cas échéant déboucher sur une sanction.

Amendements nºs 218, 220, 223 et 225

Madame Vanlerberghe et consorts déposent un amendement comme sous-amendement à l'amendement nº 209 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 220) en vue d'améliorer la rédaction du texte.

Deux sous-amendements sont aussi déposés au sous-amendement nº 220 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendements nºs 223 de Mme Vanlerberghe et consorts et 225 de Mme Nyssens et consorts) qui le complètent et l'explicitent. Le texte proposé par l'amendement nº 220 prévoit explicitement que le patient peut revenir sur sa demande et que le dossier médical indique pour quelles raisons le patient ne peut rédiger sa requête lui-même. Dans ce cas, la rédaction de la demande doit être faite par un majeur, en présence d'un médecin.

Une sénatrice demande si le médecin peut intervenir comme tierce personne. Elle souligne aussi que, selon cette formulation, la tierce personne qui rédige la demande du patient doit aussi indiquer elle-même pourquoi le patient n'est pas en mesure de le faire. Le risque d'abus de confiance n'est pas inexistant.

Un autre membre réplique que les raisons doivent être indiquées par le patient. La tierce personne ne sert qu'à les acter, elle ne doit pas les donner.

Un membre demande si le rôle du médecin se limite à sa seule présence ou si le médecin doit aussi signer ce document ou laisser trace de sa présence d'une manière ou d'une autre.

Un autre membre demande s'il n'est pas souhaitable que le médecin doive donner les raisons pour lesquelles le patient ne peut rédiger lui-même sa demande d'euthanasie, et doive aussi signer le document. Ce sont quand même des causes médicales qui empêchent le patient de rédiger un document écrit. Pourquoi faut-il impliquer une tierce personne majeure dans cette procédure ?

Un autre membre revient encore sur le rôle du médecin et sur la validation du document rédigé par la tierce personne majeure. Le médecin ne doit-il pas signer ? Dans la négative, cette garantie risque de perdre tout son sens, puisque l'on ne pourra plus contrôler par la suite si le médecin était bien présent.

L'auteur principal de l'amendement nº 209 répond que ce n'est pas le médecin qui est confronté à la demande d'euthanasie qui doit rédiger le document, mais une tierce personne qui se substitue au patient. Le rôle du médecin et du patient doit être respecté tout au long de la procédure.

La présence obligatoire du médecin constitue en outre une garantie contre d'éventuelles pressions extérieures. Le texte tel que proposé par l'amendement nº 209 et les différents sous-amendements, constitue par conséquent une considérable amélioration.

Un membre partage l'avis de l'intervenante précédente et pense aussi que le texte tel qu'il est rédigé actuellement ne permet pas de contrôler par la suite si le médecin était bien présent.

L'intervenante précédente estime qu'il est évident que le médecin doit aussi signer le document, d'autant plus qu'il est aussi proposé d'indiquer les raisons pour lesquelles le patient n'est pas en mesure de rédiger lui-même sa demande.

L'amendement a ceci de positif qu'il prévoit aussi explicitement que le patient peut à tout moment revenir sur sa demande.

Une membre se rallie à l'idée que le document doit aussi être signé par le médecin, pour faire de cette présence plus qu'un voeu pieux.

En outre, l'intervenante estime que, dans la version néerlandaise de la deuxième phrase du deuxième alinéa du § 4, tel que proposé dans l'amendement nº 220, les mots « in dit laatste geval » pourraient donner l'impression que la présence du médecin n'est pas exigée dans tous les cas, bien que ce ne soit probablement pas ce que les auteurs de l'amendement nº 220 souhaitaient.

Enfin, il paraît souhaitable d'indiquer explicitement dans le libellé quel est l'objectif du texte ­ à savoir que ce ne soit pas le médecin mais un tiers qui rédige le document si le patient n'est plus en mesure de rédiger lui-même sa demande écrite ­ et donc d'exclure explicitement le médecin.

Un membre dit qu'il ne voit pas d'objection à ce que la tierce personne majeure doive noter le nom du médecin. Il semble souhaitable que le médecin lui-même ne signe pas le document car cela pourrait altérer la relation entre le médecin et le patient.

Madame Nyssens et consorts déposent un amendement comme sous-amendement à l'amendement nº 209 (doc. Sénat, nº 2-244/2, amendement nº 218) visant à supprimer l'intervention d'un témoin. Constater l'incapacité physique de rédiger une requête relève de la responsabilité médicale. Cette vision ne correspond pas à celle d'un orateur précédent qui fait endosser au témoin le rôle du patient et ne touche pas à celui du médecin.

Un membre demande quel est l'avis des auteurs de l'amendement nº 218 quant au rôle de la tierce personne.

L'auteur principal de l'amendement nº 218 dit qu'elle n'est pas convaincue par cette procédure et maintient son amendement visant à supprimer l'intervention du témoin.

Madame Nyssens et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 220 (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 225) qui s'inscrit dans le prolongement de l'amendement nº 218. Il y est précisé que l'écrit rédigé par le patient n'est pas contraignant pour le médecin. En outre, il y est dit explicitement que le patient peut à tout moment revenir sur sa demande.

Amendement nº 222

Madame De Roeck et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 222) tendant à remplacer au § 4, 1º, de l'article proposé les mots « caractère exprès, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchi, répété et persistant » par les mots « caractère volontaire, réfléchi et répété ».

L'auteur principal de l'amendement explique que cet amendement s'inscrit dans le prolongement de l'amendement nº 105 déposé auparavant, lequel apporte les mêmes modifications au § 1er de l'article 3 proposé.

Une intervenante se réfère à son argumentation relative à l'amendement nº 105. Elle dit ne pas comprendre pourquoi les mots « non équivoque » et « persistant » doivent nécessairement être supprimés.

Elle se demande aussi pourquoi la qualité de la demande ne doit plus être examinée par le premier médecin consulté, comme le prévoit le § 3, mais bien par le second médecin consulté, conformément au § 4 proposé.

L'auteur principal juge que les mots « persistant » et « répété » sont des synonymes et qu'il est par conséquent superflu de mentionner que la demande doit être persistante. Quand une demande est réfléchie, elle n'est plus équivoque non plus.

En outre, ces contrôles s'ajoutent aux garanties déjà prévues pour la demande écrite.

Amendement nº 221

Mme Leduc et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 221) tendant à remplacer au 2º du § 4 de l'article 4 proposé les mots « requête initiale » par les mots « requête écrite ».

L'auteur principal estime qu'il faut savoir clairement quand débute la période d'un mois. La requête écrite présente à cet égard plus de garanties que la requête initiale dans la mesure où elle est datée. Tout malentendu est donc exclu.

Un membre estime que cette petite clarification n'apporte pas de réponse à toutes les remarques formulées sur ce point. La question reste de savoir si toutes les conditions de base sont cumulatives. Est-ce uniquement le cas lors de la première requête, et le délai d'un mois prévu au § 4 n'est-il ensuite qu'une condition purement procédurale ? Ou au contraire, les conditions de base doivent-elles être remplies tant au moment de la requête initiale ­ donc écrite (voir amendement nº 221) ­ qu'à l'expiration du délai d'un mois ?

Bien des choses peuvent se passer pendant ce délai, surtout d'un point de vue médical. Une douleur insupportable peut évoluer et devenir une douleur supportable. L'intervenante pense par conséquent que toutes les conditions de base doivent être remplies tant au moment de la requête écrite qu'au moment où, au moins un mois plus tard, l'euthanasie est pratiquée.

L'auteur principal de l'amendement nº 221 se réfère aux exposés relatifs à la procédure et aux critères de prudence. Il faut que les critères de prudence soient respectés au moment de la requête écrite. À ce moment, il est dès lors clair que la douleur insupportable ne peut être apaisée.

Amendement nº 82

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 82) visant à remplacer le § 5 de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« § 5. Les informations concernant le diagnostic posé, les souhaits du patient, le(s) rapport(s) du (des) médecin(s) consulté(s) et les avis des différentes personnes consultées, l'ensemble des démarches entreprises en ce compris les soins et les traitements proposés et leurs résultats, les décisions prises en ce compris les soins et les traitements prescrits, ainsi que les médicaments ou drogues administrées, sont consignées au jour le jour dans le dossier médical du patient. Les mentions sont signées par le médecin en charge du patient et un autre membre de l'équipe soignante qui entoure le patient. »

L'un des auteurs explique que cet article impose la tenue d'un dossier médical détaillé, dont il ressort que le médecin a respecté les conditions et procédures prévues par la loi (non seulement dans le cas d'une euthanasie mais de toute décision liée à la fin de vie : cessation, non-exécution du traitement, ...), et qui mentionne les éléments qui ont permis au médecin d'apprécier l'existence d'un état de nécessité dans le cas d'une euthanasie. Ce dossier contient également les souhaits du patient, ainsi que les rapports ou les avis des différentes personnes consultées.

Le membre estime qu'il va de soi que les résultats de toutes les consultations qui font partie des conditions de base reprises à l'article 3 doivent aussi figurer dans le dossier médical.

Un membre ne souhaite pas se prononcer quant à l'opportunité d'indiquer dans le dossier médical quels médicaments ont été administrés au patient concerné, mais met l'accent sur les dispositions proposées plus loin dans le texte à propos du document d'enregistrement que le médecin doit remplir et envoyer à la commission d'évaluation. Il est proposé qu'une partie soit confidentielle mais que, dans l'autre partie, il soit fait mention d'une série de données comme la nature de l'affection et de la douleur constante et insupportable, les raisons pour lesquelles il n'y avait plus moyen d'apaiser la douleur, la procédure suivie, etc. Bon nombre de renseignements utiles sont donc déjà communiqués à la commission.

Il estime par conséquent que la mention d'une série de renseignements dans le dossier médical proposée dans l'amendement nº 82 n'est pas essentielle. Il importe de savoir si l'on a respecté les conditions prévues par la loi. Les données, dont la transmission à la commission est prévue, offrent la sécurité nécessaire à cet égard.

Un des auteurs de l'amendement nº 82 réplique que cet amendement a aussi pour objectif de vérifier si les conditions prévues par la loi ont bien été respectées et elle peut dans ce sens se rallier à l'intervenant précédent. Elle souligne cependant que la législation proposée règle de nombreux aspects médicaux et suppose une formation particulière des médecins. Toutefois, les auditions ont révélé que bon nombre de médecins ne sont pas informés de l'existence de certains médicaments ni de leurs effets.

Il n'est par conséquent pas si inutile de faire figurer dans le dossier médical ­ qui ne doit pas systématiquement être envoyé à la commission ­ un aperçu global des traitements appliqués au patient concerné. Le cas échéant, cela pourrait servir plus tard au cas où une plainte serait déposée au parquet.

L'intervenant précédent craint qu'en cas d'adoption de l'amendement nº 82, on n'en arrive à une catégorie particulière de « médecins de l'euthanasie », dès lors que les mesures prescrites seront tellement complexes que seuls quelques-uns s'y retrouveront. Il faut absolument éviter d'en arriver là.

En outre, le membre estime que, si la commission d'évaluation a une vue globale de la maladie du patient concerné, de la douleur insupportable, des traitements qui lui ont été administrés, etc., comme c'est prescrit ailleurs dans la proposition de loi, les membres de la commission pourront se forger un jugement sur la décision médicale et sur son opportunité. L'ajout prévu à l'amendement nº 82 n'y changera rien de fondamental.

Amendement nº 217

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 217) visant à remplacer le § 5 de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« § 5. La demande et les souhaits du patient, les avis de l'équipe soignante et des médecins ou tiers consultés ainsi que l'ensemble des démarches du médecin et leur résultat sont consignés régulièrement dans le dossier médical du patient. Celui-ci sera signé par le médecin et visé par un membre de l'équipe soignante qui entoure le patient. »

L'auteur estime que le dossier médical doit occuper une place centrale si l'on veut une législation relative à l'euthanasie qui soit la plus transparente possible. En effet, la plupart des médecins et membres du personnel infirmier consigneront dans le dossier médical toutes les données qu'ils etiment souhaitables. Cela vaut a fortiori quand il s'agit de patients soignés à domicile et qui sont fréquemment en contact avec le médecin traitant. En outre, le dossier médical présente toutes les garanties relatives à la vie privée du patient.

Le texte proposé par l'amendement nº 217 est basé sur la contribution que certains membres des commissions réunies ont apportée et qui a été commentée lors de la discussion générale. En particulier, le visa d'un membre de l'équipe soignante qui entoure le malade garantit que les éléments qui y sont consignés correspondent à la réalité.

Amendement nº 137

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 137) visant à supprimer dans le texte néerlandais, au § 5, les mots « of van zijn gemandateerden ».

Amendement nº 185

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 185) visant à apporter quelques modifications au § 5.

L'auteur principal explique que l'amendement nº 185 propose la suppression du mot « écrite » afin de garantir que non seulement la requête écrite mais aussi les requêtes verbales soient consignées dans le dossier médical. Il propose aussi que les avis de l'équipe soignante, des proches du patient ou de tout autre tiers consulté soient également consignés dans le dossier médical. L'amendement nº 185 souhaite par ailleurs remplacer le mot « régulièrement » par le mot « quotidiennement » car il ne suffit pas que le dossier médical soit complété « régulièrement ». En vue d'assurer une protection optimale au patient, toutes les démarches du médecin faisant suite à la requête du patient ainsi que tous éléments de cette requête que le patient réitère ou modifie, doivent être consignés quotidiennement dans le dossier médical. Enfin, on propose un paragraphe complémentaire prévoyant que les éléments consignés dans le dossier médical doivent également être contresignés par le médecin traitant et par un membre de l'équipe soignante, en vue d'une protection juridique accrue du patient.

Amendement nº 83

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. sénat, nº 2-244/6, amendement nº 83) visant à compléter l'article 3 proposé par un § 6 nouveau, rédigé comme suit :

« § 6. Est puni d'une amende de 1 000 francs, le médecin qui contrevient aux dispositions de l'article 3, § 5, et de l'article 5. »

Un des auteurs estime nécessaire de prévoir des sanctions afin d'inciter les médecins à respecter les conditions qui sont prescrites à l'article 3. Selon le membre, l'envoi du dossier à la commission d'évaluation et, le cas échéant, au parquet, ne suffit pas. Des sanctions particulières sont requises.

Il est inutile de créer des conditions légales si l'on n'indique pas ce qui se passera dans le cas où elles ne sont pas respectées. En effet, on entend dire trop souvent que les médecins ont tendance à suivre leur propre déontologie sans se soucier de l'attitude du législateur. C'est choquant. Dans une démocratie, le législateur doit placer des balises et les faire respecter.

L'oratrice admet que les amendes ne constituent peut-être pas le type de sanction le plus indiqué. Elle souhaite néanmoins que la loi prévoie des sanctions claires.

Un membre précise que cette loi a justement pour objectif d'indiquer dans quels cas il n'y a pas délit. On ne touche à aucune des sanctions prévues actuellement par le Code pénal.

Un des auteurs de l'amendement nº 83 demande ce qu'il advient si un patient atteint d'une douleur insupportable et inapaisable demande l'euthanasie de manière répétée et mûrement réfléchie mais que le médecin n'a pas respecté toutes les prescriptions formelles, telles l'obligation de compléter intégralement le document d'enregistrement.

L'orateur précédent répond que, dans ce cas, la procédure pénale actuelle reste entièrement d'application.

Un autre membre ajoute que le parquet décidera, comme c'est déjà le cas actuellement, s'il doit intervenir et de quelle manière. Il estime que l'amendement nº 83 proposé contraste fortement avec le respect de la vie, qui est, pour certains, inviolable. Cet amendement permettrait à un médecin qui pratique l'euthanasie sans respecter la loi proposée de s'en tirer avec une amende de 100 000 francs. Ce n'est pas sérieux. Il vaut mieux laisser au parquet le soin de choisir l'attitude à adopter et les peines appropriées, comme c'est le cas aujourd'hui.

Un membre estime que l'opinion exprimée par les orateurs précédents ne tient pas debout juridiquement. En effet, la loi pénale actuelle ne dit rien des conditions et procédures proposées aujourd'hui. On trouve dans le droit pénal le principe de légalité : si la loi ne prévoit pas de sanction pour des actes qualifiés de délits, il ne peut être question d'imposer une peine. C'est ici qu'apparaît la véritable intention des auteurs de la proposition de loi : édicter des conditions qui n'en sont pas puisque leur violation n'entraîne aucune sanction.

Les auteurs invoquent alors la figure juridique de l'état de nécessité comme un deus ex machina juridique qui permet à un juge pénal de ne pas sanctionner un médecin qui a violé les conditions légales parce qu'il était confronté à un conflit de droits fondamentaux. On affirme pourtant depuis un an que ceux qui prétendent depuis le début que l'état de nécessité constitue l'instrument juridique permettant de légaliser l'euthanasie, sont des charlatans.

Il faut croire que les auteurs de la proposition nº 2-244 se trouvent eux-mêmes en état de nécessité et qu'ils doivent maintenant se sortir de l'impasse juridique dans laquelle ils se sont retrouvés.

Pour être clair, un des auteurs de l'amendement nº 83 souligne que celui-ci n'a pas pour objectif de supprimer les sanctions pénales existantes, mais que les peines proposées viennent en complément pour l'application spécifique de la présente proposition de loi. Cet amendement ne prend donc pas du tout à la légère le respect de la vie, comme voudrait le faire croire un orateur précédent.

Un orateur précédent fait allusion aux dispositions insérées dans le Code pénal concernant l'interruption de grossesse et qui prévoient des sanctions lorsque l'on commet le délit. Sont également mentionnées les conditions ­ relatives à l'information, à la prise en charge de la femme enceinte, etc. ­ dans lesquelles il n'y a pas délit.

La même technique est aujourd'hui appliquée à l'euthanasie. La proposition d'article 3, § 1er, prévoit en effet : « Le médecin qui applique l'euthanasie ne commet pas de délit lorsqu'il constate que ... ». Lorsque le médecin ne respecte pas ces conditions, il commet un délit et il peut être poursuivi, le cas échéant. La seule différence réside dans le fait que le Code pénal mentionne explicitement l'interruption de grossesse alors que l'on propose aujourd'hui une loi spéciale.

Amendement nº 44

M. Vandenberghe et Mme van Kessel déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 44) visant à remplacer intégralement l'article 3.

Un des auteurs explique que cet amendement donne aux soins palliatifs la place qu'ils méritent, à l'article 3. Il montre la logique globale des amendements nºs 42 et suivants destinés à remplacer la totalité de la proposition de loi, selon laquelle l'article 3 règle une toute autre matière que l'article 3 de la proposition de loi nº 2-244.

Amendements nºs 1J, 115 C et 227

Il y a lieu de se reporter à la discussion reprise sous le chapitre « Problématique de la femme enceinte (amendements à l'article 3, et amendements relatifs à un article 4bis nouveau) ».

Amendements nºs 59 et 102

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 59) visant à remplacer le chapitre II par le texte suivant :

« Chapitre II

Des conditions de protection en cas de traitement analgésique et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical

Article 3

La décision d'arrêter ou de s'abstenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique justifié du point de vue de l'état actuel du savoir médical et ayant pour effet d'abréger la vie, ne peut être prise qu'à la condition d'être conforme à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir que :

1º le patient a été informé de la décision envisagée et y a donné son assentiment;

2º un confrère médecin au moins a été consulté dans le cas où le patient n'était pas en état d'exprimer sa volonté;

3º la personne de confiance, désignée par le patient même, ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée et ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

L'article 76bis, alinéa 4, du Code civil est applicable. »

Selon l'une des cosignataires, la proposition de loi veut créer un cadre légal assurant la transparence en matière d'euthanasie et garantissant le respect des droits du patient et la sécurité juridique des médecins. La proposition prévoit le respect d'une série de procédures strictes que le médecin doit observer pour qu'il n'y ait pas délit.

Il existe cependant toute une série de situations où des décisions médicales, bien qu'ayant pour conséquence d'abréger la vie, ne sont pas considérées comme des euthanasies. Il serait regrettable de ne pas imposer à ce type de pratiques médicales des conditions offrant des garanties comparables à celles prévues pour les demandes d'euthanasie.

Tel est l'objet de l'amendement nº 59.

En ce qui concerne l'amendement nº 102 de Mme Nyssens (doc. Sénat nº 2-244/7), qui est un sous-amendement à l'amendement nº 59, l'auteur se réfère à sa justification.

Un membre se dit favorable à une législation réglementant la tenue du dossier médical et l'encadrement thérapeutique en fin de vie. Ces principes ne sont cependant pas à leur place dans une loi sur l'euthanasie.

Pour l'un des cosignataires de l'amendement nº 59, comme l'a souligné le comité consultatif de bioéthique, il existe un lien direct entre l'euthanasie et les décisions médicales susceptibles d'abréger la vie. Il y a en effet un risque de glissement d'actes d'euthanasie soumis à des procédures très strictes de contrôle vers des pratiques médicales nettement moins contrôlées ayant pour effet d'abréger la vie du patient.

Un autre des cosignataires se rallie à ce point de vue : le principe des vases communicants va jouer entre les deux matières. Si l'on réglemente l'euthanasie, il faut également prévoir un minimum de règles relatives aux pratiques médicales abrégeant la vie, pour assurer un véritable contrôle sur l'ensemble de la problématique de la fin de vie.

Un membre déclare qu'il a toujours été favorable à une loi qui traiterait de manière globale l'accompagnement de fin de vie et l'exception d'euthanasie. Cette approche n'était pas partagée par la majorité des commissaires. L'intervenant remarque cependant que l'examen de la proposition de loi relative à l'euthanasie est lié à celui de deux autres propositions, l'une portant création d'une commission d'évaluation de la loi sur l'euthanasie et l'autre relative aux soins palliatifs.

Il sera possible de rencontrer les objectifs des amendements nº 59 et 102 lors de la discussion de ces deux propositions, ainsi que de la proposition de loi relative aux droits du patient. De même, il faudra veiller à ce que la définition de la mission de la commission de suivi soit suffisamment large pour que celle-ci puisse examiner la fin de vie dans son ensemble sans être limitée à l'examen des seuls cas d'euthanasie déclarés.

Amendement nº 48

Mme Nyssens et M. Thissen ont déposé un amendement tendant à remplacer l'article 3 de la proposition à l'examen (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 48). Pour la discussion et le vote de cet amendement, voir supra, la discussion et les votes relatifs à l'article 1erbis.

Amendements nºs 111 et 112

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement nº 111 (doc. Sénat nº 2-244/8) ayant pour but de n'autoriser l'acte euthanasique que dans des circonstances exceptionnelles constituant un état de nécessité.

L'amendement cherche à remplacer l'invocation de la détresse subjectivement ressentie par le patient par une notion plus objective. La demande d'euthanasie ne peut être prise en considération que lorsqu'il existe des raisons médicales suffisamment graves compte tenu de la douleur intolérable et impossible à traiter dont souffre le patient.

Il est également proposé de renforcer la procédure de contrôle en obligeant le médecin à transmettre dans les 24 heures du décès un rapport écrit à un spécialiste en médecine légale, lequel vérifiera que toutes les conditions ont été respectées. Le cas échéant, le spécialiste en médecine légale informe le procureur du Roi si les conditions justifiant un acte d'euthanasie n'ont pas été remplies.

Les mêmes auteurs déposent ensuite un amendement subsidiaire nº 112 (doc. Sénat nº 2-244/8) qui reprend les dispositions de l'amendement nº 111, à l'exception des règles de procédure qui devraient être réglées à un autre endroit.

Un membre fait observer que personne n'est jusqu'à présent parvenu à donner une définition objective de la douleur. L'intervenant pense que la douleur, sa nature, son intensité, ... ne sont évaluables que par celui qui souffre. Il est dès lors le seul à pouvoir apprécier cette douleur qui est à la base de la demande d'euthanasie.

Le commissaire pense par ailleurs que la procédure proposée dans l'amendement nº 14 (doc. Sénat nº 2-244/4) offre des garanties suffisantes de contrôle a posteriori.

Amendements nºs 1 (A à I) et 6

M. Vankrunkelsven constate que ses amendements nº 1 (A à I) (doc. Sénat nº 2-244/2) est devenu sans objet à la suite de l'amendement nº 14.

Il dépose un amendement nº 6 (doc. Sénat nº 2-244/3) visant à étendre au mineur âgé de 16 ans le droit de demander l'euthanasie lorsqu'il est apte à apprécier ses intérêts. L'auteur estime que cette proposition s'inscrit dans la logique d'autres propositions voulant reconnaître au patient de 16 ans le droit d'accepter ou de refuser des actes médicaux.

Un membre partage les préoccupations de l'intervenant précédent et se dit conscient des problèmes humains qui se posent pour les mineurs confrontés à ce type de situation. Il fait cependant remarquer que la proposition de loi permet au majeur ou au mineur émancipé d'introduire une demande d'euthanasie, ce qui prouve que les auteurs tentent de prendre en compte, au maximum, ce que vise l'amendement nº 6.

Le commissaire estime qu'il n'est pas possible, dans la définition des conditions, de faire référence à une condition d'âge. Il faut se référer à des notions juridiques clairement définies. Par conséquent, il n'est pas souhaitable d'élargir vers le bas le champ des personnes pouvant demander l'euthanasie, car cela impliquerait l'abandon du recours aux notions juridiques de patient majeur ou mineur émancipé. Cela poserait également des problèmes délicats pour concilier les droits du mineur avec ceux des personnes exerçant l'autorité parentale.

Pour l'orateur, seule la notion d'état de nécessité permet d'apporter une réponse à la situation des mineurs non émancipés.

Une autre membre se rallie à la position défendue par l'orateur précédent. L'intervenante se réfère aux débats menés aux Pays-Bas concernant les demandes d'euthanasie formulées par des mineurs, où une telle possibilité est prévue pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, en accord avec les parents. La commissaire se déclare favorable, sur le fond, à une telle solution mais estime qu'elle n'est, en l'état actuel des débats, politiquement pas réaliste.

Un autre membre encore est très sensible à la situation des mineurs, notamment en matière d'euthanasie. Il faut, dans de telles situations, davantage tenir compte de l'avis et du vécu des enfants, même de moins de 16 ans. L'intervenante se dit favorable à la possibilité pour le médecin de donner suite à une demande d'euthanasie d'un mineur ­ même de moins de 16 ans ­ à condition d'associer les parents au processus de décision. Il serait tout à fait prématuré de reconnaître au mineur le droit de demander, de manière autonome, au médecin de pratiquer un acte euthanasique ou l'assistance au suicide sans l'accord explicite des parents.

L'auteur de l'amendement nº 6 fait remarquer qu'il n'a pas voulu lancer le débat de l'euthanasie des enfants. Il souhaite simplement élargir le groupe des patients pour lequel le médecin peut donner suite à une demande d'euthanasie en abaissant la limite d'âge à 16 ans. L'intervenant considère que la place et le rôle des jeunes dans la société actuelle plaident en faveur d'une plus grande autonomie laissée au mineur se trouvant dans une situation médicale sans issue et victime d'une souffrance insupportable.

Il faut que le mineur âgé de 16 ans puisse décider, de façon autonome, de demander l'acte euthanasique, même à l'encontre de la volonté de ses parents, tout en veillant à ce que ceux-ci soient associés à la décision. L'intervenant fait un parallèle avec la législation sur l'avortement qui n'exige pas l'accord des parents lorsque la demande émane d'un mineur.

Un membre dit avoir toujours été favorable à l'octroi de droits plus étendus aux mineurs âgés de 16 ans, notamment en matière politique. Il se bat pour que l'on accorde le droit de vote aux jeunes dès l'âge de 16 ans mais il existe une résistance sociale importante à l'encontre de telles avancées. Selon l'intervenant, cet exemple illustre à suffisance combien il est délicat d'abaisser la limite d'âge de 18 à 16 ans lorsque l'on veut responsabiliser les jeunes plus tôt en leur octroyant une plus grande autonomie.

Sur le fond, le commissaire se dit favorable à l'amendement proposé. Il pense cependant qu'il est prématuré que le législateur se prononce sur ce point. L'intervenant est convaincu que la reconnaissance du droit à l'euthanasie pour les personnes majeures est largement admise dans l'opinion publique. Il doute cependant qu'il y ait un même consensus au sein de la société civile pour abaisser la limite d'âge comme le propose l'amendement nº 6.

Par ailleurs, même si la nouvelle loi ne reconnaît pas de droit à l'euthanasie pour les patients entre 16 et 18 ans, le membre pense que les pratiques existantes continueront d'exister et qu'il est possible qu'un médecin, conformément à sa déontologie, face à une situation sans issue et de souffrance insupportable d'un mineur, estime qu'un acte euthanasique doit être posé. Le médecin ne bénéficiera pas de la protection de la nouvelle loi, mais sa situation ne sera pas différente de celle à laquelle il est confronté aujourd'hui face à des demandes d'euthanasie.

Pour un autre membre, il y a une différence fondamentale entre la discussion relative à l'amendement nº 6 et celle de l'amendement nº 227. Pour les femmes enceintes, si le texte est voté en l'état, sans adopter l'amendement nº 227, elles tombent sous le coup de la nouvelle loi. Par contre, pour les mineurs non émancipés de 16 à 18 ans, si l'amendement nº 6 n'est pas adopté, ils restent en dehors du champ d'application de la loi.

L'intervenant estime que la population interpréterait très mal le fait que l'on ouvre le droit à l'euthanasie à cette catégorie de patients. Les opposants à la proposition ne manqueraient pas d'en tirer argument pour soutenir que la loi sur l'euthanasie va beaucoup trop loin et qu'elle ne constitue qu'un premier pas vers une banalisation de l'euthanasie. Pour ces raisons, le commissaire s'aligne sur les préopinants et propose de ne pas retenir l'amendement nº 6.

L'auteur de ce dernier amendement pense que le législateur doit prendre ses responsabilités sur la question du droit à l'euthanasie des mineurs de 16 à 18 ans sans attendre une évaluation de la nouvelle loi, ce qui retarderait de plusieurs années une avancée importante en matière de droits des mineurs. L'intervenant pense également que l'argument selon lequel la situation des mineurs doit être réglée par référence à la déontologie du médecin et l'état de nécessité est dangereux : si le régime juridique actuel offre une solution suffisante pour les cas d'euthanasie de mineurs, pourquoi faut-il alors régler légalement l'euthanasie pour les majeurs ?

Une membre recommande la plus grande prudence avant de légiférer en matière d'euthanasie de mineurs. Des contacts qu'elle a eus avec des praticiens des monde soignant, il est apparu que des enfants en fin de vie ont encore apporté de grandes joies à leur famille et que « la vie jusqu'au bout » a vraiment valu la peine d'être vécue.

Une précédente oratrice souligne que, malgré les progrès des soins palliatifs, dans environ 10 % des cas, la douleur ne peut être combattue efficacement et que des enfants en fin de vie font souvent preuve de beaucoup plus de maturité que de nombreux adultes.

Amendements nºs 30 et 31

M. Destexhe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 30), tendant à remplacer, à l'alinéa 1er, les mots « l'euthanasie » par les mots « de hâter son décès ». L'auteur estime en effet que le terme « euthanasie » prête à confusion.

M. Destexhe dépose un second amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 31), visant à modifier le deuxième alinéa de l'article 3.

Ces amendements ne tenaient cependant pas compte de l'amendement nº 14.

Ils sont dès lors retirés.

Amendements nº 176 A et B

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 176), qui a pour but d'adapter la structure l'article 3 afin d'imposer un dialogue réel entre le patient et le médecin avant de régler, dans la disposition, les conditions de la demande d'euthanasie. L'auteur propose également d'ajouter que le patient doit être lucide.

Amendement nº 186

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 186) qui a pour but d'insérer une disposition dans le Code pénal selon laquelle la loi peut définir les circonstances constitutives de l'état de nécessité qui est, actuellement, une notion jurisprudentielle.

Pour l'un des auteurs, cette solution s'impose d'autant plus que de nombreux problèmes ­ souvent les situations les plus délicates ­ ont été laissés en dehors du champ d'application de la loi sur l'euthanasie (par exemple l'euthanasie des mineurs). Dans toutes ces situations, c'est la notion d'état de nécessité qui sera invoquée pour apprécier l'acte posé par un médecin.

Un membre estime que la proposition de loi réglera la très large majorité des cas d'euthanasie. C'est à dessin que le texte proposé ne fait pas référence à l'état de nécessité. Les auteurs voulaient en effet éviter qu'une interprétation a contrario de la loi rende la notion d'état de nécessité inapplicable à toutes les situations non couvertes par la loi sur l'euthanasie. Dans tous ces cas, l'état de nécessité pourra éventuellement jouer mais cela ne sera pas automatique.

L'un des auteurs de l'amendement nº 186 estime que le texte de l'article 3 proposé présente des garanties purement théoriques du respect des droits du patient. Il n'y a en effet aucune sanction spécifique qui est prévue en cas d'euthanasie pratiquée sans respecter la procédure décrite dans la proposition de loi. Dans ce cas, la sanction serait définie en application du droit commun.

Pour l'intervenant, il est impossible de soutenir qu'il existe aujourd'hui, dans le droit commun, une sanction répondant aux conditions de légalité et de proportionnalité, par rapport à une disposition pénale qui doit encore être votée par le législateur.

Pour un membre, la technique législative retenue dans la proposition est la même que celle qui a été suivie dans la loi du 3 avril 1990 légalisant l'avortement dans certaines conditions. L'article 350, alinéa 2, du Code pénal dispose qu'il n'y a pas d'infraction lorsqu'une interruption de grossesse est pratiquée en respectant certaines conditions. Cet article ne prévoit pas de sanction pénale spécifique lorsqu'une interruption de grossesse est pratiquée sans respecter toutes les conditions requises.

L'intervenant estime que le même système est proposé en matière d'euthanasie et le parquet appréciera lorsque toutes les conditions légales n'étaient pas remplies.

Le précédent orateur fait remarquer que l'avortement a été dépénalisé, ce qui n'est pas la piste proposée pour l'euthanasie. Il conclut cependant, des arguments échangés, que l'intention véritable des auteurs de la proposition est de totalement dépénaliser l'euthanasie dans les faits.

Un précédent intervenant rappelle que le texte proposé stipule qu'il n'y a pas d'infraction si une série de conditions sont remplies. Par contre, si ces conditions ne sont pas toutes remplies, on revient à la situation actuelle.

Pour une autre membre, la loi dépénalisant l'avortement a une structure plus claire que celle de la proposition à l'examen. En effet, l'article 350 du Code pénal pose, à son alinéa 1er, le principe selon lequel l'avortement est une infraction pour ensuite définir, à l'alinéa 2, les conditions dans lesquelles l'avortement peut être admis.

La proposition à l'examen devrait suivre cette structure en rappelant que l'euthanasie est en principe interdite et en prévoyant par la suite les conditions dans lesquelles il n'y a pas d'infraction.

Un membre déclare ne pas comprendre la logique de l'intervenante précédente. Au début des discussions, elle soutenait que la réglementation de l'euthanasie ne pouvait être reprise dans le Code pénal car cela mettrait en péril le principe de l'interdiction de tuer. Maintenant que la proposition entend régler la matière par une loi spécifique, elle reproche aux auteurs de ne pas raccrocher leur texte aux dispositions du Code pénal.

L'un des auteurs de l'amendement nº 186 estime que la solution proposée dans l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts (doc. Sénat, nº 2-244/4) est ambiguë. Comme il n'existe pas de consensus autour d'une dépénalisation de l'euthanasie, les auteurs proposent une solution alternative qui, dans les faits, a la même portée.

Le précédent intervenant répond que l'objet de la proposition à l'examen est bien de dépénaliser l'euthanasie. Il n'y a jamais eu d'ambiguïté sur ce point.

Un membre fait remarquer que l'amendement nº 14 ne touche pas à la qualification pénale de l'euthanasie qui reste considérée comme un meurtre. Par contre, il est prévu que le médecin qui donne suite à une demande d'euthanasie en respectant certaines conditions ne commet pas d'infraction.

L'intervenant constate qu'une partie des commissaires voudrait que le texte de la proposition prévoie des sanctions spécifiques lorsque l'on ne respecte pas une ou plusieurs des conditions imposées pour que l'euthanasie ne soit pas considérée comme une infraction. Le membre rappelle que toutes les conditions légales doivent être respectées pour qu'il n'y ait pas infraction. Si tel n'est pas le cas, on retourne au droit commun.

L'un des auteurs de l'amendement nº 186 estime ce raisonnement juridiquement inexact : si l'on suit l'orateur précédent, le médecin qui aurait pratiqué une euthanasie active en respectant toutes les conditions prévues dans la proposition mais en omettant la déclaration au procureur du Roi serait passible de meurtre. Or, dans les éléments constitutifs du meurtre, il n'est nulle part fait référence à l'obligation d'informer le patient, de consulter un deuxième médecin ... L'intervenant craint dès lors que les euthanasies pratiquées sans respecter les conditions légales débouchent sur l'acquittement de leurs auteurs.

Amendement nº 177

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 177). L'auteur se réfère au texte de son amendement et de sa justification.

Amendement nº 163

M. Dallemagne et Mme Nyssens déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 163) tendant à remplacer au § 1er, 1er tiret, proposé, le mot « formation » par le mot « formulation », qui paraît plus adéquat sur le plan linguistique, et renvoie directement au tiret suivant, qui caractérise la demande.

Amendement nº 174

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 174), qui est subsidiaire à l'amendement nº 163 de M. Mahoux et qui vise à remplacer au § 1er, premier tiret, de l'article 3 proposé, les mots « lors de la formation de la demande » par les mots « lorsqu'il demande l'euthanasie ».

L'amendement nº 174 est retiré.

Amendement nº 175

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 175), visant à rendre plus strictes les conditions dans lesquelles une euthanasie peut être pratiquée. L'auteur souhaite relayer les inquiétudes d'une série l'associations s'occupant de patients qui ne sont pas lucides. Pour clarifier le texte, elle propose de prévoir que la demande d'euthanasie doit émaner d'un patient lucide.

En ce qui concerne l'amendement nº 175C, un membre fait remarquer qu'il n'y a pas concordance entre le texte néerlandais et le texte français de l'article 3, § 1er, premier tiret proposé. Il faut lire, dans le texte français « au moment de la demande » au lieu de « lors de la formation de la demande ».

Amendement nº 183

Mme Leduc présente à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 183) qui a pour but de préciser que la demande d'euthanasie du patient ne peut résulter d'aucune pression extérieure.

Amendement nº 219

M. Dallemagne dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 219) qui vise à améliorer la clarté du texte du § 3. Selon l'auteur, le § 4 proposé vise l'hypothèse dans laquelle le décès n'interviendra pas à brève échéance. A contrario, il faut en déduire que le § 3 proposé vise l'hypothèse d'une situation de fin de vie. Pour clarifier le texte, l'amendement a pour but de préciser que le § 3 vise l'hypothèse dans laquelle le décès interviendra à brève échéance.

Amendement nº 187

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 187), qui a pour but de préciser que les conditions matérielles et les conditions de procédure doivent être remplies simultanément pour que le médecin soit autorisé, par la loi, à pratiquer l'euthanasie.

Amendement nº 192

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 192), qui a pour but de rendre plus larges les causes d'incompatibilité dans le chef du témoin qui doit être présent lorsque le patient formule sa demande d'euthanasie. Le but de l'amendement est d'exclure également les personnes qui ont un intérêt matériel ou immatériel au décès du patient.

Amendement nº 224

Mme Vanlerberghe fait remarquer que le sous-amendement nº 224 (doc. Sénat, nº 2-244/12), qu'elle a déposé avec d'autres commissaires à l'amendement nº 14, deviendra sans objet si les amendements nºs 204 et 206 (doc. Sénat, nº 2-244/12) de Mme de T' Serclaes sont adoptés.

Amendement nº 216

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 216), qui a pour but d'aligner la procédure pour le patient terminal (§ 3) sur celle prévue pour le patient non terminal (§ 4). Il faut que le médecin examine dans les deux cas la situation de manière globale.

Amendement nº 212

Mme Nyssens et M. Thissen déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 212), visant à garantir une plus grande sécurité juridique pour tous les cas d'euthanasie non couverts par la proposition de loi.

Pour les auteurs, il est inacceptable d'autoriser l'euthanasie de patients qui ne sont pas en phase terminale. Ils proposent, pour ces patients, ainsi que pour toutes les situations non visées par la proposition de loi, de faire jouer la notion d'état de nécessité qui seule offre des garanties suffisantes au patient et conserve à l'acte euthanasique son caractère exceptionnel.

Amendement nº 226

Mme Vanlerberghe et consorts déposent à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 226), visant à mieux garantir le recours au deuxième médecin qui sera chargé d'examiner le patient. À cet effet, il est proposé de mentionner l'identité de ce deuxième médecin dans le rapport pour disposer d'une trace écrite.

Amendement nº 228

M. Destexhe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 228), tendant à insérer au § 3, 4º, de l'article 3 proposé, les mots « si telle est la volonté du patient » avant les mots « s'il existe une équipe soignante en contact régulier ».

En effet, il est prévu, au 5º du § 3, de demander l'avis du patient quant à un entretien avec les proches, mais cet avis n'est pas prévu au 4º du § 3, pour l'entretien avec les membres de l'équipe soignante.

L'auteur de l'amendement propose que la même formule soit utilisée dans les deux cas.

Un membre rappelle que l'on a souligné, au cours de la discussion, que le patient doit pouvoir donner son avis à propos de ses proches, mais que l'entretien que le médecin peut avoir avec ses collaborateurs est l'affaire de ce médecin, qui apprécie ce point en âme et conscience.

Ceci est conforme à la logique du texte, qui prévoit également que le médecin peut poser toutes les conditions qu'il juge utiles pour pouvoir assumer sa responsabilité puisque c'est lui qui devra rendre compte de son acte devant le juge.

L'auteur de l'amendement nº 228 conteste cette logique car il estime que, pour certaines matières, le médecin qui décide de consulter l'équipe soignante trahit, en quelque sorte, le colloque singulier qu'il a avec son patient.

Contrairement au précédent orateur, l'intervenant estime que, selon le Code de déontologie médicale, le médecin est l'unique dépositaire des confidences que lui a faites le patient.

Le précédent orateur répond que les collaborateurs du médecin sont évidemment liés par le secret médical.

Le sens du texte est que le médecin essaie de récolter un maximum d'informations et décide, pour ce faire, auprès de quels collaborateurs il le fait pour forger son jugement.

L'auteur de l'amendement nº 228 trouve inadmissible qu'il puisse être passé outre à la volonté qu'un patient exprimerait explicitement que le médecin ne s'entretienne pas de sa demande avec l'équipe soignante.

Votes

L'amendement nº 176 (A et B) de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 186 (A et B) de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 8.

L'amendement nº 109 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 131 de M. Vandenberghe et consorts et rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 132 de M. Dubié est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 96 de Mme Lindekens et consorts est retiré.

L'amendement nº 63 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 72 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 2 et 8 abstentions.

L'amendement nº 156 de Mme van Kessel et M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 113 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 114 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 119 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 5 et 7 abstentions.

L'amendement nº 93 de M. Galand est retiré.

L'amendement nº 155A de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 159 A de Mme De Roeck et consorts est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 177 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 64 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 115A de M. Vankrunkelsven est rejeté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 121 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 154 de M. Vandenberghe est devenu sans objet.

L'amendement nº 161 de M. Galand est retiré.

L'amendement nº 163 de MM. Dallemagne et Thissen est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 174 de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 175 (A, B et C) est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 40 de M. Remans est retiré.

L'amendement nº 105 de M. Remans est adopté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 118 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 122 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 183 de Mme Leduc et consorts est adopté par 19 voix et 7 abstentions.

L'amendement nº 65 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 66 de Mme de T' Serclaes est adopté par 22 voix contre 6.

L'amendement nº 73 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 164 de Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 123 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 152 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 153A de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 153B de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 153C de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 213 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 219 de M. Dallemagne et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 150 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 10.

L'amendement nº 227 de M. Vankrunkelsven est retiré.

L'amendement nº 151 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 110 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 17 voix contre 4 et 7 abstentions.

L'amendement nº 155B de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 160 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 187 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 20 voix contre 8.

L'amendement nº 165 de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 172 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 74 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 20 voix contre 8.

L'amendement nº 173 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 209A de M. Galand et consorts est adopté par 22 voix et 6 abstentions.

L'amendement nº 209B de M. Galand et consorts est adopté par 22 voix et 6 abstentions.

L'amendement nº 127 de M. Dallemagne est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 168 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 34 de M. Galand est retiré.

L'amendement nº 157 de MM. Galand et Dubié est retiré.

L'amendement nº 192 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 149 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 162A de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 126 de M. Dallemagne est rejeté par 16 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 178 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 193 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 194 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11.

L'amendement nº 124 de M. Dallemagne est rejeté par 16 voix contre 11.

L'amendement nº 125 de M. Dallemagne est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 169 de M. Galand et Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 179 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 180 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 181 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 166A de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 133 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 41 de M. Remans est retiré.

L'amendement nº 70 de M. Galand est retiré.

L'amendement nº 71 de M. Galand est retiré.

L'amendement nº 75 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 106 de M. Remans et consorts est adopté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 115B de M. Vankrunkelsven est adopté par 20 voix et 8 abstentions.

L'amendement nº 203 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 148 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 170 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 171 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 10.

L'amendement nº 188 (A, B, C et D) de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 201 de Mme van Kessel et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 202A de M. Vankrunkelsven est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 202B de M. Vankrunkelsven est rejeté par 25 voix contre 2.

L'amendement nº 76 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 7 et 2 abstentions.

L'amendement nº 182 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 208 de MM. Galand et Vankrunkelsven est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 77 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 134 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 17 voix contre 5 et 6 abstentions.

L'amendement nº 204 de Mme de T' Serclaes est adopté par 22 voix contre 6.

L'amendement nº 159B de Mme De Roeck et consorts est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 146 de M. Vandenberghe est retiré.

L'amendement nº 147 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 189 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 7 et 1 abstention.

L'amendement nº 214 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 224A de Mme Vanlerberghe et consorts est retiré.

L'amendement nº 145 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 32 de M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 143 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 190 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 205 de M. Vandenberghe est rejeté par 19 voix contre 8.

L'amendement nº 135A de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 135B de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 15 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 78 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 144 de M. Vandenberghe est devenu sans objet.

L'amendement nº 195 de M. Vandenberghe et Mme van Kessel est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 206 de Mme de T'Serclaes est adopté par 18 voix contre 6.

L'amendement nº 216 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 224A de M. Vandenberghe et consorts est retiré.

L'amendement nº 33 de M. Galand est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 142 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 8 et 4 abstentions.

L'amendement nº 167 de Mme de T' Serclaes et M. Galand est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 191 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 207 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 210 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 54 de Mme Lindekens et consorts est retiré.

L'amendement nº 60 de M. Remans est adopté par 16 voix contre 1 et 11 abstentions.

L'amendement º 79 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 141 de M. Vandenberghe est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 184 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 211 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 6 et 5 abstentions.

L'amendement nº 228 de M. Destexhe est rejeté par 26 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 120 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 80 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 162B de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 139 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 140 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 166B de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 212 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 81 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 138 de M. Vandenberghe est devenu sans objet.

L'amendement nº 128 de M. Galand est rejeté par 16 voix contre 4 et 8 abstentions.

L'amendement nº 162C de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 196 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 21 voix et 6 abstentions.

L'amendement nº 215 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 209C de M. Galand est adopté par 18 voix contre 6 et 3 abstentions.

L'amendement nº 218 de Mme Nyssens et consorts est rejeté par 19 voix contre 8.

L'amendement nº 220 de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 21 voix contre 6 et 1 abstention.

L'amendement nº 223 (A et B) de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 21 voix contre 6 et 1 abstention.

L'amendement nº 225 de Mme Nyssens et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 226 de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 20 voix contre 7 et 1 abstention.

L'amendement nº 222 de Mme De Roeck et consorts est adopté par 18 voix contre 6 et 4 abstentions.

L'amendement nº 224B de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 18 voix contre 6 et 2 abstentions.

L'amendement nº 221 de Mme Leduc et consorts est adopté par 19 voix et 9 abstentions.

L'amendement nº 82 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 8.

L'amendement nº 217 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 12.

L'amendement nº 137 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 185 (A, B, C, D) est rejeté par 18 voix contre 7.

L'amendement nº 209D de M. Galand et consorts est adopté par 19 voix et 6 abstentions.

L'amendement nº 83 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 1 et 7 abstentions.

L'amendement nº 115C de M. Vankrunkelsven est retiré.

L'amendement nº 44 de Mme van Kessel et M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 48 de Mme Nyssens et Thissen est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 59 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 102 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 111 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 112 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 1A de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne est devenu sans objet.

L'amendement nº 6A de M. Vankrunkelsven est rejeté par 22 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 30 de M. Destexhe est retiré.

L'amendement nº 6B de M. Vankrunkelsven est rejeté par 22 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 1B de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne est devenu sans objet.

L'amendement nº 1C de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne est devenu sans objet.

L'amendement nº 31 de M. Destexhe est retiré.

Les amendements nºs 1 D, E, F, G, H, I et J de M. Vankrunkelsven sont devenus sans objet.

L'article 3 contenu à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts, tel que sous-amendé, est adopté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

Corrections formelles

Un membre rappelle qu'il avait été convenu que le terme « requête » serait remplacé par celui de « demande ».

Une autre membre propose quant à elle de remplacer, au § 4, alinéa 2, les mots « van de arts » par les mots « van die arts » (de ce médecin), avant les mots « op het document ».

Les commissions réunies se rallient à ces deux suggestions.

Elles décident également, dans un souci d'uniformité de la terminologie, d'utiliser systématiquement dans le texte néerlandais, les termes « fysiek of psychisch lijden » pour traduire les mots « souffrance physique ou psychique ».

À l'alinéa 1er du § 4, dans le texte français, les mots « par écrit » sont insérés entre les mots « est actée » et les mots « par une personne majeure », afin de mettre ce texte en concordance avec la version néerlandaise du même alinéa.

Enfin, quelques corrections formelles ont été apportées à l'alinéa 2 du même paragraphe, tant en français qu'en néerlandais.

Article 3bis

Amendements nºs 129 et 130

M. Galand a déposé à l'amendement nº 14 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 129) tendant à insérer un article 3bis nouveau, ainsi qu'un sous-amendement à ce sous-amendement nº 129 (doc. Sénat, nº 2-244/9, amendement nº 130), en vue d'y apporter une correction formelle.

Ces amendements sont sans objet, compte tenu de ce qui a été décidé dans le cadre de l'article 3.

Amendement nº 136

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/10, amendement nº 136) visant à insérer un nouvel article 3bis relatif à l'état de nécessité. Cet article insère un nouvel article 72 dans le Code pénal précisant que la loi peut spécifier les circonstances particulières dans lesquelles l'état de nécessité peut être invoqué.

L'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) prévoit : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »

La Commission européenne des droits de l'homme a explicitement reconnu que cet article impliquait pour l'État non seulement une obligation négative d'entretien, mais aussi une obligation positive de prestation, à savoir le devoir pour l'État de protéger la vie (CEDH, 12 juillet 1978, nº 7154/75, DR, 14, p. 31).

Chaque fois qu'il est question de fin de vie, c'est donc l'article 2 qui est en cause. Lorsque l'État omet de prendre les mesures adaptées en vue d'écarter une menace imminente sur la vie ou qu'il ne poursuit pas les auteurs d'un meurtre, il peut être condamné pour violation de la CEDH.

Le « droit à la vie » n'appartient pas à l'être humain. L'être humain ne peut pas y renoncer. (Cf. Velaers, J., Het leven, de dood en de grondrechten. Juridische beschouwingen over zelfdoding en euthanasie, in « Over zichzelf beschikken ? Juridische en ethische bijdragen over het leven, het lichaam en de dood », Maklu, 1996, p. 477.)

En termes juridiques, cela signifie que le droit naturel à la vie est « d'ordre public ». La protection pénale de la vie l'est également. L'être humain ne peut accepter de créer une immunité pénale pour celui qui le prive de sa vie. L'autorisation de la victime ne constitue pas une cause de justification. Prétendre que l'article 2 de la CEDH ne fournit aucune raison d'empêcher l'individu de se priver de sa propre vie ni de demander qu'une autre personne lui vienne en aide pour ce faire, est une interprétation qui passe outre à ce caractère d'ordre public.

Le Conseil de l'Europe l'affirme explicitement dans sa recommandation 1418 (1999) relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants.

Le Conseil y demande explicitement que les États membres :

« 9. c) maintiennent « l'interdiction de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants:

i. vu que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, est garanti par les États membres, conformément à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que la « mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement »;

ii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers;

iii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort. »

Certains affirment que, lorsqu'on juge un acte mettant fin à la vie de manière active et intentionnelle (« euthanasie ») à la lumière de la CEDH, il ne faut pas seulement tenir compte de l'article 2 de la CEDH qui oblige l'État à protéger la vie, mais aussi de l'article 3 qui stipule explicitement que personne ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.

On peut évidemment se demander si la souffrance d'un malade incurable peut être considérée comme un « traitement inhumain ou dégradant » dont l'État serait responsable. En effet, la souffrance n'est-elle pas exclusivement due à la maladie, à la « condition humaine » ?

D'autre part, il se peut que la pénalisation de l'euthanasie ait pour conséquence indirecte que l'on ne puisse répondre à la demande de certains patients, soumis à une souffrance inhumaine que ni les autres analgésiques ni les soins palliatifs ne peuvent apaiser, de les libérer de leur souffrance. D'un point de vue juridique, on peut alors considérer ce refus comme un traitement inhumain.

À la fin d'une vie humaine, l'État se trouve face à un dilemme. La CEDH lui impose une double obligation : d'une part, protéger la vie (article 2 de la CEDH) et d'autre part préserver l'être humain de traitements inhumains et dégradants (article 3 de la CEDH). Lorsqu'un patient mourant endure une souffrance inhumaine qui ne peut être apaisée par des analgésiques ou des soins palliatifs, mais uniquement par un acte euthanasique, l'État se voit dans l'impossibilité de réconcilier les deux droits fondamentaux : la protection de la vie et l'interdiction des traitements inhumains ou dégradants.

La légitimation de l'euthanasie dans des cas exceptionnels n'est donc pas une question d'autodétermination, de liberté personnelle ni d'autonomie morale. Elle peut découler de l'impossibilité pour l'État de garantir simultanément deux droits fondamentaux dans certaines situations.

La CEDH ne propose pas de solution à ce conflit de droits fondamentaux. Il n'est pas question d'une prééminence de principe d'un droit sur l'autre.

Ce conflit correspond pourtant à la forme juridique de l'état de nécessité, qui apparaît également dans le droit pénal belge. Il y a état de nécessité lorsque la loi pénale est enfreinte en vue de préserver une valeur « supérieure » à la valeur protégée par la disposition pénale qui est enfreinte. (Van den Wyngaert, C., « Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen », Antwerpen, Maklu, 1991, I, p. 201). La personne qui sauve un bien aux dépens d'un autre de moindre valeur, n'agit donc pas illégalement, pour autant que le comportement délictueux constitue le seul moyen de préserver le bien de valeur supérieure (Dupont, L. en Verstraeten, R., « Handboek Belgisch Strafrecht », Acco, p. 229).

La Cour de cassation a explicitement reconnu cette théorie dans son arrêt du 13 mai 1987 :

« Considérant que l'arrêt se basait sur l'état de fait de l'affaire sans préjudice des articles 71 ou 458 du Code pénal, elle a pu décider que l'état de nécessité allégué par une personne ne peut être écarté, dès lors que, eu égard à la valeur respective des devoirs en conflit et en présence d'un mal grave et imminent pour autrui, cette personne a pu estimer qu'il ne lui était pas possible de sauvegarder autrement qu'en commettant les faits qui lui sont reprochés, un intérêt plus impérieux qu'elle avait le devoir ou qu'elle était en droit de sauvegarder avant tous les autres. »

Dans le cas concret d'un médecin qui met intentionnellement fin à la vie d'un patient à la demande de celui-ci, « l'état de nécessité » suppose que le médecin a un problème de conscience. Des circonstances particulières le placent face à un conflit de devoirs : le devoir de respecter la vie contre le devoir d'apporter une aide jusqu'au bout. En raison de ces circonstances particulières ­ par exemple la souffrance insupportable et l'échec de tous les moyens de maîtrise des symptômes ­, apporter une aide peut signifier dans un cas concret mettre fin à la vie, c'est-à-dire poser un acte en contradiction avec le premier devoir. Le médecin jugera. Ce faisant, il pourra estimer en âme et conscience que les circonstances particulières susmentionnées constituent des raisons suffisamment sérieuses pour opter à titre exceptionnel pour le deuxième devoir.

Il convient de faire remarquer que l'état de nécessaire se rapporte à un problème de conscience dans le chef du médecin (contrairement à la notion de « situation de détresse » dans la loi relative à l'avortement de 1990, qui recouvre un état physique ou psychique de la femme enceinte tel que perçu par cette femme).

Le fait que le patient invoque de manière purement subjective une situation de détresse ressentie de manière subjective, suivie d'actes procéduraux, ne peut toutefois suffire à enlever à l'euthanasie son caractère punissable : le médecin doit réellement se trouver dans un état de nécessité, eu égard à la situation du patient, avant de renoncer à la protection de la vie au bénéfice de la dignité du décès du patient. M. Messine, conseiller d'État, a eu raison de dire lors des auditions que les raisons jouent un rôle plus important que les conditions.

Le professeur Adams affirmait aussi clairement que le droit pénal est plus qu'un objectif ou un moyen : il implique un jugement moral et fixe la norme éthique. L'euthanasie ne constitue pas une « simple » option thérapeutique parmi d'autres traitements médicaux. Si c'était le cas, le médecin ne pourrait pas refuser une demande d'euthanasie. Puisque l'euthanasie n'est pas une simple option thérapeutique, le Code pénal doit continuer de l'interdire.

Si on le lit parallèlement à l'article 3, l'article 2 de la CEDH n'exclut cependant pas qu'on puisse légiférer en matière d'euthanasie. Pour respecter l'article 2 de la CEDH, le législateur ne peut dépénaliser l'euthanasie. Il peut par contre donner une forme juridique au conflit entre droits fondamentaux contenus dans les articles 2 et 3 de la CEDH en définissant plus précisément la figure juridique qui y correspond, à savoir « l'état de nécessité » dans le cadre de la demande du patient de mettre intentionnellement fin à sa vie. C'est la portée de la proposition de loi visant à protéger les droits et la dignité de l'homme à l'approche de la mort (doc. Sénat, nº 2-160/1) ainsi que de l'amendement nº 113 déposé dans le cadre de la présente proposition de loi.

Le membre ne souhaite pas que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la Belgique à cause d'une législation relative à l'euthanasie qui serait contraire à la CEDH. C'est pourquoi il vaut mieux faire preuve d'une certaine rationalité juridique en tenant compte des points de vue exprimés lors des auditions. La loi doit en effet protéger la vie et ne peut être soumise aux jugements individuels. Pour le surplus, l'orateur renvoie à la justification écrite de l'amendement nº 136 et aux explications fournies à cette occasion.

Un membre ne partage absolument pas le point de vue de l'orateur précédent qui affirme que l'euthanasie serait un produit commercial. C'est une gifle pour le patient qui endure une souffrance physique ou psychique et se trouve dans une situation telle que la médecine ne peut plus rien pour lui. Lorsque les ressources du patient sont épuisées, celui-ci peut, selon le membre, demander l'euthanasie. Il convient de se montrer compréhensif à son égard.

Un autre membre rappelle ce qu'il a déjà exposé à propos de la compatibilité d'une éventuelle loi sur l'euthanasie avec la CEDH.

En ce qui concerne tout d'abord les résolutions du Conseil de l'Europe, il faut souligner que celui-ci, auquel l'intervenant est d'ailleurs délégué pour la deuxième fois, est une assemblée de parlementaires venant de tous les horizons. Il vote des résolutions dépourvues de valeur autre que morale et politique.

Ce qui compte au niveau du Conseil de l'Europe, ce sont les textes législatifs qui sont approuvés par l'assemblée, comme la CDH, la convention européenne de bioéthique, pour autant qu'elles soient signées et ratifiées par un certain nombre d'États membres.

En ce qui concerne l'article 2 CEDH, l'intervenant a déjà expliqué pourquoi il estimait que cette disposition ne fait pas obstacle à une législation sur l'euthanasie, puisque toute la protection imposée par cette convention est conçue par rapport à l'intervention de l'État à l'égard des citoyens. Lorsqu'on parle de traitements inhumains et dégradants, lorsqu'il est prévu que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi, c'est pour empêcher que les États ne prennent à l'encontre des citoyens, des mesures aboutissant au décès de la personne.

Il s'agit, notamment, d'interdire la peine de mort, ce qui a d'ailleurs entraîné une modification du Code pénal belge.

La CEDH ne vise pas du tout la protection de l'individu par rapport à des demandes qu'il formulerait lui-même dans le cadre de systèmes législatifs qui seraient mis au point et où l'acte serait d'ailleurs posé, non par l'État, mais par une personne individuelle, en l'occurrence le médecin.

Cela est tellement vrai que jamais la Cour n'a statué dans le domaine de l'avortement, alors même que certains parlementaires ont considéré que l'avortement était un crime, en donnant un statut à l'embryon.

La même observation vaut pour l'euthanasie. Les Pays-Bas n'ont fait l'objet d'aucune condamnation, alors qu'on l'y pratique depuis longtemps.

Du reste, dans les pays où l'on commence à débattre de la question, comme la France ou la Suisse, ce n'est pas l'argument tiré de la CEDH qui est avancé au premier chef, mais bien les arguments que l'on connaît et qui sont invoqués ici depuis un an et demi.

On verra ce qui se passera, si la loi est votée et qu'un recours est introduit, mais l'intervenant se dit convaincu que la Cour de Justice n'interviendra pas dans ce domaine, non seulement parce que la CEDH ne vise pas ce type de situation, mais, en outre, parce que l'évolution des instances européennes va plutôt vers le respect de l'autonomie sociétale de chacun des pays, conformément à une sorte de principe de subsidiarité. La conception de la vie et de la mort peut évidemment être très différente d'un pays à l'autre. Dès lors, moins que jamais on en arrivera à créer une homogénéité sociétale dans des débats aussi pointus que celui-ci.

Cela apparaît clairement en matière de bioéthique où la tentative ­ à laquelle l'intervenant a participé ­ du Parlement européen et de la Cour européenne de mettre au point un système de brevet européen sur le vivant est déjà battue en brèche par certains pays, au nom de la vision qu'ils ont de leur propre autonomie, dénient à l'Union européenne le droit de légiférer dans ce secteur. C'est là tout le débat entre, d'une part, la libre circulation et, d'autre part, l'aspect subsidiaire, en se fondant sur des éléments de santé ou sociétaux.

De même, dans des domaines comme celui du mariage, ou du statut des homosexuels, il faudrait, pour des raisons d'égalité, tendre à une certaine harmonisation.

Cependant, là aussi, chaque pays réagit en fonction de sa propre population et de ses élus, et l'on n'est pas encore arrivé à une homogénéité dans la vision d'un certain nombre de problèmes éthiques qui sont du même type.

C'est pourquoi la Cour a toujours évité d'intervenir dans ces domaines et d'en débattre, en utilisant des arguments de procédure, d'intérêt pour agir, etc.

L'intervenant rappelle également son exposé antérieur sur la notion de dignité de l'être humain, à laquelle il faut donner un contenu juridique, et qui entre en conflit avec l'idée que l'État doit protéger la vie de la personne humaine.

À partir du moment où quelqu'un ne veut pas continuer à vivre, parce qu'il estime que cela porte atteinte à sa propre dignité, il y a là un conflit de valeurs. À moins de ne pas donner à cette notion de dignité et d'autonomie le moindre sens juridique ­ mais alors, pourquoi l'indiquer dans toutes les conventions internationales depuis 1948 ­ il faut respecter la volonté de la personne.

L'intervenant estime donc que l'argument tiré de l'incompatibilité de la législation en préparation avec les conventions internationales doit être écarté.

En ce qui concerne la notion d'état de nécessité, il s'agit d'une conception fondamentalement différente de celle qui inspire la proposition.

L'intervenant renvoie à tout ce qui a été dit précédemment à ce sujet.

Il appartient aux parlementaires de choisir mais, si l'on s'en tient à l'article 3 tel qu'il a été adopté, cette conception n'a pas été retenue.

Un membre reconnaît qu'il peut paraître étonnant, du point de vue de la sociologie du droit au niveau européen, que l'on ne veuille pas défendre des valeurs communes en certaines matières.

Cette attitude tranche singulièrement avec les grands discours que l'on entend sur la construction de l'Europe.

Il est cependant souhaitable que les pays de l'Union continuent, en dépit de leurs différences, à participer à une même culture, si l'on veut aussi continuer à donner un sens à la CEDH ­ qui fait partie de notre ordre juridique ­ au moment où de plus en plus de pays veulent adhérer à cette convention.

L'intervenante ne veut pas préjuger de la manière dont la Cour européenne pourrait un jour se prononcer sur la législation en préparation.

En ce qui concerne l'article 3bis proposé par l'amendement en discussion, l'intervenante estime qu'il s'agit d'une solution intéressante, qui aurait pu, en ce qui concerne la phase terminale, aboutir à un large accord et aurait également pu servir dans d'autres débats.

On sait que les causes de justification aboutissent au résultat que l'auteur de l'acte n'est pas sanctionné.

Le mérite de cette solution juridique originale, quelque peu inspirée par l'audition du professeur Dalcq, était de reprendre enfin la notion d'état de nécessité dans le Code pénal, et de renvoyer à une loi particulière pour spécifier les circonstances dans lesquelles une cause de justification telle que l'état de nécessité pouvait être invoquée, en exprimant le conflit de valeurs sans objectiver l'état de nécessité dans le Code pénal dans une matière particulière comme celle de l'euthanasie.

Par rapport aux textes initiaux déposés tant par l'auteur de l'amendement que par l'intervenante, cette solution est meilleure, puisque certains prétendent qu'en objectivant l'état de nécessité, on le supprime et on prévoit simplement une autorisation de la loi.

Un intervenant souligne que c'est précisément au nom des droits de l'homme que la proposition a été déposée. En outre, ceci montre les différences qui existent entre les conceptions des uns et des autres. Ces conceptions paraissent inconciliables puisque les points de vue développés sont diamétralement opposés.

Enfin, en ce qui concerne la construction Européenne, les six auteurs sont défenseurs d'une Europe qui respecte les droits de l'homme et qui soit une Europe de tolérance par rapport à l'opinion des uns et des autres.

La proposition de loi à l'examen ne fait obligation à personne d'adhérer son contenu, mais permet à ceux qui le jugent nécessaire pour des raisons d'humanité de bénéficier de son application.

Elle tente de concilier la nécessaire protection de l'individu, et le respect de son autonomie et de sa dignité.

Un autre membre pense que chacun ­ sauf peut-être les partis non démocratiques ­ défend une Europe soucieuse des droits de l'homme et du respect du pluralisme philosophique et idéologique.

C'est d'ailleurs le sens même de la CEDH dans son ensemble, qui appartient au patrimoine commun de tous les Européens, bien au-delà de l'Europe institutionnelle que nous connaissons.

C'est du reste au niveau du Conseil de l'Europe que des débats éthiques sont menés, avec toute la tolérance et l'écoute mutuelle que cela suppose.

Les propos du précédent intervenant laissent supposer qu'il y aurait, d'un côté, ceux qui défendent la tolérance et, de l'autre, ceux qui ne le feraient pas.

L'intervenante estime que le débat ne se situe absolument pas dans cette perspective.

Vivre dans une société pluraliste suppose chez chacun une tolérance par rapport aux conceptions des autres.

Les débats au Conseil de l'Europe se déroulent dans cette perspective pluraliste.

Les rares pays non européens qui ont légiféré soit en matière d'euthanasie, soit en matière de suicide assisté, se sont entourés de précautions extrêmes et se limitent à la phase terminale. La loi australienne met les soins palliatifs en avant dans la procédure.

Une intervenante revient à la démonstration d'un précédent orateur à propos du devoir des États de respecter les droits de l'homme.

On pourrait dire qu'à l'heure actuelle, faute de législation, notre État ne remplit pas cette obligation.

On sait qu'à l'heure actuelle, l'euthanasie se pratique en dehors de toute norme, et que, dès lors, les citoyens ne sont pas protégés.

Un membre fait remarquer que, dans la recommandation 1418 (1999) du Conseil de l'Europe, on parle de « l'interdiction absolue de mettre intentionellement fin à la vie ». D'après cette formule, l'état de nécessité est dès lors également inadmissible. La recommandation dit ensuite que le désir de mourir « ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers ». Cet extrait ne mentionne pas non plus l'état de nécessité comme exception possible. C'est vrai également pour le passage qui précise que le désir de mourir « ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort ».

Le membre n'est pas d'accord avec ceux qui donnent plutôt la priorité à un dogme général ­ le respect de la vie ­ plutôt qu'aux personnes. L'orateur souhaite en outre défendre explicitement, conformément à la CEDH, le « droit à la vie » tout en étant d'avis qu'il n'est nulle part question d'une « obligation de vivre ».

Une précédente oratrice déclare qu'il ne s'agit pas de s'engager dans une discussion de principe sur le droit à la vie. Il s'agit, dans la CEDH, du respect de l'intégrité physique, qui est un principe fondamental et intangible, protégeant l'individu contre des atteintes malfaisantes à sa propre vie. Est en discussion le fait que la personne elle-même, par exemple, ne souhaite plus vivre. C'est le cas du suicide qui, dans notre droit, n'est pas punissable.

Le professeur Dalcq a fait une démonstration juridique intéressante à ce sujet, considérant que l'assistance au suicide n'était pas punissable, puisque le suicide en tant que tel ne l'était pas non plus. La Cour européenne de Strasbourg n'a pas condamné la Belgique parce que le droit belge ne comportait pas de disposition condamnant le suicide.

Même le constituant de 1830, dont on pourrait dire qu'il était dominé par une certaine philosophie, ne l'a pas prévu.

Ce n'est donc pas en ce sens que le problème se pose, puisque chacun reconnaît qu'il peut y avoir des situations exceptionnelles justifiant, dans le chef du médecin, une réponse positive à une demande d'euthanasie.

Ce sur quoi les uns et les autres diffèrent, c'est sur la technique à utiliser.

Selon le professeur Messine, toutefois, quelle que soit cette technique, cela reviendrait au même quant à la question de la compatibilité avec la CEDH, le débat reste entier.

Si la loi australienne a été abrogée par la cour constitutionnelle australienne, c'est précisément parce que, selon cette cour, elle était en contradiction avec les droits de l'homme.

La CEDH a force de loi dans notre pays, mais c'est parce que les tribunaux n'appliquent pas les dispositions du Code pénal que, depuis les années 50, aucune poursuite n'a été engagée en matière d'euthanasie.

La manière dont est organisée la pratique médicale ne permet pas qu'arrivent à la connaissance de la justice, sauf par dépôt d'une plainte, des cas de dérive en matière d'euthanasie.

Le problème est donc de savoir comment, éventuellement par une loi, organiser la bonne pratique médicale pour que les abus existants soient réduits dans toute la mesure du possible.

Il faut veiller à ce que la permission éventuelle de la loi n'entre pas en conflit fondamental avec le respect de l'intégrité physique, qui constitue une protection pour chacun.

C'est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles l'Allemagne a tant de réticences pour légiférer, compte tenu de la période sombre qu'elle a connue dans son histoire.

Un membre se réfère à un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 1999, qui donne la définition suivante de la torture et des traitements inhumains et dégradants au sens de la CEDH : « tout acte par lequel une douleur aigue ou des souffrances graves, physiques ou morales, sont intentionnellement infligées, par exemple dans le but d'obtenir des renseignements ou des aveux de la victime, de la punir ou de faire pression sur elle, ou de l'intimider ».

Cela seul suffit à montrer clairement le but que poursuit l'article 3 de la CEDH. Il ne s'agit pas de protéger une personne contre elle-même, mais d'empêcher que l'État n'accomplisse à son encontre des actes inacceptables sur le plan humain.

L'intervenant renvoie en outre à l'article 9 déjà cité de la Convention européenne de bioéthique, qui devrait être prochainement approuvée par la Belgique.

Cet article n'est pas tellement éloigné du testament de vie.

On voit donc bien qu'une série de conventions postérieures à la CEDH reconnaissent précisément le droit à l'autonomie du patient, en ce qui concerne l'expression de sa libre volonté.

Un orateur fait allusion aux explications précédentes concernant l'état de nécessité. Il insiste sur le fait que le « droit à la vie » dont il est question dans la CEDH n'est pas un dogme, comme un membre le suggérait, mais une valeur. Les pères de la CEDH avaient en effet retenu la leçon du régime nazi en Allemagne qui maintenait un système légal dans lequel la protection juridique dépendait de la qualité de la vie. Sans vouloir suggérer que la proposition de loi nº 2-244/1 va dans cette direction, on peut évoquer le « programme T4 » mis en oeuvre en Allemagne. On risque ici de se retrouver sur une pente glissante, ce qui est inacceptable.

Le membre renvoie aux déclarations du ministre allemand de la Justice à la suite du vote de la Seconde Chambre des Pays-Bas relatif à la proposition sur l'euthanasie. Elle ne s'est pas laissé inspirer par des considérations dogmatiques mais a traduit un sentiment juridique qui existe dans la plupart des pays du Conseil de l'Europe. La preuve nous en est fournie par le récent refus de l'Office européen des brevets d'octroyer un brevet à l'université du Michigan pour un traitement euthanasique et ce, précisément en vertu de l'article 2 de la CEDH.

La CEDH a amené une grande humanisation de la culture juridique et de la civilisation. Il serait judicieux que la législation prévue relative à l'euthanasie se situe à la même hauteur morale que la CEDH.

Un membre nie avoir affirmé que l'article 2 de la CEDH était un dogme. Il est d'avis que la théorie générale du « droit à la vie » peut être un dogme lorsque les personnes ne passent pas avant une théorie de ce genre. En outre, il répète qu'il existe à son avis une différence entre le « droit à la vie » et « l'obligation de vivre ».

Un autre membre observe tout d'abord, en ce qui concerne l'Office européen des brevets, qu'il est possible que celui-ci ait pris la mesure dont il a été question. Mais il arrive à cet office de se tromper comme, par exemple, lorsqu'il a accepté tout récemment la brevetabilité d'une découverte, alors qu'il est bien connu que l'on ne peut breveter que des inventions.

De plus, il vient d'être fait référence, une fois de plus, au régime nazi. L'intervenant déclare que, lors de la rédaction de la proposition de loi, il n'a pas trouvé sa source d'inspiration dans « Mein Kampf ».

Un membre déclare qu'il est évident que le droit est l'expression, à un moment donné, d'un contexte de valeurs et qu'il est évolutif. C'est là toute la difficulté d'exprimer, dans le présent débat, les valeurs qui sont communes en ce moment dans la société, où le concept de la liberté de la personne a atteint une maturité énorme.

Ce concept est issu de la civilisation occidentale et de son histoire.

On en arrive à une conception de la personne qui est louable, parce qu'elle s'inspire de l'idée de la liberté de chacun, mais qui doit être juxtaposée avec d'autres éléments.

Le problème, en l'occurrence, est que l'on fait appel à un tiers ­ le médecin, qui est là pour guérir, soigner et accompagner ­ afin de poser un acte qui est l'expression de la liberté du patient.

Le concept de liberté risque ici de glisser vers un autre, plus péjoratif aux yeux de l'intervenante, qui est celui d'individualisme.

L'intervenante se dit très frappée du fait que ceux qui ont des origines juives, et qui ont eu dans leur histoire des épisodes lourds à porter, sont ceux qui manifestent le plus de réticences à l'égard d'une législation éventuelle, parce qu'ils apprécient le texte au regard d'un autre contexte.

Un membre fait observer que dans le programme nazi T4, il ne s'agissait pas d'euthanasie, mais d'assassinat, car on ne demandait pas l'avis des personnes qui étaient mises à mort.

Un autre intervenant comprend qu'il est dangereux de procéder à des comparaisons historiques. Elle indique cependant que les Allemands se demandent toujours, tant d'années après l'holocauste, comment celui-ci a bien pu avoir lieu sans protestation de la société. Il était en effet question de la destruction d'une « vie de moindre valeur » parce qu'elle ne cadrait pas avec le programme des dirigeants.

On a en effet parcouru un long chemin qui a commencé par le « suicide romantique » et a ensuite mené au « suicide rationnel », une théorie de Nietzsche qui dit que, si la vie présente plus d'inconvénients que d'avantages, on ne devient vraiment authentique que si l'on se suicide. C'est de cette façon que « l'euthanasie volontaire » a d'abord été propagée. Il se peut alors que le contexte social légitime entièrement le suicide et l'euthanasie, qui constitueraient des signes d'authenticité. Ce genre de climat est incapable d'engendrer une protestation générale contre l'affaiblissement de la protection juridique de la vie humaine, puisqu'il nuit au sentiment de justice de la population.

L'oratrice veut simplement dire qu'il existe un risque de voir cette évolution se produire à nouveau. Elle affirme en aucun cas que la proposition nº 2-244/1 puisse être comparée aux horreurs de l'holocauste.

Un membre réplique que cette proposition a justement pour objectif de renforcer la protection juridique de la vie humaine. Il existe aujourd'hui une politique de tolérance sans aucune norme spécifique.

Votes

Les amendements nºs 129 et 130 de M. Galand sont devenus sans objet.

L'amendement nº 136 de M. Vandenberghe est rejeté par 15 voix contre 9 et 1 abstention.

Article 4

Amendement nº 15

Mme Leduc commente l'article 4 de la présente proposition de loi à la lumière de l'amendement nº 15, qui a été déposé par les auteurs de la proposition après les auditions (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 15).

Celui-ci prévoit que tout majeur ou mineur émancipé, capable, peut ­ et non doit ­, pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté, déclarer ses préférences ou ses objections pour certains types de prise en charge médicale. Cela signifie qu'il peut, par exemple, s'opposer à l'acharnement thérapeutique. Il peut également exprimer préalablement sa volonté qu'un médecin interrompe sa vie s'il est inconscient et que cette situation est irréversible et atteint d'une affection d'origine accidentelle ou pathologique grave et incurable. Ceci constitue la déclaration.

La déclaration peut ­ et non doit ­ désigner un ou plusieurs mandataires, classés par ordre de préférence, qui mettent le médecin traitant au courant de la volonté du patient et qui veillent à l'exécution de la déclaration de volonté du patient. En effet, le patient n'est plus en état de conscience au moment de l'exécution de sa volonté. Lorsque plusieurs mandataires sont désignés, on les classe par ordre de préférence, de manière à ce que chaque mandataire remplace celui qui le précède dans la déclaration en cas de refus, d'empêchement, d'incapacité ou de décès. Le médecin traitant du patient et les membres de l'équipe soignante ne peuvent être désignés comme mandataire.

La déclaration doit, à peine de nullité, être établie par écrit, en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins ne pourra avoir aucun lien de parenté avec le patient. Elle doit évidemment être datée et signée par le déclarant et les témoins.

Lorsqu'un patient n'est plus à même de rédiger une déclaration écrite, les raisons doivent en être énoncées. La déclaration peut alors se faire sous une autre forme. Si l'incapacité est temporaire, le patient devra rédiger la déclaration dès qu'il en aura la capacité.

La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté. Enfin, le membre rappelle que la déclaration peut être révoquée par tout moyen et à tout moment. Les modalités précises seront fixées par arrêté royal.

Un membre estime qu'on ne sait pas clairement dans quelle mesure un médecin doit ou non donner suite à la déclaration qui, il est vrai, n'est pas obligatoire, comme l'a expliqué l'oratrice précédente. Les auditions ont fait apparaître que cette déclaration ne pouvait jamais constituer un « ordre » pour le médecin. Quelle est, selon les auteurs de l'amendement nº 15, la portée exacte de la déclaration vis-à-vis du médecin ?

L'oratrice précédente répond que le médecin traitant est tenu de vérifier si toutes les conditions énumérées à l'article 3 sont remplies. Si ce n'est pas le cas, la déclaration n'aura pas de suite. Si par contre toutes les conditions sont remplies, la déclaration acquiert un caractère contraignant. Elle doit donc être exécutée.

Un intervenant précédent estime qu'il s'agit d'une description purement fictive d'une situation qui ne correspond pas à la réalité. Selon l'article 3, le médecin et le patient doivent en effet aboutir à une conviction. L'article 4 n'en parle pas du tout, puisque la déclaration est rédigée in abstracto, sans que le patient n'aboutisse avec le médecin à une conviction déterminée. Au moment de l'exécution de la déclaration, le patient n'est en effet plus en état d'exprimer sa volonté.

Un membre répond que c'est précisément pour cela que l'on a prévu un article 4, qui concerne une situation différente de celle prévue à l'article 3.

Dans l'article 3, on vise les personnes conscientes. Dans l'article 4, on donne la possibilité à quelqu'un de mandater une personne qui, quand il sera inconscient, le remplacera, y compris en matière de dialogue.

La procédure est évidemment modifiée en ce qui concerne le dialogue avec le malade, puisque celui-ci est inconscient; l'interlocuteur est, à ce moment-là, la personne mandatée.

Un membre est d'avis que les articles 3 et 4 soulèvent de nombreuses questions. Comment concilier la déclaration dont il est question à l'article 4 avec les critères de prudence définis à l'article 3 ? Un des auteurs de l'amendement nº 15 a en effet expliqué que la déclaration ne serait exécutée que si les conditions de l'article 3 étaient remplies. Comment peut-on par exemple vérifier si la demande est mûrement réfléchie, lorsque l'on sait qu'au moment de l'euthanasie, le patient n'est plus conscient et qu'au moment de la rédaction de la déclaration, il ne sait pas encore dans quelle situation il se trouvera ? Comment vérifier que la demande d'euthanasie s'est faite sans aucune pression, puisque selon l'amendement nº 15, certains mandataires peuvent agir au nom du patient ? Comment vérifier que quelqu'un qui n'est plus conscient endure une souffrance physique ou psychologique insupportable ?

Le précédent orateur rappelle que le texte vise les cas où le patient est inconscient, que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science, et qu'il est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. Il n'est donc pas pertinent d'évoquer ici les conditions qui sont mises à l'égard d'un patient conscient.

L'oratrice précédente maintient que le champ d'application de la réglementation proposée n'est pas clair. L'« état d'inconscience » concerne-t-il également les personnes démentes ou les handicapés mentaux ?

Un membre fait remarquer que ceux qui affirment qu'il est impossible de vérifier si une personne inconsciente souffre ou non, connaissent mal la situation médicale des patients ayant une tumeur cérébrale, par exemple. Il arrive un moment où ces personnes deviennent inconscientes, mais la manière dont elles pleurent prouve qu'elles endurent d'effroyables souffrances.

La loi proposée ne s'applique pas aux incapables. Nous voulons que les personnes qui, à la suite d'une maladie ou d'un accident, ne sont plus à même d'exprimer leur volonté, puissent déclarer de manière anticipée qu'elles ne souhaitent pas mourir dans des circonstances inhumaines.

L'oratrice précédente estime que les interventions précédentes ont montré que les articles 3 et 4 n'ont pas de lien entre eux et que les critères de prudence définis à l'article 3 ne concernent pas la déclaration dont il est question à l'article 4.

Un membre répète qu'il est clair que les circonstances ne sont pas les mêmes puisque dans un cas, le patient est inconscient et dans l'autre non. L'argument qui vient d'être développé au sujet des critères de minutie n'est donc pas pertinent. Chacun conserve bien évidemment, pour le surplus, son appréciation quant au caractère suffisamment protecteur ou non de ces critères.

L'oratrice précédente réplique que, selon elle, cet article 4 sera inapplicable. On doit en effet savoir à quelles conditions précises doit satisfaire l'euthanasie pratiquée à la suite d'une déclaration. L'intervenante fait observer que, contrairement à l'article 3, l'article 4 ne contient pas de phrase introductive précisant qu'il n'est pas question de délit pénal si certaines conditions sont remplies. Si, comme ils l'affirment, les auteurs de l'amendement nº 15 ont l'intention de dépénaliser sous certaines conditions l'euthanasie faisant suite à une déclaration, il faut nécessairement lire les articles 3 et 4 en parallèle.

Toute la question est de connaître la portée exacte du mot « inconscient ». De nombreux médecins diront que sont inconscientes les personnes en état comateux ou celles atteintes d'une tumeur au cerveau qui éprouvent des difficultés à s'exprimer ou sont paralysées. Les personnes âgées démentes sont-elles considérées comme inconscientes ?

Un membre renvoie à l'amendement nº 16 des six auteurs, qui introduit un article 4bis nouveau dans la proposition et doit être lu en parallèle avec l'amendement nº 15.

Cet article apporte certains éléments qui complètent l'article 4, puisqu'il y est question d'un patient inconscient, d'une situation irréversible selon l'état actuel de la science et d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable.

L'article fixe un certain nombre de conditions auxquelles le médecin peut décider de pratiquer l'euthanasie. Il peut refuser de la faire bien que les conditions soient réunies, mais il ne peut pas la pratiquer si ces conditions ne sont pas remplies.

On a calqué les conditions sur celles applicables pour le patient inconscient, dans la mesure où cela était possible, puisqu'il s'agit évidemment de deux situations différentes.

La réponse à un certain nombre de questions posées par de précédents intervenants se trouve donc dans l'article 4bis proposé.

Un membre constate qu'à la question de savoir ce que l'on entend par « inconscient », on répond qu'il s'agit de personnes « inconscientes ». Il s'agit pourtant d'une question très concrète. Les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer sont-elles oui ou non concernées par cette loi ? Les déments ne sont, par exemple, plus conscients de leur actes et sont donc incapables. L'amendement nº 15 risque de créer une nouvelle catégorie de personnes qui n'existe pas dans le droit commun, sans pour cela donner une justification approfondie. Ce n'est pas une législation sérieuse.

Le membre souhaite faire quelques remarques au sujet de l'article 4 proposé qui traite de la volonté, parfois appelé « testament de vie ». Les auditions ont montré que ce sujet suscitait de nombreux problèmes.

Le professeur Vanneste a toujours affirmé qu'une volonté ne pouvait avoir qu'une valeur consultative à laquelle on ne peut en aucun cas attribuer un caractère contraignant. Il estime en outre que la construction permettant de désigner un mandataire n'est pas juridiquement fondée car le mandaitre se substitue entièrement au mandant. De telles approches juridico-techniques ne peuvent constituer qu'une indication. En fin de compte, c'est l'analyse médicale et le jugement du médecin qui seront déterminants.

Le professeur Schotsmans a indiqué qu'il était absolument impossible de prévoir comment une personne en bonne santé réagirait lorsqu'elle viendrait à se trouver dans des circonstances imprévisibles. Il parle de la déclaration comme de « la mort froide sur papier ». La prise de décisions relatives à la mort est trop importante pour en avoir une approche bureaucratique basée sur un bout de papier. À un mandataire, il préférerait une personne de confiance qui serait impliquée dans l'évaluation faite par le médecin.

Le docteur Philippart, qui a été entendu au nom de l'Ordre des médecins, a également soulevé plusieurs questions qui méritent des réponses. Voici ce qu'il affirmait :

« D'abord son contenu, dans la mesure où il évoque toutes les possiblités de vie finissante, peut en effet être utile et indicatif le moment venu mais, le médecin étant un acteur indispensable, devrait pouvoir, dès le moment de la rédaction, exprimer clairement son propre point de vue et la limite de ses interventions.

Par ailleurs, cette déclaration ne présume pas du changement possible de l'état d'esprit du déclarant ni du niveau de sa conscience.

Entre la lucidité parfaite et l'inconscience complète, n'y a-t-il pas une gamme d'états intermédiaires ? De même, entre l'état de pensée au moment de la rédaction souvent survenue au lendemain d'une mort qui a frappé le déclarant et celui du moment où débute sa propre fin de vie, d'importants changements sont possibles. La conviction d'hier peut s'émousser au contact de sa propre réalité, ce dont le patient n'aurait pu prendre conscience d'avance. »

Le docteur Haché émettait également de sérieux doutes quant à la déclaration en raison du caractère évolutif de la manière de l'envisager. Il se peut en effet que la prise en charge soit d'une telle qualité que l'on ne souhaite plus donner suite à cette déclaration.

Mme Henry a déclaré ce qui suit : « Avant de penser à une certaine obligation d'exécuter les directives anticipées qui valent ce qu'elles valent, nous avons l'obligation de soigner et d'apporter une qualité de vie au patient. »

Elle a souligné que c'était également possible dans des situations difficiles.

Mme Hermans a évoqué le rôle du mandataire en réagissant contre les affirmations du professeur Vanneste : « Par conséquent, le mandataire n'est pas un simple garant de l'exécution testamentaire. Il prend la place de la personne privée de parole pour dialoguer. » Il faut se demander ce que cela signifie concrètement.

Les explications du docteur Vincent sont également très importantes : « La plupart des personnes sont inconscientes en fin de vie. Ne venez pas nous dire que la réponse, c'est le testament de vie ou les directives. Cela, ce n'est pas vraiment la solution, même si c'est peut-être une petite pièce à ajouter au puzzle. Comme vous le savez, les directives, au départ, ne peuvent pas prévoir toutes les situations dans lesquelles on peut se trouver. Effectivement, nous sommes parfois confrontés à des familles qui montrent ce document ou disent que le patient n'a jamais voulu de soins intensifs, qu'il n'a jamais voulu tout cela, alors qu'il a pourtant de bonnes chances de s'en sortir ! »

« C'est aussi vrai que le testament de vie est quelque chose d'assez court. Pour moi s'il devait être un tant soi peu complet, le testament de vie devrait être un texte de quatre pages. Et encore, ce texte de quatre pages risque de ne pas prendre en compte tous les éléments. »

Le docteur Vandeville a également souligné que la déclaration ne pouvait avoir qu'une valeur indicative et non impérative. Mme Diricq, psychologue, pense qu'il faut tenir compte de la déclaration mais que celle-ci ne peut constituer le seul élément car l'intervalle est trop important entre la rédaction de la déclaration et la prise de décision réelle.

Mme Aubry a également souligné de nombreux problèmes relatifs à la déclaration. Parmi plusieurs exemples, elle a cité celui d'un patient souffrant de sclérose en plaques. Au moment de se décider, celui-ci changeait d'avis à chaque fois et acceptait un niveau de qualité de vie chaque fois inférieur.

Le docteur Clumeck a montré la difficulté de contrôler la déclaration ­ « le fantasme de la mort », comme il l'appelle ­ et a précisé qu'il ne s'agissait que d'une indication. Le docteur Van Den Eynden a attiré l'attention sur le fait qu'à sa connaissance, aucune étude scientifique n'avait encore été consacrée à la déclaration, son élaboration ni ses conditions d'exécution. Selon le docteur Distelmans, la déclaration est un élément très précieux, sans pour autant constituer le document ultime.

M. Dalcq a eu à ce sujet les mots suivants : « Il y a peut-être à cet égard une difficulté juridique plus grave encore. Le rôle du mandataire ne se justifie que dans la mesure où le mandant n'est plus capable d'exprimer sa volonté. Or, selon De Page, `l'incapacité du mandant survenant au cours du mandat constitue une cause de cessation du contrat'. On n'est plus mandataire de quelqu'un qui n'est pas conscient. Or, la proposition ne prévoit le mandat que dans cette hypothèse. »

C'est la raison pour laquelle il estime lui aussi que la déclaration ne peut être qu'indicative et que le médecin doit en tout cas émettre un jugement indépendant. Il conclut comme suit :

« L'existence de telles déclarations d'intention ne constitue à mes yeux qu'une application particulière du problème du consentement du patient aux soins qui lui sont donnés. La règle est formellement admise dans la jurisprudence qu'un médecin ne peut imposer un traitement à son patient ou lui faire subir une intervention active qu'avec son consentement libre et éclairé. Il doit en être de même, en principe, s'il s'agit de mettre fin à la vie du patient, mais encore faut-il que le patient soit suffisamment conscient pour donner un consentement valable. Quelle est la valeur d'un consentement anticipé, donné par une personne en bonne santé ? »

Pour l'intervenant, cette déclaration est comparable au fait d'accepter de se marier sans savoir qui on va épouser. On passe ici tout à fait outre la règle du consentement informé.

Le professeur Vermeersch est favorable à la déclaration anticipée, tout en affirmant « que les membres les plus progressistes du Comité consultatif de bioéthique n'ont jamais dit que le médecin était obligé de suivre la déclaration d'intention anticipée ».

Le docteur Van Camp établit le lien avec la nature de la maladie. M. Messine, conseiller d'État, renvoie enfin au roman « Jean Barois » de Roger Martin du Gard, ... « roman philosophique sous forme de dialogue dont le héros, élevé dans la religion catholique, perd la foi au cours de son adolescence, devient un anticlérical farouche, et écrit une forme de testament dans lequel il proclame qu'il interdit à tout prêtre d'approcher de lui à l'heure de sa mort. Tout au long de sa vie, il se tient à cette attitude qu'il renouvelle chaque fois qu'il le peut, publiquement. Et puis, le jour où il agonise, c'est lui qui demande le secours du curé. »

L'orateur accorde dès lors une grande valeur à la déclaration, mais constate qu'aucun des experts entendus lors des auditions ne souhaite lui conférer un caractère contraignant. Plusieurs personnes ont, par ailleurs, souligné les problèmes juridiques que soulève la personne de confiance, notamment en ce qui concerne la révocation du mandat.

En ce qui concerne plus spécifiquement l'article 4, tel que proposé dans l'amendement nº 15, le membre souhaite évoquer quelques problèmes généraux ainsi que quelques questions ponctuelles.

1. Problèmes généraux

Le premier alinéa prévoit la possibilité, pour le cas où le patient ne pourrait plus manifester sa volonté, de déclarer par écrit ses préférences ou ses objections pour « certains types de prise en charge médicale ». Ni la proposition initiale, ni l'amendement ne donnent la moindre explication relative à cette phrase, que l'orateur trouve pourtant peu claire. D'après une lecture littérale, il s'agit en soi d'une disposition positive : elle se fonde en effet sur le consentement du patient ­ un des droits fondamentaux du patient ­ et partant, sur son droit à l'intégrité physique.

L'insertion de cette disposition dans la proposition suscite néanmoins des questions importantes. On ne sait pas du tout clairement ce qui signifie « certains types de prise en charge médicale » : l'euthanasie en fait-elle partie ? Si l'on considère effectivement que l'euthanasie est un « type de prise en charge médicale », le deuxième alinéa de l'article est un ajout au premier alinéa. Le premier alinéa concerne alors les personnes qui ne peuvent plus exprimer leur volonté et le deuxième les personnes en état d'inconscience. Il s'agit de deux catégories différentes. Cela montre bien le flou de l'amendement qui ne délimite en aucune façon le champ d'application de la loi proposée.

Si par contre l'euthanasie ne fait pas partie de « certains types de prise en charge médicale », l'alinéa concerne alors tous les types de prise en charge médicale dans le cas où le patient n'est plus à même d'exprimer sa volonté (donc pas uniquement dans le cas où celui-ci est en état d'inconscience). Ce faisant, on introduit un droit fondamental du patient dans la loi relative à l'euthanasie, ce qui est surprenant. La majorité a pourtant refusé les amendements de l'intervenant relatifs aux décisions médicales en fin de vie et aux soins palliatifs, soi-disant parce que ceux-ci feront l'objet d'une autre loi relative aux droits du patient. Où est la logique ?

Si la majorité veut rester logique, elle doit soit supprimer le premier alinéa et l'insérer dans une loi relative aux droits du patient, car la loi relative à l'euthanasie ne concerne que l'euthanasie. L'article 4bis proposé ne concerne en effet (pour ce qui est des conditions que doit respecter le médecin) que la déclaration relative à l'euthanasie. Soit il faut adopter les amendements du groupe de l'orateur qui garantissent le droit du patient à autoriser les décisions médicales au sujet de la vie finissante même s'il n'est plus capable d'exprimer sa volonté.

L'intervenant fait, par ailleurs, remarquer que la disposition ne prévoit rien concernant le consentement informé. Comment un patient peut-il rédiger en connaissance de cause sa déclaration et préciser ses préférences ou ses obligations pour certains types de prise en charge médicale, sans s'être concerté au préalable avec le médecin ? Pourquoi cette disposition est-elle absente quand il s'agit de la rédaction de la déclaration, alors qu'elle est explicitement prévue à l'article 3 de la présente proposition de loi, qui impose même la consultation d'un ou de deux médecins ?

Il conviendrait d'expliciter les mots « pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté » si l'on veut délimiter précisément le champ d'application. Est-ce le premier ou le second alinéa qui s'applique aux déments ou aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ? Quels sont les critères juridiques pertinents pour savoir si l'on relève du premier ou du deuxième alinéa ? La justification de l'amendement nº 15 ne donne aucune réponse à ces questions.

Le deuxième alinéa de l'article 4 proposé parle des personnes en état d'inconscience et de situation irréversible selon l'état actuel de la science. La meilleure critique relative à cette formule se trouve dans les développements de la proposition de loi relative à la demande d'interruption de vie, de M. Monfils (doc. Sénat, nº 2-22/1) :

« Faut-il légiférer pour reconnaître une quelconque valeur juridique à ce qu'on appelle le « testament de vie », c'est-à-dire l'expression, par une personne valide, de sa volonté, en cas de maladie incurable en phase terminale, causant des souffrances insupportables ? Nous ne le croyons pas non plus.

En effet, au moment où est rédigé cet acte, l'auteur ne connaît encore aucun des paramètres qui le font recourir à cet acte.

Par définition en bonne santé, il ne sait ni si, ni quand il sera atteint d'une affection grave, il ignore le contexte social dans lequel il évoluera à ce moment, il ne peut préjuger ni de l'évolution de sa personnalité, ni de ses réactions face à la maladie.

Les recommandations qu'il émet sur les circonstances de sa propre mort en cas de maladie grave ne sont donc fondées que sur des considérations purement abstraites et ne peuvent être considérées comme l'expression d'une volonté concrète en réponse à une situation vécue.

L'intervenant dit être entièrement d'accord avec ce passage. Il faut se demander qui on vise précisément à l'amendement nº 15. Les déments entrent-ils dans le libellé de l'article 4 proposé ? S'agit-il de ceux qui sont « inconscients » dans le sens littéral du mot ? Dans ce cas, il faut parler de personnes se trouvant dans un état comateux. Le membre estime cependant qu'il n'y a pas lieu de prévoir une réglementation pour cette catégorie.

L'éthique médicale et les normes internationales ont développé suffisamment de directives et de procédures pour savoir comment agir de façon adéquate dans les situations sans issue de patients incapables d'exprimer leur volonté. L'orateur se réfère à l'intervention du professeur Schotsmans à ce sujet.

« Les classifications de situations entraînant la limitation des thérapies, et les directives relatives à la suppression de l'alimentation et de l'hydratation artificielles sont suffisamment reconnues sur le plan international. Un médecin n'est jamais tenu de poser des actes médicaux dépourvus de sens. Cela implique que la pratique médicale dispose d'un vaste arsenal de possibilités permettant de rencontrer des situations problématiques concernant des patients incapables en fin de vie. Tout cela peut se passer dans un climat ouvert de communication avec l'éventuelle personne de confiance et les proches, de même qu'avec le personnel soignant, et les éventuels souhaits antérieurs du patient seront bien sûr sérieusement pris en considération. La décision finale appartient au médecin, mais elle doit toujours rester une expression de responsabilité, de soin et d'assistance du patient incapable de s'exprimer et se trouvant au stade terminal. Des déclarations déposées anticipativement ne peuvent cependant jamais saisir la complexité du « hic et nunc » ni imposer un code de comportement contraignant concernant des situations imprévisibles. Dans la pratique médicale quotidienne, la créativité des soins s'adapte constamment à l'épreuve des vicissitudes de l'existence. Il n'appartient pas au médecin de juger de la qualité de la vie de ses semblables (a fortiori lorsqu'ils ne sont pas en état de faire connaître leur volonté). L'interdit général portant sur l'arrêt actif de la vie des personnes incapables est en effet une condition sine qua non de garantie des droits des plus faibles et donc aussi, en fin de compte, protection des valeurs démocratiques fondamentales. Nul ne peut disposer radicalement d'une autre personne, même si elle l'a demandé lorsqu'elle était en état de le faire. (Avis du Comité consultatif de bioéthique.)

Il y a par conséquent des moyens reconnus au plan international pour traiter de telles situations. Une réglementation légale n'est donc pas nécessaire.

L'orateur rappelle les objections suivantes :

­ on ne dit pas clairement ce que l'on entend par « inconscient », puisque la démence peut également relever de ce terme;

­ il est impossible d'imaginer à l'avance la situation dans laquelle on peut se trouver; certaines personnes surmontent une situation « sans issue »;

­ la déclaration anticipée ne peut avoir de valeur que s'il est établi de façon incontestable que la situation actuelle correspond à la situation à laquelle le patient pensait lorsqu'il a rédigé le testament. Dans les dispositions relatives au traitement, on devrait donc décrire aussi concrètement que possible l'état de maladie qu'on juge non souhaitable;

­ il y a le risque de pression économique, certainement quand aucun mandataire n'a été désigné et que le médecin peut lui-même prendre la décision; le deuxième médecin doit se borner à constater que l'inconscience est irréversible; cette pression sur les soins de santé peut avoir pour conséquence qu'il ne reste pas beaucoup de places pour un respect profond du patient malade chronique;

­ une déclaration anticipée ne peut jamais être mise sur le même pied que le consentement de la personne concernée. Une déclaration anticipée peut être un instrument pour influencer la prise de décision par d'autres, mais dans le texte proposé on laisse supposer à tort qu'elle remplace le consentement à une action d'euthanasie;

­ le concept d'une déclaration anticipée a quelque chose de paradoxal; lorsque la déclaration est suffisamment explicite pour être considérée comme une véritable décision volontaire, elle présente beaucoup de lacunes parce que plusieurs scénarios possibles ne sont pas pris en compte; par ailleurs, une déclaration anticipée peut être rédigée de manière tellement générale que, dans un grand nombre de situations, elle ne peut être appliquée. Cela conduit à beaucoup d'abus;

­ lors de la rédaction de la déclaration anticipée, ont doit être compétent, bien informé sur le plan médical et ne pas avoir été mis sous pression. Comment cela peut-il être prouvé et contrôlé objectivement après coup ? Au moment où le document doit être utilisé, il est parfois difficile de vérifier si ces critères ont été respectés lors de sa rédaction.

­ il ne faut pas seulement consulter le mandataire, mais également l'entourage proche, comme la famille;

­ le médecin n'a pas la possibilité d'apprécier le sérieux et la constance de la demande. Les conditions de l'article 3 sont-elles entièrement d'application ? Dans quelle mesure doivent-elles être combinées avec les conditions de l'article 4 ?

­ un renouvellement régulier ­ par exemple annuel ­ de la déclaration anticipée est indispensable. Le délai de cinq ans est en tout cas beaucoup trop long.

­ la révocation de la déclaration anticipée n'est soumise à aucune condition de forme. Cependant, en cas d'incapacité du mandant, le mandat relève du droit commun, puisque le mandant doit à tout moment pouvoir contrôler le mandataire. Or, dans l'article 4 proposé, le mandat devient irrévocable précisément au moment où on a perdu conscience. Cela remet en question une tradition séculaire et ouvre la porte aux abus. C'est pourquoi il ne s'agit pas d'un véritable mandat, dans le sens juridique du terme.

­ la consultation proposée à l'article 4 est trop réduite et ne garantit aucun contrôle et aucune ouverture ou vérification puisque le deuxième médecin doit se borner à vérifier l'irréversibilité de l'inconscience. Pourquoi un contrôle par le deuxième médecin est-il exigé dans la deuxième hypothèse, et non dans l'hypothèse du deuxième alinéa, c'est-à-dire quand on ne peut plus exprimer sa volonté ?

­ un mandataire peut-il révoquer la déclaration anticipée lorsque l'intéressé est inconscient, par exemple si un tiers estime que le processus décisionnel du mandataire ne correspond pas à la volonté de la personne intéressée ?

­ la réglementation relative à la déclaration anticipée concerne en fait l'euthanasie, bien que le terme n'apparaisse pas à l'article 4 (comparez avec la formule de l'article 3 : « le médecin qui pratique l'euthanasie ne commet pas d'infraction »). Il est cependant important de lire cet article en parallèle avec l'article 5 relatif à la déclaration, qui s'applique seulement à l'euthanasie. Cette incohérence terminologique dans la proposition implique que le médecin ne doit pas faire de déclaration s'il donne suite à une déclaration anticipée d'interruption de vie.

2. Remarques ponctuelles et questions

Premier alinéa

­ que veut dire « ne plus pouvoir exprimer sa volonté » ?

­ dans cette hypothèse, la déclaration anticipée doit-elle aussi être effectuée devant deux témoins ?

­ les termes « certains types d'actes médicaux » exlcuent-ils ou non « l'euthanasie à la demande » ?

­ le libellé de l'article prête à confusion puisqu'on parle de « déclarer ses préférences par écrit ». Est-ce un équivalent de la déclaration anticipée, visée au troisième alinéa de cet article ? Sinon, pourquoi cette disposition figure-t-elle dans cet article ?

Deuxième alinéa

­ on dit ici « il peut faire connaître sa volonté », alors que dans le troisième alinéa on parle de « déclaration ». Du point de vue juridico-technique, il n'est pas évident que cette déclaration vise la situation envisagée au deuxième alinéa.

­ quelle est la portée de l'expression « s'il n'est plus conscient » ?

­ pour être conforme à l'article 2 de la CEDH, il faut faire apparaître clairement que l'affection ou la maladie « ne peut être traitée » : dans ce cas aussi on ne peut accéder à une demande d'interruption active de la vie qu'à titre de remède ultime et si aucune autre solution ne peut être offerte;

­ la disposition doit également être complétée par la stipulation qu'il doit s'agir d'une phase terminale.

­ de plus, il faut indiquer que la déclaration anticipée a été établie volontairement, sans contrainte, en disposant des informations nécessaires;

­ quelle est la nature de l'affection dont on souffre ?

­ l'état inconscient doit-il avoir un lien causal avec l'affection ?

Troisième alinéa

­ L'alinéa dispose que le mandataire « veillera à l'exécution de la déclaration du patient ». Cela semble en contradiction avec les développements, suivant lesquels la déclaration anticipée n'a qu'une valeur indicative pour le médecin.

­ On ne précise pas clairement si des personnes morales peuvent agir comme mandataires. L'hôpital dans lequel on se trouve peut-il, par exemple, être désigné comme mandataire ?

­ Aucune disposition n'indique que ni le médecin, ni le mandataire ne sont liés par la déclaration anticipée;

­ On ne précise pas davantage que le mandataire ne peut avoir aucun intérêt direct ou indirect au décès du patient.

Quatrième alinéa

­ quelle est la portée des mots « sous peine de nullité » ? N'en tiendra-t-on dès lors pas du tout compte ou en partie seulement ? S'agit-il d'une nullité absolue ou relative ?

­ les témoins peuvent-ils aussi être les mandataires ?

­ aucune disposition ne stipule que les témoins ne peuvent avoir aucun intérêt direct ou indirect, ni être le médecin, le deuxième médecin ou un membre de l'équipe soignante.

­ d'où provient la disposition « un au moins qui n'est pas apparenté au patient » ? Qu'en est-il du frère qui cohabite avec son amie ?

Cinquième alinéa

­ qu'entend-on exactement par « si l'intéressé n'est pas en état de signer » ? Quel lien y a-t-il avec les mots « pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté » (premier alinéa), « pour le cas où il serait dans un état d'inconscience » ? Cela implique en effet qu'un tiers peut rédiger une déclaration même pour un patient déjà dans le coma. Qui mentionne ces raisons ? Qui rédige la déclaration ?

­ quelle situation vise-t-on par « incapacité temporaire de signer » ? D'où vient cette distinction ?

Sixième alinéa

­ d'où provient le délai de cinq ans ?

­ n'est-il pas préférable de prévoir une confirmation annuelle de la déclaration ?

Septième alinéa

­ la déclaration anticipée peut être révoquée de toutes les manières possibles, mais que se passe-t-il si le patient est déjà dans le coma, par exemple à la suite d'un accident soudain, alors qu'il avait l'intention de révoquer sa déclaration anticipée ?

­ comment doit-on prouver la révocation ? On n'indique nulle part que cela doit se faire de façon « claire et explicite ». Quelle est la portée du devoir d'enquête du médecin ?

Huitième alinéa

­ que veulent dire exactement les mots « communiquer aux médecins concernés via les services du Registre national » ? Comment fonctionne ce système concrètement ? S'agit-il d'informations courantes qui peuvent être consultées par certaines personnes ?

­ qui sont les « médecins concernés » ? Cela ne ressort pas clairement de l'article.

Un membre considère l'intervention du précédent orateur comme apportant une contribution importante, car elle aborde le problème de façon juridique, et non sur le fond, où la position des uns et des autres est connue.

Parmi les observations formulées, il en est une série qui devront certainement être prises en compte.

L'intervenant rappelle tout d'abord que, dans aucun cas, la volonté du malade, que ce soit à travers une expression dans la situation (art. 3), ou par le biais de la déclaration anticipée, n'a de caractère contraignant, puisque le médecin garde en tout état de cause sa liberté.

En ce qui concerne le mandat, puisqu'il est vrai que le mandat s.s., n'a plus d'effet si le mandant est inconscient, il vaudrait mieux parler de « personne de confiance » plutôt que de mandataire.

Quant à la question du consentement éclairé, l'intervenant se réfère à l'expérience qu'il a pu acquérir dans le cadre des affaires où il a été désigné comme expert médical.

Dans ce contexte, en effet, la problématique du consentement éclairé est extrêmement importante.

Le précédent intervenant a objecté qu'une personne inconsciente ne peut, par définition, donner un consentement éclairé.

L'intervenant a été confronté à de nombreuses reprises, en tant que médecin et chirurgien, à cette situation.

Il a tenté, au cours de sa pratique médicale, d'informer au maximum le malade, à la fois sur le diagnostic, sur les démarches thérapeutiques, sur les interventions chirurgicales, en tentant de rendre possible le traitement.

Par définition, lors d'une intervention chirurgicale, lorsque le malade se trouve anesthésié, et quelle que soit l'information qu'il a pu recevoir auparavant, il se trouve dans l'impossibilité de donner son consentement. On peut certes prévoir une série de choses susceptibles de se présenter, mais il est impossible de les prévoir toutes.

Il y a donc une série de circonstances où il est impossible de prévoir et donc, de réclamer au patient, de manière extemporanée, son consentement éclairé.

Par ailleurs, il faut rendre l'acte thérapeutique possible. Il n'est pas certain que si l'on présente à un malade la totalité des complications susceptibles de survenir, on le mette dans les conditions idéales pour accepter et subir une intervention.

En ce qui concerne le premier et le deuxième alinéa, il existe effectivement des circonstances où l'on peut mettre sur papier ce que l'on souhaite ou non comme traitement.

L'intervenant fait référence à bon nombre de cas auxquels il a été confronté, et qui concernent le problème de la transfusion, notamment à l'égard de témoins de Jéhovah.

Il s'agit de situations où le patient déclare qu'en tout état de cause, il ne veut pas subir de transfusion. Cette déclaration est très souvent écrite, remise au médecin, et jointe au dossier médical. Lorsqu'un tel patient est conscient, il va de soi que l'on ne peut le transfuser contre sa volonté. Mais que faire, dans ce type de situation, lorsque le patient est inconscient ?

Cela peut arriver, par exemple, quand il s'agit d'une inconscience temporaire consécutive à un accident de la circulation, et que la transfusion s'avère indispensable.

De même, on peut avoir convenu avec le patient que, lors d'une intervention, on évitera, autant que faire se peut, une transfusion, alors qu'il apparaît au cours de l'intervention, le patient étant inconscient, qu'elle est indispensable pour protéger sa vie.

Dans de tels cas, on ne peut considérer le document écrit précité comme contraignant.

L'intervenant précise en outre qu'il ne vise pas ici les cas de telles déclarations faites par les parents au sujet de leur enfant mineur et qui, en tout état de cause, ne lui paraissent pas acceptables.

Par ailleurs, le fait pour la personne de confiance de mettre tout en oeuvre pour que la volonté du patient soit respectée ne signifie pas, dans son chef, l'existence de quelque droit ou moyen de contrainte pour que la volonté anticipative soit exécutée.

La déclaration anticipée, relayée éventuellement par la personne de confiance, a une valeur semblable à celle de la déclaration du malade lorsqu'il est conscient.

Si les conditions prévues existent, le médecin qui, suivant la procédure prévue à l'article 4bis, pratique une euthanasie, ne commet pas d'infraction.

Le délai de cinq ans est prévu pour tenir compte des changements susceptibles de survenir en ce qui concerne à la fois le déclarant et la personne de confiance.

Il va de soi que la déclaration est révocable à tout moment et que le malade en reste maître.

Un autre membre constate tout d'abord que, contrairement à ce qui a été dit, la proposition de loi touche bel et bien aux patients inconscients, par le biais de la déclaration anticipée.

Ensuite, si l'on veut s'inspirer de législations existantes, le parallèle est à la fois facile et difficile.

Les modèles de testament de vie utilisés dans certains États américains sont des documents de quelques pages, très détaillés et concrets, dont le champ d'application se limite aux décisions en fin de vie, à l'exclusion de l'euthanasie : arrêt de traitement, désescalade thérapeutique, non-commencement d'un traitement, ...

L'intervenante aurait souhaité qu'en Belgique aussi, on procède de façon progressive.

En outre, il n'est pas nécessairement aisé pour chacun de rédiger anticipativement une déclaration relative aux « types de prise en charge médicale » que l'on souhaite ou non.

De quel types de prise en charge médicale s'agit-il ?

Si la proposition de loi est adoptée, la première chose à faire ne serait-elle pas d'inviter la profession médicale à préparer des formules en vue d'aider les patients à faire connaître leur volonté ?

Par ailleurs, les auditions ont eu l'avantage de mettre en évidence que beaucoup de personnes désirent exprimer leurs souhaits quant à leur fin de vie. Le problème est la forme, la valeur juridique et le contenu de telles déclarations, qui ne peuvent jamais avoir de force contraignante.

En ce qui concerne tout d'abord la forme, de quelle figure juridique s'agit-il ? Celle du mandat paraît exclue, pour les motifs déjà développés par un précédent intervenant. Peut-on comparer ce document à un testament olographe, qui ne requiert aucune formalité substantielle ?

Mais un tel testament doit, en règle générale, être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, et non par un tiers.

Un membre réplique qu'il existe des décisions judiciaires qui ont considéré qu'un testament olographe était valable, si la preuve était rapportée que l'aide apportée par un tiers pour le rédiger était purement matérielle.

La précédente oratrice poursuit en indiquant que l'on peut aussi se demander si l'on peut ainsi disposer de sa vie par écrit. Cette question se pose de façon encore plus pertinente à propos de l'article 4 que des articles précédents.

Il faut en tout cas que la personne qui met par écritses volontés quant à la fin de sa vie soit non seulement capable, mais lucide.

L'intervenante n'est pas sûre que le texte offre les garanties suffisantes de contrôle à cet égard.

Un médecin ne pourrait-il attester de la lucidité de la personne au moment où elle rédige un tel document ?

On sait en effet que les personnes qui souffrent de sénilité ne sont parfois lucides que par intermittence.

Un membre réplique que le même problème se pose à l'égard d'un testament olographe.

La précédente oratrice estime que des précautions supplémentaires doivent être prises lorsqu'il s'agit de disposer, non de ses biens, mais de sa vie.

En l'occurrence, il s'agit simplement d'un écrit, sans force contraignante, et révocable.

L'intervenante voudrait que l'on fasse une distinction dans ce paragraphe entre l'euthanasie et toutes les décisions de fin de vie qui ne concernent pas celle-ci.

Les déclarations précitées qui existent dans certains États américains décrivent de façon précise les actes médicaux dont il s'agit.

Tout cela relève, il est vrai, des droits du patient. Le cas des témoins de Jéhovah, évoqué par un précédent intervenant, l'a d'ailleurs été lors des auditions qui ont eu lieu ce 9 janvier 2001, à la commission de la Santé publique de la Chambre, sur le thème des droits du patient.

La valeur du consentement est peu relevante en droit.

L'intervenante ne comprend pourquoi le texte précise que les formalités sont prévues à peine de nullité.

Dans quel cadre celle-ci trouvera-t-elle à s'appliquer, puisque la proposition ne prévoit aucune sanction spécifique, que les dossiers passeront devant une commission d'évaluation puis, éventuellement, à la justice, qui appliquera le droit commun.

Qui constatera la nullité, puisque, de toute façon, la déclaration ne vaut pas consentement et n'a pas force contraignante ? On ne peut donner une sanction juridique à un acte qui n'a pas de valeur juridique.

L'intervenante se demande aussi, sur un plan plus formel, s'il ne vaut pas mieux parler de « mettre fin à la vie », plutôt que d'« interrompre » la vie ?

En ce qui concerne la situation irréversible selon l'état actuel de la science, l'intervenant suggère de reprendre la formulation utilisée à l'article 98 du Code de déontologie médicale.

De façon générale, l'intervenante suppose que l'article 4 à un double but : permettre au patient d'exprimer sa volonté par écrit, mais aussi protéger le médecin.

Ce dernier objectif est celui que poursuivent les législations dans les quelques pays où le testament de vie existe, et où la culture du procès en responsabilité médicale est à ce point développée que les médecins ont voulu se protéger contre les actions dont ils pourraient être l'objet de la part du patient.

L'intention première, dans ces pays, n'était donc pas de mettre le patient au centre du processus.

La ministre Aelvoet a déclaré vouloir lier son projet sur les droits du patient à celui relatif aux erreurs médicales et à la responsabilité des médecins. L'intervenante trouve cette approche intéressante.

Il importe donc de savoir quelles seront les conséquences, sur le plan de la responsabilité médicale, du (non-)respect des volontés que le patient aura mises par écrit, et, dès lors, de cerner la figure juridique à laquelle correspond la déclaration anticipée.

Un autre membre estime que la déclaration anticipée suscite des questions de fond, quant à l'opportunité de la disposition envisagée, et quant à son lien avec l'article 4bis proposé par l'amendement nº 16, tout en gardant à l'esprit le contenu de l'article 3, tel qu'il a été voté, qui vise à la fois les patients en phase terminale et ceux dont le décès n'est pas prévisible à brève échéance.

La déclaration anticipée était reprise dans certaines des propositions initialement déposées, d'autres l'avaient explicitement exclue, pour des raisons non dépourvues d'intérêt.

La proposition des six auteurs, telle que modifiée par les amendements déposés, la reprend également.

L'intervenante se rallie aux observations et questions juridiques formulées par un précédent intervenant.

Elle souhaite, pour sa part, insister sur la question de la cohérence des dispositions relatives à la déclaration anticipée avec les propositions formulées par la ministre Aelvoet au sujet des droits du patient, et particulièrement au chapitre 3, relatif à la représentation du patient.

En effet, les amendements déposés par les six auteurs, qui modifient la proposition de loi, introduisent la notion de déclaration anticipée pour des raisons différentes.

Lorsque l'intervenante a déposé avec un autre membre des amendements relatifs à l'information et au consentement du patient, estimant que la philosophie de la permission à un éventuel acte d'euthanasie devait se comprendre dans le contexte plus large de l'accompagnement de fin de vie, il a été répondu que tout cela ferait l'objet d'un texte séparé à examiner par la Chambre des représentants.

Mais il est clair qu'à l'article 4, on introduit, par le biais de la déclaration anticipée, l'un des éléments contenus dans la note sur les droits du patient, présentée par Mme Aelvoet, puisqu'on y parle de préférences ou d'objections pour un certain nombre de prises en charge médicales.

L'intervenante se dit favorable à ce que les patients ­ conscients ou inconscients ­ puissent faire connaître leur position, leurs objections et leur refus par rapport à l'acharnement thérapeutique et à certains traitements.

Or, à l'article 4, on prévoit ce que l'on a écarté pour des patients conscients et capables, à savoir indiquer par écrit ses préférences ou ses objections, pour ce que l'on appelle des prises en charge médicale.

Une telle expression de volonté suppose un dialogue préalable avec un médecin qui puisse éclairer le patient de façon approfondie sur la portée de ses choix.

Il est incohérent de n'introduire ici qu'une petite partie d'un élément essentiel, à savoir le droit à l'information et au consentement, qui font partie des droits du patient.

La note de Mme Aelvoet sur ce sujet est très intéressante, parce qu'elle situe bien l'ensemble des problèmes que l'on peut rencontrer sur le terrain, et qui ne concernent évidemment pas seulement la fin de vie ou l'acte précis d'euthanasie, mais l'ensemble des relations patient-médecin dans le cadre des droits du patient et du consentement éclairé, qui constitue une des normes internationales actuelles en termes de bonnes pratiques médicales.

Dans le chapitre distinct que Mme Aelvoet consacre à la représentation du patient, elle fait référence aux différentes situations qui peuvent exister en la matière.

La représentation du patient suppose soit que celui-ci est mineur, auquel cas la responsabilité est parentale, soit qu'il est placé sous minorité prolongée, et bénéficie d'une tutelle. Dans ces cas, la situation juridique est claire.

Ceci n'entre pas dans le champ d'application de la proposition, qui ne s'applique pas aux personnes non capables juridiquement, c'est-à-dire mineures (à l'exception des mineurs émancipés) ou placées sous minorité prolongée.

Le troisième cas visé par la note de Mme Aelvoet est celui de la personne majeure ne bénéficiant pas (encore) d'un statut de protection particulier prévu dans le droit commun mais qui, en fait, n'est néanmoins pas en mesure de déterminer sa volonté ­ par exemple le patient dément ou comateux ­ ou, cas plus rare, de l'exprimer.

Il s'imposait en l'occurrence de prévoir une réglementation légale pour la représentation de ces patients.

Il est prévu que les droits du patient qui n'est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts en matière de santé et qui ne relève pas du statut de protection de la minorité prolongée ou de l'interdiction sont exercés en premier lieu par une personne de confiance. Cette personne de confiance doit avoir été désignée par le patient au moment où celui-ci était encore apte à apprécier raisonnablement ses intérêts. Cette désignation doit se faire au moyen d'un mandat écrit, daté et signé par le patient et la personne de confiance.

En outre, le mandat doit attester que la personne de confiance a marqué son consentement sur le mandat qui lui a été conféré. Les règles générales du Code civil s'appliquent au mandat.

En outre, des dispositions particulières peuvent être prévues dans le mandat. Afin de s'assurer que le mandat est connu au moment où il doit être exercé, il est indiqué de prendre au préalable les mesures de précaution qui s'imposent. Ainsi, il faut signaler clairement, notamment à l'intention du médecin généraliste, qu'un mandat a été conféré et préciser l'endroit où le contrat est conservé.

Il peut arriver que le patient n'ait pas désigné une personne de confiance ou que cette personne de confiance n'intervienne pas. Dans ce cas, les droits sont exercés par l'époux(se), le partenaire enregistré ou le partenaire.

Si cette personne ne souhaite pas exercer ces droits ou si cette personne fait défaut, les droits sont exercés, en ordre subséquent, par un parent, un enfant majeur, un frère ou une soeur majeur(e).

La note de Mme Aelvoet prévoit un système de cascade pour ces personnes.

Elle indique également que le patient doit être associé, autant que faire se peut, à l'exercice de son droit.

L'article 13 du texte, déjà assez élaboré, de la ministre prévoit, en son § 1er, alinéa 1er : « Les droits, tels que fixés par la présente loi, d'un patient mineur jugé inapte à apprécier raisonnablement ses intérêts en matière de santé et ne relevant pas des statuts visés à l'article 12, sont exercés par la personne, ci-après dénommée « personne de confiance », que le patient aura préalablement désignée pour se substituer à lui. »

Le concept utilisé n'est donc pas le même que ceux figurant dans la proposition à l'examen, où il est question, à l'article 4, d'un patient qui ne peut manifester sa volonté, et à l'article 4bis, d'un patient inconscient.

La ministre n'exclut pas que la personne de confiance soit un membre de la famille et, s'il n'y a pas de personne de confiance, elle prévoit une cascade selon laquelle, en premier lieu, ce sont les membres de la famille les plus proches qui sont compétents.

Elle prévoit aussi que, s'il s'agit d'une personne de confiance, le médecin doit suivre son avis. Le caractère indicatif mérite donc d'être précisé.

L'intervenante aurait préféré une législation globale sur l'accompagnement de fin de vie, où l'on aurait indiqué que les droits du patient à l'information, au consentement, la déclaration anticipée et la personne de confiance éventuelle sont des éléments-clés, quelle que soit la situation.

Mais ici, travaillant parallèlement, on introduit une disposition ambiguë qui posera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.

L'intervenante se réfère ensuite à l'avis nº 9 du Comité consultatif de bioéthique « concernant l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté ». On ne parle donc pas ici des patients « inconscients ».

Il faut dès lors bien préciser dans quel cas de figure médicale et/ou juridique on se trouve lorsqu'on parle de la déclaration anticipée, et de la portée qu'elle pourrait avoir par rapport à un acte d'euthanasie.

Dans l'avis précité, les tenants des positions 2 et 3 sont extrêmement prudents. Ils disent clairement que par rapport à une demande écrite formulée par un patient conscient, une directive anticipée ne peut avoir le même poids. Cela paraît évident puisque, lorsque le patient est inconscient, on ne peut s'assurer que sa demande présente toutes les qualités énumérées à l'article 3.

D'ailleurs, ceux qui avaient, initialement, exclu de leurs propositions le patient inconscient, avaient indiqué, à raison, que l'évolution d'un individu était évidente lorsqu'il était conscient, et qu'elle ne pouvait plus être vérifiée ni constatée lorsqu'il était inconscient.

Cela montre à quel point les situations sont complexes et délicates, et que les concepts utilisés doivent donc être clairement définis.

L'intervenante se réfère à l'audition de Mme Sabine Henry, qui s'est exprimée au sujet des patients atteints de la maladie d'Alzheimer.

Un membre fait observer que, dans la proposition à l'examen, on vise l'inconscience irréversible.

La précédente intervenante répond que son souci est que l'on sache exactement quelles situations sont visées.

Ainsi, lorsqu'on parle d'une déclaration anticipée pour le cas où une personne n'est plus apte à manifester sa volonté, qu'est-ce que cela signifie exactement ?

Cela est différent d'un patient en état d'inconscience irréversible. Un patient « Alzheimer » pourrait peut-être, à un moment ou l'autre, répondre à la première définition, mais jamais à la seconde.

Mme Henry a déclaré : « Parfois, la famille me rapporte que le patient a déclaré que s'il perd la tête, la vie ne vaut plus rien pour lui. Pourtant, cette même famille me dit plus tard son étonnement de voir le patient rire encore, éprouver du plaisir à vivre lorsqu'on lui parle de sa mère ou qu'on le conduit à sa maison natale. A-t-on le droit d'empêcher les patients de connaître ces plaisirs ? (...) C'est cela qui me met mal à l'aise et ne répond pas à mon appel de conscience. J'ai l'impression que nous sommes un peu déchirés entre, d'une part, l'envie de rencontrer le souhait de la personne qui s'est exprimée quand elle était consciente et, d'autre part, le changement de caractère de cette même personne en raison de la progression de la maladie. Ce changement de caractère n'est d'ailleurs pas toujours négatif : quelqu'un d'autoritaire peut devenir très doux. (...) On peut donc parfois assister à un changement très spectaculaire. Peut-on alors toujours considérer comme valable cette directive qui a été donnée avant que la personne devienne ce qu'elle est aujourd'hui ? C'est là toute la question.

Il faudrait presque scinder l'aspect médical et le déroulement de la maladie en elle-même et se dire que, malgré tout, cette situation est vécue par la personne, dans son émotion et dans son être profond. Dès lors, où donner la priorité ? C'est là que réside toute la difficulté. Je pense que nous n'avons pas encore suffisamment approfondi, que nous n'avons pas assez d'expérience pour pouvoir décider si la volonté première de la personne sera maintenue ou plutôt abandonnée. »

À la question de savoir si l'on suit la volonté du patient, Mme Henry a répondu : « Je dirais que l'on tente de respecter la volonté du patient mais, en même temps, on a besoin de la vérifier. Car, si on se trompait dans la perception de cette demande, ce serait extrêmement grave. Nous sommes donc un peu coincés, si j'ose dire. Nous sommes dans l'impossibilité de percevoir et surtout de vérifier cette volonté. Je crois que cette décision est trop importante pour être négligée ou traitée à la légère. Il s'agit toujours de la vie d'une personne à part entière. Ce n'est pas parce qu'elle est démente qu'elle n'a plus de valeur. À cet égard, il y aurait beaucoup de choses à dire. »

Enfin, à propos de la prise en charge des patients, Mme Henry cite le cas de l'Allemagne : « Là-bas, on est passé aux actes. On a d'abord reconnu les difficultés et les besoins de la personne et de sa famille. On propose donc à la famille une allocation pour les soins. Celle-ci peut garder l'allocation si elle preste ces soins ou elle peut payer un professionnel pour le faire. L'Allemagne est donc peut-être un peu plus en avance. Je pense que les démarches concrètes devraient aussi aller dans ce sens-là. »

Mme Henry a également évoqué la notion d'allocation-dépendance, qui permet aux familles de soutenir les personnes âgées. Ce débat politique est en cours.

L'intervenante ajoute qu'elle reviendra sur quelques points plus précis au cours de la discussion de l'article.

Elle poursuit son exposé en rappelant l'ambiguïté qui, selon elle, caractérise l'article 4, en ce qu'il élargit, au § 1er, la déclaration anticipée à des situations plus générales que le seul acte d'euthanasie.

L'intervenante se demande ce que vise exactement l'alinéa 1er de l'article, et ce qu'il faut entendre par les mots « certains types de prise en charge médicale ».

Elle souligne une fois encore que cette disposition, ainsi que la référence à un mandataire, vont entrer en contradiction avec les propositions formulées par Mme Aelvoet au chapitre III de sa note conceptuelle, qui concerne la représentation du patient.

Plusieurs membres avaient plaidé pour que l'on élargisse la proposition, en en faisant un texte relatif à l'accompagnement de fin de vie, où l'exception d'euthanasie pourrait trouver sa place, mais qui constituerait un cadre beaucoup plus général et plus global, où un certain nombre de droits du patient (dont les deux droits fondamentaux à l'information et au consentement) seraient prévus. Ces deux droits figurent d'ailleurs dans la note conceptuelle de Mme Aelvoet.

On ne retrouve ici ni cette continuité ni cette logique.

Aujourd'hui, chacun peut certes déjà exprimer par écrit ses souhaits par rapport à certains actes médicaux.

Il importe cependant, dans la logique des droits du patient, que cela forme un continuum et un tout, ayant pour point de départ le droit à l'information.

Il y a un sens à prévoir la rédaction d'un document où la personne donnerait des indications sur ses souhaits quant à des soins lorsqu'elle ne serait plus capable de manifester sa volonté.

Il est toutefois évident que cela repose sur les deux autres droits fondamentaux déjà cités, à savoir le droit à l'information et le droit au consentement.

Sorti de ce contexte, l'article 4 proposé perd de son sens.

Que peut valoir une déclaration anticipée, si son auteur n'est pas informé des conséquences qu'elle pourrait avoir pour lui ?

Il faudrait donc, à un moment donné, une discussion entre la personne et, de préférence, le médecin généraliste, à ce sujet.

L'intervenante regrette par ailleurs que l'on réintroduise ici la notion de mineur émancipé. Cela introduit une brèche dans le discours des six auteurs, qui se veut très limitatif par rapport aux mineurs.

Cet élément pourrait susciter d'énormes problèmes et ne tient pas compte de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui s'applique aux enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, et ne fait pas de différence sur la base de la notion d'émancipation.

Il faut s'interroger aussi sur la portée de la déclaration écrite en question. En effet, il ne faudrait pas qu'elle puisse avoir la même valeur qu'une demande répétée et persistante, formulée dans le cadre d'un dialogue approfondi entre patient et médecin, et entourée d'une série de précautions, telle que prévue à l'article 3.

Même une demande confirmée par écrit conformément à l'article 3 est d'ailleurs dépourvue de force contraignante, puisque le médecin peut toujours refuser de pratiquer l'euthanasie.

Une déclaration anticipée ne peut être qu'indicative d'un état d'esprit à un moment donné, contrairement à la manière dont est rédigé, en particulier, l'alinéa 3 de l'article, qui donne à penser qu'elle est impérative.

En ce qui concerne l'alinéa 2, l'intervenante observe que les termes « qu'un médecin interrompe sa vie » sont différents de ceux qui figurent à l'article 2 pour définir l'euthanasie.

Quant aux termes « s'il est inconscient et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science », l'intervenante estime qu'ils devraient figurer à l'article 4bis, puisque c'est cet article qui, sous une forme que l'intervenante juge particulièrement ambiguë, légitimerait l'acte par lequel un médecin donnerait suite à une déclaration anticipée.

En ce qui concerne l'alinéa 3 de l'article 4, un précédent orateur a bien indiqué quelles objections soulève l'utilisation du terme « mandataire ».

La notion de « personne de confiance » serait plus adéquate, d'autant plus que c'est celle qui apparaît dans la discussion sur les droit du patient et que, aux yeux de l'intervenante, le rôle de la personne en question doit strictement se limiter à faire valoir auprès du médecin l'existence de la déclaration anticipée.

Lui confier un autre rôle irait beaucoup trop loin. Ce serait se substituer à la volonté du patient et mettre la personne de confiance dans une situation inconfortable et anormale, compte tenu de la gravité de l'acte dont il s'agit.

En outre, le médecin généraliste, qui connaît le patient, devrait aussi pouvoir intervenir comme personne de référence.

Quant à l'alinéa 4, l'intervenante n'aperçoit pas l'utilité de la première phrase. Il va de soi que la déclaration peut être faite à tout moment. La suite de l'alinéa aurait davantage sa place à l'article 4bis.

L'intervenante ne comprend pas davantage le sens de l'hypothèse visée à la première phrase de l'alinéa 5, puisque l'on vise ici, en principe, des personnes qui sont encore capables de prendre des dispositions et qui font connaître leur volonté pour le cas où certaines circonstances se présenteraient.

Si l'on vise une incapacité physique de signer, il faudrait le prévoir explicitement.

Quant au délai de cinq ans visé à l'alinéa 6, l'intervenante le juge beaucoup trop long.

Si l'on veut que la déclaration soit indicative d'une certaine volonté du patient, et dans la logique d'une répétition de la demande, il serait préférable qu'elle soit confirmée de façon plus régulière, par exemple tous les ans.

L'alinéa 7 de l'article est pertinent. Il faut cependant avoir à l'esprit que la révocation dont il s'agit n'a pas la même portée que celle prévue à l'article 3 puisqu'elle ne pourra avoir lieu, au plus tard, que juste avant que le patient ne devienne inconscient.

Quant au dernier alinéa, l'intervenante le trouve beaucoup trop administratif par rapport à la portée de la déclaration anticipée.

Elle estime qu'une meilleure formule, plus respectueuse du dialogue médecin-patient qui doit s'instaurer à ce sujet, serait de prévoir, s'il devait y avoir déclaration anticipée, que ce soit le médecin généraliste du patient qui en soit le détenteur.

Faire de la déclaration anticipée un acte purement administratif lui paraît méconnaître la réalité de terrain et le caractère éminemment personnel et sensible de la question.

Recourir aux services du Registre national ne garantit pas non plus la vie privée du patient.

De manière plus générale, l'intervenante rappelle que le Comité consultatif de bioéthique avait abouti à un large consensus sur la reconnaissance de la légitimité d'une directive anticipée, avec une préférence pour la désignation d'une personne de confiance.

Le comité considérait que cette directive anticipée ne pouvait avoir aucune valeur contraignante pour le médecin.

Restait la question de savoir comment prendre en compte une telle directive. Peut-elle oui ou non fonder une demande d'euthanasie ?

Le Comité de bioéthique était partagé à ce sujet.

L'intervenante attire l'attention sur le fait que, dans l'article 4 beaucoup plus que dans l'article 3, on donne un pouvoir énorme, voire disproportionné, à un médecin, dont l'acte peut être légitimé, alors que le patient n'est plus là pour exprimer sa volonté, et qu'il peut s'être écoulé un temps assez long depuis la rédaction ou la confirmation de celle-ci. Il s'agit d'un véritable blanc-seing donné au médecin.

Aujourd'hui, face à des patients en état d'inconscience irréversible, les médecins ont des discussions avec la famille, ils s'interrogent sur le plan éthique et peuvent estimer en conscience, sur la base de l'état de nécessité, que la situation du patient justifie, par exemple, une désescalade thérapeutique.

À l'avenir, dans quelle situation se trouvera le médecin si, dans les mêmes circonstances, le patient n'a pas fait de déclaration anticipée ?

L'intervenante conclut qu'elle pourrait s'inscrire dans la logique d'un article autonome traitant de la déclaration anticipée pour tous les actes de fin de vie ou tous les actes pour lesquels le patient ne serait plus en état de manifester sa volonté, et reprenant les amendements relatifs au droit à l'information, au droit au consentement et au non-acharnement thérapeutique.

Mais, pour une déclaration anticipée visant un acte d'euthanasie et par rapport à tous les actes que les médecins posent aujourd'hui en conscience, notamment dans les services de soins intensifs, la question doit être de savoir dans quelle situation juridique le texte envisagé placerait le médecin.

Un membre constate, par rapport à l'article 4, qu'il existe, d'une part, un antagonisme de fond par rapport à la problématique de l'euthanasie et, d'autre part, une série d'observations auxquelles il est sans doute possible de donner suite pour améliorer le texte.

Quant à la valeur de la déclaration, l'intervenant répète qu'elle n'est pas contraignante, que ce soit dans le cadre de l'article 3 ou de l'article 4.

La précédente intervenante observe que le problème est que, dans le cadre de l'article 4, le patient n'est plus là pour confirmer sa « volonté ».

L'orateur poursuit en constatant que certains intervenants expriment à la fois la volonté d'une minutie importante assurant la protection du malade et une critique par rapport au caractère excessif et trop administratif des démarches qui doivent être accomplies.

L'intervenant considère qu'il s'agit simplement d'une procédure qui doit, à la fois donner des garanties suffisantes au malade et, dans le même temps, ne pas empêcher qu'une réponse soit donnée à ce dernier.

Ces deux impératifs doivent être pris en compte. La proposition définit les conditions dans lesquelles il n'y a pas d'infraction si une euthanasie est pratiquée.

Elle n'a pas pour objectif de régler tous les problèmes susceptibles de se présenter.

Enfin, une grande majorité de médecins considèrent, quelle que soit la situation de malade, que l'existence d'un document émanant de ce dernier les aide. (« Attitude médicale en Belgique concernant les patients en état végétatif permanent », Dirickx, Cosman, « Tijdschrift voor geneeskunde 1998 »; Résultats globaux calculés pour l'ensemble des médecins, sans tenir compte de l'appartenance linguistique (Étude émanant de la KUL) : « Pour 64 % des médecins interrogés, le facteur décisif le plus important pouvant influencer une décision d'arrêt de l'alimentation (...) serait la directive anticipée, ou l'opinion informelle antérieure donnée par le patient. »)

L'intervenant estime qu'il s'agit là d'un élément extrêmement important à prendre en considération. L'aide résultant pour le médecin de la rédaction d'un document par le patient peut d'ailleurs concerner des circonstances qui ne sont pas l'objet direct de la présente proposition de loi.

Chacun constate qu'il est impossible de régler l'ensemble des problèmes susceptibles de se poser.

D'autre part, les six auteurs veulent déterminer de la façon la plus précise possible les conditions dans lesquelles l'euthanasie ne représente pas une infraction. Telle est la portée du travail que les commissions réunies accomplissent actuellement.

Pour le surplus, et pour tous les cas qui ne sont pas visés par la proposition de loi, une législation existe, qui n'a pas été modifiée.

On peut discuter de la question de savoir s'il est souhaitable, dans un texte qui a trait de manière spécifique à l'euthanasie, de traiter d'autres aspects du problème, comme on le fait à l'alinéa 1er de l'article 4 proposé.

Mais il est contradictoire de contester, d'une part, l'opportunité d'insérer cet alinéa dans la proposition, et de réclamer, d'autre part, que l'on y inscrive des dispositions générales sur les droits du patient.

La précédente intervenante répond qu'il y a probablement un consensus sur l'intérêt d'une déclaration anticipée, y compris pour le patient qui peut ainsi évacuer certaines peurs relatives, par exemple, à l'acharnement thérapeutique.

Ce que l'on discute ici est autre chose : dans le cadre d'une proposition de loi sur l'euthanasie, quelle est la portée de la déclaration en question ?

Un membre fait remarquer qu'il y a une grande différence entre, d'une part, une déclaration anticipée et, d'autre part, une « déclaration d'euthanasie ». En effet, la déclaration anticipée vise les situations dans lesquelles on ne peut plus exprimer sa volonté et où le dialogue entre le médecin et le patient est dès lors impossible. La résolution 1418 (1999) du Conseil de l'Europe recommande d'ailleurs de telles déclarations anticipées, lesquelles devraient concerner tous les actes médicaux en fin de vie. Une « déclaration d'euthanasie » ­ c'est-à-dire une demande d'application de l'euthanasie quand telle ou telle situation spécifique se produit ­ est néanmoins explicitement rejetée par la résolution. La réglementation proposée par l'amendement nº 15 ressemble davantage à une « déclaration d'euthanasie » qu'à la déclaration anticipée proposée par le Conseil de l'Europe.

Le membre souligne quelques imprécisions de l'amendement nº 15, qu'il a déjà signalées auparavant. Une question cruciale est de savoir à quelle catégorie de personnes peut s'appliquer une déclaration anticipée, telle que visée dans l'amendement. En d'autres termes, que veut dire exactement l'expression « ne plus être conscient » ? Dans la pratique médicale courante, on vise les personnes se trouvant dans le coma. Il ressort de déclarations publiques des auteurs de l'amendement nº 15 que l'on envisage un champ d'application beaucoup plus étendu, comme entre autres les personnes incapables de manifester leur volonté, les déments qui ne sont plus à même de former leur volonté ainsi que les personnes qui ne sont plus en état d'exprimer leur volonté, par exemple, les personnes souffrant d'une tumeur au cerveau et ayant perdu l'usage de la parole. L'ASBL Recht op waardig sterven diffuse des « testaments de vie », dans lesquels on trouve les phrases suivantes :

« ... si mon état physique ou mental est altéré au point qu'il n'y a plus d'espoir raisonnable de guérison, que `l'option C', ­ l'euthanasie active ­ me soit appliquée. Je décide cela maintenant, étant entièrement libre et conscient, et j'attends de mon entourage et de mes médecins le respect inconditionnel et l'exécution de cette volonté. »

L'intervenante se réfère également à une interview avec un commissaire dans « Het Belang van Limburg » du 20 juin 2000, dans lequel elle déclare :

« ... Je n'aime pas tellement le terme `euthanasie'; je préfère les termes `mourir humainement'. J'ai signalé que tel serait mon souhait dès que je ne serais plus capable d'exprimer ma volonté, si je perdais mon autonomie, par exemple en devenant démente, ainsi que la maîtrise de mes fonctions physiques. »

Selon ce passage, la déclaration anticipée ne se rapporte certainement pas uniquement à la phase terminale et peut aussi être appliquée quand la personne concernée est devenue démente. On devrait donc pouvoir décider au maximum cinq ans à l'avance qu'on ne veut jamais devenir dément et demander qu'à ce moment-là il soit activement mis fin à la vie. Cela n'a plus rien à voir avec la douleur insoutenable ou une situation médicale sans issue, comme prévu à l'article 3.

Cependant, les auditions, et en particulier les témoignages de l'Association des patients « Alzheimer », ont montré que, même si la personnalité des déments change, ils n'en restent pas moins des personnes extraordinaires vivant dans leur univers propre, ayant leurs propres désirs et leur façon spécifique de les exprimer. Le texte proposé condamne cependant ces patients sur la base d'un papier qu'ils ont rédigé lorsqu'ils étaient en bonne santé. Il faut dès lors se poser la question de savoir si la démence peut être un motif suffisant pour pratiquer une euthanasie et si un morceau de papier prime par rapport au vécu d'une personne démente.

Un autre membre constate que l'on essaie systématiquement, à propos de cette proposition de loi sur l'euthanasie, d'étendre le débat à tout ce qui n'appartient pas vraiment au contenu et à l'objectif de celle-ci.

On a d'abord voulu faire du débat sur les soins palliatifs un préalable, puis on a estimé qu'il fallait régler une série d'éléments comme la définition de l'acharnement thérapeutique, le suicide assisté, etc.

On invoque maintenant la note conceptuelle de Mme Aelvoet.

Tout d'abord, le projet sur les droits du patient sera discuté en premier lieu à la Chambre et le Sénat n'en connaîtra que s'il l'évoque.

En outre, l'intervenant trouve étonnant que l'on parle du « projet » de Mme Aelvoet alors qu'à l'heure actuelle, il ne s'agit que d'une note d'intentions, sur laquelle la Chambre va se pencher après avoir procédé à des auditions, après quoi Mme Aelvoet réexaminera la question, avant de déposer éventuellement un projet de loi sur les droits du patient.

Enfin, la déclaration gouvernementale prévoit expressément que le gouvernement n'interférera pas dans les débats éthiques, qui sont du ressort du Parlement.

La référence permanente aux intentions de la ministre de la Santé publique n'est donc pas pertinente en l'occurrence.

Pour le surplus, l'intervenant s'étonne que certains considèrent qu'un individu n'est pas à même de déterminer lui-même ses volontés, en fonction de la conception qu'il a de sa propre dignité, et qu'il faudrait toujours qu'il soit encadré pour ce faire, notamment par le médecin traitant.

L'intervenant estime qu'il faut laisser à chaque individu sa liberté quant à la manière dont il conçoit sa déclaration de volonté.

En ce qui concerne la valeur de la déclaration, il répète une fois encore qu'il s'agit d'un élément que le médecin a en sa possession et qu'il doit d'ailleurs compléter par une série d'autres démarches et informations prévues à l'article 4bis.

Enfin, l'intervenant se rallie à l'observation d'un précédent orateur, qui a relevé le caractère contradictoire de la position qui consiste, d'une part, à faire grief au système proposé d'être trop administratif, et, d'autre part, à vouloir que la démarche du patient soit davantage entourée.

Quant au pouvoir plus important qui serait donné au médecin dans le cas où le patient est inconscient, l'intervenant rappelle que la déclaration ne constitue qu'un élément en possession du médecin. Celui-ci peut, que le patient soit conscient ou inconscient, décider de ne pas faire droit à la demande.

En outre, comme déjà indiqué, l'article 4bis exige le respect d'un certain nombre de conditions. À l'heure actuelle, aucune loi ne prévoit la moindre obligation de ce genre à l'égard du médecin. On ne peut donc raisonnablement soutenir que le texte proposé donne un blanc-seing au médecin.

Enfin, répondant à un précédent orateur qui avait cité les développements précédant l'une de ses propositions de loi antérieures, et où il exposait les motifs pour lesquels il ne lui semblait pas opportun de légiférer sur la déclaration anticipée, l'intervenant admet volontiers qu'il a évolué, et qu'il lui paraît souhaitable de tenir compte de l'évolution qui s'est fait jour également dans la société.

En outre, à l'époque, l'idée d'un renouvellement périodique de la déclaration n'avait pas été envisagée, et l'intervenant trouvait trop dangereux une déclaration unique, qui aurait été rédigée, éventuellement, sous le coup des circonstances, et n'aurait pas tenu compte de l'évolution possible de la personne.

Le délai de cinq ans actuellement proposé lui paraît raisonnable.

Pour le surplus, il est probable que des amendements seront déposés à l'article 4, pour rencontrer les observations pertinentes formulées par plusieurs membres.

Un membre se déclare favorable à une déclaration anticipée, qui témoigne d'une réflexion préalable d'une personne sur sa vie et sa mort, et qui constitue une aide à la décision médicale.

Aujourd'hui, déjà, on voit mal comment un médecin pourrait faire fi d'une telle déclaration, lorsqu'elle existe.

En ce qui concerne l'article 4 proposé, l'alinéa premier part des droits du patient et d'un contexte global. Pourquoi, alors, ne pas avoir adopté cette logique pour l'ensemble du texte ?

Pourquoi, ensuite, limiter cette approche, par exemple par les termes « peut » et « pour certains types de prises en charge » ?

Il semble évident que le patient n'a pas besoin d'une autorisation pour indiquer tout ce qu'il souhaite dans sa déclaration anticipée.

La rédaction du texte ne risque-t-elle pas de donner l'impression d'une inversion de la problématique, laissant à entendre que certains souhaits sur la façon de soigner ne pourraient être exprimés ?

Or, le but est que le médecin prenne en compte la déclaration anticipée.

Le terme « peut » ne s'adresse-t-il pas au médecin et, dès lors, le texte ne devrait-il pas être formulé plus clairement ?

En ce qui concerne la révocation, l'alinéa 7 de l'article 4 proposé par l'amendement nº 15 stipule qu'elle peut intervenir à tout moment.

L'intervenant se demande si la révocation constitue en l'occurrence la figure juridique adéquate.

En effet, s'il s'agit d'un mode de dissolution propre aux contrats à titre gratuit, comme la donation, il y a révocation, selon le professeur Pierre Van Ommeslaghe, lorsqu'une personne se voit retirer un avantage qu'elle tient d'un contrat à titre gratuit.

Or, il est évident qu'il n'est pas question de contrat. La déclaration anticipée n'est pas un contrat, mais une manifestation unilatérale de volonté.

Quant à la manifestation de volonté, quelle est sa valeur ?

Un précédent orateur y a insisté, la demande aussi bien que la déclaration anticipée constituent des hypothèses, des points de départ, des conditions du processus euthanasique, et non des actes juridiques unilatéraux, car il ne s'agit pas pour le patient de s'engager, de se donner des obligations, mais bien d'exprimer sa volonté.

Ni la déclaration, ni la demande ne créent elles-mêmes une obligation pesant sur le médecin. Si question de validité il y a, elle portera sur l'euthanasie elle-même, sur la décision du médecin, et non sur le contexte d'émergence de la demande du patient, ni sur la demande elle-même.

L'intervenant estime donc que la rédaction du texte devrait être clarifiée et tenir compte de plusieurs suggestions formulées dans le cadre de la discussion.

Quant à la note conceptuelle de Mme Aelvoet, il s'agit de la poursuite d'un travail initié par M. Colla voici déjà un certain temps, et il est dommage que les commissions réunies n'aient pu en débattre plus longuement.

Cependant, la ministre est aussi liée par les contraintes du travail parlementaire. Elle-même avait souhaité que les deux assemblées puissent examiner ensemble cette problématique en profondeur, mais cela n'a pas été possible.

Un autre membre dit avoir retenu des auditions que beaucoup de médecins estiment utile de disposer d'un document écrit fournissant des indications pour le cas où le patient ne pourrait plus s'exprimer. Tous ont dit qu'un tel document était utile dans une optique d'arrêt de traitement ou d'abstention de traitement. Très peu ont mentionné l'euthanasie au sens strict.

Le problème concerne essentiellement les personnes qui vivent en état végétatif.

L'intervenante a relu l'article déjà cité du Lancet et y a trouvé six ou sept actes médicaux entrant dans la « ending of life decision ».

Il faut donc bien cerner le champ d'application de l'article proposé.

Il semble que le but soit de viser exclusivement l'euthanasie, à l'exclusion de l'arrêt ou de l'abstention de traitement et de tout acte ayant pour effet secondaire d'entraîner le décès.

Or, l'intervenante se dit convaincue que ce qui est actuellement le plus utile, c'est une législation d'ordre médical sur toutes les décisions qui ne sont pas des euthanasies, plutôt qu'un texte de droit pénal sur la possibilité de pratiquer l'euthanasie, lorsqu'un patient est inconscient.

L'intervenante se réfère à la loi danoise sur les droits du patient, et à son chapitre « Fin de vie », où l'on parle du testament de vie de façon explicite, en lui donnant une valeur plus contraignante que ce qui est envisagé ici, lorsqu'il s'agit de la volonté du patient dans le cadre d'un arrêt de traitement ou d'une abstention de traitement.

Cette distinction est absolument nécessaire aux yeux de l'intervenante.

Si on ne légifère que sur l'euthanasie au départ du testament de vie, on ne vise que des cas tout à fait particuliers, et plus marginaux encore que dans le cadre de l'article 3.

Une telle façon de procéder risque de compliquer encore les choses et suscite de la part du monde médical de plus en plus de questions sur le caractère praticable du texte (cf. l'amendement nº 287).

Un membre déclare, en réponse à un précédent intervenant, qu'elle n'a jamais prétendu que les gens seraient incapables de rédiger des documents, quels qu'ils soient.

Le problème réside dans la valeur que l'on accorde à ce type de document et dans la question de savoir si beaucoup de gens feront usage de la possibilité de le rédiger.

Il semble résulter de l'expérience des pays où cette possibilité existe que très peu de personnes y ont recours.

Quoi qu'on en dise, la plupart des gens, même s'ils disposent des capacités intellectuelles pour le faire, ne se sentent pas, face à un médecin généraliste ou à l'hôpital, en situation de mener un dialogue d'égal à égal.

La société est aussi devenue beaucoup plus multiculturelle, ce qui ne facilite pas nécessairement la communication.

Plaider à tout prix l'autonomie et la capacité du patient en la matière, c'est faire fi de la réalité de terrain, et sous-estimer le pouvoir des médecins, en particulier à l'intérieur des hôpitaux.

Quant à l'opinion exprimée par l'intervenante, et selon laquelle le système proposé pour les patients inconscients donnerait un blanc-seing au médecin, elle précise qu'elle a voulu souligner qu'à l'heure actuelle, le médecin qui, en conscience, agit à l'égard d'un tel patient doit en rendre compte devant la justice et pourra se voir appliquer la notion d'état de nécessité.

Si l'on légifère en la matière, on modifie fondamentalement la situation, et l'on crée par rapport au patient inconscient une situation ambiguë. Qu'adviendra-t-il en effet de l'arrêt thérapeutique, que certains considèrent comme une forme d'euthanasie ?

Il est fait observer que c'est là la raison pour laquelle certains médecins ont été récemment inculpés, dans des circonstances qui ont été relatées par la presse.

La précédente intervenante réplique que l'on ne connaît pas le contenu de ces dossiers.

On eût été mieux inspiré de prévoir une législation permettant d'indiquer, pour les médecins, des lignes directrices à respecter dans le cadre général de l'accompagnement de fin de vie, où de nombreuses décisions difficiles doivent être prises.

Un membre ne comprend pas que l'on veuille sous-estimer la capacité de clairvoyance du patient par rapport au médecin.

Cela est d'autant plus absurde qu'en ce qui concerne la déclaration anticipée, on ne se trouve pas dans une situation où le malade est « couché » et le médecin « debout ». Au contraire, la personne est consciente et debout.

La précédente intervenante n'a d'ailleurs pas hésité, ensuite, à suggérer un dialogue entre le patient et son médecin traitant.

Il existe donc une contradiction évidente entre les divers arguments qu'elle invoque.

Quant au fait qu'il y a actuellement très peu de déclarations anticipées, cela est évident, puisqu'aucune législation ne leur confère une reconnaissance officielle.

Pour le surplus, chacun doit pouvoir s'entourer des conseillers qu'il veut pour rédiger un tel document, et il ne faut pas imposer par la loi un encadrement prédéfini et obligatoire.

Un membre s'accorde avec l'idée qu'il faut mettre tout en ouvre pour rétablir les termes de l'échange entre le malade et le médecin et, de façon générale, entre chaque citoyen et quiconque exerce sur lui une forme de pouvoir.

Le pouvoir médical est une réalité. Il faut cependant que ces termes de l'échange rendent celui-ci possible, dans des circonstances qui sont particulières.

Le paradoxe est que l'on plaide pour le rétablissement des termes de l'échange, tout en utilisant cet argument pour critiquer la possibilité d'établir une déclaration anticipée.

Or, celle-ci est l'expression de la volonté d'un malade et donc l'un des éléments de l'échange en question.

D'autre part, si l'on va trop loin, par exemple en ce qui concerne la vérité, l'information, etc., on risque d'aboutir à un déséquilibre et de créer des situations où le médecin serait tenté de ne pas prendre de responsabilité ou d'initiative.

L'intervenant a la conviction que la manière dont un individu peut envisager sa propre existence et sa propre mort n'est pas nécessairement déterminée par son niveau de formation intellectuelle ou sa situation sociale, car sinon, cela signifierait que la liberté que l'on peut avoir en la matière serait réservée à une catégorie très limitée de la population.

L'intervenant ne partage pas cette approche élitiste des choses.

Si l'éclairage dont un malade peut disposer n'est pas nécessairement lié à sa certification scolaire, il l'est, par contre, à la capacité d'explicitation de la situation par celui qui est chargé d'informer.

Par expérience, l'intervenant sait que beaucoup de familles et de malades, quelle que soit leur situation et leur formation, ont été et sont confrontés à des situations tout à fait inacceptables.

Quant à traiter tous les problèmes de fin de vie, on ne peut à la fois demander cela et dire qu'il est impossible de le faire.

L'intervenant pense pour sa part que l'on ne peut traiter dans un texte législatif de l'ensemble des situations qui concernent la fin de vie.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la proposition se limite à la problématique de l'euthanasie et définit les conditions dans lesquelles elle ne constitue pas une infraction, étant entendu que dans les autres cas, la législation actuelle et la possibilité d'appliquer la notion d'état de nécessité, subsistent.

Un intervenant précédent note qu'aucune réponse n'a été donnée par les auteurs de l'amendement nº 15 à la plupart des questions et objections qu'il a déjà formulées.

Sur le fond, il estime que la discussion est particulièrement nébuleuse parce que la déclaration anticipée est continuellement confondue avec la déclaration d'euthanasie. Il est d'accord avec un orateurr précédent, selon lequel il aurait été préférable d'élaborer un cadre légal général pour la déclaration anticipée. L'explicitation des circonstances dans lesquelles on n'est plus en état de manifester sa volonté pour d'autres décisions que l'euthanasie peut être particulièrement significative. De telles déclarations existent d'ailleurs dans d'autres pays, où l'euthanasie est pourtant expressément interdite. Il est cependant question ici d'une déclaration d'euthanasie, puisqu'il ne s'agit nullement d'un acte médical.

De plus, le membre estime que dans cette matière on jongle souvent à tort avec de grands principes. Selon les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 et de l'amendement nº 15, c'est le droit à l'autodétermination de la personne concernée qui est l'élément central, dans le cadre de l'autonomie humaine. Rien n'est moins vrai. Quand un tiers est obligé de suivre l'avis d'un citoyen, il n'est pas question d'autonomie mais d'hétéronomie : la volonté de l'un est l'ordre donné à l'autre. Il n'est pas davantage question d'un conflit entre deux libertés. En effet, un médecin n'est pas simplement libre d'accéder ou non à la demande d'une personne de la tuer. La vraie liberté est la liberté responsable, dans laquelle il faut tenir compte dans le cadre légal qui n'est pas seulement fondé sur des aspirations privées mais aussi sur les répercussions sociales.

Le membre fait remarquer qu'il ressort d'articles de presse que les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 et de l'amendement nº 15 ont préparé un nouvel amendement principal qui remplacerait les articles 4 et 4bis proposés. Si ces déclarations à la presse sont exactes, l'orateur demandera le temps nécessaire pour étudier l'amendement à fond et éventuellement déposer des sous-amendements.

Un membre se réfère à l'exposé général de l'article 4 de la présente proposition de loi, qui a déjà eu lieu à la lumière de l'amendement nº 15, déposé par les auteurs de la proposition après les auditions (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 15).

L'intervenante estime cependant qu'au cours de la discussion générale de l'article 4, plusieurs questions pertinentes ont été posées et des remarques formulées, dont il convient, selon les auteurs, de tenir compte. C'est pourquoi elle annonce le dépôt de nouveaux amendements qui remplacent l'amendement nº 15, et selon lequel l'article 4 comprendra deux paragraphes (voir ci-après les amendements nº 291, 292 et 400).

L'idée de la déclaration anticipée reste l'élément central de l'amendement. En effet, les gens doivent avoir la possibilité de faire connaître leur volonté à l'avance, surtout quand on sait que certains malades incurables, qui souvent ne sont plus conscients, décèdent dans des circonstances indignes. On avance souvent, dans des ouvrages d'opinion et ailleurs, que la déclaration anticipée peut être un élément permettant d'aboutir à une décision médicale judicieuse. Il apparaît dans la pratique que souvent l'intention de la personne concernée de décider de son propre sort s'accroît lorsqu'elle a vécu, ou a été apitoyée par, certaines situations rencontrées par un patient.

L'argument selon lequel tous les patients ne meurent pas de la même maladie et chacun réagit différemment quand il est confronté à une maladie déterminée n'enlève rien au fait qu'une déclaration écrite peut parfaitement exprimer la façon dont on ne veut pas mourir. On peut par conséquent très bien exprimer à l'avance ce qu'on ne veut pas subir et donner les raisons pour lesquelles on demande une mort douce.

Le membre se dit personnellement convaincu qu'il faut pouvoir interrompre la vie de manière active quand elle n'est plus humaine. Il va de soi que cela se réalise différemment pour chacun. L'oratrice a déclaré lors d'une interview dans un journal que, pour elle, cela signifie que si elle perd le contrôle de ses fonctions vitales, la vie n'est plus humaine et il peut y être mis fin de manière active.

Dans l'amendement qui sera déposé, on indiquera donc que l'on peut rédiger une déclaration selon des propres vues, éventuellement, mais pas obligatoirement, sur un formulaire préimprimé, car chacun n'a pas les mêmes aptitudes. Dans une telle déclaration, on pourra mentionner dans quelles circonstances une euthanasie peut éventuellement être demandée. Finalement, c'est le médecin qui décidera si l'euthanasie peut ou non être pratiquée, conformément aux critères de prudence fixés par la loi.

L'intervenante n'est pas d'accord avec ceux qui affirment que cela serait en contradiction avec la liberté authentique. Celle-ci au contraire peut consister à dire que lorsque la vie n'est plus humaine et que l'intéressé n'est plus conscient, il souhaite mourir. Les auteurs de la proposition nº 2-244/1 ont aussi toujours affirmé que l'euthanasie ne pouvait être le remède ultime que lorsque les soins médicaux et palliatifs étaient impuissants. Ce n'est donc pas un choix entre soit les soins palliatifs, soit l'euthanasie. Dans ce sens également, les auteurs de la proposition sont de grands partisans de la liberté authentique.

Elle est en total désaccord avec certains membres de l'opposition qui déclarent publiquement que les commissions réunies prennent des décisions lors de réunions secrètes, nocturnes et à huis clos, dans des châteaux, sans écouter les critiques et les remarques formulées par les adversaires. Au contraire, il est sérieusement tenu compte de ces remarques, ce dont témoignent le texte adapté de l'article 3 et le nouvel amendement principal à déposer aux articles 4 et 4bis.

Dans ce nouvel amendement principal, on a cherché à atteindre la plus grande cohérence possible au plan des notions utilisées dans les articles 3 et 4. Ainsi, le mot « mandataire » utilisé dans l'amendement nº 15 est remplacé par le mot « personne de confiance ». Celle-ci intervient pour le patient qui n'est plus conscient, c'est-à-dire un patient qui se trouve dans une forme d'état comateux. On ne vise donc pas ici les personnes démentes, les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer ou les personnes handicapées.

De plus, le membre précise que la déclaration anticipée est un élément dans le processus décisionnel médical global et qu'elle a dès lors un caractère non pas impératif mais seulement indicatif. Aucun cadre légal n'a été créé pour la déclaration anticipéee en général. Il s'agit ici seulement de l'expression de la volonté d'une personne bien portante qui demande l'euthanasie pour le jour où elle ne sera plus consciente et où cette situation sera irréversible. Il va de soi qu'une telle déclaration peut en tout temps être adaptée. Un arrêté royal déterminera les modalités selon lesquelles cette déclaration pourra être rédigée, confirmée et enregistrée dans les services du Registre national.

Le médecin doit vérifier si toutes les conditions légales de l'euthanasie sont remplies. L'équipe soignante doit également être associée de manière active au processus décisionnel, conformément aux dispositions de l'article 3.

Un autre membre, cosignataire du nouvel amendement annoncé, signale que celui-ci ne change rien de fondamental par rapport à la philosophie de l'amendement nº 15.

Il pense donc que, sur le fond, les divergences d'opinions existantes subsisteront.

Par contre, il importait de pouvoir rencontrer certaines observations formulées tant par les opposants au principe, que par ceux qui avaient déposé la proposition de loi.

Tout d'abord, il a paru opportun de réunir les articles 4 et 4bis en un seul et même article, comportant deux parties.

Un premier paragraphe traite de la possibilité de rédiger une déclaration anticipée, du contenu de cette déclaration par rapport à la problématique spécifique dont il s'agit (même si elle peut aussi contenir autre chose), et de la manière dont elle doit être rédigée, laissant au Roi le soin de régler la question de la conservation.

Le paragraphe 2 rappelle, en parallèle avec l'article 3, les conditions que le médecin doit observer pour qu'il n'y ait pas d'infraction lorsqu'il pratique une euthanasie.

Ces conditions sont liées à trois groupes de paramètres : l'existence d'une déclaration anticipée, les constats faits par le médecin au sujet de la situation de son malade et la procédure à suivre.

La personne indiquée par le malade est dénommée non plus « mandataire » mais « personne de confiance ». Il ne s'agit pas d'un mandat, au sens juridique du terme : des adaptations terminologiques du texte initial étaient donc nécessaires.

Un membre signale qu'un revirement s'est produit dans les déclarations des auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 en ce sens qu'ils considèrent maintenant que le droit à l'euthanasie ne s'ouvre pas lorsqu'une solution palliative est encore possible. Pour son groupe, c'est un élément capital de la discussion, puisqu'il estime également que l'une des conditions de l'euthanasie doit être que les soins palliatifs ne soient plus possibles. C'est dans ce sens que quelques amendements ont été déposés, entre autres les amendements nº 150, 151 et 152 (doc. Sénat 2-244/10) :

Amendement nº 150 (sous-amendement à l'amendement nº 14)

Cet amendement a pour but de compléter le § 1er, alinéa 1er, proposé, par un quatrième tiret, rédigé comme suit :

« ­ selon les conceptions médicales en vigueur, il n'existe aucun moyen de traiter la douleur du patient ni de préserver sa dignité; »

Amendement nº 151 (sous-amendement à l'amendement nº 14)

Cet amendement a pour but de compléter le § 1er, alinéa 1er, proposé, par un cinquième tiret, rédigé comme suit :

« ­ toute assistance morale, médicale, curative et palliative nécessaire pour soulager les souffrances physiques ou morales du patient et préserver sa dignité, a été donnée au patient; »

L'auteur de l'amendement déclare que l'acte d'interrompre volontairement la vie du patient, à sa demande, ne peut être qu'un remède ultime.

Le médecin qui souhaite invoquer l'état de nécessité doit par conséquent constater que toute l'assistance possible a effectivement été donnée au patient pour atténuer ses souffrances physiques ou morales et préserver sa dignité.

Si cette aide s'avère insuffisante, alors seulement l'acte exceptionnel d'interruption volontaire de la vie relèvera de l'état de nécessité pour le médecin.

Amendement nº 152 (sous-amendement à l'amendement nº 14)

Cet amendement a pour but de remplacer au § 1er, troisième tiret, les mots « et insupportable » par les mots « insupportable et impossible à traiter ».

Lors du vote, ces amendements ont toutefois été rejetés par la majorité des membres des commissions réunies. Il en résulte de façon inéluctable que la majorité ne partage pas le point de vue de ces amendements. On ne peut donc reprocher à ceux qui déclarent publiquement que les auteurs de la proposition de loi ne sont pas d'accord avec la thèse selon laquelle toutes les possibilités palliatives doivent être épuisées avant de pouvoir passer à l'euthanasie, de ne pas dire la vérité.

Le président souhaite qu'il ne soit pas systématiquement fait référence à « la majorité », étant donné que certains membres de la majorité ont voté pour certains amendements émanant de membres de l'opposition.

Au sujet de la notion de liberté authentique, l'intervenant précédent rappelle son opinion suivant laquelle la volonté exprimée par un patient n'est pas nécessairement une expression de liberté. La discussion porte précisément sur le fait que la liberté d'une personne est beaucoup plus étendue que sa volonté, puisque quand on définit les limites de la liberté, on doit également tenir compte des circonstances et de la volonté d'autrui. Il n'y a pas de liberté sans responsabilité. L'intervenant se réfère aux travaux préparatoires du Code civil, dans lequel on est arrivé, sur la base de cette conception, à la notion de « responsabilité ». Réduire la liberté à la volonté revient à appauvrir cette notion.

De plus, le membre souligne que le point de vue de son groupe n'est pas que les gens doivent souffrir. C'est pourtant ce point de vue qui est continuellement ­ et à tort ­ avancé dans les médias comme celui du parti auquel le membre appartient. On a déjà écrit dans un éditorial que si les sociaux-chrétiens voulaient souffrir, ils devaient le supporter eux-mêmes mais ne pas l'imposer aux autres. Ce n'est même plus une caricature du point de vue de l'orateur, cela n'a aucun rapport.

Un autre membre déclare qu'il espère que dans le futur, il sera fait référence, non seulement au texte de la loi, mais aussi aux travaux préparatoires de celles-ci.

En ce qui concerne les propos satiriques dont il a été question, l'intervenant rappelle certains propos tenus, au début de la discussion, à l'égard des auteurs des propositions de loi, propos qui comparaient, de manière absolument inadmissible, leurs prises de position à d'autres situations survenues dans le passé. À plusieurs reprises au sein des présentes commissions, des attaques tout à fait inacceptables ont ainsi été formulées.

L'intervenant souhaite également revenir sur le contenu de l'article 3, et spécialement son § 3, 1º, dont il résulte qu'il s'agit d'un constat concerté entre le malade et le médecin.

Dire que l'on n'aurait pas tenu compte des soins palliatifs et ­ l'intervenant y insiste ­ de leurs conséquences ne paraît pas conforme à la réalité.

Amendements nº 291 et 400

L'amendement nº 15 est retiré au profit des amendements nºs 291 et 292 (doc. Sénat, nº 2-244/15).

Les amendements suivants, déposés comme sous-amendements à l'amendement nº 15, sont également retirés puisqu'ils sont devenus sans objet.

­ amendement nº 241 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 268 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 242 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 243 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 288 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 289 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 286 de Mme Nyssens

­ amendement nº 244 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 269 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 199 de Mme T' Serclaes

­ amendement nº 229 de Mme Nyssens

­ amendement nº 230 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 245 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 246 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 247 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 248 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 249 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 250 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 279 de Mme Nyssens

­ amendement nº 280 de Mme Nyssens

­ amendement nº 251 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 281 de Mme Nyssens

­ amendement nº 287 de Mme Nyssens

­ amendement nº 200 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 231 (A et B) de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 252 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 253 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 254 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 255 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 256 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 282 de Mme Nyssens

­ amendement nº 257 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 258 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 283 de Mme Nyssens

­ amendement nº 284 de Mme Nyssens

­ amendement nº 270 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 285A de Mme Nyssens

­ amendement nº 232 de Mme Nyssens et consorts

­ amendement nº 259 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 260 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 262 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 265A de M. Vandenberghe

­ amendement nº 261 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 271 de Mme de T' Serclaes

­ amendement nº 35 de M. Galand

­ amendement nº 158 de MM. Dubié et Galand

­ amendement nº 233 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 234 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 235 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 263 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 265B de M. Vandenberghe

­ amendement nº 272 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 264 de M. Vandenberghe et consorts.

­ amendement nº 273 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 236 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nr. 274 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 237 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 239 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 238 de Mme Nyssens et consorts.

­ amendement nº 275 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 277 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 276 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 278 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere

­ amendement nº 290 de Mme de T' Serclaes.


L'auteur principal de l'amendement nº 15 se réfère aux développements donnés à l'article 4, qui ont déjà eu lieu à la lumière de l'amendement nº 15. À la suite de la discussion générale de l'amendement proposé, l'amendement nº 15 a été retiré et les amendements nº 291 et 292 ont été déposés. Lors de la rédaction des amendements nº 291 et 292, il a été tenu compte des remarques et suggestions formulées au cours de la discussion générale de l'article 4.

Un membre estime que l'amendement nº 291 apporte bien des modifications utiles à l'article 4 proposé, comme le remplacement de « mandataire » par « personne de confiance » et la suppression de la phrase suivant laquelle le mandataire doit veiller à l'exécution de la déclaration anticipée. Il n'en demeure pas moins que l'article proposé est susceptible d'interprétations divergentes, ce qui suscite des difficultés tant de contenu que juridico-techniques.

Ainsi, subsiste la question de savoir s'il s'agit d'une déclaration anticipée, qui peut concerner tous les actes médicaux, ou d'une déclaration d'euthanasie, qui ne concerne que l'euthanasie. Dans le premier paragraphe, on parle de façon générale de « certains types d'actes médicaux ». Ce paragraphe introduit dès lors un droit général du patient, dont la définition est particulièrement étendue. L'intervenante a toujours estimé qu'une réglementation globale plus large, portant sur les décisions médicales nécessaires à l'approche de la fin de la vie, était nécessaire, ce dont témoignent la proposition de loi nº 2-160/1 et nombre d'amendements à la présente proposition de loi. On donne maintenant une impulsion dans cette voie, mais il faut faire remarquer que, selon les auteurs de l'amendement, l'euthanasie est considérée comme un acte médical semblable à un autre.

Selon la réglementation proposée, l'euthanasie peut être pratiquée chez des personnes qui ne peuvent plus exprimer leur volonté. Cela va très loin puisque les patients psychiatriques, les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ou les personnes démentes sont concernées. L'euthanasie peut dès lors être pratiquée impunément sur des personnes incapables d'exprimer leur volonté. C'est inacceptable.

Beaucoup de questions subsistent au sujet de l'expression « ne plus être conscient ». Les auteurs de l'amendement nº 291 ont certes expliqué quelle était la portée de cette expression mais, en fin de compte, seul le dispositif du texte a une valeur juridique. Si on vise l'état comateux, il doit également figurer dans le texte.

Une personne morale peut-elle intervenir en tant que personne de confiance, ou doit-il s'agir d'une personne physique ? Est-il admis, par exemple, que toutes les déclarations anticipées soient déposées auprès d'une ASBL qui peut exercer un contrôle sur tous les cas d'euthanasie dans une région déterminée ?

Qu'en est-il de la rédaction de la déclaration anticipée ? On n'indique nulle part qu'elle doit être effectuée sans pression externe. Il est encore moins question de l'intérêt matériel que peuvent avoir les témoins. Des amendements seront déposés à propos de ces questions.

L'auteur principal de l'amendement nº 291 rappelle que ses auteurs veulent en premier lieu mettre la personne souffrante en position centrale. Il est donc logique de prévoir qu'une personne en bonne santé ­ souvent après des expériences traumatisantes dans l'entourage proche ­ puisse consigner par écrit son opposition à tout acharnement thérapeutique dans des circonstances où toute aide est inutile. On peut également faire une demande d'euthanasie écrite lorsque ces circonstances se présenteraient. Une telle déclaration anticipée n'est donc qu'un élément de l'ensemble du processus décisionnel.

L'intervenante précédente fait remarquer que selon cette interprétation, une déclaration peut concerner également les patients qui ne sont pas en phase terminale, mais qui ne peuvent exprimer leur volonté, par exemple parce qu'ils ont perdu l'usage de la parole.

L'auteur principal de l'amendement nº 291 répond que cette déclaration sera essentiellement utilisée pour les patients demandant l'euthanasie.

L'intervenante précédente poursuit en disant que le libellé de l'amendement ne permet pas de savoir si une demande écrite d'euthanasie s'appuyant sur une déclaration anticipée n'est actuellement possible que selon les conditions et modalités de l'article 3 de la présente proposition de loi ou si elle peut s'appliquer à toute personne qui n'est plus capable d'exprimer sa volonté. C'est une position particulièrement ambiguë. L'intervenante souhaiterait que les auteurs de l'amendement nº 291 indiquent avec précision quelles catégories de personnes entrent ou non dans son champ d'application. En effet, le libellé actuel permet des choses terribles.

Un membre estime que l'intervenante précédente interprète consciemment ce qu'elle souhaite lire. L'interprétation correcte de l'article 4, tel qu'amendé par l'amendement nº 291, est qu'un patient conscient consigne sa volonté par écrit pour le cas où il deviendrait inconscient. C'est un substitut pratique pour une personne qui ne peut plus exprimer sa volonté. La déclaration anticipée ne peut s'appliquer que lorsque l'intéressé est inconscient. Et ce n'est alors encore qu'un élément dans le processus décisionnel global.

Un autre membre constate que l'on se retrouve à nouveau dans le débat où l'on conteste à une personne saine d'esprit le droit de disposer de sa personne pour le cas où elle n'en aurait plus la possibilité.

Or, au moment où elle prend la décision, elle en est capable. Dès lors, qu'elle devienne ensuite inconsciente ou n'ait plus la possibilité de s'exprimer, elle peut s'être projetée préalablement dans ce type de situation future, et avoir pris sa décision, qui doit être prise en compte, moyennant le respect des conditions fixées.

On peut prétendre que la personne serait peut-être revenue sur sa décision, mais on peut aussi supposer le contraire. Qui pourrait en juger ? Dès lors, il vaut mieux s'en tenir à ce que la personne envisageait pour son avenir lorsqu'elle était encore en état de le faire.

Une intervenante déclare que le débat montre que, nonobstant l'effort qui a été fait, par le dépôt de l'amendement nº 291, pour rassembler en un seul texte les articles 4 et 4bis, il subsiste un problème, parce que, dans le nouvel article 4 proposé, on continue à mélanger deux choses : on introduit en effet, par le biais de la déclaration anticipée, un champ d'application beaucoup plus large que la question précise de l'euthanasie, à laquelle les six auteurs ont toujours voulu se tenir.

Depuis le début, l'intervenant plaide pour un cadre plus global, où les droits du patient seraient pris en compte.

Ici, on introduit une seule disposition, très courte, qui se rattache davantage à la logique des droits du patient, et avec laquelle chacun peut s'accorder : il est évident que toute personne a, aujourd'hui, le droit d'écrire une déclaration indiquant ce qu'elle souhaite ou non comme traitement, abstention ou arrêt de traitement, pour le cas où elle ne serait plus capable de manifester sa volonté.

L'intervenante pense qu'il serait préférable de supprimer le § 1er, et de compléter le § 2 en y indiquant, par exemple : « un médecin qui pratique une euthanasie à la suite d'une demande faite dans une déclaration anticipée, ... ». Le reste appartient à la problématique des droits du patient et aux propositions formulées par Mme Aelvoet à ce sujet.

Un membre annonce un nouvel amendement, ayant pour but de supprimer les mots « ou ses objections » dans l'article 4, § 1er, alinéa 1er, de telle manière que l'intéressé ait uniquement la possibilité d'exprimer sa préférence pour certains traitements médicaux.

Deux autres membres se rallient à cette proposition, car elle permet de supprimer toute équivoque sur ce point. Ce qui sera réglé dans la loi qui est annoncée en matière des droits du patient, ne devra donc plus figurer dans la loi sur l'euthanasie.

Un membre rappelle qu'un deuxième aspect du texte suscite une difficulté. En tout état de cause, la Constitution permet à tout citoyen de formuler ses opinions par rapport à ce qu'il souhaite pour lui-même. L'utilisation du terme « peut » pourrait laisser entendre qu'en dehors de la permission ainsi octroyée par le législateur, il ne pourrait pas le faire.

L'intervenant aurait préféré une formule du type : « Au cas où le patient a déclaré que (...), et que le médecin s'assure que (...) et respecte les conditions prévues à l'article 3, il n'y a pas infraction. »

Un autre membre souhaite formuler quelques considérations générales sur le nouvel amendement nº 291 déposé par les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1.

Quelques modifications apportées au texte par rapport à l'amendement nº 15 rencontrent en effet les objections juridico-techniques exprimées par le membre.

­ La disposition selon laquelle un médecin « peut interrompre la vie » sur la base d'une déclaration anticipée est remplacée par les mots « peut pratiquer l'euthanasie ».

­ La terme « mandataire » est remplacé par « personne de confiance ».

­ La qualification des témoins est modifiée.

­ L'alinéa relatif au fait de « ne pas être en état de signer » est remanié.

­ La disposition relative à l'incapacité « temporaire » de signer est supprimée.

­ La déclaration anticipée peut être retirée à tout moment; l'expression « par tout moyen » est supprimée.

­ L'article 4bis est intégré à l'article 4, sous un § 2.

­ Dans les conditions de procédure, on ajoute que le médecin traitant doit informer la personne de confiance de la consultation du deuxième médecin.

Ce sont des corrections positives, mais beaucoup de difficultés tant de fond que juridico-techniques ne sont pas rencontrées dans l'amendement nº 291 adapté.

Selon un des auteurs de l'amendement nº 291, les premier et deuxième alinéas du premier paragraphe doivent se lire ensemble. Quelques remarques peuvent néanmoins encore être formulées. On stipule que, « daarin », « là-dedans », il peut notamment faire connaître sa volonté. Que vise-t-on exactement ? Il n'y a aucune référence précise au premier alinéa. De plus, le mot « déclaration » n'apparaît qu'à partir du troisième alinéa. Dès lors que l'on introduit un nouveau terme juridique, un minimum de cohérence s'impose. Selon l'orateur, il n'est pas évident que ce passage sera conservé.

Au deuxième alinéa ­ qui règle l'applicabilité de l'euthanasie après une déclaration ­ l'intervenant maintient son point de vue selon lequel l'expression « n'est plus conscient » est beaucoup plus étendue que l'état comateux, terme qui figure pourtant dans la justification de l'amendement. On peut se référer à la signification grammaticale de la notion utilisée selon le dictionnaire Van Dale, mais aussi à la portée juridique de ce concept, plus large et qui couvre davantage que le seul état comateux. Cela apparaît clairement dans la responsabilité aquilienne, sur laquelle on reviendra dans les amendements annoncés par le membre.

Le deuxième alinéa ne précise en outre pas s'il doit exister une relation de cause à effet entre l'affection et le coma. Suffit-il qu'un handicapé tombe subitement dans le coma, indépendamment de son affection ou de sa maladie ? Qu'advient-il si le coma est consécutif à une tentative ratée de suicide ? Considère-t-on cela comme un « accident », auquel cas les conditions sont remplies ?

Qu'advient-il des conditions énoncées à l'article 3, § 1er ? L'intervenant estime que ces conditions doivent être remplies. On ne peut admettre que les conditions soient moins strictes pour une euthanasie pratiquée sur une personne incapable d'exprimer sa volonté que sur une personne capable de le faire.

Il n'est pas davantage précisé si l'affection ou la maladie doit être « impossible à traiter ». Ce n'est pas la même chose qu'une « situation irréversible ». L'intervenant renvoie aux amendements qu'il a déposés à l'article 3. Il faut des raisons objectives pour pouvoir invoquer l'état de nécessité. Comme l'a expliqué le professeur Schotsmans, il existe, en cas de coma, des normes internationales pour réduire les traitements et déclarer que le coma est terminé, ce qui conduira au décès. Une interruption active de la vie n'est donc presque jamais souhaitable dans de tels cas.

Enfin, le deuxième alinéa ne mentionne pas que le patient se trouve en phase terminale.

Pour l'intervenant, le troisième alinéa doit préciser que les témoins de la déclaration anticipée ne peuvent eux non plus intervenir comme personne de confiance. De plus, il est toujours possible qu'une personne morale soit personne de confiance. C'est inacceptable car certaines institutions se présenteront systématiquement comme personne de confiance, ce qui bureaucratisera ce principe.

Quand au quatrième alinéa, il faut s'interroger sur l'utilité de la disposition selon laquelle la déclaration anticipée peut être établie à tout moment, alors que le sixième alinéa précise clairement à quelles conditions la déclaration de volonté peut être prise en compte (à savoir, avoir été établie ou confirmée moins de cinq ans auparavant). Il faut ajouter également que la déclaration doit être établie librement, consciemment et sans aucune pression extérieure afin d'éviter que certains signent sous pression un « arrêt de mort ».

Par ailleurs, pourquoi faut-il qu'un seul des témoins n'ait aucun « intérêt matériel » au décès du patient ? Un deuxième témoin peut-il y avoir intérêt matériel ? Selon l'intervenant, il est préférable de parler d'intérêt « direct » ou « indirect ». On est en effet parfois confronté à une « lassitude des soins », ce qui implique également un intérêt ­ mais non matériel ­ au décès.

Il faut préciser que les médecins ou l'équipe médicale ne peuvent, eux non plus, intervenir en tant que témoin ! Il faut en outre prévoir une interdiction de cumul entre les fonctions de témoin et de personne de confiance.

Le cinquième alinéa instaure un régime spécifique pour le cas où la personne n'est physiquement plus à même d'établir sa déclaration de volonté. Dans ce cas, une autre personne majeure peut faire la déclaration à sa place, en présence d'une deuxième personne majeure. Ces deux personnes sont désignées par le patient. Sont-ce des conditions supplémentaires ou supplétives ? Autrement dit, les conditions prévues pour une « déclaration anticipée ordinaire » doivent-elles être remplies ?

Les personnes visées dans cet article peuvent-elles intervenir en tant que témoin ou personne de confiance ? Il peut être très dangereux de ne prévoir aucun cumul entre ces fonctions.

Il faut à nouveau se demander pourquoi l'interdiction d'un éventuel intérêt matériel ne vaut pas pour la deuxième personne majeure. Pourquoi le texte néerlandais de cet alinéa parle-t-il de « materieel voordeel », alors que pour les témoins, il est question de « materieel belang » ? Y a-t-il une différence entre les deux termes ?

Quant au sixième alinéa, l'intervenant réitère sa critique selon laquelle le délai de cinq ans est trop long et trop arbitraire. Il faut en outre préciser que la déclaration anticipée ne lie pas le médecin. C'est un élément essentiel de la proposition toute entière. Le caractère indicatif de la déclaration n'est souligné nulle part. Il convient d'ajouter au moins que la déclaration « peut être prise en compte » et non qu'elle « est prise en compte ».

L'intervenant considère par ailleurs que l'on ne peut tenir compte de la déclaration anticipée que si le patient était suffisamment informé de sa maladie.

Le septième alinéa fait référence à la législation relative au don d'organes et à l'enregistrement de la volonté du donneur. Dans ce cas, il faut aussi respecter les mêmes termes. Autrement dit, dans le cadre de la législation sur la protection de la vie privée, la déclaration anticipée ne peut être transmise au Registre national qu'à la demande de l'intéressé. On ne peut en effet contester qu'un écrit relatif aux circonstances du décès relève bel et bien de la vie privée de la personne concernée. Il s'impose dès lors de règler ces modalités dans la loi et non simplement par arrêté royal. Il faut en outre à tout le moins solliciter l'avis de la Commission de protection de la vie privée.

Le septième alinéa parle également des « médecins concernés ». Il ne peut pourtant s'agir que du médecin traitant. Qui d'autre est visé par « médecins concernés » ? Pourquoi alors ne pas opter pour un système d'enregistrement chez le médecin généraliste ? Le gouvernement fédéral souhaite, lui aussi, la tenue d'un dossier médical complet par le médecin généraliste.

Enfin l'intervenant ne voit pas très bien comment s'organisera concrètement le retrait d'une déclaration anticipée au Registre national. Quelle est la publicité prévue à cet égard ? Est-il certain que la déclaration ne sera pas utilisée contre l'intéressé lorsqu'il l'aura retirée ?

L'intervenant formule également de nombreuses observations à propos du deuxième paragraphe, tel que proposé par l'amendement nº 291.

Quant au premier alinéa, l'intervenant estime que ce paragraphe est mal construit au regard de l'ensemble de la proposition de loi. Les auteurs considèrent en effet que l'euthanasie pratiquée sur des patients comateux à la suite d'une déclaration anticipée constitue un « degré superlatif » d'euthanasie.

Puisque l'intéressé ne peut exprimer sa volonté, les conditions fondamentales énoncées à l'article 3 doivent être intégralement remplies. Ce n'est que lorsqu'il est établi que tel est bien le cas, qu'il faut spécifier que, dans ce cas, quelques conditions supplémentaires doivent aussi être remplies, tant pour le contenu que pour la procédure. Cela confère une structure analogue aux articles 4 et 3 et permet d'éviter des imprécisions.

Qu'entend-on par l'ajout de « et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi » ? Selon cette lecture, il convient donc également de respecter les dispositions de l'article 3, § 1er ­ ce qui est positif ­ mais quid de l'arricle 3, §§ 2 et 3 ? Devant un patient non en phase terminale, le médecin doit-il encore consulter un troisième médecin ? Doit-il s'assurer de la présence d'une douleur persistante et insupportable ? Doit-il laisser s'écouler un délai d'un mois ?

En droit pénal, il faut légiférer de manière très précise et il ne peut suffire de préciser dans l'exposé des motifs que les procédures sont respectées mutatis mutandis. Ce procédé est source d'ambiguïté. C'est pourquoi l'intervenant insiste pour que l'on inscrive dans les conditions que le médecin doit s'assurer que les conditions de l'article 3, § 1er, sont respectées. Il convient en outre de spécifier ce qu'on entend exactement par le terme « inconscient » et de préciser qu'il doit exister un lien de cause à effet entre l'affection et le coma.

Il faut également ajouter que le médecin s'assure que la déclaration anticipée ne date effectivement qu'au maximum de cinq ans auparavant. On peut par ailleurs se demander comment l'exactitude de la date est contrôlée. Pour être opposable aux tiers, un document doit en effet avoir « date certaine », une simple date et signature ne suffisent pas.

Quant au deuxième alinéa, l'intervenant formule plusieurs remarques :

­ Quant à la consultation du deuxième médecin, lequel, en vertu de l'amendement nº 291, doit seulement se prononcer sur l'« irréversibilité » du coma, ce qui constitue seulement un diagnostic médical formel, alors que même aux Pays-Bas, le deuxième médecin doit se prononcer sur la question de savoir si les conditions sont remplies. Le simple fait d'« informer » la personne de confiance de cette consultation est en outre trop réservé et ne suffit pas;

­ À propos de la consultation de l'équipe soignante : l'avis du médecin consulté doit lui aussi être discuté avec l'équipe soignante;

­ Quant à la consultation de la personne de confiance : celle-ci doit aussi pouvoir apprendre et commenter l'avis de l'équipe soignante;

­ À propos de la consultation de la famille, le texte proposé prévoyant que le médecin doit seulement consulter les proches si une personne de confiance est désignée et seulement les proches désignés par cette personne de confiance. Il existe ici un grand risque de manipulation, puisqu'il n'est pas spécifié que la personne de confiance « ne peut avoir d'intérêt matériel »;

­ L'héritier-personne de confiance peut donc adopter, en accord avec une ou plusieurs « personnes partageant les mêmes idées », une position défavorable au patient. L'intervenant souhaite que le médecin consulte toujours les proches. Comment concilier d'ailleurs le texte proposé par l'amendement nº 291 et l'amendement nº 56 qui prévoit que le médecin ne doit consulter que les proches désignés par le patient ?

Quant au troisième alinéa, l'intervenant fait remarquer que le rapport doit contenir non seulement le rapport du médecin traitant mais aussi les avis de l'équipe soignante, de la personne de confiance et des proches.

En conclusion, l'intervenant dit ne pas être opposé à une déclaration anticipée pour les patients comateux, pour autant que celle-ci n'ait qu'un caractère indicatif. Elle a toutefois une autre portée qu'une demande d'euthanasie consignée par écrit. Les normes internationales permettent en effet d'arrêter les actes médicaux dans presque tous les cas, si bien qu'une demande d'euthanasie n'est pas à sa place ici.

Un membre déclare que la position de son groupe, en ce qui concerne le nouvel article 4 proposé, peut être résumée comme suit :

1) Il doute tout d'abord de l'utilité de la disposition, lorsqu'il s'agit de patients inconscients.

Les pratiques actuelles, et notamment le code NTBR, la désescalade thérapeutique, l'arrêt de traitement, et l'abstention de traitement, répondent dans presque tous les cas au but recherché, à savoir une fin de vie digne pour les patients qui ne sont plus en état d'exprimer leur volonté.

2) Le mot « inconscient » est ambigu. Il est très peu utilisé dans les avis du Comité consultatif de bioéthique, qui parle plutôt de personne incapable d'exprimer sa volonté au moment où l'acte médical devrait être posé.

Que signifie le mot inconscient dans une optique médicale ?

3) En milieu hospitalier, on insiste sur le fait que les pressions économiques sont encore plus fortes lorsqu'il s'agit de patients inconscients.

4) Les problèmes en ce qui concerne la responsabilité médicale seront énormes.

Depuis quelques semaines, les médias montrent combien le contentieux médical est en train de grossir, en raison d'une tendance des patients à ester en justice pour mettre en cause la responsabilité médicale. Le texte doit donc être très précis sur la valeur de la déclaration et ses conséquences en matière de responsabilité médicale.

Certains points demeurent obscurs, comme par exemple le recours à la notion de témoins, qui a un contenu bien précis en droit.

Outre la question de l'utilité de la présence de témoins, se pose celle de savoir si cette figure juridique est bien celle qui convient dans le présent contexte.

5) Permettre plus de transparence et favoriser les déclarations des patients sur toutes les décisions d'arrêt ou d'abstention de traitement et de non-acharnement thérapeutique devrait permettre de résoudre beaucoup plus de situations qu'une légalisation des déclarations anticipées visant à permettre l'euthanasie.

On peut même se demander si une telle légalisation est nécessaire pour répondre au souhait des patients, qui ne veulent pas d'acharnement.

Sur le plan juridique, le texte organise un système hybride, même si la suppression du terme « mandataire » et d'une formule évoquant une trop grande force contraignante sont des éléments positifs.

On continue à s'inscrire dans un système où l'on tire des conséquences juridiques d'un document qui n'aurait pas de valeur juridique, par exemple en organisant une centralisation des déclarations au Registre national des personnes physiques.

Ces documents auront donc une certaine valeur et le médecin devra adopter par rapport à eux une position qui engagera sa responsabilité médicale.

Un autre membre estime, comme de précédents intervenants, que la notion d'« inconscient » doit être précisée clairement. Dans la justification de l'amendement nº 291, il est question de coma.

Si c'est bien le coma irréversible que l'on vise, on s'interroge sur l'utilité du texte et surtout, il est permis de se demander si celui-ci ne va pas susciter des difficultés sur le terrain pour les patients qui se trouvent dans cet état et qui n'ont pas fait de déclaration anticipée.

Les médecins exposent qu'à l'heure actuelle, dans cette situation, ils se concertent avec les proches et prennent toutes les précautions utiles pour s'assurer qu'il s'agit bien d'une situation irréversible.

On applique alors des règles internes à l'hôpital, qui fixent une série de critères. C'est en conscience que l'on décide, par exemple, d'un arrêt ou d'une abstention de traitement.

Il faut tenir compte du changement qu'apporte l'intervention du législateur, qui définit les conditions dans lesquelles il n'y a pas infraction, lorsqu'il s'agit d'un patient inconscient qui a fait une déclaration anticipée.

Le médecin ne risque-t-il pas, dès lors, dans les autres cas, de faire de l'acharnement thérapeutique, pour éviter les dépôts de plaintes dont il pourrait être l'objet ?

Il ne faut pas perdre de vue, en outre, que l'article 2 définit l'euthanasie comme le fait de mettre fin intentionnellement à la vie de quelqu'un.

Amendement nº 293

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc., Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 293), visant à supprimer l'article 4 proposé.

L'auteur principal répète ses objections à la déclaration anticipée telle que conçue par les auteurs de l'amendement nº 291. Il fait référence à son intervention dans la discussion générale de l'article 4.

Amendement nº 294

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc., Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 294), qui propose un texte nouveau pour l'article 4.

Un des cosignataires explique que la transparence est une des premières conditions que doit comporter une législation sur la prise de décisions médicales relatives à la fin de vie. C'est pourquoi il est explicitement prévu que le patient a le droit d'obtenir de son dispensateur de soins toutes les informations le concernant qui lui sont indispensables pour connaître son état de santé, l'évolution de celui-ci et les possibilités de traitement et de soins, dans un langage clair et compréhensible pour lui. À la demande du patient, ces informations sont confirmées par écrit.

Quand est prise une décision d'arrêter ou de s'abtenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique justifié par l'état actuel du savoir médical et ayant pour effet d'abréger la vie, certaines dispositions relatives au contenu du dossier médical de l'intéressé sont prévues. Elles-sont énoncées au deuxième paragraphe de l'article 4 proposé.

Le troisième paragraphe porte sur l'élaboration de directives écrites relatives à certains actes médicaux, à l'exception de l'acte actif d'interruption de vie, pour le cas où l'intéressé ne serait plus lui-même en état de faire connaître ses souhaits. Ces directives concernent, par exemple, le refus de l'acharnement thérapeutique, comme le suggère le Conseil de l'Europe. Ce document n'a pas de valeur obligatoire pour le médecin. Il ne peut être pris en compte que s'il est de date récente et si le patient peut comprendre pleinement l'évolution de sa maladie. Pour les décisions médicales relatives à la fin de vie, il est en outre requis que le patient se trouve dans une situation médicalement sans issue.

Le quatrième paragraphe, enfin, prévoit que l'Ordre des médecins fixe de manière uniforme les conditions dans lesquelles l'arrêt ou l'abstention de traitements médicaux, l'application d'un traitement analgésique ayant pour effet d'abréger la vie, etc. peuvent être pratiqués.

L'intervenante donne quelques explications sur la structure générale de l'article 4 proposé par l'amendement nº 294. Elle souligne que le patient a toujours le droit d'obtenir des informations sur son état de santé et l'évolution de celui-ci et qu'il faut toujours s'assurer que le patient a été informé avant de poser des actes médicaux (tant avant qu'au moment de la fin de vie), et en tout cas, lorsque le patient a donné des directives écrites ou non et n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté.

La condition de base de l'euthanasie est le libre arbitre du patient. Nul ne peut mettre intentionnellement fin à la vie d'autrui, pas même sous le couvert d'un soi-disant acte médical en principe autorisé. C'est pourquoi il faut une réglementation transparente sur les décisions médicales relatives à la fin de vie, mettant l'accent sur les droits du patient.

L'éthique médicale a développé suffisamment de directives et de procédures pour faire face de manière adéquate à des situations sans issue auxquelles sont confrontés certains patients incapables de manifester leur volonté.

La reconnaissance légale de la déclaration anticipée avec demande d'euthanasie active est inadmissible. L'interdiction générale de mettre fin à la vie des personnes qui ne peuvent exprimer leur volonté est une condition essentielle de la sauvegarde des droits des plus faibles dans notre société. Au moment où le patient rédige sa déclaration, il n'est pas établi de manière suffisante qu'il dispose de son libre arbitre quant à sa situation pathologique concrète. Même si la déclaration de volonté a été un jour le reflet parfaitement exact, clair, etc. du choix délibéré et bien informé du patient, il n'en reste pas moins que ce choix a été fait à une époque déterminée et compte tenu de tout ce qui était possible et impossible à cette époque sur les plans médical et social.

On ne peut pas admettre non plus qu'en pareille situation, un mandataire se fasse l'interprète de la volonté du patient. Une déclaration anticipée antérieure ne peut jamais décrire à l'avance une situation concrète de détresse : on n'est jamais sûr que le libre arbitre exprimé dans une déclaration anticipée, correspond encore à la volonté du patient lorsqu'il n'est plus en mesure de l'exprimer.

Même si la déclaration anticipée n'a qu'une « valeur indicative », elle ne peut exclure que le médecin soit soumis à une importante pression sociale ni que se profile le risque de voir le secteur des soins de santé soumis à certaines pressions économiques, auquel cas on ne disposerait pratiquement plus d'aucune marge pour assurer le profond respect dû aux patients qui sont atteints d'une maladie chronique ou aux patients inconscients. C'est d'autant plus vrai maintenant, puisque la proposition de loi ne prévoit pas l'obligation de désigner une personne de confiance. Dans ce cas, le médecin doit juger lui-même, avec comme garantie insuffisante la consultation d'un deuxième médecin qui ne devra toutefois se prononcer que sur le caractère irréversible ou non de l'état d'inconscience.

La valeur éminente de la vie est le fondement naturel de tous les autres droits de la personne humaine. On ne peut en aucune façon laisser planer le moindre doute que la volonté exprimée par le patient n'est pas en concordance avec la volonté dans la situation concrète où il n'est plus en mesure de formuler une demande autonome d'interruption volontaire de sa vie. En effet, il n'est pas possible d'assurer que la demande est sérieuse et durable, pas plus qu'il n'est possible de vérifier si le patient éprouve ou non une douleur insupportable. Enfin, on ne peut pas garantir que le patient a pris sa décision en toute liberté à un moment où il en était encore capable.

Les décisions relatives à la fin de vie impliquent toujours un jugement de valeur qui appartient à l'intéressé seul.

Une déclaration anticipée concernant une demande d'euthanasie ne peut dès lors avoir aucune valeur juridique : elle doit être exclue de tout régime légal.

Dans son neuvième avis sur l'opportunité d'une réglementation en matière d'arrêt actif de la vie de personnes incapables d'exprimer leur volonté, le Comité consultatif de bioéthique a affirmé :

« Des déclarations anticipées ne peuvent jamais saisir la complexité de « l'ici et maintenant » ni composer un code de comportement contraignant concernant des situations imprévues. La créativité des soins dans la pratique médicale quotidienne est constamment adaptée aux vicissitudes de l'existence. Il n'appartient pas au médecin de juger de la qualité de la vie d'autrui (et a fortiori de la vie de celui qui n'est pas en mesure d'exprimer sa volonté). L'interdit général portant sur l'arrêt actif de la vie des personnes incapables est en effet une condition sine qua non de garantie des droits des plus faibles dans notre société, et donc aussi, en fin de compte, de garantie de protection des valeurs démocratiques fondamentales. Personne ne peut déposer radicalement d'une autre personne, même si celle-ci l'a demandé alors qu'elle était en état d'exprimer sa volonté humaine. »

Justification des dispositions proposées dans le présent amendement.

­ Concernant le § 1er

Le consentement éclairé est un droit du patient qui est indissociablement lié à la problématique des actes médicaux en général et aux décisions médicales relatives à la fin de vie en particulier.

La disposition proposée confère au patient le droit d'obtenir l'information nécessaire pour connaître son état de santé et l'évolution future de celui-ci. La communication de l'information existe en tant que telle mais elle devient obligatoire lorsqu'il s'agit de décisions médicales en fin de vie (voir les dispositions des §§ 2 et 3).

L'information a trait notamment au diagnostic, aux éventuels traitements thérapeutiques, palliatifs et curatifs.

L'information doit être communiquée au patient dans un langage clair et compréhensible pour lui. À la demande du patient, le dispensateur de soins devra la confirmer par écrit.

­ Concernant le § 2

Les auditions ont également montré que l'euthanasie n'est que le sommet de l'iceberg et ont fait apparaître toute la complexité des nombreux actes médicaux en relation avec la fin de vie et la mort dans la dignité. On a constaté que les soins de santé dispensés à l'approche de la mort présentent trop souvent des côtés moins humains : peu ou pas de contact entre le médecin et le patient, peu ou pas de concertation, peu ou pas d'information, caractère impersonnel et technique du traitement, risque d'acharnement thérapeutique. Il est donc nécessaire d'arriver à une réglementation contenant une série de droits fondamentaux des patients incurables ou mourants (concrétisation des droits des patients à l'approche de la fin de leur vie).

Une autre raison importante justifie d'inscrire une réglementation légale relative à ces décisions médicales en fin de vie dans une « loi sur l'euthanasie » : elle permettra d'éviter que l'euthanasie ne soit pratiquée clandestinement, dans une zone d'ombre, sous le couvert d'actes médicaux en principe autorisés, tels que l'interruption ou l'omission d'un acte médical, la cessation progressive d'une thérapie ou une forme médicalement justifiée de lutte contre la douleur ayant pour effet d'abréger la vie.

Le présent amendement prévoit que ces actes médicaux autorisés ne peuvent être appliqués que s'ils sont conformes à l'état actuel des connaissances médicales, à la déontologie médicale et au respect des droits du patient.

Cela est garanti par le fait que le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir sans équivoque :

­ qu'informé de la décision envisagée, le patient a donné son assentiment;

­ qu'un collègue médecin au moins a été consulté si le patient n'était pas ou plus en état d'exprimer sa volonté;

­ que la personne de confiance désignée par le patient lui-même ou sa famille proche ont, si possible, été informées de la décision envisagée ou ont eu l'occasion de donner leur avis.

À cet égard, il convient que la déontologie médicale élabore le principe suivant lequel un deuxième médecin doit être associé à cette prise de décision.

L'amendement vise donc à objectiver davantage le processus décisionnel relatif aux actes médicaux en principe autorisés et à en faciliter l'éventuel contrôle judiciaire a posteriori.

L'article 76bis du Code civil auquel il est fait référence et dont l'insertion a été proposée par les auteurs du présent amendement permet de contrôler par sondage la véracité de la déclaration de décès à établir par le médecin, aussi après l'application d'une décision médicale en fin de vie.

­ Concernant le § 3

Presque tous les témoins ont reconnu durant les auditions qu'une déclaration anticipée pouvait être un élément important dans la prise de décisions médicales en fin de vie, lorsque le patient n'est plus en état de manifester sa volonté. La déclaration a cependant surtout été jugée utile pour les choix de traitement et d'orientation qui sont beaucoup plus importants pour les soins palliatifs et terminaux au quotidien. Le patient veut-il encore être nourri ou hydraté artificiellement ? Le patient en phase terminale veut-il encore être réanimé ou ventilé artificiellement ? Le patient veut-il que les médecins continuent à appliquer toutes les thérapies possibles ?

La déclaration anticipée peut donc être un moyen de communication entre le patient, la famille et les thérapeutes (Van den Eynden). C'est dans le même ordre d'idées que se situe le « protocole de détresse », tel qu'il est appliqué notamment pour les soins en première ligne et les soins à domicile (Cambron-Diez). Ce « protocole de détresse » garantit la transparence et la sécurité au patient en situation de crise et constitue une directive pour le médecin et le personnel soignant.

C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir que le patient peut rédiger des directives écrites sur l'application des actes médicaux en principe autorisés, pour le cas où il ne serait plus lui-même en état de faire connaître ses souhaits.

Toutefois, cette déclaration anticipée ne peut avoir aucune force juridique contraignante pour le médecin ni être utilisée pour la demande d'euthanasie active.

Lorsqu'un patient est incapable, le devoir de l'État, qui est de protéger la vie, doit en effet primer de manière inconditionnelle.

L'amendement dispose donc que la déclaration anticipée doit être de date récente et avoir été rédigée lorsque le patient était en mesure de saisir pleinement la portée de sa maladie ainsi que son évolution. De plus, les conditions d'admissibilité de fond applicables à l'acte délibéré d'interruption doivent être remplies, en ce sens qu'il doit s'agir d'un patient en phase terminale et dont la situation médicale est sans issue.

La déclaration peut également porter sur d'autres actes médicaux, en dehors de la phase de décès, pour le cas où le patient ne serait plus en mesure de manifester sa volonté. Dans ce cas également, le patient doit être suffisamment informé (demande éclairée), la déclaration doit avoir été rédigée à une date récente et à un moment où le patient pouvait mesurer pleinement la portée et l'évolution de sa maladie; un collègue médecin doit avoir été consulté et la personne de confiance désignée par le patient lui-même ou la famille proche doivent avoir été informées de la décision projetée et avoir eu l'occasion de donner leur avis (voir les premiers mots de ce paragraphe : « Sans préjudice des dispositions du § 2 »).

­ Concernant le § 4

La troisième proposition de l'avis du Comité consultatif de bioéthique ainsi que les auditions ont montré que la question de l'euthanasie et toute tentative de réglementation en la matière doivent s'envisager dans la perspective de toutes les autres décisions médicales en fin de vie.

Les soins palliatifs ont eux aussi leurs limites et d'aucuns ont fait état, durant les auditions, de « l'acharnement palliatif ». En effet, les soins palliatifs n'excluent pas certains actes médicaux en fin de vie. Les patients souhaitent en outre être protégés contre l'acharnement thérapeutique qui ne tient pas compte de leur vision des choses.

Lors des auditions, des personnes telles que le professeur Schotsmans et le docteur Van den Eynden ont plaidé pour que, outre les conditions de protection du patient par rapport à ces décisions médicales en fin de vie, on prévoie aussi une régulation en uniformisant les directives et les codes. Alors que le professeur Vanneste et le docteur Vandeville préfèrent une imposition légale de ces codes, M. Adams considère que « si par régulation des actes médicaux en fin de vie, on entend que la nouvelle législation doit régler cette matière de manière extensive, y compris en prévoyant un régime de maintien judiciaire, on fait fausse route ».

En effet, un système de contrôle répressif n'est pas souhaitable en l'absence d'indications justifiant une méfiance générale à l'égard des médecins. Il est essentiel que la confiance dans le médecin soit confirmée également dans ces circonstances. C'est pourquoi il appartient à la catégorie professionnelle des médecins de donner corps à cette réglementation, dans le respect des droits du patient, par le biais de la déontologie médicale. Cette mission doit être inscrite dans la loi afin que soient mieux précisées les conditions auxquelles doivent satisfaire les décisions médicales visant à assurer une fin de vie dans la dignité.

Mme Leduc et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 400) visant à remplacer les mots « déclarer par écrit ses préférences ou ses objections concernant sa prise en charge médicale » par les mots « déclarer par écrit, dans une déclaration anticipée ». Un des auteurs de l'amendement souligne qu'il faut donner aux personnes la possibilité légale d'établir une telle déclaration. L'expérience apprend que cette décision est souvent prise après qu'on ait assisté aux souffrances de personnes de son entourage proche et qu'on ait pris conscience du fait qu'on ne souhaite pas vivre une telle situation.

Conformément à la législation prochaine relative aux droits des patients, le patient doit être informé des conséquences de sa maladie et doit, par conséquent, obtenir la possibilité d'exprimer sa volonté à ce sujet. L'amendement nº 400 vise toutefois à dissiper tous les malentendus et précise dans le cadre de la présente loi, que la déclaration anticipée ne peut avoir pour objet l'euthanasie que moyennant le respect de certaines conditions.

Un membre fait observer qu'un problème de rédaction se pose dans le deuxième alinéa du § 1er proposé. En effet, ce n'est pas au patient à expliciter lui-même, dans sa déclaration anticipée, la situation médicale par rapport au médecin.

Les conditions dans lesquelles une réponse peut être donnée à la demande faite dans une déclaration anticipée relèvent du médecin et devront être précisées au § 2.

L'intervenante propose pour sa part d'autres formulations possibles, plus lapidaires, comme « Tout majeur peut indiquer, dans une déclaration anticipée, sa volonté d'un acte d'euthanasie pour le moment où il serait inconscient. »

Amendement nº 351

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 351) visant à remplacer l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Art. 4. ­ § 1er. Tout patient a droit à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution.

Cette information lui est communiquée en des termes compréhensibles et appropriés à sa situation. Sauf urgence, cette information doit être correcte et complète.

Tout patient a droit à la manifestation de son consentement éclairé, préalable et libre concernant toute intervention d'un prestataire de soins. Sauf urgence aucun acte médical ne peut être posé, poursuivi ou arrêté sans le consentement libre et éclairé du patient. Ce consentement peut être retiré à tout moment.

Le patient peut pour les cas où il ne serait plus en état d'exprimer ses souhaits, établir par écrit, de la manière qu'il juge appropriée, ses souhaits quant aux modalités de sa fin de vie. Il peut notamment disposer qu'il ne souhaite pas le recours à un traitement destiné à la prolongation de ses fonctions vitales si la mort est inéluctable. Un tel document a valeur indicative pour le médecin.

Il peut également désigner une personne de confiance chargée de mettre le médecin traitant au courant de ces souhaits.

Un tel document ainsi que le nom de la personne de confiance si une telle personne a été désignée, est de préférence conservé dans le dossier du patient auprès de son médecin généraliste.

§ 2. Le médecin doit au patient en fin de vie toute assistance morale et médicale, curative ou palliative pour soulager ses souffrances physiques ou morales et préserver sa dignité.

Le médecin s'abstient de tout acte qui ne puisse raisonnablement contribuer à améliorer la santé ou la situation du patient, et plus particulièrement de tous actes inutiles ou disproportionnés par rapport à son état en ce qu'ils n'offriraient au regard du dernier état de l'art de guérir aucune perspective de guérison, d'amélioration ou de soulagement de ses souffrances mais n'auraient pour objet que de retarder le décès.

Lorsque le patient est définitivement inconscient, le médecin se limite à ne prodiguer que des soins de confort.

Dans ce cas, la mise en route ou l'arrêt d'un traitement par un médecin pourra se faire après avoir consulté un confrère au moins, s'être informé sur les souhaits du patient qu'il aurait exprimé dans une déclaration anticipée ou par la désignation d'une personne de confiance ou à défaut auprès de ses proches ou de son représentant légal. »

Les alinéas 1er et 2 du § 1er réintroduisent donc des éléments relatifs aux droits du patient, à savoir le droit à l'information et le droit à la manifestation de son consentement éclairé.

L'alinéa 3 du § 1er vise plus spécifiquement le droit d'établir par écrit ses souhaits quant aux modalités de sa fin de vie.

Le texte indique une préférence pour le dépôt de la déclaration dans le dossier du patient auprès de son médecin généraliste. L'auteur de l'amendement estime en effet souhaitable qu'un dialogue ait lieu entre le patient et son médecin quant au contenu du document, à un moment où le patient ne se trouve pas encore dans la situation envisagée par la déclaration.

L'auteur de l'amendement précise que celui-ci s'est inspiré, notamment en son § 2, du Code de déontologie médicale, qui indique certaines pistes à suivre lorsqu'il est question de patients inconscients.

Il serait d'ailleurs souhaitable que ces dispositions soient affinées, car il y a encore, sur le terrain, à tout le moins des interrogations.

Il est cependant évident que, si l'on supprime l'alinéa 1er du § 1er, tel qu'il était rédigé à l'amendement nº 15, le présent amendement perd une partie de son sens, puisqu'il se situe dans une logique où l'on explicite de façon plus générale les droits du patient par rapport à sa fin de vie.

Amendement nº 399

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 399), qui vise à remplacer l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Art. 4. ­ § 1er. Les décisions d'arrêt ou d'abstention de traitements susceptibles de prolonger la vie d'un patient, ainsi que les décisions visant à administrer des traitements analgésiques justifiés dans l'état actuel de la médecine pour soulager la douleur et les symptômes et pouvant avoir pour effet secondaire non recherché d'abréger la vie du patient ne peuvent être prises qu'avec le consentement libre et éclairé du patient, et en conformité avec l'état actuel du savoir médical et de la déontologie médicale.

Le dossier médical de la personne doit faire apparaître que :

1º le patient a été informé, de manière correcte et adéquate, des actes ou traitements médicaux envisagés et des risques et avantages qu'ils comportent, ainsi que des possibilités thérapeutiques ou palliatives alternatives;

2º le patient a donné son consentement libre et éclairé à l'acte ou au traitement médical envisagé;

3º le médecin a consulté au moins un confrère spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient, et, le cas échéant, l'équipe soignante ou l'équipe palliative qui entoure le patient;

4º le médecin a recueilli l'avis des proches, à moins que le patient ne s'y est opposé, et de toute personne désignée par le patient.

Si le patient est inconscient ou dans l'impossibilité manifeste d'exprimer sa volonté, le médecin prend, en outre, en considération, les souhaits éventuels précédemment exprimés par le patient ou la déclaration anticipée qu'il aurait pu rédiger conformément au § 2, ainsi que les indications de ses proches ou de toute personne que le patient aurait pu désigner antérieurement.

La déclaration du patient ou les souhaits de celui-ci, ainsi que l'ensemble des démarches entreprises par le médecin et les avis des personnes consultées figurent au dossier médical du patient.

§ 2. Toute personne majeure, capable et lucide, peut, pour le cas où elle serait inconsciente ou dans l'impossibilité manifeste d'exprimer sa volonté, rédiger une déclaration anticipée dans laquelle elle donne des instructions précises relatives à des décisions médicales qu'elle souhaite ou qu'elle ne souhaite pas, notamment celles visées au § 1er, à l'exception de l'arrêt actif de fin de vie. La déclaration peut éventuellement désigner une personne de confiance qui met le médecin au courant de sa volonté et qui est habilitée à assurer le dialogue avec le médecin au sujet des choix thérapeutiques visés. Le médecin traitant du patient, le médecin consulté visé au § 1er, et les membres de l'équipe soignante ne peuvent pas être choisis comme personnes de confiance.

La déclaration est rédigée, datée et signée par le déclarant lui-même et la personne de confiance éventuelle.

La déclaration doit avoir été rédigée volontairement, sans contrainte ni pression d'aucune sorte.

Avant de procéder à la rédaction de la déclaration, le déclarant doit avoir été informé par son médecin de manière correcte et adéquate sur son état de santé et son évolution, ainsi que les divers soins et traitements médicaux envisagés dans sa déclaration. Le médecin atteste dans la déclaration que le déclarant lui a paru sain d'esprit et qu'il lui a semblé avoir compris l'information.

La déclaration n'a pas de portée juridique contraignante pour le médecin. Celui-ci ne peut la prendre en considération que si elle a été rédigée récemment, à un moment où le patient était en mesure de comprendre pleinement la portée de sa déclaration et l'évolution de son état de santé.

La déclaration peut être retirée ou adaptée par tout moyen et à tout moment. Avant de prendre en considération la déclaration anticipée d'un patient, le médecin s'assure que cette déclaration n'a pas été retirée ou adaptée. »

L'auteur souligne, à propos du § 1er, 3º, que les débats en cours connaissent déjà des effets sur le terrain puisque, de plus en plus, les équipes palliatives sont appelées en renfort par les médecins qui soignent des patients en fin de vie.

L'intervenante souligne également que la conception de son groupe a évolué, et que celui-ci considère lui aussi qu'il importe pour le médecin de pouvoir prendre en considération les souhaits exprimés par le patient d'une manière ou d'une autre, et notamment par une déclaration anticipée.

La formule de l'amendement a pour but de ne pas figer les souhaits du patient dans un trop grand formalisme et souligne aussi l'importance de la collégialité pour aboutir à la décision finale (cf. les termes « les avis des personnes consultées figurent au dossier médical du patient »).

L'amendement vise aussi une personne « lucide », car la condition de capacité ne paraît pas suffisante. Il introduit en outre la notion de dialogue entre la personne de confiance et le médecin, car il ressort des contacts que l'auteur de l'amendement a pu avoir avec des acteurs de la santé et avec des familles qu'il s'agit d'un élément capital.

L'indication que la déclaration doit avoir été rédigée volontairement, sans contrainte ni pression d'aucune sorte, est aussi essentielle.

Trop de demandes résultent de pressions, qui ne sont pas nécessairement d'ordre économique ou matériel, mais aussi psychologique ou familial.

L'auteur de l'amendement conclut que la question des directives anticipées doit être vue dans le cadre global des droits du patient. Il importe tout d'abord que le patient soit correctement informé sur son état de santé et sur les décisions médicales devant être prises, avant qu'il puisse prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Récemment encore, l'intervenante a eu connaissance d'un cas où une demande d'euthanasie a été formulée. Le médecin a entendu cette demande, a engagé un dialogue avec le patient, a proposé un soulagement physique et psychique avec l'aide d'une équipe et d'un psychologue proche de la famille.

La demande n'a pas été réitérée parce que, dans ce cas, l'encadrement avait été adéquat.

Il importe donc que le médecin entende la parole du patient dans toutes ses dimensions et s'entoure de toute l'aide nécessaire pour y répondre.

Tant les personnes auditionnées que le Comité consultatif de bioéthique ont été assez unanimes pour reconnaître qu'on ne peut accorder à une directive anticipée le même poids qu'à une demande présente. Toutefois, elle peut donner des indications importantes au médecin quant à la position du patient par rapport à l'acharnement thérapeutique, la réanimation, les traitements extraordinaires, etc.

Toutefois, la directive anticipée ne peut pas porter sur l'arrêt actif de la vie. La pratique médicale dispose d'un vaste arsenal de possibilités permettant de trouver une solution adéquate aux situations problématiques des patients incapables en fin de vie sans devoir recourir à l'arrêt actif de la vie. En situation de fin de vie des personnes incapables, le médecin doit veiller à assurer au patient la meilleure qualité de vie possible, sans transgresser les deux limites que sont d'une part, l'acharnement thérapeutique et de l'autre, l'arrêt actif de la vie. L'article 96 du Code de déontologie médicale précise aussi que lorsque le malade est définitivement inconscient, le médecin se limite à ne prodiguer que des soins de confort.

La Recommandation nº 1418 du Conseil de l'Europe du 25 juin 1999 relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants fait clairement la distinction entre l'euthanasie et le droit pour le patient de renoncer à certains traitements, de même que le droit de recevoir des traitements anti-douleur et des soins palliatifs adéquats, même si les traitements appliqués peuvent avoir pour effet secondaire de contribuer à abréger la vie de la personne en cause.

La déclaration sur la phase terminale de la maladie de l'AMM (1983) stipule expressément que « le médecin peut épargner à un patient les souffrances d'une affection terminale par abstention des soins avec l'accord du patient ou de ses proches si celui-ci est dans l'incapacité d'exprimer sa volonté. Cette abstention n'empêche pas d'assister le mourant et de lui donner les calmants et les médicaments propres à adoucir la phase terminale de son état. »

Des directives données anticipativement ne peuvent jamais saisir la complexité du moment présent ni constituer un code de comportement contraignant concernant des situations imprévues. Le médecin ne peut être juge de la qualité de vie de ses semblables, a fortiori ceux qui ne sont pas (ou plus) capables de faire connaître leur volonté. L'arrêt actif de la vie des personnes incapables doit rester interdit en toutes circonstances. Cet interdit est une condition sina qua non de garantie du respect des droits des plus faibles et donc aussi de garantie de protection des valeurs démocratiques fondamentales (position 3, avis nº 9 du 22 février 1999 du Comité consultatif de bioéthique concernant l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté).

En outre, avant de prendre une décision, dont il reste le seul responsable, le médecin doit veiller à insérer la directive anticipée dans la concertation qui doit s'instaurer avec les proches du patient ou la personne de confiance désignée par celui-ci et l'équipe soignante. La décision finale appartient toujours au médecin, mais cette décision doit rester une expression de responsabilité, de soin et d'assistance du patient incapable au stade terminal.

L'évolution de la médecine, des cliniques de la douleur et du soulagement de la douleur est telle que l'on peut faire preuve d'optimisme quant à la manière dont les médecins, à l'avenir, parviendront à soulager la souffrance.

Enfin, il est très difficile de cerner la souffrance d'un patient inconscient.

Un membre soutient pleinement l'amendement nº 399, dont le deuxième paragraphe précise sans ambiguïté que la déclaration anticipée ne peut jamais porter sur un arrêt intentionnel de la vie. Au contraire, pour les décisions médicales relatives à la fin de vie, l'amendement met l'accent sur d'autres décisions que l'euthanasie, comme l'a suggéré le Comité consultatif de bioéthique. De telles décisions constituent d'ailleurs l'immense majorité des décisions médicales concernant la fin de vie. Les membres des commissions réunies doivent sérieusement prendre en considération cette réalité.

Amendement nº 350

Mme de T' Serclaes a également déposé à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 350), dont le point A vise à supprimer le § 1er de l'article 4 proposé, et dont le point B adapte en conséquence le § 2 de cet article.

Amendement nº 352

Mme de T' Serclaes a déposé à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 352), tendant à :

A. Ajouter, à l'alinéa 1er du § 1er de l'article 4 proposé, à la fin de cet alinéa proposé, les mots suivants : « en fin de vie ».

B. supprimer les alinéas suivants du § 1er.

C. supprimer le § 2.

Cet amendement sera retiré, pour autant que l'alinéa 1er du § 1er soit supprimé.

Amendement nº 295

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 295), visant à insérer, avant l'alinéa 1er du § 1er de l'article proposé, un texte relatif au droit du patient à être informé de son état de santé.

Un des auteurs du sous-amendement renvoie à la justification écrite de l'amendement nº 295. Il ne voit pas comment le patient peut établir une déclaration anticipée suffisamment précise sans consultation du médecin concerné et ses explications. Le patient ne peut en effet décider in abstracto.

Amendement nº 361

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 361), tendant à remplacer les §§ 1er et 2 proposés par ce qui suit :

« Toute personne capable âgée de 18 ans révolus apte à apprécier raisonnablement ses intérêts en matière de santé peut indiquer par écrit son souhait qu'un médecin mette fin intentionnellement à sa vie au cas où elle serait inconsciente, que cette situation est irréversible et le décès inéluctable à brève échéance. »

L'amendement reprend la notion de « capacité » qui paraît importante, mais supprime celle de mineur émancipé. Il utilise une notion tirée de la législation danoise, à savoir une personne âgée de « 18 ans révolus », formule qui eût pu être insérée à l'article 3 également.

En effet, l'auteur estime qu'il faut rester en concordance avec la Convention internationale sur les droits de l'Enfant, qui vise les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans. C'est aussi la logique qui inspire la loi danoise.

La formule proposée par l'amendement reprend également les termes « qu'un médecin mette fin intentionnellement à sa vie », par référence à la définition adoptée à l'article 2.

L'amendement précise aussi davantage la notion d'inconscience, en indiquant que cette situation est irréversible et le décès inéluctable à brève échéance.

Un membre fait remarquer que, même si l'auteur de l'amendement nº 361 parle des patients comateux dans ses développements, le texte de l'amendement lui-même reprend le terme « inconscient » (« niet meer bij bewustzijn ») employé par les auteurs de l'amendement nº 291. Ce dernier terme a une portée beaucoup plus large que le terme « comateux ». Quelle est l'intention de l'auteur de l'amendement nº 316 ?

Celle-ci répond qu'il s'agit de personnes inconscientes dont la situation est irréversible.

En français, les mots « patient inconscient dans un état irréversible » semblent exclure clairement, aux yeux de la plupart des gens et des médecins que l'intervenante a interrogés, les personnes démentes, par exemple.

Peut-être le mot néerlandais « bewust » est-il plus ambigu et permet-il de viser des personnes qui, sans être inconscientes, ont perdu une partie de leurs facultés de discernement, par exemple sous l'emprise de l'alcool.

L'intervenante renvoie au droit suisse où, dans les travaux du groupe de travail, qui examine la question et n'a pas encore abouti à une loi, il est question de la situation de coma irréversible, et où le groupe de travail recommandait de consulter un neurologue.

L'intervenante compte reprendre cette suggestion dans un amendement.

Il semble en effet, qu'un neurologue soit la personne indiquée pour attester, comme expert, que le coma est irréversible, même si certaines fonctions vitales subsistent. Il semble exister des codes permettant d'évaluer la situation à cet égard.

Article 4, § 1er, proposé par l'amendement nº 291

Amendement nº 362

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 362), dont le point A vise à supprimer l'alinéa 1er du § 1er proposé, et dont le point B vise à remplacer, au § 1er, alinéa 2, les mots : « Il peut notamment » par les mots « Toute personne âgée de 18 ans révolus et capable peut ».

L'auteur renvoie à ce qu'elle a déjà exposé à ce sujet, dans le cadre de la discussion d'autres amendements.

Amendement nº 296

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 296), visant à ajouter, à l'alinéa 1er du § 1er de l'article proposé, une disposition prévoyant qu'une déclaration autorisée ne peut jamais concerner l'acte délibéré d'euthanasie.

Un membre observe que la volonté exprimée par le patient de procéder, dans des circonstances bien déterminées, à une euthanasie, est un des éléments de la prise de décision médicale.

Amendement nº 297

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 297), visant à supprimer les mots « ou mineur émancipé » à l'alinéa 1er du § 1er de l'article proposé. D'une part, cette terminologie n'est pas correcte sous l'angle purement juridique. D'autre part, les auteurs de l'amendement ne souhaitent pas que des mineurs puissent établir une déclaration anticipée.

Amendement nº 298

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 298), visant à indiquer clairement, à l'alinéa 1er du § 1er, que les souhaits ou les objections concernant certains actes médicaux doivent pouvoir être exprimés dans une déclaration anticipée.

Un des auteurs déclare cependant être disposé à retirer cet amendement si l'amendement nº 400 est adopté.

Amendement nº 299

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 299), visant à compléter l'alinéa 1er du § 1er de l'article proposé par une disposition prévoyant que la personne qui rédige une déclaration anticipée doit se concerter avec un médecin et que ce dernier signe la déclaration en mentionnant que l'intéressé a été informé des aspects pertinents de son état de santé et des possibilités de traitement médical et palliatif.

Un membre réplique qu'il sera très difficile d'informer complètement une personne en bonne santé sur l'évolution d'une maladie dont elle n'est pas encore atteinte ou dont elle ne souffrira peut-être jamais. La déclaration anticipée vise essentiellement à indiquer ce qu'on ne souhaite surtout pas vivre.

Un des auteurs du sous-amendement répond que c'est précisément de cela qu'il s'agit. Les personnes en bonne santé ont des souhaits entièrement différents de ceux de personnes malades. L'intervenante estime qu'il doit être possible d'établir une déclaration anticipée mais que cela doit se faire en pleine conscience des conséquences possibles de la maladie et des remèdes susceptibles d'être appliqués.

Un membre observe que le droit à l'information sur les soins palliatifs est repris à l'article 3 de la proposition de loi. Au moment de la rédaction de la déclaration anticipée, la personne concernée est certes en bonne santé mais elle a sans doute tiré des enseignements des circonstances du décès de proches. L'amendement n'a donc pas sa place ici.

Un des auteurs du sous-amendement répond que la référence à l'article 3 ne change rien. En effet, l'article 3 concerne des personnes pleinement conscientes et qui demandent l'euthanasie. Elles ont droit à une information mais c'est évidemment impossible pour des personnes qui ont perdu conscience. L'amendement nº 299 vise, au contraire, à fournir suffisamment d'informations lors de la rédaction de la déclaration anticipée, alors que la personne est encore consciente, ce que ne prévoit pas l'amendement nº 291.

L'intervenante précédente considère que l'intéressé a, à ce moment, déjà tiré suffisamment d'enseignements de l'expérience qu'il a vécue avec des personnes de son entourage. Une information complémentaire n'est donc pas requise.

Un des auteurs du sous-amendement ne partage pas l'avis de la préopinante. On ne peut attendre de la plupart des gens que leur expérience et leurs connaissances égalent celles des spécialistes d'une affection déterminée, comme par exemple les oncologues. L'amendement nº 299 est donc un complément indispensable.

L'intervenante précédente opine différemment.

Amendement nº 300

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 300), visant à supprimer l'article 2 du § 1er de l'article 4 proposé.

Un des auteurs explique que les auteurs de l'amendement nº 300 ne partagent pas la vision selon laquelle une déclaration anticipée peut également contenir une demande d'euthanasie et que celle-ci peut constituer un élément du traitement des personnes incapables d'exprimer leur volonté.

Une intervenante observe que l'amendement nº 291 ne concerne pas les personnes incapables de manifester leur volonté mais celles qui « ont perdu conscience ». Elle n'est donc pas d'accord avec la justification de l'amendement nº 300.

Amendement nº 301

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 301) visant à indiquer au deuxième tiret de l'alinéa 2 du § 1er de l'article proposé, que l'intéressé doit se trouver dans le coma.

L'un des auteurs du sous-amendement considère que dans un texte de loi, les concepts utilisés doivent être clairement définis. La disposition « niet meer bij bewustzijn » est bien trop vague. C'est ce qui motive la proposition de préciser d'emblée de quoi il s'agit, c'est-à-dire de personnes se trouvant dans le coma.

Le « Van Dale Groot Woordenboek der Nederlandse Taal » prête au terme « bewustzijn » les sens suivants :

1º faculté de percevoir, de connaître et de reconnaître sa propre réalité et celle des choses;

2º conscience d'un état d'esprit déterminé, de relations;

3º perception sensorielle.

Il est clair que le terme « bewustzijn » peut donc aussi s'appliquer à des patients qui ne sont pas dans le coma mais qui, à la suite d'une maladie mentale, ont perdu leur « faculté de percevoir ».

Le terme « bewusteloos » n'offre pas davantage de solution. Van Dale définit ce terme comme suit :

1º à qui la conscience fait défaut, sans connaissance;

2º (littéraire) dépourvu de conscience.

En se reportant à la définition de « bewustzijn », on constate que le même problème se pose.

Il en va de même du terme « onbewust », que Van Dale définit comme suit :

1º non parvenu à la connaissance de quelqu'un, inconnu de lui;

2º n'ayant pas conscience de;

3º sans le savoir soi-même ou sans y penser;

4º qui échappe à la conscience;

5º (régional) bewusteloos.

Dans le texte français de la proposition, on a utilisé, pour qualifier cette situation, l'adjectif « inconscient ». Le dictionnaire Van Dale français-néerlandais entend par là :

1º inconscient ­ dont on n'a pas conscience, automatique, instinctif, machinal;

2º irresponsable, injustifiable;

3º à qui la conscience fait défaut;

4º fou, irréfléchi, déraisonnable.

Par conséquent, il est aussi exclu d'utiliser le terme « inconscient ».

L'auteur principal du sous-amendement nº 301 souligne qu'il s'agit d'une partie extrêmement importante du débat. La littérature médicale donne en effet aux différents termes une signification particulière.

L'orateur souligne que la justification de l'amendement nº 291 s'écarte de ce qui figure dans le corps du texte. Que veut-on dire exactement ? On utilise des concepts aussi objectifs que possible. L'expérience nous apprend, en effet, que la mise en oeuvre de la législation va toujours plus loin que ce que les auteurs ont voulu dire au départ. Il est dès lors extrêmement important de recourir à des termes appropriés.

L'auteur principal de l'amendement nº 291 répond que dans l'amendement nº 291, on n'utilise pas tant un terme juridique qu'un terme médical qui fait l'objet d'une interprétation du médecin. Le membre considère que le terme « inconscient » est suffisamment clair. Celui-ci couvre, la plupart du temps, un état comateux.

L'orateur précédent estime qu'en laissant au seul médecin la capacité d'apprécier l'état d'inconscience, on rend le contrôle juridique totalement impossible étant donné que celui qui contrôle doit se remettre entièrement à l'avis du médecin et l'accepter.

L'orateur prend acte du fait que, selon les auteurs de l'amendement nº 291, d'autres patients que ceux qui se trouvent dans le coma tombent dans le champ d'application de l'article 4.

L'auteur principal de l'amendement nº 291 n'est pas d'accord avec cette dernière interprétation.

L'orateur précédent réplique qu'il s'agit pourtant de l'interprétation qui vient d'être donnée par l'un des auteurs de l'amendement nº 291.

Un membre se réfère aux récentes déclarations publiques des auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1, selon laquelle les personnes souffrant d'une affection mentale, comme les déments, peuvent tomber dans le champ d'application de l'article 4. On déclare à nouveau qu'il ne peut s'agir que de patients dans le coma tout en n'excluant pas d'autres catégories. Tout ceci est de nature à créer une grande confusion et montre que les auteurs de l'amendement nº 291 ne sont pas eux-mêmes d'accord sur la portée exacte de la terminologie utilisée.

Un autre membre répond que, selon la vision personnelle qu'elle a maintes fois exprimée dans la presse, elle voudrait pouvoir disposer de son destin au cas où elle sombrerait dans la démence. Ce n'est cependant pas ce que disposent l'article 4 ni l'amendement nº 291, qui excluent les déments.

Un précédent orateur estime que la législation en matière d'euthanasie qui voit le jour au Sénat est truffée d'ambiguïtés. En outre, les auteurs de la proposition ne répondent pas aux questions posées. Ou bien, on vise effectivement les patients dans le coma et cela doit être inscrit dans la loi, ou bien, il s'agit de quelque chose de beaucoup plus large. En effet, un patient atteint de la maladie d'Alzheimer est « inconscient » au sens de l'amendement nº 291. Dans un tel cas, moyennant une simple déclaration anticipée, l'euthanasie peut dès lors être pratiquée. Toutefois, c'est précisément ce type de personnes en position de faiblesse qui doivent être protégées par la loi.

Un membre déduit de tout ce qui précède que les auteurs de l'amendement nº 291 taisent sciemment les catégories de personnes auxquelles s'appliquera la loi. Il n'est plus question d'un débat de société sérieux.

Un autre membre se réfère aux autres dispositions figurant dans le texte de l'amendement nº 291, notamment le caractère irréversible de la maladie. Le membre estime que certains font constamment allusion à des catégories de malades qui ne sont manifestement pas visées par l'amendement.

Un autre intervenant encore estime que la notion d'« état de coma » correspond à une définition médicale. On ne se trouve pas « juridiquement » dans le coma. Il s'agit d'un état de santé. L'état d'inconscience relève de la même approche. Il est donc exact de dire que c'est au médecin à déterminer l'état du patient. On ne voit pas qui d'autre serait plus habilité à le faire, mais certainement pas un juge qui aurait à revenir sur la situation, peut-être bien longtemps après les faits.

Un précédent orateur prend acte du fait que c'est au médecin ­ et à lui seul ­ d'apprécier les conditions pouvant justifier une euthanasie, en arguant du fait qu'aucun juge n'est à même de le faire. Il s'agit d'une caricature de l'État de droit. La CEDH dispose en effet que la loi doit protéger la vie. Or, si l'on accorde au corps médical ­ bien qu'il soit généralement intègre ­ une compétence aussi large en la matière, on transgresse la CEDH car chacun sait, et l'histoire l'a prouvé, que le corps médical aussi compte des exceptions qui ne se soucient pas outre mesure de la déontologie.

Dans un État de droit, tout acte humain doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridique. En partant du principe que le fait de donner la mort à une personne inconsciente ne peut plus faire l'objet d'un tel contrôle et n'est plus considéré que comme un simple acte médical, les auteurs de la proposition de loi sapent les bases de l'État de droit. C'est tout à fait inadmissible.

Un membre se demande qui d'autre que le médecin devrait effectuer ce contrôle.

L'orateur précédent répond que les auteurs de la proposition de loi et de l'amendement nº 291 insistent constamment auprès de l'opinion publique sur le fait que l'euthanasie est subordonnée à une foule de critères de prudence et de contrôle a priori et a posteriori et que le parquet peut éventuellement intervenir. Il est dès lors indispensable de savoir quelles sont exactement les limites juridiques des actes admissibles. Or, en décrétant à présent que seul le médecin peut prendre la décision, en l'absence de tout contrôle, on entre dans un tout autre registre et l'on foule aux pieds les principes de l'État de droit.

Un membre déclare que la discussion montre que le législateur joue quelque peu à l'apprenti sorcier sur des sujets qui touchent à l'art médical.

Elle souhaite pour sa part utiliser des termes qui coïncident avec le droit commun, sans trop entrer dans des notions trop médicales, qui seraient difficiles à appréhender par les magistrats qui devront appliquer la loi, et risquent d'être figées et bientôt dépassées par la pratique.

Un autre membre trouve essentiel que l'homme et la dignité humaine se trouvent au coeur du débat. Cependant, lorsqu'une personne qui jouit encore de toutes ses facultés mentales déclare par écrit que, dans des circonstances bien particulières, sa vie a perdu toute dignité et que cela est constaté et contrôlé par un médecin, sa demande d'euthanasie doit influer sur la décision que doit prendre le médecin concerné au cas où le patient perd conscience. La CEDH tend non seulement à protéger la vie mais également la dignité humaine. Nous avons tous connaissance de cas où on ne peut plus parler de dignité humaine.

Amendement nº 371

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 371), tendant à supprimer, au 1er alinéa du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « mineur émancipé ».

L'auteur précise que le problème de l'euthanasie des personnes mineures, qui sont, ou a fortiori, qui ne sont pas en fin de vie, est extrêmement délicat et ne peut être réglé ici de manière aussi abrupte par ce qui peut sembler un artifice consistant à faire appel à la notion d'émancipation. Selon les articles 476 et suivant du Code civil, le mineur est émancipé de plein droit, non seulement par le mariage (c'est-à-dire en principe à l'âge de la majorité (18 ans), quoique le mineur puisse bénéficier d'une dispense et se marier avant cet âge), mais aussi par le tribunal et, dès l'âge de quinze ans accomplis.

L'émancipation n'est pas un système de majorité anticipée, mais un système de transition qui combine à la fois liberté et protection d'un mineur (pour certains actes, le mineur reste soumis non à un régime de représentation mais à un régime d'assistance par un curateur ou soumis aux règles de la tutelle) dans le but de permettre au mineur de conclure certains actes de nature commerciale.

Cette institution est par ailleurs désuète et est appelée à disparaître. Il semble inadéquat d'aborder l'euthanasie des mineurs par ce biais.

Un membre souligne que, dans notre société, 18 ans est un âge crucial. Dès ce moment, le droit belge considère que l'on est capable de juger en adulte. Rédiger une déclaration anticipée ­ en réalité une déclaration d'euthanasie ­ est un acte qui demande une grande maturité.

Amendement nº 372

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 372), tendant à insérer, au § 1er, alinéa 1er, de l'article 4 proposé, les mots « et lucide » après le mot « capable ».

L'auteur de l'amendement renvoie à l'avis du Comité consultatif de bioéthique, où l'on insiste sur la différence qui peut exister entre la capacité juridique et la capacité de fait.

Toute la philosophie du texte en discussion est de permettre au malade d'exprimer sa volonté. Cela suppose qu'il soit pleinement lucide au moment où il rédige sa déclaration.

Amendement nº 373

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 373), tendant à compléter le § 1er, alinéa 1er, de l'article 4 proposé, par la phrase : « La déclaration doit avoir été rédigée volontairement, sans contrainte ni pression d'aucune sorte. »

L'auteur de l'amendement se dit très sensible au risque de pressions, non seulement économiques et financières, mais aussi relationnelles et familiales.

C'est pourquoi elle souhaiterait que le médecin s'assure des conditions et du contexte dans lesquels la déclaration a pu être rédigée.

Elle se dit convaincue que beaucoup de déclarations se feront à un moment relativement proche de celui où l'acte du médecin sera posé, alors que le patient sera entouré de sa famille, d'une équipe médicale, etc.

Elle a d'ailleurs déposé un amendement tendant à ramener de cinq ans à un an le délai maximum prévu entre la déclaration et l'acte du médecin.

L'intervenante n'est pas favorable au recours à la figure de témoin, au sens juridique du terme, même si l'amendement nº 291 est bien meilleur que le texte précédent. En effet, en droit, lorsqu'on recourt à des témoins, c'est lorsqu'il s'agit de dresser des actes ayant une valeur contraignante, par exemple un acte notarié.

Or, ici, la déclaration n'a pas de valeur contraignante.

L'amendement de l'intervenante imposera au médecin de vérifier la réalité de la volonté du malade. Les médecins insistent en effet sur le fait que la situation du patient au moment où l'acte doit être pratiqué peut ne plus correspondre du tout à ce qu'elle était au moment où la déclaration a été rédigée.

La rédaction de l'amendement est d'ailleurs calquée sur la formule adoptée pour le patient conscient.

Un membre renvoie à la discussion à propos de la question de savoir qui détermine que le patient est « inconscient ». Pour les uns, ce terme est trop médical tandis que pour les autres, il ne l'est pas assez. Il n'est cependant pas correct de prétendre qu'il n'y a aucune évaluation car cette tâche incombe à une commission d'évaluation. Il peut y avoir plusieurs raisons qui font qu'un individu est « inconscient » : il peut être anesthésié (et donc, provisoirement inconscient), dans le coma (il existe sept degrés de coma, pour certains il y en aurait même douze), mener une vie purement végétative (tout en pouvant souffrir), être atteint de mutisme « hypercinétique » (ce qui l'amène à se gratter constamment), et ainsi de suite. Dans de telles circonstances, le patient peut endurer des souffrances insupportables.

D'aucuns ont émis le doute qu'un médecin, et le cas échéant un second médecin, puisse apprécier cet état d'inconscience. Or, ils décrètent à présent que le médecin doit contrôler la manière dont a été établie la déclaration anticipée. Ce n'est pas très conséquent.

Un autre membre propose de consulter l'avis rendu par l'Académie de Médecine, à propos de la notion d'inconscience, car il ne faut pas nier que celle-ci pose problème.

L'intervenant rappelle cependant que l'on vise ici les cas où l'inconscience est irréversible.

Enfin, toute personne peut faire toute déclaration qu'elle souhaite par rapport aux conditions de sa vie et de sa fin de vie. Cela est garanti par la Constitution.

À cet égard, le terme « peut » figurant dans le texte et répété plusieurs fois risque de prêter à confusion.

Un membre ne pense pas que le terme « peut » puisse être interprété en ce sens qu'en l'absence de cette disposition, la possibilité en question n'existerait pas.

Le précédent intervenant poursuit en déclarant que tout médecin consciencieux, face à un patient dans un état d'inconscience irréversible, prendra connaissance de toutes les déclarations faites, avec ou sans témoin, par le patient. L'intervenant estime donc qu'il ne faut pas entourer la déclaration de trop de conditions.

Un membre déclare qu'il peut marquer son accord sur la déclaration volontaire en soi, mais qu'il fait une distinction entre la déclaration en général, et celle qui demande une euthanasie.

Le précédent intervenant fait observer qu'il ne faut pas rendre la tâche des médecins impossible, pour les patients dans un état d'inconscience irréversible qui n'ont pas fait de déclaration préalable. Sinon, on risque d'induire un effet pervers, à savoir un acharnement thérapeutique.

Il existe aujourd'hui un consensus scientifique pour préciser comment l'on arrête un traitement dans ce cas.

Personnellement, l'intervenant n'aperçoit plus guère de différence, à ce moment, entre l'euthanasie et la fin de vie.

L'intervenant a, il est vrai, connaissance de cas récents où les présents débats ont eu pour effet bénéfique de permettre le transfert de patients en fin de vie d'un service de soins intensifs vers un service de soins palliatifs.

Il a malheureusement connaissance aussi d'un cas récent d'acharnement thérapeutique.

Un autre membre répète que le point sensible de la discussion sur la déclaration anticipée consiste à en circonscrire le champ d'application. Pour les patients dans le coma, quelques codes de déontologie ont déjà été élaborés à partir des décisions médicales prises au sujet de fins de vie. Quelle est alors la finalité de cet article ? Pour l'intervenante, il est de toute façon essentiel de mentionner que la déclaration anticipée doit être établie en l'absence de toute pression et qu'elle doit pouvoir être contrôlée. Elle souligne que, si le principe de la déclaration anticipée était unanimement admis, les médecins risquent d'être confrontés à une multiplication de ces déclarations qui seront rédigées par précaution pour régler certaines choses. Les intéressés subiront toutefois des pressions morales pour qu'ils rédigent une telle déclaration afin que leurs proches parents ne doivent pas trop se préoccuper de leurs problèmes de fin de vie. Dans des maisons de repos ou de soins, la « pression sociale » poussera à vérifier si les intéressés ont accompli cette formalité afin qu'ils ne constituent pas une charge trop lourde. Cette pression sera plus forte que ce que l'on peut s'imaginer aujourd'hui.

Un membre se demande finalement si l'intervenante précédente est favorable à la déclaration anticipée.

Cette dernière renvoie à la justification à l'amendement nº 294, dans lequel elle déclare explicitement qu'une déclaration anticipée peut être utile si elle ne se rapporte pas à une euthanasie active.

L'oratrice précédente réplique qu'il s'agit là d'un point de vue différent de celui qu'ont défendu les professeurs Schotsmans et Van Neste, qui estiment que la déclaration anticipée permet aussi l'euthanasie.

L'oratrice précédente dément formellement cette affirmation. Les deux professeurs ne sont en aucun cas partisans d'une déclaration anticipée d'euthanasie, bien au contraire.

Pour le reste, l'intervenant précédent souhaite expliquer que la rédaction d'une déclaration anticipée n'est pas une question de devoir mais de volonté. La législation en la matière doit rester claire et simple. Il ne faut pas compliquer excessivement les choses pour le médecin qui estime, en âme et conscience, être moralement obligé de pratiquer une euthanasie sur un patient « inconscient » qui en a formulé la demande au moyen d'une déclaration anticipée.

Amendements nºs 360 et 369

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 360) tendant à supprimer, au § 1er, alinéa 1er, de l'article 4 proposé, les mots « mineurs émancipés ».

L'auteur de l'amendement rappelle qu'une autre formule possible est « tout majeur capable âgé de 18 ans révolus », qui s'inspire de la loi hollandaise sur les droits du patient et que l'intervenante trouve meilleure et plus cohérente.

Amendement nº 374

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 374), tendant à insérer, au § 1er de l'article 4 proposé, après l'alinéa 1er, un alinéa nouveau libellé comme suit :

« Avant de procéder à la rédaction de la déclaration, le déclarant doit avoir été informé par son médecin de manière correcte et adéquate sur son état de santé et son évolution, ainsi que les divers soins et traitements médicaux envisagés dans sa déclaration. Le médecin atteste dans la déclaration que le déclarant lui a paru sain d'esprit et qu'il lui a semblé avoir compris l'information. »

L'auteur de l'amendement estime qu'avant de pouvoir rédiger une déclaration de volonté anticipée, le patient doit avoir été correctement informé sur toutes les situations médicales qu'il évoque et par rapport auxquelles il souhaite prendre position dans sa déclaration anticipée. À défaut, cette déclaration anticipée n'a aucun sens et peut même s'avérer dangereuse pour le patient.

L'amendement s'inscrit dans une logique où le patient qui rédige la déclaration est déjà touché par la maladie, et est engagé dans un dialogue avec son médecin. Dans cette logique, le déclarant ne se prononce pas d'une façon purement rationnelle et abstraite, longtemps à l'avance.

Un membre fait remarquer qu'un problème pourrait se poser en ce qui concerne le principe d'égalité. Supposons qu'un mineur dans le coma soit en passe de se retrouver dans les conditions prévues par la déclaration anticipée. D'après le texte proposé, la volonté du mineur pourra être respectée dans certains cas ­ lorsque le mineur a été émancipé par ses parents ­ et non dans d'autres où la décision appartient aux parents. L'exécution de la volonté du mineur dépend d'ailleurs d'une procédure juridique et non de critères de fond.

Il y a lieu de vérifier si ce règlement peut résister à l'épreuve de la proportionnalité, ainsi que le prévoient les articles 10 et 11 de la Constitution. Il s'agit en effet ici de situations parfaitement comparables, mais dans l'une, l'expression de la volonté n'a aucune incidence tandis que dans l'autre, c'est l'inverse. Le membre doute qu'une telle législation ne viole pas les principes d'égalité et de non-discrimination.

Un autre membre se demande s'il est possible qu'un tribunal émancipe des mineurs rien que pour mettre à exécution leur déclaration anticipée.

L'orateur précédent répond que la loi n'énumère pas expressément les motifs d'émancipation mais donne seulement la possibilité aux parents d'en faire la demande au juge. Il n'y a cependant pas de critères de fond.

Amendement nº 375

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 375), tendant à supprimer l'alinéa 2 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur de l'amendement précise que cet alinéa n'est pas clair quant à la situation médicale qui y est visée : qu'entend-on par inconscience irréversible ? Le mot « inconscience » doit-il être pris au sens strict ? Si c'est le cas, un état d'inconscience irréversible viserait la situation de coma prolongé dont la science médicale est capable de dire avec certitude que ce coma est irréversible. Le seul cas où la science médicale pourrait l'affirmer avec certitude est le cas de perte irrémédiable et complète des fonctions cérébrales déterminées selon les données actuelles de la science. Ce cas dit de « mort cérébrale » est déjà visé dans le Code de déontologie à l'article 98, qui précise que dans ce cas le patient doit être déclaré décédé. Il n'y a pas matière à euthanasie dans ce cas, selon la pratique médicale actuelle. Dans les autres cas, on ne peut jamais dire avec certitude que l'inconscience est irréversible.

Si l'inconscience irréversible doit être interprétée de manière extensive, le terme peut alors viser tous les cas où le déclarant serait dans l'impossibilité manifeste d'exprimer sa volonté pour un temps indéfini. Dans ce cas, la disposition viserait également les incapables au sens de l'avis nº 9 du Comité consultatif de bioéthique, c'est-à-dire aussi les personnes qui bien qu'étant juridiquement capables ne sont de facto, en raison de la maladie, d'un accident, de la vieillesse ou de la démence, plus capables de faire connaître leur volonté.

L'arrêt actif de la vie des personnes incapables doit rester un interdit en toutes circonstances.

Cet interdit est une condition sine qua non de garantie du respect des droits des plus faibles et donc aussi de garantie de protection des valeurs démocratiques fondamentales (position 3 de l'avis nº 9 du Comité consultatif de bioéthique du 22 février 1999).

L'intervenante souligne que la question des patients inconscients fait l'objet de discussions depuis des années au niveau international, au sein d'associations mondiales de médecins.

Elle renvoie également à la position du groupement belge des médecins spécialistes qui, dans son argumentaire fort détaillé, a précisé clairement : « Peut-on mettre à exécution une déclaration de volonté que la personne a rédigée un jour, peut-être dans un moment de déprime, mais qu'elle n'a pas pu révoquer à temps, pour quelque raison que ce soit, par négligence ou par oubli ? »

Le groupement conclut « qu'il n'est pas possible de prendre en compte une déclaration de volonté dans le cas d'un patient non terminal ».

Tout cela amène l'intervenante à la conclusion qu'il est dangereux de légiférer sur les patients inconscients par le biais d'une déclaration anticipée, quand il s'agit d'euthanasie.

Un membre revient à la réflexion d'un précédent intervenant, selon laquelle il pouvait y avoir des patients inconscients ­ c'est-à-dire plongés dans un coma irréversible ­ qui, néanmoins, souffraient.

Si c'est cela qui motive la disposition proposée, pourquoi la souffrance n'est-elle pas mentionnée, comme à l'article 3 ?

Pour sa part, l'intervenante avait cependant cru comprendre que telle n'était pas la motivation qui inspirait l'article 4.

Elle se demande en outre ce que l'on entend ici par le concept d'« euthanasie », qui a d'ailleurs été défini à l'article 2. Que feront les médecins face à un patient en coma irréversible, qui n'a pas rédigé de déclaration anticipée ? Il importe de clarifier les concepts, faute de quoi on risque de susciter un acharnement thérapeutique dans certains cas.

Amendement nº 376

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 376, subsidiaire à l'amendement nº 375), tendant à remplacer l'alinéa 2 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Il peut notamment déclarer préalablement qu'il ne souhaite pas le recours à un traitement destiné à la prolongation de ses fonctions vitales si sa mort est inéluctable.

Un traitement destiné à la prolongation des fonctions vitales s'entend d'un traitement n'ayant pas pour finalité de guérir, d'améliorer ou de soulager, mais uniquement de prolonger l'existence. »

Le texte proposé s'inspire de notions tirées du code de déontologie médicale, et de la terminologie utilisée dans la littérature médicale existante, mais aussi de la loi nº 482 du 1er juillet 1998 relative aux droits des patients qui est en vigueur au Danemark.

Cette législation qui a trait aux droits du patient contient un chapitre spécifique sur les testaments de fin de vie.

L'amendement proposé semble répondre de manière pertinente aux craintes de certains de voir pratiquer à leur égard des traitements relevant de l'acharnement thérapeutique.

L'intervenante voudrait donc que l'on commence par permettre aux citoyens de refuser l'acharnement thérapeutique, et que l'on n'aille pas plus loin dans cette matière.

Amendement nº 377A

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 377), dont le point A tend à remplacer la première phrase du § 1er, alinéa 2, de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Il peut notamment déclarer préalablement sa volonté que, aux fins de lui épargner les souffrances d'une affection terminale, les médecins s'abstiennent de lui administrer certains soins ou traitements susceptibles de prolonger sa vie, ou interrompent de tels soins ou traitements, ou qu'ils administrent des traitements analgésiques justifiés dans l'état actuel de la médecine pour soulager la douleur et les symptômes même si ceux-ci peuvent avoir pour effet secondaire non recherché d'abréger sa vie, à condition que ces médecins constatent : »

Le point B de l'amendement vise à ajouter à l'alinéa 2 du § 1er un quatrième tiret rédigé comme suit : « ­ et que sa mort est imminente. »

Beaucoup de textes tant nationaux qu'internationaux en matière médicale font la distinction entre l'euthanasie des patients conscients ou l'arrêt actif de la vie des patients inconscients et le droit pour le patient de renoncer, dans une certaine mesure, à certains traitements. Dans les formulaires de directives anticipées en vigueur dans beaucoup d'États américains, les personnes sont amenées à se prononcer explicitement sur l'abstention ou l'arrêt de traitements ou de soins déterminés dans deux situations :

a) lorsque leur mort est imminente (durée de vie d'une semaine ou moins même en cas d'administration de traitements visant à prolonger les fonctions vitales);

b) lorsqu'ils sont au dernier stade de la phase terminale (durée de vie de trois mois ou moins même en cas de traitements visant à prolonger les fonctions vitales).

L'amendement vise à rentrer dans la logique actuelle du code de déontologie médicale, à savoir le refus de l'acharnement thérapeutique, par l'abstention ou l'arrêt de traitement.

Un membre déclare que c'est ce qu'il convient de faire aujourd'hui en bonne pratique médicale, et qu'il existe un consensus à ce sujet.

Faut-il le préciser dans une loi ? Cela aurait plutôt sa place dans une Charte, ou dans une approche relative aux droits du patient.

L'amendement relève d'une autre option, qui est celle d'une loi générale sur l'accompagnement de fin de vie.

Un autre membre trouve important que la discussion des amendements soit l'occasion d'envoyer des signaux positifs permettant d'humaniser les décisions médicales relatives à la fin de vie. L'amendement nº 377 rencontre parfaitement ce souhait puisqu'il se rapporte aux maladies terminales et qu'il fait la distinction entre acharnement thérapeutique et obstination médicale. Pour lui, le premier est un défaut et la deuxième une vertu.

Car l'obstination médicale fait en sorte que l'on refuse de se résigner à un processus pourtant naturel; en allant plus loin que le simple traitement, elle entend faire avancer la recherche et vaincre certaines maladies. Le fait que la vie n'est pas purement et simplement une affaire privée s'exprime aussi dans la science. Dans cette optique, le traitement de notre propre douleur constitue une forme de solidarité étant donné que si certains traitements ne nous bénéficient pas directement, ils pourront profiter à d'autres.

Un membre approuve la thèse de l'orateur précédent mais y ajoute que ce sont précisément les progrès de la médecine qui ont contribué à la problématique de l'euthanasie. Aujourd'hui, on dispose en effet d'un service des urgences, d'un département de soins intensifs, d'hélicoptères, de SMUR, etc. et on a fait d'importants progrès sur le plan technique. Ce sont précisément ces progrès scientifiques qui rendent souhaitable le vote d'une loi en matière d'euthanasie. L'objectif de la médecine n'est finalement pas tant de prolonger la vie que d'améliorer le bien-être des patients.

Une autre intervenante se dit très surprise de la manière dont le précédent intervenant présente les choses.

Ce n'est parce que la médecine progresse qu'ipso facto, cela devrait avoir une influence néfaste sur la situation du patient. C'est pourquoi l'intervenante insiste tellement pour replacer tous ces problèmes dans un cadre global d'accompagnement de fin de vie et de droits du patient.

Les progrès de la médecine sont très importants mais ce qui fait défaut, c'est un véritable dialogue patient-médecin et une attention à la personne humaine et non pas simplement à un organe à soigner.

Un membre s'accorde avec un précédent orateur, qui a insisté sur le fait que beaucoup de progrès médicaux ont été rendus possibles, non par l'acharnement, mais par une certaine obstination médicale.

Il a parlé très justement de la solidarité qui doit exister à cet égard; il est probable que certaines personnes seraient prêtes à souffrir pour tenter de faire progresser les choses.

Mais il est normal de les informer et de leur demander leur avis.

Un membre fait remarquer que cela dépend de la résistance du patient et de la capacité du médecin à faire face à la maladie.

Une précédente oratrice souligne que c'est pour cela qu'elle plaide pour que l'on règle en même temps le droit à l'information et au consentement du patient.

Un membre répète qu'il soutient l'obstination médicale telle qu'elle a été décrite par un intervenant précédent tout en ajoutant que les progrès de la science sont également responsables de certaines demandes d'euthanasie. Un dialogue doit permettre au patient de prendre sa décision en toute autonomie.

Un autre membre souligne que selon le libellé de l'article 4 proposé, le patient « est inconscient » et est dès lors incapable de porter un jugement. Une décision médicale basée sur un document établi au maximum 5 années auparavant favorisera la médecine conservatrice puisqu'on ne testera plus les possibilités existantes ­ qui peuvent évidemment être minimes ­ sans que le patient puisse estimer au préalable les chances qui lui restent.

C'est précisément là que se situe le noeud du problème de la déclaration anticipée car il y a un monde entre l'état dans lequel se trouve le patient au moment où il rédige sa déclaration anticipée et la situation qu'il y décrit et dont la portée ne peut l'atteindre. L'orateur rappelle que certaines personnes ont repris conscience après être restés inconscientes pendant un certain laps de temps. Aux États-Unis, un patient s'est réveillé au bout de 20 ans de coma; cette personne est toujours en vie.

L'intervenant précédent se demande si un tel cas exceptionnel peut suffire à refuser la possibilité d'une euthanasie à des milliers d'autres qui en font la demande en toute autonomie, lorsque certaines conditions sont réunies.

Pour que les choses soient bien claires, une intervenante souligne que selon elle, il est d'une importance capitale de pouvoir régler toutes les décisions médicales relatives à la fin de vie en ayant en point de mire une plus grande transparence, de meilleures informations et le renforcement des droits du patient. Un acte médical est en effet à l'origine de 40 % des décès. Par contre, le nombre de cas d'euthanasie est particulièrement faible. C'est précisément pour ces décisions médicales que la déclaration anticipée peut être un instrument particulièrement utile pouvant avoir un effet apaisant sur la personne concernée. C'est aussi la portée de la résolution 1418 (1999) du Conseil de l'Europe qui dispose :

i. « pour donner effet au droit des malades incurables et des mourants à une information vraie et complète, mais communiquée avec compassion, sur leur état de santé, en respectant le désir que peut avoir une personne de ne pas être informée;

ii. pour mettre le malade incurable ou le mourant en mesure de consulter d'autres médecins que son médecin traitant habituel;

iii. pour qu'aucun malade incurable ou mourant ne reçoive de traitement contre sa volonté, tout en veillant à ce que l'intéressé ne subisse ni l'influence ni les pressions de tiers. Il convient en outre de prévoir des sauvegardes pour que cette volonté ne résulte pas de pressions économiques;

iv. pour faire respecter les instructions ou la déclaration formelle (« living will ») rejetant certains traitements médicaux données ou faite par avance par des malades incurables ou des mourants désormais incapables d'exprimer leur volonté. Il convient en outre de veiller à ce que les critères de validité relatifs à la portée des instructions données par avance ainsi que ceux concernant la nomination et les pouvoirs des représentants légaux des intéressés soient dûment définis.

De même, il faut s'assurer que le représentant légal ne prend, à la place de l'intéressé, des décisions fondées sur des déclarations préalables du malade ou des présomptions de volonté, que si ce dernier n'a pas exprimé directement sa volonté dans les circonstances mêmes de sa maladie ou s'il n'y a pas de volonté clairement définie. Dans ce contexte, il doit toujours y avoir un rapport manifeste avec les déclarations faites par la personne en question peu de temps avant le moment où la décision doit être prise, plus précisément lorsque le malade est mourant, et dans ces conditions appropriées, c'est-à-dire sans pressions ou déficience mentale. Il faut également bannir toute décision qui reposerait sur des jugements de valeur générale en vigueur dans la société et veiller à ce qu'en cas de doute la décision soit toujours en faveur de la vie et de la prolongation de la vie;

v. pour que, sans préjudice de la responsabilité thérapeutique ultime du médecin, la volonté exprimée par un malade incurable ou un mourant en ce qui concerne une forme particulière de traitement soit prise en compte, pour autant qu'elle ne porte pas atteinte à sa dignité d'être humain;

vi. pour qu'en l'absence d'instructions anticipées ou de déclaration formelle il ne soit pas porté atteinte au droit à la vie du malade. Il convient de dresser la liste des traitements qui ne peuvent en aucun cas être refusés ou interrompus; »

Le membre estime qu'une déclaration anticipée ne peut jamais donner lieu à la transgression d'une norme pénale. Une déclaration anticipée ne peut jamais dès lors entraîner un arrêt actif de la vie. En vertu de la proposition de loi à l'examen, un certain nombre de critères de qualité sont subordonnés à l'arrêt actif de la vie. Le problème provient précisément du fait que lorsque le patient est « inconscient », il devient impossible de contrôler le respect de ces critères de qualité.

Un autre membre se déclare aussi demandeur d'un règlement général relatif à la déclaration anticipée. Cependant, il semble déjà particulièrement difficile de trouver un règlement pour un seul point.

Bien entendu, aucune pression externe, de quelque nature que ce soit, ne peut être exercée au moment de la rédaction de la déclaration anticipée. Tout le monde l'admet. Toutefois, l'orateur estime qu'il appartient au médecin et à lui seul de déterminer si l'intéressé est inconscient ou non. Les avis en la matière sont divergents et nous devrons tous voter en âme et conscience.

Le membre déclare toutefois ne pas avoir apprécié qu'un membre de la commission ait déclaré au Journal du médecin qu'il était évident que les sénateurs ne pourraient pas voter selon leur conscience et leurs convictions. Cela ne correspond pas du tout à la réalité.

Amendement nº 379A

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 379), dont le point A suggère, à l'alinéa 2 du § 1er de l'article 4 proposé, de remplacer les mots « qu'un médecin pratique une euthanasie » par les mots « qu'un médecin procède à l'arrêt actif de sa vie ».

Le mot « euthanasie » a été défini à l'article 2 de la proposition comme étant « l'acte par lequel un tiers met fin intentionnellement à la vie d'une personne à sa demande ».

Dans le cas présent, il n'y a pas « demande » du patient inconscient. Les personnes auditionnées ont été unanimes pour ne pas conférer à la déclaration de volonté anticipée du patient la valeur d'une demande expresse d'euthanasie.

Quant au point B de l'amendement, il vise à compléter l'alinéa 2 proposé par un dernier tiret libellé comme suit : « ­ et que sa mort est imminente », en vue de limiter la portée du texte à la seule phase terminale.

Un membre fait observer que lorsque le patient est conscient, sa demande n'entraîne pas non plus d'obligation. La précision apportée par l'amendement ne risque-t-elle pas d'induire a contrario une interprétation erronée dans l'hypothèse où le patient est conscient ?

L'auteur du sous-amendement répond que telle n'est évidemment pas son intention. L'amendement lui a été inspiré par la relecture de l'avis nº 9 du Comité consultatif de bioéthique, qui optait pour les termes « arrêt actif de la vie », étant donné qu'il n'y avait pas de « demande » du patient inconscient.

Le précédent intervenant fait observer que cette demande est, par hypothèse, formulée avant que le patient ne devienne inconscient. Dans les deux cas, il y a toujours une demande, un tiers, un arrêt de vie. Pourquoi, dès lors, ne pas utiliser la même terminologie dans les deux cas ?

Un autre membre souligne la différence qu'il y a entre la demande telle que définie à l'article 3, et la déclaration visée à l'article 4.

Le poids de ces deux termes est différent.

Les termes « valeur indicative », s'ils ne sont pas indispensables, peuvent peut-être souligner cette différence.

Quant à l'avis nº 9 du Comité consultatif de bioéthique, il n'utilise pas la notion d'inconscience, mais parle d'incapables, en faisant une distinction entre incapables de fait et incapables de droit.

La notion d'incapables de fait est plus large que celle d'inconscients.

Au sein de Comité consultatif de bioéthique, même les tenants de la position 2 souhaitaient se limiter à la phase terminale.

Amendement nº 359

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 359), visant à remplacer, au § 1er, alinéa 2, de l'article 4 proposé, le mot « volonté » par le mot « souhait ».

L'auteur de l'amendement précise que ce dernier terme souligne plus clairement le caractère indicatif de la déclaration, faite à un moment où la personne est loin de la situation dans laquelle elle pourrait un jour se trouver.

Amendement nº 302

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 302) tendant à compléter l'alinéa 2, deuxième tiret, du § 1er de l'article proposé par les mots « consécutivement à cette affection ». La situation dans laquelle se trouve le patient doit, en effet, résulter de l'affection accidentelle ou pathologique. Ce lien de causalité entre les deux éléments ­ l'affection et la perte de conscience ­ n'apparaît nulle part dans le texte. L'amendement proposé entend remédier à cette lacune.

Amendement nº 402

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 301, un amendement subsidiaire (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 402), qui exclut explicitement du champ d'application de l'article 4 proposé les malades mentaux et les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie comparable. Il est primordial que le texte soit aussi clair que possible. Si l'amendement nº 301 qui cite explicitement les patients dans le coma n'était pas adopté, il serait bon que celui-ci le soit étant donné qu'il prévoit explicitement l'exclusion de ces catégories de malades.

Un membre ne juge pas souhaitable d'exclure explicitement certaines catégories du champ d'application de la loi, étant donné que certaines maladies sont difficiles à circonscrire, que les remèdes à certaines maladies peuvent évoluer et que certaines pathologies sont encore inconnues.

L'un des auteurs de l'amendement nº 402 déclare que médicalement parlant, on ne peut pas prétendre que la maladie d'Alzheimer soit impossible à définir. Quoi qu'il en soit, l'amendement proposé est plus clair que l'amendement nº 291, où il est question de patients « inconscients ». De plus, l'intervenant souligne qu'un terme déterminé doit toujours être lu dans un contexte particulier, et qu'il faut du reste prendre en considération la totalité du texte du membre concerné pour critiquer l'amendement.

L'intervenant précédent se réfère à des publications existantes selon lesquelles la maladie d'Alzheimer a été ainsi dénommée par référence au médecin qui en a décrit certains symtômes. Il souligne cependant qu'il en existe d'autres et que cette pathologie présente différents degrés. Il n'est pas souhaitable de détailler à ce point la loi. Il vaut mieux dire que le médecin doit apprécier si le patient est ou non inconscient.

Un des auteurs de l'amendement nº 402 pense que la portée de ce terme, élastique à l'infini, ne sera délimitée que par les médecins. On sait quelles en seront les conséquences. Dans un État de droit, le contrôle du respect de la loi doit incomber à ceux que la Constitution a désignés. On ne peut que constater que les avis en la matière divergent.

L'orateur précédent ne trouve pas anormal que les médecins portent un jugement sur la situation médicale dans laquelle se trouve le patient.

L'un des auteurs de l'amendement nº 402 réplique que la loi repose sur un fondement essentiellement juridique, à savoir le concept de « volonté » du patient. Il ne s'agit nullement d'une interprétation médicale et ce n'est pas au médecin d'en juger.

L'orateur précédent répète que selon lui, le concept d'« inconscient » fait partie de la terminologie médicale et qu'il appartient dès lors au médecin d'en juger. Il souligne que le constat fait à ce propos n'est qu'un des éléments à la lumière desquels la situation doit être appréciée.

Le cosignataire de l'amendement nº 402 estime que ce concept n'est, dès lors, plus soumis à un contrôle démocratique. Ce qui est dramatique, dans ce projet de législation, c'est que médicalement parlant, il n'est pas aussi facile que ce que l'on voudrait faire croire d'apprécier si une personne est ou non « inconsciente ». On ne peut pas dire que les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer sont « inconscients » car ils présentent un autre type de conscience qui leur donne une personnalité différente. Dans de telles circonstances, il est parfaitement possible que ces malades ne souhaitent pas voir mis à exécution le bout de papier qu'ils avaient signé au moment où ils étaient encore en bonne santé. On ne peut d'ailleurs pas créer un lien juridique direct entre les deux situations et de ce fait, exclure ces personnes de la société. Juridiquement parlant, leur déclaration anticipée équivaut cependant à une condamnation à mort. Est-ce bien ce qu'avaient souhaité les auteurs ?

L'intervenant précédent estime que son prédécesseur déforme la vérité. Certaines personnes démentes sont parfaitement heureuses. D'autres, en revanche, mènent une vie purement végétative et souffrent énormément. Les patients dans le coma n'endurent pas tous des souffrances insupportables. Il n'est toutefois pas correct d'affirmer qu'une déclaration anticipée équivaut, juridiquement parlant, à une condamnation à mort dès le moment où la personne n'est plus en possession de ses facultés mentales. L'orateur regrette que cette question revienne à chaque fois sur le tapis.

L'un des auteurs de l'amendement nº 402 estime que, dans ce cas, il y a lieu d'adopter l'amendement nº 301 ou 402.

L'orateur précédent n'est pas du tout de cet avis. Étant donné que les connaissances médicales en la matière peuvent toujours évoluer, on ne peut, en effet, exclure explicitement certaines maladies.

L'un des auteurs de l'amendement nº 402 se réfère à l'article 1386bis du Code civil où il est question de « maladies mentales ». Ce terme a un champ d'application spécifique que nul ne conteste. Le nouveau concept d'« état d'inconscience » a une portée différente et plus large que le terme de « maladie mentale ». Proposer un terme qui existe déjà depuis 65 ans n'est pas aussi insensé que ce que d'aucuns voudraient faire croire.

Le cosignataire de l'amendement fait remarquer que l'article 4 ne fait pas référence à des souffrances insupportables, comme on vient de le suggérer. Elle se réfère aux conditions de base mentionnées à l'article 4 où il n'est nulle part question de « souffrances psychiques ou physiques ». La seule chose à vérifier, c'est si l'intéressé est « inconscient ». Ce terme n'exclut pas que les déments, dont la personnalité a changé, tombent dans son champ d'application.

Un membre constate qu'il existe à ce propos des divergences d'opinion insurmontables. Elle estime que la terminologie utilisée dans l'amendement nº 291 est correcte et suffisamment claire.

Amendement nº 303

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 303) tendant à remplacer les deuxième et troisième tirets de l'alinéa 2 du § 1er par une référence à la perte irréversible et définitive des fonctions du cerveau.

L'un des auteurs de l'amendement se réfère à sa justification écrite. Cet amendement est, bien entendu, très subsidiaire, étant donné que l'orateur estime qu'un article portant sur la déclaration anticipée en matière d'euthanasie n'est ni nécessaire ni souhaitable et que l'article 98 du Code de déontologie médicale explique comment traiter ce type de situations.

Un membre demande quels textes s'appliquent aujourd'hui, en matière de prélèvement d'organes.

L'auteur principal de l'amendement nº 303 souligne que dans ce cas, la volonté du patient ne joue pas étant donné que légalement, celui-ci est présumé avoir exprimé la volonté de donner ses organes. L'orateur s'est toujours opposé à cette loi qui a vu le jour dans une indifférence absolue de la part de l'opinion publique mais qui peut parfois avoir de graves conséquences psychiques sur les proches de l'intéressé.

La précédente intervenante déclare que, dans la pratique, les médecins veulent se couvrir, et, bien qu'il n'y soient pas obligés, demandent l'assentiment de la famille, ce qui est parfois difficile à obtenir.

L'intervenante se demande qui décide du fait que la condition de perte irrémédiable des fonctions cérébrales est remplie.

Un autre membre s'étonne de la référence au Code de déontologie médicale, selon lequel, dans le cas envisagé, le patient doit être considéré comme décédé.

Comment utiliser une description de ce qu'est l'état de décès à propos d'une euthanasie ?

Le texte du Code de déontologie médicale dit seulement que l'on peut maintenir artificiellement une personne en vie pour permettre le prélèvement d'organes.

Il ne donne pas une définition de l'état d'« inconscience », mais une description de bonne pratique médicale dans l'hypothèse où un patient est déjà mort.

Amendement nº 378

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 378), proposant, à titre subsidiaire, de remplacer, à l'alinéa 2, 3e tiret, du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science » par les mots « et s'il souffre d'une perte irréversible et complète des fonctions du cerveau, déterminée selon les données actuelles de la science ».

Cette formule s'inspire de l'actuel article 98 du Code de déontologie médicale.

L'auteur de l'amendement rappelle toutefois l'observation d'un précédent intervenant, qui faisait remarquer qu'il ne fallait pas reprendre dans le cadre d'un texte sur l'euthanasie, une définition qui, en fait, s'applique à un patient déjà décédé. L'intervenante aimerait connaître l'avis d'un médecin à ce sujet.

Un membre répond, en tant que législateur, et non en tant que médecin, que dans les conditions fixées aux §§ 1er et 2, c'est le médecin qui procède aux constatations.

Il s'agit là d'un élément très important, qui permet de mettre les balises nécessaires dans les différentes situations qui peuvent se présenter.

L'auteur de l'amendement précise qu'elle voudrait savoir si les notions de patient « comateux » ou « en état d'inconscience irréversible » sont utilisées de façon habituelle par les médecins et sont conformes à l'état actuel de la science.

Le précédent intervenant confirme que c'est bien le médecin qui constate le caractère irréversible de « l'état d'inconscience » du patient. Il ne faut pas non plus perdre de vue la procédure prévue à l'article 4, dont le § 2, 1º, prévoit qu'un autre médecin doit être consulté quant à ce caractère irréversible.

Amendement nº 304

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 304), visant à faire contrôler par le médecin qu'il existe des raisons médicales suffisamment graves pour prendre en considération la déclaration anticipée.

L'un des auteurs explique qu'étant donné que le patient est « inconscient », il devient impossible de contrôler les critères de prudence. Il peut y avoir un monde de différence entre une personne en bonne santé qui se fait une certaine idée de sa maladie et de la manière dont elle sera traitée, et le patient qui se trouve dans cette situation concrète. C'est pourquoi il est important qu'il y ait des raisons médicales suffisamment graves pour justifier une mise en oeuvre de la déclaration anticipée. Le médecin doit s'en assurer.

Un membre rappelle que la rédaction de la déclaration anticipée est une faculté; il s'agit donc d'une volonté manifestée par un malade en connaissance de cause.

D'autre part, le texte décrit clairement les conditions auxquelles cette déclaration ­ qui a valeur indicative, mais qui est nécessaire pour qu'il n'y ait pas infraction quand le patient est conscient ­ peut être prise en compte par le médecin.

La préopinante réplique qu'il n'est effectivement pas obligatoire, pour le médecin, de donner suite à une demande d'euthanasie exprimée dans une déclaration de volonté, mais il est vrai que, s'il souhaite le faire, il doit vérifier si un certain nombre de conditions sont réunies, comme « l'état d'inconscience », le caractère irréversible, etc. L'amendement nº 304 vise précisément à y ajouter une condition, à savoir « le caractère suffisamment grave de la maladie ».

Amendement nº 305

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 305) qui vise à indiquer, au deuxième tiret de l'alinéa 2 du § 1er, qu'il doit être question d'une situation médicalement sans issue et d'une souffrance persistante, insupportable et rebelle à tout traitement.

L'un des auteurs déclare que les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale peuvent aussi relever du champ d'application de l'article 4, pour autant qu'ils ne « soient plus conscients ». Toutefois, il n'est exigé nulle part que ces personnes doivent éprouver une douleur insupportable pour que l'euthanasie puisse être appliquée. On fait ainsi un pas supplémentaire, excessif, vers l'euthanasie, puisque celle-ci peut être pratiquée sur des personnes qui ont « perdu leur dignité ». Une sélection risque d'être faite entre les personnes. C'est ce qu'il faut absolument éviter.

L'intervenant évoque le grand philosophe Kierkegaard, qui est retombé en enfance à un moment donné de sa vie. À la question de savoir s'il ne trouvait pas cela terrible, vu sa grande érudition, il répondit qu'il souhaitait être traité comme un enfant, puisqu'il était « retombé en enfance ». La question essentielle qu'il convient de poser ici, c'est celle de savoir si ces personnes peuvent être euthanasiées en raison de la situation ou si elles ont droit au respect social qui s'impose.

Un membre déclare que l'on ne peut à la fois demander des précisions sur la notion d'« inconscience », dont on a dit qu'elle devait être irréversible, et introduire la notion de « souffrance ».

Que vise-t-on exactement par cette notion, lorsqu'il s'agit de patients inconscients ?

Un autre membre rappelle qu'un précédent orateur avait évoqué le cas de patients inconscients qui montraient des signes visibles de souffrance.

Le précédent orateur répond qu'il est assez difficile d'interpréter les signes de douleur montrés par un patient inconscient.

L'un des auteurs de l'amendement nº 305 réplique que tout dépend de la portée du mot « inconscient ». La question qui se pose est celle de savoir si des personnes qui ont encore une certaine perception du monde sont « conscientes » ou non. Peut-on cataloguer comme telles certaines personnes, comme on le fait parfois en psychiatrie ou pour certaines maladies, et permettre en conséquence de pratiquer sur eux l'euthanasie ?

Amendement nº 306

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 306), qui vise à soumettre également aux conditions posées à l'article 3, § 1er, l'euthanasie faisant suite à une déclaration de volonté.

L'auteur principal renvoie à la justification écrite de l'amendement. Il dit ne pas comprendre pourquoi les conditions sont moins impératives en ce qui concerne les patients « devenus inconscients » qu'en ce qui concerne les patients encore conscients. On juge en effet en l'espèce sur la base non pas d'une véritable déclaration de volonté du patient mais d'un bout de papier. Même la loi néerlandaise dispose qu'en cas d'euthanasie à la suite d'une déclaration de volonté, il faut que tous les critères de prudence soient respectés. Il est inacceptable d'utiliser des conditions moins strictes pour des personnes inconscientes.

Un membre observe que le précédent intervenant a, dans son intervention, mentionné les incapables et les personnes inconscientes. Or, il faut rappeler que l'on ne vise ici que les personnes inconscientes, à l'exclusion des incapables.

L'auteur principal réplique que, jusqu'à présent, on n'a donné aucune définition du champ d'application de l'article 4 quant au contenu, si ce n'est en précisant que le médecin doit se prononcer sur ce qu'il y a lieu d'entendre par « être inconscient ». Au cas où les amendements déposés, qui excluent explicitement du champ d'application le groupe des personnes démentes ou incapables, ne seraient pas adoptés, on pourrait en déduire que l'article 4 leur est bel et bien applicable.

Amendement nº 307

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 307) qui vise à compléter l'alinéa 2 du § 1er en prévoyant une condition supplémentaire pour que l'euthanasie soit autorisée, à savoir celle selon laquelle il ne peut exister, en fonction des conceptions médicales en vigueur, aucune autre possibilité de traiter la douleur du patient et de garantir sa dignité.

L'un des auteurs de l'amendement nº 307 renvoie à la justification écrite et dit qu'il doit y avoir un critère objectif pour que puisse être pratiquée l'euthanasie, puisque l'intéressé ne peut plus exprimer sa volonté. Tel qu'il est rédigé actuellement, le texte de l'amendement nº 291 vide de toute sa substance la protection prévue par la loi, puisque l'on n'insère aucune disposition prévoyant qu'il y a lieu d'examiner s'il existe une alternative médicale. Cette option n'existe nulle part au monde et est donc inacceptable.

Pour se justifier, on annonce dans les médias que ce gouvernement fait la différence dans les dossiers médicaux. On n'examine plus les mérites éthiques de certaines propositions, mais on utilise la majorité politique pour organiser un nivellement éthique. En outre, on invoque en permanence, de manière scandaleuse, l'image de l'opposition chrétienne-démocrate, qui, prétend-on, estimerait que les citoyens de ce pays doivent souffrir parce que Dieu l'impose. Une telle représentation des choses, qui ne reflète absolument pas la réalité, est comparable à la propagande de Goebbels sous le régime nazi. Cela rend impossible toute discussion sérieuse. On chercherait en vain ici la moindre correction politique.

Un commissaire trouve absolument scandaleuse la comparaison qui vient d'être faite.

Un membre estime que le parti des auteurs de l'amendement nº 307 excelle à reprocher aux autres ce que lui-même fait. Les déclarations publiques de sommités de l'opposition chrétienne-démocrate travestissent la vérité ou comportent des semi-vérités. Il serait faux de dire que l'on n'écoute pas les déclarations de l'opposition. Les arguments juridiques sérieux sont souvent relayés par des amendements de la majorité.

On a néanmoins l'impression que ce parti fait tout pour rendre impossible toute législation concernant l'euthanasie. Les auteurs de la proposition de loi en discussion partent au contraire du principe qu'il faut respecter la liberté des individus et que ceux-ci ne doivent pas tous être rendus tributaires d'une conviction unique. Personne n'oblige quiconque à demander l'euthanasie ou à rédiger une déclaration de volonté. Aucun médecin n'est obligé d'accéder à la demande d'euthanasie de son patient. La législation projetée vise uniquement à donner aux gens la faculté de ne pas sombrer eux-mêmes dans des situations qu'ils ont souvent rencontrés chez des proches. Il n'empêche qu'un large débat est possible sur certaines parties de la proposition de loi, mais qu'il faut engager ce débat d'une manière intellectuellement loyale. La moindre allusion à un régime dont tout le monde regrette qu'il ait existé est dont tout à fait déplacée.

L'une des auteurs de l'amendement nº 307 fait remarquer que les opinions et les actes de son groupe sont dictés par des considérations non pas religieuses, mais politiques. Si l'optique religieuse prévalait, il suffirait de garantir la liberté religieuse de tout un chacun et de permettre à certains organismes d'agir comme ils le souhaitent. Ce n'est toutefois pas le cas. On parle ici en l'espèce de la structure d'une société et d'un État de droit ainsi que de la cohésion sociale au sein d'une société. La solidarité envers les plus faibles se traduit non seulement par des transferts financiers organisés par le biais du régime fiscal ou du régime de la sécurité sociale, mais aussi par la faculté de ressentir les choses psychologiquement. Une vision extrêmement libérale part de l'hypothèse que la liberté de l'individu est absolue. On ne peut toutefois pas empêcher d'autres courants politiques d'exprimer le point de vue selon lequel de telles décisions ont un grand impact sur le tissu social et de demander que l'on y consacre un débat approfondi sur la question. C'est la solidarité au sein de la communauté qui est en jeu. Il est dès lors incompréhensible que le président d'un parti politique qui tient en haute estime le principe de la solidarité puisse dire que l'individu peut décider de manière absolument autonome de sa propre vie. Pareille attitude ne tient pas compte du fait que les missions confiées au corps médical ont également une incidence sociale.

Amendement nº 308

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 308) visant à ajouter, au deuxième alinéa du § 1er, une disposition selon laquelle l'intéressé doit se trouver en fin de vie pour que l'on puisse accéder à sa demande d'euthanasie.

Un des auteurs de l'amendement nº 308 renvoie à la justification écrite de celui-ci. Il rappelle la recommandation 1418 (1999) du Conseil de l'Europe concernant la dignité des malades incurables et des mourants, dans laquelle le Conseil spécifie clairement qu'un traitement médical spécial n'est possible que dans la phase finale de la vie et qu'en outre toute pression de l'extérieur est exclue.

Lorsque les auteurs de la proposition déclarent que l'euthanasie est également possible après une déclaration de volonté, sur des patients qui ne sont pas en phase terminale et se trouvent « en état d'inconscience », ils reculent les limites d'une manière impensable. Le mot « liberté » devient dans ce cas un concept purement formel, puisque l'intéressé n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté. La valeur de la vie n'est alors déterminée que par un seul individu, qui oblige un tiers à suivre son point de vue. Cela n'a plus rien à voir avec la liberté. Une liberté authentique, profondément humaine, implique au contraire que l'on accorde de la valeur à la situation dans laquelle la volonté est formulée, mais aussi que l'on soit attentif au contexte tout entier.

La proposition de loi à l'examen risque d'avoir pour conséquence que l'euthanasie soit instaurée non seulement pour les patients ne se trouvant pas en phase terminale ­ ce que le Comité consulatif de bioéthique ne conseille nullement ­ mais aussi pour ceux qui « ne sont plus conscients ». Le refus des auteurs de la proposition de dire clairement à quelles personnes la réglementation sera applicable ou ne le sera pas, constitue un délit de fuite et dépasse toute imagination. Selon les auteurs, il appartient au médecin ­ et à lui seul ­ de déterminer qui se trouve « en état d'inconscience » et qui ne s'y trouve pas. On peut se demander s'il appartient au législateur de voter une « loi générale de pleins pouvoirs » qui délègue au corps médical la compétence d'en déterminer le champ d'application. Ce procédé est contraire aux principes essentiels d'une bonne pratique législative, et en outre à l'État de droit, qui impose la protection de la vie humaine.

L'article 2 de la CEDH prévoit en effet clairement que le droit à la vie est protégé par la loi, ce qui signifie que les notions juridiques invoquées doivent être prévisibles quant à leur application et accessibles au citoyen.

Laisser aux médecins le soin de concrétiser la notion à laquelle on recourt, c'est enfreindre tous ces principes. La vie des personnes se trouvant « dans un état d'inconscience » ne sera assurément pas protégée par la loi.

La construction légale que l'on a en vue est en outre mal-fondée en droit. Dans l'hypothèse où le dossier serait saisi par le parquet ou transmis à la commission d'évaluation, qui sera alors chargé de concrétiser la notion d'« état d'inconscience » ? Cette notion devra, en pareil cas, être concrétisée juridiquement. Le parquet devra-t-il se borner à constater que, selon le médecin, l'intéressé était « en état d'inconscience » et s'en remettre en tout état de cause à cette déclaration ? L'intervenant estime que c'est le pouvoir judiciaire qui juge en fin de compte du respect de la loi et qu'il est impossible de déléguer cette compétence à l'un ou l'autre médecin. C'est ainsi, qu'on le veuille ou non, que fonctionne l'État de droit. Et c'est la raison pour laquelle la formation des juristes vise précisément à leur permettre de saisir les dimensions juridiques de tous les problèmes de la société et d'en juger. Encore faut-il bien entendu pour cela que le pouvoir judiciaire sache quel est le champ d'application de la loi. Dans son arrêt du 13 octobre 1999, la Cour de cassation dispose qu'en matière de responsabilité, la notion d'« inconscience » couvre bien plus qu'un état purement médical:

« Pour évaluer l'étendue du dommage moral de la victime, le juge peut, par une appréciation qui gît en fait, tenir compte de l'état de conscience diminué de celle-ci, résultant de son état de santé mentale. »

Il est par conséquent fait ici, de la notion « d'inconscience », une évaluation juridique autonome. Et il apparaît clairement que cette notion s'applique aussi, dans la terminologie juridique, à des personnes qui ne sont pas dans un état comateux. À la question de savoir quel est le champ d'application de la loi, on ne peut se contenter d'apporter une réponse d'ordre procédural en se référant à l'intervention du médecin. En d'autres termes, la question du champ d'application exact ne reçoit pas de réponse satisfaisante. C'est la raison pour laquelle il convient d'adopter l'amendement nº 308, qui renvoie explicitement à la fin de vie.

Amendement nº 380

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 380), visant à insérer après l'alinéa 2 proposé un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« La déclaration d'un patient portant sur l'arrêt actif de sa vie dans un état d'inconscience ne peut, en tout état de cause, être prise en considération par le médecin qu'en présence de circonstances médicales exceptionnelles lui permettant raisonnablement de croire qu'il n'existe pas d'autre solution pour soulager la souffrance du patient ou préserver sa dignité. »

L'auteur de cet amendement souligne que l'arrêt actif de la vie du patient ne peut constituer que la solution ultime. Ce principe de subsidiarité sous-tend d'ailleurs les propositions de loi et l'ensemble des amendements qu'elle a déposés avec les membres de son groupe.

Si l'auteur de l'amendement peut s'accorder avec le principe de la déclaration anticipée, elle insiste sur le fait que le médecin doit réévaluer, au moment où le problème se pose, les circonstances médicales exceptionnelles dans lesquelles le patient se trouve.

Un membre se demande quelle est la portée exacte que l'auteur de l'amendement accorde aux termes « circonstances exceptionnelles ». Quoi qu'il en soit, le caractère exceptionnel de la situation résulte à suffisance des conditions décrites au § 2 de l'article 4 (affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, inconscience, caractère irréversible de celle-ci selon l'état actuel de la science), même si de telles situations ne sont pas aussi rares que certains semblent le croire.

L'auteur de l'amendement nº 380 répète qu'elle souhaite s'inscrire dans le cadre d'une législation d'exception et non dans le cadre d'une autorisation générale de la loi.

Les médecins insistent par ailleurs sur le caractère délicat de la notion d'irréversibilité.

Une membre estime que cet amendement, qui comporte divers éléments qui ont été lancés dans le débat par le groupe de l'intervenante, est important. La question qui se pose est celle de savoir si, dans la logique de l'article 4 proposé, l'amendement concerne l'euthanasie suivant la définition qui en a été donnée à l'article 2, ou s'il s'agit simplement de l'arrêt actif de la vie. Le problème est en effet, que les personnes qui sont « dans un état d'inconscience » ne peuvent pas formuler une demande de manière réfléchie et consciente.

Un autre membre souligne la différence qu'il y a entre la demande formulée par un patient conscient et entouré de toutes les conditions spécifiées à l'article 3, et la déclaration anticipée visée à l'article 4.

Ces deux demandes n'ont pas le même poids et, dès lors, les précautions à prendre par le médecin dans le second cas sont d'une toute autre nature.

L'intervenante demande dès lors à l'auteur de l'amendement quelle différence elle fait entre la notion, retenue à l'article 2, de « mettre fin intentionnellement à la vie d'un patient à sa demande » et celle utilisée dans l'amendement d'« arrêt actif de la vie ». Vise-t-elle par là d'autres situations que celle de l'euthanasie ?

L'auteur de l'amendement nº 380 répond que son groupe est opposé à l'euthanasie des patients inconscients.

L'amendement en discussion est déposé à titre subsidiaire, et en vue d'améliorer le texte proposé. Il se situe dans la perspective de l'état de nécessité, puisqu'il y est question de circonstances exceptionnelles, et du fait qu'il n'existe pas d'autres solutions.

Il n'utilise pas le terme « euthanasie », précisément parce que dans l'esprit de son auteur, il existe une différence entre la demande formulée par un patient conscient et une déclaration anticipée.

Les avis du Comité consultatif de bioéthique utilisent les termes « arrêt actif de la vie » pour les patients inconscients, parce que le comité ne veut pas mettre ces deux éléments sur le même pied.

Un membre se dit interpellé par les arguments d'un précédent intervenant, qui insistait sur le fait que l'élément d'« inconscience » était difficile à déterminer. Des amendements ont été introduits au sujet de l'état comateux.

L'intervenant aimerait que les médecins présents exposent si, à leur estime, la notion de « coma » est plus claire, et de quelle façon on détermine un état de coma, sur le plan scientifique.

Un autre membre répond, en tant que législateur, et non en tant que médecin, que la notion de « coma » lui paraît moins précise que celle d'inconscience, car il y a quatre stades de coma, et il y a des cas de coma où il peut y avoir conscience.

Un membre met en garde contre l'utilisation de l'état comateux comme critère prépondérant. Le membre se fonde sur sa propre expérience du coma, une situation dans laquelle il ne pouvait plus parler, mais savait parfaitement ce qui se passait autour de lui. Il est très difficile pour un médecin d'évaluer le degré d'un état comateux, étant donné que le passage d'un état à l'autre n'est pas toujours manifeste.

Un autre membre fait référence à l'avis des médecins, qui reconnaissent en effet qu'il y a diverses phases dans un coma. Il est possible que des patients se réveillent d'un coma. L'on mesure les phases et les chances de réveil grâce aux réactions verbales, motrices et oculaires. L'on assimile l'état comateux à l'état d'inconscience. L'on évalue cet état sur une échelle de 1 à 15, selon les critères d'Harvard.

L'intervenant précédent affirme toutefois qu'il était bel et bien conscient quand il se trouvait dans le coma, ce qui montre que l'on ne sait pas bien à qui les règles proposées seront applicables.

Tout différent est l'état comateux où l'on est irréversiblement « inconscient » ou dans un état végétatif persistant. C'est une situation beaucoup plus claire et qui résulte d'une donnée objective grâce à laquelle on pourrait éviter des interprétations divergentes. La mort clinique est une situation encore différente.

Il faut examiner dès lors si la situation visée par les auteurs de l'amendement nº 291 correspond à une situation médicale décrite dans la littérature médicale. Une clarté absolue est requise en l'occurrence. Toutefois, les choses ne sont pas claires, pour l'heure, étant donné qu'il n'existe pas de consensus dans la littérature médicale sur le sens du terme « inconscient ». En outre, il est clair que le monde médical et le monde juridique interprètent ce terme de manière fort différente au regard des règles en matière de responsabilité. L'on doit dire clairement si l'on entend se limiter ou non au simple état comateux.

Un membre déduit des interventions des intervenants précédents qu'il a raison de dire qu'il existe des gradations dans l'état comateux, la simple existence neurovégétative, etc. L'intervenant se demande qui d'autre que les médecins pourraient se prononcer à ce sujet. Ceux qui remettent en cause la compétence des médecins ont pourtant déposé des amendements dans lequels ils confèrent une lourde responsabilité au corps médical.

En outre, le membre attire l'attention sur le fait que si certains voient d'un mauvais oeil que le médecin prenne les décisions finales en la matière, parce que la Constitution habilite le pouvoir judiciaire à veiller au respect de la législation, les juges fondent souvent leur décision sur l'avis d'un médecin. C'est par exemple le cas pour ce qui est de l'internement qui est prononcé par le juge de paix.

Une autre intervenante remarque que deux problèmes distincts se posent. D'une part, celui de la signification médicale du terme « inconscience » : à ce sujet peut-être pourrait-on solliciter l'avis écrit de l'Académie de médecine.

D'autre part, celui de savoir qui est juge de la « situation d'inconscience ».

Le médecin prendra certes ses responsabilités, mais le contrôle du juge aura lieu a posteriori, quand, par hypothèse, le patient est décédé.

La prudence s'impose donc, et il faudrait trouver une forme de contrôle a priori.

C'est d'ailleurs ce qu'avait fait un sénateur, dans un amendement à l'article 3, en ce qui concerne la phase non terminale.

Il avait proposé qu'il y ait, dans ce contexte, une demande adressée a priori à la commission d'évaluation.

Ce système offre l'avantage de prévoir à la fois une expertise médicale, et un contrôle de type plus juridictionnel.

L'intervenante rappelle en outre que la proposition initiale déposée par Mme Leduc et consorts prévoyait, dans l'hypothèse du patient inconscient, une procédure beaucoup plus précautionneuse.

Un intervenant précédent fait observer qu'en ce qui concerne l'internement, la législation prévoit précisément une intervention du pouvoir judiciaire pour protéger les citoyens faibles. Auparavant, le bourgmestre pouvait interner une personne sur rapport du médecin. Cela a donné lieu à de nombreux abus, puisque, outre les cas évidents, il existe de nombreux cas qui sont sujets à discussion. L'on s'est dès lors opposé à la toute puissance des médecins pour ce qui est des décisions de colloquer des gens. D'où l'insertion d'un article 488bis dans le Code civil, qui permet l'intervention du juge de paix et l'ensemble de la réforme du système d'internement, qui a été réalisé précisément pour tenir compte des conditions définies à l'article 5 de la CEDH, lequel garantit un contrôle par le pouvoir judiciaire en ce qui concerne le placement des incapables. Le membre renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière. Il faut considérer le contrôle exercé par le pouvoir judiciaire non pas comme une menace, mais davantage comme une garantie contre les abus possibles qui pourraient exister dans la société.

L'auteur de l'amendement nº 380 rappelle une fois encore que la notion d'« inconscience » n'apparaît pas dans l'avis du Comité consultatif de bioéthique.

Le comité estime aussi extrêmement difficile, sinon opportun, d'entrer dans des classifications des personnes visées.

On peut supposer que le comité a rencontré les mêmes difficultés que les commissions réunies à cet égard.

L'intervenante croit comprendre en tout cas que les six auteurs veulent réduire la catégorie de malades visés, et s'en réjouit.

Il ne s'agit pas de toutes les personnes incapables de manifester leur volonté envisagées par le Comité consultatif de bioéthique.

L'intervenante a, elle aussi, consulté sur le sujet plusieurs médecins dont elle attend la réponse.

Elle note cependant, si l'on envisage la terminologie actuelle, que le Code de déontologie médicale, par exemple, utilise le terme « inconscient » en son article 96 dans le cadre de la vie finissante de la phase terminale. On peut y lire : « Lorsque le malade est définitivement inconscient, le médecin se limite à ne prodiguer que des soins de confort. »

Est-ce cela que les six auteurs veulent changer, en prévoyant que le médecin peut ne pas se limiter à des soins de confort, et pratiquer l'euthanasie ?

Si l'on va plus loin, en envisageant des situations de coma, on se rapproche alors davantage de l'article 98 du même Code, qui parle de la perte irréversible et complète des fonctions du cerveau, et où l'on définit la mort clinique.

Dans ce cas, le texte proposé pourrait paraître inutile.

Un membre observe que l'on délègue au médecin la détermination de certains éléments comme, par exemple, le caractère incurable de la maladie, moyennant vérification par un ou deux autres confrères, selon les cas.

Pour le reste, le texte proposé paraît assez clair, puisqu'il vise les patients en état d'inconscience irréversible, selon l'état actuel de la science.

En outre, il faut rappeler qu'un élément supplémentaire est requis, à savoir l'existence d'une déclaration anticipée.

Un autre membre approuve l'opinion de l'intervenant précédent. Les interventions antérieures confirment son opinion selon laquelle il n'est pas opportun de parler d'état comateux dans le texte.

Au demeurant, le membre fait remarquer que la procédure d'internement prévoit une possibilité de recours, dans le cadre duquel le patient en question peut faire appel à l'avis d'un second médecin. L'on prévoit donc également en l'espèce un examen par un second médecin avant que le juge ne se prononce. En outre, la demande d'euthanasie est formulée par le patient lui-même.

L'intervenant est déconcerté de constater que seule une petite minorité de personnes estiment nécessaires de manifester à temps leur volonté concernant les problèmes de la fin de vie pour le cas où elles se trouveraient dans une situation déterminée. Personne ne peut obliger une personne à mourir, mais il n'existe pas non plus d'obligation de vivre. Le danger est que la législation proposée soit conçue à tel point dans un souci de prudence qu'elle en devienne inefficace.

Un sénateur estime que l'exemple de la collocation est mal choisi, puisqu'en pratique, l'on applique à peu près toujours la procédure d'exception, dans laquelle le procureur du Roi joue un rôle et la procédure normale prévoyant l'intervention du juge de paix est rarement appliquée. Le sénateur estime qu'il faut chercher un équilibre adéquat entre les garanties apportées par le pouvoir judiciaire et l'avis du médecin. La nouvelle législation sur la collocation montre qu'il n'est pas bon de donner trop de pouvoir au juge.

Un membre réplique que le législateur belge doit respecter la CEDH, qui prévoit qu'aucune collocation ne peut être décidée sans l'intervention du pouvoir judiciaire.

Le membre conteste l'affirmation selon laquelle l'on n'aurait jamais recours à la procédure devant le juge de paix. Au contraire, de telles affaires se présentent chaque semaine.

L'intervenant précédent confirme que c'est le cas pour la prorogation des collocations existantes, mais pas pour les nouveaux cas.

Un membre demande si la notion d'« inconscience » peut être assimilée à celle d'état végétatif persistant.

Il lui est répondu par la négative.

Amendement nº 363

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 363), visant à remplacer le § 1er, alinéa 3, de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« La déclaration peut désigner une ou plusieurs personnes de confiance qui mettent le médecin traitant au courant de l'existence de la déclaration et de son contenu. »

L'auteur estime que l'alinéa 3 actuel décrit de façon beaucoup trop formaliste le fait que la personne qui rédige une déclaration anticipée peut désigner une ou plusieurs personnes de confiance, dans la mesure où une déclaration anticipée n'a qu'un caractère indicatif et qu'aujourd'hui, rien n'empêche une personne de rédiger quelque déclaration que ce soit relative à ses souhaits en matière de fin de vie et même d'euthanasie.

Il faut donc se limiter à des dispositions très générales, pour ne pas donner l'impression qu'il s'agit de précisions ayant un caractère quasi-contraignant.

À cet égard, le remplacement de la notion de « mandataire » par celle de « personne de confiance » constitue déjà une amélioration.

Aux yeux de l'intervenante, le rôle de cette personne doit se limiter strictement à informer le médecin traitant de l'existence et du contenu de la déclaration, et éventuellement à en situer le contexte. Cette personne ne peut en aucune manière se substituer au patient et mener à sa place avec le médecin le même type de dialogue que celui prévu à l'article 3.

Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que la notion de personne de confiance sera reprise et ­ on peut le supposer ­ définie dans la future législation sur les droits du patient, où son rôle pourrait être différent de celui qui lui est dévolu par le texte en discussion.

Elle doit en tout cas être choisie librement et sans restriction par le patient. À cet égard, l'intervenante estime injustifiée la méfiance exprimée a priori à l'égard de certaines catégories de personnes, à savoir des membres de l'équipe soignante. C'est au médecin à vérifier que la personne de confiance n'outrepasse pas son mandat.

Un membre constate que l'amendement offre à la personne qui rédige la déclaration anticipée moins de garanties que le texte en discussion quant au fait que, lorsqu'elle sera inconsciente, il y aura un interlocuteur face au médecin.

Un autre membre s'étonne que certains s'efforcent, d'une part, de multiplier les garanties et, d'autre part, proposent de les supprimer lorsque le texte en prévoit.

L'intervenant estime en effet que supprimer l'interdiction pour le médecin traitant d'être, en quelque sorte, le porte-parole de la personne qu'il soigne, c'est retirer une garantie au patient.

Cette volonté ne correspond pas au souci exprimé par ailleurs, par les mêmes membres, d'accroître les garanties pour ce patient.

L'auteur de l'amendement nº 363 relève que, selon un précédent orateur, la déclaration anticipée est faite à un moment où la personne n'est pas encore malade.

Pourquoi, dès lors, maintenir la dernière phrase de l'alinéa 3 en discussion ?

En outre, pour l'intervenante, le patient peut rédiger toutes les déclarations qu'il juge utiles, et choisir les personnes de confiance qu'il veut, y compris, par exemple, une infirmière.

C'est au § 2 que les éléments de précaution doivent être prévus. C'est là que le médecin doit s'assurer qu'un certain nombre de conditions sont respectées, et qu'il n'y a pas eu de pressions exercées sur la personne pour qu'elle rédige une déclaration anticipée dans un sens différent de ce qu'elle souhaitait.

Une membre dit ne pas être d'accord avec la suppression de la dernière phrase, qui concerne l'interdiction, pour les membres de l'équipe soignante, de jouer le rôle de personne de confiance.

Toutefois, la membre donne raison à l'auteur de l'amendement nº 363, quand elle affirme que la déclaration anticipée est l'élément central et que la personne de confiance ne joue qu'un rôle intermédiaire. Dans la rédaction de l'article 4 proposé à l'amendement nº 291, il semble que la personne de confiance doive interpréter la volonté de l'intéressé, alors que selon l'intervenante, le seul but est au contraire que cette personne de confiance informe le médecin de l'existence de la déclaration anticipée et de son contenu. Par conséquent, la présence d'une personne de confiance dans l'ensemble de la procédure ne constitue pas une valeur ajoutée.

À la lumière de ce raisonnement, la membre ne comprend pas davantage pourquoi il faudrait établir un ordre dans les personnes de confiance. Cela peut s'avérer très difficile, par exemple quand il y a plusieurs enfants.

Amendement nº 309

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 309), qui vise à spécifier que les personnes de confiance doivent être des personnes physiques.

L'une des auteurs de l'amendement renvoie à ce qu'a dit un intervenant précédent, qui trouvait étonnant que seule une petite partie de la population rédige une déclaration anticipée. La membre tient plutôt le raisonnement inverse : il serait étonnant que les gens se sentent si peu protégés et aient si peu confiance dans les institutions de soins qu'ils estiment nécessaire de rédiger une déclaration.

L'intervenante se demande s'il est possible que des personnes morales, telles que les ASBL, jouent le rôle de personne de confiance et conservent, par exemple pour une certaine région, l'ensemble des déclarations. En effet, il n'est pas impensable que l'on pose certains choix dans ces déclarations et que des personnes morales veillent soigneusement à leur exécution. Ce serait une bonne option.

Un membre précise que les mots « personne de confiance » visent une personne physique.

L'intervenante précédente réplique que si telle était l'intention des auteurs de la proposition de loi à l'examen, il fallait le spécifier dans le dispositif même. En effet, les règles proposées laissent aux personnes morales la possibilité de jouer le rôle de personne de confiance.

Un membre estime qu'il faut pouvoir choisir entre soit décider soi-même ce que l'on fait de son corps et de sa vie quand on se trouve dans une certaine situation, soit se laisser dominer par des décisions prises par autrui.

Amendement nº 370

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 370), tendant à remplacer l'alinéa 3 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« La déclaration écrite peut désigner une personne de confiance chargée de mettre au courant le médecin traitant de l'existence de cette déclaration. »

L'auteur renvoie à ce qu'elle a précédemment exposé au sujet du rôle de la personne de confiance, tel qu'elle le conçoit.

Amendement nº 310

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 310) qui vise à prévoir dans le texte que le témoin d'une déclaration anticipée ne peut pas être simultanément personne de confiance.

L'un des auteurs explique que pareille situation serait ambiguë, puisqu'un témoin devrait constater qu'il est lui-même désigné en tant que personne de confiance. Il quitterait ainsi son rôle de personne « extérieure » qui témoigne de l'existence d'une déclaration anticipée.

Amendement nº 381

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 381), visant à remplacer, à l'alinéa 3 du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « et les membres de l'équipe soignante » par les mots « les membres de l'équipe soignante ainsi que les témoins visés à l'alinéa suivant ».

Cet amendement souligne la distinction qui doit être opérée entre la fonction de la personne de confiance et celle du témoin.

Amendement nº 382

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 382), tendant à supprimer, au § 1er, alinéa 3, de l'article 4 proposé, les mots « La déclaration peut être faite à tout moment ».

L'auteur de l'amendement précise que l'indication que la déclaration peut être faite à tout moment lui semble superflue. Par ailleurs, elle risque d'entraîner une confusion d'interprétation en raison de l'indication figurant à l'alinéa 6, précisant qu'elle ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté. Quid en effet de la valeur d'une déclaration anticipée de volonté, qui en elle-même n'est déjà pas juridiquement contraignante, lorsqu'en outre, elle a été rédigée plus de cinq ans avant l'état d'inconscience, par exemple vingt années plus tôt ?

Un membre fait observer que l'on ne peut évaluer le délai de cinq ans que lorsque le patient se trouve en situation d'inconscience irréversible.

Amendement nº 385

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 385), tendant à ajouter, à l'alinéa 3 du § 1er de l'article 4 proposé, après les mots « la volonté du patient », les mots « et qui sont habilitées à assurer le dialogue avec le médecin au sujet des choix thérapeutiques visés ».

L'auteur de l'amendement souligne que dans son avis nº 9 concernant l'arrêt actif de la vie des personnes incapables d'exprimer leur volonté, le Comité consultatif de bioéthique a constaté un large consensus concernant le rôle de la (ou des) personne(s) désignée(s) dans la déclaration anticipée. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un mandataire, mais d'une personne de confiance habilitée à assurer le dialogue avec le médecin au sujet des choix thérapeutiques décisifs visés dans la déclaration anticipée. L'existence d'un tel médiateur, souligne le comité, aurait pour vertus : a) de compléter la directive dont on ne peut attendre qu'elle donne précisément instruction pour toutes les situations susceptibles d'être éprouvées par le patient; b) de prolonger de manière certes imparfaite, mais réelle tout de même, le dialogue médecin/patient qui est au fondement de toute pratique médicale de qualité. Un large consensus s'est également dessiné au sein du comité pour considérer qu'une telle directive ne peut avoir aucune force juridique contraignante pour le médecin qui reste maître en dernière instance de la décision à prendre.

L'amendement vise à souligner que les choses ne sont pas figées, et que le médecin a le devoir de poursuivre le dialogue au sujet de l'évolution de la pathologie et des choix thérapeutiques soit préconisés dans la déclaration, soit à opérer plus tard.

Un membre rappelle que l'on se situe dans le cadre de la déclaration anticipée. Le § 2 fait déjà état du dialogue qui doit exister entre le médecin et la personne de confiance.

Amendement nº 401

MM. Dubié et Galand déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 401), visant à insérer, après le troisième alinéa, la disposition suivante :

« Aucune des personnes de confiance ne peut avoir un intérêt matériel dans l'euthanasie de la personne ayant rédigé une déclaration anticipée. »

Cet amendement va dans le même sens que celui déposé par les mêmes auteurs à l'article 3, et qui a été adopté.

Il s'inspire du souci d'éviter toute utilisation, à des fins économiques ou d'intérêt matériel, des possibilités offertes par le texte à l'examen.

Un membre adhère à ce souci, mais se demande si l'amendement ne pourrait donner lieu à un effet pervers : le conjoint ou le partenaire constitue généralement une personne de confiance privilégiée mais il a, par la force des choses, un intérêt matériel au décès du patient.

L'un des auteurs de l'amendement le reconnaît mais estime que, de deux maux, il faut choisir le moindre.

Un membre rappelle que l'une des garanties réside dans le fait que c'est le déclarant qui choisit lui-même la (ou les) personne(s) de confiance. En outre, le texte est rédigé de façon à trouver un équilibre entre, d'une part, le fait de permettre au malade de désigner un membre de la famille, s'il le souhaite, et d'autre part, celui de garantir la présence d'au moins une personne indépendante.

Un autre membre observe que, dans le texte de la ministre de la Santé publique, mais aussi dans les lois hollandaise et danoise, ce sont les proches qui, à défaut de personne de confiance, restent les plus habilités à représenter le patient.

Un autre membre dit très bien comprendre quel est l'objet de l'amendement, mais il n'en attire pas moins l'attention sur le fait qu'il est très important que les deux témoins qui assistent à la rédaction de la déclaration anticipée n'aient aucun intérêt à l'élaboration de celle-ci et qu'ils soient très bien informés des préférences de l'intéressé. C'est une question de confiance. Il est dès lors très difficile d'exclure en l'espèce les membres de la famille du patient. En effet, les relations familiales changent souvent lorsque la maladie se manifeste. Le malade peut alors souvent se faire une bonne idée de son entourage, savoir qui se dévoue pour lui et qui le soigne, et quelles autres personnes sont animées par d'autres intérêts. Il est, dès lors, difficile d'exclure sans plus l'ensemble des membres de la famille. Il importe dès lors aussi, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que la déclaration ne soit pas rédigée trop longtemps à l'avance.

Amendement nº 417

Mme De Schamphelaere dépose, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 417), qui vise à prévoir que les personnes de confiance doivent être majeures.

Elle précise que, comme les conversations en question sont souvent difficiles et les décisions souvent délicates, les personnes de confiance doivent disposer d'une certaine capacité de jugement. Il ne semble dès lors pas être souhaitable de confier pareille responsabilité à des mineurs.

Amendement nº 368

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 368) tendant à supprimer l'alinéa 4 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur de l'amendement estime en effet qu'il est évident que la déclaration peut être faite à tout moment, et que la mention d'une telle évidence dans le texte de la loi ne s'impose pas.

En outre, le formalisme imposé par le texte est disproportionné par rapport à la valeur indicative de la déclaration. Celle-ci constitue un acte de nature éminemment privée, qu'une personne peut vouloir rédiger de façon confidentielle et confier, par exemple, à son médecin généraliste.

Rien n'empêche le rédacteur de la déclaration de recourir à des témoins ni d'avoir recours à un notaire, s'il souhaite donner à sa déclaration un caractère plus formel, mais le recours aux témoins ne doit pas constituer une obligation.

Un membre répond que la déclaration a, certes, une valeur indicative. Cependant, il faut qu'un tel document existe pour qu'il n'y ait pas d'infraction, lorsqu'une euthanasie est pratiquée sur un patient « inconscient ».

Il importe donc de s'assurer que cette déclaration a été rédigée dans des conditions claires, d'où la présence requise de deux témoins, dont l'un au moins n'a pas d'intérêt matériel au décès du patient.

Un autre membre reconnaît que la première phrase n'apporte rien au texte de la loi en projet, puisque le délai est inscrit ailleurs. Cela ne favorise pas la clarté.

Une membre part du principe qu'une déclaration anticipée est quelque chose d'intime que l'on conserve et transmet aux intéressés très soigneusement. Elle doit pouvoir imaginer que la rédaction d'une telle déclaration, qui va plus loin qu'une simple demande d'euthanasie, ne satisfait pas toujours aux conditions formelles définies à l'article 4 de la loi en projet. Quelle valeur a un tel document ? Le membre estime que ce document doit avoir également une valeur indicative dans le cadre d'une prise de décision médicale dans la prudence. Toutefois, le texte lui-même ne le prévoit pas et il ne prévoit pas davantage qu'une déclaration formellement correcte n'a qu'une valeur indicative et n'est pas contraignante.

Un membre demande, compte tenu de la manière dont le texte est rédigé, ce qu'il advient d'un patient « inconscient », qui n'a pas fait de déclaration anticipée. Le médecin doit-il le maintenir indéfiniment en vie ?

L'intervenant, s'il est tout à fait favorable à la déclaration anticipée, reste d'avis que la manière dont le texte est rédigé maintient une confusion entre la notion « peut » et « ce qui est nécessaire pour que ... ».

Un précédent orateur répond que le texte précise les conditions dans lesquelles la rédaction de la déclaration doit être faite, pour qu'elle puisse être l'un des éléments nécessaires pour qu'il n'y ait pas d'infraction, lorsqu'une euthanasie est pratiquée.

Pour le surplus, lorsque les conditions ne sont pas remplies, il n'est pas prévu qu'il n'y a pas d'infraction, mais il n'est pas prévu non plus que la notion d'état de nécessité ne s'applique pas.

Un membre demande ce qui se passe si une personne a rédigé une déclaration anticipée, et désigné une personne de confiance, mais que cela n'a pas été fait en présence de deux témoins.

Le précédent intervenant répond que, dans ce cas, puisque toutes les conditions ne sont pas remplies, on ne se trouve pas dans le cadre de l'application du texte en discussion.

Amendement nº 387

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 387), tendant à remplacer l'alinéa 4 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« La déclaration est rédigée, datée et signée par le déclarant lui-même et par la ou les personne(s) de confiance éventuelles. »

L'auteur de l'amendement estime qu'il importe que la déclaration soit rédigée par le déclarant lui-même. C'est une garantie de protection du déclarant à l'égard de pressions extérieures, certainement si l'on admet que la déclaration anticipée peut viser l'arrêt actif de la vie du déclarant devenu inconscient.

Par ailleurs, vu que l'on peut questionner l'utilité de la présence de témoins et vu l'ambiguïté du rôle qu'ils peuvent jouer, il est préférable de ne pas prévoir la présence de témoins, si ce n'est éventuellement que dans le cas particulier de patients qui sont dans l'impossibilité physique manifeste de rédiger une déclaration. Dans ce cas, le rôle du témoin est clair, même s'il est contestable : ce rôle (du moins pour l'un d'entre eux) consiste à rédiger à la place du patient.

Un membre souligne qu'il est assez compliqué d'imaginer que plusieurs personnes rédigent le même document.

L'auteur de l'amendement déclare qu'elle va examiner la possibilité de déposer un sous-amendement en vue de tenir compte de cette observation.

Amendement nº 311

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 311) qui vise à souligner que la déclaration doit avoir été rédigée par le patient de son plein gré et hors de toute pression externe.

L'un des auteurs estime qu'il faut prévoir de manière extrêmement claire qu'il ne peut pas y avoir la moindre pression sociale lors de la rédaction de la déclaration. Le membre attire l'attention sur le danger que des personnes qui décident d'aller dans une maison de repos ou une maison de repos pour personnes âgées se sentent moralement obligées de rédiger une déclaration anticipée, ou, pire, que, lors de l'inscription dans pareille institution, l'on examine si une déclaration a été rédigée. Il faut également éviter que lors de la conclusion d'une police d'assurance ou du contrôle médical à l'occasion d'un recrutement, l'on contrôle si une déclaration a été rédigée ou non.

Amendement nº 312

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/116, amendement nº 312), qui vise à préciser dans le texte que la déclaration doit être dressée par son auteur.

L'un des auteurs souligne que le texte actuel donne l'impression que la déclaration doit pouvoir être rédigée par un tiers, chose qu'il faut éviter.

Il est fait observer que cet amendement est comparable à l'amendement nº 383 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-244/16).

Amendement nº 313

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 313), qui vise à prévoir une indépendance maximale des témoins en soulignant que ceux-ci n'ont ou ne peuvent avoir ni directement ni indirectement intérêt à ce que le patient décède et qu'en outre, ils ne peuvent avoir aucun lien de parenté avec lui.

L'un des auteurs explique que le patient doit pouvoir se fier entièrement à la personne de confiance. En vue d'assurer la véracité de la déclaration, il est rationnel d'associer des témoins à sa rédaction. Ceux-ci doivent néanmoins être absolument objectifs. Il faut donc qu'ils n'aient ni directement ni indirectement intérêt à ce que le patient décède. Par intérêt indirect, on entend un intérêt affectif ou un intérêt résultant de la disparition de la contrainte que représentent les soins.

Un commissaire estime exagéré de prétendre que le témoin ne peut faire partie de la famille du patient. Pourquoi ne pourrait-on pas servir de témoin à l'occasion d'une déclaration rédigée par un frère ou une soeur qui a des enfants ? Dans cette hypothèse, tout intérêt est exclu, puisque le témoin n'est pas héritier.

L'un des auteurs répond que le rôle du témoin consiste uniquement à attester que le contenu de la directive est exact. Pour le reste, le témoin n'a plus aucun rôle à jouer. Il est donc préférable d'exclure les membres de la famille, de manière à prévenir toute pression familiale.

Le préopinant réplique qu'une telle disposition pourrait avoir un effet particulièrement négatif pour les personnes qui sont isolées, à l'exception d'un parent éloigné. On exclut ainsi un grand groupe de personnes qui pourraient jouer un rôle dans la rédaction de la déclaration sans qu'elles aient le moindre intérêt à l'affaire.

L'un des auteurs conteste que dans de tels cas, on ne puisse pas trouver de témoins qui confirmeraient que la déclaration est l'expression de la volonté de l'intéressé.

Amendement nº 383

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement, doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 383), tendant à remplacer, à l'alinéa 4 du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « Elle doit être constatée par écrit, dressée », par les mots « La déclaration doit être rédigée par le déclarant lui-même et dressée ».

Comme déjà indiqué, l'auteur de l'amendement rappelle qu'il importe à ses yeux que la déclaration soit rédigée par le déclarant lui-même, car c'est pour lui une garantie de protection.

Un membre suggère à l'auteur de fondre en un seul texte, plus clair, le contenu des deux amendements qu'elle a déposés à ce sujet, de manière à remplacer la deuxième phrase de l'alinéa 4 du § 1er, en tenant compte de la remarque qui a été faite qu'il n'appartient pas à la personne de confiance de corédiger la déclaration.

Peut-être pourrait-on alors se mettre d'accord sur un tel texte.

Amendement nº 384

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 384), tendant à supprimer, à l'alinéa 4 du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « dressée en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant », et les mots « par les témoins ».

L'auteur de l'amendement indique que, sauf à vouloir donner à la déclaration anticipée plus de valeur contraignante qu'il n'est affirmé dans la justification des amendements, la question de l'utilité du témoin peut être posée.

La rédaction de la proposition laisse sous-entendre qu'il n'est pas exclu qu'il pourrait être la personne de confiance visée dans la déclaration. Cette personne de confiance sera sans doute très souvent un proche du patient. Un proche du patient pourra donc être à la fois personne de confiance du patient et témoin.

Indépendamment de cet aspect, on peut s'interroger sur le rôle joué par ces témoins. Pourquoi d'abord deux témoins ? Quel sera leur rôle spécifique ? Attestent-ils de quelque chose ? Quelle serait la valeur de leur éventuel témoignage ? Quid s'il n'y a pas de témoins, si le déclarant refuse d'être entouré de témoins, mais que sa déclaration a néanmoins été rédigée à temps et à heure ? La figure du témoin est ambiguë. À défaut de précision quant à son rôle, ce témoin peut être amené à jouer un rôle dangereux, à savoir conseiller le déclarant sur le choix des termes utilisés, alors qu'il n'a pas nécessairement la compétence pour ce faire.

Cet amendement peut être joint aux deux autres amendements précités, dont la refonte a été suggérée par un intervenant.

Amendement nº 386

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 386), tendant à remplacer, à l'alinéa 4 du § 1er de l'article 4 proposé, les mots « dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant », par les mots « qui ne pourront avoir aucun intérêt au décès du déclarant ».

L'auteur de l'amendement souligne que l'intérêt que l'on peut avoir au décès du patient n'est pas nécessairement « matériel ». Les auditions ont révélé que la majorité des demandes d'euthanasie émanent des proches du patient. Ce ne sont toutefois pas essentiellement des préoccupations bassement matérielles qui les poussent à formuler ces demandes. Souvent, les proches sont exténués, souffrent d'être témoins de la lente dégradation de leur proche. Parfois, des éléments psychologiques complexes entrent en ligne de compte. Le présent amendement vise à prendre tous ces aspects en considération et à garantir la parfaite indépendance des témoins.

Un membre se demande comment définir qu'un témoin n'a aucun intérêt d'aucune sorte au décès du patient. Comment évaluer, par exemple, un intérêt affectif, moral, familial ?

L'intérêt matériel est le seul qui soit vérifiable de façon objective.

Amendement nº 314

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 314), qui interdit au médecin traitant, au médecin consulté et aux membres de l'équipe soignante d'être témoins de la déclaration anticipée.

Un des auteurs considère que ces personnes peuvent effectivement exercer une pression psychologique ou autre sur le patient, puisqu'une relation médicale les lie. On doit empêcher qu'apparaisse, dans les hôpitaux ou les maisons de repos, une sorte de « témoin institutionnel » qui est continuellement appelé à témoigner.

Amendement nº 315

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 315), qui vise à insérer une disposition selon laquelle le témoin ne peut être en même temps personne de confiance.

Un des auteurs considère comme la logique même qu'on ne puisse témoigner de sa propre désignation comme personne de confiance. Les deux qualités sont incompatibles.

Amendement nº 388

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 388), visant à supprimer l'alinéa 5 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur de l'amendement estime que cette disposition est particulièrement dangereuse pour le patient. À moins que la déclaration ne soit rédigée par quelqu'un d'assermenté, tel un notaire, on ne peut imaginer que n'importe qui puisse rédiger une déclaration de volonté concernant certains types de prise en charge médicale d'une autre personne, a fortiori si la déclaration anticipée peut concerner l'arrêt actif de la vie du déclarant devenu inconscient. Par ailleurs, n'importe qui pourrait acter qu'une personne est dans l'impossibilité physique d'écrire et de signer une déclaration de volonté anticipée, de la rédiger et de la signer à la place de la personne concernée, et tout cela à l'insu même de la personne concernée. De sorte que, lorsque la personne concernée sombre dans l'inconscience, le médecin risque de prendre en considération une déclaration dont le patient, désormais « inconscient », ignorait l'existence et dont le contenu pourrait être en contradiction totale avec ses souhaits ! Le fait que l'alinéa précise que les deux personnes doivent avoir été choisies par le patient n'offre aucune garantie car cet élément est totalement incontrôlable.

Un membre rappelle que c'est pour rencontrer certaines circonstances particulières que l'alinéa en question a été inséré dans le texte.

Amendement nº 406

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 406) visant à remplacer l'alinéa 5 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Si cela s'avère impossible en raison de l'état du patient, cette déclaration peut se faire oralement en présence du médecin traitant et de deux témoins indépendants. Le médecin prend acte de cette manifestation orale de volonté et les deux témoins la cosignent. »

L'auteur de l'amendement indique que la solution alternative qu'elle propose est celle que suggéraient Mme Leduc et consorts, dans leur proposition de loi initiale. Cette solution tient mieux compte de la manière dont le patient peut encore s'exprimer.

Un membre déclare ne pas comprendre cette suggestion, qui va à l'encontre de la volonté exprimée par ailleurs de faire en sorte que le médecin puisse décider de façon objective et comme un tiers « extérieur ».

Or, l'amendement a pour conséquence de rendre le médecin partie à la déclaration anticipée, en assistant le déclarant qui est dans l'incapacité matérielle de s'exprimer.

D'autre part, le texte présuppose l'existence obligatoire d'un médecin traitant, ce qui est une conception peu libérale. Comment définir d'ailleurs le « médecin traitant » ?

Un autre membre considère que la formulation utilisée dans l'amendement nº 291 est meilleure que celle de l'amendement nº 406.

Le précédent intervenant ajoute que l'amendement reprend à nouveau la notion de témoin alors qu'il est, pour sa part, de l'avis d'une précédente oratrice, qui estimait que la notion de personne de confiance pourrait suffire.

Enfin, la rédaction de l'amendement est moins claire quant à l'impossibilité permanente de rédiger et de signer.

Un membre se rallie à l'opinion du précédent intervenant. Il ajoute qu'il ne faut pas que le dialogue entre médecin et patient se trouve limité, d'une façon ou d'une autre, par l'obligation d'être présent au moment où la personne procède à la déclaration devant deux témoins. Il pourrait même, à cet égard, y avoir une objection d'ordre déontologique.

En outre, si une plainte était ultérieurement déposée contre le médecin, ces témoins pourraient rendre la situation encore plus délicate.

L'auteur de l'amendement nº 406 estime que l'hypothèse d'une impossibilité matérielle de rédiger paraît assez hypothétique dans le cas d'une déclaration anticipée. De plus, personne ne vérifie cette impossibilité. Tout reposera donc sur la confiance que l'on fera aux témoins et à leur probité.

Par ailleurs, quelles formes devra revêtir la confirmation de la déclaration ? Une confirmation orale pourrait-elle suffire, ou faudra-t-il suivre la même procédure que pour la déclaration initiale ?

Un précédent orateur répond que c'est la personne elle-même qui va décider de son impossibilité physique de signer, sans qu'il faille prévoir toute une procédure de contrôle.

L'intervenant renvoie aux dispositions légales sur le testament où, même dans les Codes Larcier, il est précisé que le testament olographe est parfaitement valable, à partir du moment où il a été rédigé par une personne autre que le testateur, pour autant qu'il soit avéré que cela correspondait à la volonté de ce dernier, et qu'il n'ait pas été en état de le signer.

L'auteur de l'amendement nº 406 réplique que le texte prévoit, à propos de la déclaration anticipée, plus de limitations que pour un testament.

Amendement nº 316

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 316), selon lequel la personne qui est physiquement dans l'impossibilité de rédiger une déclaration doit aussi tenir compte des conditions qui valent généralement pour la rédaction d'une déclaration anticipée.

L'auteur principal pense que cela ne ressort pas du texte du cinquième alinéa. Il souhaite que soit explicitement indiqué dans le texte que les conditions établies dans les alinéas précédents doivent aussi être respectées dans ce cas. En effet, les conditions pour les personnes physiquement incapables de rédiger une déclaration doivent être au moins aussi sévères que les conditions courantes. C'est une exigence minimale. Quid, en effet, des personnes de confiance et des témoins ? Le cinquième alinéa mentionne des « personnes », alors que, dans le quatrième alinéa, le mot « témoins » est utilisé. Qu'en est-il de l'intérêt que de telles personnes peuvent avoir au décès de l'intéressé ?

Un membre annonce le dépôt d'un amendement qui répond à ces remarques. Le texte des quatrième et cinquième alinéas sera ainsi mis en concordance.

Amendementen nºs 317 et 426

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 317), qui vise à inscrire que la personne concernée n'a ou ne peut avoir aucun intérêt direct ou indirect au décès de celui qui rédige une déclaration anticipée.

L'auteur principal explique que cette description est plus large que le texte proposé par l'amendement nº 291 qui stipule seulement que l'intéressé ne peut avoir aucun intérêt matériel. On peut en effet agir pour d'autres motifs que le seul gain matériel. En effet, des intérêts moraux ou extra-patrimoniaux peuvent être en jeu. Le texte proposé par l'amendement nº 317 couvre tous les abus possibles et stipule qu'il ne peut y avoir l'ombre d'une confusion d'intérêts. Dans les circonstances envisagées, il est essentiel que cela soit clairement établi.

Un membre demande quels sont les intérêts autres que matériels qui sont visés par l'amendement nº 317.

L'orateur précédent donne l'exemple d'un intérêt purement émotionnel. Certains souhaitent la mort de quelqu'un pour des considérations purement émotionnelles.

Une membre indique que l'amendement nº 291 reprend la terminologie de l'article 3. Elle renvoie à la discussion qui a eu lieu à ce sujet ­ plus précisément à propos de l'amendement nº 158 ­ et affirme que le texte proposé par l'amendement nº 291 est parfaitement clair.

L'orateur précédent confirme que les mêmes remarques ont été formulées lors de la discussion de l'article 3. Il estime qu'une loi qui limite les éventuelles confusions d'intérêts aux intérêts purement matériels constitue une menace pour la société. Il doit en effet être clairement établi que les influences, quelles qu'elles soient, qui peuvent être exercées lors de la rédaction de la déclaration sont inadmissibles.

Un membre fait remarquer que chacun a un intérêt à ce que de nombreuses personnes continuent à vivre. Il est impossible d'exclure chaque intérêt émotionnel, intellectuel, social, religieux, social ou politique.

L'orateur précédent est disposé à déposer un amendement subsidiaire qui ne mentionnerait que de l'« intérêt direct ». Le mot « indirect » peut en effet donner l'impression que chacun a bien quelqu'intérêt dans la vie d'un autre.

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement dans ce sens (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 426), qui est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 317.

L'auteur principal renvoie à la théorie de l'intérêt dans les actions judiciaires de droit commun, théorie selon laquelle celui qui intente une action doit avoir un intérêt légitime dans l'affaire. Cet intérêt peut cependant être matériel ou immatériel, comme le démontrent nombre d'affaires concernant l'environnement. Limiter le texte à l'intérêt purement matériel n'est pas un bon signal.

Un membre répond que, contrairement à un autre, un intérêt purement matériel, peut être contrôlé. Il suggère donc de conserver le texte proposé.

Un autre membre trouve inopportun, voire impossible, pour un document facultatif, de « sonder les coeurs et les reins » des personnes qui sont intervenues, et d'entrer dans l'intimité des familles.

Qui pourrait d'ailleurs s'en charger ? Cette tâche ne revient pas au médecin, dont on ne cesse de prétendre qu'il a trop de pouvoir. Un contrôle a posteriori par le juge paraît très hypothétique.

Ce type de vérification va du reste à contre-courant de la tendance générale du droit civil, qui s'est toujours efforcé de ne pas aller trop loin dans l'investigation de l'intimité des familles.

Que l'on songe, par exemple, à la présomption de paternité, dont on sait que, dans 15 à 20 % des cas, elle ne correspond pas à la réalité.

Amendement nº 318

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 318) visant à remplacer, dans le texte néerlandais de l'amendement nº 291, les mots « materieel voordeel » par les mots « materieel belang ».

Un des auteurs de l'amendement explique que celui-ci est subsidiaire par rapport à l'amendement nº 317, au cas où on viserait quand même des aspects purement matériels. L'objectif des auteurs des amendements est d'exclure, autant que possible, toute pression. L'intervenant fait état de la lassitude à prodiguer des soins que peuvent éprouver les personnes de l'entourage immédiat de l'intéressé. Elles aussi peuvent donc avoir intérêt à ce que le patient meure.

Un membre attire l'attention sur le fait qu'il s'agit en réalité d'une correction matérielle de la version néerlandaise du texte, où le terme « intérêt » est traduit tantôt par « belang », et tantôt par « voordeel ».

Amendement nº 319

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 319) visant à préciser que la deuxième personne majeure ne peut non plus avoir aucun intérêt au décès de l'intéressé.

L'auteur principal renvoie aux justifications de ses amendements nºs 317 et 318.

Amendement nº 389

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 389) ayant pour objet d'apporter au § 1er de l'article 4 les modifications suivantes :

A) Remplacer, au 5e alinéa, la phrase « La déclaration doit alors préciser que le déclarant ne peut pas rédiger et signer et en énoncer les raisons. » par ce qui suit : « Le médecin traitant du patient acte dans la déclaration que le déclarant ne peut pas rédiger ni signer et en énonce les raisons. »

B) Insérer, également au 5e alinéa proposé, les mots « ainsi que le médecin traitant de celui-ci » entre les mots « déclarant » et « doivent dater et signer ».

L'auteur de l'amendement précise que l'on pourrait confier à des tiers la rédaction de la déclaration anticipée, à condition de prévoir un certain contrôle, par exemple, par le médecin traitant du déclarant.

La présence du médecin n'est pas inutile, non seulement pour informer le patient au niveau des possibilités de prise en charge, mais aussi, dans le cas particulier de patients qui sont dans l'impossibilité physique de rédiger leur déclaration eux-mêmes, pour contrôler cette impossibilité. Il paraît, en effet, surprenant de confier à un témoin le soin d'acter l'impossibilité physique du déclarant de rédiger sa déclaration anticipée de volonté et d'en énoncer les raisons.

Il semble plus logique en termes de compétence de confier ce rôle à un médecin. D'autant que pour les raisons déjà exposées précédemment, il est parfaitement possible à la lecture de l'alinéa 5 que deux témoins s'entendent pour rédiger une déclaration de volonté à l'insu du patient et en totale contrariété de ses souhaits. Même s'ils n'ont personnellement aucun intérêt matériel au décès du déclarant, ils peuvent avoir été « approchés » par des personnes qui ont intérêt au décès du déclarant. Dans le cas précis visé à l'alinéa 5, le médecin contresignera la déclaration.

Une membre estime que l'amendement nº 389 constitue un ajout important. Il est essentiel à ses yeux, que lorsque l'intéressé ne peut plus rédiger lui-même une déclaration de volonté, un médecin indique pour quelles raisons il en est ainsi. Il ne suffit pas que le médecin contresigne et date la déclaration de volonté; il doit réellement être associé à la rédaction de la déclaration de volonté.

Un autre membre rappelle qu'il semblait y avoir consensus sur le caractère indicatif de la déclaration. Dès lors, prévoir des obligations comme s'il s'agissait d'un acte officiel à portée impérative est une voie dans laquelle il vaut mieux ne pas s'engager.

Amendement nº 419

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 419) visant à décrire, au cinquième alinéa du § 1er de l'article proposé, le rôle incombant aux personnes de confiance pour les personnes qui ne sont physiquement pas à même de rédiger une déclaration de volonté.

L'auteur principal de l'amendement souligne qu'il n'est pas question de ces personnes de confiance au cinquième alinéa, qui concerne les patients ne pouvant plus rédiger de déclaration de volonté, alors qu'elles sont mentionnées dans les autres alinéas, qui concernent tous les autres patients. Le groupe des patients les plus vulnérables bénéficie apparemment de moins de garanties que ceux qui sont encore en bonne santé. L'amendement nº 419 entend remédier à cette discordance.

Un membre répond qu'il est clair que le document doit désigner, s'il échet, la personne de confiance, y compris dans le contexte de l'alinéa 5.

Amendement nº 320

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 320) visant à compléter le cinquième alinéa du § 1er de l'article 4 proposé par une disposition selon laquelle le médecin consulté et les membres de l'équipe soignante ne peuvent agir en qualité de personnes désignées.

Un membre souligne que les dispositions relatives à la ou aux personne(s) de confiance, et la règle selon laquelle le médecin traitant, le médecin consulté et les membres de l'équipe soignante ne peuvent être désignés comme personnes de confiance, restent d'application dans l'hypothèse où la personne est dans l'impossibilité physique de rédiger elle-même sa déclaration.

Amendement nº 418

MM. Geens et Remans déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 418) visant à supprimer le sixième alinéa du § 1er de l'article proposé.

Un des auteurs de l'amendement estime que le délai de cinq ans doit être supprimé. On ne prévoit pas non plus de durée de validité pour un testament. Quiconque souhaite modifier une déclaration de volonté peut le faire à tout moment. Pourquoi alors prévoir une durée de cinq ans ? Des situations injustes peuvent en effet se présenter, où une personne qui a rédigé et confirmé une déclaration de volonté en état de conscience se trouve plongée, juste après l'échéance de ce délai, avec la conséquence que sa déclaration n'est plus valable. Ce genre de situations arrive très souvent. L'intervenant pense qu'une déclaration de volonté doit rester valable tant qu'elle n'est pas révoquée. Le délai de cinq ans n'apporte rien de plus.

Un membre estime qu'il y a une différence fondamentale entre, d'une part, la rédaction d'un testament dans lequel on dispose des biens que l'on aura au moment du décès et, d'autre part, celle d'une déclaration de volonté au sens de la proposition à l'examen, dans laquelle on dispose sur sa vie. La vie étant le bien suprême, on est plus souple en ce qui concerne la rédaction du testament, qui ne porte en fait que sur un patrimoine, c'est-à-dire sur la capacité d'acquérir. Il n'est pas obligatoire de rédiger un testament puisqu'il existe une réglementation légale qui partage le patrimoine entre les héritiers. Une partie de cette réglementation concerne les « héritiers réservataires » et est même contraignante : on ne peut y déroger.

La situation est toute autre en ce qui concerne la déclaration de volonté, puisqu'il s'agit d'une déclaration anticipative par rapport à une situation dans laquelle on pourrait éventuellement se trouver en fin de vie. La déclaration de volonté se prononce sur la possibilité de traiter une maladie, au cas où on se trouverait dans une situation déterminée. Le libre arbitre suppose aussi une information correcte et complète (« informed consent »). Le délai prévu à l'article 4 y a précisément été inscrit pour tenir compte de l'évolution des connaissances médicales. Il peut en effet apparaître plus tard que certaines maladies, auxquelles l'intéressé pensait lorsqu'il rédigeait sa déclaration de volonté, sont devenues soignables alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant.

Un autre membre estime que la comparaison entre la rédaction d'un testament et la rédaction d'une déclaration anticipée n'a pas de sens. Le testament est un élément du droit réel et il concerne la destination des biens après la mort. On ne peut pas comparer cela avec la vie, qui n'est pas un simple bien.

L'intervenante souligne également que des études psychologiques ont montré que le monde des maladies était totalement étranger aux jeunes. En effet, dans bien des cas, il ne sont pas encore conscients des risques liés au tabagisme ou à certains comportements sexuels, étant donné qu'ils n'ont pas encore été confrontés à des personnes atteintes d'un cancer ou du sida. On peut donc très bien imaginer que des jeunes soient amenés à rédiger une déclaration anticipée indiquant qu'ils souhaitent que l'on pratique sur eux l'euthanasie au cas où ils deviendraient déments. Il est donc indispensable de prévoir un délai de validité pour la déclaration anticipée, laquelle devra être confirmée le plus souvent possible. On pourra ainsi déterminer autant que faire se peut quelle est la volonté réelle de la personne en question. Ce serait tout à fait impossible si la déclaration datait, par exemple, d'il y a 20 ans.

Un membre estime que l'amendement montre bien toute l'ambiguïté de la déclaration anticipée appliquée à la situation envisagée.

L'intervenante remarque que chacun peut toujours écrire ce qu'il veut dans un document. Le problème réside dans la valeur que l'on donne à ce document.

L'ambiguïté vient ici de ce qu'au § 1er, on prévoit les modalités selon lesquelles une déclaration anticipée doit être rédigée, mais que c'est au § 2 que l'on trouve les dispositions relatives au fait que le médecin peut ou non prendre en compte cette déclaration.

On pourrait donc, au § 1er, supprimer le délai prévu, et indiquer que la déclaration peut être faite, adaptée on retirée à tout moment, mais préciser au § 2 que le médecin, lui, ne peut la prendre en compte que pour autant qu'elle ait été rédigée dans telles conditions et tel délai.

Enfin, l'argument de l'oubli, invoqué dans la justification de l'amendement, est valable dans un sens comme dans l'autre.

Un des auteurs de l'amendement nº 418 est convaincu qu'en fixant un délai, on fera des victimes, quoi qu'il advienne. On doit partir du principe que chacun doit pouvoir modifier sa déclaration anticipée à n'importe quel moment. Quid lorsque certaines personnes sont dans le coma pendant une longue période ou sont victimes d'un infarctus cérébral qui leur fait perdre conscience ? À ce moment-là, elles n'ont plus la possibilité de rédiger ou de confirmer une déclaration anticipée et le délai en question peut arriver à expiration, si bien que l'on se trouve dans l'impossibilité d'exécuter leur volonté.

Une membre estime que les exemples cités par le préopinant concernent des incapables. Or, le but était que l'article 4 ne concerne pas les incapables.

Le préopinant précise qu'il est possible qu'une personne qui tombe dans le coma ou qui est victime d'un infarctus cérébral perde conscience et se réveille au bout de plusieurs années pour tomber ensuite dans un état totalement végétatif. Pendant la période intermédiaire, cette personne est incapable et elle n'est pas totalement « consciente ». Elle peut par exemple être victime d'hallucinations. Pendant ce temps, cette personne est donc dans l'impossibilité de rédiger ou de confirmer une déclaration anticipée pour la période ultérieure au cours de laquelle elle entrera dans un état neuro-végétatif. Il se peut que le délai de 5 ans soit déjà arrivé à expiration et qu'on ne puisse pas répondre à la volonté de l'intéressé.

L'intervenante précédente en déduit que le préopinant souhaite élaborer une réglementation pour les personnes incapables.

Ce préopinant dit ne pas être d'accord sur ce point. Il veut simplement éviter que, dans l'exemple cité, le délai de 5 ans expire sans que l'intéressé ait la possibilité de confirmer sa déclaration anticipée et qu'il soit dès lors impossible d'exécuter sa volonté.

La préopinante ne comprend pas très bien comment on peut appeler une telle personne une « victime ». Elle estime que le préopinant se situe aux limites de ce qui est souhaitable, car on ne voit pas bien s'il veut ou non faire appliquer le régime proposé aux incapables. Le fait qu'il soit question d'« appliquer la déclaration anticipée » dans l'amendement nº 418 indique également que cette déclaration constitue plus qu'une indication. Par conséquent, cet amendement risque de permettre l'euthanasie sur la base d'une déclaration anticipée faite par un incapable. C'est une piste particulièrement dangereuse.

Le préopinant réplique que le problème vient précisément de ce que les incapables se trouvent dans l'impossibilité de rédiger et de confirmer leur déclaration anticipée, ce qui revient à dire que seules les personnes capables sont en mesure de rédiger une déclaration de volonté.

Amendements nºs 367 et 410

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 367), tendant à remplacer l'alinéa 6 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« La déclaration doit avoir été confirmée régulièrement en tout état de cause, dans un délai rapproché du début de l'impossibilité de manifester sa volonté. Elle n'a cependant que valeur indicative pour le médecin. »

Le même membre dépose également à ce sous-amendement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 410), tendant à insérer, après la première phrase, la phrase suivante : « Ce délai ne peut être inférieur à un an. »

L'auteur estime que ce n'est pas au § 1er qu'il convient de préciser les conditions auxquelles la déclaration peut être prise en compte.

Au § 1er, on prévoit qu'une personne peut faire une déclaration anticipée dans laquelle elle demande l'euthanasie.

Quant au fond, l'auteur trouve très long le délai de cinq ans prévu par l'amendement nº 291. En cinq ans, les choses peuvent évoluer de façon considérable.

Le patient, au moment où il rédige la déclaration, ne se trouve pas, par définition, dans les conditions où il se trouverait au moment où le médecin serait amené à la prendre en compte.

Cette déclaration ne peut en aucune manière être mise sur le même pied qu'une demande constante et réitérée au sens de l'article 3.

Certains patients, notamment des patients âgés, peuvent avoir perdu de vue qu'ils ont fait une telle déclaration.

Compte tenu de la gravité de l'acte qui pourrait être posé, il faut être plus strict. Des confirmations à intervalles réguliers sont souhaitables, et le délai séparant la déclaration ou sa confirmation du début de l'impossibilité de manifester sa volonté doit être plus court.

Deux formules sont proposées : un délai « rapproché », sans autre précision (parce que tout délai revêt nécessairement un certain arbitraire), ou un délai d'un an.

L'amendement nº 367 précise aussi que la déclaration n'a qu'une valeur indicative pour le médecin, comme du reste, la demande visée à l'article 3.

Un membre souscrit à ces amendements parce qu'ils répondent à des préoccupations qu'il avait déjà exprimées, et remplacer respectivement les mots « testament de vie » et « mandataires » par « déclaration anticipée » et « personne de confiance », qui est proposé par l'amendement nº 291, est également une bonne chose. Le membre se réjouit également de voir qu'on a supprimé la phrase suivant laquelle le mandataire devait veiller à l'application de la déclaration anticipée.

Le membre continue néanmoins à s'interroger sur les suites précises qu'un médecin doit donner à une déclaration anticipée. D'aucuns ont déjà dit expressément qu'une déclaration anticipée ne peut jamais obliger le médecin à poser un acte et qu'elle ne peut dès lors avoir qu'une valeur indicative. Or, cela ne ressort pas explicitement de l'amendement nº 291. Si l'on est d'accord pour dire qu'une déclaration anticipée ne peut avoir qu'une valeur indicative, il peut le mentionner expressément dans le texte.

En outre, l'intervenante déclare que le délai de cinq ans lui pose problème : il s'agit d'un délai très long au regard du rythme d'évolution de la science médicale. En effet, les perspectives de guérison des malades évoluent très rapidement. Une confirmation « régulière » ou « annuelle » de la déclaration de volonté paraît dès lors indiquée.

Un autre membre rappelle que le texte décrit les conditions auxquelles une déclaration peut être prise en compte pour qu'il n'y ait pas infraction. Il ne faut donc pas inverser la logique.

Quant au délai de cinq ans, il s'agit d'une question d'appréciation.

Mais on peut difficilement imaginer qu'une telle déclaration soit rédigée de façon anecdotique, alors qu'elle concerne le destin même du déclarant.

Si l'on souhaite que cette déclaration ait une certaine importance, il faut que l'on sache, au moment où on la signe, qu'en tout état de cause, elle doit être renouvelée.

Un autre membre encore ajoute que la réponse aux amendements se trouve exprimée clairement dans l'amendement nº 291 : « La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté. »

Quant au délai d'un an, l'intervenant ne l'estime pas sérieux. Il mettrait en place une sorte de système purement administratif et répétitif qui ne cadre pas avec ce qu'ont voulu les six auteurs.

Du reste, le déclarant peut changer sa déclaration aussi souvent qu'il le désire.

Enfin, l'intervenant confirme une fois encore le caractère indicatif de la déclaration anticipée.

Un membre souscrit aux interventions précédentes au sujet de la valeur indicative de la déclaration anticipée et de la durée relativement courte que représente une période de 5 ans dans ce contexte. Les gens peuvent passer d'une situation dans laquelle ils sont parfaitement capables d'agir et d'exprimer leur volonté à une situation dans laquelle ils ne sont plus conscients et par conséquent, incapables d'agir et incapables d'exprimer leur volonté, ou encore à une situation dans laquelle ils sont dans un état purement végétatif. Un délai de cinq ans est donc très court.

L'auteur de l'amendement nº 367 répond qu'elle s'efforce de suivre la logique que les six auteurs ont eux-mêmes voulue à l'article 3, où la notion de « demande réitérée et persistante » a été largement discutée, et où il a été prévu que le médecin devait s'assurer que cette demande répondait bien aux conditions prévues par la loi.

L'intervenante estime que, dans le contexte d'une déclaration anticipée et d'un patient inconscient, le moins que l'on puisse faire est de prévoir également, dans le processus préalable, le même type de précaution qu'à l'article 3 quant à la volonté réitérée de la personne.

Le délai de cinq ans prévu par l'amendement nº 291 lui paraît en tout cas beaucoup trop long.

Une membre fait référence aux conditions de fond pour l'euthanasie qui sont définies à l'article 3 de la proposition de loi à l'examen. Il y est question d'une demande volontaire, réfléchie et répétée formulée dans une situation de souffrance qui ne peut être apaisée et qui ne résulte pas d'une pression extérieure.

En l'espèce, dans la logique d'une déclaration d'euthanasie, on abandonne complètement cette piste et on affirme qu'une confirmation tous les 5 ans est suffisante. Il y a lieu de noter que, pour cette confirmation, il n'est pas nécessaire d'accomplir à nouveau toutes les formalités, comme celle qui consiste à désigner une personne de confiance, à veiller à la présence de témoins, etc. Une simple confirmation de l'intéressé suffit. En passant, le texte précise que la déclaration anticipée peut être retirée à tout moment, mais il n'indique pas comment cela doit se faire concrètement, alors qu'il prévoit des formalités légales pour ce qui est de la rédaction de la déclaration. Comment apporter la preuve qu'une déclaration a été retirée ?

Un membre répond que, dans ce cas, le patient retire tout simplement sa déclaration et la problématique de l'euthanasie ne se pose plus.

L'intervenante précédente ne voit pas comment on pourrait apporter la preuve du retrait de la déclaration de volonté lorsque celle-ci a été retirée verbalement en présence d'un médecin et que ce dernier ne fait pas suivre l'information auprès de qui de droit. En pareil cas, il y a une déclaration de volonté écrite, mais l'on ne peut pas prouver qu'elle a été retirée. Ce problème pourrait être résolu si le signataire confirmait sa déclaration à intervalles réguliers.

Un membre conteste la pertinence juridique du parallèle entre l'alinéa 3 et l'article 4, fait par une précédente intervenante.

Le § 2 de l'article 4 fixe une série de conditions, comparables à celles de l'article 3, mais, bien évidemment, adaptées à la situation spécifique d'inconscience que l'on vise.

Amendements nºs 321, 421, 422 et 423

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 321) un sous-amendement tendant à ramener à un an le délai de cinq ans visé à l'alinéa 6 du § 1er de l'article 4 proposé.

M. Vandenberghe dépose, en ordre subsidiaire, un amendement (doc. Sénat nº 2-244/16, amendement nº 421) tendant à ramener ce délai de cinq ans à deux ans. Il dépose aussi plusieurs amendements (doc. Sénat, nº 421) et amendement nº 423 (sous-amendement nº 422), qui inscrivent un délai fixé à respectivement trois et quatre ans à l'article 4 proposé.

L'auteur des amendements renvoie aux déclarations des auteurs de l'amendement nº 291, qui estiment que le délai de cinq ans est déjà fort court. Bien que tel soit effectivement le cas à l'échelle de l'éternité, ce délai est assez long à l'échelle d'une vie humaine. La théorie de la prescription en matière civile, selon laquelle certaines conditions n'ont plus d'effets juridiques au bout d'un certain temps, est basée sur le fait qu'il s'est écoulé une période trop longue entre le moment du fait et le jugement. Quiconque intente une action contre un médecin, par exemple, doit le faire dans un délai de trois ans. Au-delà de ce délai, il est trop tard et l'action s'éteint. C'est pourquoi le législateur considère qu'une période de trois ans est une période fort longue. Le délai de prescription prévu pour les crimes est cependant plus long.

Dans la présente matière, la déclaration de volonté doit être rédigée en connaissance de cause et il est souhaitable de ne pas laisser s'écouler un délai trop long entre le moment de l'évaluation d'un événement futur potentiel et le moment où cet événement se produit.

Amendement nº 322

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 322) tendant à préciser que la déclaration de volonté n'a qu'une valeur purement indicative.

L'auteur principal considère que, si tel est le cas, il faut préciser dans le texte néerlandais qu'il peut (« kan ») être tenu compte de la déclaration de volonté. Il convient d'éviter toute ambiguïté sur ce point.

Un membre renvoie à la formulation de l'amendement nº 291, où l'on peut lire : « La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté ».

L'intervenant précédent estime que le texte néerlandais proposé par l'amendement nº 291 ne dit pas la même chose que l'amendement nº 322. Le texte français exprime mieux l'intention des auteurs.

Un membre déclare que, si le médecin a connaissance de l'existence d'une déclaration anticipée du patient, quelle qu'en soit l'époque, cela constituera pour lui un élément d'appréciation. C'est dans le processus qui suit, et dans la permission de la loi au médecin, que se situe le problème.

La rédaction du texte comporte, comme déjà indiqué, une certaine ambiguïté.

Un précédent intervenant précise que le sens du texte de l'article 4 contenu dans l'amendement nº 291 est bien que, dans le cadre de la proposition de loi, la déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été rédigée dans les cinq ans qui précèdent.

Amendement nº 390

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 390) qui a pour but, à l'alinéa 6 du § 1er de l'article 4 proposé, de remplacer les mots « La déclaration ne peut être prise en compte » par les mots « La déclaration n'a pas de valeur contraignante pour le médecin et ne peut être prise en compte ».

Cet amendement vise à prévoir explicitement dans le texte que la déclaration n'a pas de valeur contraignante, puisqu'il semble y avoir consensus à ce sujet.

Amendements nºs 391 et 392

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 391), tendant à remplacer les mots « moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté » par les mots « récemment, à un moment où le patient était en mesure de comprendre pleinement la portée de sa déclaration et l'évolution de son état de santé. »

L'auteur de l'amendement admet qu'il peut paraître quelque peu arbitraire de prévoir un délai strict dans lequel la déclaration doit avoir été rédigée ou confirmée.

Ce qu'elle souhaite surtout, c'est que le moment où la personne exprime sa volonté soit le plus rapproché possible de l'évolution de l'état de santé du patient.

Il importe d'intégrer la dimension évolutive non seulement de l'état physique ou mental du déclarant, mais aussi des relations humaines (en ce qui concerne les personnes de confiance désignées dans la déclaration) et de garantir au patient plus de sécurité juridique en réduisant la « durée de validité » de ce type de déclaration et donc également de celle de la désignation de la personne de confiance. Le caractère figé de la déclaration et donc de la désignation de la personne de confiance, d'application pour une durée de cinq ans, occulte cette dimension évolutive. Le médecin risque de se retrouver face à une personne de confiance « sur papier » dont les relations avec le malade se sont dégradées. Par ailleurs, il est important que le déclarant puisse rédiger la déclaration à un moment où il est le plus à même de comprendre la situation qu'il évoque sur papier. Un déclarant parfaitement en bonne santé ne peut pas toujours comprendre la portée de la déclaration qu'il rédige, a fortiori s'il sombre dans l'inconscience à la suite d'un événement subit et imprévisible tel un accident.

Cet amendement est lié à l'amendement nº 392 du même auteur (doc. Sénat, nº 2-244/16) qui vise à remplacer, au même alinéa, les mots « moins que cinq ans » par les mots « moins d'un an ».

Un membre fait observer, à propos des mots « et l'évolution de son état de santé », contenus dans l'amendement nº 391, qu'il ne voit pas comment l'on peut informer quelqu'un d'avance au sujet de l'évolution de son état de santé.

Amendement nº 420

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 420) tendant à ajouter que la déclaration de volonté doit avoir date certaine pour que l'on puisse en tenir compte.

Un des auteurs précise que, si l'on travaille avec des délais, il faut inscrire une date de début dans la loi.

Un membre déclare qu'il lui paraît résulter clairement du texte que la déclaration doit être datée, et que cette date est d'ailleurs également nécessaire pour apprécier le délai de cinq ans fixé par le texte.

Un autre membre fait remarquer que, si une déclaration est déposée à la maison communale aux fins d'y être enregistrée, l'on dispose automatiquement d'une date fixe.

Un autre membre encore fait observer que le concept de « date certaine » a une portée juridique précise. Un document n'a date certaine que lorsqu'il répond à certaines conditions.

Amendement nº 323

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 323), visant à compléter le sixième alinéa du § 1er de l'article proposé par une disposition selon laquelle, au moment où il rédige sa déclaration de volonté, le patient doit connaître la portée de la maladie qu'il décrit et avoir été pleinement informé de son état de santé, de l'évolution de sa maladie ainsi que des possibilités de traitement.

Un des auteurs de l'amendement estime que les conditions énumérées ci-dessus constituent un élément important lorsque la demande d'euthanasie est formulée conformément à l'article 3. Selon elle, ces conditions sont toutes aussi importantes au moment de rédiger la déclaration de volonté. Si par exemple un patient atteint de sclérose multiple rédige une déclaration de volonté dans laquelle il demande l'euthanasie s'il atteint un stade déterminé de sa maladie, il semble indispensable qu'il soit au courant de l'évolution de la maladie dont il souffre. Ce n'est qu'à ce moment qu'il peut, en tenant compte de toutes les informations pertinentes, exprimer sa volonté par écrit.

Un membre fait observer que les personnes qui rédigent une déclaration anticipée peuvent se trouver dans des situations très variables.

Le poids d'une telle déclaration peut, aux yeux du médecin, être très différent selon que la déclaration a été rédigée, de façon théorique, par une personne en pleine santé ou, au contraire, par une personne déjà atteinte d'une maladie grave et évolutive.

Il y a donc une certaine logique à prévoir un dialogue avec un médecin sur la façon dont les choses peuvent évoluer.

Amendement nº 324

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 324), visant à compléter le texte proposé en indiquant que la déclaration de volonté ne lie pas le médecin et ne peut être prise en considération que si le patient a été pleinement informé de sa maladie, de l'évolution de celle-ci et des possibilités de traitement.

Un des auteurs fait remarquer que le texte proposé par l'amendement nº 291 ne met aucune condition à la force juridique et à l'applicabilité de la déclaration écrite.

L'article 9 de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine confirme que la volonté précédemment exprimée du patient doit être en rapport avec une intervention médicale dans une situation que le patient peut prévoir; par conséquent, il y a lieu de disposer que la déclaration de volonté ne pourra être prise en compte que si le patient peut apprécier pleinement la portée de sa maladie et son déroulement.

Pour cela, il est nécessaire également que le patient ait été suffisamment informé (informed request).

Enfin, cette déclaration écrite n'a aucune force obligatoire pour le médecin; elle n'est qu'un élément d'interprétation dont il peut tenir compte pour prendre sa décision dans le cas où le patient ne peut plus exprimer sa volonté. Cette façon de voir a d'ailleurs été confirmée à maintes reprises pendant les auditions.

En outre, il est possible que le patient ait exprimé ses souhaits longtemps auparavant et que les progrès accomplis depuis par la science fassent qu'il existe des raisons de ne pas se conformer à la volonté du patient. Le médecin doit donc se convaincre que les souhaits du patient s'appliquent à la situation présente et qu'ils restent valables, compte tenu en particulier des progrès techniques réalisés en médecine.

Eu égard à la liberté thérapeutique dont il jouit, le médecin qui n'approuve pas le choix du patient doit également avoir la possibilité de décider de ne pas tenir compte de la volonté précédemment exprimée.

Un membre répète que la liberté thérapeutique du médecin reste entière. Devant une déclaration anticipée, son attitude sera déterminée par sa manière personnelle d'envisager les choses. Comme déjà indiqué, il résulte d'un article paru récemment que les médecins estiment que l'existence d'une déclaration anticipée constitue pour eux une aide.

Par ailleurs, il paraît impossible de soumettre à la personne, au moment où elle rédige cette déclaration, l'ensemble des possibilités susceptibles de se réaliser par rapport à son état de santé. Par contre, le déclarant peut exprimer ses volontés dans l'hypothèse générale d'une maladie incurable, et d'un état d'inconscience irréversible.

Selon un des auteurs de l'amendement nº 324, lorsque survient effectivement un syndrome concret que l'intéressé a décrit dans sa déclaration de volonté, il faut qu'un entretien puisse avoir lieu entre le patient et le médecin, qui est au courant de l'existence de la déclaration de volonté de par l'obligation d'enregistrement. Cette condition est posée explicitement à l'article 3 de la proposition à l'examen, où il est prévu que le médecin et le patient doivent, ensemble, examiner s'il n'existe pas d'autres solutions thérapeutiques que l'euthanasie. Il semble dès lors logique que pareil entretien ait lieu dès le début de la maladie décrite. Lorsque le patient se trouvera en état d'inconscience, il sera en effet trop tard. La déclaration de volonté doit être évoquée en début de maladie.

Un membre estime que l'on ne peut plus raisonner comme par le passé, et considérer qu'un individu est suivi, de son enfance à sa mort, par le même médecin traitant, avec lequel il entretient une relation de confiance.

Sans doute aura-t-il une telle relation avec différents médecins. Sans doute aussi changera-t-il de médecin au cours de sa vie.

D'autre part, on ne peut exiger que le déclarant ait, lors de sa déclaration et à chaque confirmation ou modification de celle-ci, un contact avec un médecin. C'est la volonté de la personne qui s'exprime dans la déclaration anticipée, et il ne faut pas vouloir à tout prix et en toutes circonstances y faire interférer un tiers, fût-il médecin.

L'intervenant ne peut accepter cette vision protectionniste et quasi-mécaniste des choses.

Un des auteurs de l'amendement nº 324 répond que l'on l'objecte constamment qu'il est impossible d'être pleinement informé sur une maladie dont on ne sait même pas si on en sera atteint ou non. C'est exact. Mais il s'agit ici de l'information qui doit être fournie au patient lorsqu'il se rapproche tout doucement de la phase où sa vie prendra fin, à savoir au début de la maladie qu'il a décrite, afin d'éviter au maximum les abus.

Le précédent intervenant déclare qu'il va de soi que le médecin que l'on vise est celui qui est confronté à la déclaration anticipée et qui se demande s'il doit y donner suite, et non le médecin traitant qui peut ne pas encore avoir vu le patient depuis longtemps.

Un des auteurs de l'amendement nº 324 se demande si les déclarations de volonté ne sont communiquées qu'aux médecins qui sont disposés à pratiquer l'euthanasie ou aussi au médecin traitant du patient. Dans la deuxième hypothèse, il semble indiqué que le médecin traitant s'entretienne de la déclaration de volonté avec le patient, de façon à pouvoir lui donner le plus d'informations possible précisément sur l'évolution de la maladie dont il souffre. Il semble utile de le préciser.

Un membre répond qu'on peut bien sûr le faire, mais qu'il ne convient pas de l'imposer.

Amendement nº 325

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 325) visant à insérer explicitement dans le texte une disposition selon laquelle le médecin traitant n'est pas lié par la déclaration de volonté.

Une des auteurs de l'amendement se réfère aux discussions précédentes concernant la valeur indicative de la déclaration de volonté. Si tout le monde convient que le médecin ne peut pas être lié par la déclaration de volonté, il semble indiqué de le préciser dans le dispositif de l'article 4. L'intervenante rappelle les propos de certains médecins, qui ont déclaré qu'en matière de prescriptions, ils étaient parfois pris en otage par le patient. Le risque qu'ici également, la pression exercée sur le médecin puisse parfois être considérable, n'est pas inexistant. Le but n'est bien entendu pas de toucher à la liberté thérapeutique du médecin, mais l'intervenante ne voit pas d'objection à prévoir dans le texte que la déclaration de volonté a une valeur purement indicative.

Un membre répond que c'est parce qu'un article spécifique ­ en l'occurrence l'article 6 ­ existe, qui prévoit de façon claire qu'aucune contrainte ne peut être exercée sur le médecin. Cet article vaut pour l'ensemble des situations visées par la loi.

L'intervenant estime pour le surplus que la comparaison opérée avec la pression qui peut être exercée à propos de la prescription de médicaments n'est pas pertinente.

Amendement nº 326

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 326) visant à prévoir que l'enregistrement de la déclaration de volonté via le registre nationale ne peut avoir lieu qu'à la demande par écrit de l'intéressé.

Une des auteurs de l'amendement estime que la réglementation proposée par l'amendement nº 291 va très loin et risque de s'enliser dans des formalités administratives de toutes sortes. Il faut que le Registre national non seulement conserve toutes les déclarations, mais les communique également aux médecins. L'intervenante souscrit à l'objectif de garantir aux patients qui se trouvent en « état d'inconscience » que les médecins concernés auront connaissance de leur déclaration de volonté, mais constate que l'on crée en l'ocurrence un système très formaliste.

Des problèmes risquent en outre de se poser en ce qui concerne la protection de la vie privée, puisque les données conservées par le Registre national servent aussi de plus en plus souvent aux enquêtes statistiques. De nombreuses personnes peuvent donc vérifier qui a rédigé une déclaration de volonté et qui pas. L'intervenante répète les critiques qu'elle a formulées à propos de la possibilité que des pressions sociales soient exercées sur certains groupes de personnes pour qu'elles rédigent une déclaration de volonté.

Voilà la raison de la garantie prévue à l'amendement nº 326, qui fournit également aux intéressés une certaine possibilité de contrôle.

Selon l'auteur principal de l'amendement nº 326, les informations au sujet de la déclaration de volonté qui seraient inscrites au Registre national pourraient être qualifiées incontestablement d'informations médicales. Elles sont en effet destinées à être communiquées aux médecins. La communication d'informations extrêmement confidentielles doit, selon l'intervenant, être soumise à la Commission de la protection de la vie privée, conformément aux dispositions de la loi sur la vie privée de 1992. Des conventions internationales règlent également la protection des données médicales et prévoient des procédures particulières pour ce qui est de leur communication à des tiers.

Un membre répond que le Roi aura à vérifier si les arrêtés qu'il prend en ce qui concerne la conservation correspondent aux exigences de la loi. Un système existe déjà pour la conservation de données également très sensibles, puisqu'elles ont trait au don d'organes.

Le Roi a organisé la manière dont l'information concernant le refus ou l'acceptation de dons d'organes est conservée.

Certains formulaires prévoient d'ailleurs la possibilité de marquer explicitement son accord sur de tels dons alors que la loi ne prévoit que la possibilité de les refuser.

En la matière, les citoyens peuvent faire une déclaration à la maison communale. Celle-ci signale l'existence de la déclaration au Registre national. C'est une structure spécifique au ministère de la Santé qui est détentrice des documents, et qui a l'autorisation d'en parler.

La procédure mise au point doit évidemment respecter les règles relatives à la protection de la vie privée.

L'auteur principal de l'amendement nº 326 attire l'attention sur la disposition de l'article 22, alinéa 1er, de la Constitution :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi. »

La Constitution donne donc au législateur fédéral la compétence pour déterminer les exceptions au droit à la vie privée. La protection des droits fondamentaux en général est en effet une matière fédérale, comme l'ont déjà confirmé divers avis du Conseil d'État.

L'alinéa 2 de l'article 22 de la Constitution prévoit toutefois que :

« La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit. »

Il est donc clairement souligné, dans ce deuxième alinéa, que les entités fédérées doivent toujours, lors de l'exercice de leurs compétences, respecter les garanties définies au premier alinéa.

L'article 6 de la Convention du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, approuvé par la Belgique par la loi du 17 juin 1991 (Moniteur belge du 30 décembre 1993), prévoit ce qui suit :

« Les données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions politiques, les convictions religieuses ou autres convictions, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle, ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées. Il en est de même des données à caractère personnel concernant des condamnations pénales. »

Cette convention offre donc une protection juridique particulière contre le traitement automatique des données à caractère personnel lorsque celles-ci ont trait, notamment, à la santé de l'intéressé.

Dans l'ordre juridique interne belge, deux textes de loi sont pertinents en la matière, à savoir la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et celle du 11 décembre 1998. Cette dernière doit, conformément à l'article 52, entrer en vigueur à une date à fixer par la voie d'un arrêté royal. Jusqu'à ce jour, l'entrée en vigueur n'a toutefois pas encore pu avoir lieu en l'absence d'arrêtés d'exécution.

L'article 7 de la loi du 8 décembre 1992 prévoit ce qui suit :

« Les données médicales à caractère personnel ne peuvent être traitées que sous la surveillance et la responsabilité d'un praticien de l'art de guérir. Sont considérées comme données médicales toutes données à caractère personnel dont on peut déduire une information sur l'état antérieur, actuel ou futur de la santé physique ou psychique, à l'exception des données purement administratives ou comptables relatives aux traitements ou aux soins médicaux.

Toutefois, ces données peuvent être traitées, hors la surveillance et la responsabilité d'un praticien de l'art de guérir, avec le consentement spécial donné par écrit par l'intéressé.

Les personnes qui interviennent dans le traitement de ces données ou qui y accèdent doivent être désignées nominativement par le responsable du traitement. Le contenu et l'étendue de l'autorisation d'accès sont définis pour chaque personne autorisée. Dans le registre régulièrement tenu à jour, il est fait mention des personnes désignées nominativement, ainsi que du contenu et de l'étendue de l'autorisation.

Sauf dérogation prévue par ou en vertu de la loi, il est interdit de communiquer ces données à des tiers. Elles peuvent toutefois être communiquées à un praticien de l'art de guérir et à son équipe médicale moyennant consentement spécial donné par écrit par l'intéressé ou en cas d'urgence aux fins de son traitement médical.

Lorsque la dérogation visée à l'alinéa 4 est prévue en vertu de la loi, la Commission de la protection de la vie privée rend un avis préalable. »

Une disposition prévoyant que le Roi règle les modalités du traitement de ces données ne remplit donc pas les conditions définies à l'article 7 de ladite loi. Le Roi ne peut en effet pas modifier la loi puisqu'il n'a pas reçu pouvoir pour ce faire. Dans le texte figurant dans l'amendement nº 291, il n'est d'ailleurs nulle part question de l'avis de la Commission de la protection de la vie privée.

Une disposition similaire figure d'ailleurs à l'article 10 de la loi du 11 décembre 1998, qui remplace l'article 7 de la loi du 8 décembre 1992, mais n'est pas encore entré en vigueur :

« § 4. Le traitement des données à caractère personnel relatives à la santé peut, sauf dans le cas d'un consentement écrit de la personne concernée ou lorsque le traitement est nécessaire pour la prévention d'un danger concret ou la répression d'une infraction pénale déterminée, uniquement être effectué sous la responsabilité d'un professionnel des soins de santé.

Le Roi peut, après avis de la Commission de la protection de la vie privée et par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, déterminer les catégories de personnes qui sont considérées comme des professionnels des soins de santé pour l'application de la présente loi.

Lors d'un traitement de données à caractère personnel visées au présent article, le professionnel des soins de santé et ses préposés ou mandataires sont soumis au secret. »

Le ministre de la Justice a annoncé qu'il proposerait sous peu les mesures d'exécution nécessaires au Conseil des ministres, pour que la loi puisse entrer en vigueur rapidement. L'intervenant estime qu'il faudrait adapter le texte de l'amendement nº 291 même si la loi de 1998 était déjà applicable.

L'intervenant considère que le dernier alinéa du § 1er des articles proposés mélange deux choses : d'une part, la validité en droit du retrait de la déclaration de volonté et, d'autre part, les modalités d'organisation de la publicité. Le dernier alinéa met sur un pied d'égalité la modification de la déclaration de volonté et son retrait. Les auteurs donnent l'impression que leur intention est que le retrait d'une déclaration de volonté doit toujours avoir des effets juridiques. Autre chose est de savoir comment sera organisée en pratique la publicité des déclarations de volonté et leur retrait ou la modification de celles-ci. En abordant ces deux problèmes conjointement au sein d'un même alinéa, on risque de donner l'impression que la validité juridique du retrait ou de la modification d'une déclaration de volonté sera subordonnée au respect de toutes les formalités prévues dans l'arrêté royal. Sans doute n'est-ce pas là l'intention des auteurs de l'amendement nº 291.

En conclusion, l'intervenant réitère ses objections à l'encontre de la formulation proposée du dernier alinéa du § 1er pour ce qui est de la conservation des données médicales :

­ la délégation conférée au Roi est trop étendue; il faudrait à tout le moins une concertation en Conseil des ministres;

­ la gestion des informations ne peut être confiée au Registre national, dès lors qu'aux termes de la loi, seule une personne active dans le secteur des soins peut en assumer la responsabilité;

­ il convient de faire la distinction entre la validité juridique du retrait ou de la modification d'une déclaration de volonté et la publicité à donner à cette dernière.

Outre la présence de données médicales, il n'est en outre pas exclu que la déclaration de volonté contienne aussi des éléments à caractère philosophique. Ces données sont protégées elles aussi par la loi relative à la protection de la vie privée et par plusieurs traités internationaux.

Amendement nº 327

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 327) tendant à remplacer les mots « aux médecins concernés » par les mots « au médecin traitant ».

L'auteur principal souligne que cet amendement est inspiré par le souci de prudence dans la démarche médicale.

Amendement nº 424

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 424) tendant à prévoir que la déclaration de volonté peut être retirée sans aucune formalité.

L'amendement nº 424 est retiré au profit de l'amendement nº 427.

Amendement nº 353

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 353), tendant à supprimer l'alinéa 8 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur de l'amendement estime que le système de conservation de la déclaration anticipée dans un service officiel du type du Registre national paraît excessif, au regard de la protection de la vie privée et du caractère éminemment personnel de ce type de document.

Prévoir une délégation au Roi pour déterminer les modalités relatives à la présentation, à la conservation, à la confirmation, au retrait et à la communication de la déclaration aux médecins concernés via les services du Registre national donne à la déclaration anticipée un caractère administratif et bureaucratique inopportun.

Même les propositions antérieurement déposées qui prévoyaient la possibilité d'une déclaration anticipée n'organisaient pas des modalités aussi bureaucratiques.

L'intervenante proposera dans un autre amendement une solution alternative qui lui paraît plus respectueuse du caractère personnel et privé de la déclaration anticipée.

Quant à la comparaison opérée avec la législation relative au don d'organes, elle ne lui paraît pas pertinente.

Cette législation a en effet été conçue de façon à permettre aux individus de s'opposer à une prélèvement d'organes, que l'on est supposé accepter tacitement en l'absence de déclaration contraire.

En réalité, cependant, nonobstant le système prévu par cette législation, les médecins s'assurent préalablement du consentement des proches, avant de procéder à un prélèvement, car ils estiment nécessaire de disposer de garanties supplémentaires.

La comparaison avec la situation que l'on envisage ici ne paraît donc pas adéquate.

C'est au patient à prévoir les modalités éventuelles de transmission de cette demande à un médecin qui pourrait en faire usage.

Un membre objecte que la transmission au Registre national ne constitue qu'un élément de preuve, sans doute relativement facile dans bien des cas.

Cela ne signifie pas qu'une déclaration anticipée qui n'aurait pas été transcrite au Registre national serait écartée.

Le système consistant à confier la déclaration anticipée à une tierce personne privée, se heurte à la même objection que celle déjà formulée par rapport au médecin traitant : la personne qui se serait vu confier la déclaration ne suivra pas nécessairement le déclarant partout où il ira.

L'auteur de l'amendement nº 353 craint que le fait de donner au Roi la délégation en question ne donne, aux yeux des médecins, un poids particulier aux déclarations enregistrées au Registre national, au détriment des autres.

Le précédent orateur réplique qu'un arrêté ne modifie pas une loi. Or, la loi n'impose aucune obligation quant à la communication au Registre national.

Un membre rappelle qu'il existe une loi et des arrêtés d'application qui concernent les données médicales transmises des administrations communales vers le Registre national et, au-delà de celui-ci, à des structures spécifiques, où les données peuvent être consultées par des personnes déterminées.

Quant à la protection de la vie privée, l'intervenant estime qu'il s'agit là d'un aspect des choses très important, auquel il se dit particulièrement sensible. L'intervenant attend le résultat des recherches juridiques complémentaires annoncées sur ce point. Cependant, il souligne que cet argument ne devrait pas être utilisé pour empêcher que la volonté exprimée par une personne puisse être rencontrée.

Enfin, il souligne avoir constaté à de très nombreuses reprises que la détermination du champ d'application du renvoi au Roi et des conditions de ce renvoi sont des éléments qui sont utilisés de manière politique.

Amendement nº 431

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 431), tendant à supprimer l'alinéa 8 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur de l'amendement précise que ce qu'elle vient d'entendre la conforte dans sa conviction qu'il serait préférable de supprimer l'article 4.

On se dirige de plus en plus, en matière de soins de santé, vers un système de dossier global déposé chez un médecin de famille ou un médecin traitant.

Il ne faut donc pas aller trop vite et instituer un système général de communication et d'information à propos d'un mécanisme de déclaration qui doit encore faire ses preuves.

Un membre fait remarquer que l'existence d'un dossier médical uniformisé n'est pas encore une obligation légale. Il est donc conseillé de ne pas encore y faire référence dans un texte législatif. De plus, nombre de gens n'ont pas de médecin de famille. Beaucoup d'autres en ont plus d'un ou consultent un médecin en fonction de la pathologie à traiter. Enfin, il faut souligner que nombreux sont ceux qui se fient davantage au jugement d'un autre médecin qu'à celui de leur médecin de famille.

Amendement nº 364

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 364), tendant à remplacer l'alinéa 8 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Sauf si la personne en dispose autrement, la déclaration ainsi que le nom de la personne de confiance si une telle personne a été désignée, est conservée dans le dossier du patient auprès de son médecin généraliste. »

L'auteur de l'amendement précise que celui-ci propose la solution alternative qu'elle avait précédemment invoquée lors de la discussion de son amendement nº 353, en ce qui concerne la conservation de la déclaration anticipée.

Comme indiqué par une précédente intervenante, l'évolution des choses va dans le sens de l'unicité du dossier du patient auprès d'un médecin généraliste. C'est dans un tel dossier que ce type de document serait le plus utilement conservé.

En outre, en cas d'hospitalisation, la logique actuelle veut que le médecin traitant informe le médecin généraliste du patient qu'il reçoit du fait que celui-ci est hospitalisé.

Cette solution offre plus de garanties sur le plan de la protection de la vie privée, et permet en outre à la personne, même en bonne santé, d'avoir un dialogue avec un médecin à l'occasion de la rédaction de la déclaration anticipée.

Un membre exprime sa conviction qu'il doit y avoir plusieurs moyens pour le médecin concerné d'entrer en possession de la déclaration anticipée.

Amendement nº 415

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 415) tendant à remplacer le deuxième tiret de l'alinéa 2 du § 1er par les mots « qu'il est dans un état végétatif persistant » (amendement nº 415 A) et à supprimer le troisième tiret de l'alinéa 2 du § 1er (amendement nº 415 B).

Un des auteurs trouve qu'il va de soi que lorsque l'on parle d'un état végétatif persistant, cette situation est irréversible.

L'intervenant renvoie à la discussion sur la terminologie exacte à utiliser (état comateux, mort cérébrale, coma persistant, ...) pour couvrir le terme français « inconscient » aux sens médical et juridique. Cet amendement tend à définir le champ d'application précis de l'article 4.

Amendement nº 413

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 415) tendant à exclure explicitement les personnes démentes du champ d'application de l'article 4.

Un des auteurs estime qu'il y a une grande différence dans l'interprétation du terme « inconscient » selon qu'on l'analyse du point de vue médical ou juridique. Or, dans un État de droit, c'est l'analyse juridique qui est déterminante. Selon une interprétation juridique, l'amendement nº 291 peut parfaitement être interprété en ce sens que les déments entrent dans le champ d'application de l'article 4. Il convient de mettre un terme à cette confusion. Si tel est le but poursuivi, il y a lieu de préciser expressément dans le dispositif de l'article 4 que les personnes démentes sont exclues du champ d'application.

Amendement nº 416

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 416) tendant à exclure explicitement du champ d'application de l'article 4 les personnes se trouvant dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale.

Un des auteurs souligne que cette terminologie est celle utilisée à l'article 1386bis du Code civil. Selon cette disposition, les personnes se trouvant en état de démence, ou dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale, ne sont pas suffisamment « conscientes » pour poser des actes juridiques et leur responsabilité ne peut dès lors pas être engagée. Selon une interprétation juridique qui prévaut depuis des années, ces personnes sont « inconscientes ».

Si, toutefois, l'intention est qu'aucune forme d'euthanasie ne puisse être appliquée à ces personnes, il convient de l'indiquer explicitement dans le texte de la loi.

Un membre relève, dans les propos du précédent orateur, les termes « pas suffisamment conscient ».

L'intervenant rappelle que le texte de l'amendement nº 14 ne contient pas cette expression, mais vise expressément les personnes inconscientes.

Un autre membre souligne qu'il faut distinguer l'hypothèse où la personne est dans un état de débilité mentale, ou dans un état grave de déséquilibre mental au moment de la rédaction de la déclaration, et celle où la personne était capable au moment de cette rédaction, et sombre ultérieurement dans un tel état, puis dans l'inconscience irréversible.

Dans le premier cas, la déclaration ne peut fonder l'intervention d'un médecin. Mais l'auteur de l'amendement estime-t-il qu'il en va de même dans la deuxième hypothèse ?

Ce dernier répond qu'il y a une grande différence entre être incapable et être inconscient. Les personnes visées à l'article 1386bis du Code civil ne sont pas forcément déclarées incapables, puisque les conditions pour ce faire sont différentes.

Un membre estime qu'il n'est pas sérieux, de la part de l'auteur de l'amendement nº 416, d'insinuer que l'on vise à l'article 4 des catégories de personnes dont les auteurs de la proposition de loi ont explicitement indiqué qu'elles ne sont pas visées. Les malades mentaux et les débiles mentaux sont exclus de la réglementation de l'euthanasie liée à la déclaration anticipée. L'article 4 traite des personnes « inconscientes ». On l'a déjà répété plusieurs fois.

Un autre membre ne comprend pas pourquoi il est fait allusion à l'article 1386 du Code civil, qui concerne la problématique de la responsabilité du fait des dommages causés à autrui.

Or, il s'agit ici de personnes inconscientes, qui ne peuvent par définition causer un dommage à quiconque.

Si la personne se trouve dans un état grave de déséquilibre mental ou dans un état de débilité mentale, elle n'est pas inconsciente au sens de l'article 4.

Un précédent intervenant se demande dès lors si l'insertion du mot « lucide », après celui de « capable », comme proposé par un membre dans un amendement, ne contribuerait pas à clarifier le texte.

L'un des auteurs de l'amendement nº 416 estime qu'il s'agit d'une discussion cruciale, puisqu'elle porte sur le champ d'application d'une législation qui dépénalise l'euthanasie sous conditions. Ce champ d'application n'est toujours pas clair. L'« inconscience » est en réalité la seule condition de fond qui soit requise pour pouvoir pratiquer l'euthanasie puisque, contrairement à l'article 3, l'article 4 ne parle pas de douleur inapaisable ni d'autres conditions de base.

Un membre réplique que l'examen de ces autres conditions de base n'a aucun sens, précisément parce que le patient est « inconscient ».

Un autre membre rappelle que, selon l'amendement nº 291, la personne ne doit pas seulement être inconsciente. Il doit s'agir d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, et d'un état irréversible selon l'état actuel de la science.

L'un des auteurs de l'amendement nº 416 répète que l'on ne voit pas clairement quel est le groupe des personnes sur lesquelles l'euthanasie peut être pratiquée. Toutefois, le terme « inconscient » n'offre aucun point de repère. Le membre renvoie aux propos publics d'un des auteurs de l'amendement nº 291, qui a déclaré qu'on devrait pouvoir pratiquer sur elle une euthanasie dès qu'elle serait démente. La démence est donc la seule raison de pratiquer l'euthanasie.

Un membre répond que l'intéressée a déjà signalé à plusieurs reprises que telle était sa conviction personnelle, mais que la proposition de loi à l'examen prévoyait autre chose. L'article 4 n'est absolument pas applicable aux déments.

Un autre membre souligne une fois encore le caractère répétitif des questions et réponses formulées.

L'un des auteurs de l'amendement nº 416 réplique que si l'on repose sans cesse la question du champ d'application exact de la déposition, c'est parce que l'on n'y répond jamais de manière concluante. Les amendements déposés n'ont d'autre but que d'obtenir une réponse précise concernant ce champ d'application, qui n'est toujours pas clair.

Le cosignataire de l'amendement confirme ce qui vient d'être dit. Il répète une nouvelle fois que le terme « inconscient » n'est pas interprété de la même façon dans le monde juridique et dans le monde médical. La jurisprudence relative à l'article 1386bis du Code civil peut être résumée comme suit : les personnes qu'il vise ne commettent pas de faute parce qu'en raison de leur état mental, elles sont réputées vivre « inconsciemment ». En conséquence, elles ne sont pas responsables de leurs actes. Il est évident que ces personnes sont beaucoup plus nombreuses que celles qui se trouvent dans le coma.

Des rapports médicaux montrent que l'on ne sait pas tout à fait clairement ce qu'il faut entendre par personnes « inconscientes ». En outre, l'analyse juridique de cette notion est différente de son analyse médicale. Il faut faire la clarté à ce sujet.

Un membre renvoie aux discussions antérieures sur ce sujet et rappelle l'existence de l'article 96 du Code de déontologie médicale, qui emploie le terme « inconscient ».

Amendement nº 425

Suite à la discussion relative à son sous-amendement nº 387 (voir supra), Mme Nyssens et M. Galand déposent à celui-ci un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 425, tendant à remplacer le 4e alinéa proposé par ce qui suit :

« La déclaration est rédigée, datée et signée par le déclarant lui-même et cosignée par la ou les personne(s) de confiance éventuelle(s). »

L'un des auteurs de l'amendement rappelle qu'elle poursuit trois objectifs :

­ supprimer le recours aux témoins;

­ faire en sorte que la déclaration soit le plus possible rédigée par la personne elle-même, même avec « une main soutenue », selon l'expression utilisée en droit à propos des testaments olographes. La jurisprudence admet le « testament à main soutenue » ou « dirigée », c'est-à-dire le testament pour la rédaction duquel une simple assistance matérielle a été fournie au testateur (Cass., 26 novembre 1936, Pas., p. 430). Elle n'admet toutefois pas que le testament puisse être rédigé par un tiers à la place du testateur;

­ prévoir la cosignature par la ou les personne(s) de confiance.

Un membre craint que la suppression du recours aux témoins ne suscite l'objection que l'on ne dispose pas de suffisamment de garanties par rapport à la déclaration anticipée.

Amendementen nºs 427, 428 et 429

M. Vandenberghe et consorts déposent plusieurs amendements (doc. Sénat, nºs 2-244/16, amendements nº 427, 428 et 429). L'amendement nº 427, qui sous-amende l'amendement nº 291, vise à reformuler l'alinéa 7 du § 1er de l'article 4 proposé en prévoyant que la déclaration peut être retirée à tout moment, sans formalité aucune, et que ce retrait engage le médecin.

L'amendement nº 428, qui est un sous-amendement à l'amendement nº 427, vise à ajouter un alinéa disposant qu'un arrêté royal doit déterminer les modalités de la confirmation et du retrait de la déclaration ainsi qu'en régler la publicité.

L'amendement nº 429 est un sous-amendement à l'amendement nº 428 et vise à inscrire dans la loi qu'en tout état de cause, une copie de la déclaration est versée au dossier médical de l'intéressé.

L'auteur principal renvoie à l'exposé sur la conformité de la réglementation proposée avec la législation sur la protection de la vie privée, qui a été fait lors de la discussion de l'amendement nº 326.

L'amendement nº 427 reprend la formule classique de renonciation à un droit. Une telle renonciation est en tout état de cause suivie d'effets juridiques quand elle est dépourvue de toute ambiguïté. Aucune formalité supplémentaire n'est prévue. L'intervenant cite l'exemple de la cession d'immeubles entre vifs, qui doit respecter les formalités prévues à l'article 1er de la législation sur les hypothèques pour être opposable aux tiers. La doctrine et la jurisprudence disent pourtant que la cession de propriété n'est soumise à aucune formalité.

Il faut donc faire aussi la distinction, à l'article 4, entre, d'une part, les effets juridiques du retrait de la déclaration et, d'autre part, sa publicité.

Un membre répond qu'il paraît évident qu'une fois la déclaration anticipée retirée, elle n'existe plus.

Un autre membre observe que toute la question est de savoir comment prouver le retrait.

L'auteur principal des amendements précités répond que l'on peut le faire par tous moyens de preuve.

Amendement nº 432

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amemdement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 432), qui vise à prévoir que les modalités de confirmation et de retrait de la déclaration sont réglées par un arrêté délibéré en Conseil des ministres et après avis de la Commission de la protection de la vie privée.

L'auteur principal estime que c'est là une condition minimale en vue d'assurer la conformité de la réglementation proposée avec la législation sur la protection de la vie privée au cas où les amendements nº 326, 427, 428 et 429 seraient rejetés.

Amendement nº 435

Mme Leduc et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 435), qui vise à remplacer complètement l'alinéa 5 du § 1er de l'article 4 proposé.

L'auteur principale déclare que cet alinéa concerne la personne qui se trouve dans l'impossibilité physique permanente de rédiger et de signer une déclaration de volonté. Les conditions et les procédures applicables pour ce qui est de ces personnes doivent être identiques autant que possible à celles qui sont applicables pour ce qui est des autres personnes. C'est pourquoi l'amendement nº 435 parle de témoins majeurs dont l'un ne peut avoir aucun intérêt matériel à la rédaction d'une déclaration de volonté. On ajoute par ailleurs que la personne majeure qui rédige la déclaration de volonté est sollicitée à cet effet. Il va de soi que la déclaration doit être datée et signée par les témoins et la personne de confiance, s'il y en a une.

Un membre constate que le texte proposé reprend à nouveau l'expression « intérêt matériel ». Or, l'intervenante croyait avoir compris de la précédente discussion qu'il valait mieux utiliser l'expression générale « intérêt direct ».

L'auteur principale de l'amendement nº 435 fait observer qu'on utilise la même terminologie qu'en ce qui concerne les personnes qui sont, quant à elles, en état de rédiger une déclaration de volonté.

La précédente oratrice répond que rien n'empêche d'utiliser de façon uniforme la notion d'« intérêt direct », qui couvre un plus grand nombre d'hypothèses.

L'auteur principale de l'amendement nº 435 souhaite maintenir le texte proposé précédemment.

Amendement nº 474

M. Vandenberghe et Mme Schamphelaere déposent à l'amendement nº 435 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 474) qui utilise non pas les mots « intérêt matériel », dans le texte de l'alinéa 5 du § 1er de l'article 4 proposé, mais les mots « intérêt direct ». En outre, l'amendement précise qu'aucun témoin ne peut avoir un intérêt direct à ce que le patient décède.

L'auteur principal renvoie aux arguments qu'il a développés antérieurement et suivant lesquels l'intérêt purement « matériel » est une notion trop étroite. Les éléments extrapatrimoniaux peuvent parfois exercer sur le comportement des gens une influence plus forte que les intérêts patrimoniaux.

Amendement nº 340

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 340) qui tend à limiter le champ d'application du § 1er de l'article 4 aux personnes qui se trouvent à l'article de la mort.

L'auteur principal fait observer que la disposition proposée permet de prendre en considération une demande d'euthanasie active formulée dans une déclaration de volonté, pour des patients qui ne sont pas en phase terminale. Il y a lieu d'exclure cette possibilité. L'intervenant renvoie à des interventions antérieures, au cours desquelles il a déjà exposé de manière circonstanciée son point de vue en la matière.

Amendement nº 478

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 435 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 478) qui vise à insérer, après la deuxième phrase du § 1er, alinéa 5, un texte qui prévoit que la déclaration de volonté d'une personne qui est dans l'impossibilité physique permanente d'en rédiger une elle-même, est rédigée en présence d'un médecin et que la personne désignée mentionne le nom de ce médecin dans le document.

L'un des auteurs déclare que l'on prévoit de la sorte une garantie supplémentaire, par analogie avec le § 4 de l'article 3. L'article 4 doit en effet offrir également cette garantie.

Amendement nº 436

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 436), tendant à remplacer le 2ème et le 3ème tirets de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« ­ qu'il est inconscient de manière irréversible selon l'état actuel de la science,

­ et que cette inconscience est strictement liée à un état de coma dépassé ».

L'auteur de l'amendement estime que les amendements nºs 15 et 16 initiaux des auteurs de la proposition étaient beaucoup plus clairs en énonçant que c'était l'inconscience du patient qui était irréversible.

Tel qu'il est rédigé, l'amendement nº 291 est susceptible d'une double interprétation : soit c'est l'affection accidentelle ou pathologique grave et incurable qui est irréversible, l'inconscience pouvant, surtout dans le cas d'un accident, n'être, en définitive, que temporaire, soit c'est l'inconscience qui est irréversible.

Tous les médecins consultés par l'intervenante ont affirmé qu'en dehors de la situation dite de coma dépassé, il est absolument impossible de dire avec certitude si l'inconscience d'un patient est irréversible. Ils ont tous assisté à des retournements de situations spectaculaires. Dans un souci de protection du patient, il semble que ce n'est que lorsque le patient est dans un état de coma dépassé, que l'euthanasie pourrait éventuellement être prise en considération. Une étude récente concernant les unités de soins intensifs en France publiée dans le Lancet du 6 janvier 2001 (« Withholding and withdrawal of life support in intensive-care units in France : a prospective survey ») ne peut laisser personne indifférent à cet égard. Cette étude apprend qu'en cas d'arrêt des traitements pour situation désespérée (Withdrawal of life-support measures), 5,3 % des patients ne décèdent pas. Peut-on entériner, en connaissance de cause, par un texte de loi équivoque une marge d'erreur de l'ordre de 5 % dans l'appréciation par le médecin du caractère irréversible de la situation d'un malade ?

Le pronostic médical a ses limites et l'on ne peut se faire l'adepte d'une vision scientiste de la médecine qui reviendrait à donner au médecin un pouvoir démesuré au détriment de la protection des plus faibles.

Cette étude montre également que dans ces unités de soins intensifs, 7,3 % des patients étaient incapables d'exprimer leurs souhaits (le terme inconscients n'est pas utilisé). Quelle procédure sera appliquée dans le cas de ces patients ? Sont-ils considérés comme « inconscients » au sens de l'article 4 de la proposition ?

Un membre dit que la justification de l'amendement nº 436, le rejouit au plus haut point notamment parce qu'il trouve très important les longues discussions qu'il y a eues à propos du sens des mots « irréversible » et « inconscience ». Il revient en effet à des notions particulièrement imprécises non seulement du point de vue juridique, mais aussi, comme le dit la justification, du point du vue médical. Cela prouve que, si l'objectif est de décrire un état irréversible d'inconscience, il faut également donner de cette notion une définition plus précise.

Une autre membre souscrit à la remarque de la préopinante. Elle renvoie à la justification de l'amendement nº 291, selon laquelle l'état irréversible d'« inconscience » est assimilé à l'état comateux (« c'est-à-dire »). Pour quelle raison l'amendement nº 436 ne pourrait-il dès lors pas être adopté ?

Une commissaire estime que la portée de la notion d'« état inconscience » peut, dans certains cas, être plus large que celle de la notion d'« état comateux ». Elle renvoie à cet égard aux nombreux ouvrages médicaux qui sont consacrés à ce point et considère que la description de l'état en question que donne l'amendement nº 291 est la meilleure possible. L'intervenante cite l'exemple d'une personne qui ne se trouve pas en permanence dans le coma, mais dont on ne peut malgré tout pas dire qu'elle est consciente. S'il avait été question seulement des patients se trouvant dans le coma, l'article 4 n'aurait pas été nécessaire. Elle souligne toutefois que les personnes démentes ne sont pas couvertes par cette notion.

Un autre membre ne voit pas en quoi les termes « et que cette inconscience est strictement liée à un état de coma dépassé » apportent une précision juridique au texte proposé. C'est un élément médical qui aboutit à réduire le champ d'application de la proposition de loi.

Le sous-amendement s'inspire manifestement de la volonté de limiter au maximum la portée de la déclaration de volonté.

Il est évident que le médecin n'envisagera éventuellement de donner suite à la déclaration de volonté du patient inconscient que s'il estime en âme et conscience qu'il n'y a pas moyen de le sauver.

Le présent débat paraît donc assez théorique, par rapport aux situations concrètes susceptibles de se présenter.

L'auteur de l'amendement nº 436 prend acte de ce que les auteurs de l'amendement nº 291 n'entendent pas limiter le champ d'application de l'article 4 aux cas de coma dépassé, et de ce que le mot « irréversible » vise la maladie et non le coma.

Un membre renvoie à l'avis de médecins du monde universitaire selon lesquels l'état comateux n'est qu'une situation parmi d'autres dans laquelle le patient est « inconscient ».

La science médicale actuelle entend par « conscience » : la perception de nous-même et de ce qui nous entoure. Par conséquent, lorsqu'une personne est dite « inconsciente », cela signifie qu'elle a perdu la perception d'elle-même et de ce qui l'entoure. Le cerveau présente toujours une activité bioélectrique et biochimique. Il reçoit des informations, mais il n'y répond pas. Dès cet instant, le patient en question est dit « inconscient » et n'a plus la perception de lui-même et de ce qui l'entoure. Or, si cette situation est irréversible, on se trouve dans le champ d'application de l'article 4.

À partir de ce moment-là, l'argument selon lequel l'individu ne vit pas seulement mais existe en relation aux autres, ne joue plus aucun rôle. Le patient n'a en effet plus aucune perception de lui-même ni de ce qui l'entoure. L'on ne peut donc plus parler d'une relation.

Le caractère irréversible d'une telle situation peut être établi sur la base de critères médicaux.

Un membre constate que la définition que l'on donne de la notion d'« inconscience » n'arrête pas de changer. Au départ, cette situation a été assimilée à l'état comateux. Ensuite, on a suggéré qu'il y a plusieurs niveaux comateux et qu'une personne plongée dans un coma « léger » peut encore être consciente. On a dit ensuite que les déments et les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ne tombent pas sous la définition de cette notion. L'on donne à présent une définition qui s'étend bien au-delà du simple état comateux et vaut pour quiconque n'a plus la perception de lui-même et de ce qui l'entoure.

Les malades mentaux et les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer tombent eux aussi sous cette définition. L'intervenant n'est pas d'avis que l'obligation de soins qui incombe à la société doit se limiter à ceux qui sont conscients de la possibilité de demander et de recevoir des soins. Ce serait se fonder sur une vision complètement différente s'écartant très fort de celle des auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1.

Enfin, le membre répète qu'en inscrivant une notion dans la loi, on lui confère une portée juridique qui va parfois au-delà de ce qu'elle visait initialement et qui est affinée par la jurisprudence et la doctrine.

Un intervenant fait remarquer qu'un malade mental n'est pas en état de rédiger une déclaration de volonté.

L'intervenant précédent réplique qu'il se pourrait qu'il en ait rédigé une auparavant et qu'on pratique sur lui l'euthanasie au cas où la maladie mentale se serait déclarée.

Un membre ajoute que la discussion a précisément pour objet de décrire un état dans lequel une personne déclare expressément ne pas vouloir vivre. Or, une fois que l'intéressé est atteint d'une maladie mentale ou de démence, pareille déclaration de volonté peut être utilisée contre lui. Ces personnes entretiennent encore une relation avec le monde extérieur, même si elle est différente de celle d'une personne saine.

Un autre membre estime que, par le sous-amendement nº 436, l'auteur veut trop bien faire.

Pour un coma dépassé, une législation n'est pas nécessaire : les bonnes pratiques de la médecine existent.

Inclure le coma dépassé dans l'euthanasie, et requérir pour cela une déclaration anticipée, risque de provoquer un acharnement thérapeutique dans des situations dramatiques lorsqu'une telle déclaration anticipée n'a pas été rédigée.

Un membre déclare, en réponse à une précédente intervenante, que l'on peut écrire ce que l'on veut dans une déclaration anticipée, y compris des souhaits pour le cas où l'on tomberait dans la démence ou le handicap mental. Mais la loi ne s'applique que dans les limites qu'elle définit.

On cherche une fois de plus à faire croire que la loi en préparation permettrait l'« élimination » des handicapés mentaux et des déments, alors que le texte définit de façon très précise les conditions dans lesquelles il s'applique. Souffrir d'un handicap mental ou de démence n'est pas être inconscient.

L'auteur de l'amendement nº 436 remarque que les médecins utilisent généralement une terminologie anglaise, en l'occurrence competent ou incompetent, c'est-à-dire « capable » ou « incapable ».

L'intervenante aimerait savoir si le mot « inconscient » correspond à cette terminologie.

Le précédent intervenant répond par la négative; l'intervenant s'en tient plutôt à la terminologie juridique belge, qui est connue.

L'auteur de l'amendement nº 436 répond que sa remarque vient de ce qu'elle croit sentir une nuance entre la terminologie française (conscient) et la terminologie néerlandaise (bewust), utilisées dans le texte à l'examen.

Un membre souligne que le débat sur les personnes capables et les personnes incapables, d'une part, et la discussion sur les personnes « inconscientes », d'autre part, sont deux choses distinctes. L'intervenant fait référence à la conception qu'il a déjà exposée de manière circonstanciée, concernant le préjudice que pourraient subir les incapables à l'expiration de la durée de validité de cinq ans. Les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou de démence risquent aussi de se retrouver dans l'impossibilité de confirmer leur déclaration de volonté à l'expiration du délai de cinq ans, simplement parce qu'ils n'auraient plus la capacité légale d'agir. Cela n'a cependant rien à voir avec la discussion sur la question de savoir où finit l'état de conscience et où commence l'état d'inconscience au sens de la présente propostion de loi.

Le membre n'est toutefois pas hostile à la suggestion d'utiliser dans la loi l'expression « en état d'inconscience totale » (en néerlandais : « volledig niet meer bij bewustzijn zijn »), étant donné qu'il existe effectivement une gradation, par exemple, dans l'état comateux. Il y a toutefois une difficulté à cet égard parce que l'on ne peut pas dire clairement ce que l'on entend par « totale » (en néerlandais : « volledig »).

L'intervenant estime toutefois qu'il est essentiel que l'on continue à faire confiance au corps médical. L'on se trouve en effet actuellement devant un vide réglementaire et cette confiance est le seul élément sur lequel l'on puisse se baser. Aujourd'hui par contre, on élabore des règles. Nombre d'amendements visent toutefois à enfermer les médecins dans un carcan trop étroit.

Une préopinante répète que la grande pierre d'achoppement dans la discussion concerne la question de savoir quelles sont les catégories de personnes auxquelles s'applique l'article 4 proposé. L'on s'accorde à dire que la notion d'« état d'inconscience » a une portée plus large que celle d'état comateux. Les personnes dont il s'agit en l'espèce sont manifestement des personnes qui n'ont plus la perception d'elles-mêmes ni de ce qui les entoure. Il convient à cet égard de se fier aux médecins. La membre estime toutefois que la définition donnée englobe aussi certains handicapés mentaux ou déments. L'on ne dispose d'aucune notion juridique permettant d'exercer un contrôle.

Un membre réplique que l'article 3 prévoit explicitement qu'il faut être capable et conscient pour pouvoir faire une demande d'euthanasie. Le champ d'application de la loi ne s'étend donc pas aux handicapés mentaux.

La préopinante trouve que là n'est pas la question. Il se peut qu'une personne en parfaite santé rédige une déclaration de volonté dans laquelle elle décrit les situations qu'elle refuse de vivre et qu'elle soit atteinte par la suite d'un handicap mental ou de démence. La question se pose de savoir ce qui se passe en pareil cas : cette personne peut-elle ou non faire l'objet d'une intervention euthanasique en application de sa déclaration de volonté ?

Un membre répond que, selon l'article 3, le médecin ne peut pas intervenir et qu'il ne peut donc pas y avoir d'acte euthanasique.

La précédente intervenante attire l'attention sur le fait que l'article 4 autorise bel et bien l'intervention d'un médecin.

Un membre réplique que, même dans la situation visée à l'article 4, le médecin doit tenir compte de l'ensemble de la loi et qu'il doit donc respecter les conditions fixées à l'article 3.

Un autre membre rappelle que la déclaration de volonté n'est applicable qu'aux personnes inconscientes.

Amendement nº 475

M. Galand dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 475), tendant à remplacer le 2e tiret de l'alinéa 2 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« qu'il est dans un état d'inconscience totale et constante; »

L'auteur de l'amendement précise que les personnes qui ont des périodes de conscience relèvent, en effet, selon lui, de l'article 3.

Il souligne que, lorsque l'inconscience résulte d'une affection pathologique grave et incurable, les médecins ont pu, au fil du temps, accumuler une série d'observations, leur permettant de se forger un jugement.

Au contraire, lorsque l'inconscience est le résultat d'une affection accidentelle, comme un traumatisme crânien, l'évaluation de l'état d'inconscience est beaucoup plus difficile.

La médecine actuelle dispose, entre autres, de l'électro-encéphalogramme et des potentiels évoqués, qui peuvent être tout à fait négatifs pendant un certain temps puis, de façon parfois assez imprévisible, donner des réponses positives.

Les connaissances sur la neurophysiologie du système nerveux évoluent et, selon les spécialistes consultés par l'intervenant, pour ces affections traumatiques, les termes d'inconscience irréversible étaient insuffisants, d'où la formule proposée par l'amendement.

Un membre estime que la précision apportée par le sous-amendement est intéressante. Tout au plus pourrait-il s'agir d'une tautologie, mais la formule correspond bien à l'intention des auteurs de l'amendement principal.

Un autre membre souligne que l'amendement nº 291 prévoit déjà que l'état doit être irréversible et, en tout état de cause, « constant ».

En ce qui concerne l'ajout proposé du mot « totale », il fait remarquer que, selon l'amendement nº 291, l'intéressé doit être « inconscient ». Cela signifie que le patient doit être totalement inconscient et qu'il ne suffit pas qu'il soit « à moitié » conscient.

Selon le membre, ces termes sont suffisamment clairs; tout ajout constituerait une source de malentendus.

L'auteur de l'amendement nº 475 estime que le mot « constant » n'a pas une portée identique au mot « irréversible ». Les spécialistes, comme par exemple les gériatres, connaissent les gradations qui existent dans l'état d'inconscience. On ne vise pas ici les situations d'inconscience fluctuante irréversible, où il existe aussi des périodes de conscience, et où l'intervenant estime qu'il faut tenir compte de ce que disent les personnes lorsqu'elles se trouvent en période de conscience.

Le texte vise le cas des personnes qui ne reviennent plus à l'état de conscience, et qui n'ont plus aucun moyen de communiquer. Telle est la portée du terme « constant ».

Quant au terme « total », il signifie complet.

L'intervenant fait ici état du résultat des dialogues qu'il a pu avoir avec des spécialistes psychiatres et neurologues, spécialistes de l'accompagnement de fin de vie. Pour eux, les termes du texte n'étaient pas assez opérationnels ni assez clairs pour les cas relevant de la traumatologie.

Amendement nº 477

M. Galand et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 477), tendant à compléter l'alinéa 5 du § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Une attestation médicale certifiant cette impossibilité physique permanente est jointe à la déclaration ».

En effet, lorsque la personne qui a fait une déclaration anticipée était dans l'incapacité de la rédiger elle-même, la seule façon pour le médecin qui pratiquerait une euthanasie de se prémunir contre une plainte pénale ou une action au civil est qu'il ait pu se former une opinion sûre quant à l'incapacité de rédiger et de signer du patient.

Ce n'est pas le témoignage d'une personne qui n'a aucune compétence pour faire ce constat qui lui permettra d'avoir cette assurance.

Le système proposé par le sous-amendement constitue une garantie à la fois pour le médecin et pour le patient.

Un membre déclare se rallier au sous-amendement.

Amendement nº 480

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 480) visant à ajouter au § 1er de l'article 4 proposé un alinéa nouveau, qui sanctionne par la nullité l'inobservation des formalités relatives à la déclaration de volonté.

L'auteur souligne que, comme c'est le cas à l'article 3 de la proposition de loi, l'article 4 n'attache aucune sanction juridique à l'inobservation des conditions qu'il mentionne. Il répète que pourtant, une des caractéristiques essentielles des règles de droit est précisément que des peines sanctionnent leur inobservation. Dans le cas contraire, en effet, les normes juridiques n'auraient aucun sens.

L'argument des auteurs selon lequel la propostion de loi impose aux intéressés des critères de prudence très stricts ne tient pas, puisqu'il n'y a aucune possibilité de punir ceux qui ne respectent pas ces conditions. D'où la proposition d'adopter la sanction que prévoit l'article 1001 du Code civil en ce qui concerne la validité des testaments. Cette sanction est la nullité du document, en l'occurrence la déclaration de volonté.

Un commissaire estime que même lorsqu'une sanction n'est pas prévue explicitement, le Code civil ou ­ s'il s'agit d'infractions pénales ­ le Code pénal, est applicable. Différents juristes confirment qu'une fois saisi, le juge se prononcera sur la base de ces dispositions.

L'intervenant déplore que ses propositions relatives aux peines possibles n'aient suscité aucune réaction.

Amendements nºs 483, 484 et 485

M. Galand dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 483), tendant à remplacer le § 1er de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« § 1er. Toute personne majeure qui exprime, dans une déclaration écrite, sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie pour le cas où elle serait frappée d'un état d'inconscience irréversible, veillera à désigner plusieurs personnes majeures de confiance susceptibles d'éclairer le médecin traitant quant à sa volonté.

La déclaration anticipée doit être datée et signée par son auteur ainsi que les personnes de confiance dont l'une, au moins, ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du patient. Elle a une valeur indicative et peut être retirée à tout moment.

Si une personne majeure se trouve physiquement dans l'impossibilité permanente de rédiger et de signer, elle veillera à faire traduire, par écrit, sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie pour le cas où elle deviendrait inconsciente de manière irréversible, par une personne majeure de confiance, et ce, en présence d'une autre personne majeure de confiance qui ne peut avoir aucun intérêt matériel à son décès. L'écrit doit être daté et signé par les deux personnes de confiance et une attestation médicale certifiant l'impossibilité physique permanente doit lui être jointe. Il a une valeur indicative et peut être retiré à tout moment.

Le médecin traitant du patient, les médecins consultés, et les membres de l'équipe soignante ne peuvent être désignés comme personnes de confiance. »

L'auteur précise qu'il s'est efforcé de regrouper dans le § 1er tout ce qui concerne la déclaration anticipée.

Dans le sous-amendement nº 484 (doc. Sénat, nº 2-244/17), il a effectué la même démarche, en regroupant sous le § 2 tout ce que peut faire le médecin sans commettre d'infraction.

Enfin, dans le sous-amendement nº 485 (doc. Sénat, nº 2-244/17) on traite sous un § 3 de la question de savoir où se trouve la déclaration du patient, et de ce qui doit se trouver dans le dossier médical (voir infra).

Le sous-amendement en discussion répond donc tout d'abord à un souci d'ordonnancement et de plus grande clarté. Il tend à éviter de donner l'impression que le législateur autorise ou n'autorise pas le fait d'exprimer telle ou telle chose dans la déclaration anticipée, alors qu'en raison du droit à la liberté d'expression, le patient peut exprimer ce qu'il veut dans cette déclaration.

La permission de la loi concerne le médecin, et les actes que celui-ci pourrait poser.

Quant au fond, les différences entre l'amendement nº 291 et les sous-amendements précités constituent la reprise d'autres amendements précédemment déposés par le même auteur, et déjà explicités.

Un membre trouve le sous-amendement nº 483 intéressant. Elle estime toutefois qu'il existe une certaine ambiguïté quant au statut de la seconde personne de confiance, qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du patient.

Cette seconde personne joue-t-elle le rôle de témoin, ou de personne de confiance ?

L'auteur des sous-amendements répond qu'il n'est pas question de témoin, car sinon, la personne en question pourrait être convoquée comme témoin devant la justice.

On ne se situe pas dans une logique où une personne doit exécuter un testament.

C'est au médecin à assumer la responsabilité.

La personne de confiance poursuit le dialogue avec le médecin quand l'auteur de la déclaration est dans un état d'inconscience et ne peut plus le mener elle-même.

Elle ne parle pas à la place de cet auteur, mais comme l'ayant connu, et ayant entendu ce qu'il souhaitait.

Le choix des personnes de confiance est libre mais, si le déclarant veut que l'euthanasie qui serait pratiquée sur la base de sa déclaration anticipée ne soit pas constitutive d'infraction, il faut qu'il respecte la règle de précaution selon laquelle une au moins des personnes de confiance n'aura pas d'intérêt matériel à son décès.

La précédente intervenante conclut que l'auteur du sous-amendement lie la prise en considération de la déclaration anticipée à l'existence d'une personne de confiance.

L'auteur des sous-amendements le confirme. En l'absence de désignation d'une personne de confiance, le médecin se trouvera, le cas échéant, dans le contexte de l'état de nécessité, mais en tout cas en dehors du champ d'application de la loi sur l'euthanasie.

Un commissaire se réjouit de plusieurs aspects pris en considération par l'amendement nº 483, notamment du fait de dire explicitement que la déclaration a une valeur indicative, qu'elle peut être retirée à tout moment et aussi que les raisons médicales pour lesquelles l'intéressé n'est pas en état de rédiger lui-même une déclaration, doivent également être mentionnées.

Le membre considère toutefois que la disposition selon laquelle la désignation d'une personne de confiance est obligatoire n'est pas souhaitable.

L'auteur des sous-amendements réitère les explications précédemment données à ce sujet.

Amendement nº 328

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 328) tendant à supprimer le § 2 de l'article 4 proposé.

L'auteur principal explique qu'il est inadmissible que, sur la base d'une déclaration de volonté, on pose un acte volontaire d'euthanasie active en vue de provoquer la mort de patients inconscients et que cet acte doit rester inconditionnellement punissable. L'amendement nº 293 proposait déjà de supprimer l'ensemble de l'article pour la même raison.

L'intervenant renvoie à l'avis du Comité consultatif de bioéthique, aux interventions de nombreux experts lors des auditions et à ses explications orales concernant l'amendement nº 293.

Un commissaire ne comprend pas pourquoi, dans la justification écrite de l'amendement nº 328, on parle de patients incapables d'exprimer leur volonté, alors que le texte de l'amendement nº 291 vise constamment les personnes « inconscientes ». Il s'agit en effet de tout autre chose.

Un autre membre présume que les propos de l'auteur principal de l'amendement doivent être interprétés en ce sens qu'il considère l'argumentation qu'il a précédemment développée comme applicable au § 2 de l'article 4.

L'auteur principal de l'amendement nº 328 dit qu'il n'y est pas donné de définition intrinsèque définitive du champ d'application de l'article 4, si bien qu'il ne voit pas clairement ce que l'on entend exactement par personnes « inconscientes ». Dans son commentaire oral de l'amendement nº 328, l'intervenant n'a plus utilisé le terme « wilsonbekwamen » (patients incapables d'exprimer leur volonté), mais parlé de « onbewuste personen » (personnes inconscientes).

L'un des cosignataires de l'amendement nº 328 fait observer que dans la phrase introductive du § 2 de l'article proposé, il est question d'un médecin qui pratique une euthanasie « à la suite d'une déclaration anticipée ». Pourtant, la définition de l'euthanasie que donne l'article 2 de la proposition de loi en discussion dispose explicitement qu'il s'agit d'un acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. L'article 3 arrête ensuite les qualités de cette demande.

L'article 4, § 2, proposé parle au contraire de l'euthanasie « à la suite d'une déclaration anticipée », c'est-à-dire dérivant d'une déclaration anticipée. C'est différent d'une demande d'euthanasie. Du point de vue juridique, on ne peut donc pas parler d'euthanasie. Pour la conformité avec l'article 2, on ne peut utiliser ici que l'expression « acte qui met intentionnellement fin à la vie ».

Un membre réplique qu'une déclaration de volonté implique une demande écrite.

Amendement nº 393

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 393), tendant à remplacer l'alinéa 1er du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Face à un patient inconscient en fin de vie atteint d'une maladie incurable, dont le décès doit survenir à brève échéance, le médecin qui, à la suite d'une déclaration anticipée d'un patient telle que visée au § 1er, décide de s'abstenir d'administrer certains soins ou traitements susceptibles de prolonger la vie de ce patient, ou d'interrompre de tels soins ou traitements, ou décide d'administrer des traitements analgésiques justifiés dans l'état actuel de la médecine pour soulager la douleur et les symptômes et pouvant avoir pour effet secondaire non recherché d'abréger la vie de ce patient, ne peut agir qu'en conformité avec l'état actuel du savoir médical et de la déontologie médicale et en respectant les conditions et procédures prescrites par la présente loi. »

Cet amendement, qui, parmi ceux déposés par l'intervenante sur le sujet, a la portée la plus large, tend à supprimer la possibilité de pratiquer une euthanasie au sens de l'article 2, sur des patients inconscients.

L'intervenante estime que la directive anticipée ne peut pas porter sur l'arrêt actif de la vie. La pratique médicale dispose d'un vaste arsenal de possibilités permettant de trouver une solution adéquate aux situations problématiques des patients incapables en fin de vie sans devoir recourir à l'arrêt actif de la vie. En situation de fin de vie des personnes incapables, le médecin doit veiller à assurer au patient la meilleure qualité de vie possible, sans transgresser les deux limites que sont d'une part, l'acharnement thérapeutique et de l'autre, l'arrêt actif de la vie.

Beaucoup de textes tant nationaux qu'internationaux en matière médicale font la distinction entre l'euthanasie des patients conscients ou l'arrêt actif de la vie des patients inconscients et le droit pour le patient de renoncer, dans une certaine mesure, à certains traitements.

L'article 96 du Code de déontologie médicale précise que lorsque le malade est définitivement inconscient, le médecin se limite à ne prodiguer que des soins de confort.

Pour le surplus, l'intervenante renvoie à ses précédentes interventions, en ce qui concerne les textes internationaux et ceux d'associations de médecins.

Elle conclut qu'à son estime, une grande prudence s'impose en ce qui concerne les patients inconscients, au regard, notamment, de la divergence et de la complexité des avis rendus en la matière par le Comité consultatif de bioéthique.

Amendement nº 394

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 394), tendant à remplacer l'alinéa 1er du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Un médecin qui décide de pratiquer un arrêt actif de la vie d'un patient inconscient à la suite d'une déclaration anticipée, telle que prévue au § 1er, ne peut être justifié à agir selon les principes de l'état de nécessité que s'il s'est assuré que :

­ le patient est atteint d'une maladie grave et incurable;

­ le patient est dans un état d'inconscience irréversible;

­ le patient est en fin de vie et son décès doit survenir à brève échéance;

­ le patient a reçu tous les soins de confort nécessaires à son état.

La déclaration d'un patient portant sur l'arrêt actif de la vie dans un état d'inconscience ne peut, en tout état de cause, être prise en considération par le médecin qu'en présence de circonstances médicales exceptionnelles lui permettant raisonnablement de croire qu'il n'existe pas d'autre solution pour soulager la souffrance du patient ou préserver sa dignité. »

L'auteur de l'amendement souligne que ce texte constitue le décalque de la philosophie générale de l'état de nécessité, défendue par son groupe à propos du patient conscient, et adaptée ici à la situation du patient inconscient.

Amendement nº 330

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 330), visant à remplacer le premier alinéa du § 2 de l'article 4 proposé par une disposition selon laquelle le médecin ne peut pratiquer une euthanasie qu'en invoquant l'état de nécessité, tout en s'assurant que les conditions fondamentales fixées à l'article 3, § 1er, ainsi que celles prévues au § 2 de l'article 4 de la proposition à l'examen sont remplies.

Un des cosignataires de l'amendement déclare que, pour que le cas soit conforme aux articles 2 et 3 de la CEDH, le médecin doit être confronté à un conflit de devoirs, c'est-à-dire qu'il faut, en d'autres termes, qu'il y ait état de nécessité. En outre, l'article 4 concerne des personnes « inconscientes ». Il convient donc de vérifier que les conditions prévues à l'article 3 sont bel et bien remplies, notamment celles concernant les souffrances insupportables, le caractère réfléchi et répété de la demande et la majorité du patient concerné.

Amendement nº 408

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 408), qui tend à remplacer l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« ­ le patient est capable et âgé de 18 ans révolus;

­ la déclaration anticipée a été rédigée selon les dispositions prévues au § 1er;

­ le patient inconscient est dans un état de coma irréversible selon l'état actuel de la science, que cette situation résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable et que son décès est inéluctable à brève échéance. »

Cet amendement vise à aligner la logique de l'article 4, § 2, sur celle de l'article 3, qui impose au médecin de s'assurer d'un certain nombre de conditions avant de pratiquer son acte.

L'amendement suppose également une adaptation de la première phrase du § 2, notamment par le remplacement des mots « s'il constate » par les mots « s'il s'assure ».

Cette adaptation fait l'objet d'un autre amendement.

Le premier tiret proposé par l'amendement nº 408 apporte une réponse à la préoccupation d'un précédent intervenant qui avait souligné la distinction à opérer entre le fait de remplir certaines conditions au moment de la rédaction de la déclaration anticipée, et celui de les remplir au moment où le médecin intervient.

Le deuxième tiret prévoit que « la déclaration anticipée a été rédigée selon les dispositions prévues au § 1er », car le texte proposé à l'amendement nº 291 ne fait état d'aucun contrôle sur ce point de la part du médecin.

Enfin, le troisième tiret regroupe, en les exprimant autrement, les trois tirets figurant au § 2, alinéa 1er, de l'article proposé à l'amendement nº 291.

Une membre estime que cet amendement est important et qu'il donne une réponse à plusieurs préoccupations qu'elle a exprimées. Ainsi n'est-il nulle part fait mention, au § 2 de l'article 4 proposé, de la capacité d'agir ou de la majorité de la personne qui demande l'euthanasie, ce qui est pourtant une condition fondamentale selon l'article 3, § 1er, de la proposition à l'examen. Le médecin ne doit-il donc plus s'assurer de la valeur de la demande avant de pratiquer l'euthanasie ?

Un membre répond que, s'agissant d'un patient inconscient, il est normal que des conditions particulières soient prévues.

Le § 1er de l'article 4 proposé définit à quels critères la déclaration anticipée doit répondre pour être considérée comme valable.

Le § 2 prévoit que, dans le cadre de la déclaration anticipée, le médecin doit vérifier certains éléments.

La structure de l'article paraît donc assez claire.

La préopinante estime qu'il faut contrôler si les conditions fondamentales auxquelles est soumise l'euthanasie sont remplies et s'assurer que la déclaration de volonté a bien été établie conformément au § 1er de l'article 4 proposé.

Il est fait remarquer que, si le déclarant est majeur ou mineur émancipé au moment de la rédaction de la déclaration anticipée, il le sera nécessairement encore au moment où le médecin sera amené à pratiquer l'acte d'euthanasie.

L'auteur de l'amendement nº 408 répond que, comme l'indique l'existence de 2 paragraphes distincts, l'article proposé part de deux points de vue différents.

Le § 1er prend pour point de départ une personne, qui est un (futur) patient.

L'intervenante estime qu'il faut lui laisser le plus d'autonomie possible pour rédiger sa déclaration.

Le § 2, lui, prend pour point de départ le médecin, et fixe les conditions auxquelles celui-ci peut pratiquer un acte d'euthanasie sur un patient inconscient. Il paraît judicieux d'aligner la logique de ce paragraphe sur celle de l'article 3.

Le précédent intervenant fait remarquer que la première phrase du § 2 renvoie explicitement à la déclaration anticipée « telle que prévue au § 1er ». Cela signifie clairement qu'une déclaration ne peut être prise en compte par le médecin que si elle répond aux conditions fixées au § 1er de l'article.

Amendement nº 409

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 409), qui vise à remplacer la première phrase et les trois tirets du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« Le médecin ne peut, en conscience, mettre fin délibérément à la vie d'un patient inconscient dont le décès est inéluctable à brève échéance et qui en a fait la demande dans une déclaration anticipée, que dans les cas exceptionnels où :

­ le patient est capable et âgé de 18 ans révolus;

­ la déclaration anticipée a été rédigée selon les dispositions prévues au § 1er;

­ le patient inconscient est dans un état de coma irréversible selon l'état actuel de la science, que cette situation résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable et que son décès est inéluctable à brève échéance. »

L'amendement vise à instaurer une plus grande cohérence avec la technique légistique utilisée dans l'article 3 en ce qui concerne l'articulation des conditions de l'acte d'euthanasie.

Dans la logique de l'amendement, l'euthanasie reste un acte exceptionnel, que ce soit dans le cadre de l'article 3 ou de l'article 4.

Amendements nºs 331 et 332

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendements nºs 331 et 332), visant à ajouter une disposition selon laquelle la déclaration de volonté doit avoir été établie ou confirmée moins d'un an (amendement nº 331) ou moins de cinq ans (amendement nº 332) avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté.

Un des auteurs de l'amendement fait remarquer que, si on prévoit un délai, celui-ci doit également faire l'objet d'un contrôle par le médecin. L'intervenant se réfère aux amendements qui ont été déposés en vue de ramener à un an le délai de 5 ans que les auteurs de l'amendement nº 291 proposent d'insérer au § 1er. Mais quel que soit le délai, le médecin doit de toute façon contrôler qu'il n'a pas été dépassé, sans quoi cette disposition est parfaitement vaine.

Un membre estime que ces amendements imposent une condition impossible.

Un autre membre rappelle que la première phrase du § 2 vise une déclaration anticipée « telle que prévue au § 1er », et que, d'autre part, l'avant-dernier alinéa du § 1er prévoit que la déclaration « ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté. »

Un des auteurs des amendements nºs 331 et 332 répond que, selon le texte de l'amendement nº 291, le médecin ne doit pas vérifier si le délai prévu au § 1er de l'article 4 proposé est respecté. Il convient de compléter le texte sur ce point.

Amendement nº 341

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 341) visant à apporter une correction linguistique au texte proposé par l'amendement nº 291, qui, d'un point de vue grammatical, n'est pas tout à fait en ordre.

L'amendement nº 341 est retiré puisque le texte imprimé de l'amendement nº 291 a déjà été corrigé sur le plan linguistique.

Amendement nº 350 B

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 350), dont le point B) vise à remplacer, dans la première phrase du § 2 de l'article 4 proposé, les mots « telle que prévue au § 1er » par les mots « rédigée par une personne capable, âgée de 18 ans révolus et apte à apprécier raisonnablement ses intérêts en matière de santé ».

Cet amendement est conforme à la logique qui sous-tend les autres amendements déposés par le même auteur, et selon laquelle la déclaration anticipée ne doit pas revêtir un caractère aussi formel que celui prévu à l'amendement nº 291.

La formule proposée par l'amendement nº 350 B est parallèle à celle proposée par son auteur à l'article 3.

Amendement nº 365

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 365), qui tend à remplacer, dans la première phrase du § 2 de l'article 4 proposé, les mots « s'il constate que » par les mots « s'il s'est assuré que », en vue d'assurer la concordance avec le texte de l'article 3.

Selon un membre, il suffit, pour l'application de l'article 4, § 2, que le médecin « constate ». Il n'est pas exigé, comme c'est le cas à l'article 3 de la proposition à l'examen, qu'il « s'assure » de la situation.

L'un des auteurs de l'amendement nº 365 ne comprend pas ce point de vue, car le contexte de l'article 4 est encore plus délicat que celui de l'article 3.

S'agissant d'un patient inconscient, le médecin ne peut se contenter d'un simple constat, mais doit réellement s'assurer que les conditions sont remplies.

Amendement nº 334

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 334) visant à préciser que l'intéressé doit être dans le coma pour que l'on puisse pratiquer une euthanasie sur lui.

Un des auteurs de l'amendement répète que l'on commettrait une grave erreur si on laissait au seul médecin le soin d'apprécier l'exécution de la déclaration de volonté. Il appartiendrait donc au médecin de déterminer ce qui est infraction et ce qui ne l'est pas.

Selon un membre, la discussion du § 1er a montré que la formulation proposée par l'amendement nº 334 n'était pas précise.

Un des auteurs de l'amendement nº 334 répond que le texte de celui-ci est en tout cas plus clair que celui proposé par l'amendement nº 291.

Le préopinant ne partage pas ce point de vue.

Un des auteurs de l'amendement nº 334 renvoie à la justification de l'amendement nº 291, où il est dit littéralement : « ... qu'il est inconscient, c'est-à-dire dans le coma ... » (doc. Sénat, nº 2-244/15, p. 5). Si telle est l'intention, il faut également le préciser dans le dispositif, afin d'éviter tout malentendu.

Amendement nº 335

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 335), visant à remplacer le deuxième et le troisième tirets du premier alinéa du § 2 par un texte qui prend comme critère déterminant la perte définitive et complète des fonctions cérébrales.

Un des auteurs de l'amendement nº 335 renvoie à la justification écrite de celui-ci, où l'on cite l'article 98 du Code de déontologie médicale. Si l'objectif est d'éviter que l'on ne prolonge artificiellement la vie, ce que beaucoup appréhendent, il vaut mieux se baser sur le critère proposé que sur une vague référence à des personnes « inconscientes ».

Amendement nº 336

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 336) visant à préciser dans le texte que l'état « inconscient » doit résulter d'une affection médicale.

Un des auteurs de l'amendement nº 336 renvoie à la justification écrite de celui-ci. Une personne peut par exemple perdre connaissance sans que cela ait quoi que ce soit à voir avec la maladie qu'elle a décrite dans sa déclaration de volonté. Il faut qu'il y ait bel et bien un lien de causalité entre les deux éléments : la maladie et l'état d'inconscience.

Une membre déclare qu'une personne qui perd connaissance ne se trouve pas dans une situation irréversible d'« inconscience ».

Elle estime que l'un ne doit pas nécessairement être la conséquence de l'autre.

Un autre membre déclare qu'une situation d'inconscience irréversible est évidemment, en soi, une pathologie grave et incurable.

Si le texte vise cependant explicitement une maladie grave et incurable, afin d'apporter quelque précision, c'est pour répondre aux remarques formulées par les opposants à la proposition de loi.

Amendement nº 411

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 411) visant à exclure du champ d'application du § 2 de l'article 4 proposé, les personnes atteintes de démence sénile.

Une des auteurs de l'amendement renvoie aux interventions qu'elle a déjà faites à ce sujet.

Un membre demande ce que l'on entend par « une maladie comparable à la démence sénile ». Il trouve cette formulation peu indiquée sur le plan scientifique.

La préopinante répond que, par « maladie comparable », on entend par exemple la maladie d'Alzheimer.

Un membre est d'avis que l'amendement nº 411 n'est pas formulé clairement.

Les termes « dans un état d'inconscience » sont bien plus clairs. Il appartient au médecin de constater si une personne se trouve ou non dans cet état.

Amendement nº 412

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 412) par lequel ils souhaitent préciser que les personnes visées au § 2 doivent se trouver dans un état végétatif persistant.

Selon un membre, cette formule n'est pas la bonne.

Un des auteurs de l'amendement nº 412 fait remarquer qu'il a rédigé ce dernier précisément en tenant compte des déclarations faites précédemment par un des auteurs de l'amendement nº 291. L'amendement à l'examen vise à préciser la portée exacte de l'article 4, qu'on ne connaît toujours pas.

Un membre déclare que ne pas recevoir la réponse que l'on souhaite n'est pas la même chose que ne pas recevoir de réponse.

Le préopinante déduit des déclarations publiques faites par un des auteurs de la proposition de loi que l'article 4 pourrait aussi s'appliquer aux personnes démentes.

Une membre répète qu'il y a une distinction entre sa vision personnelle des choses et ce que propose l'amendement nº 291. Dans ce dernier, les personnes démentes sont exclues du champ d'application; les personnes concernées sont des personnes « en état d'inconscience ». Ce terme est un terme médical. C'est la raison pour laquelle on veut éviter de faire des énumérations dans le texte.

Un des auteurs de l'amendement nº 412 constate que, dans ce cas, le texte proposé ne correspond pas à l'opinion personnelle de la préopinante.

Cette dernière lui répond que c'est effectivement le cas.

Un membre ajoute qu'il convient de circonscrire la discussion aux textes déposés, à l'exclusion des déclarations faites par les uns et les autres en dehors du contexte du travail législatif.

Amendement nº 414

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 414) visant à exclure explicitement du champ d'application du § 2 de l'article 4 les personnes qui se trouvent dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale.

Un membre répète que l'on vise les patients inconscients. Il ne faut pas tenter de faire dire aux auteurs de l'amendement nº 291, en déposant des sous-amendements qui excluent explicitement certaines catégories de personnes, que l'amendement nº 291 viserait les personnes en question.

Un autre membre fait remarquer que la discussion de ces amendements est parallèle à celle qui a eu lieu concernant des amendements déposés précédemment. Les précisions que les auteurs de la proposition à l'examen ont données valent donc aussi pour les amendements actuellement en discussion.

Amendement nº 333

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 333) précisant qu'il doit exister des raisons suffisamment graves pour prendre en considération la déclaration de volonté.

Un des auteurs de l'amendement estime que l'état d'« inconscience » irréversible ne peut pas suffire en soi.

Amendement nº 337

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 337) visant à préciser que l'intéressé doit se trouver dans une situation de souffrance persistante et insupportable qu'aucun traitement ne peut adoucir et qui est médicalement sans issue.

Une des auteurs de l'amendement précise que celui-ci est parallèle aux dispositions de l'article 3. Elle se réfère à la justification écrite de l'amendement nº 337. Les auteurs de la proposition affirment toujours, à l'intention de l'opinion publique, qu'il faut apporter une réponse aux souffrances insupportables que ressentent certains patients. Or, ici, cette condition est totalement absente.

Amendement nº 338

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 338) visant à obliger le médecin à vérifier que toutes les exigences fondamentales posées à l'article 3, § 1er, sont remplies.

Un des auteurs de l'amendement explique qu'il convient, ici aussi, de tendre vers un parallélisme avec l'article 3. L'intervenant se réfère à la justification écrite de l'amendement nº 338.

À propos des mots « et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi », figurant au § 2, un membre déclare qu'un texte de loi, et spécialement en droit pénal, doit toujours renvoyer à un article, un paragraphe, ou un alinéa déterminé.

À cet égard, l'amendement nº 338 est plus précis, mais il faut voir si le renvoi qui y figure répond à l'intention des auteurs de l'amendement nº 291.

Un autre membre répond par la négative, car l'amendement nº 338 renvoie à l'article 3, qui traite des malades conscients, alors que l'article 4 vise les malades inconscients ayant rédigé une déclaration anticipée.

La précédente intervenante se demande, dans ce cas, à quoi sert le membre de phrase en question. Quelles conditions et procédures ne sont pas prévues au § 2 ?

Le précédent orateur déclare que les auteurs de l'amendement nº 291 réenvisageront la question.

Un des auteurs de l'amendement nº 338 fait remarquer qu'il est effectivement dit, au début du § 2 de l'article 4 proposé, que le médecin doit respecter « les conditions et procédures prescrites par la présente loi » s'il ne veut pas être poursuivi au pénal. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un patient « qui se trouve en état d'inconscience » ­ mais n'est pas en phase terminale ­ et qui a demandé l'euthanasie dans une déclaration anticipée, faut-il alors respecter toutes les conditions mises à l'article 3 de la loi pour les patients ne se trouvant pas en phase terminale ? Ou ne faut-il satisfaire qu'aux conditions prévues à l'article 4 ? Autrement dit, les termes « la présente loi » signifient-ils l'ensemble de la loi ? Ce point n'est pas tout à fait clair.

Amendement nº 339

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 339) visant à inscrire dans la loi qu'avant de pratiquer l'euthanasie, on doit vérifier s'il n'existe plus d'autre possibilité de traiter la douleur du patient et de garantir sa dignité.

Une des auteurs de l'amendement souhaite, ici aussi, maintenir le parallélisme avec l'article 3. Elle estime que l'on ne souligne pas assez la nécessité de rechercher d'abord d'autres solutions que l'euthanasie pour soulager le patient de ses douleurs. Dès que le patient est durablement dans un « état d'inconscience » quel que soit le sens de ce terme ­ on peut, selon le texte proposé par l'amendement nº 291, procéder à l'euthanasie.

L'intervenant se réfère à la justification écrite de l'amendement nº 339.

Un membre se demande quelle est encore la dignité d'un patient qui est inconscient et qui a des escarres grands comme le poing. Ce sont là des cas réels.

Selon la préopinante, la science médicale nous permet désormais de traiter ce genre de problèmes et de soigner ce type de plaies.

Un membre demande si, dans l'esprit d'une précédente intervenante, les patients qui se trouvent dans la situation qu'elle décrit et qui n'ont pas fait de déclaration anticipée doivent, eux, continuer à souffrir.

Un autre membre répond que tel n'est évidemment pas le point de vue des six auteurs.

Ces patients se trouvent dans la situation actuelle où, le cas échéant, la notion d'état de nécessité pourrait trouver à s'appliquer.

La précédente intervenante réplique que, qu'on le veuille ou non, le fait de légiférer pour certains cas et pas pour d'autres aura une incidence, car le juge aura toujours tendance à raisonner par rapport à ce qui figure dans la loi. On risque donc, en légiférant, de compliquer les choses dans tous les cas non expressément visés par la loi (cf. les nombreux cas cités par le professeur Vincent lors de son audition).

Amendement nº 354

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 354) tendant à ajouter, à l'alinéa 1er du § 2 de l'article 4 proposé, un quatrième tiret rédigé comme suit : « ­ et que le décès est inéluctable à brève échéance ». Cet amendement vise à éviter toute ambiguïté sur les notions « inconscient » et « état irréversible », dont la portée exacte n'est pas totalement éclaircie, tant sur le plan médical que sur le plan juridique.

L'intervenante a pu interroger différents médecins à ce sujet, et selon leur spécialité, leur connaissance de ces notions est différente. Il semble que les mieux placés pour les définir correctement sont, d'une part, les neurologues et, d'autre part, les médecins réanimateurs.

Ceux-ci semblent considérer que les notions de « patient inconscient dans un état irréversible » se rapprochent de la situation décrite à l'article du Code de déontologie médicale qui permet de conclure à la mort clinique du patient, et de procéder à des prélèvements d'organes. Cet état peut aussi se mesurer à travers un électroencéphalogramme. Lorsque celui-ci est plat, le patient est déclaré dans un coma irréversible.

La question est de savoir si le texte de l'amendement nº 291 vise la notion de « coma végétatif », où l'électro-encéphalogramme n'est pas plat, et où un certain état de conscience peut subsister pendant un certain temps.

L'ajout proposé par le sous-amendement vise à guider les médecins dans les décisions qu'ils auront à prendre.

L'intervenante pense surtout à la situation de patients jeunes qui, ayant fait une déclaration anticipée, sont victimes d'un accident, et pourraient néanmoins récupérer de manière satisfaisante.

Un membre expose que les entretiens récents qu'elle a pu avoir avec des médecins « intensivistes », qui s'occupent de patients inconscients pour lesquels la question de l'arrêt ou de l'abstention de traitement se pose, montrent que l'une des critiques essentielles de ces médecins à propos du texte en discussion porte sur la notion d'« inconscience ». Il s'agit d'une critique rationnelle non liée à des clivages philosophiques. Le fait même qu'il ne soit pas fait référence, dans le texte, à l'inconscience strictement liée à un état de coma dépassé ouvre, selon eux, la porte à toutes les dérives.

La matière est en pleine évolution, et la littérature médicale la plus avancée est entre autres, très bien résumée dans un article paru dans le Lancet de janvier 2001. L'évolution des pays anglo-saxons est d'ailleurs plus avancée que la nôtre sur le sujet.

Pour la première fois en France, une publication a eu lieu sur les « guidelines », les codes employés dans les hôpitaux, spécialement en soins intensifs, et sur des statistiques relatives à la manière dont on y arrête consciemment la vie de patients par l'arrêt ou l'abstention de traitement (euthanasie passive).

Cette enquête montre bien que, dans 50 à 60 % des cas, c'est le médecin qui décide du moment de la fin de la vie d'un patient par un arrêt ou une abstention thérapeutique. Elle montre aussi qu'en soins intensifs, lorsqu'on pratique uniquement l'euthanasie passive (c'est-à-dire l'arrêt ou l'abstention de traitement), on touche à 94,7 % des malades.

L'étude s'interroge sur ce qui se passe pour les 5 % de patients restants, qui sont par ailleurs en fin de vie.

La conclusion est que, dans 5 % des cas de patients qui seraient dans le coma et dans une situation irréversible, les médecins ne peuvent établir un pronostic pour les jours qui suivent.

L'état actuel de la science est encore tâtonnant pour ces 5 % de patients. Les médecins qui seront interpellés à leur sujet par la personne de confiance, la famille, ne pourront donner de réponse, et ne pratiqueront pas une euthanasie active, parce qu'ils estiment ne pouvoir abandonner leur principe de responsabilité médicale quand ils ne savent pas à coup sûr que la situation est irréversible. Tous soulignent que l'on ne se trouve pas là dans le domaine de la science exacte.

En conclusion, on se trouve en Europe dans une periode où de façon tâtonnante, on s'efforce de mettre par écrit des codes de conduite médicale pour le patient inconscient. Il n'existe pas encore de consensus médical bien établi pour ce genre de patients. Le législateur ne doit donc pas jouer à l'apprenti sorcier en la matière.

L'article précité met aussi en évidence que la volonté du patient est de plus en plus prise en compte.

Un autre membre estime que la notion de « décès à brève échéance » paraît difficile à utiliser ici. En effet, en cas d'accident, par exemple, les moyens techniques modernes permettent de maintenir la vie de façon artificielle pendant de très longues périodes.

Un membre admet que la formule proposée par son sous-amendement n'est pas nécessairement la plus adéquate, bien qu'elle doive s'interpréter en ce sens que le décès surviendrait à brève échéance si les moyens techniques en question n'étaient pas mis en oeuvre. L'intervenante souligne que le problème reste posé de savoir quelles situations sont exactement visées.

Un membre déclare que deux points lui paraissent essentiels. D'une part, l'article 4 vise les cas où, par hypothèse, une déclaration anticipée existe, ce qui est fondamentalement différent de la situation visée à l'article 3. D'autre part, l'une des conditions essentielles pour que l'article 4 s'applique est que le médecin constate que la situation est irréversible, et que cela soit confirmé par un second médecin. Dès lors, s'il y a le moindre doute sur cette irréversibilité, l'article 4 ne s'appliquera pas.

Amendement nº 342

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 342) qui vise à adapter l'alinéa 1er du § 2 en ce sens que le médecin concerné doit également respecter les conditions et les procédures définies aux articles 3 et 5.

L'auteur principal considère que la structure du § 2 proposé est bancale.

Le médecin qui, en application d'une déclaration de volonté, pratique l'euthanasie sur un patient comateux, incapable de manifester sa volonté, accomplit avant tout un « acte euthanasique ».

Aussi convient-il de commencer par préciser clairement que les conditions à remplir pour que l'euthanasie puisse être considérée comme « non punissable », telles qu'elles sont définies aux articles 3 et 5 (obligation de communication), doivent être respectées.

Le médecin devra, de surcroît, tenir compte d'une série de conditions essentielles supplémentaires qui figurent au § 2 proposé.

Enfin, la disposition de l'alinéa 1er in fine « et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi » doit être maintenue dès lors qu'elle rend punissable le non-respect des conditions procédurales prévues plus loin à l'article 4, § 2.

De cette manière, on assure également le parallélisme avec la structure des dispositions de l'article 3 de la proposition.

Amendement nº 329

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 329) un sous-amendement selon lequel toutes les conditions et procédures prescrites doivent être respectées de manière cumulative.

L'auteur principal renvoie à la justification écrite de l'amendement.

Amendement nº 405

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 405), tendant à insérer, in fine de l'alinéa 1er, après le mot « procédures », les mots « ainsi que la déclaration ».

Un amendement similaire avait déjà été déposé à l'article 3. Il s'agit d'indiquer de façon explicite que, parmi les conditions qui pourraient rendre légitime un acte d'euthanasie, il faut inclure le fait de faire la déclaration d'euthanasie à la commission d'évaluation.

La question n'est toujours pas résolue de savoir quelle est la situation juridique du médecin qui n'aurait pas respecté l'une ou l'autre des conditions et prescrits légaux, et en particulier l'obligation de déclaration auprès de la commission d'évaluation. Les six auteurs ont donné à ce sujet une brève réponse, selon laquelle le médecin se trouverait alors hors champ de la loi.

L'intervenante estime que cette réponse est tout à fait insuffisante, et qu'une plus grande clarté doit exister à ce sujet dans le texte en discussion. Il doit être clair pour les médecins que la déclaration à la commission d'évaluation est impérative et que s'ils ne la font pas, ils pourront se trouver en difficulté, même si, par ailleurs, toutes les autres conditions fixées par la loi sont réunies. En effet, l'un des fondements de la proposition est le contrôle, qui s'exerce grâce au dossier médical, mais aussi grâce à cette déclaration.

Un membre soutient cet amendement. Il répète une critique qu'il a déjà formulée et selon laquelle aucune sanction n'a été prévue pour punir celui qui ne respecterait pas la loi qui serait issue de la proposition de loi à l'examen.

Amendement nº 434

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 434), tendant à supprimer, au § 2 de l'article 4 proposé, les mots « et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi ».

L'intervenante renvoie à ce qu'elle a déjà exposé à ce sujet. Elle rappelle que, selon elle, l'alinéa en question risque d'engendrer des confusions puisque, de l'opinion des auteurs mêmes de l'amendement nº 291, certaines conditions visées dans la présente loi ne s'appliqueraient pas en cas d'euthanasie d'un patient inconscient, notamment celles relatives à la souffrance du patient.

Il convient de préciser exactement les conditions et procédures visées dans la loi, autres que celles visées au § 2 proposé, qui s'appliqueraient selon cet alinéa.

Un membre soutient le sous-amendement qui lui paraît pertinent. Elle rappelle par ailleurs sa précédente intervention, et demande si les auteurs de la proposition à l'examen envisagent un dispositif particulier et des sanctions spécifiques pour le médecin qui n'aurait pas respecté l'une ou l'autre des conditions fixées par le texte.

Amendement nº 403

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 403), qui vise à insérer, après la première phrase, un 1º nouveau, rédigé comme suit :

« 1º s'assurer que la déclaration anticipée a bien été rédigée selon les dispositions prévues au § 1er.

Il doit en outre s'assurer que le patient a bien reçu, avant de rédiger ou de confirmer sa déclaration anticipée, toutes les informations nécessaires sur l'évolution probable de sa maladie, les possibilités de prise en charge thérapeutiques ou palliatives envisageables dans sa situation, lui permettant de formuler sa demande en toute connaissance de cause et sans pression extérieure.

Il ne peut la prendre en considération que s'il a acquis la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la déclaration a été rédigée et confirmée par le patient au plus tard un an avant le moment où le patient n'est plus en état de confirmer sa demande. »

Cet amendement tend à instaurer un parallélisme entre l'article 3 et l'article 4. L'article 3 prévoit, en son § 1er, que le médecin doit s'assurer de la réunion d'une série de conditions. Dans le cadre de l'article 4, il doit seulement faire un constat, à savoir que le patient « est atteint d'une affection accidentelle ... » etc.

L'article indique ensuite quelle procédure il doit suivre.

Pour que la loi soit cohérente, il faut, selon l'intervenante, prévoir à l'article 4 le même processus et suivre la même philosophie qu'à l'article 3, à savoir que le médecin porte une responsabilité évidente en ce qui concerne les conditions dans lesquelles il peut se voir justifié pour un éventuel acte d'euthanasie. Parmi ces conditions figure, à l'article 4, la déclaration anticipée. A l'article 3, le médecin doit s'assurer que la demande est persistante, mûrement réfléchie, etc.

L'intervenante estime que, dans le cadre de l'article 4, il faut procéder de la même manière en imposant au médecin de vérifier que la déclaration anticipée a bien été rédigée selon les dispositions prévues au § 1er.

En effet, qui d'autre que le médecin pourrait être le comptable de la légalité de la déclaration anticipée ? Il faudrait en outre qu'il s'assure que le patient a bien reçu, avant de rédiger ou de confirmer sa déclaration anticipée, toutes les informations nécessaires sur l'évolution probable de sa maladie, les possibilités de prise en charge thérapeutiques ou palliatives envisageables dans sa situation, lui permettant de formuler sa demande en toute connaissance de cause et sans pressions extérieures.

Toutes les précautions que l'on prévoit à l'article 3, dans le cadre d'un dialogue patient-médecin, doivent aussi être valables dans le cadre de l'article 4.

Aux yeux de l'intervenante, la déclaration anticipée n'a de sens que si la personne qui la rédige a eu l'occasion de s'entretenir avec un médecin de ce qui pourrait lui arriver.

Cela s'inscrit aussi dans le cadre des droits du patient, et en particulier du droit au consentement éclairé.

Un membre estime que ce sous-amendement met sur le même pied le malade et le bien portant. L'égalité est une notion certes essentielle, mais pour des catégories identiques. Le texte du sous-amendement suppose qu'il faut être malade pour faire une déclaration anticipée puisqu'avant de la rédiger, l'intéressé doit avoir reçu « toutes les informations nécessaires sur l'évolution probable de sa maladie « , et sur « les possibilités de prise en charge thérapeutiques ou palliatives envisageables dans sa situation ». Le parallèle que l'on veut opérer ici avec l'article 3 n'est pas pertinent, car les situations envisagées dans l'article 3 et dans l'article 4 ne sont pas comparables.

Quel sens, par exemple, la référence aux soins palliatifs peut-elle avoir pour un patient en état d'inconscience irréversible ?

La multiplication des conditions n'a pas de raison d'être, puisque la déclaration anticipée n'est qu'un élément indicatif parmi d'autres, et que le médecin garde sa liberté d'appréciation.

Par ailleurs, les auteurs de la proposition entendent préserver la liberté de l'individu et ne veulent pas le contraindre à s'entourer d'une série d'avis préalablement à la rédaction de sa déclaration.

Enfin, le délai de cinq ans paraît préférable à l'intervenant, qui estime que le délai d'un an proposé par le sous-amendement est beaucoup trop court.

Une autre membre considère que chaque commissaire dépose ses amendements dans l'intention d'améliorer les textes proposés.

Elle attire toutefois l'attention sur le fait qu'à l'article 3, il est question du patient alors qu'à l'article 4, il est question d'une personne consciente majeure qui rédige une déclaration de volonté. Les conditions auxquelles doit satisfaire l'intervention euthanasique pratiquée sur le patient, telles que visées à l'article 3, ne sont donc pas applicables automatiquement pour ce qui est des personnes visées à l'article 4.

De surcroît, la déclaration de volonté n'est qu'un des éléments, dont le médecin a à tenir compte. La prudence dont il est question à l'amendement nº 403 n'a donc pas sa place en l'espèce, selon l'intervenante.

Heureusement, chacun peut rédiger une déclaration de volonté en toute liberté et en toute indépendance. Il ne faut pas que cela change.

L'auteur de l'amendement nº 403 observe tout d'abord que tous les amendements sont évidemment perfectibles.

Par ailleurs, elle a souhaité depuis le début du débat que l'on élargisse la proposition aux droits du patient, en ce compris la déclaration anticipée, qui s'y intègre parfaitement, notamment sous l'aspect du droit au consentement éclairé. L'intervenante s'accorde avec l'idée que chacun peut mettre ses souhaits par écrit quand et comme il l'entend. Elle estime cependant que si l'on veut que le médecin prenne véritablement en compte la déclaration anticipée, il doit y avoir eu, à un moment donné, un dialogue avec un médecin.

Un membre souligne que toute personne n'a pas nécessairement un médecin traitant, mais qu'elle n'en a pas moins le droit de rédiger une déclaration anticipée, et de souhaiter que celle-ci soit prise en compte.

La précédente intervenante poursuit en renvoyant aux documents communiqués par l'ADMD à propos du testament de vie. Celle-ci fait à juste titre référence à des législations existant dans d'autres pays et notamment au Danemark, où les dispositions relatives au testament de vie s'intègrent dans la législation sur les droits du patient.

Un membre estime que la conception de la précédente intervenante s'éloigne d'une médecine libérale, au profit d'un système où l'individu, écrasé par les structures qui sont censées l'encadrer, aura moins de droits qu'il n'en a actuellement. De plus, dans la société actuelle, il est probable qu'au cours de sa vie, un même individu changera plusieurs fois de médecin.

Un autre membre est d'avis qu'il ne faut pas donner au médecin la mission impossible d'informer une personne en bonne santé sur tout ce qui pourrait lui arriver. À cet égard, la formulation du sous-amendement pose problème.

Un autre membre encore estime que, lorsqu'une personne émet une volonté claire, il ne faut pas vouloir l'infantiliser par toutes sortes de procédures.

Amendement nº 404

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 404), ayant pour objet de remplacer le 1º du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« 1º consulter deux autres médecins ­ dont un des deux est neurologue ­ quant au caractère terminal de la maladie grave et incurable, ainsi que sur le caractère irréversible du coma dont est atteint le patient.

Les médecins consultés prennent connaissance du dossier médical et examinent le patient. Ils rédigent un rapport de leurs constatations. Ces médecins doivent être indépendants à l'égard du patient ainsi qu'à l'égard du médecin traitant. Ils doivent être compétents quant à la pathologie concernée.

Si le neurologue ne peut confirmer le caractère irréversible du coma, le médecin traitant ne peut répondre à la demande du patient. »

L'auteur souligne l'utilité de disposer de l'avis d'un neurologue, qui paraît particulièrement indiqué pour se prononcer sur le caractère irréversible d'un coma. Elle renvoie aussi à des propositions de loi antérieurement déposées, et notamment à celle de Mme Leduc et consorts, qui contenait beaucoup d'éléments intéressants, et notamment l'obligation de consulter, non pas un, mais deux autres médecins. Il y était prévu qu'en cas de désaccord entre ceux-ci, on faisait appel à un troisième médecin et qu'en cas de désaccord sur la désignation de celui-ci, on faisait appel au tribunal. L'intervenante n'a pas voulu aller aussi loin dans la procédure.

Un membre souligne l'élément nouveau que constitue la dernière phrase du sous-amendement. Jusqu'à présent, le médecin demeurait, in fine, libre de sa décision. L'intervenant ne peut accepter que le neurologue puisse ainsi bloquer la situation en mettant son veto.

L'auteur de l'amendement nº 404 estime qu'un seul médecin ne suffit pas et qu'il faut que le second médecin soit un neurologue. Pour le surplus, l'intervenante se dit prête à supprimer la dernière phrase de son sous-amendement, qui exprime une évidence puisque, si le neurologue ne confirme pas l'irréversibilité de l'inconscience, on se trouve hors du champ d'application de l'article.

Le précédent orateur répond qu'à son estime, le sous-amendement constitue un recul par rapport à l'amendement principal, qui prévoit que le second médecin doit être compétent quant à la pathologie concernée. En effet, il y a des pathologies nombreuses et variées, susceptibles d'entraîner le décès, et il n'y a pas de raison de se limiter à un neurologue dans tous les cas.

L'auteur de l'amendement nº 404 répond que c'est le mieux placé pour se prononcer sur le caractère irréversible du coma, ce pour quoi un médecin d'une autre spécialité n'a pas nécessairement la compétence technique. Pour le surplus, l'intervenante annonce qu'elle reverra la formulation de son amendement pour répondre aux remarques qui ont été formulées.

Un membre souligne que deux situations sont possibles : celle où l'inconscience résulte d'un accident, et celle où elle est la conséquence, moins brutale, d'une pathologie évolutive. Dans ce dernier cas, c'est un médecin qui a suivi le patient depuis un certain temps et qui connaît l'évolution de ce type de pathologie qui va agir. Dans le premier cas, par contre, il est plus que probable que le médecin consulté soit un neurochirurgien ou un neurologue, compétent en traumatologie. Peut-être faudrait-il remplacer les termes « compétent dans la pathologie concernée » par les mots « compétent dans l'affection concernée », pour couvrir les deux hypothèses.

Un autre membre souscrit au point de vue du préopinant. Un état comateux n'est en effet pas nécessairement la même chose qu'un état d'« inconscience ».

Il fait par ailleurs remarquer que l'on parle continuellement en l'espèce de situations en milieu hospitalier, où l'intervention d'un neurologue est évidemment facile à assurer. Toutefois, comme la plupart des gens meurent chez eux, il est très difficile d'obtenir systématiquement l'intervention d'un neurologue.

L'auteur de l'amendement nº 404 maintient que le texte de l'amendement nº 291 n'est pas clair, lorsqu'il indique : « consulter un autre médecin quant à l'irréversibilité de la situation médicale du patient ». Ces mots visent-ils oui ou non l'irréversibilité de l'inconscience ?

Un membre répond que la « situation médicale » est celle décrite par les trois tirets qui précèdent dans le texte.

Amendement nº 343

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 343) qui tend à remplacer l'alinéa 2, 1º, du § 2 de l'article proposé par un passage selon lequel un autre médecin doit être consulté à propos du respect des conditions définies à l'article 1er et à l'alinéa 3 de ce paragraphe.

L'auteur principal déclare que le seul contrôle, par le médecin consulté, du caractère irréversible de l'état d'inconscience ne peut suffire et que ce contrôle sert simplement à confirmer le diagnostic. Il faut dès lors que le médecin consulté se prononce aussi, dans la perspective de l'accomplissement d'un acte euthanasique, à propos du respect ou non de toutes les conditions essentielles.

Amendement nº 345

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 345) qui vise à insérer une disposition selon laquelle le médecin traitant doit discuter les résultats de la consultation avec la personne de confiance.

L'auteur principal estime que le texte proposé limite la tâche du médecin, après consultation du deuxième médecin, à un simple devoir formel d'information. Cela ne suffit pas. La personne de confiance doit aussi pouvoir évaluer et discuter les résultats de la consultation avec le médecin.

Un membre annonce qu'il envisagera l'approbation de cet amendement. Lui-même a toujours compris le texte dans le sens que lui donne le préopinant.

Amendement nº 357

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 357) tendant à supprimer, au 1º du § 2 de l'article 4 proposé, la phrase « Si une personne de confiance est désignée dans la déclaration de volonté, le médecin traitant met cette personne de confiance au courant des résultats de cette consultation », et d'exprimer plutôt cette idée à la fin du 3º du même paragraphe, par l'ajout des mots : « et l'informer des résultats de la consultation du médecin visé au 1º ».

L'auteur trouve en effet plus logique de reprendre sous le 3º tout ce qui concerne la personne de confiance.

Amendement nº 358

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 358) tendant à compléter le 1º du § 2 de l'article 4 proposé par les mots « Celui-ci sera de préférence spécialiste en neurologie ».

L'intervenante renvoie à ce qu'elle a déjà exposé à ce sujet, à propos d'un autre amendement. Peut-être la formule du présent amendement pourrait-elle être plus acceptable pour les auteurs de l'amendement nº 291.

Amendement nº 407

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 407), visant à remplacer la première phrase de l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« En outre, le médecin doit au préalable ».

Cet amendement déjà déposé à l'article 3, ne change rien au fond, mais améliore, selon son auteur, la lisibilité du texte et est légistiquement plus correct.

Amendement nº 439

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 439), tendant à insérer au § 2, alinéa 2 de l'article 4 concerné, entre le 1º et le 2º, un 1ºbis rédigé comme suit :

« 1ºbis consulter, le cas échéant, le médecin qui a aidé le patient à rédiger sa déclaration. »

L'auteur estime qu'il est conseillé au patient de se faire aider par un médecin pour rédiger sa déclaration anticipée.

Face à un patient inconscient, le médecin en charge de ce patient pourra recevoir des informations utiles de son confrère quant à la volonté du patient lorsqu'il a rédigé sa déclaration.

Amendement nº 356

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 356), tendant à remplacer le 2º de l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« 2º s'entretenir avec l'équipe soignante en contact régulier avec le patient de la déclaration anticipée de ce dernier. »

L'auteur estime cette rédaction préférable aux termes « l'équipe soignante ou des membres de celle-ci », car il paraît évident que seuls les membres de l'équipe qui sont en contact régulier avec le patient doivent être consultés.

Amendement nº 344

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 344) qui vise à insérer à l'article 4, § 2, alinéa 2, 2º, proposé une disposition selon laquelle le médecin doit non seulement examiner le patient, mais aussi vérifier si les soins donnés et le traitement administré sont adéquats.

L'auteur principal renvoie à la justification écrite de l'amendement nº 344.

Amendement nº 346

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat nº 2-244/16, amendement nº 346) qui vise à insérer à l'alinéa 2, 3º, du § 2 de l'article 4 proposé une disposition selon laquelle non seulement la déclaration, mais aussi les résultats des discussions menées par le médecin avec le deuxième médecin et l'équipe soignante doivent être discutés avec la personne de confiance.

L'auteur principal renvoie à la justification écrite de l'amendement nº 346.

Amendement nº 347

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat nº 2-244/16, amendement nº 347) qui vise à remplacer le 4º de l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par un texte selon lequel le contenu de la déclaration anticipée et les résultats de l'entretien visé aux 1º, 2º et 3º doivent être discutés avec les proches du patient.

L'auteur principal estime que la désignation d'une personne de confiance ne peut pas avoir pour conséquence que les proches ­ qui n'auraient pas été désignés, par exemple ­ ne soient plus associés en aucune manière à la procédure. En outre, ils doivent être informés et consultés au sujet de tous les résultats des diverses consultations.

Un membre interprète l'amendement en ce sens que, même si le patient n'avait pas voulu impliquer ses proches lorsqu'il était encore conscient, ces proches doivent en tout état de cause être informés lorsqu'il est inconscient.

Le préopinant renvoie au texte du 4º, qui permet, si aucune personne de confiance n'a été désignée dans la déclaration, de ne pas devoir discuter les divers points en question avec les proches. Telle est l'interprétation littérale du texte.

Plusieurs membres confirment que la désignation d'une personne de confiance n'est pas obligatoire.

Amendement nº 348

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat nº 2-244/16, amendement nº 348) qui vise à remplacer, à l'alinéa 2, 4º, du § 2 de l'article 4 proposé, les mots « proches du patient que la personne de confiance désigne » par les mots « proches du patient que celui-ci a désignés dans sa déclaration anticipée ».

L'auteur principal estime qu'il doit être exclu que la concertation avec les proches soit limitée à ceux d'entre eux qui sont désignés par la personne de confiance. Tous les proches désignés par le patient dans sa déclaration de volonté ont le droit d'en connaître le contenu.

Amendement nº 355

Mme de T' Serclaes et M. Galand déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 355), tendant à remplacer le 4º de l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« 4º s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée avec les proches du patient. »

L'un des auteurs souligne que le plus grand risque, aujourd'hui, pour les médecins qui pratiqueraient un acte d'euthanasie, vient des réactions des proches qui pourraient déposer plainte, parce qu'ils n'ont pas été préalablement informés ou qu'il n'ont pas compris ce qui se passait.

Les médecins ont intérêt à ce qu'un maximum de consensus se fasse parmi les proches à propos de l'acte envisagé.

En effet, il s'agit de gérer non seulement la situation du patient, mais aussi celle de la famille après le décès de ce dernier.

Amendement nº 433

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 433) qui tend à remplacer le 4º de l'alinéa 2 du § 2 de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« 4º s'entretenir du contenu de la déclaration du patient avec les proches de ce dernier, sauf si le patient s'y est opposé dans sa déclaration. »

L'auteur renvoie à la récente étude du Lancet qu'elle a déjà mentionnée, et dont il résulte que dans 59 % des cas seulement, les familles ont été informées. Cette information ne fait donc pas encore partie de la culture du monde médical, mais la tendance actuelle, dans laquelle s'inscrit l'amendement, va de plus en plus dans le sens de l'information des proches.

Un membre estime que l'on aurait tort d'exclure explicitement certaines personnes de la concertation prévue à l'article 4, dans le cadre d'une déclaration de volonté. L'intervenant estime qu'il est souhaitable de se limiter aux personnes qui sont explicitement désignées dans la déclaration de volonté.

Amendement nº 396

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 396), visant à insérer entre le 2º et le 3º alinéas du § 2 de l'article 4 proposé, un alinéa nouveau rédigé comme suit :

« Avant de prendre en considération la déclaration anticipée d'un patient, le médecin s'assure que cette déclaration n'a pas été retirée ou adaptée. »

L'auteur précise que l'amendement s'inspire de la considération selon laquelle il importe que le médecin ne prenne en considération qu'une déclaration de volonté dont la validité est incontestable.

Un membre demande comment l'on peut s'assurer concrètement que le patient n'a pas retiré sa demande.

L'auteur de l'amendement estime que deux éléments de réponse existent : le premier est que cela dépendra du système d'enregistrement des déclarations, qui n'est pas encore finalisé. Encore faut-il que cet enregistrement soit à jour.

Un second élément de réponse est que si le médecin constate que la déclaration existe, qu'il y a eu des témoins et qu'une personne de confiance a été désignée, on peut imaginer un contact informel avec ces témoins et cette personne de confiance, qui feront sans doute partie de l'entourage immédiat.

Le précédent intervenant comprend l'intention qui inspire le sous-amendement, mais estime que celui-ci devrait être plus élaboré.

L'auteur de l'amendement répond qu'elle n'a pas développé davantage son sous-amendement, parce que le dernier alinéa de l'article prévoit une délégation au Roi en la matière.

Un membre estime que l'idée qui sous-tend le sous-amendement est bonne. Il ne faut, selon lui, pas trop entrer dans les détails, car la révocation par le patient a pu se faire de façon très informelle, par exemple par un mot ou un signe fait à une infirmière en l'absence de tout autre témoin. Il faudra interroger toute l'équipe (et non pas seulement « des membres » de celle-ci) pour savoir s'ils n'ont pas enregistré une telle manifestation de volonté. À moins que l'on ne considère que les équipes médicales dysfonctionnent, auquel cas il ne faut pas faire ce type de législation, mais commencer par leur donner les budgets nécessaires pour qu'elles fonctionnent correctement. Il est donc préférable de laisser le médecin libre de la manière dont il effectue la vérification, au sujet de laquelle il mentionnera des informations au dossier médical.

Un précédent orateur exprime des réserves par rapport à ce système, qui lui paraît assez hasardeux, où il faut interroger l'équipe médicale.

Un membre propose de s'appuyer sur ce qui existe à l'heure actuelle pour la procédure de don d'organes : le service d'information du Ministère de la Santé est, par voie informatique, régulièrement informé de l'avis remis par les personnes. Ce système, qui a déjà pu être évalué, fonctionne bien.

La personne de confiance peut, dans l'instant, communiquer au service compétent le changement de volonté de la personne.

Un membre répond que la personne de confiance n'est pas nécessairement présente jour et nuit au chevet de la personne hospitalisée.

Un membre rappelle qu'en tout état de cause, la déclaration n'est qu'indicative. Si le médecin a l'intention de pratiquer une euthanasie, il prendra toutes ses précautions, et s'assurera notamment que les proches sont d'accord. La procédure doit être la plus précise possible, mais c'est le médecin qui aura la responsabilité finale de l'acte et des précautions qui doivent l'entourer. C'est lui qui prendra le risque d'un retrait éventuel qui n'aurait pas été vérifié.

Un autre membre renvoie à l'amendement nº 427. La déclaration de volonté ­ qui est en fait une « déclaration d'euthanasie » ­ est conçue comme étant un moyen permettant de connaître la volonté du patient dès lors que celui-ci ne peut plus la formuler. L'objectif est dès lors de savoir autant que possible quelle est la volonté de l'intéressé dans la situation dans laquelle il se trouve. C'est en fin de compte la volonté authentique de l'intéressé qui est prépondérante. Il est plus important de tenir compte de ce que le patient veut vraiment que d'un bout de papier qui a peut-être été rédigé il y a des années. C'est pourquoi il est proposé, à l'amendement nº 427, de prévoir que la déclaration de volonté peut être retirée à tout moment, sans formalité aucune, et que le retrait engage le médecin qui en a connaissance de quelque manière que ce soit. Il peut en avoir eu connaissance par l'intermédiaire d'une infirmière de la personne de confiance, d'un collègue médecin, etc.

Un précédent intervenant estime que l'amendement nº 427 ne constitue pas une réponse adéquate, parce qu'il engage le médecin, alors que l'on a toujours voulu, jusqu'à présent, se placer dans une logique indicative.

Amendement nº 366

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 366) tendant à compléter le § 2, alinéa 2, de l'article 4 proposé par un 4ºbis libellé comme suit :

« 4ºbis s'entretenir de la situation du patient avec la cellule d'aide à la décision ou avec le comité d'éthique de l'institution, si le patient est hospitalisé. S'il est au domicile, le médecin s'entretiendra avec toute instance existante de même nature. »

L'auteur estime que, s'agissant d'un patient inconscient, la référence à une instance tierce est indispensable dans le processus de décision du médecin qui pourrait pratiquer l'euthanasie.

Il a été fait référence à plusieurs reprises à l'expérience anglo-saxonne, où cette référence à un tiers appartient à la pratique médicale habituelle.

Beaucoup de médecins souhaitent pouvoir s'adresser à une instance tierce avec laquelle ils pourraient confronter leur point de vue. Il ne s'agit pas d'une instance appelée à prendre des décisions, mais elle permet au médecin de prendre du recul par rapport à ses propres conceptions et émotions, et par rapport à la situation médicale en question.

Un membre estime que les médecins qui veulent poser des questions dans une situation déterminée peuvent bien entendu le faire. Il n'est toutefois pas indiqué d'imposer une obligation. Qu'en serait-il sinon de l'autonomie du patient et du médecin ? L'intervenant a l'impression que les médecins ont les mains liées pour ce qui est de leurs obligations. D'où vient cette grande méfiance à l'égard des médecins ? Elle fait nettement contraste avec la grande confiance que l'on accorde au médecin, dans le cadre de l'actuelle politique de tolérance ou de l'euthanasie « passive ».

Amendement nº 440

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 440), tendant à compléter le § 2, alinéa 2, de l'article 4 proposé par une 5º, libellé comme suit :

« 5º recueillir l'avis de membres délégués du Comité d'éthique hospitalier ou de toute cellule d'aide à la décision susceptible d'être utilement consultée. »

Cet amendement traduit la philosophie de base de l'auteur de l'amendement et de son groupe. C'est aussi l'une des solutions retenues par le Comité consultatif de bioéthique. Contrairement à l'amendement déposé par un autre membre, le présent amendement propose de recueillir l'avis de membres délégués du comité d'éthique hospitalier, et non de ce comité comme tel.

Ces structures fonctionnent à l'heure actuelle, et il importe que le médecin recueille leur avis, dans une matière aussi délicate que celle des décisions à prendre à l'égard de patients inconscients.

Un membre soutient cet amendement. Il est souhaitable que là où ils existent les comités éthiques des hôpitaux concernés rendent un avis sur la décision qui est prise.

Amendement nº 397

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 397), tendant à insérer, entre le 2e et le 3e alinéa du § 2 de l'article 4 proposé, un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Le médecin s'assure de l'ensemble des conditions visées au présent paragraphe, en procédant, en tout état de cause, à l'aide notamment des avis des personnes visées au présent paragraphe, à une évaluation globale de la santé physique et psychique du patient qui prenne en compte les aspects familiaux et socio-économiques de sa situation. »

Le but de cet amendement est d'assurer un parallèle avec la disposition proposée par un autre amendement du même auteur, en vue d'éviter de possibles dérives socio-économiques.

Dans un article publié dans le Journal du médecin, le professeur Clumeck insistait sur cette évaluation globale de la santé physique et psychique, et des aspects familiaux, sociaux et économiques de la situation.

Amendement nº 398

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 398), tendant à insérer, entre le 2e et le 3 alinéa du § 2 de l'article 4 proposé, un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Le médecin prend sa décision à l'aide des avis des personnes visées au présent paragraphe, et de la déclaration anticipée du patient. »

Cet amendement s'inscrit dans la philosophie de l'auteur de l'amendement et de son groupe, selon laquelle la décision doit être prise par le médecin après consultation collégiale.

Amendement nº 430

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 430), tendant à insérer, au § 2 de l'article 4 proposé, avant le dernier alinéa, le texte suivant :

« Le médecin peut mettre des conditions complémentaires à son intervention. Il en fera mention dans le dossier médical. »

Cet amendement doit être lu par référence à l'amendement nº 407.

Il vise, comme un amendement similaire déposé à l'article 3, à modifier l'articulation du texte en vue d'en améliorer la lisibilité.

Toutefois, l'article 4 visant des patients inconscients, c'est dans le dossier médical que doit se faire l'explication des conditions complémentaires éventuelles que le médecin mettrait à son intervention.

Un membre estime pour sa part que le libellé du § 2 est parfaitement clair et rencontre parfaitement en sa première phrase et son dernier alinéa les préoccupations qui inspirent le sous-amendement nº 430.

Si le médecin fixe des conditions complémentaires, elles seront évidemment consignées au dossier médical, conformément au dernier alinéa du § 2 de l'article 4 proposé à l'amendement nº 291.

Amendement nº 349

M. Vandenberghe et consorts déposent, à l'amendement nº 291, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 349) visant à reformuler le troisième alinéa du § 2 de l'article proposé afin que les résultats des consultations que le médecin a eues avec l'équipe soignante, la personne de confiance et les proches du patient soient également inclus dans le dossier médical.

Un des auteurs de l'amendement fait remarquer que les conditions de procédure, telles que les conçoit l'intervenante, ne constituent pas des exigences purement procédurales. L'objectif n'est pas de tenir compte sans plus de la liste des conditions. Le contenu des discussions et les résultats des consultations sont également importants. Il apparaît en effet qu'ils le sont lorsque la commission de contrôle rendra un jugement sur la décision du médecin. La commission doit en effet pouvoir disposer des résultats des consultations prescrites pour rendre un jugement fondé.

Amendement nº 395

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/16, amendement nº 395), tendant à insérer, à l'alinéa 3 du § 2 de l'article 4 proposé, après les mots « médecin consulté », les mots « ainsi que les avis des différentes personnes consultées ».

L'auteur souligne qu'à son estime, les avis des membres du personnel soignant, de la personne de confiance, ainsi que des proches devraient figurer au dossier médical.

Elle renvoie une fois encore à l'article paru dans la revue The Lancet de janvier 2001, qui fait un état de la mentalité des médecins européens, et déplore que trop souvent, le dossier médical ne contienne aucun élément sur les décisions médicales de fin de vie.

La mentalité paternaliste de certains médecins, et leurs réticences à consigner tout ce qui se passe dans le dossier médical, doivent changer; le dossier médical devrait être bien plus fourni qu'il ne l'est à l'heure actuelle.

Amendement nº 437

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 437), tendant à remplacer, au § 2 de l'article 4 proposé, les deuxième et troisième tirets par ce qui suit :

« ­ qu'il est inconscient de manière irréversible selon l'état actuel de la science,

­ et que cette inconscience est strictement liée à un état de coma dépassé. »

L'auteur renvoie à la justification développée à propos de l'amendement nº 436.

Amendement nº 438

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 438), dont le point A tend à remplacer, au § 2 proposé, les mots « s'il constate que » par les mots « s'il s'est assuré que ».

Le point B a pour objet de remplacer les trois tirets proposés par ce qui suit :

« ­ le patient était majeur, capable et lucide au moment de la rédaction de sa déclaration anticipée;

­ le patient avait pris en considération l'exacte situation dans laquelle il se trouve actuellement;

­ le patient avait pleinement apprécié les conséquences de sa déclaration;

­ le patient n'avait pas été moralement influencé par une autre personne au moment où il a pris sa décision;

­ le patient se trouve dans la situation exacte décrite dans sa déclaration, à savoir :

· qu'il est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable,

· qu'il est inconscient de manière irréversible selon l'état actuel de la science,

· et que cette inconscience est strictement liée à un état de coma dépassé.

Le médecin s'assure de la rédaction de ces conditions à l'aide notamment des avis des personnes visées à l'alinéa suivant. »

Ce sous-amendement reprend des éléments qui figurent dans plusieurs autres amendements du même auteur, sans rien changer à la philosophie déjà exposée par celui-ci.

Amendement nº 473

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 473), tendant à compléter la première phrase du § 2, alinéa 1er, de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« ­ que la déclaration de volonté a été établie selon les conditions fixées au § 1er. »

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 476

M. Galand dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 476), tendant à remplacer le 2e tiret du § 2, alinéa 1er, de l'article 4 proposé par ce qui suit :

« est dans un état d'inconscience totale et constante ».

Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'amendement nº 475 du même auteur.

Amendement nº 482

M. Vankrunkelsven dépose un sous-amendement à l'amendement nº 291 (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 482) concernant les deux premiers paragraphes. Cet amendement tend, d'une part, à remplacer le deuxième tiret de l'alinéa 2 du § 1er par une disposition prévoyant que l'intéressé n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté, ce qui formule mieux les choses que le terme « inconscient » qui est proposé actuellement. Il tend, d'autre part, à reproduire au § 2, les dispositions de l'article 3, §§ 1er et 2, 1º, 2º, 4º, 5º et 6º.

L'auteur estime que, d'un point de vue médical, le terme « inconscience » soulève beaucoup de questions. L'intervenant souligne que certaines normes éthiques empêchent déjà l'acharnement thérapeutique sur les patients comateux. Si l'on pouvait désormais donner suite à la demande d'euthanasie formulée par ces patients dans une déclaration de volonté, les patients comateux qui n'ont pas rédigé de déclaration de volonté n'en seraient que plus exposés au risque d'acharnement thérapeutique. L'on risquerait de voir se dessiner dans la jurisprudence une certaine tendance à condamner les médecins qui ne donnent plus aucun traitement médical aux patients qui n'ont pas rédigé de déclaration de volonté.

D'où la proposition qui est faite de parler à l'article 4 de personnes qui ne sont plus en mesure de manifester leur volonté. Un médecin qui pose un acte euthanasique sur de tels patients en application d'une déclaration de volonté devra remplir toutes les exigences définies à l'article 3. Le sénateur estime qu'il s'agira généralement de patients qui se sont déjà concertés avec leur médecin sur cette question, par exemple pour le cas où ils viendraient à développer une tumeur au cerveau et ne seraient plus en mesure, à un moment donné, de manifester leur volonté.

Pareille situation n'est pas couverte par l'article 4 de la proposition de loi dans sa formulation actuelle. Il se peut toutefois que des patients en phase terminale ne soient plus en mesure de manifester leur volonté bien qu'ils soient encore conscients et qu'ils souffrent beaucoup. Selon le texte actuel de l'article 4 proposé, l'on ne pourrait pas pratiquer d'euthanasie dans une telle situation.

Selon le sénateur, l'amendement nº 482 offre donc un double avantage. Il pense tout d'abord que les patients comateux seront mieux protégés puisqu'ils risqueront moins d'être victimes d'un acharnement thérapeutique. De plus, cet amendement aurait pour effet de faire entrer dans le champ d'application de l'article 4 des personnes qui n'y entrent pas actuellement, alors que les règles relatives à la déclaration de volonté devraient leur être applicables. Toutes les garanties offertes à l'article 3 leur sont également applicables, si bien que tout risque de dérapage est évité.

Un membre souligne que l'on dénombre en Belgique quatre fois plus d'interruptions actives de vie qu'aux Pays-Bas. Il est possible que, dans notre pays aussi, nombre de personnes veuillent faire une demande d'euthanasie, par le biais d'une déclaration de volonté ou par un autre biais, mais qu'elles ne puissent pas le faire sans se mettre hors la loi. Si la possibilité de le faire leur était offerte, beaucoup choisiraient sans doute de rédiger une déclaration de volonté avec demande d'euthanasie. Cela fera fortement diminuer le nombre de personnes dont la vie est interrompue activement par le médecin sans qu'elles en aient fait la demande.

L'auteur de l'amendement nº 482 estime qu'il est illusoire de penser que l'adoption de la présente proposition amènerait le grand public à rédiger massivement des déclarations de volonté. Même si 50 % des gens en rédigeaient une, il deviendrait particulièrement difficile, en raison de la jurisprudence qui se développerait sur la base de l'article 4 proposé, d'éviter que les patients comateux qui n'ont pas rédigé de déclaration de volonté ne fassent l'objet d'un acharnement thérapeutique. Or, ce point est essentiel, comme les auditions l'ont montré.

Le préopinant répond que le groupe en question demande précisément que l'on puisse rédiger une déclaration de volonté qui pourra aider le médecin à prendre sa décision.

Le membre fait remarquer en outre que l'amendement nº 482 va beaucoup plus loin que l'amendement nº 291, étant donné qu'il associe à la déclaration de volonté tous ceux qui ne sont plus capables d'exprimer leur volonté. L'amendement nº 291 prescrit expressément que les personnes concernées doivent être dans un état d'inconscience irréversible.

Un membre estime la formulation proposée par le sous-amendement moins précise que la notion d'« inconscience totale et constante », à laquelle l'intervenant préfère se tenir.

Une autre membre attire l'attention sur le fait que la première phrase de l'amendement nº 482 crée un champ d'application tout autre pour le régime de la déclaration de volonté. Il est en effet question des personnes « qui ne sont plus en mesure d'exprimer leur volonté ». Il est dès lors possible que ces personnes aient encore une volonté, mais qu'elles ne soient plus en mesure de l'exprimer. Un morceau de papier primerait alors leur volonté.

La membre trouve tout cela fort éloigné de sa vision des choses. Elle estime en effet que le médecin peut pratiquer l'euthanasie lorsqu'il se trouve dans un état de nécessité dû au fait qu'il est confronté à la souffrance insupportable et impossible à traiter d'un patient en phase terminale qui demande l'euthanasie. Dans le cas en question, le médecin est contraint de pratiquer une interruption active de vie parce qu'une personne a couché sa volonté sur papier quand elle était en bonne santé et qu'elle n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté. Cela ne concerne pas seulement les incapables, puisque, selon l'amendement nº 482, il est simplement requis que l'intéressé ne soit plus en mesure d'exprimer sa volonté.

Un autre membre estime que l'on constate que l'amendement nº 482 obéit à une certaine logique juridique lorsqu'on l'examine à la lumière de la conception que son auteur a de l'article 3. Il confère en effet une place centrale à la volonté en tant qu'expression du droit absolu à l'autodétermination. Dans cette optique, l'article 4 forme le contrepied de l'article 3, puisqu'il y est question de la personne qui n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté.

L'amendement nº 482 soulève cependant deux problèmes qui peuvent donner lieu à d'énormes malentendus. Tout d'abord se pose ici la question de savoir quel est son champ d'application exact. Cette question se pose aussi en ce qui concerne les « personnes inconscientes ». L'on peut en outre se demander dans quelle mesure la personne qui rédige une déclaration de volonté peut encore se représenter les circonstances qu'elle décrit.

L'intervenant renvoie à nouveau à l'article 2 de la CEDH qui prévoit que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi, excluant par là même une délégation de ce droit au corps médical.

S'agissant du § 2, le membre fait le lien avec un amendement qu'il a déposé et qui vise également à inscrire à l'article 4 toutes les conditions définies à l'article 3. Si l'on peut souscrire en théorie au point de vue sous-jacent, on ne peut pas y souscrire dans la pratique, étant donné que les personnes en question ne sont plus en mesure d'exprimer leur volonté.

L'auteur de l'amendement nº 482 affirme pouvoir comprendre que, si l'article 3 est inadmissible pour certains, l'amendement nº 482 l'est tout autant pour eux.

Il ne partage cependant pas l'opinion du préopinant qui a du mal à admettre que l'on vise des personnes qui ne sont plus en mesure d'exprimer leur volonté. C'est d'autant plus étonnant qu'il est question dans l'amendement nº 291, d'une déclaration de volonté pour le cas où l'intéressé ne serait plus en mesure d'exprimer sa volonté. Tout l'article 4 repose donc sur ce concept.

Le sénateur comprend l'argument de plusieurs commissaires qui affirment que la notion d'« inconscience » est une notion qui peut être étendue ou réduite selon l'application qui en est faite. Il considère que la terminologie de l'amendement nº 482 ­ les patients qui ne sont plus en mesure d'exprimer leur volonté ­ est plus claire et rend le régime en question plus cohérent dans la mesure où l'on y couple les conditions de l'article 3.

Un précédent orateur rappelle que l'article 4, § 2, détermine clairement les cas où le médecin peut pratiquer une euthanasie sur la base d'une déclaration anticipée de volonté.

Le texte précise que la personne doit être inconsciente.

Le terme « incapable » apporterait de l'eau au moulin de ceux qui veulent démontrer que les handicapés mentaux et les déments pourraient faire l'objet d'une euthanasie.

L'intervenant ne veut pas d'une telle solution.

Un membre estime que l'amendement nº 482 va beaucoup trop loin, car il ramène à la notion d'incapacité de fait et de droit.

Un autre membre confirme expressément que l'amendement nº 291 vise un champ d'application plus restreint.

Il réagit, d'autre part, à l'observation d'un intervenant précédent en affirmant que la capacité d'imagination des gens est bien supérieure à ce qu'il veut faire croire.

Amendement nº 485

M. Galand dépose à l'amendement nº 291 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 485), tendant à compléter l'article 4 proposé par un § 3, rédigé comme suit :

« § 3. La déclaration anticipée du patient visée au § 1er, alinéa premier, ou à défaut, l'écrit actant sa volonté visé au § 1er, alinéa 3, ainsi que le rapport du médecin consulté doivent être versés dans le dossier médical du patient.

L'ensemble des démarches effectuées par les médecins et leur résultat sont systématiquement consignés par eux dans le dossier médical du patient. »

Il est renvoyé aux explications déjà fournies lors de la discussion de l'amendement nº 483.

L'auteur de l'amendement rappelle que, selon lui, la place de la déclaration anticipée du patient est dans le dossier médical, le Registre national lui apparaissant comme une contrainte inappropriée en l'espèce.

Amendement nº 2

MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne déposent à l'article 4, tel qu'il figure dans la proposition nº 2-244/1, un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/2, amendement nº 2) visant à atténuer la portée du membre de phrase dans lequel il est prévu que le mandataire doit veiller à ce que la déclaration de volonté soit exécutée.

Un des auteurs de l'amendement constate cependant qu'on a dûment tenu compte, dans l'amendement nº 291, de l'inquiétude qu'il avait souhaité formuler et que le passage en question ne figure plus dans l'amendement qui a été déposé par les auteurs mêmes de la proposition de loi.

L'amendement nº 2 est retiré.

Amendement nº 49

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 49), tendant à remplacer l'article 4 de la proposition de loi. Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 48, déposé par les mêmes auteurs à l'article 3 de la proposition de loi.


VOTES

L'amendement nº 15 et tous les sous-amendements qui s'y rapportent sont retirés.

L'amendement nº 293 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 294 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 351 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 399 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 350A de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 361 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 24 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'amendement nº 483 de M. Galand est rejeté à par 27 voix contre 2.

L'amendement nº 295 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 362A de Mme de T' Serclaes est rejeté par 25 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'amendement nº 296 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 297 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 298 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 360 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 369 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 371 de Mme Nyssens est rejeté par 15 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 372 de Mme Nyssens est rejeté par 15 voix contre 11 et 3 abstentions.

L'amendement nº 400 de Mme Leduc et consorts est adopté par 20 voix contre 9.

L'amendement nº 299 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 352A de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 373 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 352B de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 374 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 300 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 375 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 376 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 377A de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 379A de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 359 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 362B de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 436 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 482A de M. Vankrunkelsven est rejeté par 28 et 1 abstention.

L'amendement nº 301 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 402 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 302 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 415 (A et B) de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté avec 17 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 303 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 475 de M. Galand est rejeté par 14 voix contre 5 et 10 abstentions.

L'amendement nº 413 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 416 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 378 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 377B de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 379B de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 304 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 305 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 306 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 307 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 308 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 380 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 363 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 1 et 11 abstentions.

L'amendement nº 309 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 370 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 7 et 4 abstentions.

L'amendement nº 310 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 381 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 382 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 385 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 417 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 401 de MM. Dubié et Galand est rejeté par 16 voix contre 4 et 9 abstentions.

L'amendement nº 368 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 387 de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 425 de Mme Nyssens et M. Galand est rejeté par 17 voix contre 4 et 8 abstentions.

L'amendement nº 311 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 312 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 313 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 383 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 384 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 2 et 10 abstentions.

L'amendement nº 386 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 8 et 5 abstentions.

L'amendement nº 314 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 315 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 388 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 406 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 1 et 9 abstentions.

L'amendement nº 474 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 478 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 435 de Mme Leduc et consorts est adopté par 17 voix contre 2 et 10 abstentions.

L'amendement nº 316 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 317 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 426 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 318 de Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 319 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 389 (A et B) de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 419 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 320 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 477 de M. Galand et consorts est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 418 de MM. Geens et Remans est rejeté par 24 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 410 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 3 et 9 abstentions.

L'amendement nº 367 de Mme T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 429 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 428 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 9 et 4 abstentions.

L'amendement nº 427 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 321 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 421 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 422 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 423 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 322 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 390 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 391 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 5 et 3 abstentions.

L'amendement nº 392 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 420 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 7 et 3 abstentions.

L'amendement nº 323 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 324 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 325 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 326 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 327 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 7 et 4 abstentions.

L'amendement nº 424 (A et B) de M. Vandenberghe et consorts est retiré au profit de l'amendement nº 427.

L'amendement nº 432 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 353 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 431 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 364 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 480 de M. Vandenberghe est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 352C de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 328 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 484 de M. Galand est rejeté par 19 voix contre 3 et 6 abstentions.

L'amendement nº 482B de M. Vankrunkelsven est rejeté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 393 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 394 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9.

L'amendement nº 408 de Mme T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 438 (A et B) de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 7 et 1 abstention.

L'amendement nº 409 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 7 et 3 abstentions.

L'amendement nº 330 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 7 et 1 abstention.

L'amendement nº 331 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 332 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 473 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est retiré.

L'amendement nº 341 (A et B) de M. Vandenberghe et consorts est retiré.

L'amendement nº 350B de Mme T' Serclaes est est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 365 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 334 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8.

L'amendement nº 437 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 335 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 476 de M. Galand est rejeté par 15 voix contre 5 et 8 abstentions.

L'amendement nº 336 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 411 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 412 (A et B) de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 414 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 333 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 337 de M. Vandenberghe c.s. est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 338 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 339 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 340 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 354 de Mme T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9.

L'amendement nº 342 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 329 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 405 de Mme T' Serclaes est rejeté par 19 voix contre 7 et 2 abstentions.

L'amendement nº 434 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 2 et 7 abstentions.

L'amendement nº 403 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 404 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 7 et 3 abstentions.

L'amendement nº 343 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 345 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 357 A de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 7 et 4 abstentions.

L'amendement nº 358 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 19 voix contre 7 et 2 abstentions.

L'amendement nº 407 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 439 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 356 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 344 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 346 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 357 B de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 347 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 348 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 11.

L'amendement nº 355 de Mme de T' Serclaes est retiré au profit de l'amendement nº 433.

L'amendement nº 433 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 366 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 440 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 396 de Mme Nyssens est rejeté par 15 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 398 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 397 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 9.

L'amendement nº 430 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 349 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 395 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 485 de M. Galand est rejeté par 15 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 2 de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne devient sans objet.

L'amendement nº 49 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 17 voix contre 3 et 8 abstentions.

Le § 1er de l'article 4 proposé par l'amendement nº 291 de Mme Leduc et consorts tel que sous-amendé est adopté par 18 voix contre 6 et 3 abstentions.

Le § 2 du même article ainsi que l'ensemble de l'article 4 proposé par l'amendement nº 291, et tel que sous-amendé, sont adoptés par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

Problématique de la femme enceinte (amendements à l'article 3, et amendements relatifs à un article 4bis nouveau)

M. Vankrunkelsven a déposé plusieurs amendements relatifs à la problématique de l'euthanasie dans le cas d'une femme enceinte.

La première série d'amendements est insérée à l'article 3; un autre amendement est repris sous un article 4bis nouveau.

A. Amendements relatifs à l'article 3 : amendements nºs 115 C et 227

M. Vankrunkelsven dépose deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 115 C et doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 227) à l'amendement nº 14; ces deux sous-amendements concernent l'euthanasie pratiquée sur des femmes enceintes.

L'auteur déclare qu'il avait déjà déposé un amendement à ce sujet auparavant (doc. Sénat, nº 2-244/2, amendement nº 1 J) ­ avant le dépôt de l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts ­ mais que les auteurs de la proposition de loi nº 2-244 ont maintenant choisi de ne pas modifier les dispositions du Code pénal.

L'amendement nº 115 C tend à compléter l'article 3 par un alinéa nouveau, mais sa rédaction ne correspond plus à la structure de l'article résultant de l'amendement nº 14 et il est par conséquent retiré.

L'amendement nº 227 tend à insérer, au § 1er de l'article 3 proposé, un nouveau tiret suivant lequel un médecin doit s'assurer que le patient sur lequel il souhaite pratiquer une euthanasie, n'est pas une femme enceinte d'un enfant viable. Le sénateur souligne que l'euthanasie n'est pas exclue par définition dans le cas d'une patiente enceinte, mais qu'elle l'est si l'intéressée est enceinte d'un enfant viable. Dans ce cas-là, il faut d'abord tout mettre en oeuvre pour que l'enfant naisse.

L'intervenant déclare ne pas bien comprendre pourquoi ce point, qui figurait dans plusieurs des propositions initialement déposées, a disparu de la proposition de loi nº 2-244/1. Il lui paraît souhaitable d'insérer explicitement cet élément.

Une membre confirme que cet élément figurait également dans la proposition de loi qu'elle avait initialement déposée (doc. Sénat, nº 2-105), mais qu'il n'a pas été repris dans la proposition de loi nº 2-244. La raison en est que si par exemple une femme enceinte d'un enfant viable est victime d'un accident, le médecin prendra en son âme et conscience une décision médicale pour faire naître cet enfant.

L'auteur des amendements nºs 115 C et 227 réplique que dans ce type de situation, il n'est pas question d'une demande d'euthanasie. Il s'agit de tout autre chose. La question qui se pose ici est celle de savoir si on peut pratiquer une euthanasie sur une femme qui serait, par exemple, enceinte de sept mois et qui demanderait l'euthanasie conformément aux conditions de l'article 3. L'intervenant estime qu'on ne doit pas le permettre et que l'euthanasie doit être différée jusqu'après la naissance de l'enfant. Tel est l'objectif de l'amendement nº 227.

La préopinante déclare qu'elle apportera son soutien à l'amendement nº 227.

Une membre estime qu'il s'agit d'un amendement très important et très délicat. On peut en effet imaginer quelle est la responsabilité d'une femme enceinte qui demande l'euthanasie. Il lui semble qu'une femme ne demandera jamais l'euthanasie dans cette situation. Si la membre peut, à première vue, souscrire en principe à l'intention de l'auteur de l'amendement nº 227 ­ à savoir sauver la vie de l'enfant ­ elle hésite à soutenir l'amendement car il stigmatise les femmes qui se trouvent dans une telle situation.

Un autre membre fait référence à la loi relative à l'interruption de grossesse, en vertu de laquelle une femme qui se trouve dans une situation de détresse est libre de solliciter un avortement pendant une période de quelques semaines. Passé cette période, la chose n'est plus possible. Le membre est d'avis qu'il n'y a aucune cohérence entre cette réglementation et l'amendement nº 227, qui tend apparemment à accorder à la femme enceinte le droit de demander une euthanasie si son enfant n'est pas viable.

On considère généralement qu'un enfant est viable à partir du moment où la mère est enceinte depuis six mois au moins. Selon l'amendement nº 227, à partir de ce moment, la femme en question ne pourra donc plus demander l'euthanasie, alors qu'elle pourrait le faire si elle n'était enceinte que de cinq mois. Ce n'est pas très logique. Il paraît souhaitable en l'espèce de reprendre les délais qui ont été inscrits dans la loi relative à l'interruption de grossesse et correspondant à une approche médicale de la grossesse. L'euthanasie ne serait alors plus possible au-delà du troisième mois de la grossesse.

Une préopinante se demande ce qu'il faut entendre exactement par « viable ». C'est aux médecins d'en décider.

La membre estime également que dans ces circonstances, il faut veiller à ce que l'enfant naisse prématurément. En effet, un enfant qui n'est pas porté avec amour est souvent très malheureux.

Un membre reconnaît que le problème est particulièrement complexe et délicat. Il renvoie cependant à la proposition de loi qu'il avait déposée initialement (doc. Sénat, nº 2-10) et qui traitait également de ce problème.

On ne doit pas en effet perdre de vue que, suivant la proposition de loi nº 2-244/1 à l'examen, il n'y a pas de délit lorsque certaines conditions sont remplies. Dans les autres cas ­ par exemple lorsqu'il s'agit de mineurs ­ il y a bel et bien délit et la loi pénale en vigueur reste applicable. Si on n'introduit pas de disposition particulière pour les femmes enceintes, cela signifie qu'elles pourront légitimement demander l'euthanasie lorsque toutes les conditions prévues à l'article 3 sont remplies, sans qu'il soit question de délit. Il paraît dès lors souhaitable de prévoir un régime particulier pour les femmes enceintes.

Une autre membre juge elle aussi que l'amendement nº 227 aborde un thème très difficile. Elle regrette que l'on fasse un parallèle avec la législation relative à l'interruption de grossesse, qui est une matière totalement différente.

La membre estime que dans la situation décrite par l'amendement nº 227, on peut vraiment parler d'un état de nécessité au sens pénal du terme. Il s'agit en effet d'un cas d'école de ce que l'on entend par conflit de valeurs. L'intervenante ne juge pas souhaitable d'insérer une disposition spéciale dans le cadre de la proposition de loi à l'examen.

Un commissaire considère que de nombreuses personnes attendent une solution à ce problème particulier, dont le caractère délicat met chaque sénateur devant la difficulté de formuler une proposition convenable en la matière. Cela ne saurait toutefois empêcher l'élaboration d'une réglementation.

L'intervenant explique que le parallèle qu'il a établi avec la législation en matière d'avortement porte uniquement sur les délais qu'elle fixe, pour éviter d'utiliser les mots « enfant viable », qui sont susceptibles d'interprétation.

L'auteur des amendements nºs 115C et 227 réplique que l'on utilise les termes « enfant viable » précisément pour indiquer que la femme enceinte n'est pas privée du droit à l'euthanasie. On peut en effet accélérer l'accouchement et faire naître l'enfant, pour ensuite pratiquer l'euthanasie sur la femme.

Un membre estime que la porté réelle de l'amendement nº 227 est de permettre également l'euthanasie sur les femmes enceintes, étant entendu toutefois qu'il faut prendre des mesures de précaution pour l'enfant qui est déjà viable. L'intervenant trouve néanmoins qu'il n'est pas souhaitable de régler dès maintenant cette problématique dans la proposition de loi en discussion, qui traite déjà dans son ensemble d'une matière sensible. La loi proposée ne peut pas donner le feu vert à la pratique, par un médecin, de l'euthanasie sur les femmes enceintes.

Face à un tel conflit de valeurs, il est préférable, aux yeux de l'intervenant, de recourir à la déontologie en vigueur dans la pratique médicale lorsque de telles situations se produisent. La prudence est de mise. Cela n'exclut pas la possibilité de régler cette problématique à un stade ultérieur, tout comme la pratique de l'euthanasie sur les mineurs d'âge.

Une autre membre dit partager la préoccupation du préopinant. Elle constate toutefois qu'alors que l'on a inscrit explicitement comme condition de fond dans la proposition de loi nº 244/1 que la demande d'euthanasie doit émaner d'un majeur et que l'euthanasie est donc explicitement exclue pour les mineurs, l'article 3 ne comporte aucune disposition concernant la femme enceinte. Concrètement, tout cela a pour effet qu'à situation inchangée, l'euthanasie peut en principe être pratiquée impunément sur une femme enceinte qui satisfait à toutes les conditions de fond. C'est le cas a fortiori si un amendement concernant cette question est rejeté.

L'intervenant précédent n'est pas d'accord.

Une autre commissaire estime que la discussion de l'amendement nº 227 prouve la complexité du débat global. Il est en effet question ici d'un véritable conflit de valeurs, comme plusieurs intervenants l'ont fait remarquer à juste titre.

Elle signale néanmoins qu'aucune disposition de la loi n'instaure un droit absolu à l'euthanasie. Il s'agit toujours d'une conversation qu'il faut avoir avec le médecin, lequel, en définitive, assume ses responsabilités et prend une décision médicale. C'est surtout lorsqu'il est confronté, par exemple, à une femme enceinte qui se trouve dans le coma qu'un médecin s'inspire, pour prendre toute une série de décisions médicales, de la déontologie médicale qui existe déjà en la matière.

L'intervenante souligne que la situation que décrit l'amendement nº 227 ne se produit que très exceptionnellement. Il n'est pas souhaitable d'alourdir par de telles applications extrêmes une loi qui traite déjà d'une question délicate et n'exclut, par exemple, pas l'euthanasie pour les patiens qui ne sont pas en phase terminale. La norme juridique de l'état de nécessité offre suffisamment de garanties juridiques pour couvrir de telles situations.

Un sénateur reconnaît que l'on aborde ici un point particulièrement délicat. Outre la demande d'euthanasie qui émane d'une femme enceinte, il importe d'examiner quelle est la meilleure manière de protéger l'intérêt de l'enfant à naître. Selon l'intervenant, l'approche d'une telle situation doit aussi être différente selon qu'il s'agit ou non d'une femme qui se trouve en phase terminale. L'article 3 de la proposition de loi en discussion n'exclut en effet pas que l'euthanasie soit pratiquée sur des patients qui ne se trouvent pas en phase terminale.

Un membre estime que l'amendement proposé pourrait par ailleurs être inséré dans une autre disposition que l'article 3 de la proposition.

L'auteur de l'amendement nº 227 rappelle qu'il a déposé, le 17 janvier 2000 déjà, un amendement nº 1J (doc. Sénat nº 2-244/2) et le 5 décembre 2000, l'amendement nº 115C précité (doc. Sénat nº 2-244/8) visant à suspendre la demande d'euthanasie émanant d'une patiente enceinte et porteuse d'un enfant viable.

L'amendement nº 227 à l'examen a simplement pour but de reformuler l'idée à la base des amendements nº 1J et 115C. En réaction à la remarque du préopinant, le commissaire considère qu'il est logique d'ajouter cet élément à l'article 3 qui définit les conditions dans lesquelles le médecin, confronté à une demande d'euthanasie, ne commet pas d'infraction.

Une membre estime qu'il est prématuré de se prononcer sur l'amendement nº 227. La commission a choisi de ne pas aborder des thèmes tels que l'euthanasie de mineurs ou l'assistance au suicide en raison des réticences sociales très fortes liées à ces questions. La question de la demande d'euthanasie émanant d'une femme enceinte est, pour l'intervenante, particulièrement délicate puisqu'il faut également tenir compte des droits de l'enfant à naître.

La commissaire demande un délai de réflexion pour que chaque groupe ait la possibilité d'arrêter une position mûrement réfléchie sur la question.

Un autre membre fait remarquer que l'article 8 de sa proposition de loi initiale (doc. Sénat, nº 2-10) prévoyait que la demande d'euthanasie était suspendue lorsqu'elle émanait d'une femme enceinte d'un enfant viable. Pour l'intervenant, il est parfaitement possible de traiter la problématique de la demande d'euthanasie d'une femme enceinte ailleurs que dans l'article 3 en discussion.

L'auteur de l'amendement nº 227 accepte que l'on reporte la discussion mais insiste pour que cette question soit débattue en commission. Il retire les amendements nºs 115 C et 227 mais annonce le dépôt d'un autre amendement visant à insérer un article nouveau réglant la demande d'euthanasie d'une femme enceinte.

Pour un membre, il est essentiel que la loi exclue explicitement la possibilité d'euthanasie pour les femmes enceintes. Si l'amendement nº 227 est retiré et qu'aucune disposition ne suspend la procédure d'euthanasie lorsque la patiente est enceinte, cela revient à traiter la femme enceinte comme si elle ne l'était pas, ce qui est inacceptable.

B. Amendements relatifs à un article 4bis (nouveau) : amendements nºs 267, 685 et 686

Amendement nº 267

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/14, amendement nº 267), qui vise à insérer dans la proposition de loi relative à l'euthanasie un article 4bis nouveau, libellé comme suit :

« Art. 4bis. ­ La disposition visée au nouvel article 3, § 1er, alinéa 1er, ne s'applique pas lorsque la patiente est une femme enceinte d'un enfant viable. »

L'auteur renvoie à la discussion relative à l'amendement nº 227, qui visait à modifier l'article 3, § 1er, et qui a été retiré pour ne pas allonger inutilement la discussion de cet article. L'intervenant souhaite toutefois débattre du fond de ce problème et a déposé un amendement insérant un article 4bis, bien que du point de vue de la technique légistique, ce ne soit sans doute pas la meilleure solution.

Le sénateur souligne que plusieurs des auteurs de la proposition de loi nº 2-244 avaient traité explicitement de la problématique des femmes enceintes dans les propositions antérieures relatives à l'euthanasie qu'ils avaient déposées séparément. Si l'enfant à naître est viable, il est question de deux vies. Quoi qu'il en soit, le législateur est tenu d'intervenir dans le sens de la protection d'une vie.

L'intervenant reconnaît que c'est peut-être là un point de vue trop théorique, puisqu'une femme enceinte demandera rarement l'euthanasie. Il n'est pourtant pas exclu qu'une femme enceinte, si elle sait qu'elle va mourir et qu'elle ne pourra pas élever l'enfant, choisisse alors de ne pas le laisser naître. Le législateur a ici des responsabilités à prendre.

L'amendement nº 267 ne va pas jusqu'à priver les femmes enceintes du droit de demander l'euthanasie, mais tend à protéger la vie de l'enfant à naître lorsque celui-ci est viable. Dans ce cas, il ne faut pas attendre la naissance spontanée de l'enfant pour pratiquer l'euthanasie, mais il faut accomplir les actes médicaux nécessaires pour que l'enfant voie le jour. Si la demande de la femme concernée remplit les conditions légales, on peut pratiquer sur elle l'euthanasie.

Le sénateur se rend bien compte que cette problématique se heurte à l'opposition de nombreux membres des commissions réunies et que l'on peut se demander si l'on ne crée pas ici un conflit avec la législation relative à l'interruption de grossesse. Il estime néanmoins que la législation sur l'avortement procède d'une autre approche, puisqu'elle vise à supprimer l'enfant à naître et à respecter la vie de la femme enceinte. Par ailleurs, l'avortement n'est plus possible lorsque l'enfant est considéré comme viable.

L'auteur de l'amendement nº 267 espère pouvoir compter sur l'appui de ceux qui ont traité de cette problématique dans leurs propositions initiales relatives à l'euthanasie.

Un membre demande à l'auteur de l'amendement nº 267 ce qu'il entend par « enfant viable ». En effet, ces termes n'interviennent nulle part dans la législation. Il a écarté d'emblée la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, mais l'intervenant pense que c'est une erreur et entend le démontrer ultérieurement.

En tout état de cause, la notion de viabilité n'intervient pas dans cette dernière loi, qui fixe simplement des délais.

L'auteur de l'amendement nº 267 répond que dans ce contexte, il y a lieu d'entendre, d'après lui, par « enfant viable », l'enfant qui, lorsqu'il naît artificiellement avant que l'euthanasie ne soit pratiquée sur la mère, a une chance raisonnable de survivre.

Le précédent intervenant déclare que chacun sait que des points de vue très différents existent dans le débat sur le début de la vie.

C'est pourquoi la loi a fixé un certain nombre de délais, sans entrer dans le débat philosophico-religieux de la viabilité.

En l'espèce, à partir de quand faut-il considérer que l'enfant a des chances raisonnables de vivre ?

Si l'amendement est voté, que fera, demain, le juge chargé d'appliquer la loi ? Se référera-t-il à sa conscience, à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, à des notions médicales (selon lesquelles l'enfant est viable vers le sixième mois) ?

Cela risque de susciter des problèmes importants en matière d'interprétation jurisprudentielle.

L'intervenant rappelle que, jusqu'à présent, l'on a essayé d'objectiver autant que possible les conditions fixées par la loi.

L'auteur de l'amendement nº 267 fait observer que l'article 3, § 3, de la proposition de loi en discussion tel qu'il a été amendé par l'amendement nº 14 parle du médecin qui est d'avis « que le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance ». Cet article renvoie également à une interprétation médicale et mentionne un délai particulièrement vague.

Un avis médical est également requis sur la question de savoir si un enfant est viable ou non. En outre, la réponse à cette question peut différer en fonction de l'évolution de la science médicale. À l'heure actuelle, il arrive que des enfants nés après 26 semaines de grossesse survivent, alors que jadis, c'était inconcevable. Il est donc impossible de fixer un délai précis pour définir ce qu'est un enfant viable.

Le sénateur répète qu'à son avis, il y a lieu d'entendre, dans ce contexte, par « enfant viable » un enfant qui a une chance raisonnable de survivre s'il naît artificiellement avant que l'euthanasie ne soit pratiquée sur la mère.

Le précédent intervenant répond que l'on fixe des délais lorsque c'est possible. Il estime que l'auteur de l'amendement refuse manifestement de fixer les moments de légalité ou d'illégalité d'un acte d'euthanasie pratiqué sur une femme enceinte. Si l'amendement est adopté tel quel, on suscitera un conflit entre deux législations.

Dans l'état actuel des choses, si l'on suit la loi sur l'avortement, on peut, pendant douze semaines, avorter, c'est-à-dire, selon certains, mettre fin à la vie de l'embryon.

Passé ce moment, on ne peut plus le faire que dans des circonstances particulières, à savoir le péril pour la vie de la femme.

Par contre, si l'on estime que l'enfant n'est pas viable à partir du quatrième mois jusqu'au sixième, on pourrait pratiquer une euthanasie sur la femme et mettre ainsi fin à la vie de l'enfant, alors qu'actuellement, sauf justification, on serait poursuivi.

Une membre se dit perplexe par rapport au texte de l'amendement proposé. En ce qui concerne le terme « viable », il évoque, pour l'intervenante, certaines dispositions de droit civil, comme l'article 725 du Code civil en matière de successions.

Quant au fond, l'intervenante observe que l'amendement ouvre un champ nouveau de discussion. Elle préférait que l'on s'abstienne de régler cette question dans le cadre de la proposition en discussion.

Un autre membre déclare avoir un avis assez partagé par rapport à l'amendement en discussion.

La notion d'enfant viable semble assez claire; il s'agit de l'enfant qui naît et qui se trouve en situation de vivre en dehors de sa mère. Quant à préciser à partir de quel moment cela est possible en l'état actuel des choses, cela paraît assez aléatoire, car ce moment est variable.

Sur le plan médical, la viabilité est assez relative, entre deux limites qui ne sont pas très éloignées l'une de l'autre, à savoir entre 24 ou 25 et 28 semaines.

L'intervenant constate avec intérêt que le Code civil fait apparemment référence à une notion qui n'est pas parfaitement précisée, dans une matière pourtant considérée comme importante par les auteurs de ce Code, à savoir celle de l'héritage.

L'acception médicale du terme « viable » semblerait donc plus précisé que son acception juridique.

La viabilité peut aussi être déterminée, en termes d'état civil, par l'obligation qui est faite soit de déclarer un enfant mort-né, soit de considérer qu'il y a eu fausse couche.

Sur le fond, l'intervenant pense que, formulé de façon positive, le souci de l'auteur de l'amendement ­ qui est exprimé sous forme d'interdiction ­ est de prévoir que, si une femme est porteuse d'un enfant viable, obligation est faite au médecin, face à une demande d'euthanasie exprimée par cette femme, ou lorsque celle-ci a rédigé une déclaration anticipée et se trouve dans un état d'inconscience irréversible, de prendre en compte l'état de grossesse de la femme en question, et de régler le problème de cette grossesse, avant de prendre en compte la demande d'euthanasie.

Lorsque cette situation se présente, soit l'enfant est viable, et l'on peut proposer à la femme une césarienne, soit la situation dans laquelle se trouve la patiente aboutit à un avortement spontané, soit encore la femme se trouve dans les conditions décrites par la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, et qui légitiment l'avortement.

L'intervenant se demande dès lors s'il est judicieux de prévoir un texte qui traite d'un problème auquel les réponses sur le plan médical lui semblent aller de soi.

Il ne peut que constater la volonté de l'auteur de l'amendement de déposer celui-ci.

Il ne voudrait pas cependant qu'un vote négatif par rapport à un tel amendement soit mal interprété.

Une commissaire signale que le problème de l'euthanasie chez les femmes enceintes a déjà été traité dans la proposition de loi relative à l'euthanasie qu'elle a déposée (doc. Sénat, nº 2-105/1), avant que quelques chefs de groupe ne déposent une proposition commune.

L'intervenante regrette toutefois que l'on établisse continuellement un parallèle entre, d'une part, la législation sur l'interruption de grossesse et, d'autre part, la problématique de l'euthanasie. Il s'agit en effet de deux thèmes tout à fait différents. Dans la législation sur l'avortement, il a été prévu que lorsque le délai normal est écoulé, l'interruption de grossesse n'est possible que si la vie de la femme est en danger. Lorsque la fin de vie de la femme enceinte est en vue, elle fera sans doute tout pour protéger la vie de son enfant.

Selon l'intervenante, on peut parler d'enfant viable dès l'instant où l'on sait que cet enfant pourra également survivre hors de l'utérus de la mère. Cela ouvre aujourd'hui la voie à de nombreuses possibilités. S'il est possible que cet enfant survive, ces possibilités doivent être exploitées à fond.

En se renseignant auprès des collègues néerlandais, l'intervenante a toutefois appris qu'une situation comme celle que décrit l'amendement nº 267 ne s'y est jamais produite. Une femme enceinte accordera toujours la priorité à la vie de son enfant et y subordonnera sa demande d'euthanasie. Même si l'amendement nº 267 n'est pas adopté, le médecin confronté à une telle situation prendra de toute manière ses responsabilités du point de vue médical.

L'intervenante ajoute que le père de l'enfant a, lui aussi, des droits. Si l'amendement nº 267 est maintenu, cet aspect doit être ajouté au texte proposé. Dans ce cas, elle donnera son agrément audit amendement.

Une membre se réfère à l'une de ses précédentes interventions, où elle avait déjà exprimé le malaise qu'elle ressent, en tant que femme, par rapport à l'amendement en discussion.

Elle estime en effet que le dépôt d'un tel amendement fait, d'une certaine façon, injure aux femmes et aux médecins, car il semble les considérer comme à ce point irresponsables que la loi devrait prévoir une disposition qui les empêche, pour les unes de demander, et pour les autres, de pratiquer un acte extrêmement grave auquel ils auront réfléchi de façon approfondie.

Une femme enceinte d'un foetus viable, qui a déjà mené sa grossesse relativement loin, qui a donc voulu garder son enfant, et qui se trouve dans une situation de maladie grave et incurable, ne formulera une demande d'euthanasie, après un dialogue avec le médecin, que si celui-ci lui offre une possibilité de sauver son enfant, par exemple, grâce à une césarienne.

Par ailleurs, si l'enfant est viable, il est déjà considéré comme une personne, puisqu'il est capable d'hériter comme tout autre individu. On pourrait même déduire de cette circonstance que, selon la proposition de loi en discussion, l'euthanasie serait exclue.

Il résulte des questions posées par l'intervenante aux spécialistes de terrain que ceux-ci rencontrent surtout la situation inverse à celle décrite dans l'amendement, à savoir celle de femmes qui, en dépit d'une maladie grave, refusent certains traitements, parce qu'elles veulent par priorité mener leur grossesse le plus loin possible. Souvent, on leur propose alors une césarienne, afin qu'elles puissent à la fois mettre au monde leur enfant, et être soignées de façon adéquate.

L'amendement envisage donc plutôt un cas d'école.

Si l'on veut suivre sa logique jusqu'au bout, il faudrait même l'élargir et prévoir qu'une femme, dès l'instant où elle est enceinte, ne peut plus obtenir l'euthanasie.

Un autre membre déclare partager le point de vue de la précédente intervenante. Les cas visés sont à ce point marginaux que l'amendement crée plus de problèmes qu'il n'en résout.

Il est vrai que le terme « viable » a une acception médicale, une acception parfois philosophique, et une acception juridique.

Du reste, d'autres dispositions légales que l'article 725 du Code civil utilisent cette notion.

Ainsi, l'article 33bis du Code civil prévoit que les actions relatives à la filiation ne sont pas recevables si l'enfant n'est pas né viable. Cela signifie que la viabilité s'apprécie après la naissance.

L'intervenant maintient que l'on ne peut discuter ni voter un amendement dont on ne connaît nullement la portée, parce qu'il existe au minimum trois acceptions différentes de la notion de viabilité qu'il mentionne.

Une sénatrice estime qu'en déposant cet amendement, son auteur prend un risque important. En effet, si les nombreux acteurs de terrain ont évoqué beaucoup de situations difficiles, il n'a été question à aucun moment de celle évoquée dans l'amendement en discussion. Étant donné le caractère exceptionnel de cette situation, il s'agit vraiment d'un cas où l'application de la notion d'état de nécessité peut être tout à fait justifiée. Soit il s'agira d'une femme gravement malade, subissant des traitements qui auront sans doute pour conséquence l'impossibilité d'être enceinte, soit il s'agira d'une femme victime d'un accident qui aura fait une déclaration anticipée avec une demande explicite d'euthanasie. Dans ce cas, le médecin devra évaluer les chances de la mère et celles de l'enfant, puisque l'amendement ne comporte aucune définition de la notion d'enfant viable. Mais aucun médecin ne prendra le risque de pratiquer une euthanasie sur une femme enceinte d'un enfant viable.

La question que se posent certains de ce que dira l'opinion publique nuit, selon l'intervenante, à la sérénité du législateur.

Au cas où l'amendement serait maintenu, ce qui relève de la responsabilité de son auteur, l'intervenante votera contre cet amendement, ce qui, à ses yeux, n'implique pas l'autorisation de pratiquer l'euthanasie sur des femmes enceintes d'un enfant viable.

C'est une grave erreur de se saisir d'un cas d'espèce tout à fait exceptionnel, et de légiférer à ce sujet, en introduisant une difficulté et une confusion chez les médecins.

L'amendement créera plus de difficultés qu'il ne résoudra de cas concrets, ce qui est contraire à l'objectif de la proposition de loi.

Un membre se rallie à ce qui a été dit par d'autres intervenants. En droit civil, la notion d'enfant viable s'applique plutôt à l'enfant après sa naissance. En droit pénal, cette notion n'existe pas. C'est la législation actuelle sur l'interruption volontaire de grossesse qui, indirectement, amène une protection du foetus à partir d'un certain âge.

L'amendement aurait pour conséquence que l'on aurait en droit deux normes contradictoires.

L'intervenant pense que la question relative au mot « viable » reste une question sans réponse.

Un autre membre fait observer que le Code civil ne donne pas de définition de l'« enfant viable », parce qu'il s'agit là d'une constatation de fait. Le contexte dans lequel le Code civil parle de l'enfant viable ­ à savoir l'obtention d'un droit de succession ­ résulte de l'adage latin « Infans conceptus pro iam nato habetur quotiens de commodis eius agitur », c'est-à-dire que l'homme est censé être homme dès sa naissance, à la condition qu'il naisse vivant et viable. C'est là une simple constatation, qui n'a rien à voir avec une appréciation juridique. L'emploi du terme « enfant viable » dans le Code civil n'a donc rien à voir avec la problématique de l'euthanasie chez les femmes enceintes.

Selon le membre, le dépôt de l'amendement nº 267 est plutôt motivé par le champ d'application exagérément large de la loi. Celui-ci se prête en effet à toutes sortes d'hypothèses dans lesquelles différents intérêts opposés doivent être conciliés. Pareilles questions ne sont toutefois pas à leur place dans une loi sur l'euthanasie.

Quant au fond, l'intervenant estime que l'amendement ne modifie rien d'essentiel au texte. Il est en effet justifié comme suit :

« Cet article fait primer la vie de l'enfant non né, mais déjà viable, sur la demande d'euthanasie. »

L'auteur de l'amendement nº 267 part manifestement de la supposition qu'une femme, enceinte d'un enfant viable, pourrait envisager de demander l'euthanasie avant de mettre son enfant au monde. Or, le monde médical part du principe qu'il faut faire naître tout enfant en gestation, qui est viable, avant de pratiquer l'euthanasie. Quel médecin sérieux pourrait arriver à une autre conclusion ?

L'intervenant estime qu'ici aussi, le problème est mal posé. Selon lui, le véritable problème est de savoir si, dans le cadre de la législation sur l'euthanasie, il faut traiter différemment une femme qui est enceinte et une femme qui ne l'est pas.

L'auteur de l'amendement nº 267 souligne qu'il n'a jamais eu l'intention de mettre des bâtons dans les roues des auteurs de la proposition nº 2-244 pour ce qui est de l'examen de celle-ci. Il n'est pas correct de suggérer qu'une telle situation a existé, pour critiquer par ce biais l'amendement nº 267.

Le sénateur répète que son amendement s'inspire des diverses propositions de loi qui ont été déposées tant au Sénat qu'à la Chambre des représentants. Il y a lieu de réfléchir aux difficultés qui pourraient surgir au cas où une femme enceinte demanderait l'euthanasie. Le fait que l'on n'ait pas parlé de cette situation au cours des auditions ne constitue pas un argument en l'espèce.

En ce qui concerne l'interprétation des termes « enfant viable », l'intervenant ne s'oppose pas à la suggestion d'inscrire un délai concret dans la loi, pour autant que celui-ci soit suffisamment long. Le sénateur peut également souscrire à la proposition faite par un préopinant de prévoir, d'une manière générale, un traitement médical différent pour les femmes enceintes et les autres. Il faut en tout cas prendre en considération les chances de survie de l'enfant en gestation. Le sénateur déclare qu'au cas où un consensus plus large pourrait se réaliser à propos du problème et où il pourrait devenir moins controversé, il serait prêt à aider à trouver une solution qui aille dans le sens évoqué.

Un membre répète qu'il lui paraît absurde de penser que, face à une femme consciente, qui est atteinte d'une maladie grave et incurable, et qui est en situation de demander l'euthanasie parce qu'elle répond à toutes les autres conditions prévues par la loi, le médecin ne s'occuperait pas d'abord de régler le problème de l'enfant viable qu'elle porte.

La même réflexion vaut pour une femme dans un état d'inconscience irréversible qui a fait une déclaration anticipée dans les cinq ans qui précèdent.

Il est difficile de trouver une formule qui puisse convenir à un texte de loi et qui exprime de façon positive la préoccupation de l'auteur de l'amendement, à savoir que les dispositions de la loi ne peuvent s'appliquer chez la femme enceinte d'un enfant viable qu'après que le médecin a pris en compte la situation spécifique de cette femme.

Le législateur est par ailleurs dans l'incapacité de fixer des conditions spécifiques en la matière.

L'intervenant trouve important que le problème ait été soulevé, et que les uns et les autres aient pu s'exprimer par rapport au sujet.

Il semble exister un large consensus pour considérer qu'une attention particulière doit être accordée à une femme porteuse d'un enfant viable et qui se trouve dans une situation où elle pourrait bénéficier d'une euthanasie.

À la suite de cette discussion, l'amendement nº 267 est retiré.

Amendements nºs 685 et 686

M. Monfils a déposé à l'amendement nº 267 deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 685 et amendement subsidiaire nº 686). Le premier tend à supprimer les mots « d'un enfant viable », et le second tend à les remplacer par les mots « de douze semaines ».

Ces deux sous-amendements sont également retirés.

Article 4bis (nouveau)

Amendements nºs 16 et 292, 240 (A à C), 55, 266 (A à C) et 56

M. Monfils et consorts avaient déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 16), tendant à insérer un article 4bis (nouveau), relatif aux conditions et procédure particulières au cas du patient inconscient ayant rédigé une déclaration anticipée.

Compte tenu de la discussion et du vote relatifs aux articles précédents, Mme Leduc et consorts déposent à l'amendement nº 16 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/15, amendement nº 292) tendant à supprimer l'article 4bis proposé.

L'amendement nº 16 et le sous-amendement nº 292 sont adoptés à l'unanimité des 26 membres présents.

Par conséquent, les amendements nºs 240 (A et C) de M. Monfils et consorts, 55 de Mme Lindekens et consorts, 266 (A à C) de M. Vandenberghe et 56 (A et B) de Mme Lindekens et consorts, qui sont des sous-amendements à l'amendement nº 16, sont dès lors retirés.

Article 5

Amendement nº 17

Mme Vanlerberghe et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17) visant à remplacer l'intitulé du chapitre IV par les mots « Chapitre IV ­ Déclaration » et à remplacer l'article 5 par la disposition suivante :

« Art. 5. ­ Le médecin qui a pratiqué une euthanasie remet, endéans les quatre jours, le document d'enregistrement visé à l'article 5ter, dûment complété, à la commission d'évaluation fédérale visée à l'article 5bis de la présente loi. »

L'auteur principal de l'amendement déclare que l'on avait initialement déposé deux propositions ­ à savoir la proposition de loi relative à l'euthanasie (nº 2-244) et la proposition de loi visant à créer une commission fédérale d'évaluation de l'application de la loi relative à l'euthanasie (nº 2-245/1) ­, et que l'on opte maintenant pour une seule proposition (nº 2-244/1).

Les auditions ont montré qu'il faut considérer la commission fédérale non seulement comme une commission d'évaluation, mais aussi comme un organe-tampon qui permet de ne pas transmettre toutes les déclarations à la justice. Lorsque l'euthanasie a été pratiquée conformément à la loi, la déclaration ne doit pas être envoyée au parquet. C'était un point important pour les médecins. Il n'empêche que le contrôle a posteriori reste un élément important.

L'amendement nº 17 B vise dès lors à inscrire dans la loi relative à l'euthanasie un volet concernant l'évaluation et la commission fédérale.

Un membre estime que le devoir de notification et le respect de celui-ci constituent les éléments à partir desquels on peut savoir si la loi protège suffisamment la vie. L'exemple des Pays-Bas, où, semble-t-il, la majorité des médecins ne déclarent pas les cas d'euthanasie, devrait nous inciter à une certaine prudence. L'intervenant souhaite émettre quelques considérations à propos de l'article 5 de la proposition à l'examen, en tenant compte de l'amendement nº 17B que les auteurs de la proposition ont déposé eux-mêmes.

Ces considérations portent principalement sur le devoir de notification des cas d'euthanasie et sur le respect de la législation en la matière, qui peuvent être considérés comme formant ensemble le point faible de la proposition.

­ L'euthanasie doit évidemment être soumise, en tant qu'acte exceptionnel et de nature sociale, à un contrôle social efficace.

Pour vérifier si un médecin a bel et bien rempli les conditions nécessaires pour que l'euthanasie ne puisse pas être qualifiée d'« infraction », il faut un contrôle suffisant. L'efficacité et la fiabilité d'une réglementation en matière d'euthanasie dépendent en effet entièrement du contrôle possible. En l'absence de pareil contrôle, la dépénalisation de fait est en effet entérinée.

­ La Commission européenne des droits de l'homme a en outre jugé, dans l'affaire Isiltan contre la Turquie (22 mai 1995) que l'article 2 de la CEDH emportait l'obligation « d'instaurer un système judiciaire efficace permettant d'établir la cause d'un décès survenu à l'hopitâl et éventuellement la responsabilité des médecins traitants ».

On y confirme que l'article 2 de la CEDH emporte non seulement, pour l'État, une obligation négative (d'abstention), mais également une obligation positive d'agir de manière que la vie humaine soit protégée activement.

L'article 13 de la CEDH, qui garantit un droit à un « recours effectif », est également en cause lorsque les pouvoirs publics omettent de rechercher et de poursuivre ceux qui se sont rendus coupables d'homicide ou de meurtre.

Lorsque les pouvoirs publics restent en défaut de prendre les mesures adéquates pour parer à une menace de mort imminente, ou de poursuivre les auteurs d'un acte ayant entraîné la mort, ils peuvent être condamnés pour violation de la CEDH.

­ Le respect d'une réglementation en matière d'euthanasie n'est toutefois pas facile à garantir.

Le professeur Velaers écrit à ce sujet ce qui suit :

« De rechtshandhaving blijft de achillespees van heel de regeling. Nogmaals, wat baat het precieze voorwaarden in een wet in te schrijven, over het `terminaal' karakter van de ziekte, over de vrijwilligheid van het verzoek om euthanasie, over de uitzichtloosheid van het lijden, over de afwezigheid van afdoende pijnstillers, wanneer de geneesheren niet of niet voldoende bereid zijn verantwoording af te leggen over hun handelen, zodat het niet of nauwelijks mogelijk is enige controle uit te oefenen teneinde de naleving van de voorwaarden te verzekeren. In 1994 heeft een multi-disciplinaire `Committee on Medical Ethics' van het Britse House of Lords precies om die redenen een euthanasiewetgeving afgewezen. »

­ Le problème du mécanisme de contrôle a également été abordé au cours des auditions. Celles-ci ont clairement indiqué que le système de la déclaration directe du médecin au procureur du Roi, proposé initialement par la majorité, était juridiquement contestable (principe « nemo tenetur ») et inapplicable dans la pratique ; il est en effet naïf de penser que des médecins vont courir le risque, en faisant une déclaration spontanée, d'être poursuivis au pénal.

Au cours des auditions, on a d'ailleurs souligné qu'il fallait nécessairement que la procédure « a priori » et le contrôle à effectuer a posteriori soient complémentaires.

Les observations formulées par les juristes consultés sont toutefois plus importantes. Les médecins ne veulent pas être menacés directement de poursuites pénales à la suite d'une déclaration ou d'un contrôle. C'est une chose dont on tiendra compte à juste titre. Mais il est tout aussi important de tenir compte du fait que le contrôle en question est finalement celui d'une norme de droit pénal, et qu'un tel contrôle est confié au ministère public. Il convient donc de permettre à celui-ci d'exercer sa mission en toute indépendance, sans quoi la norme pénale sera vidée de son contenu en raison de l'impossibilité d'en contrôler le respect, et l'on assistera dès lors à une dépénalisation totale de fait.

Le président Panier s'est montré très réticent notamment à l'égard d'une bureaucratisation du contrôle par des commissions spécifiques :

« Le problème de fond est de savoir s'il faut prendre le risque d'un étiolement des responsabilités. Attention à ce que ­ sans pour autant être un obscurantiste ­ j'appelle la dérive de « scientifisation » systématique des choix juridiques qui sont finalement en quelque sorte des choix politiques au second degré. Attention au risque de se couvrir par l'avis du spécialiste : le toubib de référence, auquel je suis censé téléphoner quand je reçois un dossier d'euthanasie, m'a répondu que, d'après ce que je lui ai dit, c'était bon. Je suis donc couvert. Une des tendances du droit post-moderne est de se `défausser' en quelque sorte sur la science. Dieu sait si je suis de ceux qui se félicitent que l'on puisse de plus en plus éliminer des non-dits, des imprévus ou des obscurantismes par les progrès que fait la science, mais il ne faudrait pas déplacer le choix du palais de justice au laboratoire. »

Cela démontre de manière éloquente que l'on constate une tendance croissante à l'objectivation scientifique lorsque des décisions difficiles doivent être prises, alors que telle n'est généralement pas la vocation des sciences positives. Le droit ­ ars aequi et boni ­ doit par contre faire des choix et adopter une optique sur laquelle pourra se baser l'appréciation d'un comportement donné. Lorsque l'on crée des règles de droit, leur essence réside dans la sanction infligée à ceux qui ne les respectent pas.

Le professeur Vanneste a déclaré :

« Je suis personnellement d'avis que tant une procédure a priori qu'une procédure a posteriori sont nécessaires. La procédure a posteriori dans les présentes propositions de loi repose sur le constat de décès et la déclaration de décès. Une variante, que nous retrouvons dans la proposition CVP, consiste à confier cette tâche au médecin légiste, qui fait une première évaluation a posteriori. Dans la troisième proposition (du comité consultatif), une condition supplémentaire a été suggérée pour réprimer les abus, à savoir l'apport d'un éclairage sur l'acte médical légitime en fin de vie. Dans toutes les techniques utilisées, l'intention ou le motif de procéder à la fin de vie peuvent en effet être présents secrètement. Ce sont des moyens détournés de fin de vie non demandée ou illégitime. »

Il convient en effet de légiférer afin de lutter contre les abus et d'éviter les dérapages.

Le professeur Adams a surtout souligné la nécessité du tampon, citant ici l'exemple des commissions de contrôle néerlandaises :

« S'il faut tirer une leçon de la situation aux Pays-Bas, c'est qu'un régime relatif à l'euthanasie doit, d'une part, encourager les médecins à répondre devant la société des actes qu'ils posent pour mettre fin à la vie et, d'autre part, surveiller et améliorer la qualité de ces actes. En tout cas, pour que les règles édictées fonctionnent convenablement, il faut qu'elles soient acceptées par les personnes qui doivent les appliquer, c'est-à-dire en premier lieu les médecins eux-mêmes. (...)

Les médecins ne veulent pas être attirés dans la sphère pénale. »

Selon M. Dalcq :

« Nous vivons dans un pays de droit et il serait malsain de réduire en cette matière la compétence du juge. J'ai dit au début de cet exposé ma confiance dans la pouvoir judiciaire, je la répète. Il faut maintenir cette confiance intégralement. »

­ Il existe en tout état de cause des possibilités d'élaborer des règles praticables et réalistes en matière de déclaration et de contrôle de l'application des actes euthanasiques réglementés, qui tiennent compte des principes suivants :

· limitation de la menace pénale immédiate pour les médecins par l'instauration d'un « tampon » (ce qui contribuera à améliorer le taux de déclaration);

· instauration d'un système de déclaration transparent et obligatoire, assorti d'un contrôle par sondages portant sur la véracité des déclarations. On contrôle bien les déclarations fiscales; pourquoi ne pourrait-on dès lors pas contrôler les déclarations d'euthanasie ?

· assurance pour le parquet de disposer d'un pouvoir intangible d'enquête et de poursuites, en vue de la protection du patient, conformément aux dispositions contraignantes de la CEDH.

Les articles 5 et suivants proposés se bornent à prévoir une déclaration non sanctionnée du médecin par la transmission d'un formulaire d'enregistrement à la commission d'évaluation. Ils ne satisfont donc nullement aux grands principes juridiques précités ni aux préoccupations formulées dans le cadre des auditions.

Outre ce système de déclaration déjà lacunaire, le système de contrôle par le biais de cette commission d'évaluation est bancal sur le plan juridique et dans les faits, ce qui empêchera tout contrôle effectif. La proposition vise à organiser un contrôle purement administratif excluant toute forme d'enquête et de maintien de la loi pénale et des dispositions de celles-ci relatives à l'euthanasie. Tous les amendements visant à rendre les articles 3 et 4 juridiquement contraignants en infligeant des sanctions à ceux qui y contreviennent, ont en effet été rejetés. Le droit se distingue de toutes les autres sciences humaines par son caractère contraignant, c'est-à-dire par les sanctions qu'entraîne son non-respect. Ce qui apparaît ici, c'est que la proposition de loi nº 2-244/1 vise une simple dépénalisation de l'euthanasie, sans trop prévoir de sanctions pénales.

L'intervenant souhaite en outre émettre plusieurs observations concernant l'obligation de déclarer tout décès.

1. Système en vigueur en Belgique

­ La Belgique détient le record du monde du nombre d'exhumations. Selon certains spécialistes en médecine légale, cet état de chose est dû à l'absence de règles claires concernant le constat de la cause du décès, sa notification à une autorité experte et le contrôle de la véracité de la cause de décès mentionnée. Il convient donc de manier les diverses études relatives à la fin de vie avec la plus grande prudence, compte tenu de l'absence de base scientifique inhérente aux lacunes du système de déclaration de décès.

La réglementation actuelle date encore du début du siècle passé. À cette époque, on mourait généralement chez soi, ce qui assurait un certain contrôle social. De nos jours, la plupart des gens décèdent dans le cadre beaucoup plus fermé d'un hôpital. Il s'impose d'adapter la législation contenue aujourd'hui aux articles 77 et suivants du Code civil, ne fût-ce que pour tenir compte de cette évolution sociale. Les médias se font régulièrement l'écho de cas dans lesquels on fait passer sans grande difficulté une mort qui n'a rien de naturel pour une mort naturelle.

À présent que l'on autorise une euthanasie « administrative », il s'impose assurément d'avoir un système de déclaration qui soit à la fois transparent et contrôlable. Cela s'impose avec d'autant plus de force que de nombreux amendements aux articles 3 et 4, qui avaient été déposés en vue de réglementer d'autres décisions médicales concernant la fin de vie ont été rejetés, ouvrant ainsi la porte à une pratique clandestine et incontrôlable de l'euthanasie. On fait ainsi la part belle à la voie détournée. Quel sens cela a-t-il, en effet, de mettre en place un système de contrôle des médecins qui déclarent une « mort non naturelle » si l'on n'a déjà pas de garantie à la source que la déclaration faite par les médecins sera toujours conforme à la vérité (et que, par exemple, elle mentionnera la cause exacte du décès) ?

Tout cela n'a rien à voir avec une grande méfiance envers le corps médical. Nombre de mécanismes de contrôle administratif destinés à prévenir les abus ont déjà été prévus par ailleurs ­ notamment dans la nomenclature médicale. C'est une procédure normale.

­ Selon la troisième proposition du Comité consultatif de bioéthique, il existait au sein de ce Comité un consensus sur l'inadaptation de la législative actuelle en matière de constat de décès et de déclaration de décès.

De plus, les dispositions actuelles du Code civil ne connaissent que le décès pour « cause naturelle » ou par « mort violente ». Comme il n'est pas souhaitable de ranger l'euthanasie pratiquée conformément aux conditions légales dans une de ces deux catégories, il est en tout cas nécessaire de prévoir des règles spécifiques.

2. Nécessité de l'obligation de déclaration

­ Le droit belge n'impose pas pour l'heure au médecin l'obligation de déclarer un décès. Pareille obligation de déclaration est pourtant nécessaire, a fortiori dans le cadre de la législation sur l'euthanasie. Il convient dès lors d'adapter le Code civil. La proposition de la majorité ne prévoit aucune disposition en la matière.

­ De plus, le non-respect du devoir de déclaration doit donner lieu à l'application de sanctions; or, tel n'est pas le cas dans la proposition de la majorité, puisqu'il a été dit dans les discussions de la proposition que toutes les conditions de la loi ne devaient pas être remplies de manière cumulative et qu'un amendement du groupe de l'intervenant prévoyant le contraire, a été rejeté.

3. Contrôle de l'authenticité de la déclaration de décès

La proposition de la majorité ne prévoit aucune possibilité de détecter l'authenticité et les fausses déclarations, ce qui est pourtant indispensable en cas d'euthanasie.

La proposition du groupe de l'intervenant comprend les éléments suivants :

­ Il faut insérer dans le Code civil une disposition permettant de contrôler par sondage la véracité des déclarations de décès; une fausse déclaration doit être punie par une sanction pénale.

­ Il faut faire appel à un médecin légiste pour contrôler la déclaration en cas d'euthanasie; celui-ci ferait en effet office de tampon et examinerait en connaissance de cause si les conditions ont été respectées.

Par ailleurs, il dispose également de l'expertise médicale nécessaire pour pouvoir constater qu'il s'agit d'une euthanasie ou d'une mort anormale, suspecte ou violente.

4. Autorisation d'inhumation/crémation

­ La proposition initiale de la majorité comportait encore une règle selon laquelle, en cas d'euthanasie, l'inhumation ne pouvait avoir lieu qu'après autorisation du procureur du Roi. On supprime à présent cette disposition, qui figurait à l'article 8, pour le motif que, comme on a supprimé la transmission obligatoire au procureur du Roi, l'accord de celui-ci n'est plus nécessaire.

De cette manière, on exclut toutefois toute possibilité d'autopsie (par hypothèse, 2 mois plus tard, si la commission d'évaluation, qui est en effet tenue de se prononcer dans les 2 mois, devait avoir un doute quant au respect des conditions).

­ La recommandation 1159 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe relative à l'harmonisation des règles en matière d'autopsie prévoit d'ailleurs explicitement que « l'autopsie devrait être pratiquée dans tous les cas de décès suspects ou dont la cause est douteuse » (point 4 de la recommandation).

­ En outre, force est de se demander comment concilier les articles 5 et suivants avec les dispositions du Code civil et de la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures.

­ Conformément à l'article 81 du Code civil, lorsqu'il y aura mort « non naturelle » (notamment des signes ou indices de mort violente ou d'autres circonstances), on ne pourra faire l'inhumation qu'après qu'un officier de police aura dressé procès-verbal. Cela signifie-t-il qu'il faut considérer l'euthanasie comme une « mort naturelle » pour éviter d'appliquer cette disposition ? L'article 7 de la proposition de la majorité prévoit pourtant que l'euthanasie ne peut être considérée comme une « mort naturelle » que pour ce qui est du droit des assurances.

­ En vertu de l'article 22 de la loi sur les funérailles et sépultures, à la demande d'autorisation doit toujours être joint un certificat dans lequel le médecin traitant ou le médecin qui a constaté le décès indique s'il y a eu mort naturelle ou violente ou suspecte, ou une cause de décès impossible à déceler. Dans ces derniers cas, le dossier doit être transmis au procureur du Roi.

Le médecin traitant devra-t-il considérer l'euthanasie comme une « mort naturelle » pour éviter que le procureur ne prenne connaissance du dossier ? Pourtant, l'article 7 de la proposition de la majorité prévoit que l'euthanasie n'est considérée comme une « mort naturelle » que pour ce qui est de son incidence en matière de droit des assurances. En outre, en cas de mort naturelle et de crémation, un médecin désigné par l'officier de l'état civil doit toujours vérifier une seconde fois les causes du décès. Que fera-t-on en cas d'euthanasie ?

Il se pose donc en tout état de cause un problème, ce qui confirme une nouvelle fois qu'il faut revoir les règles concernant la déclaration de décès.

­ La proposition néerlandaise prévoit elle aussi, concernant la déclaration de décès, des règles spécifiques dans lesquelles on fait le départ entre la mort naturelle, la mort due à une demande d'euthanasie ou d'aide au suicide et les « autres cas ».

L'article 10-D de la proposition vise en outre à insérer une nouvelle disposition dans la loi sur les sépultures, qui prévoit que si l'officier de justice estime qu'il ne peut pas délivrer l'attestation d'absence d'objection à l'inhumation ou à la crémation, il en informe la commission de contrôle. Le système néerlandais aussi prévoit donc une autorisation préalable. La proposition de la majorité exclut, en tout état de cause, pareille possibilité.

Enfin, le médecin légiste communal qui estime ne pas pouvoir dresser une déclaration de décès doit en informer directement l'officier de justice (donc également s'il estime que la déclaration du médecin traitant n'est pas crédible). La proposition de la majorité prévoit uniquement une déclaration à la commission d'évaluation, sans notification au parquet (sauf en cas de majorité des deux tiers).

5. Conclusion

Tout d'abord, il faut procéder à quelques adaptations indispensables du Code civil à propos de la déclaration de décès. La proposition du groupe de l'intervenant comprend les éléments suivants :

­ Des modifications sont apportées à la partie du Code civil qui traite des actes de décès. Ces modifications tendent à mettre en place un régime adéquat de constatation, de déclaration et de contrôle de tout décès.

­ Après tout décès, un certificat de décès (dont la forme et le contenu seront réglés par arrêté royal) sera désormais établi par le médecin.

­ Ce certificat de décès sera établi par le médecin qui a constaté le décès s'il est convaincu que la mort résulte d'une cause naturelle.

­ Lorsque le défunt est parent et/ou allié du médecin qui a constaté le décès, celui-ci ne peut en aucun cas établir le certificat de décès.

­ Des médecins, spécialistes agréés en médecine légale et attachés à un institut reconnu de médecine légale, contrôlent par sondage, conformément aux modalités à préciser par arrêté royal, la véracité du certificat de décès résultant d'une cause naturelle. À cet effet, ils peuvent procéder à une expertise externe et interne du corps.

­ La déclaration du décès se fera par des témoins qui seront, si possible, les deux plus proches parents ou voisins, ou, lorsqu'une personne est décédée hors de son domicile, la personne chez laquelle elle est décédée et un parent ou autre, ou à défaut des personnes précitées, par le médecin qui a rédigé le certificat.

­ Le médecin qui constate le décès ne peut pas établir le certificat s'il n'est pas convaincu que le décès résulte d'une cause naturelle.

­ S'il s'agit d'un cas d'euthanasie, il doit respecter une procédure spécifique, à savoir informer un médecin légiste, qui vérifie si les conditions ont été respectées. S'il constate que les conditions n'ont manifestement pas été respectées, il transmet le dossier au procureur du Roi. S'il ne constate aucune irrégularité, il transmet le dossier à une commission régionale de contrôle, qui transmet à son tour le dossier, après examen, au procureur du Roi. L'inhumation n'aura lieu qu'avec l'autorisation du procureur du Roi.

­ Dans tous les autres cas de décès non naturel, le médecin est tenu de signaler sans délai le décès à l'officier de l'état civil. Ayant été informé d'un décès anormal, l'officier de l'état civil est tenu de le signaler à son tour au procureur du Roi, qui procède en tout cas à la désignation d'un médecin attaché à un institut reconnu de médecine légale et soumis à la surveillance de ce dernier. L'inhumation n'aura lieu qu'avec l'autorisation du procureur du Roi.

En outre, il faut souligner une fois de plus la nécessité de prévoir des sanctions pénales. Il faut sanctionner pénalement le non-respect de l'obligation de déclarer le décès, ainsi que la rédaction de faux certificats de décès.

Par ailleurs, le membre souhaite formuler de nombreuses remarques sur le système de contrôle proposé par les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1.

1. Limitation inconstitutionnelle de la compétence du parquet

Il ressort des auditions et de la situation qui existe aux Pays-Bas qu'il doit y avoir un « tampon » entre le parquet et les médecins pour que ceux-ci soient disposés à déclarer les cas d'euthanasie.

Dans la proposition déposée par la majorité, la « commission d'évaluation » remplit ce rôle de tampon. Elle est toutefois bien plus qu'un tampon ou premier « volet de contrôle »; elle est plutôt une instance autonome qui ­ à la place du parquet ­ rend un avis administratif sur la nécessité de poursuivre.

Les articles 5 et suivants proposés prévoient en effet que la commission d'évaluation ne peut transmettre le dossier au procureur que si des conditions strictes et limitatives sont remplies :

­ Il faut qu'il y ait un doute de la part de la commission d'évaluation;

­ la décision doit avoir été prise à la majorité des deux tiers;

­ la décision doit être motivée.

L'article 151, § 1er de la Constitution prévoit toutefois ce qui suit :

« Les juges sont indépendants dans l'exercice de leurs compétences juridictionnelles.

Le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite. »

La procédure de contrôle proposée, aux termes de laquelle le parquet ne reçoit que les dossiers dans lesquels la commission d'évaluation doute que les conditions nécessaires aient été remplies, n'est dès lors pas conforme à la Constitution. Une autre institution ne peut davantage se substituer au ministère public dans l'exercice de ses attributions.

Cette vision est d'ailleurs confirmée formellement dans l'avis du 10 octobre 2000 du Conseil d'État sur la proposition de loi concernant le parquet fédéral, selon lequel (doc. Chambre, nº 50-897/2 2000-2001, p. 9) :

« (...) Comme il a été indiqué dans l'observation générale nº II, il est fait référence au précédent avis de la section de législation donné le 13 août 1998. En particulier, les dispositions constituant l'article 4 de la proposition à l'examen ont déjà été examinées dans une large mesure dans l'avis précité.

Toutefois, à l'époque où cet avis a été donné, l'article 151 de la Constitution n'avait pas encore été révisé. Dès lors, le Conseil d'État attire l'attention des auteurs de la proposition sur cette nouvelle disposition constitutionnelle, aux termes de laquelle « ... le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et des poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite ».

Le paragraphe 3 de l'article 143 proposé du Code judiciaire prévoit que le procureur fédéral exerce toutes fonctions du ministère public dans les affaires pénales sous l'autorité du ministre de la Justice. Il est traditionnellement admis que semblable formulation confère au ministre de la Justice le pouvoir d'ordonner des poursuites mais ne lui permet pas d'adresser au ministère public une injonction tendant à l'arrêt des poursuites, ni de se substituer au ministère public dans l'exercice de ses attributions.

Le ministre de la Justice ne peut pas non plus adresser une injonction négative à caractère général par laquelle il empêcherait le ministère public d'entamer des poursuites dans tous les cas d'application de tel ou tel texte de loi pénale (...). »

Les auteurs de la proposition de loi répondront probablement à l'observation qui vient d'être faite que l'on peut toujours déposer plainte au parquet. Il y a cependant lieu de se demander quel traitement est réservé à ce type de plaintes. Quel est le lien entre pareille plainte et le rôle, défini par la loi, de la commission d'évaluation ? Est-on conscient du fait qu'une telle plainte a une signification tout à fait secondaire ? Peut-on faire, d'une atteinte à la protection de la vie, un simple délit de plainte ?

L'intervenant estime qu'une réglementation administrative de ce genre sape la compétence constitutionnelle du parquet. On ne peut pas prétendre que le maintien systématique de la norme pénale peut être confié à un autre organe et que le ministère public n'a qu'une compétence subsidiaire, sans violer l'article 151 de la Constitution. Faire cela reviendrait à ébranler complètement l'ensemble du système juridique sur lequel on se fonde et selon lequel le ministre de la Justice ne peut donner que des injonctions positives et jamais d'injonctions négatives dans le cadre de poursuites pénales.

Au cas où la réglementation proposée serait coulée dans une loi, rien n'empêcherait le ministre de la Justice de créer des commissions administratives pour d'autres matières, commissions qui décideraient à quel moment les dossiers seraient transmis au parquet. La procédure manquerait tout à fait d'objectivité et il n'est pas exclu que des décisions juridiques pourraient être prises en fonction des convictions politiques de l'intéressé. Dans un État de droit, un procureur général ne peut, en effet, pas agir comme le ministre de la Fonction publique vient de le faire en déclarant que, s'il avait le choix entre un socialiste et un socio-chrétien, il nommerait le socialiste. Une telle affirmation est à mille lieues d'une appréciation objective des titres et des mérites de chacun.

Il est clair que même si la réglementation proposée aux articles 5 et suivants ne visait pas à ce que la commission d'évaluation supprime les compétences du ministère public (et si elle était donc conforme à la Constitution), le mécanisme de contrôle proposé serait une mesure pour rien et ne serait pas opérationnel. Le « tampon » perdrait alors toute utilité, puisque le ministère public pourrait encore engager directement des poursuites indépendamment du fonctionnement de la commission d'évaluation. Il est évident que l'on n'atteindra pas ainsi le but visé et que l'on ne fera que favoriser l'euthanasie clandestine.

Aux Pays-Bas aussi, le Conseil d'État s'est prononcé contre la réglementation légale proposée, selon laquelle le ministère public n'aurait plus eu compétence pour engager des poursuites qu'au cas où la commission de contrôle aurait estimé que des irrégularités avaient été commises au cours de l'euthanasie.

Le Conseil d'État néerlandais a rendu l'avis suivant :

« In zijn advies over het vorige wetsvoorstel heeft de Raad erop gewezen dat, bij een positief oordeel van de toetsingcommissie, strafvervolging gewoonlijk achterwege zal blijven en slechts hoge uitzondering zal zijn. Daarmede kan de praktijk groeien dat het merendeel van de gevallen binnen een redelijke termijn met een toetsing door de toetsingscommissie wordt afgedaan.

In § 4 van de toelichting, alsmede in de toelichting op artikel 9 wordt gesteld dat, indien de regionale toetsingscommissie van oordeel is dat de arts zorgvuldig heeft gehandeld, daarmede de zaak is afgedaan en dat de commissie alleen dan haar oordeel aan het parket-generaal van het openbaar ministerie zendt als de arts naar haar oordeel niet heeft gehandeld overeenkomstig de zorgvuldigheidsvereisten.

Ook in § 5 van de toelichting wordt opgemerkt dat met het oordeel dat de arts zorgvuldig heeft gehandeld, deze niet langer strafbaar is en dat met een zodanig oordeel de zaak is afgedaan. Dit betekent, aldus de toelichting, dat verreweg de meeste meldingen van levensbeëindiging op verzoek en hulp bij zelfdoding niet langer ter besluitvorming aan het openbaar ministerie worden gezonden. »

Le Conseil d'État a estimé que cela posait d'énormes problèmes en ce qui concerne l'indépendance du ministère public. Selon le Conseil d'État néerlandais, l'on ne peut limiter la compétence légale d'un ministère public et toutes les décisions de la commission de contrôle ­ les décisions négatives et les décisions positives ­ doivent pouvoir être soumises à l'appréciation du juge qui doit pouvoir les examiner » (traduction).

Le Conseil d'État néerlandais a tiré une série de conclusions. Il faudrait, au cas où le ministère public conserverait ses pleines compétences, prévoir, dans le souci d'assurer la cohérence de la jurisprudence, qu'il doit également pouvoir disposer, dans tous les cas, de l'avis de la commission de contrôle, y compris de l'avis positif » (traduction).

Par conséquent, si le ministère public conserve la compétence pour la politique générale en matière de poursuites, il doit être informé de toutes les décisions qui sont prises, parce qu'il doit pouvoir juger dans quels cas l'euthanasie est acceptable et dans quels cas elle ne l'est pas. Cette compétence ne doit pas être exercée par une commission administrative.

Le Conseil d'État néerlandais a d'ailleurs souligné que, dans le souci d'assurer la sécurité juridique, l'on informerait dans les meilleurs délais le médecin concerné des poursuites pénales éventuellement engagées contre lui.

À tout cela, le gouvernement néerlandais a répondu qu'au cas où la commission de contrôle régionale rendrait un jugement positif à propos des actes du médecin, il n'y aurait aucune présomption sérieuse de culpabilité pénale : « Le ministère public n'a alors aucun motif de procéder à une investigation en vue d'engager des poursuites et d'user de ses compétences légales » (traduction).

Pareille réglementation débouche toutefois sur une « jurisprudence de profanes » et met de toute façon le ministère public sur la touche. L'on n'a pas tenu compte de l'avis du Conseil d'État.

Quid lorsqu'une déclaration d'euthanasie irrégulière est faite alors que la commission d'évaluation estime que toutes les conditions ont été remplies ? Quelle est alors la donnée qui déterminera si l'on va effectivement ouvrir une information et/ou une instruction judiciaire ?

2. Pourquoi une majorité des deux tiers ?

Les justifications des amendements n'indiquent pas pourquoi il y a lieu de décider à la majorité des deux tiers en ce qui concerne la transmission d'un dossier au parquet.

Même la proposition néerlandaise ne prévoit pas de régime strict de ce genre et postule la parité.

Compte tenu de la composition de la commission d'évaluation (8 médecins), il est en outre possible que ces médecins puissent toujours actionner un mécanisme de blocage et la transmission au parquet pourrait bien s'avérer exceptionnelle.

3. Le statut de la commission d'évaluation ?

Quel est le statut de cette commission ? Doit-on la considérer comme une juridiction administrative ? Le médecin peut-il introduire un recours contre les décisions de la commission ?

4. Centralisation inefficace de la commission d'évaluation

La commission d'évaluation doit être organisée sur une base régionale.

En effet, il n'est pas du tout certain que la commission d'évaluation centrale pourra traiter efficacement toutes les déclarations. Rien que d'après l'enquête de Deliens et consorts, il y a manifestement en Belgique 640 cas d'euthanasie, 65 cas de suicide assisté et 1 796 cas d'interruption de vie sans demande. Dans l'hypothèse où tous les médecins feraient réellement une déclaration, on peut se demander si la commission centrale pourra traiter ces cas dans les délais.

5. Composition de la commission

­ Sur les 16 membres que compte la commission, 4 seulement sont juristes et pourtant ils doivent juger si les conditions légales ont été respectées...

­ Aux Pays-Bas, la commission régionale d'évaluation comprend également un éthicien. La proposition de loi à l'examen, elle, ne le prévoit pas.

­ De plus, comment garantir l'impartialité des membres de la commission ? Il y a lieu de prévoir des dispositions spécifiques au sujet de la parenté ou des incompatibilités.

6. La mission de la commission

­ La commission doit vérifier si les conditions ont été remplies. Elle n'a toutefois pas le droit de prendre connaissance des avis et des rapports des personnes consultées. Il y a lieu de le prévoir expressément, comme annexe au document d'enregistrement.

­ La commission peut requérir des documents et des informations supplémentaires. Elle assume ainsi le rôle d'une commission d'enquête. C'est aller trop loin. En cas de doute, le dossier doit être transmis dans tous les cas au parquet qui se charge de l'instruction. On ne voit pas non plus clairement si la commission a un droit d'injonction positive.

­ Outre sa mission de contrôle, la commission a également une mission d'évaluation. Ces deux missions ­ contrôle et évaluation ­ peuvent parfois s'opposer. Il n'y a aucune indépendance en l'espèce, alors que la jurisprudence l'exige dans cette matière.

7. Le pouvoir judiciaire perçu comme une menace et non comme une garantie

La proposition de la majorité part trop du principe que le pouvoir judiciaire est une menace plutôt qu'une garantie.

8. Élaboration du document d'enregistrement

La proposition de loi prévoit que la commission d'évaluation rédigera elle-même le document d'enregistrement. On s'est manifestement inspiré du modèle de la loi du 13 août 1990 visant à créer une commission d'évaluation pour l'interruption de grossesse, alors que cette commission-là exerce un contrôle général et n'examine pas de cas particuliers. Là encore, la loi prévoit que la commission établit elle-même le document d'enregistrement.

Ce n'était pas une mince affaire. En fin de compte, l'enregistrement des interruptions de grossesse n'a commencé que le 1er octobre 1992, soit plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, le 3 avril 1990. Telle que la proposition est rédigée, la commission ne peut établir ce document qu'une fois la proposition de loi entrée en vigueur et qu'après la constitution de la commission, ce qui prendra aussi du temps. Puisque, par hypothèse, la loi est d'application et que le respect de l'obligation de communiquer n'est pas sanctionné, l'euthanasie peut être pratiquée en toute impunité et sans le moindre contrôle a posteriori. Si cette situation persiste un ou deux ans, ne risque-t-on pas de voir apparaître des pratiques que l'on ne pourra plus réprimer par la suite ?

Il est dès lors indiqué que ce soit le Roi qui établisse ce document; de plus, le document doit être disponible dès le premier jour de l'entrée en vigueur de la loi.

La proposition du groupe de l'intervenant consisterait à prévoir une obligation pour chaque médecin traitant de transmettre, dans les 24 heures suivant l'acte d'euthanasie, un rapport écrit au médecin légiste, qui vérifie immédiatement si toutes les règles de prudence ont été respectées.

Si ces règles de prudence n'ont manifestement pas été respectées, le médecin légiste transmet immédiatement ses conclusions au procureur du Roi, qui peut décider qu'on ne pourra pas procéder à l'inhumation.

Si le médecin légiste ne constate pas d'irrégularités, il transmet son rapport avec ses conclusions à une commission d'évaluation régionale à créer, qui examine à son tour le respect des conditions et fait rapport au procureur du Roi.

Une autre intervenante souligne l'importance des articles 5 et suivants, puisqu'ils concernent la manière dont est conçu le contrôle des actes d'euthanasie.

Aux Pays-Bas, l'on a commencé par la conclusion d'un accord entre les gens de terrain et le collège des procureurs généraux, indiquant dans quel cadre des actes d'euthanasie pouvaient être admis par le ministère public. Au fur et à mesure de la discussion et des deux évaluations réalisées sur le terrain, on a tenté de mettre sur pied un système permettant, d'une part, d'assurer un contrôle et, d'autre part, de vérifier que les médecins qui avaient pratiqué une euthanasie feraient bien la déclaration voulue.

À l'heure actuelle encore, aux Pays-Bas, malgré le système mis en place, seuls 40 % environ des médecins qui pratiquent l'euthanasie en font la déclaration.

Or, on ne peut élaborer une loi sur l'euthanasie que si l'on s'assure en même temps qu'un contrôle efficace puisse être réalisé sur le terrain.

L'expérience hollandaise montre que ce contrôle n'est pas simple, et que les médecins y sont réticents.

L'amendement nº 17 apporte un changement important par rapport à la proposition de loi initiale, puisque l'on a supprimé l'obligation de signaler tous les actes d'euthanasie directement au procureur du Roi.

La commission d'évaluation initialement visée par une proposition de loi distincte est intégrée à la proposition à l'examen, et transformée en commission de contrôle, sans que l'on se soit interrogé sur la possibilité pour cette commission de remplir réellement ce rôle.

Différentes options existent en matière de contrôle : le système hollandais (avec les faiblesses qui viennent d'être décrites), et les autres possibilités élaborées dans le cadre du Comité consultatif de bioéthique, à savoir des contrôles à la fois a priori et a posteriori, les deux étant nécessaires.

Dans les articles déjà votés de la proposition à l'examen, le contrôle a priori n'existe pas, en dépit des amendements déposés, notamment, en ce qui concerne la phase non terminale.

Une autre forme de contrôle possible, qui a également été écartée, concerne la problématique des droits du patient, et en particulier les droits à l'information et au consentement, qui permettraient d'introduire un contrôle extérieur à l'hôpital, milieu clos où se produisent environ 70 % des décès et où il est très difficile d'exercer un contrôle efficace.

En ce qui concerne le chapitre IV proposé à l'amendement nº 17, la question se pose de savoir quelle est la sanction en cas de non-déclaration par le médecin à la commission d'évaluation.

Il n'y a pas de lien entre les dispositions du chapitre II relatif aux conditions et procédure, et le chapitre relatif à la déclaration à la commission.

L'amendement de l'intervenante, qui proposait de viser explicitement la déclaration à la commission d'évaluation comme l'une des conditions à respecter par le médecin pour qu'il n'y ait pas infraction, a été rejeté.

Cependant, la loi hollandaise le prévoit explicitement en son article 20 (article 293 du Code pénal hollandais).

L'intervenante conclut qu'il n'y a pas de sanction prévue en cas de non-respect de l'obligation de déclaration à la commission.

Cela lui paraît très grave, car le système de la proposition de loi n'est défendable que moyennant un contrôle suffisant de ce qui se passe sur le terrain, en particulier lorsqu'il n'y a pas eu de demande de la part du patient.

Le modèle de commission d'évaluation proposé par les six auteurs est calqué sur celui de la commission créée par la loi du 13 août 1990 en matière d'interruption volontaire de grossesse.

La solution proposée paraît batarde aux yeux de l'intervenante.

En effet, la commission créée par la loi du 13 août 1990 était chargée d'évaluer l'application des dispositions relatives à l'interruption de la grossesse. Il s'agissait d'« établir à l'attention du Parlement, tous les deux ans, un rapport statistique élaboré sur base des informations recueillies en vertu des articles 2 et 3, un rapport détaillant et évaluant l'application et l'évolution de la loi, le cas échéant des recommandations en vue d'une initiative (...).

Pour l'application de cette mission, la commission peut s'informer auprès des pouvoirs et organismes concernant le planning familial, la parenté responsable, la contraception, (...).

Les renseignements recueillis sont confidentiels. »

Ce système a été transposé de façon quasi-littérale dans le texte à l'examen.

Or, le rôle que l'on veut faire jouer ici à la commission est différent.

L'intervenante ne partage pas le point de vue d'un précédent orateur, qui estimait nécessaire de dissocier la mission d'évaluation de celle de contrôle (cf. la loi hollandaise, qui donne aussi à la commission un certain rôle d'évaluation).

Mais elle constate que l'article 5 proposé ne mentionne que la mission d'évaluation de la commission, alors qu'il faudrait aussi, selon elle, mentionner son rôle de contrôle.

Il faut aussi repenser en conséquence la composition de la commission et la manière dont elle fonctionne.

Quant au rôle de tampon que l'on veut donner à cette commission, l'intervenante renvoie à l'audition particulièrement intéressante du professeur Adams, qui a fait une analyse approfondie du système hollandais.

Il apparaît que les Pays-Bas ont sensiblement évolué dans leur manière de concevoir le contrôle. Le législateur belge pourrait utilement s'inspirer de cette expérience.

Le système hollandais passe par une communication à un médecin légiste, et utilise le certificat de décès comme instrument de contrôle (cf. les propositions formulées à ce sujet par un précédent orateur).

Dans le texte à l'examen, une attention plus grande et un effort de modernisation devraient être consacrés à la manière dont les certificats de décès sont rédigés.

La question du respect de la vie privée des personnes, à laquelle est liée l'éventuelle transmission du dossier médical à la commission d'évaluation, devra aussi être examinée.

En outre, contrairement à ce qui se passe aux Pays-Bas, où la commission connaît le nom du médecin et du patient, le contrôle prévu par le texte à l'examen n'est pas de nature individuelle.

À ce sujet, le professeur Adams a notamment déclaré, lors de son audition :

« Je considère que le contrôle a posteriori par une commission d'évaluation doit être un contrôle individuel. Il en est ainsi également aux Pays-Bas. Sinon, rien n'est contrôlé. »

Un membre observe que le caractère individuel du contrôle n'est pas incompatible avec l'anonymat, qui peut être levé dans certaines circonstances. Le médecin peut également être amené à expliciter son rapport.

La précédente intervenante répond que ceci ne vaut qu'en cas de problème. Or, toute la question est de savoir comment la commission pourra arriver à constater qu'un problème existe.

Il faut que les données en sa possession soient suffisantes pour lui permettre d'exercer un véritable contrôle, sinon, il vaut mieux laisser faire le ministère public.

La question du rôle du ministère public par rapport à la commission devra aussi être clarifiée.

Ce rôle reste apparemment entier par rapport à un dépôt de plainte.

Actuellement, les plaintes émanent des proches ou, beaucoup plus rarement, d'un membre du personnel infirmier ou d'un autre médecin. Très peu de poursuites ont eu lieu au cours des dernières décennies.

Peut-être l'existence d'une loi facilitera-t-elle le dépôt de plaintes.

Dans l'hypothèse où une plainte est déposée par un proche d'une personne décédée suite à une euthanasie, alors que la commission avait considéré qu'il avait été satisfait aux conditions fixées par la loi, que se passera-t-il ?

Le parquet prendra-t-il contact avec la commission, pour connaître les motifs de sa décision ?

Le pouvoir du parquet reste-t-il entier, et la procédure pénale ordinaire suit-elle alors son cours ?

À propos du rôle du parquet, l'intervenante renvoie à l'avis du Conseil d'État et à la discussion parlementaire relatifs à la loi hollandaise, dont il ressortait que ce point faisait l'objet de l'une des critiques les plus fondamentales formulées à l'égard de cette loi.

L'intervenante déclare qu'elle n'aperçoit pas la raison fondamentale pour laquelle l'anonymat du patient et celui du médecin doivent être sauvegardés.

La composition et le fonctionnement concret de la commission d'évaluation doivent aussi être discutés.

Aux Pays-Bas, il s'agit de commissions régionales qui ne comptent que trois membres. En Belgique, compte tenu de la dimension du pays et du nombre vraisemblablement restreint de cas à traiter, l'intervenante ne voit pas pourquoi il faudrait prévoir des commissions régionales.

Une intervenante note, comme de précédents orateurs, que la commission se voit confier deux missions différentes, à savoir l'évaluation et le contrôle, qui nécessitent des outils différents, des acteurs différents, et se situent dans des contextes juridique et judiciaire différents.

En ce qui concerne la mission d'évaluation, on en connaît en Belgique un autre exemple déjà cité, à savoir la commission créée en matière d'avortement pour évaluer le phénomène de l'avortement dans notre pays, connaître le nombre d'avortements, cerner la réalité socio-économique, déterminer comment travaillent les acteurs de terrain dans ce domaine, etc.

Une commission d'évaluation s'impose aussi dans le domaine de l'euthanasie pour savoir quelles sont les pratiques médicales, dans quels cas les euthanasies sont demandées, si une adaptation éventuelle de la législation est indiquée, etc.

La composition de cette commission d'évaluation mérite discussion. Plusieurs systèmes de désignation sont possibles, mais l'intervenante se dit très soucieuse de ce que se retrouvent dans la commission les personnes les plus compétentes en la matière.

Le rôle d'une commission d'évaluation est d'entrer le moins possible dans l'examen de cas individuels, et de rester de préférence dans l'anonymat.

Dès lors, la seconde mission dévolue à la commission, à savoir celle de contrôle, suscite chez l'intervenante des réticences.

Le lien avec le parquet et le monde judiciaire et avec la législation sur les actes de décès n'est pas clair.

L'intervenante est convaincue que, telle qu'elle est conçue dans le texte à l'examen, la commission rencontrera des résistances de la part des médecins qui pratiquent des euthanasies, étant donné le sort qui sera réservé à leur dossier.

La commission est pour partie composée de médecins. Or, on connaît, outre l'aversion des médecins pour les formalités administratives, les difficultés que peut susciter un contrôle opéré par des pairs. L'effectivité du contrôle risque d'en souffrir.

En ce qui concerne le parquet et les actes de décès, il paraît évident qu'une incertitude subsiste.

Le texte prévoit qu'en cas de doute, la commission peut lever l'anonymat du dossier et procéder à un examen plus approfondi de celui-ci.

La nature de la commission (administrative, pré-judiciaire, sociologique, ...) est incertaine. Il n'existe pas de précédent comparable dans notre droit.

Il semble bien qu'il s'agisse d'une commission « pré-judiciaire ». Ce n'est qu'à la majorité des 2/3 qu'elle peut décider de renvoyer le dossier au parquet. Si la commission constate que les conditions ne sont pas remplies, le renvoi au parquet n'est cependant qu'une faculté, avec tout l'arbitraire qui peut en découler.

Pourquoi, par ailleurs, requérir une majorité des 2/3 ? Comment garder la confiance des acteurs, si l'on sait que la commission peut, à un moment donné, transmettre le dossier au parquet ?

Si l'intervenante souscrit à l'idée d'une instance-tampon, elle se demande pourquoi l'on ne pourrait associer dès le départ le pouvoir judiciaire à la démarche.

Pourquoi ne pas faire intervenir un médecin légiste comme instance-tampon, le cas échéant, moyennant une réorganisation de cette profession ?

Le texte à l'examen ne prévoit aucune modification à la législation actuelle sur les actes de décès. L'officier de l'état civil est informé du décès, mais le parquet ne l'est pas.

Ce n'est qu'après examen du dossier par la commission qu'il pourrait y avoir un soupçon d'euthanasie irrégulière.

Une deuxième critique concerne l'absence de lien avec la justice ordinaire. Il a été dit qu'une plainte pouvait en tout état de cause être déposée par un particulier. Celui-ci sera-t-il informé de ce que le médecin a ou non rempli et renvoyé à la commission le formulaire prévu ?

Y a-t-il une sanction si le médecin ne respecte pas cette formalité ?

Si le particulier sait que cette formalité a bien été remplie, mais soupçonne une euthanasie, peut-il avoir un contact avec la commission ?

Quels sont les contacts que la commission peut avoir dans le cadre de sa mission ? Dans son pouvoir d'investigation, peut-elle interroger, outre le médecin, tous les acteurs qui sont intervenus dans le processus ?

Si une plainte a été déposée, mais que la commission n'a pas décelé d'irrégularité, quelles conclusions le juge va-t-il en tirer ?

L'intervenante se dit convaincue qu'un juge ne peut pas appréhender seul la complexité d'un dossier d'euthanasie.

Ne faut-il pas, dès le départ, lorsqu'il existe un soupçon d'euthanasie illégale, que les acteurs de la justice puissent intervenir plus rapidement ?

Au moment de la déclaration du décès, ne peut-on, d'office, lorsqu'il y euthanasie, informer un médecin légiste, qui étudiera le dossier ?

Faut-il pour cela avoir recours à un organe hybride, dont l'intervenante apprécie par ailleurs la mission d'évaluation ?

En outre, l'intervenante redoute quelque peu le tri que pourrait opérer une commission dont, comme il vient d'être dit, la nature exacte n'est pas définie, et ce dans une matière aussi importante.

Est-il bon de confier une telle mission à des personnes qui peuvent être à la fois contrôleur et contrôlé ?

Un membre demande à la précédente intervenante si, lorsqu'un tribunal désigne un expert ou un collège d'experts, on peut dire que ceux-ci sont à la fois juge et partie.

Celle-ci répond par la négative, mais souligne que leur mission s'inscrit dans un cadre judiciaire, qu'elle s'exerce sous le contrôle du juge, et qu'un expert est par définition indépendant et impartial.

Le précédent orateur constate que le point de vue de la précédente intervenante s'inscrit dans la logique de la position qu'elle a précédemment défendue, et selon laquelle elle était opposée à une dépénalisation, même partielle, de l'euthanasie, et préférait maintenir le contrôle des tribunaux en la matière.

Quant au rôle de la commission d'évaluation, il est clair qu'il n'est pas juridictionnel.

La précédente intervenante répond que ce rôle n'est certes pas judiciaire, mais qu'elle craint fort qu'il ne soit de nature juridictionnelle, puisqu'il s'agit bien de savoir s'il y a ou non infraction dans des dossiers déterminés, sans cependant que les garanties nécessaires pour exercer ce type de mission ne soient présentes.

Le précédent orateur constate que, de façon caractéristique, les arguments de différents opposants à la proposition se rejoignent toujours, et qu'il n'y aurait donc qu'une opposition à la philosophie générale de la proposition de loi.

Un membre déclare avoir pris bonne note des différentes critiques formulées par les opposants au texte quant à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation.

Il tient à répondre précisément à chacune d'elles.

Tout d'abord, nul n'ignore que le corps médical en général est très réticent à l'idée d'être obligé de rendre des comptes à un tiers, et surtout aux autorités judiciaires, quant aux actes posés à l'égard des patients. Donc, l'idée de prévoir une instance intermédiaire entre le pouvoir judiciaire et le corps médical paraît une bonne chose. L'intervenant était réticent à un transfert direct et systématique au parquet.

L'obligation pour le médecin de déclarer son acte, comme dans le modèle hollandais, constitue à ses yeux un élément positif : les médecins réfléchiront à deux fois avant de pratiquer une euthanasie.

L'intervenant constate ensuite que des interrogations ont été formulées quant au statut de cette commission, notamment sur le point de savoir si la commission fédérale est un organe juridictionnel ou administratif.

La commission, telle qu'elle est prévue, n'est ni un organe juridictionnel, ni un organe administratif. En effet, ces organes prennent des décisions qui s'imposent aux personnes qu'elles concernent. La commission, quant à elle, ne condamne pas.

Elle ne procède pas non plus à une instruction. Son travail se situe en amont de l'instruction.

La commission ne règle donc pas un contentieux de la peine.

Si c'était un organe administratif, cela entraînerait une possibilité d'appel devant le Conseil d'État. Cela n'est pas prévu.

La commission est un organe sui generis : elle est mise en place pour recevoir des informations des médecins pratiquant l'euthanasie. Elle est dépositaire d'informations et exerce un premier filtre. Elle est en droit de dénoncer les informations reçues.

En effet, tout un chacun peut dénoncer des faits au parquet, tout comme personne n'est obligé de le faire. La commission est ce « tout un chacun ». Le fait de dénoncer des informations au parquet ne constitue pas une décision judiciaire.

Le parquet n'est en rien affecté dans son travail judiciaire : il peut poursuivre sans sollicitation de la commission, et ne pas poursuivre alors que la commission attire son attention sur un cas précis. Lorsque la commission envoie le dossier au parquet, tout peut encore se passer : le cours de la justice n'est en rien entravé. Par contre, si le législateur avait prévu que l'action du parquet devait être suspendue jusqu'à ce que la commission rende sa décision, il y aurait eu un problème.

De plus, la décision de la commission ne peut être contestée par personne, ce qui prouve que ce n'est pas une décision judiciaire.

La question a également été posée du caractère constitutionnel de la commission. Les articles de la Constitution qui pourraient poser problèmes sont relatifs à l'instauration d'une juridiction. Or, la commission n'est pas une juridiction. Enfin, sa création n'entrave pas le cours normal de la justice.

Pour une information complète, voici les arguments qui pourraient être soulevés si on devait considérer que la commission est une juridiction.

L'article 146 de la Constitution prévoit que « nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi ». Cet article ne concerne que les juridictions contentieuses. La commission d'évaluation n'est en rien une juridiction contentieuse. Et même si c'était le cas, elle est organisée par une loi, comme l'exige la Constitution et pas par un arrêté royal. Cette commission n'a en plus rien d'extraordinaire.

La compétence du législateur est exclusive, mais non limitée.

En effet, l'article 146 de la Constitution poursuit en précisant : « Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. »

Qu'entend-on par commission/tribunal et par tribunaux extraordinaires ?

Une commission a un caractère plus temporaire qu'un tribunal. Une commission est constituée pour juger une ou plusieurs affaires déterminées (P. Wigny, Droit constitutionnel, titre II, Bruxelles, Bruylant, 1952, p. 734).

La majorité de la doctrine considère qu'en excluant les commissions et les tribunaux extraordinaires, le Congrès national visait à exclure les juridictions politiques (M. Verdussen, Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 421; P. Wigny, op. cit., p. 733-734 : « Trop souvent dans l'histoire ont été créés des commissions spéciales, des tribunaux de sang qui étaient les ministres de la vengeance gouvernementale. Ainsi se perpétraient des crimes politiques d'autant plus odieux qu'ils étaient accomplis dans toutes les formes judiciaires »).

Il est évident que la commission d'évaluation n'est pas un tribunal politique.

Pour d'autres interprétations de l'article 146, on se référera à la thèse de M. Verdussen (blz. 420-421).

L'article 13 de la Constitution, quant à lui, prévoit que « nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».

La nouvelle loi permet, par la création de la commission, un dépistage systématique des anomalies survenues dans les procédures d'euthanasie, et leur renvoi en justice. Les autorités pénales sont libres de considérer qu'il y a ou non matière à répression. De plus, le travail du parquet n'est pas mis à mal : recherche pro-active, instruction sur base d'une plainte.

Une troisième question porte sur la valeur des décisions de cette commission.

Si la commission considère que la procédure suivie par le médecin est tout à fait légale et que le parquet, lui, estime le contraire, la commission ne risque-t-elle pas d'être discréditée ? Cela ne pose pas de problème selon l'intervenant. On dira peut-être que la commission n'a pas réalisé son travail avec rigueur. Et alors ? De plus, elle est là pour attirer l'attention du parquet sans pouvoir de contrainte. Elle donne seulement un signal, elle ne rend pas une décision judiciaire.

Il n'y a rien de gênant à voir la commission devenir l'expert des tribunaux en la matière. De toute façon, le parquet n'est pas armé pour tout analyser lui-même, et ne dispose pas des connaissances nécessaires pour adopter une position tout à fait adéquate.

La quatrième question est la suivante : cette commission ne devrait-elle pas être instaurée au niveau régional ?

Les six auteurs estiment que non. La commission doit être unique et fédérale. Il est clair que l'étendue du territoire belge ne justifie pas une multiplication des instances. De plus, il importe d'assurer une uniformité d'interprétation sur l'ensemble du territoire; enfin, une structure unique a été instaurée, comme c'est le cas pour la commission fédérale chargée d'évaluer la loi sur l'avortement et pour le Comité national de bioéthique.

Une cinquième interrogation porte sur le point de savoir ce qui se passe si un médecin ne déclare pas son acte à la commission.

Si une plainte est déposée par un membre de la famille ou de l'équipe soignante dans les mains du parquet, le médecin sera poursuivi. On peut comparer cette situation à un automobiliste qui roule à 150 km/h, sachant que la limite de vitesse est fixée à 120 km/h; il prend le risque d'être puni ou non. De plus, tous les meurtres ne sont pas portés à la connaissance des autorités judiciaires.

Une sixième objection concerne le fait que le corps du patient décédé suite à une euthanasie soit enterré sans l'autorisation préalable du parquet.

C'est vrai, mais ce n'est pas en exhumant un corps que l'on pourra savoir si la procédure prévue par la loi a été respectée. Comment vérifier alors que les souffrances étaient insupportables, qu'un deuxième médecin été consulté ? L'autopsie ne révélera rien de tout cela.

Autre question : pourquoi avoir prévu une majorité des deux-tiers pour le renvoi au parquet ?

Les six auteurs estiment qu'une large majorité des membres doit être convaincue que le dossier nécessite d'attirer l'attention du parquet. Cela ne doit pas être fait à la légère.

Y a-t-il par ailleurs trop peu de juristes dans cette commission ?

Il faut rappeler qu'il s'agit d'une matière médicale et que cette commission n'est pas un organe juridictionnel. Il ne doit pas y avoir que des médecins, ni seulement des juristes : la composition pluridisciplinaire s'impose.

Enfin, en quoi est-il gênant que cet organe joue un rôle à la fois d'évaluation et de contrôle ?

Il existe déjà un organe de ce genre dans le cadre de la protection de la jeunesse. En effet, le décret du 4 mars 1991, en son article 27, décrit les compétences du conseil communautaire de l'aide à la jeunesse.

Ce conseil est un organe de réflexion qui peut émettre des avis et des propositions, même d'initiative, en matière de protection ou d'aide à la jeunesse. Ce conseil a notamment le pouvoir de donner un avis sur la nature des sanctions à prévoir à l'encontre des institutions, des services et des personnes auxquels s'applique le décret, lorsque ceux-ci ne respectent pas les dispositions du titre de ce décret relatif aux droits des jeunes, sur les procédures d'engagement des poursuites et les recours dont ils disposent.

Cette disposition va encore plus loin que celle prévue pour la commission fédérale qui, elle, ne suggère aucun type de sanction pour les médecins fautifs.

L'intervenant conclut que les critiques adressées à l'encontre de cette commission ne sont pas justifiées.

Un autre membre déclare, à propos de l'absence de sanction de certaines dispositions, qu'il est vrai, comme l'a souligné un précédent orateur, que les normes juridiques se singularisent, par rapport à l'ensemble des normes sociales, par leur caractère contraignant.

Toutefois, ce caractère contraignant n'implique pas nécessairement que chaque disposition soit assortie d'une sanction propre et expresse. Au sein du droit positif, seul le droit pénal substantiel répond presque parfaitement à ce modèle.

Nombre de règles du Code civil, du Code judiciaire, du Code d'instruction criminelle ne sont pas accompagnées de sanctions spécifiques. Leur violation n'entraîne pas systématiquement une sanction. Toutes les règles de droit ne sont pas d'ordre public.

Le non-respect de la majorité des normes juridiques n'entraîne pas une sanction en tant que telle mais est pris en considération pour, selon le cas, réparer la violation d'un droit (droit civil par exemple), ou juger de la régularité d'une procédure, d'un processus de décision. C'est le cas ici.

À propos de l'empiètement sur les compétences constitutionnelles et légales du ministère public, et quant au pouvoir d'injonction vis-à-vis du ministère public, un précédent orateur a invoqué la règle selon laquelle même le ministre de la Justice ne peut donner des injonctions négatives (de ne pas poursuivre) au parquet.

Dans l'hypothèse où le médecin ne répondrait pas aux demandes de la commission, cette dernière en tirerait les conclusions et informerait, le cas échéant, le parquet dont les pouvoirs restent entiers.

En ce qui concerne le non-respect des formalités de la procédure d'évaluation, la question se pose de savoir si celles-ci sont également des conditions de légalité de la décision même de pratiquer une euthanasie, auquel cas leur non-respect rendrait automatiquement l'euthanasie illégale.

Un membre a semblé répondre par l'affirmative. Selon l'intervenant, la procédure d'évaluation ne conditionne pas la légalité d'un acte déjà posé, ne conditionne pas la légalité de l'euthanasie, cette procédure étant postérieure à la décision et à son accomplissement.

Cette procédure n'est-elle pas instituée davantage pour assurer que, si certaines pratiques sont douteuses, elles soient jugées, et moins pour garantir la légalité de l'euthanasie ?

Mais si le médecin ne suit pas cette procédure, il s'expose aux suspicions et s'exposera peut-être aussi à une poursuite du parquet.

Un commissaire dit ne pas partager le point de vue selon lequel, à défaut de sanctions concrètes prévues par la loi, la commission d'évaluation vérifierait si toutes les conditions et toutes les procédures ont été respectées et s'il s'avérerait que non, qu'elle examinerait malgré tout aussi si l'on peut parler d'un état de nécessité au sens pénal du terme. La commission d'évaluation doit pour ainsi dire se prononcer sur « la totalité du procès ». Cette terminologie est empruntée à l'article 6 de la CEDH, qui concerne le droit à un procès équitable, que les divers États membres doivent garantir.

Cette phrase n'est toutefois pas du tout à sa place ici, parce que de nombreux non-juristes se prononcent sur le déroulement de la procédure et sur la question de savoir si l'on peut ou non parler d'un état de nécessité. Pourtant, les auteurs de la proposition de loi nº 2-244 ont dit et répété que le recours à la notion juridique d'état de nécessité n'est pas utile dans la procédure en discussion, et, malgré tout, on donne maintenant comme consigne de prévoir que la commission d'évaluation juge s'il y a ou non un état de nécessité. Sous quelles conditions cette commission reconnaît-t-elle qu'il y a état de nécessité ? Quelle sera la politique de la commission d'évaluation ?

Elle mènera en effet une politique au vrai sens du terme, parce qu'elle se prononce non pas incidemment ­ à la suite d'une plainte ­ mais structurellement. Cette construction est tout à fait inacceptable et ne respecte absolument pas les principes de l'État de droit.

Un autre membre renvoie à sa précédente intervention à propos du caractère non juridictionnel de la commission.

Le seul terme qui pourrait indiquer le contraire est le terme « juge », mais dans le contexte, il signifie manifestement « est d'avis que ».

Par ailleurs, on ne peut à la fois prétendre que la commission ne sert à rien, et qu'elle remet en cause l'autonomie des juridictions.

Quant à l'article 151 de la Constitution, l'intervenant ne voit pas en quoi il concerne la présente discussion. Il rappelle que cet article n'a jamais été évoqué, lorsqu'il s'est agi de créer le Conseil communautaire de l'aide à la jeunesse qui donne des avis sur les sanctions que l'on pourrait prendre à l'encontre d'institutions ou d'organismes qui ne respectent pas les dispositions de la loi.

En ce qui concerne l'infraction à laquelle se réfère le texte, il s'agit des dispositions actuelles du Code pénal, qui punissent le meurtre.

Une formule similaire est utilisée en matière d'avortement, où une série de critères subjectifs doivent être appréciés par le juge, en cas de plainte.

S'il estime qu'il y a infraction, le juge appliquera l'article 350, alinéa 1er, du Code pénal, s'il y avait autorisation de la femme, ou l'article 348, si cette autorisation n'avait pas été donnée.

Si le juge estime au contraire, en évaluant le dossier de façon globale, que les choses ont été faites de façon régulière, il prononcera un acquittement.

La proposition à l'examen n'organise pas un système plus vague que la législation en matière d'avortement, qui ne pose actuellement aucun problème juridique particulier.

Les deux textes présentent d'ailleurs des similitudes quant à la volonté de s'assurer que la personne était consciente de ce qu'elle demandait au moment où elle l'a fait.

Par ailleurs, le juge dispose toujours d'un pouvoir d'appréciation par rapport aux faits de la cause.

Le préopinant ne peut admettre la façon dont un des intervenants précédents a présenté son point de vue. Ce n'est pas parce que l'on utilise le verbe « juger » qu'il est question automatiquement d'une décision juridictionnelle. Une décision juridictionnelle présente une série de caractéristiques, en ce sens qu'elle respecte les droits de la défense, l'autorité de la chose jugée, etc. Toutefois, lorsque le parquet décide de ne pas engager de poursuites pénales, on ne peut pas dire qu'il a pris une décision juridictionnelle, mais il n'en exerce pas moins les compétences visées à l'article 151 de la Constitution.

De même, la proposition de loi nº 2-244/1 attribue à cette commission d'évaluation la politique structurelle des poursuites ­ à ne pas confondre avec des poursuites faisant suite à une plainte déposée, qui ont un caractère purement occasionnel. La commission n'exerce pas pour autant des compétences juridictionnelles. Une telle délégation de pouvoirs est cependant contraire à l'article 151 de la Constitution, qui attribue la politique structurelle des poursuites au pouvoir judiciaire. Le fait que quelqu'un puisse déposer une plainte au parquet contre un acte d'euthanasie prétendument illégal ne change rien. Le Conseil d'État néerlandais s'est, lui aussi, rangé à ce point de vue.

Une autre possibilité consiste à considérer les décisions de la commission d'évaluation comme des « actes juridiques administratifs », parce qu'ils font jurisprudence. De tels « actes juridiques administratifs » peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État.

La comparaison qui a été faite avec la législation relative à l'interruption volontaire de grossesse ne tient pas, étant donné qu'elle visait à une dépénalisation. En s'y arrêtant, on indique qu'en l'espèce aussi, le but est de dépénaliser, et cette fois-ci de dépénaliser l'euthanasie.

L'intervenant fait d'ailleurs remarquer qu'il y a une grande différence entre l'approche juridique de la loi sur l'avortement et celle de la loi sur l'euthanasie. Les garanties fondamentales qu'offre l'article 2 de la CEDH ­ la loi doit protéger la vie ­ ne sont pas applicables dans le cadre de la problématique de l'avortement, parce que l'on s'accorde à dire que le début de vie n'est pas reconnu juridiquement en tant que « vie » au sens de l'article 2 de la CEDH. Il va de soi que la fin de vie d'une personne est reconnue juridiquement en tant que vie. Des situations juridiques différentes doivent donc faire l'objet d'une approche juridique différente.

Un membre répond que, pour sa part, il n'est pas davantage convaincu que l'on puisse faire un parallèle entre le pouvoir de la commission, tel que prévu par le texte à l'examen, et le pouvoir attribué au collège des procureurs généraux et aux ministres, en ce qui concerne la politique des poursuites.

L'intervenant confirme par ailleurs que les termes « la commission juge que » signifient « la commission est d'avis que » et que, d'autre part, il s'agit bien d'envoyer ­ et non de renvoyer ­ le dossier au procureur du Roi.

Un membre considère que le débat dans lequel on s'est engagé sème la plus grande confusion. Initialement, on avait parlé d'une évaluation, qui permettrait de réunir du matériel statistique pour les besoins de la politique et de faire des propositions concernant la politique de prévention et d'accompagnement. Ensuite, les amendements nºs 17 et 18 étendent la mission de la commission d'évaluation au contrôle du respect de la loi relative à l'euthanasie. Des amendements sont également déposés en vue de modifier la dénomination de la commission, et de l'appeler « commission d'évaluation et de contrôle ». Cela donne dès lors à penser ­ politiquement et juridiquement ­ que l'on vise à mettre en place un système de maintien de la réglementation.

Les auteurs desdits amendements le nient au cours des discussions et ils affirment en outre que les décisions de la commission d'évaluation n'ont pas la moindre valeur juridique et ne peuvent pas servir à réprimer des infractions. La répression des infractions incombe en effet au ministère public. La politique de maintien de la réglementation reste donc ce qu'elle est.

Tout ceci porte singulièrement à confusion. Il est donc particulièrement dangereux de faire figurer ces éléments sans plus dans une loi sur l'euthanasie. Il serait préférable d'en revenir tout simplement à l'objet initial de la commission d'évaluation et de le dire ouvertement; l'on éviterait ainsi de donner la fausse impression de vouloir construire un système de maintien de la loi.

Amendement nº 504

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 504) tendant à remplacer entièrement le chapitre IV proposé par un chapitre IV intitulé « De la déclaration et du contrôle ».

Un des auteurs précise que l'article 5 proposé prévoit que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie, plutôt que de signaler l'acte à une « commission d'évaluation » ou au procureur du Roi, rédige un rapport écrit qu'il transmet dans les 24 heures à un spécialiste agréé en médecine légale.

D'une part, ce « tampon » répond au désir des médecins de « tenir le ministère public à distance » et, d'autre part, il garantit que le spécialiste agréé en médecine légale aura l'occasion de déterminer objectivement et en connaissance de cause si les conditions de base et les conditions relatives à la procédure à suivre visées aux articles 3 et 4 de la proposition de loi ont été respectées.

Dès que le spécialiste en médecine légale constate que ces procédures n'ont pas été suffisamment respectées, il avise sans tarder le procureur du Roi de ses constatations.

S'il ne constate aucune infraction au respect des conditions et de la procédure, il transmet le rapport écrit à une commission régionale de contrôle, qui vérifie une nouvelle fois le respect des conditions et des procédures (voir le chapitre IVbis).

Comme il n'existe pas encore de spécialistes agréés en médecine légale, on devra prévoir un régime transitoire. Un arrêté royal définira la qualification de spécialiste en médecine légale et, en attendant la mise en oeuvre de ces dispositions, le procureur du Roi désignera dans chaque ressort un médecin légiste réputé pour ses connaissances et son expérience en matière de médecine légale. Il est urgent de mettre en place en Belgique un système structuré d'exercice de la médecine légale afin que les universités puissent organiser une formation pratique et agréée permettant d'évaluer adéquatement la compétence de l'expert.

Une membre reconnaît que l'on considère trop la déclaration de décès comme une formalité. Elle n'est pas opposée à ce que l'on modifie la législation en la matière. Toutefois, elle se demande si une législation sur l'euthanasie est le cadre approprié pour régler la question. Pareille adaptation doit faire l'objet d'une initiative législative séparée.

Du reste, l'intervenante se demande pourquoi l'on n'a pas réglé cette question plus tôt, puisque les auteurs de l'amendement nº 504 reconnaissent eux-mêmes que le problème n'est pas nouveau.

Un des auteurs de l'amendement nº 504 répond que son groupe a déposé il y a quelques années des propositions de loi en la matière qui ne sont jamais devenues lois.

Il faut intégrer cette perspective plus large dans la législation sur l'euthanasie pour pouvoir réprimer les abus que cette nouvelle législation entraînera sans aucun doute. L'on doit donc pouvoir contrôler de manière approfondie la cause du décès en cas de contestation. Si l'on n'améliore pas concrètement le système de la déclaration de décès, il ne sera pas possible de réprimer ces abus. Il faut donc rendre possible l'action d'un mécanisme de contrôle, avant que la législation sur l'euthanasie ne devienne une réalité sur le terrain. C'est une condition préalable.

Dans les faits, l'on constate qu'il y a une croissance exponentielle du nombre de crémations. Parallèlement, des études comparatives montrent que la Belgique connaît un nombre record d'exhumations, ce qui est dû au fait qu'il y a chez nous beaucoup de litiges à propos de décès. En cas de crémation, l'exhumation est bien sûr impossible. Force est donc de faire certaines constatations, au moment du décès, c'est-à-dire au moment de la déclaration du décès. Il faut qu'à ce moment-là, on puisse déterminer la cause du décès. De là la proposition de modifier le Code civil sur ce point.

Il existe au sein du Comité consultatif de bio-éthique un consensus sur l'inadaptation de la législation actuelle en matière de constat de décès et de déclaration de décès. Dans les cas d'euthanasie en particulier, il est nécessaire de disposer d'un système de déclaration transparent, qui permette également d'effectuer un contrôle.

De plus, les dispositions actuelles du Code civil mentionnent uniquement la déclaration du décès pour « cause de décès non naturelle » ou de « mort violente ». Comme il n'est pas souhaitable de ranger l'euthanasie pratiquée conformément aux conditions légales dans une de ces deux catégories, il est nécessaire de prévoir des règles spécifiques.

Des modifications sont apportées à la partie du Code civil qui traite des actes de décès. Ces modifications tendent à mettre en place un régime adéquat pour ce qui est de la constatation, de la déclaration et du contrôle de tout décès.

Cet article, qui insère un article 76bis nouveau dans le Code civil, organise avec les autres articles de ce chapitre IV, un régime plus adéquat régissant la constatation, la déclaration et le contrôle de tout décès.

Les règles relatives à la déclaration du décès datent du siècle passé : la déclaration ne doit pas être faite par un médecin, mais par des témoins, qui ne sont pas des professionnels.

Aux termes des articles 77 et 78 du Code civil, l'officier de l'état civil accorde l'autorisation d'inhumer après que le décès a été déclaré. La pratique, qui repose sur l'application impropre de la législation relative aux statistiques de décès, est cependant tout autre : cette déclaration se fait au moyen d'une « attestation de décès, modèle IIIC pour les déclarations de décès d'une personne d'un an et plus », ou modèle IIID pour la « déclaration d'un enfant mort-né ou du décès d'un enfant de moins d'un an ».

Le fait de ne pas déclarer un décès n'est pas sanctionné pénalement. Par contre, dans le cadre des statistiques annuelles sur les causes de décès, le médecin qui constate le décès est tenu de remplir ces formulaires sous peine d'une amende de 26 francs à 10 000 francs ou, en cas de récidive, d'un emprisonnement de 8 jours à un mois.

L'article 4 de la loi du 4 juillet 1962 relative à la statistique publique, modifiée par les lois des 1er août 1985 et 21 décembre 1994, se lit comme suit : « Les médecins ne peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser les renseignements dont ils sont dépositaires par état ou par profession, lorsque ceux-ci leur sont demandés en exécution des articles 1er et 3 de la présente loi en vue de l'établissement de statistiques sanitaires. Le Roi prend les mesures nécessaires pour assurer l'anonymat de ces renseignements. » L'article 22 de la loi de 1962 contient une disposition pénale.

Selon la lettre de la loi, l'officier de l'état civil doit s'assurer lui-même du décès. En réalité, il se contente de la remise de l'attestation de décès. Cet article prévoit, en ses alinéas 1er et 2, qu'après chaque décès, un certificat de décès sera désormais établi par le médecin qui a constaté le décès s'il est convaincu que la mort résulte d'une cause naturelle. La forme et le contenu de ce constat de décès seront précisés par arrêté royal.

La déclaration de décès se fera désormais par la remise de ce certificat de décès à l'officier de l'état civil par des témoins qui sont, si possible, les deux plus proches parents ou voisins, ou, lorsqu'une personne est décédée hors de son domicile, la personne chez laquelle elle est décédée, et un parent ou autre, ou à défaut des personnes précitées, par le médecin qui a rédigé le certificat.

L'alinéa 3 de cet article instaure des incompatibilités légales excluant qu'un médecin constate le décès d'un parent proche et établisse le certificat y afférent.

L'alinéa 4 de cet article prévoit des garanties légales (qui n'existaient pas encore jusqu'à ce jour) revêtant la forme de sondages effectués par des spécialistes agréés en médecine légale en vue de déceler les cas dans lesquels un médecin attesterait sciemment qu'un décès résulte d'une cause naturelle alors que tel n'est pas le cas.

L'officier de l'état civil ne peut délivrer le permis d'inhumer que lorsque le décès résulte d'une cause naturelle.

L'adaptation des articles 77, 78 et 80 du Code civil découle de l'obligation imposée au médecin de rédiger un certificat de décès lorsqu'il est convaincu que la personne décédée est morte de cause naturelle. Pour faire désormais une déclaration de décès, le certificat de décès doit être remis à l'officier de l'état civil par les personnes visées à l'article 78 du Code civil ou, à défaut, par le médecin qui a rédigé le certificat, si bien que l'officier de l'état civil ne doit plus se transporter auprès de la personne décédée pour s'assurer du décès, ce qui ne se faisait d'ailleurs déjà plus dans la pratique.

Un membre renvoie aux auditions, qui ont révélé que dans nombre d'hôpitaux, toutes tendances philosophiques confondues, on a l'habitude de débrancher les appareils auxquels sont reliés des patients qui se trouvent déjà depuis plus de six mois dans le coma. Les auteurs de l'amendement nº 504 considèrent-ils cela comme une cause naturelle ?

Un des auteurs estime que tel est le cas, puisqu'il ne peut être question, en l'espèce, d'acte de violence.

L'intervenante précédente fait remarquer qu'il n'en va pas de même de l'euthanasie. Elle estime qu'il n'est pas si évident que, dans le cas du débranchement des appareils, on puisse parler d'une mort résultant d'une cause naturelle.

Un des auteurs de l'amendement nº 504 répète que la finalité de cet amendement est de permettre aux médecins de vérifier que la personne en question n'a pas été assassinée ou n'est pas décédée de mort violente, bref, si la loi pénale n'a pas été enfreinte.

L'exemple que donne l'intervenante précédente relève d'un vaste champ de décisions médicales sur la fin de la vie. Le membre renvoie à la proposition de loi nº 2-160, qui prévoit toute une procédure pour la prise de décisions de ce type. L'euthanasie peut à cet égard ­ dans le cadre de l'état de nécessité ­ être une des décisions possibles. Néanmoins, il convient alors de la déclarer. Il est impossible d'affirmer qu'il s'agit en l'espèce d'une mort « naturelle » et il faut par conséquent la contrôler à la lumière de la norme pénale. Voilà pourquoi la déclaration de décès revêt une importance capitale.

Un membre répond que, pour une mort de la nature dont il est question, comme pour une autre, le droit commun de la déclaration de décès reste d'application.

Un des auteurs de l'amendement nº 504 continue à le commenter.

Il n'est toujours pas obligatoire, dans le cadre de la déclaration de décès, d'indiquer dans l'acte de décès les lieux, date et heure du décès (article 79 du Code civil). En pratique, l'officier de l'état civil mentionne néanmoins ces données dans l'acte de décès, sans que la loi l'y oblige, sur la foi de la déclaration des témoins (pratiquement, sur présentation d'une attestation du médecin).

Cette pratique, qui relève d'une nécessité, mérite dès lors d'être dotée d'une base légale adaptant la situation aux réalités sociales qui ont changé depuis 1804.

La situation actuelle

La loi n'oblige pas le médecin qui constate le décès à signaler directement les morts suspectes et violentes à l'officier de l'état civil, qui, à son tour, informe sans délai les autorités judiciaires.

L'article 81 du Code civil est rédigé comme suit : « Lorsqu'il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d'autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l'inhumation qu'après qu'un officier de police, assisté d'un docteur en médecine ou en chirurgie, aura dressé procès-verbal de l'état du cadavre et des circonstances y relatives, ainsi que des renseignements qu'il aura pu recueillir sur les prénoms, nom, âge, profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée. »

Cela signifie qu'il faut effectuer une expertise policière et médico-légale. Dans la pratique, celle-ci a lieu lorsque l'officier de l'état civil et/ou les autorités judiciaires sont informés d'une mort violente ou suspecte.

Jusqu'il y a peu, l'attestation IIIC obligeait le médecin qui constatait le décès à signaler si la mort était une mort naturelle, violente ou suspecte. Depuis le 1er janvier 1998, date à laquelle est entré en vigueur un nouveau modèle IIIC, le médecin n'a plus à se prononcer sur ces possibilités. Il lui suffit de répondre par oui ou par non à la question de savoir s'il a « une objection médico-légale à l'inhumation ou à la crémation ».

Le médecin n'a d'autre obligation que de remplir le modèle IIIC. Autrement dit, il n'existe aucune obligation de signaler quoi que ce soit. Le médecin n'est pas obligé de signaler une mort suspecte ou violente.

Pour le cas où la crémation serait la forme d'inhumation choisie, la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures (chapitre Ier, section III, « Des incinérations ») prévoit un deuxième examen, en ce sens que l'officer de l'état civil doit commettre, indépendamment du médecin qui a constaté le décès, un deuxième médecin, qui doit vérifier et certifier qu'il n'y a pas de signe ou indice de mort violente et suspecte (article 22, § 1er).

À cet effet, le procureur du Roi peut, en application des articles 43 et 44 du Code d'instruction criminelle, se faire assister par un ou deux médecins tenus de faire rapport sur la cause de la mort et l'état du cadavre. Lorsqu'une instruction est ouverte, le juge d'instruction peut désigner un médecin-expert. Les tribunaux peuvent également désigner des experts.

Dans tous les cas de mort violente et suspecte au sens de l'article 81 du Code civil et en cas de crémation, une expertise supplémentaire doit avoir lieu. Dans le cas où la loi prévoit un contrôle supplémentaire, la qualité de ce contrôle n'est pas suffisamment garantie.

Seul un médecin peut constater le décès. Au cours de sa formation universitaire, l'aspirant médecin reçoit une formation théorique (plutôt limitée) en médecine légale. Les universités belges ne prévoient pas de formation pratique. En outre, il n'existe aucune formation de spécialiste en médecine légale.

Dans la pratique, c'est surtout en cas de présomption de délit que les autorités compétentes désignent des médecins légistes qui ont accumulé une expérience pratique en la matière. Ce n'est que dans les plus grandes universités que l'on trouve des institutions médico-légales, de petite dimension et plus ou moins organisées, attachées la plupart du temps à la chaire de médecine légale.

Généralement, l'on n'ouvre une instruction (avec autopsie ou non) qu'en cas de décès inexpliqué ou non naturel, c'est-à-dire dans les cas où, du point de vue policier, l'on ne peut pas exclure avec certitude qu'il y a eu un délit. Lorsque l'on méconnaît la véritable nature d'un décès qui fait suite à un accident, à un suicide, ou même à un délit, et qu'on déclare la mort comme étant « naturelle », il n'y a pas d'instruction. Il est inutile de souligner que cela a des conséquences énormes du point de vue pénal (par exemple, en cas de délits tels que l'homicide involontaire ou la négligence), du point de vue social (par exemple, en matière financière et en matière d'assurances) et du point de vue médico-social (par exemple, en ce qui concerne les statistiques et la prévention).

Comme le nombre de crémations va croissant, le problème se pose avec encore plus d'acuité, étant donné qu'une expertise postérieure (par exemple, après exhumation) n'est évidemment plus possible. Le poids de cette réalité n'a fait que grandir dans le cadre de la discussion relative à l'euthanasie. Pour pouvoir s'assurer que la demande d'euthanasie a été formulée volontairement et qu'un abrégement de la vie non souhaité ne puisse pas passer inaperçu, le législateur doit prévoir de solides garanties.

La constatation d'un décès soulève bien des difficultés dans la pratique courante. Les médecins, les instances judiciaires et les services de police belges ne parviennent pas à interpréter de manière uniforme les notions de mort « naturelle », de mort « suspecte » et de mort « violente » et éprouvent des difficultés à en définir le contenu. Du point de vue médical, l'on ne peut pas conclure à une mort naturelle lorsqu'un doute subsiste sur la cause du décès. Le médecin doit recourir, dans ce cas, aux notions de « mort suspecte » ou de « mort violente », simplement parce qu'il est impossible de déterminer la cause du décès. Depuis le 1er janvier 1998, il ne peut même plus recourir à ces notions, puisque l'on attend encore simplement de lui qu'il oppose éventuellement « son veto médico-légal à l'inhumation ou à la crémation ».

Proposition de modification

Cet article vise à attirer l'attention sur la responsabilité du médecin (généraliste) qui est confronté à un décès survenu dans des circonstances inhabituelles ou inconnues. Il doit se prononcer en âme et conscience sur le caractère naturel ou non du décès.

Il faut entendre par « décès anormal » un décès non naturel » (c'est-à-dire un décès causé par un facteur extérieur) et tout décès dont on suspecte que la cause n'est pas naturelle, ainsi que les décès soudains et/ou inattendus, qui semblent, à première vue, ne pas résulter d'un délit, mais pour lesquels l'hypothèse d'un délit ne doit pas être exclue.

Le médecin qui constate le décès ne peut pas établir le certificat s'il n'est pas convaincu que le décès résulte d'une cause naturelle. En cas d'euthanasie, il doit suivre la procédure décrite au chapitre III. Dans tous les autres cas de décès non naturel, le médecin est tenu de signaler sans délai le décès à l'officier de l'état civil.

Ayant été informé d'un décès anormal, l'officier de l'état civil est tenu de le signaler à son tour au procureur du Roi, qui procède en tout cas à la désignation d'un médecin attaché à un institut reconnu de médecine légale et soumis à la surveillance de ce dernier. L'inhumation n'aura lieu qu'avec l'autorisation du procureur du Roi.

L'article 82 du Code civil est abrogé du fait de l'adaptation de l'article 81 du même Code (voir supra).

L'adaptation des articles 77, 78 et 80 du Code civil découle de l'obligation imposée au médecin de rédiger un certificat de décès lorsqu'il est convaincu que la personne décédée est morte de cause naturelle. Désormais, il faut, pour une déclaration de décès, que le certificat de décès soit remis à l'officier de l'état civil par les personnes visées à l'article 78 du Code civil ou, à défaut, par le médecin qui a rédigé le certificat, de manière que l'officier de l'état civil ne doive plus se transporter auprès de la personne décédée pour s'assurer du décès, ce qui ne se fait d'ailleurs déjà plus dans la pratique.

Des sanctions sont également proposées afin de prévoir une force contraignante effective pour les dispositions susvisées (voir les amendements déposés au chapitre VI).

Un membre constate que la plupart des éléments de l'amendement nº 504 proviennent de la proposition de loi nº 2-160/1, ce qui montre qu'il serait préférable de régler le problème de la déclaration du décès dans le cadre d'une initiative législative distincte.

Une autre membre déclare que ce qui vient d'être exposé à propos de l'amendement nº 504 était repris textuellement dans la proposition de loi du groupe de l'intervenante. Il est vrai que ce texte va très loin dans la révision des dispositions du Code civil relatives aux actes de décès. Néanmoins, l'intervenante pense qu'il y a un certain sens à travailler par le biais de la problématique des certificats de décès; c'est la voie que les Pays-Bas ont utilisée dès 1994, et qu'ils ont maintenue.

Le professeur Adams a rappelé qu'en un premier temps, en 1994, la loi hollandaise relative à l'inhumation et à l'incinération avait été modifiée et prévoyait explicitement, pour le problème spécifique de l'euthanasie, une déclaration au médecin légiste qui envoyait son rapport au procureur du Roi.

En un second temps, la loi a été modifiée, en instituant les commissions régionales, en vigueur depuis le 1er novembre 1998.

La loi hollandaise comporte donc les deux approches. Sans aller aussi loin que l'amendement nº 504, il n'est pas inutile d'envisager l'indication, dans le certificat de décès, que celui-ci a été le résultat d'une euthanasie. Cela compléterait adéquatement le dispositif envisagé.

Un autre membre estime que si l'on suivait la piste d'un triptyque (officier de l'état civil ­ parquet ­ commission), cela donnerait lieu à un meilleur contrôle que celui opéré par la seule commission d'évaluation et de contrôle, qui risque d'être administratif et non effectif.

Un des auteurs de l'amendement nº 504 souligne que l'on ne peut pas perdre de vue le contexte du débat actuel. La question est de savoir comment l'on pourrait éviter et, le cas échéant, réprimer, les dérapages dans l'application de la loi proposée sur l'euthanasie. Cela suppose l'existence d'un mécanisme de contrôle. À cet égard, il est souhaitable de commencer « à la source ».

À défaut de déclaration claire, on ne voit pas comment les contestations juridiques qui peuvent résulter de plaintes déposées par la famille ou par des proches pourront être résolues. Les indices importants auront déjà disparu depuis longtemps, surtout lorsque la dépouille de l'intéressé aura été incinérée, si bien que les médecins seront dans l'impossibilité de procéder aux constatations nécessaires. C'est pourquoi il importe que le médecin procède aux examens nécessaires au moment du décès, avant de délivrer le permis d'inhumer. L'intervenant ne voit pas ce que l'on pourrait objecter à ce qui vient d'être dit.

Un membre estime que la formulation de l'article 5 proposé dans l'amendement nº 504 est imprécise sur plusieurs points. Que signifient exactement les termes « sans tarder » et « pas suffisamment `respectées' » ?

L'amendement vise à changer fondamentalement le système actuel du permis d'inhumer. Les six auteurs ne veulent pas d'une telle modification.

Ils ont voulu éviter le choc du transfert du dossier directement au parquet, et ont donc modifié la proposition initiale sur ce point.

Un autre membre souligne que le système proposé ne change rien au fait qu'en cas de décès, il y a en tout état de cause déclaration aux autorités.

La commission ne retire donc rien au devoir actuel de déclaration, aux examens complémentaires que le médecin légiste demanderait éventuellement, et aux possibilités d'investigation du parquet. Ce sont deux voies parallèles.

Amendement nº 505

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 504 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 505) tendant à remplacer entièrement le chapitre IV proposé.

Un des auteurs précise que cet amendement subsidiaire à l'amendement nº 504 reprend l'amendement précédent à l'exception des modifications proposées du Code civil.

Amendement nº 572

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 17B un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18), tendant à remplacer l'article 5 proposé par ce qui suit :

« Art. 5. ­ Le médecin qui a pratiqué une euthanasie renvoie le document d'enregistrement dûment complété visé à l'article 5ter, dans les 24 heures du décès, à un médecin de référence, choisi dans la liste des médecins experts en médecine légale près les cours et tribunaux. Ce médecin de référence rédige un certificat mentionnant la cause du décès à l'attention de l'état civil chargé d'établir l'acte de décès. Il rédige un rapport succinct à l'attention du procureur du Roi du lieu du décès du patient. »

L'auteur précise que, selon elle, la commission d'évaluation prévue par la loi ne peut court-circuiter la procédure judiciaire classique en procédant à un « tri » parmi les cas d'euthanasie enregistrés. Il faut que les cas d'euthanasie enregistrés soient portés à la connaissance du procureur du Roi qui conserve son droit de poursuite.

L'amendement se situe dans la philosophie générale déjà exposée, visant à rester dans le cadre de la justice, et à prévoir une instance-tampon, afin de ne pas laisser le magistrat seul face à un dossier d'euthanasie.

Le système proposé a aussi pour avantage de fixer un délai assez court permettant à l'officier de l'état civil et au procureur du Roi de réagir dans les heures qui suivent le décès.

Un membre répond que les six auteurs ont choisi une autre option, celle de la commission d'évaluation, qui n'exclut nullement la possibilité pour le parquet d'agir.

Amendement nº 441

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 17 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 441), tendant à remplacer les mots « Commission d'évaluation fédérale » par les mots « Commission fédérale d'évaluation et de contrôle ».

Amendement nº 486

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 17 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 486), tendant à insérer, à l'article 5 proposé, entre le mot « commission » et les mots « d'évaluation » les mots « de contrôle et ».

Cet amendement vise à indiquer clairement que la commission n'a pas seulement une mission d'évaluation, mais aussi de contrôle, ainsi qu'il résulte des articles 5bis et 5quater.

Amendement nº 511

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 511), qui vise à adapter l'amendement nº 17 en remplaçant, dans le texte néerlandais, les mots « die euthanasie toepast » par les mots « die euthanasie heeft toegepast » en vue de mettre le texte néerlandais en conformité avec le texte français.

Amendement nº 512

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 512) tendant à préciser à quel moment prend cours le délai de quatre jours. Il est proposé de prendre comme point de départ la date de décès du patient.

Amendement nº 513

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 513) selon lequel le contrôle du respect de la loi sur l'euthanasie est confié non pas à une commission d'évaluation unique, mais à plusieurs commissions régionales de contrôle. La commission compétente est celle dans le ressort de laquelle l'euthanasie est pratiquée.

Un des auteurs déclare qu'il faut considérer les commissions régionales de contrôle séparément du modèle de la répartition des compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions. Un contrôle régional aura pour effet de renforcer l'efficacité et le caractère pratique du contrôle et de l'enregistrement et permettra d'éviter une surcharge de la commission d'évaluation fédérale. Les amendements nºs 17 et 18 ne prévoient en effet aucune sanction en cas de dépassement du délai proposé de 2 mois.

L'intervenante fait remarquer que, si le rôle de la commission d'évaluation est totalement dissocié des aspects pénaux de l'euthanasie, comme le prétendent les auteurs des amendements nºs 17 et 18, cela n'améliorera pas la sécurité juridique des médecins, bien au contraire. Le parquet pourra en effet continuer à jouer son rôle actuel; c'est du moins ce que l'on prétend. La sécurité juridique n'est donc nullement garantie. Pourtant, les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 soutiennent que le but est précisément de garantir. Le membre considère que l'amendement nº 513 répond, par l'installation de commissions régionales de contrôle pouvant intervenir rapidement, à la demande d'amélioration de la sécurité juridique des médecins.

Un membre répond que la sécurité juridique pour le médecin réside surtout dans le fait que l'euthanasie pratiquée dans certaines conditions ne constitue pas une infraction.

Pour le surplus, il renvoie aux explications précédemment fournies à propos du choix d'une commission d'évaluation fédérale, dont la composition pluraliste puisse refléter de façon générale la situation dans notre pays.

Un autre membre observe que l'on peut mettre d'abord l'accent soit sur le contrôle ­ en essayant alors que cela coïncide avec les arrondissements judiciaires ­, soit sur l'évaluation. Indépendamment des options personnelles de chacun, l'euthanasie se situe d'abord dans l'art de soigner.

Dès lors, il s'agit de pouvoir assurer un suivi des phénomènes de fin de vie, non seulement par une évaluation en matière d'euthanasie, mais aussi par les observations qui se feront, notamment, dans les observatoires de la santé.

La place de la commission se situe dès lors au niveau fédéral.

Un membre fait remarquer que les commissions de contrôle néerlandaises opèrent au niveau régional. La pratique a montré que ces commissions régionales peuvent avoir des avis très différents. Dans un pays fédéral comme la Belgique, où l'on peut d'une manière ou d'une autre parler de deux cultures, une commission d'évaluation fédérale est assurément indiquée.

Une des auteurs de l'amendement nº 513 dit comprendre l'argument d'un préopinant qui affirmait que, si la commission de contrôle et d'évaluation doit formuler des recommandations à l'attention du politique, elle doit aussi pouvoir réunir des informations au niveau fédéral.

D'autre part, la membre réitère sa préoccupation en ce qui concerne la sécurité juridique. Dans cette optique, il paraît indiqué d'organiser le fonctionnement des commissions au niveau des arrondissements judiciaires, de manière que les divers parquets puissent intervenir. Les auteurs de la proposition de loi soutiennent en effet que le ministère public pourra jouer pleinement son rôle, comme c'est le cas actuellement.

L'argument selon lequel on risque de voir apparaître des différences régionales est sans valeur selon la membre, étant donné qu'il y en a déjà en ce qui concerne la politique générale en matière de poursuites. La jurisprudence ­ certainement celle de la Cour de cassation ­ permet dans la plupart des cas d'arriver à uniformiser les procédures.

Un membre répond que le parquet appréciera s'il a à connaître de l'affaire. Si une plainte est déposée, elle sera évidemment traitée dans l'arrondissement où les faits ont été commis. Il ne s'agit pas de cela ici, mais d'une commission qui a à la fois un rôle de contrôle, par rapport à des cas particuliers, et une mission d'évaluation, et dont la structure fédérale assurera l'efficacité dans l'un et l'autre cas.

Amendement nº 514

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 514) tendant à remplacer les mots « commission d'évaluation » par les mots « commission de contrôle et d'évaluation »; cet amendement est subsidaire à l'amendement nº 513.

Une des auteurs souligne que d'autres amendements prévoient également une modification dans ce sens. Elle souligne que cet amendement doit être lu en corrélation avec les autres amendements qu'elle a déposés.

Amendement nº 515

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 515), tendant à prévoir des sanctions applicables au cas où l'obligation de déclaration n'aurait pas été respectée.

Une des auteurs estime qu'il va de soi que l'on sanctionne aussi les manquements à l'obligation de déclaration. Sinon, il est inutile d'inscrire cette obligation dans la loi. D'où la proposition de prévoir des peines de prison et des amendes.

Un membre répète qu'il n'y a pas lieu de prévoir de sanction particulière sur ce point. Il s'agit d'une condition, d'une procédure prévue par la loi. Or, le texte précise qu'il n'y a pas d'infraction lorsque les conditions et procédures prévues par la loi sont respectées.

Cela signifie évidemment, a contrario, qu'en cas de non-respect de l'une d'entre elles, le juge appréciera si et comment il faut condamner.

La préopinante est d'avis que l'obligation de déclaration est non pas une condition fondamentale, mais une condition de procédure très importante. En effet, si elle n'est pas respectée, tout contrôle ou toute enquête devient impossible, et on ne peut pas saisir la commission fédérale. Tout devient alors possible.

Un membre réitère que le texte prévoit que, si l'on ne respecte pas la condition de déclaration, on se trouve dans les conditions prévues par la loi actuelle.

Ce que l'auteur de l'amendement considère comme une infraction spécifique serait puni de six mois à deux ans.

Les six auteurs vont plus loin puisque, dans l'hypothèse où la condition en question ne serait pas remplie, ils renvoient au texte actuel du Code pénal.

Le juge devra alors apprécier les circonstances d'une euthanasie qui a été pratiquée sans que les conditions soient respectées et qui, dès lors, constitue une infraction.

Le fait de considérer que la déclaration fait partie de la procédure montre bien que les six auteurs considèrent comme extrêmement important ­ plus que ce que l'amendement nº 515 ne semble le laisser penser ­ que la déclaration soit faite.

Un des auteurs de l'amendement nº 515 répète qu'à son avis, le raisonnement du préopinant ne tient pas du point de vue juridique et repose sur un fondement instable. Le délit dont il est question à l'article 3 n'est pas précisé. De plus, les éléments constitutifs du délit décrits par les auteurs de la proposition de loi ne sont pas les éléments constitutifs d'un délit visé par la Code pénal ­ à moins que l'on ne commette un faux en écriture lors de la déclaration de l'euthanasie.

Les auteurs de la proposition de loi font également montre d'une conception très particulière de la sécurité juridique qui doit être assurée, lorsqu'ils affirment qu'il appartient au juge de définir la sanction qu'il y a lieu de prononcer pour réprimer une infraction à la loi. Une loi doit en effet être appliquée dans un sens prévisible.

Le membre ajoute que les amendements qu'il a déposés doivent être examinés dans leur ensemble. Il va de soi que lorsqu'on ne donne pas de définition générale du délit, avec une distinction entre les conditions fondamentales et les garanties procédurales, on doit prévoir des sanctions à infliger en cas de non-respect de la procédure, ce que fait l'amendement spécifique nº 515.

On a de plus en plus l'impression ­ et même la certitude ­ que l'objectif de la législation proposée est de dépénaliser complètement l'euthanasie et de prévoir simplement un contrôle administratif. C'est exactement ce que l'on a fait en ce qui concerne la législation sur l'avortement. En effet, la commission d'évaluation doit à la fois contrôler et évaluer, bien qu'on sache que les deux tâches en question ne peuvent pas être exercées par un même organe. La dépénalisation résultera du fait que l'on va confier la politique générale en matière d'euthanasie à la commission d'évaluation et non pas au parquet, comme le prévoit le droit pénal.

Amendements nºs 3 A, B, C, 7 et 116

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 116) tendant à étendre la notion « d'euthanasie » visée à l'article 5 proposé, en l'appliquant aussi à l'« assistance au suicide ».

L'auteur de l'amendement renvoie aux discussions qui ont eu lieu antérieurement à ce sujet à l'occasion de l'examen de l'article 2.

L'amendement nº 116 est retiré.

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/2, amendement nº 3), qui vise à compléter l'article 5 et à lui donner une nouvelle rédaction.

L'auteur souligne qu'un grand nombre de propositions retenues dans le cadre de l'amendement nº 3 ont déjà été inscrites dans les amendements nºs 17 et 18.

L'amendement nº 3 est retiré.

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 7) qui vise également à régler la question de l'aide au suicide dans l'article 5 proposé.

L'auteur de l'amendement renvoie aux discussions qui ont eu lieu antérieurement à ce sujet à l'occasion de l'examen de l'article 2.

L'amendement nº 7 est retiré.

Amendement nº 570

M. Galand et consorts déposent à l'amendement nº 17B un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 570), tendant à remplacer, à l'article 5 proposé, les mots « quatre jours » par les mots « quatre jours ouvrables ».

Cet amendement vise à tenir compte de situations où le délai de quatre jours ne paraîtrait pas raisonnable, compte tenu des nombreuses mentions et indications qui doivent figurer sur le double document d'enregistrement à remplir par le médecin.

Amendements nº 565 et 583

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 17 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 565 A et B), visant à compléter l'article 5 proposé par un § 2, libellé comme suit :

« § 2. Les articles 3 et 4 de la présente loi ne s'appliquent pas au médecin qui n'a pas rempli le document d'enregistrement visé au chapitre précédent. »

Un sous-amendement est déposé par le même auteur (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 583), en vue de viser plus précisément l'article 3, § 1er, et l'article 4, § 2.

Le sous-amendement nº 565 vise à préciser de façon plus claire que pour pouvoir se trouver dans les conditions des articles 3, § 1er, et 4, § 2, le médecin doit également avoir rempli la déclaration visée à l'article 5.

Un membre répète que la déclaration est une « procédure » prévue par la loi.

L'auteur des amendements nos 565 et 583 estime que cela ne résulte pas clairement du texte. Or, c'est au texte que l'on se référera, et pas nécessairement aux travaux préparatoires.

Amendement nº 50

Mme Nyssens et M. Thissen ont déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/5, amendement nº 50), tendant à remplacer l'article 5 de la proposition de loi à l'examen par ce qui suit :

« Art. 5. ­ Les souhaits que le patient, désormais incapable d'exprimer sa volonté, a précédemment exprimés quant aux soins et actes médicaux relatifs à sa fin de vie ont une valeur indicative pour le médecin. »

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 85

Mme Nyssens et M. Thissen ont déposé un autre amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 85), tendant à remplacer l'article 5 de la proposition de loi à l'examen par ce qui suit :

« Art. 5 ­ Le médecin qui accepte de donner suite à la demande d'un patient dans le cadre de l'article 3, adresse un rapport dans les 24 heures du décès à un médecin de référence, reprenant les informations visées à l'article 3, § 5. Ce médecin de référence, choisi dans la liste des médecins experts en médecine légale près les cours et tribunaux, rédige un certificat mentionnant la cause du décès à l'attention de l'officier de l'état civil chargé d'établir l'acte de décès. »

Compte tenu de la similitude qu'il présente avec un autre amendement déjà discuté et plus récent, cet amendement est également retiré.

Amendement nº 611

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 17 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 611) qui vise à préciser que le médecin qui transmet le document d'enregistrement à la commission doit également être le médecin qui a pratiqué l'euthanasie.

Un membre constate que la disposition proposée prévoit uniquement que le médecin qui pratique l'euthanasie est tenu de remettre le document d'enregistrement dûment complété à la commission.

Ce document doit toutefois avoir été complété par le médecin lui-même.

On doit prévoir en tout cas que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie est tenu de signer lui-même le document d'enregistrement.

Un autre membre rappelle que le premier volet du document d'enregistrement est anonyme. Il paraît dès lors contradictoire de demander au médecin de signer le document.

Votes

L'amendement nº 17 A de Mme Vanlerberghe c.s. est adopté par 18 voix et 10 abstentions.

L'amendement nº 504 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 505 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 572 de Mme Nyssens et rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 116 de M. Vankrunkelsven est devenu sans objet.

L'amendement nº 441 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 2 et 8 abstentions.

L'amendement nº 486 de Mme de T' Serclaes est adopté par 20 voix et 8 abstentions.

L'amendement nº 511 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 512 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 513 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 20 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 514 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est retiré.

L'amendement nº 570 de M. Galand c.s. est adopté par 20 voix et 9 abstentions.

L'amendement nº 611 A/B est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 515 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 583 de Mme de T' Serclaes est devenu sans objet.

L'amendement nº 565 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9 et 3 abstentions.

Les amendements nºs 50 et 85 de Mme Nyssens et M. Thissen sont retirés.

L'amendement nº 3A de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne est devenu sans objet.

L'amendement nº 7 de M. Vankrunkelsven est devenu sans objet.

Les amendements nºs 3 B et 3 C de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne sont devenus sans objet.

L'article 5 contenu à l'amendement nº 17, et tel que sous-amendé est adopté par 18 voix contre 8 et 3 abstentions.

CHAPITRE IVbis ­ article 5bis (nouveau)

(Chapitre V ­ article 6 du texte adopté)

Amendement nº 18

Mme De Roeck et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 18) visant à insérer dans la proposition de loi un nouveau chapitre IVbis, comportant les articles 5bis à 5novies repris, sous l'intitulé « La commission d'évaluation ».

L'auteur principal se réfère à l'exposé des motifs accompagnant l'article 5. Elle insiste sur le fait que la problématique de l'évaluation de la loi sur l'euthanasie est reprise en tant que telle dans le corps même de la loi, alors que l'intention première était de réglementer cette problématique au travers d'une proposition de loi distincte (voir doc. Sénat, nº 2-245).

Une membre observe que la discussion n'a pas encore eu lieu, de façon plus précise, sur les différents points abordés aux articles 5bis et suivants. Elle propose de les traiter au fur et à mesure de la discussion des amendements.

Un membre déplore que l'amendement nº 18 se compose de trois pages entières, alors que la justification correspondante tient seulement en quelques lignes succinctes.

Le membre estime que les articles 5bis à 5novies proposés sont juridiquement entachés de nombreuses lacunes. II cite l'exemple de l'article 5octies qui dispose comme suit :

« Quiconque prête son concours, en quelque qualité que ce soit, à l'application de la présente loi, est tenu de respecter la confidentialité des données qui lui sont confiées dans l'exercice de sa mission et qui ont trait à l'exercice de celle-ci. L'article 458 du Code pénal lui est applicable. »

Si, par exemple, le ministère public interroge un membre de la commission d'évaluation, celui-ci a parfaitement le droit de refuser de répondre aux questions qui lui sont posées, en vertu du secret professionnel, conformément à l'article 5octies. En effet, l'intervention du parquet n'entraîne pas la levée du secret professionnel, bien au contraire. Cette situation est totalement absurde : on constitue une commission d'évaluation, mais les membres qui la composent ne sont pas tenus à l'obligation de répondre aux questions. II serait tout aussi impossible de contraindre un détenteur du secret professionnel à témoigner en justice, dès lors que celui-ci est fondé à invoquer le secret professionnel devant le ministère public.

Quel est le statut des divers documents, notamment le dossier administratif qui se trouve auprès de la commission d'évaluation ? Le secret professionnel s'y applique-t-il également ? Si le parquet procède à une perquisition auprès de la commission d'évaluation, peut-il prendre connaissance de ce dossier ? Car ce dossier peut contenir des notes personnelles, manuscrites ou autres, qui n'entrent pas dans la liste des pièces à communiquer obligatoirement. On peut en effet considérer que le secret professionnel n'est pas applicable à un rapport médical relatif à un patient, puisqu'il ne saurait être fait usage du secret professionnel dans le but de masquer un délit.

L'intervenant estime que tout ceci illustre une fois de plus l'impossibilité de concilier la tâche du ministère public et celle de la commission d'évaluation fédérale. Le ministère public est en effet délibérément dépossédé de tout pouvoir pour conduire une politique efficace en matière de poursuites.

Un autre membre répond que, selon l'article 458 du Code pénal, toutes les personnes dépositaires de secrets, par état ou par profession, sont tenues au secret professionnel, sauf lorsque la loi les oblige à faire connaître ces secrets, ou lorsqu'elles témoignent en justice.

Le texte à l'examen est très clair : la commission établit un document d'enregistrement en deux parties, dont l'une est anonyme et l'autre pas, document qui doit être complété par le médecin pour chaque cas d'euthanasie.

Si la commission estime que les conditions prévues par la loi n'ont pas été respectées, elle renvoie tout le dossier au procureur du Roi.

C'est donc la loi elle-même qui organise la transmission des documents.

Pour le surplus, si le procureur du Roi, saisi par toute autre voie, désire avoir des renseignements, il procédera comme il le fait toujours à l'égard de tout médecin, chirurgien, officier de santé, pharmacien, ou sage-femme.

Il n'y a donc pas là de révolution par rapport à l'actuel article 458 du Code pénal.

Un membre ajoute que la question est de savoir si l'article 458 du Code pénal impose le secret absolu ou, comme vient de le dire le précédent intervenant, un secret assorti de certaines réserves.

La loi hollandaise, en son article 14, prévoit la même chose. Elle parle de confidentialité et ajoute : « ... à moins qu'une règle générale ne leur impose une telle communication ou que la nécessité d'une telle communication ne découle de leur mission. »

Le problème est de savoir si la réserve qui est faite dans la législation hollandaise en son article 14 est incluse dans notre article 458 du Code pénal.

L'auteur principal de l'amendement nº 18 conteste la remarque du préopinant selon laquelle la brièveté de l'exposé des motifs serait disproportionnée par rapport à la longueur du dispositif de l'amendement nº 18. Le membre rappelle que le nouveau chapitre IVbis a déjà fait l'objet d'une proposition de loi distincte (doc. Sénat, nº 2-245/1) et que celui-ci est maintenant intégré au sein de la proposition de loi nº 2-244/1 en discussion. L'auteur renvoie donc aux larges développements précédant la proposition de loi nº 2-245, ainsi qu'à la motivation verbale déjà exposée antérieurement à ce propos. La justification relative à l'amendement nº 18 se rapporte uniquement aux éléments qui ont été modifiés par rapport à la proposition de loi nº 2-245/1.

Un membre rappelle que la loi hollandaise lie explicitement la « dépénalisation » au fait de remplir la déclaration. Cette loi prévoit en effet que le fait de mettre fin intentionnellement à la vie d'une personne à sa demande, par ailleurs réprimé par la loi pénale, n'est pas punissable s'il a été commis par un médecin dans le respect des critères de prudence visés à l'article 2 de la loi relative au contrôle de l'interruption de vie sur demande et de l'assistance au suicide (cf. les articles 3 et 4 en discussion ici), et qu'il en a fait la déclaration au médecin légiste de la commune.

Cette disposition figure explicitement dans la loi pénale.

Un autre membre estime qu'il ne faut pas se référer constamment à la loi hollandaise, et que le texte à l'examen organise un système tout à fait différent, à savoir celui de la commission d'évaluation, à laquelle on communique un certain nombre de documents.

L'intervenant répète une fois encore que cette procédure fait partie des conditions d'application de la loi. Si le médecin ne la respecte pas, il se place hors du champ d'application de cette loi, et est passible de la loi pénale actuelle.

Quant au recours au médecin légiste, il s'agit d'un autre système, différent de celui voulu par les six auteurs.


Amendement nº 481

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 481), tendant à remplacer le chapitre IVbis nouveau proposé par ce qui suit :

Chapitre IVbis. ­ Commission d'expertise médicale :

Art. 5bis. ­ § 1er. Il est créé une commission appelée « Commission d'expertise médicale », ci-après appelée la Commission.

La Commission d'expertise médicale se réunit à la demande du juge d'instruction qui instruit ou est requis par le procureur du Roi d'instruire une affaire à charge d'un praticien de l'art de guérir visé à l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales, poursuivi pour avoir délibérément provoqué la mort d'un malade ou l'avoir aidé à se suicider.

§ 2. La Commission comprend 16 membres choisis en raison de leurs connaissances, de leur expérience et de leur intérêt pour les questions d'éthique médicale et de soulagement de la douleur dans le cadre de l'accompagnement de fin de vie.

Le Roi désigne, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, et de la manière suivante :

a) quatre personnalités issues des milieux universitaires, compétentes en matière d'éthique médicale, choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par le Conseil interuniversitaire de la Communauté française, d'une part, et la Vlaamse Interuniversitaire Raad, d'autre part : parmi ces personnalités, deux sont issues des facultés de médecine et deux sont issues des facultés de droit, de philosophie, de psychologie ou de sociologie;

b) quatre docteurs en médecine en activité ayant une expérience en matière de soins palliatifs, dont la moitié sont omnipraticiens, choisis sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par le Conseil national de l'Ordre des médecins, deux d'entre eux faisant partie de l'Académie de médecine;

c) quatre personnalités choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par des associations pour la défense des droits du patient agréées ou pouvant justifier d'une activité effective depuis au moins cinq ans;

d) quatre personnalités choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par l'Union générale des infirmiers de Belgique.

Il sera veillé dans la composition de la Commission à la représentation équilibrée des différentes tendances idéologiques et philosophiques, ainsi qu'à la présence d'un nombre équilibré de membres féminins et masculins. La Commission comprendra autant de membres d'expression française que de membres d'expression néerlandaise.

§ 3. Pour chaque membre effectif, un membre suppléant est désigné selon les modalités prévues au § 2. Ce membre suppléant remplace le membre absent et achève son mandat en cas de décès ou de démission.

Les membres effectifs et les membres suppléants sont nommés pour un terme de deux ans. Leur mandat est renouvelable. Il prend fin de plein droit lorsqu'ils perdent la qualité en vertu de laquelle ils ont été nommés.

La Commission élit en son sein, conformément aux dispositions du règlement d'ordre intérieur, deux vice-présidents. Elle choisit parmi eux le président. La durée du mandat du président est d'un an.

La liste des président, vice-président et membres effectifs et suppléants de la Commision est publiée au Moniteur belge.

§ 4. Les membres de la Commission qui sont appelés à prêter leur concours professionnel à l'instruction sont tenus au secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.

La qualité de membre de la Commission est incompatible avec celle de membre d'une assemblée législative et de membre du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement de communauté ou de région.

Les membres de la Commission peuvent être récusés au même titre que les experts. Les articles 966, 967 et 969 à 971 du Code judiciaire leur sont applicables, sous réserve qu'en cas de récusation d'un membre effectif, le membre suppléant est d'office désigné.

§ 5. La Commission peut constituer en son sein des commissions restreintes en vue d'instruire les questions que la Commission est amenée à examiner. Elles sont composées de manière à refléter la composition de la Commission. Ces commissions établissent un rapport approfondi et élaborent des projets d'avis.

La Commission comprend un bureau, composé du président et du vice-président. Le bureau règle les travaux de la Commission et assure la coordination des différentes commissions restreintes.

Les séances de la Commission, du bureau et des commissions restreintes ne sont pas publiques.

Il est institué auprès de la Commission un secrétariat chargé des tâches techniques et administratives que lui confie la Commission, le bureau et les commissions restreintes.

§ 6. La Commission ne peut délibérer valablement que si la totalité de ses membres sont présents.

La Commission se prononce sur les projets d'avis des commissions restreintes. Si un projet d'avis n'est pas accepté tel quel, la Commission peut en modifier la teneur. Elle motive ses modifications par rapport à l'avis initial de la commission restreinte. La Commission peut également le renvoyer en commission restreinte avec ses remarques, en vue d'un nouvel examen.

§ 7. La Commission établit son règlement d'ordre intérieur qui est soumis à l'approbation du ministre de la Justice et du ministre ayant la Santé publique dans ses attributions.

Ce règlement définit les modalités de fonctionnement de la Commission, du bureau et des commissions restreintes.

§ 8. Le Roi fixe les règles concernant les honoraires et frais des membres de la Commission.

Art. 5ter. ­ Dans la section 2 du chapitre VI du livre premier du Code d'instruction criminelle, est inséré dans la distinction II, un § 8 comprenant l'article 90duodecies, rédigé comme suit :

« § 8. De la Commission d'expertise médicale

Art. 90duodecies. ­ § 1er. Lorsque le juge d'instruction instruit ou est requis par le procureur du Roi d'instruire un dossier à charge d'un praticien de l'art de guérir visé à l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales, poursuivi pour avoir délibérément provoqué la mort d'un malade ou l'avoir aidé à se suicider et qui invoque l'état de nécessité, il peut ordonner, dans l'intérêt de l'instruction, que la Commission d'expertise médicale instituée par l'article 5bis de la loi du ... se réunisse aux fins de dresser un rapport et de rendre un avis technique.

Cette mesure fait préalablement l'objet d'une ordonnance motivée du juge d'instruction qu'il communique au procureur du Roi. Avant d'ordonner cette mesure, le juge d'instruction entend le médecin qui en fait l'objet et l'informe ensuite de sa décision.

§ 2. La Commission se prononce, sur base de tous les éléments disponibles, en particulier du dossier médical du patient.

§ 3. La Commission est tenue de dresser un rapport et de rendre un avis motivé dans les trois mois de la réception de la requête du juge d'instruction. Celui-ci peut toutefois accorder un délai supplémentaire sur demande motivée de la Commission. L'avis mentionne les divers points de vue exprimés.

§ 4. Une copie du rapport et de l'avis de la Commission est transmise sans délai par le greffier au médecin concerné, lequel peut faire valoir ses observations au juge d'instruction dans un délai d'un mois à dater de la réception de la copie.

§ 5. Le ministre de la Justice fait rapport annuellement au Parlement sur l'application de cet article.

Il informe le Parlement du nombre d'instructions ayant donné lieu à la mesure visée par cet article et des résultats obtenus.

Art. 5quater. ­ Un alinéa 2 nouveau est inséré à l'article 127bis du Code d'instruction criminelle, rédigé comme suit :

« Lorsque le juge d'instruction a saisi la Commission d'expertise médicale conformément à l'article 90duodecies, l'instruction ne peut être réputée terminée avant que la Commission n'ait dressé son rapport et rendu son avis. Dans ce cas, le juge d'instruction communique avec le dossier le rapport et l'avis de la Commission, ainsi que les observations éventuelles du médecin concerné. »

Art. 5quinquies. ­ L'article 16, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive est complété par un dernier alinéa, rédigé comme suit :

« Si l'inculpé est un praticien de l'art de guérir visé à l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales, poursuivi pour avoir délibérément provoqué la mort d'un malade ou l'avoir aidé à se suicider et qui invoque l'état de nécessité, le juge d'instruction ne peut décider de décerner un mandat d'arrêt contre ce praticien qu'après avoir pris connaissance de l'avis de la Commission d'expertise médicale visé à l'article 90duodecies du Code d'instruction criminelle. »

La philosophie de l'amendement s'inscrit dans la logique défendue par le groupe de l'auteur.

Dans cette logique, on ne vise pas une dépénalisation, mais on modifie l'arrêté royal relatif à l'art de guérir.

On veut, lorsqu'il y a plainte, que le magistrat soit entouré de personnes compétentes pour apprécier un dossier d'euthanasie.

Lorsque le professeur Sicard est venu parler à quelques sénateurs de l'avis unanime du Comité français de bioéthique, il avait pris position sur une exception d'euthanasie, et avait émis à ce sujet l'idée d'une exception de procédure.

Cela signifie que, lorsqu'il y a plainte, on met immédiatement en mouvement une information ou une instruction particulière.

Plutôt que de lancer un mandat d'arrêt contre un médecin, le juge s'entoure immédiatement d'une commission d'expertise.

La composition de la commission d'expertise médicale proposée par le sous-amendement s'inspire du souci que les personnes désignées soient présentées par leur milieu professionnel d'origine, pour ce qui concerne tant les juristes que les médecins et les associations et organisations représentatives du milieu médical, en ce compris les infirmiers qui jouent un rôle important en la matière.

Le sous-amendement prévoit que c'est le Roi qui procède aux désignations, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Cette formule, assez classique dans les matières éthiques, s'inspire du système prévu pour le Comité consultatif de bioéthique.

Le sous-amendement comporte aussi un certain nombre de dispositions relatives au fonctionnement de la commission qu'il institue.

Un point important est le rôle des membres, appelés à prêter leur concours à l'instruction d'un dossier. Ces membres sont évidemment soumis à l'article 458 du Code pénal. Des causes de récusation sont aussi prévues, à savoir les causes prévues par le Code judiciaire en ses articles 966 et suivants.

L'auteur de l'amendement se dit en effet très sensible au problème des conflits d'intérêts, quel que soit le modèle de commission que l'on choisit.

Dans le sous-amendement, les membres ont un statut d'expert. Il est également prévu que la commission peut, en son sein, se constituer en commissions restreintes.

Il est assez difficile d'évaluer le nombre de dossiers susceptibles de se présenter, et il peut donc être utile de prévoir un système de travail en sections plus restreintes.

Le sous-amendement requiert aussi un quorum de présence pour les votes.

Enfin, il prévoit que c'est le Roi qui fixe les règles relatives aux honoraires et frais des membres de la commission.

L'intervenante rappelle à ce sujet que le Code judiciaire définit le rôle de l'expert, mais que l'arrêté royal qui devrait organiser la liste des experts près les tribunaux, et la manière dont ils sont rémunérés, n'a jamais été pris.

Le point principal du sous-amendement concerne le rôle de la commission d'expertise médicale. Lorsqu'un juge d'instruction est requis par le procureur du Roi, pour instruire un dossier à charge d'un médecin, il suspend son action et demande à la commission d'examiner le dossier, dans le cadre d'une sorte de « pré-instruction », et de lui rendre un avis sur le dossier en question.

Le juge n'est évidemment pas lié par cet avis.

L'avis doit mentionner les différents points de vue exprimés, étant donné la composition assez large de la commission.

La commission a aussi un rôle d'évaluation. C'est pourquoi le sous-amendement prévoit que le ministre de la Justice fait rapport annuellement au Parlement sur l'application de l'article 90duodecies.

Un membre observe que le sous-amendement doit être replacé dans son contexte, c'est-à-dire la volonté de se fonder sur l'état de nécessité, et de procéder par le biais d'une modification de l'arrêté royal sur l'art de guérir.

Ce système diffère fondamentalement de celui proposé par les six auteurs, et ne peut être concilié avec ce dernier.

Par ailleurs, il entre, contrairement à l'amendement nº 18, en contradiction avec l'article 151 de la Constitution, évoqué par un précédent orateur. En effet, à l'article 5quinquies proposé, il est prévu « (...) le juge d'instruction ne peut décider de décerner un mandat d'arrêt contre ce praticien qu'après avoir pris connaissance de l'avis de la commission d'expertise médicale (...) », ce qui est contraire au prescrit de l'article 151 précité, qui prévoit que les juges sont indépendants dans l'exercice de leur mission juridictionnelle.

Ainsi, s'il sait qu'un médecin, conscient d'avoir fait une erreur, est sur le point de prendre la fuite, le juge d'instruction ne pourrait décerner immédiatement un mandat d'arrêt, mais devrait préalablement demander un rapport à la commission d'expertise médicale.

Pourquoi proposer un tel système, même dans le cadre de la démarche visant à travailler par le biais de l'arrêté royal relatif à l'art de guérir ?

En effet, s'il semble qu'il pourrait y avoir eu état de nécessité, le juge fera toutes les démarches qui lui semblent utiles pour l'éclairer, y compris interroger des personnes ou des associations (dont on sait qu'elles ne manquent pas dans notre pays). Pourquoi, dès lors, créer un système qui entoure le juge et même le bloque dans son action ?

En outre, l'intervenant n'est pas convaincu que le but poursuivi ­ à savoir rassurer le médecin ­ soit atteint, car les personnes choisies, et notamment les infirmières, ne sont pas nécessairement les plus indiquées pour juger d'un acte de nature essentiellement médicale.

Enfin, le système proposé est d'une extrême lourdeur, alors que l'on reproche par ailleurs aux six auteurs de la proposition d'avoir conçu une loi administrative.

L'orateur estime que la commission instituée par le sous-amendement est un « monstre juridique ».

En outre, il ne s'agit pas seulement, dans la proposition à l'examen, d'« expertise médicale », mais d'autres éléments y interviennent, qui relèvent des aspects humains du problème.

Pour toutes ces raisons, les six auteurs ne peuvent se rallier au sous-amendement nº 481.

Un autre membre relève que la position de l'auteur du sous-amendement recèle un paradoxe. En effet, dans une précédente intervention, elle semblait refuser le rôle de contrôle de la commission pour la cantonner dans un rôle d'évaluation. Or, dans le sous-amendement, elle confie à la commission d'expertise médicale qu'elle crée un rôle de contrôle, qui va même jusqu'à constituer un frein pour le juge d'instruction.

En ce qui concerne la composition de la commission, l'intervenant note une certaine convergence entre l'amendement principal et le sous-amendement. Il est effectivement important de ne pas cantonner cette composition au seul monde médical.

Par ailleurs, un équilibre est recherché entre les représentants issus du monde universitaire, et ceux qui n'en sont pas issus.

L'amendement nº 18 requiert aussi que quatre membres soient juristes, et que quatre membres soient issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable. On vise ici non seulement les personnes disposant d'une compétence en la matière sur le plan du diagnostic, mais aussi sur le plan de l'accompagnement de ces maladies. Il est donc possible que le personnel soignant soit représenté par ce biais. Il appartiendra au Sénat et au Conseil des ministres de le déterminer.

Enfin, l'intervenant se dit sensible à la remarque de l'auteur du sous-amendement nº 481, à propos de possibles incompatibilités.

Outre celles, classiques, que prévoit l'amendement nº 18, il peut y avoir des incompatibilités résultant de la proximité qui pourrait exister entre des membres de la commission et les personnes concernées.

Un commissaire a d'ailleurs annoncé un sous-amendement tendant à prendre en compte cet aspect des choses, en précisant qu'il devrait y avoir désistement si, au moment de la levée de l'anonymat, il apparaissait qu'un membre de la commission ayant à connaître d'un cas particulier, est intervenu antérieurement, à quelque titre que ce soit.

Un membre constate que le sous-amendement s'inscrit dans une toute autre logique que celle de l'amendement principal nº 18.

L'intervenant ne comprend pas pourquoi il est question d'une commission « d'expertise médicale », cette terminologie de nature générique étant utilisée dans le cadre d'une problématique particulière.

Il souligne à l'intention d'un précédent orateur que, même si la commission était composée exclusivement de médecins, ce n'est pas pour cela qu'elle aurait une vue mécaniste des choses, la plupart des médecins ayant aussi une approche humaine des choses.

L'auteur de l'amendement nº 481 répond à une intervenant qui critiquait la figure juridique retenue par le sous-amendement que celle-ci ne constitue pas une innovation. Elle se situe dans le cadre judiciaire et dans celui de l'expertise et, en cela, diffère fondamentalement, il est vrai, de l'approche retenue dans l'amendement principal.

C'est à dessein que la dénomination générale « Commission d'expertise médicale » a été retenue, dans la logique d'un texte plus large, relatif à toutes les décisions de fin de vie.

Ce qui est nouveau, c'est l'exception de procédure, par laquelle un juge saisi d'une affaire peut s'entourer d'une commission, et qui a pour effet de protéger le médecin contre un éventuel mandat d'arrêt.

L'intervenante avait en effet retenu des discussions qu'une préoccupation quasi-unanime était d'éviter qu'un médecin ne soit incarcéré durant l'instruction de son affaire. Elle a donc cherché une formule nouvelle permettant de répondre à cette préoccupation dans le cadre judiciaire. Cette formule peut paraître audacieuse, dans la mesure où elle touche au mandat d'arrêt.

L'intervenante rappelle également que la commission d'expertise médicale n'interviendrait que sur plainte.

Quant à sa composition, elle est conçue de façon suffisamment large pour ne pas engendrer le risque de réactions « mécanistes ».

Il est clair en effet qu'en matière d'euthanasie, une analyse des circonstances de chaque cas d'espèce s'impose.

Un précédent intervenant répond que, si l'on peut changer une loi par une autre, on ne peut modifier la Constitution par une simple loi.

Or, comme déjà indiqué, le sous-amendement est contraire à l'article 151 de la Constitution, mais aussi au principe de l'égalité des Belges devant la loi consacré par l'article 10 de celle-ci, puisque certains citoyens ne pourront pas être arrêtés avant une procédure, et d'autres bien.

En outre, le sous-amendement modifie le Code d'instruction criminelle, en prévoyant que lorsque le juge d'instruction a saisi la commission d'expertise médicale, l'instruction ne peut être réputée terminée avant que la commission n'ait dressé son rapport et rendu son avis.

Or, la procédure aboutissant à ce rapport et cet avis est lourde et pourrait être longue.

De plus, avant d'ordonner la mesure, le juge d'instruction entend le médecin qui en a fait l'objet, et l'informe de la décision. Il s'agit à nouveau ici d'une procédure qui s'écarte de la procédure de droit commun, et qui n'est pas nécessaire.

Une membre renvoie à l'article 5quater qui dispose :

« La commission examine le document d'enregistrement intégralement complété qui lui a été communiqué par le médecin. Elle vérifie, sur base du volet anonyme du document d'enregistrement, si l'euthanasie a été effectuée selon les conditions prévues par les articles 3, 4 et 4bis. En cas de doute, la commission peut décider, à la majorité simple, de lever l'anonymat. Elle prend alors connaissance du premier volet du document d'enregistrement. La commission peut demander au médecin traitant de lui communiquer tous les éléments du dossier médical relatifs à l'euthanasie.

Elle se prononce dans un délai de deux mois.

(...) »

La membre pose la question de savoir si l'interprétation selon laquelle cet avis de la commission n'exerce aucune influence sur les décisions ou les actes du parquet est bien la bonne.

Un précédent orateur répond que, si une procédure est engagée par la voie du parquet, celui-ci peut agir comme pour n'importe quelle autre plainte.

Le parquet n'est pas lié à ce que la commission donne ou non comme avis.

Le fait que la loi prévoie une procédure à suivre, qu'il n'y ait pas d'infraction si celle-ci est suivie, et que dans cette procédure soit incluse la déclaration à la commission a pour effet d'augmenter largement la sécurité juridique pour le médecin.

La préopinante estime qu'il n'est pas clairement établi si le ministère public peut également agir dans le cas où aucune plainte n'est déposée. Autrement dit : le parquet peut-il décider d'office d'engager des poursuites à l'encontre d'un médecin en l'absence de toute plainte ?

Il lui est répondu que rien ne peut empêcher quiconque de déposer une plainte, ni le parquet de prendre attitude par rapport à celle-ci, sous réserve du pouvoir d'injonction positive du ministre de la Justice et de la détermination de la politique criminelle, avec le concours du collège des procureurs généraux.

Amendement nº 564

Mme Nyssens dépose à son amendement nº 481 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 564), tendant à remplacer, au § 2 de l'article 5bis proposé, les mots « l'Union générale des infirmiers de Belgique » par les mots « les associations et organisations professionnelles représentatives des praticiens de l'art infirmier ».

L'auteur de l'amendement précise que cette dernière dénomination est plus correcte et correspond à celle utilisée pour la nomination des membres représentant les praticiens de l'art infirmier au Conseil national de l'art infirmier (article 21duodecies de l'arrêté royal nº 78 sur l'art de guérir).

Amendement nº 442

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 442), tendant à remplacer l'intitulé du chapitre IVbis (nouveau) proposé par ce qui suit : « Commission fédérale d'évaluation et de contrôle ».

L'auteur de l'amendement renvoie à ce qui a été dit précédemment à ce sujet.

Amendement nº 443

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 443), visant à apporter à l'article 5bis, § 1er, la même correction que celle proposée à l'intitulé du chapitre IVbis (nouveau) par l'amendement nº 442 précité.

Amendement nº 487

Mme de T' Serclaes a déposé à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 487), ayant la même portée que les sous-amendements nos 442 et 443 précités de Mme Nyssens.

Amendement nº 516

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 516), visant à remplacer dans l'article 5bis proposé la dénomination de la commission par « Commission d'évaluation et de contrôle fédérale ».

Un des auteurs se réfère à la discussion qui a déjà été menée antérieurement sur le sujet.

Amendement nº 650

Mme Vanlerberghe et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19 , amendement nº 650), tendant à remplacer l'intitulé du chapitre IVbis (nouveau) proposé par les mots « La commission fédérale de contrôle et d'évaluation ».

L'un des cosignataires rappelle que certains amendements proposaient de parler d'une « commission fédérale de contrôle et d'évaluation », d'autres d'une « commission fédérale d'évaluation et de contrôle ».

La première formule paraît préférable aux auteurs de la proposition. Cependant, ceux qui l'ont proposée n'ont pas déposé l'amendement à tous les endroits du texte où cette modification doit avoir lieu. Telle est la justification du dépôt de l'amendement nº 650.

Amendements nºs 506 à 510

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 plusieurs sous-amendements (doc. Sénat nº 2-244/18, amendementen nºs 506 à 510 compris), qui doivent être lus en conjonction et comme un tout et qui ont trait au concept des commissions régionales de contrôle, alors que l'amendement nº 18 ne s'appuie que sur une seule commission fédérale.

Amendements nº 506A

Ce sous-amendement a pour objet l'insertion d'un § 1bis, stipulant ce qui suit :

« § 1erbis. Dans chaque arrondissement judiciaire est instituée une commission régionale de contrôle chargée de vérifier le respect des conditions et des procédures visées aux articles 3 et 4 de la présente loi. »

Amendement nº 506B

Ce sous-amendement a pour objet l'insertion d'un § 2bis, stipulant ce qui suit :

« § 2bis. Chaque commission régionale de contrôle se compose de sept membres, parmi lesquels trois docteurs en médecine et trois docteurs ou licenciés en droit, justifiant d'une expérience professionnelle utile d'au moins dix ans, et un éthicien. La commission est présidée par l'un des membres qui est titulaire du diplôme de docteur ou de licencié en droit. »

Les membres de la commission sont nommés pour une période de deux ans et leur mandat est renouvelable une seule fois.

Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités de désignation des membres et des suppléants des commissions régionales de contrôle. Cette désignation se fait sur la base d'une représentation pluraliste.

Amendement nº 507

Ce sous-amendement vise à remplacer à l'alinéa 1er de l'article 5ter figurant à l'amendement nº 18, les mots « la commission » par les mots « le Roi ».

Amendement nº 508

Ce sous-amendement a pour objet de remplacer l'article proposé par le texte suivant :

« Art. 5quater. ­ § 1er. La commission régionale de contrôle examine le document d'enregistrement intégralement complété qui lui a été communiqué par le médecin.

Si la commission régionale de contrôle constate que le document d'enregistrement est incomplet ou qu'il a été communiqué en dehors des délais prévus à l'article 5, elle transmet immédiatement le document au procureur du Roi du lieu du décès du patient.

§ 2. La commission régionale de contrôle vérifie sur la base du volet anonyme du document d'enregistrement, si l'euthanasie a été effectuée selon les conditions prévues par les articles 3 et 4.

Si elle constate que le médecin n'a manifestement pas respecté ces conditions et procédures ou qu'il les a respectées de manière insuffisante, la commission régionale de contrôle peut décider, à la majorité simple, de lever l'anonymat. Elle prend alors connaissance du premier volet du document d'enregistrement, et entend le médecin qui a pratiqué l'euthanasie. Elle peut également demander que lui soient communiqués tous les éléments du dossier médical relatifs à l'euthanasie.

Au plus tard deux mois après avoir reçu le document d'enregistrement, la commission régionale de contrôle transmet le dossier au procureur du Roi du lieu du décès du patient.

Le jugement de la commission régionale de contrôle a seulement valeur d'avis pour le procureur du Roi.

Le médecin qui a pratiqué l'euthanasie est informé par écrit du jugement de la commission régionale de contrôle. »

Un des auteurs explique que l'intention est d'instaurer dans chaque arrondissement judiciaire une commission régionale de contrôle chargée de vérifier si les actes d'euthanasie pratiqués dans le ressort dudit arrondissement sont conformes aux conditions et procédures applicables.

La commission fédérale d'évaluation n'a plus à exercer son pouvoir de contrôle.

Chaque commission régionale de contrôle se composera de sept membres, désignés sur la base d'une représentation pluraliste. Un arrêté délibéré en Conseil des ministres fixera les modalités de désignation de ces membres.

Les commissions régionales de contrôle devront en tout cas être composées de trois membres docteurs en médecine et de trois membres licenciés en droit, justifiant d'une expérience professionnelle utile d'au moins dix ans. En outre, un éthicien fera partie de ces commissions. Les commissions seront présidées par l'un des juristes.

Les membres de la commission seront désignés pour une période de deux ans, renouvelable une fois.

L'article 5ter proposé dispose que la commission d'évaluation fédérale établit elle-même le document d'enregistrement.

L'on s'est manifestement inspiré de la loi du 13 août 1990 visant à créer une commission d'évaluation de la loi relative à l'interruption de grossesse : là aussi, la loi prévoit que la commission établit elle-même le document d'enregistrement.

Ce n'était pas une tâche aisée et, finalement, l'enregistrement des interruptions de grossesse n'a commencé que le 1er octobre 1992, donc plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi du 3 avril 1990. Telle que la proposition est rédigée, la commission ne peut établir ce document qu'une fois la proposition de loi entrée en vigueur et qu'après la constitution de la commission, ce qui prendra aussi du temps. Puisque par hypothèse, la loi est d'application et que le respect de l'obligation de communiquer n'est pas sanctionné, l'euthanasie peut être pratiquée en toute impunité et sans le moindre contrôle a posteriori. Si cette situation persiste un ou deux ans, ne risque-t-on pas de voir apparaître des pratiques que l'on ne pourra plus réprimer par la suite ?

Il est dès lors indiqué que ce soit le Roi qui établisse ce document; de plus, le document doit être disponible dès le premier jour de l'entrée en vigueur de la loi.

La commission régionale de contrôle examine le document d'enregistrement dûment complété. Si elle constate que le document d'enregistrement n'a pas été dûment complété ou qu'il a été communiqué tardivement, elle le transmet immédiatement au procureur du Roi du lieu du décès du patient (= le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire où la commission de contrôle siège).

La commission de contrôle vérifie si l'euthanasie a été effectuée selon les conditions et les procédures prévues par les articles 3 et 4. À cet égard, la commission de contrôle n'agit pas en tant qu'instance juridictionnelle, mais en tant qu'instance d'avis. En effet, la commission de contrôle est tenue de communiquer chacun de ses jugements, qu'il soit positif ou négatif, au procureur du Roi.

Si elle l'estime nécessaire, la commission de contrôle peut également décider d'entendre le médecin qui a pratiqué l'euthanasie, ou demander le dossier, pour mieux étayer son jugement. Ce n'est toutefois pas une obligation. Si elle estime que les conditions et procédures n'ont manifestement pas été respectées ou qu'elles l'ont été de manière insuffisante, elle peut également décider de transmettre le dossier et communiquer son jugement au procureur sans entendre le médecin ni examiner le dossier médical.

Quoi qu'il en soit, le dossier doit être envoyé au procureur du Roi deux mois après sa réception.

Si la commission de contrôle a émis un jugement dans ces deux mois, celui-ci est également transmis au médecin concerné.

Le Roi doit également mettre un cadre administratif à la disposition des commissions régionales de contrôle.

Les frais de fonctionnement, les frais de personnel et la rémunération des membres des commissions régionales de contrôle doivent être mis à la charge du budget du ministre de la Santé publique et du ministre de la Justice.

Amendement nº 509

Ce sous-amendement vise à insérer, à l'article 5sexies proposé par l'amendement nº 18, les mots « et des commissions régionales de contrôle » entre les mots « de la commission » et les mots « en vue de l'accomplissement de ses missions légales ».

Amendement nº 510

Ce sous-amendement a pour but d'insérer, à l'article 5septies contenu dans l'amendement nº 18, les mots « et des commissions régionales de contrôle » entre les mots « de la commission » et les mots « ainsi que la rétribution ».

Amendement nº 496

M. Destexhe a déposé à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 496), tendant à insérer, au § 1er de l'article 5bis proposé, après les mots « présente loi », les mots « sur l'interruption de vie ».

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 488

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 488), tendant à remplacer l'alinéa 1er du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« § 2. La commission se compose de seize membres dont six médecins justifiant d'une pratique d'au moins dix ans, six juristes justifiant d'une pratique d'au moins dix ans au barreau ou dans une université et de quatre éthiciens justifiant d'une pratique d'au moins cinq ans dans un comité d'éthique. »

En ce qui concerne la composition de la commission, l'auteur de l'amendement admet de conserver le nombre de 16 membres, puisque ce système semble fonctionner en ce qui concerne la commission d'évaluation en matière d'avortement. Par contre, elle ne peut se rallier à la transposition pure et simple, en matière d'euthanasie, de la typologie prévue en matière d'avortement. Il faut adapter cette typologie en fonction des objectifs poursuivis.

Le texte de l'article 5bis est lourd. Au § 2, les mots « désignés sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières qui relèvent de la compétence de la commission » expriment une évidence, et pourraient être supprimés.

Il est prévu que la commission doit comporter 8 membres docteurs de médecine, dont 4 au moins sont professeurs dans une université belge. Ce dernier critère ne paraît pas pertinent à l'intervenante.

Par contre, il est important, à ses yeux, que la commission compte un nombre égal de médecins et de juristes.

À propos de ces derniers, il ne paraît pas essentiel non plus qu'il s'agisse de professeurs d'université ou d'avocats.

Qu'il s'agisse de médecins ou de juristes, il importe surtout qu'il s'agisse de praticiens.

Quant aux membres « issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable », on ne voit pas avec précision de qui il s'agit. Il est préférable de faire appel à des éthiciens, qui ont acquis une certaine expertise, et pourraient utilement apporter leur concours en la matière.

Ce sont toutes ces considérations qui ont inspiré la formule proposée par le sous-amendement nº 488. Celle-ci se rapproche de la composition des commissions régionales instituées aux Pays-Bas.

Une membre déclare comprendre que la préopinante tienne à impartir un rôle aux éthiciens au sein de la commission. Mais elle déplore le fait que l'amendement nº 488 exclue pour cette raison précisément ceux qui sont spécialisés dans la problématique des patients atteints d'une maladie incurable. Elle souligne que la présence de cette catégorie de membres au sein de la Commission d'évaluation offre aux personnes ayant acquis une large expérience dans le domaine des soins palliatifs la possibilité d'en devenir membre et que cela représente aussi le seul moyen de permettre aux infirmiers de faire partie de la commission. Tout le monde reconnaît en effet que les infirmiers ont une tâche toute particulière à remplir dans le cadre du processus de décision relative à l'acte d'euthanasie.

L'auteur de l'amendement nº 488 répond que la façon dont les Pays-Bas ont conçu leurs commissions régionales est aussi le résultat d'une certaine pratique et d'une connaissance du terrain.

Si l'on veut que la commission comporte des personnes travaillant dans les services de soins palliatifs, il vaut mieux le dire explicitement, le cas échéant en réarticulant autrement la composition proposée.

La préopinante réplique que la catégorie des membres connaissant bien la problématique des patients atteints d'une maladie incurable est plus nombreuse que celle des personnes ayant acquis une expérience dans le domaine des soins palliatifs. L'inscription de cette catégorie constitue la seule possibilité pour les personnes au fait de la problématique des soins palliatifs de devenir membre de la commission. II serait dommage d'exclure cette catégorie de professionnels.

Un membre cite, à titre d'exemple de personnes issues de milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable, celles qui s'occupent d'une association de patients. On ne vise donc pas exclusivement les personnes travaillant dans le secteur des soins palliatifs.

L'intervenant rappelle en outre que les désignations ont lieu, selon l'article 5bis proposé à l'amendement nº 18, sur une liste double présentée par le Sénat, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Un autre membre estime que la formulation du § 2 de l'article 5bis (amendement nº 18) peut certainement être améliorée.

Quant à la composition de la commission, il est raisonnable de prévoir que la moitié ou la majorité des membres soient des médecins car ce sont les médecins qui, en conscience, prennent la responsabilité de poser un acte d'euthanasie, et il est souhaitable qu'ils se sentent en confiance pour faire la déclaration requise.

Une préopinante considère que la proposition en question vise soit à reprendre la législation en vigueur aux Pays-Bas, soit à adopter la thèse de l'auteur de l'amendement nº 488. Elle fait remarquer que la proposition hollandaise ne dispose pas que la commission ne doit comporter que trois membres. Le texte adopté par la Deuxième Chambre des Pays-Bas stipule que le nombre de membres composant la commission doit être impair dont, obligatoirement, un juriste ­ ayant la fonction de président ­ un médecin et un éthicien.

L'auteur de l'amendement nº 488 souligne que la commission ne se limite pas, en matière d'euthanasie, à une mission d'évaluation de type sociologique, comme en matière d'avortement.

Elle a aussi une mission de contrôle, d'où la nécessité d'une représentation suffisante des juristes.

Amendement nº 444

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 444), tendant à remplacer, au § 2 de l'article 5bis proposé, les mots « sur la base de leurs connaissances et de leur expérience dans les matières qui relèvent de la compétence de la commission » par les mots « en raison de leurs connaissances, de leur expérience et de leur intérêt pour les questions d'éthique médicale et de soulagement de la douleur dans le cadre de l'accompagnement de fin de vie ».

Cela paraît une tautologie à l'auteur de l'amendement de définir la compétence que doivent avoir les membres de la commission par la compétence que cette commission a, compétence qui n'est par ailleurs pas plus amplement définie.

Il lui semble qu'outre de simples connaissances théoriques, une expérience pratique et un intérêt tant pour les questions d'éthique médicale que pour les questions de soulagement de la douleur sont importants dans cette matière.

En effet, le recours à l'euthanasie reste justifié par les auteurs de la proposition par une volonté de soulager les souffrances inapaisables du patient. Il importe de pouvoir contrôler ce point de manière effective, sous peine de voir cette procédure se transformer en une simple vérification administrative.

Amendements nºs 445 et 490

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 445), tendant à remplacer les trois dernières phrases du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« Quatre membres sont des docteurs en médecine en activité ayant une expérience en matière de soins palliatifs, dont la moitié sont omnipraticiens, choisis sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par le Conseil national de l'Ordre des médecins, deux d'entre eux faisant partie de l'Académie de médecine.

Quatre membres sont des personnalités issues des milieux universitaires, compétentes en matière d'éthique médicale, choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par le Conseil interuniversitaire de la Communauté française, d'une part, et la « Vlaamse Interuniversitaire Raad » d'autre part : parmi ces personnalités, deux sont issues des facultés de médecine et deux sont issues des facultés de droit, de philosophie, de psychologie ou de sociologie.

Quatre membres sont des personnalités choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par des associations pour la défense des droits du patient agréées ou pouvant justifier d'une activité effective depuis au moins cinq ans.

Quatre membres sont des personnalités choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par l'Union générale des infirmers de Belgique. »

Cet amendement revoit toute la composition de la commission, et la présente d'une autre manière.

Le même auteur a également déposé à son amendement nº 445 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 490), tendant à remplacer le dernier alinéa de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« Quatre membres sont des personnalités choisies sur une liste comprenant trois fois quatre noms présentés par les associations et organisations professionnelles représentatives des praticiens de l'art infirmier. »

Il s'agit d'une dénomination plus correcte du secteur infirmier.

Amendement nº 517

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 517) tendant à spécifier le terme d'expertise utilisé au § 2, premier alinéa, de l'article 5bis proposé, comme étant une expertise dans les domaines de l'éthique médicale, du soulagement de la douleur, de l'accompagnement des mourants, de l'administration des soins palliatifs et du droit médical.

Un des auteurs estime que la description proposée par l'amendement nº 18 est beaucoup trop floue. Les qualités proposées par l'amendement nº 517 sont donc bien indispensables pour définir clairement les matières dans lesquelles une expertise doit avoir été acquise.

Amendement nº 518

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 518) tendant à modifier la composition de la commission.

L'article proposé prévoit que la commission d'évaluation fédérale se compose de seize membres, dont seulement quatre juristes.

Comme l'article 5quater proposé prévoit une limitation (inacceptable) de la compétence de poursuite du ministère public, cette commission fonctionne par conséquent comme une juridiction impropre dès lors qu'elle est chargée de contrôler si les conditions et les procédures que le médecin doit remplir et suivre ont été respectées ou non; de son jugement dépendra la transmission ou non du dossier au procureur du Roi.

II est par conséquent inacceptable que le contrôle judiciaire du respect de ces conditions et procédures n'occupe qu'un rang secondaire dans le fonctionnement de la commission.

II faudrait à tout le moins que la représentation des médecins et des juristes soit équilibrée.

Par ailleurs, il est nécessaire que deux spécialistes des questions éthiques siègent au sein de la commission. Leur désignation à partir d'une liste établie par le conseil provincial de l'Ordre des médecins garantit de surcroît que l'éthique médicale, et en particulier la question de la mort dans la dignité, sont des domaines entrant dans leurs compétences. Même la proposition de loi « Toetsing levensbeëindiging op verzoek en hulp bij zelfdoding », qui est en cours d'examen à la Eerste Kamer du Parlement hollandais, prévoit la présence d'un spécialiste des questions éthiques au sein des commissions de contrôle dont elle prévoit l'instauration.

L'amendement propose donc la répartition suivante : 6 médecins, 6 juristes, 2 membres issus des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable et 2 experts en questions éthiques.

Amendement nº 519

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 519) tendant à prévoir que deux membres de la commission doivent être infirmiers et à spécifier en outre que deux membres doivent être issus d'associations agréées ayant une compétence reconnue dans le domaine des soins palliatifs.

Un des auteurs déclare qu'il serait souhaitable que deux infirmiers fassent également partie de la commission. Le libellé « membres issus de milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable » est trop vague. C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir que deux membres qui ne sont ni médecin ni infirmier et qui sont néanmoins chargés de l'administration de soins palliatifs et de l'accompagnement des mourants puissent siéger au sein de la commission fédérale.

Amendement nº 520

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 520) tendant à inscrire comme condition d'éligibilité au sein de la commission pour les juristes une expérience professionnelle utile de dix années.

Compte tenu de la compétence de contrôle de la commission, qui est particulièrement importante, il est fortement recommandé que les juristes qui siègent en son sein aient l'expérience requise.

Amendement nº 521

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat nº 2-244/18, amendement nº 521) tenant à faire appliquer cette expérience professionnelle utile également aux docteurs en médecine membres de la commission.

Amendement nº 522

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 522) tendant à clarifier la notion de « problématique des patients atteints d'une maladie incurable » en utilisant le terme « problématique des soins palliatifs et de l'accompagnement des mourants ».

Un des auteurs fait remarquer que la disposition proposée par l'amendement nº 18 est beaucoup trop floue et requiert une formulation plus précise.

Un membre demande comment ce sous-amendement s'articule avec le sous-amendement nº 519.

La préopinante répond que les différents amendements doivent être pris dans un ordre subsidiaire. Si un amendement est rejeté, il sera toujours possible d'en adopter un autre d'une portée plus restreinte.

Amendement nº 523

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 523) remplaçant le terme « milieux » par celui de « associations agréées ».

Un des auteurs ne voit pas clairement ce qu'il convient d'entendre par « milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable ». Par qui ces milieux ont-ils été « chargés » ? Le libellé proposé rend toute objectivation impossible.

S'il s'agit de milieux ou d'associations qui se donnent pour but de se consacrer à la problématique des patients atteints d'une maladie incurable, il conviendrait que ce soient des associations agréées.

Le co-signataire de l'amendement nº 523 estime que le texte de l'amendement nº 18 est tout à fait inacceptable dans sa version actuelle. On ne saurait en effet accepter qu'une instance chargée du contrôle d'une loi d'une telle importance et à qui il revient de décider s'il y a lieu de transmettre le dossier au ministère public soit composée de représentants ayant une opinion préconçue et dont on sait d'avance sur la base de quelle grille idéologique ils construisent leurs raisonnements. Le membre estime qu'une commission de cette nature doit, au contraire, avoir une certaine indépendance d'esprit et ne saurait être composée de personnes dont les prises de position sont connues d'avance.

Par ailleurs, l'intervenant fait remarquer que la commission, composée selon les dispositions prévues par l'amendement nº 18, ne compte aucun représentant de l'Ordre des médecins. Cette instance, qui existe depuis de longues années, a été sciemment écartée au profit de plusieurs structures parallèles différentes qui vont conduire à une politisation de la composition de la commission. Toutefois, la protection de la vie ne devrait pas dépendre d'une majorité politique fortuite.

Un membre s'accorde avec l'opinion du précédent intervenant. L'expression « milieux chargés de ... » paraît trop vague, par rapport aux précisions relatives aux autres corps représentés dans la commission.

Amendement nº 446

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 446), tendant à insérer, au § 2 de l'article 5bis proposé, entre l'alinéa 2 et l'alinéa 3, un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Tout membre de la commission doit s'abstenir d'office de prendre part à la décision visée au dernier alinéa de l'article 5quater, dans les cas suivants :

1º si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à l'affaire;

2º si lui-même ou son conjoint est parent ou allié du médecin ayant complété le document d'enregistrement visé à l'article 5ter ou du patient concerné, en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu'au quatrième degré; ou si ce membre est parent ou allié au degré indiqué ci-dessus du conjoint du médecin ou du patient concernés;

3º si le membre est héritier présomptif ou donataire du médecin visé au 2º ou du patient concerné ou si ce médecin ou ce patient est l'héritier présomptif ou le donataire de ce membre;

4º si le membre est associé du médecin visé au 2º ou si le membre et ce médecin sont liés par un contrat de louage de travail, ou si l'un travaille dans un établissement, une association ou un département que l'autre dirige;

5º si le membre a été reçu par le médecin visé au 2º à ses frais ou a agréé de lui des présents;

6º si le membre est le médecin qui a complété le document d'enregistrement visé à l'article 5ter;

7º s'il y a inimitié capitale entre le membre et le médecin visé au 2º ou le patient décédé; s'il y a eu entre eux agressions, injures ou menaces, verbales ou écrites.

Dans ce cas, un membre suppléant est désigné d'office, selon la procédure prévue à l'article 5bis, § 2, alinéa 3, pour remplacer le membre qui s'abstient. »

L'auteur précise que cet amendement s'inspire des articles 828 et suivants du Code judiciaire relatifs aux causes de récusation des juges. Même si, en l'occurrence, les membres de la commission ne sont pas des juges, ils ont à prendre connaissance de dossiers sensibles, et peuvent envoyer un dossier au parquet.

La commission étant amenée à exercer une mission de contrôle, qui est en principe du ressort du pouvoir judiciaire, et à prendre des décisions qui vont aboutir à retirer certains dossiers du circuit judiciaire, il importe de prévoir que certaines situations peuvent justifier qu'un membre de la commission s'abstienne de voter, si en prenant connaissance du second volet du document enregistré, il s'aperçoit qu'il existe dans son chef un motif de « récusation » pour le cas d'espèce. Dans ce cas, un membre suppléant est désigné. Les causes d'incompatibilité et de récusation devront être vérifiées dans le chef du membre suppléant également.

Un membre renvoie à l'amendement nº 578 de M. Remans, qui s'inspire de la loi hollandaise.

Le sous-amendement nº 446 s'inscrit dans la logique de son auteur, qui considère que la commission assume une mission de nature juridictionnelle. Tel n'est pas le point de vue des six auteurs.

Amendement nº 489

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 489), visant à ajouter, à l'article 5bis, § 2, alinéa 3, après les mots « un terme renouvelable », les mots « une seule fois ».

L'auteur du sous-amendement estime qu'il est sain, spécialement dans une telle matière, de veiller à un renouvellement suffisant des membres de la commission.

Un membre répond que les garanties offertes par la procédure prévue pour la désignation des membres de la commission lui paraissent suffisantes pour en permettre le renouvellement, y compris grâce au renouvellement de l'assemblée politique qui présente la liste double.

Amendement nº 524

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 524) tendant à insérer dans le texte de la proposition que tout mandat au sein de la commission ne peut être renouvelé qu'une seule fois.

Un des auteurs estime que cette exigence constitue une garantie minimale, pour autant que l'on puisse encore parler en ces termes compte tenu de la formulation de la disposition proposée. Une disposition similaire a d'ailleurs déjà été déposée devant le Haut Conseil de la Justice. II n'est jamais bon de demeurer longtemps dans un même lieu puisque cela entraîne le risque de voir s'instaurer une stabilité bureaucratique. Par conséquent, un délai maximum de 8 ans est largement suffisant. D'autres pays appliquent également des délais maxima pour certains mandats.

Cette observation est valable a fortiori pour une instance appelée à trancher la question de la vie et de la mort sans être tenue à fournir de justification. Le ministre de la Justice doit répondre des actes du parquet, mais il est impossible d'appliquer ce principe à la commission d'évaluation. Que va-t-il se passer s'il s'avère qu'un ou plusieurs membres de la commission ne remplissent pas comme prescrit la tâche leur incombant ? II convient de clarifier le débat.

Un membre déclare se rallier au sous-amendement.

Amendement nº 525

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 525) visant à inclure une disposition stipulant que le mandat d'un membre de la commission prend fin de plein droit dans le cas où ledit membre est déchu de sa capacité l'habilitant à siéger au sein de la commission.

Un des auteurs estime qu'il convient de disposer que tout membre siégeant au sein de la commission en qualité de médecin, de juriste ou de membre « issu des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable », ne peut plus faire partie de la commission dès lors qu'il a perdu sa qualité.

Il cite à cet égard l'exemple d'un professeur d'université qui est nommé juge.

Quant à la qualité de médecin, elle est définie par la loi : il s'agit de celui qui est inscrit à l'Ordre des Médecins. Il ne suffit donc pas d'être titulaire d'un diplôme de médecine.

Amendement nº 527

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 527) visant à disposer que les suppléants de chaque membre effectif doivent posséder la même capacité pour les remplacer.

Un des auteurs indique que le texte proposé qui stipule que « Les candidats qui n'ont pas été désignés comme membres effectifs sont nommés en qualité de membres suppléants selon une liste déterminant l'ordre dans lequel ils seront appelés à suppléer » est vague et ne précise ni les critères ni les modalités de classement des candidats sur cette liste. II n'est pas non plus prévu que les suppléants appelés à siéger en cas d'empêchement de membres effectifs doivent avoir la même qualité que ceux qu'ils sont appelés à remplacer (médecin, juriste ...).

Il est indiqué de désigner un suppléant pour chaque membre effectif. De plus, il y a lieu de prévoir dans quels cas le suppléant doit remplacer le membre effectif. De cette manière, le Sénat n'a plus à proposer un nouveau membre en cas de décès ou de démission d'un membre effectif puisque ce dernier est alors remplacé par le suppléant jusqu'à la fin du mandat en question.

Amendement nº 526

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 526) un sous-amendement subsidiaire à l'amendement nº 527. Celui-ci reprend l'amendement nº 527 sans parler de la qualité des suppléants.

Un des auteurs estime que si l'amendement nº 527 ne peut être adopté, il n'en demeure pas moins nécessaire de déterminer dans quels cas un suppléant est habilité à siéger au sein de la commission.

Amendement nº 528

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 528) disposant que la commission doit élire un vice-président néerlandophone et un vice-président francophone, l'un deux devant être obligatoirement soit professeur dans une université belge, soit juriste. La commission doit ensuite désigner un de ces vice-présidents en qualité de président pour un mandat de deux ans.

Un des auteurs estime qu'il est nécessaire que la commission soit présidée par un seul président.

En effet, l'article 5quater proposé dispose qu'en cas de doute quant au respect des conditions visées aux articles 3 et 4, la commission peut décider, « à la majorité simple », de lever l'anonymat.

Cela signifie toutefois qu'en cas de partage des voix, un dossier ne pourra jamais être transmis au procureur du Roi.

Dans l'hypothèse d'un président unique (selon un système de rotation bisannuelle) choisi parmi les deux vice-présidents désignés par la commission elle-même, on pourrait prévoir que la voix du président est prépondérante en cas de partage.

Enfin, compte tenu des implications juridiques importantes du jugement que portera la commission, il s'impose qu'un des vice-présidents soit juriste. Même la proposition hollandaise (« Toetsing levensbeëindiging op verzoek en hulp bij zelfdoding ») comporte cette garantie, puisqu'elle prévoit que la présidence est toujours assumée par un juriste.

Amendement nº 529

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 529) un sous-amendement qui est subsidiaire à l'amendement nº 528. Cet amendement reprend la disposition de l'amendement nº 528, à cette exception près qu'il n'est plus requis de la part d'un des deux vice-présidents d'avoir la qualité de juriste.

Un membre demande pourquoi un des deux vice-présidents ne serait pas médecin.

L'amendement nº 528 ne précise la qualité que d'un des deux vice-présidents, et ne dit pas que c'est celui-là qui doit devenir président.

Un des auteurs répond qu'il n'y voit pas d'objection, mais rappelle que les huit membres de la commission doivent en tout cas être des médecins. Avec la condition ainsi proposée selon laquelle un des deux vice-présidents doit justifier de la qualité de juriste, l'on vise en fait à compenser la sous-représentation de la catégorie des juristes.

Le précédent orateur demande si, selon les auteurs de l'amendement, le président devrait toujours être un juriste.

Un des auteurs répond par la négative. Les amendements nºs 528 et 529 ne disposent pas que par définition le président doit avoir la qualité de juriste.

En ce qui concerne l'alternance de la présidence, l'intervenant renvoie à la Cour d'Arbitrage où un système similaire est également appliqué.

Amendement nº 599

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 599), tendant à ajouter, à l'article 5bis proposé, à l'alinéa 3 du § 2, les mots « qui comptent un nombre égal de femmes et d'hommes », après les mots « les membres de la commission ».

Un membre est entièrement d'accord avec l'amendement proposé.

Amendement nº 600

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 600), tendant à supprimer, à l'article 5bis, § 2, alinéa 3 proposé, les mots « ­ chaque groupe linguistique comptant au moins trois candidats de chaque sexe ­ ».

Ce sous-amendement est la conséquence logique du sous-amendement nº 599 précité.

Un membre rappelle que, conformément à la loi, les organes ayant une compétence consultative doivent obligatoirement compter au moins un tiers de personnes appartenant au sexe opposé. Elle considère par conséquent l'amendement nº 600 comme tout à fait pertinent à cet égard.

Amendement nº 530

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 530), subsidiaire à l'amendement nº 529, visant à insérer dans l'article 5bis proposé une disposition selon laquelle un des deux présidents doit avoir la qualité de professeur de droit ou d'avocat.

Un des auteurs soulève la nécessité pour un des vice-présidents d'avoir la qualité de juriste, compte tenu des implications juridiques majeures que comporte l'avis de la commission sur le plan pénal.

Amendement nº 580

M. Remans et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 580) visant à compléter le paragraphe 2 de l'article 5bis par un alinéa stipulant que les membres de la commission sont tenus de s'abstenir de donner un avis sur l'intention d'un médecin de pratiquer l'euthanasie à la demande d'un patient.

Un des membres estime que, sur le plan de la déontologie, il serait mal venu qu'un membre de la commission s'exprime sur le bien-fondé d'un acte d'euthanasie envisagé dans un cas concret. D'ailleurs, il est actuellement interdit aux membres d'autres commissions, conseils et tribunaux, de s'exprimer anticipativement dans certains cas en raison du conflit d'intérêts qui pourrait en découler.

Un membre n'est pas favorable à l'utilisation du terme « oordeel », pour les raisons déjà exposées.

Un autre membre rappelle qu'il a été dit que ce mot ne signifiait pas uniquement « jugement » au sens juridique du terme.

Il est utilisé ici dans le sens d'avis, d'appréciation.

L'un des auteurs explique que l'amendement nº 580 tâche de régler la situation dans laquelle quelqu'un demanderait l'avis d'un membre ou d'un membre suppléant sur l'application ou non de l'euthanasie. Cela doit être absolument impossible. Le membre ne s'oppose toutefois pas à une meilleure formulation de l'amendement.

Le président conclut que le texte néerlandais peut rester inchangé, et qu'en français, on retiendra le terme « appréciation ».

Amendement nº 531

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 531) visant à faire ratifier le règlement intérieur de la commission par arrêté royal.

Un des auteurs soulève le fait que l'application du règlement intérieur est susceptible d'influer sur la prise de décision. C'est la raison pour laquelle il importe que la proposition de la commission soit ratifiée par le Roi.

Un membre déclare que, soit on se fie à la composition de la commission et à la procédure prévue en la matière, soit on témoigne d'une certaine méfiance en renvoyant la question au Roi.

Le Parlement propose, sur une liste double, la composition de la commission; le gouvernement désigne celle-ci par arrêté délibéré en Conseil des ministres. Pourquoi, dès lors, alors que la commission a à la fois la confiance du parlement et celle du gouvernement, soumettre le règlement d'ordre intérieur au Roi, c'est-à-dire à l'instance qui l'a désignée ?

Amendement nº 532

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 532), subsidiaire à l'amendement nº 531, visant à prescrire la ratification du règlement intérieur par les ministres de la Justice et de la Santé publique.

Un des auteurs précise que, si l'amendement nº 531 n'est pas adopté, l'amendement nº 532 est néanmoins susceptible d'offrir une certaine garantie à l'égard de la prise de décision au sein de la commission. Ainsi par exemple, il n'est pas clairement établi si la composition des différentes chambres présente les mêmes caractéristiques que celles de la commission elle-même (parité linguistique, qualité, représentation paritaire entres hommes et femmes, etc.).

L'auteur renvoie également à la nouvelle réglementation applicable aux différents Ordres des avocats et qui prescrit également la ratification du règlement intérieur.

Amendement nº 533

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 533) portant sur la composition des chambres. Il est proposé de définir la composition des chambres en cohérence avec celle de la commission et de faire siéger dans chaque chambre au moins deux médecins et deux juristes.

Un des auteurs estime que la logique commande que les garanties applicables à la composition de la commission le soient également à la composition des différentes chambres.

Amendement nº 534

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 534), subsidiaire à l'amendement nº 533, visant à prescrire que chaque chambre doit comporter en son sein au moins un juriste, un médecin et un membre issu des milieux chargés de la problématique des patients atteints d'une maladie incurable.

Un des auteurs souligne qu'une représentation minimale au sein des chambres doit être prévue par la loi.

Amendement nº 535

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 535) visant à disposer que les chambres ainsi constituées ne sont pas habilitées à prendre une décision ni à donner un avis au sens de l'article 5quater.

Un des auteurs fait la comparaison avec la prise de décision au sein des Chambres législatives dont les différentes commissions ne sont pas non plus habilitées à prendre une décision définitive. Celle-ci est prise lors de l'assemblée plénière. Dans cette affaire, somme toute importante, il convient de disposer que les chambres sont constituées dans le seul et unique but de faciliter le contrôle des documents d'enregistrement et, le cas échéant, de donner des avis sur le jugement final de la commission que celle-ci est seule habilitée à rendre.

Un membre déclare que l'amendement lui paraît judicieux.

Un autre membre estime que le texte de l'amendement nº 18 est suffisamment explicite à ce sujet.

L'intervenant relève en outre que, dans le sous-amendement nº 535, il est question d'« émettre un jugement ».

Un autre membre estime qu'il y a encore trop de confusion autour de la composition et de la compétence spécifique des chambres qui sont constituées au sein de la commission d'évaluation. Alors que les compétences et la composition de la commission sont explicitement réglementées dans la proposition de loi ­ et à ce propos, il faut souligner qu'elle prête le flanc à de nombreuses objections ­ rien de tel n'a été prévu pour les chambres. Ceci doit être clarifié.

Le précédent orateur répond qu'il voulait souligner que la commission rendait tout au plus des avis.

Son interrogation portait sur le sens que les auteurs du sous-amendement nº 535 donnent au terme « jugement ».

L'intervenant précédent constate que tout le monde est d'accord pour reconnaître que la compétence de la commission d'évaluation est d'ordre purement consultatif et non de décision. Mais la composition exacte et les compétences des différentes chambres constituées au sein de la commission n'ont toujours pas été définies avec clarté et précision.

Un membre renvoie à l'article 5bis, § 3, et à l'article 5quater. L'article 5bis, § 3, semble signifier que les chambres examinent une première fois le dossier en vue de la réunion plénière.

Il est répondu que le texte est clair : c'est la commission qui est chargée de remettre un avis.

Le précédent orateur en conclut qu'au sein des chambres, on ne peut pas prendre de décision.

Une membre se réfère à la manière dont les choses se passent aujourd'hui, par exemple, au sein du Comité de bioéthique, où les avis sont préparés dans les différents groupes.

Les membres de la réunion plénière font confiance à ce qui s'est fait dans les chambres.

Un autre membre conteste ce point, en faisant observer qu'un même avis fait état de plusieurs positions distinctes.

La précédente intervenante réplique que les quatre propositions contenues dans l'avis nº 1 du Comité consultatif de bioéthique ont été élaborées au sein du groupe de travail, et non du Comité en assemblée plénière.

Le fait de prévoir, pour la mission de contrôle, la possibilité de créer des chambres, suppose que l'on envisage une spécialisation de certains membres, à l'intérieur de la commission, pour l'exercice de cette mission.

Il serait souhaitable de préciser qui peut être membre de ces chambres où les décisions seront prises en réalité, l'assemblée plénière n'étant qu'une chambre d'entérinement.

Un des auteurs de l'amendement nº 535 se range derrière les propos de l'intervenant précédent. II règne en effet encore beaucoup trop de flou sur ce point. Le membre cite à cet effet le libellé de l'article 5quater proposé qui stipule que l'anonymat peut être levé à la majorité simple. Pour la transmission du dossier au parquet, une majorité de deux tiers des voix est requise. Pour le reste, le texte se borne à disposer que la commission doit se prononcer dans un délai de deux mois, mais ne dit mot sur la majorité requise à cet effet ni sur le nombre minimal des membres qui doivent être présents. Les questions qui ne sont pas réglées par la loi le seront par le règlement intérieur. Mais ce dernier point manque de transparence sociale puisque aucune ratification n'a été prévue.

En d'autres termes, on laisse toute latitude à la commission de sorte qu'il n'est pas exclu qu'un groupe mineur, présent dans une seule des chambres, ait finalement la possibilité de rendre un jugement définitif.

Un membre fait observer que si la possibilité de travailler en chambres ou commissions restreintes est retenue, il faudra que la composition de celles-ci reflète la composition de la commission. En général, ces commissions établissent un rapport approfondi et élaborent des projets d'avis.

Quant aux termes « se prononce » (cf. amendement nº 18), l'intervenante leur préfère l'expression « rend un avis ».

Un autre membre répond que le règlement d'ordre intérieur permet la répartition du travail entre différentes chambres, mais que l'élément essentiel tient à ce que la commission elle-même se prononce.

Quant aux termes critiqués, ils sont utilisés dans leur sens commun, et non dans un sens juridique.

La précédente intervenante déclare qu'il faut éviter que ne se créent, au sein de la commission, une chambre francophone et une chambre néerlandophone, avec des jurisprudences différentes.

Amendements nºs 566 et 567

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 566), tendant à compléter le § 3 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« Ces chambres comptent au moins un nombre égal de médecins et de juristes. »

Le même auteur dépose un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 567), présentant une solution alternative, inspirée par le projet de loi hollandais : « Ces chambres comptent trois membres dont un juriste, un médecin, et un expert en science éthique. »

L'auteur conclut que soit on supprime la disposition relative à la constitution des chambres, soit il faut prévoir un minimum de garanties en ce qui concerne leur composition.

Amendement nº 604

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 604), tendant à remplacer, au § 3 de l'article 5bis proposé, les mots « ses missions » par les mots « sa mission ».

L'auteur précise que la mission de contrôle telle que visée à l'article 5quater ne comporte pas plusieurs volets. C'est pourquoi il faut parler de « mission » au singulier.

Amendement nº 602

M. Vandenberghe et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 602), visant à régler la désignation des membres de la commission d'évaluation non par arrêté royal, mais par le Sénat, à la majorité des deux-tiers, sur la base d'une liste double.

Un des auteurs considère que, pour la composition d'une commission d'une telle importance, il serait bon que les membres puissent compter sur un large soutien au sein des institutions parlementaires et que leur nomination ne soit pas le fruit du hasard d'une majorité politique.

Une co-signataire de l'amendement se rallie à cette opinion et souligne le fait qu'il est nécessaire que les membres de la commission puissent bénéficier d'un large soutien social. Elle constate cependant que le débat sur l'euthanasie est fortement polarisé. II convient d'éviter que, au sein de la commission, l'appréciation de la nécessité de transmettre ou non un dossier au parquet, n'ait lieu dans de telles circonstances. D'où la proposition d'une majorité des deux tiers qui est également appliquée dans d'autres institutions majeures, comme par exemple la Cour d'arbitrage.

Un membre répond qu'a contrario, un tiers de l'assemblée peut bloquer de manière systématique toute forme de composition de la commission, si l'on demande systématiquement une majorité des deux tiers.

Un des auteurs de l'amendement estime que les commentaires de l'intervenant précédent sont particulièrement significatifs. En effet, ceci veut dire qu'au sein de la commission d'évaluation, un tiers des membres peut faire opposition à la transmission d'un dossier au parquet. C'est particulièrement regrettable. C'est la raison pour laquelle le membre préconise que la commission d'évaluation fédérale puisse transmettre un dossier à la majorité simple. Elle estime que la majorité des deux tiers ne repose sur aucune justification, car comme l'expliquait l'intervenant précédent, un tiers des membres peut bloquer toute l'affaire.

Amendement nº 603

M. Vandenberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 603), subsidiaire à l'amendement nº 602, qui maintient la nomination proposée par arrêté royal, mais préconise la désignation sur proposition du Sénat votée à la majorité des deux tiers.

Amendement nº 499

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 499), tendant, au § 2, alinéa 1er, de l'article 5bis proposé à remplacer le mot « seize » par le mot « huit ».

Le chiffre de seize membres lui paraît en effet excessif. Il estime qu'une commission composée de huit membres sera plus efficace.

Amendements nºs 500 et 641

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 500), tendant à remplacer les deux dernières phrases de l'alinéa 1er du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit : « Tous les membres de la commission sont docteurs en médecine. ».

L'auteur estime que la problématique de la vie et de la mort est du ressort du médecin et du malade. Parmi les données transmises à la commission, un certain nombre sont d'ailleurs de nature médicale.

Une membre ne peut se rallier à ce point de vue.

Il s'agit en effet du contrôle de l'application d'une loi, dans laquelle tous les mots ont leur importance.

Par ailleurs, l'intervenante estime important qu'un contrôle externe à la profession médicale puisse s'exercer. Un éclairage multidisciplinaire est préférable.

L'auteur de l'amendement nº 500 pourrait être d'accord avec ce point de vue si le dossier ne comportait que des données de type administratif, ce qui n'est pas le cas. L'intervenant renvoie à cet égard au texte de l'article 3.

À l'heure actuelle, ce sont les médecins eux-mêmes qui organisent l'exercice et le contrôle de leur profession.

La justice, elle, est indépendante, et peut toujours décider d'intervenir.

On organise ici, avec la commission d'évaluation, un intermédiaire entre l'organisation interne de la profession par les médecins eux-mêmes et la justice.

Un membre estime qu'à l'heure actuelle, les médecins ont pratiquement un pouvoir de vie et de mort sur les citoyens. Aussi préfère-t-il que la commission compte également des membres disposant d'une grande compétence juridique.

Il lui semble judicieux que les médecins, qui ont un pouvoir important, soient aussi contrôlés par d'autres personnes que leurs pairs.

Un membre fait observer qu'à l'Ordre des médecins siègent des juristes. Cela montre que la profession médicale est l'une de celles qui acceptent, dans la société, de travailler face au regard du tiers, compte tenu des enjeux liés à cette profession. L'intervenant trouve excessif de dire que le médecin a un pouvoir de vie et de mort sur son patient. Ce n'est pas là un pouvoir qu'il demande, mais un risque et un service qu'il assume. Ce supposé pouvoir de vie et de mort relève davantage du fantasme que de la réalité.

Si la société n'assume pas son devoir de prévoir les moyens suffisants pour les soins de santé, c'est plutôt elle qui dispose du pouvoir de vie et de mort sur les citoyens, et particulièrement sur les plus faibles.

En outre, on peut s'interroger sur le point de savoir si les juristes sont les seuls à devoir assurer le rôle de tiers. L'intervenant rappelle qu'aux Pays-Bas, où l'on dispose de plus de recul, lorsqu'il s'est agi d'organiser un interface entre médecin et justice, on a prévu un tiers expert en science éthique.

Un sénateur estime que, dans la mesure où il peut être considéré que l'amendement nº 500 repose sur des bases sérieuses, il convient de faire remarquer que celui-ci pèche par une surestimation professionnelle. En effet, le corps médical est de plus en plus contraint de suivre les évolutions sociales, tant en ce qui concerne l'organisation que sur le plan de l'intervention médicale. L'opinion de la communauté ne sera jamais reflétée au sein de la commission si, comme l'amendement nº 500 le propose, il appartient aux seuls médecins de se prononcer. Le sénateur considère que la composition de la commission, telle que prévue par l'amendement nº 18, est équitable.

L'auteur de l'amendement nº 500 exprime son profond désaccord avec les dernières considérations émises par le précédent intervenant, qui vont à l'encontre de sa conception de la liberté de l'individu et de la dignité de l'homme.

Il demande ce qui se passera si une personne qui souhaite l'euthanasie indique dans sa déclaration qu'elle refuse que son dossier médical soit transmis à la commission d'évaluation parce qu'elle souhaite que l'euthanasie reste une affaire privée entre elle et le médecin qui a pratiqué l'acte.

Une intervenante précédente rappelle que, selon le texte, la commission peut demander des informations complémentaires au médecin, mais elle estime que celui-ci peut refuser en vertu de l'article 458 du Code pénal.

Une membre rejoint la thèse de l'intervenante précédente. Elle relève que l'insertion dans la déclaration de volonté d'une clause interdisant, de quelque manière que ce soit, la communication du dossier à la commission d'évaluation aurait pour conséquence de placer la personne concernée hors du cadre de la loi proposée et la rendrait par conséquent coupable d'un délit pénal.

Le sénateur estime que les affirmations de l'auteur de l'amendement nº 500 témoignent d'un ultra-libéralisme. II cite à ce propos un passage d'un livre de l'actuel Premier ministre, passage à l'égard duquel le Premier ministre a pris entre-temps ses distances, selon lequel toute personne devrait avoir le droit de vivre en dehors de la société. Cela n'est pas acceptable. Si une personne insiste auprès d'un médecin pour que celui-ci ne communique pas son dossier à la commission d'évaluation, le médecin doit, selon le sénateur, refuser de prêter sa collaboration à l'acte d'euthanasie. II va sans dire que les médecins aussi ne peuvent se placer en porte-à-faux par rapport à la société.

L'auteur de l'amendement nº 500 répond que ce n'est pas une question de libéralisme, mais de philosophie individuelle. Il s'agit de la conception que chacun peut avoir du droit à l'autonomie de la personne. Chacun a le droit d'exercer sa liberté individuelle, lorsqu'il s'agit de sa propre mort, en dehors d'un contrôle administratif, social et bureaucratique.

L'intervenant demande s'il peut conclure de ce qui vient d'être dit que, si le patient demande que son dossier ne soit pas transmis à la commission d'évaluation, il ne le sera pas.

Un intervenant précédent réitère que, à son avis, toute personne qui fait insérer dans sa déclaration de volonté une clause stipulant que le dossier relatif à l'euthanasie ne peut être communiqué à la commission d'évaluation se soustrait à l'application de la loi et se rend par conséquent coupable d'un délit pénal.

Un membre fait remarquer à l'auteur de l'amendement nº 500 que les membres des commissions réunies sont d'accord pour reconnaître qu'un contrôle doit être exercé sur tout acte d'euthanasie. Faire l'impasse sur ce point à la fin de la discussion sur la proposition de loi nº 2-244 est faire preuve d'inconséquence.

Un autre membre se demande, après avoir entendu l'intervention de l'auteur de l'amendement nº 500, s'il est nécessaire que la commission lève l'anonymat du patient.

C'est au parquet, le cas échéant, à connaître de cet élément.

Ne suffit-il pas que la commission puisse lever l'anonymat du médecin, afin de pouvoir recueillir des renseignements complémentaires ?

Au terme de cet échange de vues, M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 641), visant à insérer un article 5ter-1 (nouveau) ainsi libellé :

« Art. 5ter-1. ­ Si le patient, dans sa déclaration anticipée ou par toute autre déclaration écrite ou orale devant témoin(s), a manifesté la volonté que son dossier ne soit pas transmis à la commission, il ne l'est pas. »

Un membre déclare qu'on peut effectivement imaginer qu'un patient estime que la question ne concerne que son médecin et lui, mais que l'on ne peut régler la situation en restant dans cette logique unique, car un contrôle doit pouvoir être organisé.

Dans la logique du sous-amendement en discussion, qui va vérifier le contenu de la déclaration du patient ?

L'auteur de l'amendement nº 641 répond que cette vérification n'a pas lieu, puisque la question reste entre le patient et le médecin.

Le précédent intervenant ne peut partager ce point de vue, car il estime qu'en matière d'euthanasie, des critères minutieux doivent être fixés.

L'auteur de l'amendement nº 641 constate que cela signifie que le patient qui demande une euthanasie accepte implicitement, non seulement la procédure, mais aussi le contrôle par la commission d'évaluation et l'éventualité que des données à caractère médical le concernant soient transmises également aux membres non-médecins de cette commission.

Le précédent intervenant répond qu'il estime que l'on ne peut créer des exceptions à la procédure de déclaration.

Amendement nº 498

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 498), tendant à supprimer, à l'alinéa 2 du § 2 de l'article 5bis proposé, les mots « incompatible avec le mandat de membre d'une des assemblées législatives ».

L'auteur précise qu'il peut concevoir une incompatibilité avec un mandat au sein de l'exécutif, mais qu'il n'aperçoit pas la raison pour laquelle il y en aurait une avec le mandat de membre d'une des assemblées législatives.

Un membre répond que, lorsqu'on considère les différents organes existant en matière d'évaluation et de contrôle, une telle incompatibilité est toujours prévue, car il ne convient pas que celui qui fait la loi en contrôle l'application.

Au vu de ces précisions, l'amendement est retiré.

Amendement nº 497

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 497), visant à assurer aux membres de la commission un mandat de 6 ans (au lieu de 4 ans).

L'auteur souligne qu'aux Pays-Bas, le mandat est de 6 ans et que, d'autre part, il ne voit pas de raison de calquer la durée du mandat sur celui des membres des Chambres législatives.

Il lui semble que plus le mandat des membres de la commission est long, plus on garantit leur indépendance, d'autant plus que le mandat est renouvelable.

Amendement nº 501

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 501), ayant pour objet de remplacer les deux dernières phrases de l'alinéa 3 du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« La commission est présidée, alternativement chaque année, par un président d'expression néerlandaise et par un président d'expression française. Le président est élu par l'ensemble des membres. »

L'auteur pense en effet qu'un système de coprésidence est peu efficient.

Amendement nº 624

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 624), tendant à remplacer la dernière phrase de l'alinéa 3 du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit : « Les présidents sont élus à la double majorité des groupes linguistiques respectifs. ».

L'auteur estime en effet qu'il est souhaitable que les présidents bénéficient d'une large confiance, à la fois dans l'ensemble de la commission, et dans leur groupe linguistique.

Il ne s'agit pas d'une juxtaposition d'une commission francophone et d'une commission néerlandophone, mais bien d'une commission unique, où les présidents sont ceux de tous les membres de cette commission.

À titre de comparaison, au Comité consultatif de bioéthique, il y a 4 vice-présidents, dont 2 sont francophones et 2 sont néerlandophones et qui, à tour de rôle, président le Comité durant 1 an.

Chacun de ces vice-présidents est bien l'émanation de l'ensemble du Comité.

Amendement nº 642

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 624 de M. Galand un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 642), qui remplace son amendement nº 501 (lequel est retiré), et tend à faire précéder la phrase proposée de la phrase suivante :

« La commission est présidée alternativement chaque année par un président d'expression néerlandophone et par un président d'expression française. »

Un membre estime que la coprésidence est une forme de garantie supplémentaire quant à l'approche pluraliste et objective des dossiers par la commission d'évaluation.

Une autre membre demande si le président dispose d'une voix prépondérante.

Il lui est répondu que le texte ne le prévoit pas.

L'intervenante en conclut que la question de la coprésidence n'est pas déterminante.

Elle constate que le texte est fort semblable à celui qui régit la commission d'évaluation en matière d'avortement. Elle estime en tout cas important que les deux cultures puissent être représentées au sein de la commission.

Amendement nº 198

M. Vankrunkelsven dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 198), visant à compléter le paragraphe 3 de l'article 5bis proposé par la disposition suivante :

« Chaque chambre doit également constituer une commission ad hoc, conformément à l'article 3, § 4, 2º, dont la composition devra être modifiée tous les six mois. »

L'auteur déclare que cet amendement entre dans le cadre d'un contrôle a priori de l'euthanasie auprès de patients non terminaux. Étant donné que d'autres amendements déposés précédemment par lui ont tous été rejetés, le présent amendement nº 198 est dépourvu d'objet.

L'amendement nº 198 est retiré.

Amendement nº 623

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 623), tendant à remplacer la troisième phrase de l'alinéa 1er du § 2 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« Quatre membres sont juristes, dont deux au moins sont professeurs de droit dans une université belge. »

Il s'agit d'une amélioration de forme, visant à aligner la formulation du texte sur celle utilisée à propos des médecins.

Tel que le texte est rédigé, les quatre membres juristes pourraient tous être avocats.

L'amendement n'élimine pas la possibilité de désigner des avocats, mais elle ne l'impose pas non plus.

Le terme « juriste » vise les licenciés en droit.

Amendement nº 622 (A/B/C)

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 622), qui vise à apporter, à la quatrième phrase de l'alinéa 1er du § 2 de l'article 5bis proposé, les modifications suivantes :

A. Insérer entre les mots « quatre membres » et le mot « sont », les mots « qui sans être médecin ou juriste ».

B. Remplacer les mots « la problématique » par les mots « l'accompagnement ».

C. Insérer après le mot « maladie », les mots « grave et ».

L'auteur renvoie à ce qu'il a déjà exposé à propos des quatre membres juristes. Le sous-amendement en discussion suit, en son point A, la même logique en ce qui concerne le troisième groupe de membres composant la commission, et s'efforce d'améliorer la clarté et la cohérence du texte.

Quant au point B, il vise à donner au texte une dimension plus humaine.

Le point C propose une modification similaire à la formulation retenue à l'article 3.

Amendement nº 655

M. Vankrunkelsven dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 655), visant à insérer un nouvel alinéa au § 2 de l'article 5bis proposé, libellé comme suit :

« La commission ne peut délibérer valablement qu'à la condition que les deux tiers de ses membres soient présents. »

L'auteur déclare que le texte proposé par l'amendement nº 18 ne proposait aucun quorum permettant de statuer valablement. Un tel quorum est pourtant souhaitable, puisque cela permet de prévenir qu'une petite minorité fortuite puisse dominer la prise de décision.

Un membre se rallie à cet amendement qui lui paraît raisonnable, compte tenu de la matière dont il s'agit, et de la mission dévolue à la commission.

Amendement nº 653

M. Vankrunkelsven dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 653), qui vise à remplacer l'article 3 de l'article 5bis proposé par ce qui suit :

« § 3. La commission établit son règlement d'ordre intérieur. Pour l'exercice de ses missions de contrôle, visées à l'article 5quater, la commission peut constituer en son sein une chambre française et une chambre néerlandaise. »

L'auteur se réfère à l'amendement nº 3 C portant sur la composition de la commission et la prise de décision au sein de celle-ci, et qui a été retiré parce qu'il était question dans l'amendement nº 18 de règlement intérieur et de la possibilité de constituer au sein de la commission plusieurs chambres. Il semblerait que ce ne soit plus là l'intention des auteurs de l'amendement nº 18.

L'amendement nº 653 vise donc à pourvoir à cette possibilité. Toutefois, aucune obligation n'est imposée, puisque le terme « peut » est utilisé. Mais le sénateur estime cependant qu'il s'avérera impossible dans la pratique de faire traiter tous les dossiers par la commission.

Par ailleurs, l'intervenant considère que le nombre de membres ne constitue pas la meilleure garantie pour des réunions efficientes. Il faudrait au moins constituer une chambre néerlandaise et une chambre française, comme cela est également le cas pour le Haut Conseil de la Justice.

Un membre déclare qu'il ne voit pas d'inconvénient à permettre à la commission de répartir le travail en son sein. Cependant, sur un tel sujet, l'intervenant ne voit pas ce qui pourrait justifier la constitution d'une chambre française et d'une chambre néerlandaise, si ce n'est, bien évidemment, la capacité de comprendre le contenu des dossiers.

Il est possible, d'ailleurs, que la commission comporte des membres bilingues.

Il faut aussi éviter que se constitue une double jurisprudence, même s'il est prévu que c'est la commission plénière qui prend la décision.

L'intervenant rappelle également que la possibilité de créer des chambres régionales n'a pas été retenue.

Un autre membre se rallie au point de vue du précédent intervenant.

Il rappelle qu'il a été convenu de ne pas interférer dans le règlement d'ordre intérieur, qui réglera l'organisation du travail à la meilleure convenance de la commission, en tenant compte de l'expérience de celle-ci.

Si l'on envisageait de créer une chambre française et une chambre néerlandaise, il faudrait tenir compte aussi de l'existence d'une Communauté germanophone dans notre pays.

Enfin, l'intervenant souligne que le caractère pluriculturel de la société s'affirme de plus en plus, et qu'il convient de ne pas compliquer davantage la situation.

Des interventions qui renvoient la problématique des chambres au règlement intérieur que la commission d'évaluation élaborera, l'auteur de l'amendement nº 653 conclut que les préopinants n'ont aucune objection à l'égard de la constitution de chambres au sein de la commission.

Le sénateur rappelle que notre pays compte deux grandes communautés et que la politique et les institutions sont organisées en fonction de cette donnée. Il se réfère une fois de plus au fonctionnement du Haut Conseil de la Justice qui, pour ses avis, s'appuie sur le travail fourni par les différentes chambres et signale qu'il arrive parfois que certains dossiers soient traités par une seule chambre, en fonction de l'appartenance linguistique de la personne concernée.

C'est la raison pour laquelle l'intervenant ne voit aucune raison pour laquelle il ne serait pas possible d'introduire le même système à l'intérieur de la commission. Comme il faut prendre garde à ne pas surestimer le bilinguisme de la majorité des Belges, il sera nécessaire, si l'on renonce à l'instauration de chambres distinctes, de faire appel à la traduction simultanée et autres modalités similaires. Cela va à l'encontre de l'évolution en cours qui tend vers l'instauration d'un cadre constitutionnel confédéral dans ce pays.

Amendements nºs 625, 630 et 631

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 625), tendant à supprimer la deuxième phrase du § 3 de l'article 5bis proposé.

L'auteur estime que, si la commission établit elle-même son règlement d'ordre intérieur, il n'y a pas lieu d'en préciser déjà une partie du contenu.

Tel qu'il est rédigé, le texte pourrait induire la constitution de chambres à caractère linguistique.

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 630), allant dans le même sens.

Un membre rappelle qu'il avait été convenu, au cours de la discussion, de supprimer la référence à des « chambres ».

L'amendement nº 630 est retiré au profit de l'amendement nº 625.

Mme Nyssens avait également déposé à l'amendement nº 18 un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 631), subsidiaire à son sous-amendement nº 630, et tendant à compléter le § 3, premier alinéa, de l'article 5bis proposé par ce qui suit : « Ces chambres sont composées de manière à refléter la composition de la commission. »

Si le sous-amendement nº 625 est adopté, ce sous-amendement nº 631 deviendra sans objet.

Votes

L'amendement nº 481 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 564 de Mme Nyssens est devenu sans objet.

L'amendement nº 442 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 650 de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 20 voix contre 5 et 5 abstentions.

L'amendement nº 443 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 2 et 10 abstentions.

L'amendement nº 487 de Mme de T' Serclaes est adopté par 20 voix et 9 abstentions.

L'amendement nº 496 de M. Destexhe est retiré.

L'amendement nº 516 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est retiré.

L'amendement nº 506A de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 20 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 488 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 444 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 499 de M. Destexhe est rejeté par 27 voix contre 2.

L'amendement nº 517 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 490 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 445 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 500 de M. Destexhe est rejeté par 28 voix contre 1.

L'amendement nº 518 A/B/C/D de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 521 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 623 de M. Galand est rejeté par 19 voix contre 2 et 7 abstentions.

L'amendement nº 520 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 519 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 522 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 523 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 622A de M. Galand est rejeté par 16 voix contre 1 et 12 abstentions.

L'amendement nº 622B de M. Galand est rejeté par 14 voix contre 10 et 5 abstentions.

L'amendement nº 622C est rejeté par 14 voix contre 14 et 1 abstention.

L'amendement nº 498 de M. Destexhe est retiré.

L'amendement nº 446 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 489 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 497 de M. Destexhe est rejeté par 26 voix contre 1 et 2 abstentions.

L'amendement nº 524 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 599 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 15 voix contre 1 et 10 abstentions.

L'amendement nº 600 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 602 (A, B et C) de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 603 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 525 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 527 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 526 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 501 de M. Destexhe est retiré.

L'amendement nº 528 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 529 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 624 de M. Galand est rejeté par 23 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 642 de M. Destexhe est devenu sans objet.

L'amendement nº 530 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 580 de M. Remans et consorts est retiré.

L'amendement nº 655 de M. Vankrunkelsven est adopté par 19 voix contre 1 et 6 abstentions.

L'amendement nº 506B de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 15 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 653 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 23 voix contre 1 et 5 abstentions.

Les amendements nºs 630 et 631 de Mme Nyssens sont retirés.

L'amendement nº 198 de M. Vankrunkelsven est devenu sans objet.

L'amendement nº 506C de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 20 voix contre 9.

L'amendement nº 625 de M. Galand est adopté par 20 voix et 8 abstentions.

L'amendement nº 531 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 532 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 9 et 1 abstention.

Les amendements nºs 533 et 534 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont devenus sans objet.

L'amendement nº 604 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9 et 3 abstenstions.

L'amendement nº 535 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est devenu sans objet.

Les amendements nºs 566 et 567 de Mme de T' Serclaes sont devenus sans objet.

L'article 5bis tel que proposé par l'amendement nº 18, et tel que sous-amendé, est adopté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

Article 5ter (article 7 du texte adopté)

Amendement nº 18

Mme De Roeck et consorts dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 18), tendant à insérer après l'article 5 un chapitre IVbis nouveau, comportant des articles 5bis à 5novies nouveaux.

L'article 5ter est libellé comme suit :

« Art. 5ter. ­ La commission établit un document d'enregistrement qui doit être complété par le médecin pour chaque cas d'euthanasie.

Ce document est composé de deux parties. La première partie doit être scellée par le médecin. Elle contient les données suivantes :

1º les nom, prénoms, domicile, du patient;

2º les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et domicile du médecin traitant;

3º les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et domicile du (des) médecin(s) qui a (ont) été consulté(s) concernant la demande d'euthanasie;

4º les nom, prénoms, domicile et qualité de toutes les personnes consultées par le médecin traitant, ainsi que la date de ces consultations;

5º s'il existait une déclaration de volonté et qu'elle désignait un ou plusieurs mandataires, les nom et prénoms du mandataire qui est intervenu.

Ce premier volet est confidentiel. Il est transmis par le médecin à la commission. Il ne peut être consulté qu'après une décision de la commission, et ne peut en aucun cas servir de base à la mission d'évaluation de la commission.

La deuxième partie contient au moins les données suivantes :

1º le sexe et la date et lieu de naissance du patient;

2º la date, le lieu et l'heure du décès;

3º la mention de l'affection accidentelle ou pathologique grave et incurable dont souffrait le patient;

4º la nature de la détresse ou de la souffrance qui était constante et insupportable;

5º les raisons pour lesquelles cette souffrance pouvait être qualifiée d'inapaisable;

6º s'il y a lieu de parler d'une demande expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante;

7º si l'on pouvait estimer que le décès aurait lieu à brève échéance;

8º s'il existe une déclaration de volonté;

9º la procédure suivie par le médecin;

10º la qualification du ou des médecins consultés, et la date de ces consultations;

11º la qualité des personnes consultées par le médecin, et la date de ces consultations;

12º la manière dont l'euthanasie a été effectuée et les moyens utilisés. »

Pour la justification de cet amendement, il est renvoyé aux explications précédemment fournies par l'auteur principal de l'amendement.

Amendement nº 447

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 447), tendant à remplacer, à l'alinéa 1er de l'article 5ter proposé, les mots « pour chaque cas d'euthanasie » par les mots « chaque fois qu'il pratique une euthanasie ».

L'auteur estime en effet qu'il importe que ce soit le médecin qui a pratiqué l'euthanasie qui complète le document d'enregistrement.

Amendement nº 507

Voir ci-avant, amendements nºs 506 à 510.

Amendement nº 536

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 536) visant à conférer au Roi, et non pas à la commission d'évaluation, le pouvoir de dresser le document d'enregistrement.

Un des auteurs fait remarquer que l'article 5ter proposé dispose que la commission d'évaluation fédérale dresse elle-même le document d'enregistrement.

On s'est manifestement inspiré de la loi du 13 août 1990 relative à l'intitution d'une commission d'évaluation pour l'interruption de la grossesse : là aussi, la loi prévoit que la commission établit elle-même le document d'enregistrement.

Ce n'était pas une mince affaire et, en fin de compte, l'enregistrement des interruptions de grossesse n'a commencé que le 1er octobre 1992, soit plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi du 3 avril 1990. Telle que la proposition est rédigée, la commission ne peut établir ce document qu'une fois la proposition de loi entrée en vigueur et après constitution de la commission, ce qui demandera du temps. Puisque par hypothèse la loi est d'application et que l'observation de l'obligation de communiquer ne fait l'objet d'aucune sanction, l'euthanasie peut être pratiquée en toute impunité et sans le moindre contrôle a posteriori. Si cette situation persiste un ou deux ans, ne risque-t-on pas de voir apparaître des pratiques que l'on ne pourra plus réprimer par la suite ?

II est dès lors indiqué que ce soit le Roi qui établisse ce document; de plus, le document doit être disponible dès le premier jour de l'entrée en vigueur de la loi.

Un membre répond que l'une des conditions pour qu'il n'y ait pas infraction est la déclaration à la commission d'évaluation. Cette commission doit évidemment exister pour que cette formalité puisse être accomplie.

L'intervenant précédent rappelle, compte tenu de la tâche de la commission, qui est très importante étant donné qu'elle est appelée à statuer sur l'application du droit pénal, qu'il importe que la fonction de contrôle puisse être exercée immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi. Autrement, l'on s'expose au risque de créer une situation dans laquelle l'euthanasie peut être pratiquée en toute impunité. C'est ce qu'il faut éviter à tout prix. D'où l'amendement nº 536 qui octroie au Roi le pouvoir de dresser le formulaire d'enregistrement.

Amendement nº 612A

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 612A), visant à préciser que le médecin, dont il est question à l'article 5ter et qui doit compléter le formulaire d'enregistrement, est également le médecin ayant procédé à l'euthanasie.

Un membre déclare que, conformément au texte proposé par l'amendement nº 18, il est parfaitement possible que ce soit le médecin consulté ou le médecin traitant qui a connu le patient durant une longue période qui complète le formulaire d'enregistrement. Et ce n'est probablement pas le but recherché. L'amendement nº 612A entend éliminer toute confusion à cet égard.

Un membre rappelle que l'acception donnée à l'expression « médecin traitant » dans l'ensemble de la proposition de loi est celle de « médecin qui a pratiqué l'euthanasie ».

Un membre ajoute qu'il y a des cas où le médecin traitant, au sens ordinaire du terme, bien qu'il fasse appel à un autre médecin qui pratiquera l'euthanasie, restera présent, et demeurera, aux yeux du patient, et dans le système des soins de santé, le « médecin traitant ».

L'intervenant trouve dommage qu'on n'ait pas pu trouver une solution à ce problème de terminologie, même si, à ses yeux, le texte ne donne lieu à aucune équivoque quant au sens des termes « médecin traitant » dans le contexte de la loi en préparation.

Une intervenante précédente considère que les répliques illustrent clairement l'utilité de l'amendement nº 612A. Elle rejoint la thèse de l'intervenant précédent selon laquelle ce n'est pas nécessairement le médecin traitant qui procède effectivement à l'euthanasie. II y a donc possibilité d'interpréter. Toutefois, dans l'intérêt de la mission de la commission de contrôle, il importe que ce soit le médecin procédant à l'euthanasie qui remplisse le formulaire d'enregistrement.

Un membre considère que la possible confusion tient en partie au fait que le terme français « médecin traitant » n'a pas toujours la même acception que le terme néerlandais de « behandelende arts ». Peut-être serait-il préférable de parler en néerlandais de « handelende arts » (« médecin instrumentant »), c'est-à-dire le médecin ayant pratiqué l'euthanasie et qui n'est pas nécessairement le médecin traitant.

Une autre membre confirme que la notion de « médecin traitant » a, en français, une connotation différente des termes néerlandais « behandelende arts », puisqu'elle évoque le médecin de famille.

À cet égard, l'intervenante note une discordance entre le texte français et le texte néerlandais, dans la première phrase de l'article 5quater, où les termes « behandelende arts » sont traduits simplement par « médecin ».

L'intervenant précédent rappelle que, en néerlandais, il faut entendre par les termes « behandelende arts », le médecin instrumentant, c'est-à-dire celui qui pratique l'euthanasie. Dans ce contexte, il ne faut pas se référer à l'acception générale du terme.

Un intervenant précédent fait remarquer que l'amendement nº 612 a trait au premier alinéa de l'article 5ter proposé où il n'est absolument pas question de « médecin traitant », mais simplement de « médecin ». Toutefois, aux termes de l'article 3 de la proposition de loi, plusieurs médecins sont impliqués dans l'acte d'euthanasie. Le membre tient à souligner que le formulaire d'enregistrement doit être complété par le médecin ayant pratiqué l'euthanasie. C'est bien là toute la portée de l'amendement nº 612A.

Un membre estime que si l'article 5ter doit être modifié, cette modification devra être répercutée partout dans la proposition de loi.

Amendement nº 612B

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 612B), qui vise à faire adopter l'utilisation des termes « le même médecin » en lieu et place du terme « médecin ».

Une membre explique qu'il s'agit d'établir clairement que le médecin concerné est bien celui qui a pratiqué l'euthanasie. Elle renvoie à la discussion qui a été menée lors des débats sur l'amendement nº 612A.

Un autre membre estime qu'il y a lieu de déterminer une terminologie cohérente.

Amendement nº 569

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 569), tendant à remplacer l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« Ce document est composé de deux parties. La première partie contient les données suivantes : »

L'auteur estime en effet qu'il n'y a pas lieu de prévoir de volet scellé; les membres de la commission chargés du contrôle doivent pouvoir avoir accès aux données individuelles tout en étant astreints aux règles du secret professionnel. C'est la situation existant aux Pays-Bas.

Un membre est d'avis que l'anonymat prévu par l'amendement nº 18 est préférable. On écarte ainsi un élément qui pourrait, même involontairement, influencer l'avis de la commission.

La formule de l'anonymat offre plus de garanties d'un examen objectif, avec le recul nécessaire par rapport au dossier.

Amendement nº 537

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 537) visant à remplacer les termes « du médecin traitant » utilisés dans le deuxième alinéa, deuxième tiret, de l'article 5ter proposé par les termes « du médecin ayant pratiqué l'euthanasie ».

Un des auteurs déclare que l'expression « le médecin traitant » peut prêter à confusion, dès lors que la proposition de loi permet aussi à des médecins autres que le « médecin traitant » de pratiquer l'euthanasie (par exemple, si ce médecin invoque une objection de conscience, conformément à l'article 6 de la proposition de loi).

Voilà pourquoi il convient de prévoir que « le médecin qui a pratiqué l'euthanasie » consigne les données dont il dispose dans le document d'enregistrement.

Un membre opine dans ce sens et déclare être disposé à soutenir l'amendement.

Un autre membre fait observer que si l'expression « le médecin ayant pratiqué l'euthanasie » est utilisée dans ce passage, celle-ci devra être reprise dans tout le texte, puisque à d'autres endroits il est systématiquement question de « médecin traitant ».

Amendement nº 448

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 448), tendant à remplacer, à l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé, le mot « parties » par le mot « volets » et les mots « La première partie doit être scellée » par les mots « Le premier volet doit être scellé ».

L'auteur observe en effet que l'article 5ter parle tantôt de partie, tantôt de volet. Il conviendrait de veiller à l'uniformité de la terminologie utilisée.

Amendement nº 645

MM. Galand et Destexhe déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 645), visant à apporter à l'article 5ter proposé les modifications suivantes :

A. À l'alinéa 2, remplacer les mots « deux parties » par les mots « trois parties » et supprimer les mots « les données suivantes », ainsi que le 1º.

B. Au même alinéa, faire précéder le 2º, qui devient le 1º, des mots « La deuxième partie doit être scellée par le médecin. Elle contient les données suivantes : ». Renuméroter les 3º, 4º, 5º en 2º, 3º, 4º.

C. À l'alinéa 3, remplacer les mots « ce premier volet est » par les mots « ces deux premiers volets sont », et remplacer les mots « Il est » par les mots « Ils sont ».

D. Au même alinéa, au début de la deuxième phrase, remplacer le mot « Il » par les mots « Le premier volet reste confidentiel tandis que le deuxième volet ... »

E. Au début de l'alinéa 4, remplacer les mots « La deuxième » par les mots « La troisième ».

L'un des auteurs précise que l'amendement tend à opérer la distinction entre les trois volets du formulaire d'enregistrement, conformément à ce qui a été dit précédemment.

Amendement nº 449

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 449), tendant à insérer, à l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé, un 2ºbis rédigé comme suit : « 2ºbis les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et domicile du médecin qui a complété le document d'enregistrement; ».

L'auteur souligne que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie et complété le document d'enregistrement n'est pas nécessairement toujours le médecin traitant.

En cas de doute, la levée de l'anonymat permet essentiellement à la commission de prendre connaissance du dossier médical. Elle peut y avoir accès le plus simplement en contactant le médecin qui a pratiqué l'euthanasie, lequel n'est pas toujours le médecin traitant.

Un membre déclare que le médecin concerné est celui qui a pratiqué l'euthanasie et donc, qui a fait la déclaration.

L'auteur de l'amendement demande pourquoi, dans ce cas, le texte parle du « médecin traitant ».

Le précédent intervenant répond que ces termes visent le médecin qui a pratiqué l'euthanasie.

C'est l'acception qui leur est donnée dans le texte, par opposition au sens habituel de « médecin de famille ».

Amendement nº 538

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 538) visant à insérer à l'alinéa 2, 4º, de l'article 5ter proposé, entre le mot « consultées » et le mot « par », les mots « au sujet de la requête ou de la déclaration de volonté du patient ».

Un des auteurs constate que le texte proposé prévoit uniquement que les données d'identification des personnes que le médecin a consultées doivent être consignées dans le document d'enregistrement.

Aux termes des articles 3 et 4 de la proposition, le médecin peut se contenter de « consulter » un deuxième, voire un troisième médecin.

Or, les articles 3 et 4 prévoient que le médecin est tenu de se concerter avec l'équipe soignante, la personne de confiance et les proches du patient au sujet de la requête du patient.

Afin de lever toute ambiguïté, l'ajout proposé s'avère donc indispensable.

Amendement nº 539

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 539), visant à faire adopter au deuxième alinéa, 4º, de l'article 5ter proposé, l'expression « médecin traitant » en lieu et place de l'expression « le médecin ayant pratiqué l'euthanasie ».

Un des auteurs est d'avis qu'il ne convient pas de verser au dossier les données des personnes que le « médecin traitant » a consultées, mais celles des personnes que le médecin ayant pratiqué l'euthanasie a consultées.

« Médecin traitant » et « médecin ayant pratiqué l'euthanasie » ne sont en effet nullement synonymes (par exemple, si le médecin traitant a refusé de pratiquer l'euthanasie comme l'article 6 l'autorise à le faire).

Amendement nº 450

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 450), visant à remplacer le 5º de l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé par ce qui suit : « 5º s'il existait une déclaration de volonté, les nom, prénoms et domicile de la (ou des) personne(s) de confiance éventuelle(s) ainsi que des témoins qui sont intervenus; »

L'auteur précise que l'anonymat doit être levé tant en ce qui concerne la personne de confiance que les témoins.

Cependant, en principe, si le médecin a agi conformément à la loi, la déclaration anticipée doit se trouver dans le dossier médical avec l'indication de la personne de confiance et des témoins. Or, pour exercer un véritable contrôle en cas de doute, la commission doit prendre connaissance de ce dossier médical.

Un membre s'accorde avec la philosophie qui sous-tend cet amendement, et selon laquelle il doit s'agir d'un véritable contrôle individuel, comme cela se pratique aux Pays-Bas.

Amendement nº 575

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 575), tendant à remplacer le 5º de l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« 5º la demande écrite telle que prévue à l'article 3, § 4, ou la déclaration anticipée telle que visée à l'article 4, § 1er, ainsi que le nom de la ou des personnes de confiance éventuellement désignées dans celle-ci. »

Elle précise que cet amendement prend en compte les modifications apportées par les auteurs de l'amendement nº 18 aux articles 3 et 4.

Un membre déclare que l'adoption de l'amendement pourrait s'avérer utile. L'ajout de l'adresse ne représente pas un plus grand danger que la mention du nom de l'intéressé qui est déjà connu, mais pourrait contribuer à une recherche plus efficace de la personne concernée.

Amendement nº 568

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 568), visant à remplacer l'alinéa 3 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« Ce premier volet est confidentiel. Seuls peuvent en avoir connaissance les membres chargés de la mission de contrôle. Ce volet ne peut en aucun cas servir de base à la mission d'évaluation de la commission. »

L'auteur de l'amendement souligne qu'elle persiste à penser que le contrôle doit être un véritable contrôle individuel, et non un contrôle sur la base de données anonymes.

C'est pourquoi elle avait déposé un autre amendement, tendant à supprimer la disposition selon laquelle la première partie est scellée par le médecin.

Dans le droit fil de cet amendement, l'alinéa 3 de l'article 5ter doit également être modifié.

Aux yeux de l'auteur de l'amendement, il est clair que le premier volet est confidentiel en ce sens que les membres de la commission sont astreints au secret professionnel en ce qui concerne toutes les données personnelles.

Par contre, l'amendement ne reprend pas les termes « Il ne peut être consulté qu'après une décision de la commission », car l'auteur estime que l'anonymat ne vaut pas pour les membres de la commission, qui doivent pouvoir faire leur travail, sur la base de données non anonymes, tant à propos du médecin que du patient, comme c'est le cas aux Pays-Bas.

Une membre se demande si une telle communication d'un dossier médical à une commission présente les garanties nécessaires pour que le secret médical soit préservé. Dans le cadre d'une procédure judiciaire, un magistrat peut avoir accès à ce dossier.

L'intervenante présume que, dans le texte proposé, on fait un parallèle en donnant aux membres de la commission le même pouvoir qu'à un magistrat de lever le secret médical, alors qu'il s'agit là d'une matière très sensible.

L'intervenante s'interroge aussi sur le problème de possibles conflits d'intérêts, dont il a déjà été question.

L'amendement déposé par les six auteurs à ce sujet ne la satisfait pas.

Une autre membre fait remarquer que la première partie du dossier médical, la partie confidentielle, n'est pas immédiatement accessible. II y a d'abord une discussion avec le médecin. Cette partie du dossier ne sera ouverte que si un problème a été constaté.

La membre renvoie à des amendements introduits précédemment et qui ont également trait à la déontologie que les membres de la commission doivent respecter. Elle est d'avis que le problème soulevé par l'auteur de l'amendement nº 568 serait résolu par l'adoption de ces amendements.

Par ailleurs, l'intervenante insiste sur le fait que les membres de la commission qui sont médecins ou juristes sont liés par leur code de déontologie.

L'auteur de l'amendement nº 568 répond qu'à l'heure actuelle, seul un magistrat, dans le cadre d'une instruction judiciaire, peut passer outre au secret professionnel qui entoure le dossier médical.

Il faut à la fois encourager le médecin à inscrire dans le dossier médical un maximum de données ­ ce qui n'est pas toujours le cas à l'heure actuelle ­, et garantir la confidentialité des données et la protection de la vie privée du patient.

Il faut réfléchir davantage à ce que peut faire la commission par rapport au secret médical.

Il a été dit qu'elle ne disposait pas de pouvoirs juridictionnels.

L'intervenante estime dès lors qu'elle ne peut pas ouvrir le dossier médical.

Si la commission ne peut pas avoir accès aux dossiers, cela signifie, selon l'intervenante, qu'il faudrait les envoyer presque systématiquement à la justice, faute de quoi il n'y aurait aucun contrôle.

Un membre estime que le débat sur l'amendement nº 568 pèche par la confusion qui y règne sur certaines choses. Sur la base du formulaire d'enregistrement, la commission peut obtenir des informations concernant les circonstances dans lesquelles l'euthanasie a été pratiquée. Si elle l'estime nécessaire, elle peut demander des informations complémentaires. Mais cela signifie pas pour autant que la commission peut prendre connaissance du dossier médical.

S'il s'avère que les informations figurant dans le formulaire d'enregistrement et les informations complémentaires sont insuffisantes, la commission peut décider de transmettre le dossier au ministère public, mais elle n'est nullement tenue de le faire. S'il appert que les conditions et les procédures ont été respectées, la commission ne communiquera pas le dossier au parquet. II n'appartient pas à la commission d'évaluation de se substituer dans sa tâche au rôle du juge. La commission se bornera à transmettre le dossier ou bien ne le transmettra pas. II ne saurait être question que la commission prenne connaissance du dossier médical et procède sur cette base à un contrôle.

L'intervenante précédente se réfère à l'énumération exacte des données qui doivent être communiquées à la commission d'évaluation conformément à l'article 6ter. Cette énumération ne fait pas mention du dossier médical. Par ailleurs, cette énumération doit être considérée en conjonction avec l'article 5octies proposé qui porte sur l'obligation de confidentialité à laquelle toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues à l'égard desdites données.

Par ailleurs, sans préjudice des données qui doivent obligatoirement être communiquées, les membres de la commission ne peuvent avoir accès qu'à certaines parties du dossier médical et ce à la faveur d'une discussion avec le médecin traitant. Ce n'est que s'il s'avère que les données sont insuffisantes que le dossier peut être communiqué au procureur du Roi.

L'auteur de l'amendement nº 568 répond qu'en vertu de l'article 5quater, la commission peut demander au médecin traitant de lui communiquer tous les éléments du dossier médical relatifs à l'euthanasie.

Que se passe-t-il si le médecin refuse de communiquer ces éléments, estimant qu'il est soumis au secret professionnel et qu'il ne peut fournir de tels renseignements à une commission qui n'a aucun statut juridictionnel ?

La commission doit, en principe, dans ce cas, transmettre le dossier au parquet.

Une pression existe donc sur le médecin pour qu'il fournisse les éléments demandés, en raison de ce risque de transmission du dossier à la justice.

L'intervenante précédente répond que la commission examine, sur la base des informations dont la communication est obligatoire, et plus précisément la deuxième partie qui ne relève pas de l'obligation de confidentialité, si les conditions et procédures prévues par la présente proposition de loi ont été respectées. Si les membres de la commission estiment que ces données n'offrent pas suffisamment de clarté ou s'ils présument que l'euthanasie n'a pas été réalisée selon les règles applicables, ils pourront décider de prendre connaissance de la partie confidentielle du dossier médical et se mettre en relation avec le médecin auquel ils pourront demander des éclaircissements. Pour des raisons déontologiques, le médecin peut décider de fournir ces éclaircissements mais il peut également s'y refuser. Ensuite, les membres de la commission devront déterminer à la majorité de deux tiers s'ils ont reçu des réponses satisfaisantes à leurs questions. Si tel n'est pas le cas ou si des doutes subsistent, ils communiqueront le dossier au parquet.

Un membre fait observer que l'article 5quater prévoit que la commission peut demander au médecin de lui communiquer des éléments. Ce texte ne dit pas que le médecin doit les communiquer.

L'intervenant pense qu'il vaudrait mieux que la commission, si elle lève l'anonymat, avertisse le médecin traitant, pour qu'il ne l'apprenne pas par le parquet. Si la commission lève l'anonymat, c'est qu'elle a un doute sur une pièce.

Il serait bon qu'elle prenne contact avec le médecin ­ non pas pour l'obliger à venir, car ce serait alors une commission d'enquête ­ mais pour lui proposer une entrevue.

S'il refuse, il prend ses responsabilités. S'il accepte, il va s'expliquer avec des confrères et avec les autres membres de la commission, et cela suffira peut-être pour éclairer celle-ci.

C'est pourquoi l'intervenant dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 629), en vue de prévoir à l'alinéa 1er de l'article 5quater que la commission demande au médecin traitant s'il souhaite la rencontrer, afin de préciser oralement sa démarche et son action. Ceci montre que l'objectif est de rendre possible et d'encourager la discussion entre le médecin et la commission.

Il va de soi que si la commission le souhaite de son côté, elle peut inviter le médecin à se faire entendre, sans que ce médecin y soit obligé.

La commission se forgera un avis sur la base de cet élément parmi d'autres.

On se trouve ainsi dans le cadre d'une procédure d'évaluation, non juridictionnelle.

En ce qui concerne le secret professionnel, les juristes et les médecins ont un code de déontologie.

Les quatre autres membres composant la commission n'en ont en principe pas.

Enfin, en ce qui concerne le terme « juger » contenu à l'alinéa 3 de l'article 5quater, l'intervenant l'estime inapproprié.

Une membre conclut de ce qui vient d'être dit que l'on ne touche pas à l'article 458 du Code pénal, ce qui signifie qu'aucun médecin n'est obligé de répondre à la demande éventuelle de la commission de communiquer les éléments d'un dossier médical.

Par ailleurs, si les médecins ne voient généralement pas d'objection à s'exprimer devant leurs pairs, l'intervenante se demande s'il en ira de même face à des juristes et à des représentants de la société civile.

Enfin, la commission ne rend pas une décision ni un jugement, mais bien un simple avis.

Cependant, pour transmettre un dossier à la justice, elle doit opérer un premier examen au fond, faute de quoi il s'agirait d'une procédure purement formelle.

Une intervenante précédente déclare accueillir favorablement la suggestion d'informer le médecin traitant de l'intention des membres de la commission de prendre connaissance de la partie confidentielle du formulaire d'enregistrement. Cela va nettement plus loin que la justification accompagnant l'amendement nº 18 où il est uniquement question du fait que l'on peut demander à entendre le médecin.

Par ailleurs, la membre souhaite trouver une solution pour les membres de la commission d'évaluation qui ne sont ni juristes, ni médecins, et qui, par conséquent, ne sont pas liés par les codes de déontologie de ces deux catégories de profession.

Un membre rappelle que l'article 5octies lie tous les membres de la commission.

L'entrevue entre le médecin et la commission ne peut être qualifiée de comparution. Il s'agit d'une rencontre où les membres de la commission cherchent à être éclairés.

Si le médecin souhaite compléter les informations qu'il a données, il se rendra à cet entretien, mais il n'y est pas obligé.

Mais, dans un tel système, il serait, en tout cas, automatiquement averti que l'anonymat est levé.

Quant aux réticences des médecins à parler devant d'autres personnes que leurs pairs, la commission pourrait, en vertu de son règlement d'ordre intérieur, décider que ce seront ses membres médecins qui rencontreront leur confrère, ou prévoir que le médecin peut formuler une telle demande, tout au moins dans un premier temps.

Amendement nº 540

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 540), visant à remplacer le terme de « mandataire » par le terme « personne de confiance ».

Amendement nº 541

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 541), visant à insérer à l'alinéa 2, 5º, de l'article proposé, le domicile dans la liste des informations figurant sur la partie anonyme du formulaire d'enregistrement.

Amendement nº 571

Mme Vanlerberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 571), visant à remplacer le terme « mandataire » par le terme « personne de confiance ».

L'auteur principal constate qu'un amendement ayant le même objet a été présenté par M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere (doc. Sénat, nº 2244/18, nº 540).

L'amendement nº 571 est retiré au profit de l'amendement nº 540.

Amendement nº 542

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 542), visant à compléter l'alinéa 2, 5º, de l'article 5ter proposé par la disposition suivante : « les nom, prénoms et domicile des témoins en présence de qui la déclaration de volonté a été faite ».

Un des auteurs estime qu'il y a lieu de faire figurer également dans le volet anonyme du document d'enregistrement les données d'identification des témoins en présence desquels la déclaration de volonté a été dressée. Le fait de faire figurer l'identité de ces personnes dans le document permettra également de contrôler si aucune d'entre elles n'avait effectivement d'intérêt matériel au décès du patient.

Amendement nº 543

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 543) tendant à compléter l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé par un 6º, rédigé comme suit :

« 6º si le patient n'était pas en état d'acter sa requête par écrit ou s'il était physiquement dans l'impossibilité permanente de rédiger et de signer une déclaration de volonté, les nom, prénoms, domicile et date de naissance de la personne qui a acté par écrit cette requête ou la déclaration de volonté. »

Dans l'hypothèse où le patient n'a pas pu acter sa requête orale par écrit ou n'a pas pu rédiger lui-même sa déclaration de volonté, il y a lieu d'identifier la personne qui l'a fait à sa place dans le volet anonyme du document d'enregistrement.

Vu que les articles 3 et 4 disposent que cette personne doit être majeure, il y a lieu de mentionner également sa date de naissance.

Inclure l'identification de cette personne permet en outre de déterminer si celle-ci n'a pas eu d'intérêt matériel au décès du patient.

Une membre renvoie à l'amendement nº 451 qu'elle a déposé, et qui est similaire.

Un autre membre estime que la portée de l'amendement nº 543 est plus large que celle de l'amendement nº 451.

Amendement nº 451

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, 2-244/17, amendement nº 451), tendant à compléter l'alinéa 2 de l'article 5ter proposé par un 6º, libellé comme suit :

« 6º les nom, prénoms et domicile de la personne qui a rédigé la requête écrite ou la déclaration anticipée à la place du patient dans le cadre de l'article 3 ou de l'article 4. »

L'auteur estime en effet essentiel de disposer des coordonnées de la personne qui a rédigé une requête écrite d'euthanasie ou une déclaration anticipée à la place du patient conscient mais qui n'était pas en état de la rédiger.

Amendement nº 452

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 452), tendant à remplacer, dans la première phrase de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, les mots « la deuxième partie » par les mots « le deuxième volet », afin d'utiliser une terminologie uniforme.

Amendement nº 453

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 453), tendant à compléter le 1º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, par les mots « ainsi que des indications concernant la capacité juridique du patient, sa lucidité ou son état de conscience ».

L'auteur précise que cet amendement est en conformité avec les articles 3 et 4. De plus, le mot « lucidité » est conforme à ses précédents amendements soucieux de rendre compte de la distinction qui existe par rapport à un patient toujours capable juridiquement mais se trouvant dans un état d'incapacité de fait ou souffrant de manque de lucidité.

Amendement nº 454

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 454), tendant à insérer, à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 1ºbis, rédigé comme suit : « 1ºbis le sexe, la date et le lieu de naissance du médecin qui a complété le document d'enregistrement; ».

L'auteur estime que ces données sont tout aussi essentielles pour faire de ce document un outil statistique valable. Elle renvoie à ce sujet à la législation relative à la commission d'évaluation en matière d'avortement, ainsi qu'aux rapports établis tous les deux ans par cette commission.

Un membre fait remarquer que lorsqu'un médecin signe un document particulier, il mentionne également son numéro d'affiliation à l'Ordre des médecins. Ceci permet de retrouver toutes les informations nécessaires.

Un autre membre estime que requérir l'indication du sexe du médecin qui a complété le document d'enregistrement est peu opportun. C'est présupposer qu'en matière d'euthanasie, les pratiques des médecins pourraient différer selon leur sexe, alors que précisément, on s'efforce, de façon générale, de promouvoir l'égalité des sexes.

L'auteur de l'amendement nº 454 fait observer que le texte de l'amendement principal nº 18 impose de préciser le sexe du patient. La disposition qu'elle propose requiert la même mention en ce qui concerne le médecin.

Il s'agit d'une des données générales que l'on collecte habituellement pour la mise au point d'un outil statistique.

Il est intéressant de connaître le profil des médecins concernés, pour apprécier l'évolution des pratiques et des mentalités au sein du corps médical.

Un membre se rallie à la thèse du préopinant selon laquelle le numéro d'affiliation à l'Ordre des médecins est suffisant pour obtenir le cas échéant toutes les informations relatives à ce médecin.

Un autre membre estime qu'il n'y a pas lieu d'insister systématiquement sur la mention du sexe de la personne concernée.

Amendement nº 502

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 502), tendant à supprimer les mots « au moins » dans la première phrase de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé.

L'auteur estime que les données prévues sont largement suffisantes pour l'évaluation.

Amendement nº 503

M. Destexhe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 503), tendant à insérer, dans la première phrase de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, les mots « est également confidentielle et » après les mots « la deuxième partie ».

En effet, le texte ne mentionne pas explicitement, comme pour la première partie du document d'enregistrement, la confidentialité des données de la deuxième partie de ce document, qui est anonyme. Or, cela est très important, compte tenu notamment du nombre de renseignements demandés.

Un membre déclare être d'accord avec l'objet de l'amendement.

Deux autres membres se demandent quelle est l'utilité du sous-amendement, puisque l'article 5octies prévoit explicitement la règle de confidentialité.

L'auteur de l'amendement nº 503 répond qu'on mentionne explicitement cette règle pour la première partie du document d'enregistrement. Soit on s'en tient au seul article 5octies, soit on répète la règle pour les deux parties du document.

Une intervenante précédente déclare que si cela est prévu pour la partie non confidentielle, il en va automatiquement de même pour la partie confidentielle.

Amendement nº 455

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 455), visant à remplacer le 2º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« 2º la date, l'heure et le lieu de l'euthanasie et du décès; ».

L'auteur souligne que les deux moments ne coïncident pas toujours. Ces données peuvent être mises en relation avec les données concernant les moyens utilisés pour pratiquer l'euthanasie (12º).

Amendement nº 544

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 544), visant à prescrire non seulement l'indication de l'heure du décès, mais également celle de l'heure à laquelle l'euthanasie a été pratiquée.

Un des auteurs constate que cet amendement a la même portée que l'amendement nº 455.

Amendement nº 605

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 605), visant à compléter le 3º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par les mots « , son évolution ainsi que les différents soins prodigués. ».

Cet amendement tend à permettre à la commission de se former une meilleure idée du parcours et de la situation médicale du patient, ainsi que de la réponse qui lui est apportée en termes de soins.

Amendement nº 456

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 456), tendant à supprimer, au 4º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, les mots « de la détresse ou ».

Cet amendement vise à assurer la concordance de l'article 5ter avec l'article 3.

Amendement nº 545

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 545), visant à inscrire à l'article 5ter que le formulaire d'enregistrement doit également mentionner les informations concernant les discussions que le patient a eues avec le médecin.

Un des auteurs fait remarquer que l'article 3, § 2, 2º, dispose que le médecin doit s'assurer de la persistance de la souffrance du patient au moyen de plusieurs entretiens, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient.

Pour vérifier si le médecin a effectivement respecté cette condition, la commission d'évaluation devra bien entendu disposer de ces informations.

Amendement nº 576

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 576), tendant à remplacer, à l'alinéa 4, 4º, de l'article 5ter proposé, les mots « détresse ou de la souffrance » par les mots « souffrance physique ou psychique ».

Il s'agit de mettre l'article 5ter en conformité avec les articles 3 et 4.

Un membre constate que cet amendement à la même portée que l'amendement nº 456.

L'amendement est retiré au profit de l'amendement nº 456 de Mme Nyssens.

Amendement nº 626

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 626), tendant à remplacer, au 5º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, les mots « pouvait être » par les mots « a été ».

Il s'agit d'une correction formelle.

Amendement nº 457

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 457), tendant à compléter le 5º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par les mots :

« et la situation médicale considérée comme étant sans issue; ».

Il s'agit ici également d'une mise en conformité de l'article 5ter avec le libellé de l'article 3.

L'amendement nº 457 est retiré au profit de l'amendement nº 546 mentionné ci-après.

Amendement nº 546

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 546), visant à insérer au quatrième alinéa de l'article 5ter proposé un 5ºbis disposant que le formulaire d'enregistrement doit indiquer si le patient se trouvait dans une situation pouvant être qualifiée de médicalement sans issue.

Lors de l'examen de l'article 3, les auteurs de la proposition ont affirmé, en dépit de la formulation imprécise et vague de cet article, que la commission d'évaluation devait apprécier avec objectivité la « situation qualifiée de médicalement sans issue ».

La commission d'évaluation doit donc être à même de déterminer, sur la base du document d'enregistrement, dans quelle mesure le patient se trouvait dans une situation qualifiée de médicalement sans issue.

Amendement nº 547

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 547), visant à compléter le quatrième alinéa, 6º, de l'article 5ter proposé, par une disposition stipulant que les informations concernant les entretiens que le médecin a eus avec le patient sur le caractère persistant et durable de sa requête doivent être consignées dans le formulaire d'enregistrement.

L'article 3, § 2, 2º, de la proposition de loi dispose que le médecin doit s'assurer du caractère durable et persistant de la requête du patient par le biais d'une série d'entretiens espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de l'état du patient.

Ces données doivent également être consignées dans le document d'enregistrement pour permettre de vérifier si le médecin a respecté cette condition.

Un membre constate que certains amendements reprennent systématiquement la série de conditions qui ont été prévues pour que l'on puisse pratiquer une euthanasie.

L'intervenante demande si les six auteurs ont des objections à ce sujet.

Un autre membre considère que cette répétition est superflue. La commission doit vérifier si toutes les conditions légales ont été observées. II n'est pas nécessaire de mentionner chaque fois ces informations.

Un autre membre se rallie à cette thèse. II doit ressortir du formulaire d'enregistrement que toutes les conditions et procédures ont été respectées. II s'ensuit bien évidemment que le formulaire doit être dûment complété.

Amendement nº 579

M. Remans et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 579), visant à remplacer à l'alinéa 4, 6º, de l'article 5ter, les termes « expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante » par les termes « volontaire, réfléchie et répétée ».

L'auteur principal déclare qu'ainsi la terminologie de l'article 5ter est adaptée à la terminologie de l'article 3 de la proposition de loi.

Amendement nº 627

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº2-244/19, amendement nº 627), visant à remplacer le 6º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, par la disposition suivante : « les éléments qui ont permis de s'assurer que la demande a été formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et sans pressions extérieures; ».

Cet amendement apporte une amélioration formelle au texte, et prend en considération la correction apportée à l'article 3.

Une remarque similaire peut être formulée à propos des 7º et 8º du même alinéa.

Amendement nº 458

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 458), visant à insérer, à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºbis, rédigé comme suit :

« 6ºbis les raisons pour lesquelles la demande pouvait être considérée comme volontaire et ne résultant pas d'une pression extérieure; ».

Cet amendement vise également à mettre l'article 5ter en conformité avec l'article 3. Il est retiré au profit de l'amendement nº 627 de M. Galand.

Amendement nº 548

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 548), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter un 6ºbis rédigé comme suit :

« 6ºbis la date à laquelle le patient a fait part de sa demande pour la première fois, les dates auxquelles il a réitéré sa demande et la date à laquelle cette demande a été consignée par écrit; ».

La commission doit absolument connaître la date précise à laquelle le patient a fait part de sa demande pour la première fois, les dates auxquelles il l'a réitérée et celle à laquelle sa demande a été consignée par écrit.

Cela permettra à la commission d'apprécier non seulement si la demande présente un caractère répété, mais aussi si, au moment où il a fait part de sa demande, le patient était majeur ou mineur émancipé.

De plus, il est nécessaire de contrôler la date à laquelle la demande a été consignée par écrit en vue de vérifier si, dans le cas d'un acte d'euthanasie pratiqué sur la personne d'un patient qui n'est manifestement pas à l'article de la mort, il s'est écoulé au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'acte d'euthanasie, comme l'article 3, § 3, 2º, le prévoit expressément.

Amendement nº 459

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 459), tendant à insérer, à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºter, rédigé comme suit :

« 6ºter si le patient a rédigé une requête écrite d'euthanasie et à quelle date; ».

Cet amendement vise à mettre l'article 5ter en conformité avec l'article 3.

L'auteur estime que, si l'on ne veut pas que le contrôle de la commission soit purement formel, il importe de vérifier le délai qui s'est écoulé entre la requête écrite et l'euthanasie, par référence à l'article 3, § 3.

L'amendement reprend l'un des éléments de l'amendement nº 548 précité, dont la portée est plus large.

Un membre rappelle que la commission n'est pas une instance d'enquête, mais d'évaluation.

Ce sont donc seulement les éléments d'évaluation et d'appréciation qui doivent lui être fournis, et non des éléments qui seront invérifiables par la commission.

Peut-être l'amendement nº 459 suffit-il dès lors, sans qu'il faille aller jusqu'aux exigences formulées par l'amendement nº 548.

Amendement nº 549

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 549), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºter, rédigé comme suit :

« 6ºter si le patient n'était pas en mesure de consigner sa demande par écrit, si le document a été signé par une personne majeure n'ayant aucun intérêt matériel au décès du patient, si ce document mentionne le nom du médecin présent et les raisons pour lesquelles ce patient n'était pas en état de formuler sa demande par écrit; ».

L'article 3, § 4, prévoit que si le patient n'est pas en état d'acter sa demande par écrit, il peut le faire faire par une personne majeure qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du patient. Cette personne doit indiquer pour quelles raisons le patient n'est pas en état de formuler sa demande par écrit et mentionner le nom du médecin présent lors de la rédaction de ce document.

Ces données doivent figurer dans le document d'enregistrement en vue de permettre à la commission d'évaluation de vérifier si ces conditions ont été respectées.

Amendement nº 460

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 460), tendant à insérer, à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºquater, rédigé comme suit :

« 6ºquater si la requête écrite d'euthanasie a été rédigée par un tiers, de quelle manière et à quelle date; ».

L'auteur estime que cet élément est en soi suffisamment grave pour pouvoir justifier à lui seul la levée de l'anonymat du document.

Un membre souligne la similitude de cet amendement avec l'amendement nº 549 précité.

Amendement nº 550

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 550), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºquater, rédigé comme suit :

« 6ºquater s'il y a eu une quelconque pression externe ayant conduit à la formulation de la demande; ».

II est nécessaire que le médecin confirme s'il y a eu une quelconque indication de pressions externes ayant pu conduire le patient à formuler sa demande : il s'agit en effet d'un des éléments essentiels dont le médecin doit s'assurer avant de pouvoir accéder à une demande d'euthanasie.

Amendement nº 461

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 461), tendant à insérer, à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºquinquies, rédigé comme suit :

« 6ºquinquies si la requête écrite d'euthanasie a été précédée ou suivie par plusieurs révocations de la demande d'euthanasie de la part du patient; ».

L'auteur estime en effet qu'il importe de vérifier si l'on a bien tenu compte des éventuelles rétractations du patient jusqu'au bout de la procédure.

Amendement nº 551

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 551), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 6ºquinquies, rédigé comme suit :

« 6ºquinquies si et à quelle date le patient a jamais retiré sa demande; ».

Pour que la commission puisse se forger un avis, il est indispensable qu'elle sache si le patient a retiré sa demande à un moment donné (et l'a éventuellement réexprimée).

Amendement nº 462

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 462), tendant à compléter le 7º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, par les mots « et, dans la négative, le pronostic concernant l'espérance de vie du patient; ».

L'auteur déclare qu'il s'agit d'assurer la conformité de l'article 5ter avec l'article 3 qui s'applique aussi pour les patients dont le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance.

Un membre estime que par cet amendement, on demande l'impossible au médecin.

Un autre membre se rallie à cette observation. Tous les spécialistes entendus sont d'accord sur la difficulté d'un tel pronostic.

L'auteur de l'amendement nº 462 répond que cela met en évidence la difficulté qu'il y a à légiférer comme on entend le faire.

Amendement nº 577

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 577), tendant à remplacer le 7º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« 7º si l'on se trouve dans les conditions du § 1er ou du § 2 de l'article 3, ou du § 2 de l'article 4; ».

L'auteur souligne en effet que le texte correspondant de l'amendement nº 18 n'envisage qu'une seule hypothèse.

Un membre répond que l'état du patient et les renseignements qui le concernent sont largement compris dans les points précédents du même alinéa.

L'auteur de l'amendement nº 577 répond que ce n'est pas cela qu'elle vise par son amendement, mais bien la situation précise dans laquelle se trouve le médecin, eu égard aux procédures qu'il doit utiliser, selon que le décès est ou non prévisible à brève échéance, ou encore que le patient est ou non conscient.

La commission d'évaluation ne peut apprécier la manière dont la procédure a été suivie si elle n'a pas au moins connaissance de l'hypothèse de base.

Le précédent intervenant maintient que les éléments énumérés dans les points précédents du même alinéa permettront rapidement à la commission de se rendre compte de l'état de santé du patient.

Un membre est d'avis que l'amendement nº 577 aurait pour effet de réduire d'emblée la mission de contrôle de la commission, alors que l'amendement nº 18 considère au contraire que le contrôle doit être effectué sur une base la plus large possible. Dans le cas où il s'avère que les informations consignées sur le formulaire d'enregistrement sont insuffisantes, les membres de la commission ont encore toujours la faculté de demander des informations complémentaires auprès du médecin concerné.

Un membre déclare qu'il ne saisit pas très bien l'objet de l'amendement nº 577.

Un autre membre fait remarquer que la personne qui complète le formulaire d'enregistrement est responsable de tout ce qui s'y trouve consigné. La commission, qui dresse le formulaire, veillera bien entendu à ce que toutes les informations utiles et nécessaires puissent y être consignées. Ceci ne relève pas du législateur.

Un autre membre encore estime que le sous-amendement nº 468 précité correspond à la préoccupation de l'auteur du sous-amendement en discussion, le cas échéant moyennant une légère modification.

Amendement nº 606

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 606), tendant à remplacer le 7º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« 7º si le décès du patient était ou non prévisible à brève échéance et s'il se trouvait dans les conditions de l'article 3 ou de l'article 4 de la présente loi; ».

Cet amendement propose une formulation alternative à celle proposée à l'amendement nº 577 précité, du même auteur.

Amendement nº 552

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 552), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 7ºbis, rédigé comme suit :

« 7ºbis les dates auxquelles il a informé le patient sur son état de santé et son espérance de vie et auxquelles il a discuté avec lui des possibilités thérapeutiques restantes ainsi que des possibilités de soins palliatifs; ».

L'article 3, § 2, 1º, dispose que le médecin doit informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, ainsi que des possibilités thérapeutiques encore envisageables, des possibilités de soins palliatifs et des conséquences des unes et des autres.

Afin de pouvoir vérifier si le médecin a respecté cette condition, il convient de faire figurer ces données dans le document d'enregistrement destiné à la commission fédérale d'évaluation.

Amendement nº 553

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 553), visant à insérer à l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, un 7ºter, rédigé comme suit :

« 7ºter s'il n'y avait pas d'autre solution raisonnable à la situation; ».

L'article 3, § 2, 1º, dispose que le médecin et le patient doivent arriver conjointement à la conclusion qu'il n'existe aucune autre solution raisonnable pour remédier à la situation dans laquelle le patient se trouve.

Pour permettre à la commission d'évaluation de vérifier si le médecin a respecté cette condition, il convient d'inclure le point en question dans le document d'enregistrement.

Un membre estime que les débats sur cet amendement sont les mêmes que ceux qui ont déjà eu lieu à propos de l'article 3. Le membre relève que plusieurs conceptions peuvent être défendues sur ce point.

Un membre attire l'attention sur le fait qu'au § 2, 1º, de l'article 3, les commissions ont adopté une phrase qui reprend les notions précitées : « Le médecin doit informer le patient de son état de santé et de son espérance de vie, se concerter avec le patient sur sa demande d'euthanasie et évoquer avec lui les possibilités thérapeutiques encore envisageables ainsi que les possibilités qu'offrent les soins palliatifs et leurs conséquences. Il doit arriver, avec le patient, à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable (...). »

Amendement nº 463

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 463), tendant à supprimer le 8º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé.

L'auteur estime en effet qu'il y a lieu de rédiger un alinéa distinct pour les patients inconscients, dans la logique des autres amendements qu'elle a déposés.

Elle renvoie à ce sujet à son amendement nº 468 (voir infra).

Amendement nº 607

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 607), visant à remplacer le 9º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« 9º la manière dont le médecin a rencontré les conditions et procédures de la présente loi; ».

L'auteur trouve en effet la formulation actuelle de ce 9º, telle que reprise à l'amendement nº 18, trop laconique et peu claire.

Un membre répond que ce 9º rencontre précisément les observations que l'auteur du sous-amendement à exprimées à propos de ses sous-amendements nºs 577 et 606.

Il prend en considération le fait que la procédure prévue par la loi est différente selon les cas (patient conscient ou non, décès prévisible dans un délai rapproché ou non, ...).

Cela permettra à la commission, si elle ne peut déterminer directement dans quel cas de figure se situe le dossier qui lui est soumis, de s'en rendre compte au travers de la procédure suivie.

L'auteur de l'amendement nº 607 conclut que plusieurs des points énumérés à l'alinéa 4 de l'article 5ter se recoupent. Si l'on veut procéder à une évaluation correcte de la loi, il faut que les questions posées soient aussi correctes, et que les réponses soient de nature à éclairer le débat ultérieur.

L'intervenante estime en outre que la commission doit, au-delà d'un simple contrôle de procédure, pouvoir se rendre compte de la manière dont le médecin a rencontré les conditions et procédures fixées dans la loi.

Ainsi, le texte ne prévoit pas que, si le médecin a estimé devoir fixer des conditions complémentaires, il doit en faire mention.

Un membre estime que, outre les informations dont la divulgation est obligatoire, le médecin peut communiquer toutes les informations qu'il juge souhaitable.

La précédente intervenante répond que certaines mentions seraient très utiles à la commission dans sa mission d'évaluation, ce qui permettrait au Parlement d'apprécier ultérieurement si une modification législative s'impose.

Un membre estime qu'il ne faut pas attendre d'une institution plus que ce qu'elle peut donner.

La commission d'évaluation ne doit pas être considérée comme la seule source d'nformations, ni comme l'observatoire des euthanasies en Belgique ou l'expert scientifique par excellence en la matière.

Il demeurera en effet, une série d'euthanasies pour lesquelles aucune déclaration ne sera faite, et des cas de fin de vie qui relèveront de l'état de nécessité.

La commission est une instance d'appréciation de situations délicates, qui doit veiller, autant que faire se peut, à ce que les accompagnements de fin de vie et les euthanasies se fassent bien dans le respect de la demande des personnes et des différentes conditions fixées par la législation, et qui peut proposer toutes les améliorations qu'elle juge utiles.

Mais le législateur, lorsqu'il évaluera la loi, ne pourra s'en tenir aux seuls rapports qui lui viendront de la commission, puisque celle-ci ne connaîtra que d'une partie des cas de fin de vie et des actes posés dans ce contexte.

Il devra recouper ces informations avec d'autres éléments fournis par les observatoires de la santé, de l'Institut supérieur de la Santé publique, etc.

Amendement nº 464

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 464), tendant à compléter le 9º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« en particulier, concernant l'information donnée au patient, l'accompagnement médical et moral dont il a bénéficié, les soins palliatifs éventuels qui lui ont été administrés, les dates des entretiens menés avec le patient, les dates auxquelles des demandes d'euthanasie ont été formulées par le patient; »

L'auteur estime en effet que les entretiens avec le patient, l'information qui lui est donnée, l'accompagnement tant moral que médical dont il a bénéficié, ainsi que les soins palliatifs qu'il a reçus sont des données essentielles pour évaluer correctement le comportement du médecin dans le cas d'espèce.

Amendement nº 554

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 554), visant à compléter le 10º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, en disposant que les résultats des entretiens doivent aussi être mentionnés.

Si l'on veut que la commission d'évaluation puisse contrôler effectivement si l'ensemble des conditions et procédures ont été respectées, il ne suffit pas de mentionner uniquement la qualité des médecins consultés ou les dates des consultations dans le document d'enregistrement, mais le résultat de ces consultations doit également y être consigné.

Amendement nº 656

M. Vankrunkelsven dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 656), visant à compléter le 10º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé, en disposant que l'avis émis par les médecins consultés doit aussi être consigné dans le formulaire d'enregistrement à remettre à la commission d'évaluation.

Une membre se réfère aux amendements présentés précédemment à ce propos par son groupe. Elle souligne l'importance de ces amendements. Les conditions de prudence prévues à l'article 3 stipulent que le médecin qui pratique l'acte d'euthanasie doit consulter plusieurs autres médecins.

Aux termes du texte proposé par l'amendement nº 18, il suffit de mentionner le nom des médecins consultés et les dates des consultations. Mais cela ne permet pas encore à la commission d'évaluation de vérifier si les conditions de prudence requises ont été vraiment respectées. Elles sont ainsi ramenées à de simples conditions de procédure.

Ce qui est autrement plus important pour la commission, c'est le contenu des différents avis. Le fait de savoir que trois avis négatifs ont été rendus sur un même cas en dit plus long sur la prise de décision que les dates précises auxquelles ces avis ont été donnés. L'amendement nº 656 revêt ainsi une importance capitale.

Un autre membre fait remarquer que dans l'énoncé de l'amendement nº 554, il est question de « résultat de la consultation », alors que dans l'amendement nº 656, le terme « avis » est utilisé. L'intervenant ne saisit pas très bien la différence entre les deux amendements, puisque le résultat d'une consultation auprès d'un médecin se traduit automatiquement par un avis de ce même médecin. C'est précisément l'objectif de la consultation prescrite. Le risque existerait-il que la commission puisse être trop bien informée ?

Un membre répond que l'on peut s'interroger sur ce qu'est le « résultat d'une consultation.

Amendement nº 465

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 465), visant à compléter le 10º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« ainsi qu'une information relative à l'avis émis par ce(s) médecin(s) en ce qui concerne tant la demande d'euthanasie formulée par le patient que l'état de santé physique et psychique de ce patient. »

L'auteur précise que le volet doit reprendre de manière synthétique l'avis du médecin consulté, qui en vertu de l'article 3, § 2, a l'obligation de faire un rapport sur ses constatations de nature médicale.

Il doit également reprendre de manière synthétique l'avis du deuxième médecin consulté, qui, en vertu de l'article 3, § 3, a l'obligation de contrôler la demande d'euthanasie et de faire un rapport concernant l'état de santé physique et psychique du patient si le décès de ce patient n'est manifestement pas supposé intervenir à brève échéance.

Ces mentions sont essentielles au cas où il apparaîtrait que le médecin qui a pratiqué une euthanasie s'est écarté sensiblement de l'avis des autres médecins consultés. La levée de l'anonymat pourrait, par exemple, se concevoir dans le cas où l'euthanasie a été pratiquée à l'égard d'un patient qui n'était manifestement pas en fin de vie, et cela nonobstant les avis divergents de confrères ou d'autres personnes consultées.

Un membre observe que l'amendement recoupe partiellement l'amendement nº 554. Tous deux concernent plus l'évaluation d'une démarche qu'un contrôle procédural qui domine peut-être trop dans le texte proposé.

L'intervenant souligne que toutes les situations sont différentes en fin de vie. Si une commission composée de personnes aussi qualifiées est créée, c'est bien pour éviter un contrôle purement administratif, pour lequel l'intervention d'un fonctionnaire ou d'un médecin contrôleur suffirait.

C'est une question que la commission se pose.

Il doit dès lors ressortir du texte que c'est bien ce but que le législateur poursuit.

C'est pourquoi l'intervenant estime que les amendements nºs 554 et 465 méritent réflexion.

Un autre membre se demande ce qu'il convient de faire dans le cas où certains médecins donneraient différents avis qui se contredisent. Cela pourrait s'avérer une tâche administrative particulièrement ardue que de constituer un dossier complet s'il faut mentionner chaque consultation.

L'auteur de l'amendement nº 465 répond que l'amendement ne vise qu'à s'assurer de ce que le contrôle porte également sur ce qui est demandé au 2e ou au 3e médecin, dont l'intervention est prévue par les six auteurs eux-mêmes.

La présente discussion se rattache à la question fondamentale de la nature du contrôle de la commission. Ce point doit être tranché : soit il s'agit d'un contrôle de nature formelle et administrative, portant sur un nombre minimal d'éléments, soit il s'agit de donner une véritable appréciation, mais alors la commission doit disposer des données nécessaires pour ce faire.

Ainsi, si la loi prévoit qu'un 2e médecin doit être consulté, il faut à tout le moins que la commission sache si son avis était négatif ou positif.

Un membre observe que les « médecins consultés » sont bien sûr les médecins dont on parle à l'article 3.

Peut-être faudrait-il le dire explicitement.

Si la commission ne sait pas quel était l'avis du 2e médecin, à quoi cela sert-il d'indiquer que celui-ci a été consulté ? Cette exigence serait alors purement formelle et il ne serait pas nécessaire de créer une commission de 16 personnes qualifiées pour vérifier son respect.

Amendement nº 555

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 555), visant à compléter l'alinéa quatre, 11º, de l'article 5ter proposé, en disposant que le résultat de la consultation doit être indiqué dans le formulaire d'enregistrement.

Un des auteurs attire l'attention sur le fait que, pour que la commission d'évaluation soit en mesure d'effectuer un contrôle vraiment efficace du respect de toutes les conditions et procédures, il faut que non seulement soient mentionnés sur le formulaire d'enregistrement la qualité des personnes consultées ou les dates des consultations, mais également le résultat de ces consultations.

Amendement nº 556

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 556), visant à modifier l'article 5ter proposé de manière à faire mentionner dans le formulaire d'enregistrement également les personnes avec lesquelles le médecin a eu des entretiens au sujet de la requête d'euthanasie.

Le texte proposé dispose que seules la qualité des personnes que le médecin a consultées et la date de ces consultations doivent être consignées dans le document d'enregistrement.

Aux termes des articles 3 et 4 de la proposition, le médecin peut se contenter de « consulter » un deuxième, voire un troisième médecin.

Or, les articles 3 et 4 prévoient que le médecin est tenu d'examiner la requête du patient avec l'équipe soignante, la personne de confiance et les proches du patient.

Afin de lever toute ambiguïté, l'ajout proposé s'avère donc indispensable.

Un membre se demande s'il est prudent de prévoir une formule telle que celle proposée par l'amendement, car on vise ici les personnes consultées qui ne sont pas liées par une responsabilité. Elles donnent leurs avis, font leurs déclarations, puisque ce ne sont pas des médecins.

Contrairement à l'avis d'un 2e médecin, il n'y a pas de trace de leur avis au dossier. Dès lors, même si, ultérieurement, le médecin fait un compte-rendu exact de ce que ces autres personnes consultées ont dit, celles-ci pourraient contester ultérieurement le contenu de leurs propos, sans que le médecin ait les moyens de prouver sa bonne foi.

Amendement nº 466

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 466), tendant à compléter le 11º de l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par ce qui suit :

« ainsi qu'une information relative à l'avis émis par ces personnes en ce qui concerne tant la demande d'euthanasie formulée par le patient que l'état de santé physique et psychique du patient; ».

L'auteur estime essentiel que la commission puisse se prononcer sur l'existence d'un véritable dialogue particulièrement entre le médecin d'une part, et l'équipe soignante et les proches d'autre part.

Une brève note concernant l'avis de toutes les personnes qui ont été consultées doit figurer dans ce deuxième volet pour permettre à la commission de vérifier comment la décision a été prise par le médecin. Le médecin est toujours seul responsable de ses actes. Toutefois, le dialogue avec les proches et l'équipe soignante ne peut se résumer à une pure formalité.

Amendement nº 117

M. Vankrunkelsven dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/8, amendement nº 117), visant à insérer à l'article 5ter proposé, un 13º nouveau, rédigé comme suit :

« 13º le(s) rapport(s) écrit(s) du (des) médecin(s) consulté(s) ».

L'auteur observe que la portée de cet amendement est déjà incluse dans l'article 3, comme modifié par l'amendement nº 14.

L'amendement nº 117 est retiré.

Amendement nº 467

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 467), tendant à compléter l'alinéa 4 de l'article 5ter proposé par un 13º nouveau rédigé comme suit :

« 13º la mention des documents figurant au dossier médical .»

L'auteur souligne que le dossier médical est crucial pour le contrôle des actes médicaux et infirmiers, en particulier pour le contrôle des actes d'euthanasie.

L'objectif est que ce dossier soit le plus complet possible. Une simple mention des documents qui s'y trouvent peut être intéressante dans le cadre d'une évaluation de la loi.

Il s'agit donc de mettre au dossier un inventaire comme on le fait généralement en justice dans tout dossier, même si, en l'occurrence, on ne se trouve pas dans le cadre d'une instance juridictionnelle.

Un membre estime que l'amendement veut trop bien faire. Il peut en effet y avoir une série de documents, comme par exemple des résultats de laboratoire, qui peuvent compléter un dossier. On pourrait toujours reprocher au médecin de ne pas avoir repris tel ou tel document dans son inventaire.

Il faudrait à tout le moins que l'on vise spécifiquement les documents qui concernent directement l'euthanasie.

Amendement nº 557

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 557), visant à compléter l'alinéa quatre de l'article 5ter proposé par un 13º nouveau, rédigé comme suit :

« 13º les actes du médecin et leur résultat, y compris le rapport intégral du ou des médecins consultés ».

Un des auteurs constate que l'article 5ter prévoit que seules la qualification du ou des médecins consultés et la date de ces consultations soient consignées dans le document d'enregistrement.

Afin de permettre à la commission d'évaluation de contrôler efficacement le respect des conditions, il convient aussi de consigner dans le document d'enregistrement les actes du médecin ainsi que le rapport intégral du ou des médecins consultés.

II n'est pas suffisant de prévoir qu'« en cas de doute », la commission peut demander de consulter ces rapports ou le dossier médical.

II est à peine possible, sur la base des documents d'enregistrement tels que proposés actuellement, de se faire quelque opinion à propos de la réalité du respect des conditions.

Un membre estime qu'il est souhaitable de suivre la suggestion de l'intervenant précédent consistant à informer le médecin du fait que les membres de la commission d'évaluation souhaitent prendre connaissance de la partie confidentielle du formulaire d'enregistrement.

Amendement nº 558

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 558), subsidaire à l'amendement nº 557, visant à compléter l'alinéa quatre de l'article 5ter, par un 13º nouveau, rédigé comme suit : « le rapport intégral du ou des médecins consultés ».

Un des auteurs se réfère à l'argumentation qui sous-tend l'amendement nº 557.

Amendement nº 468

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 468), tendant à compléter l'art. 5ter proposé par un alinéa nouveau, rédigé comme suit : « Si le patient était inconscient, le deuxième volet doit contenir en outre les données suivantes :

1º les éléments qui ont permis au médecin de conclure que le patient se trouvait dans une situation d'inconscience irréversible selon l'état actuel de la science;

2º s'il existait une déclaration de volonté et si cette déclaration répondait aux conditions de l'article 4, avec l'indication, le cas échéant, des éléments non conformes;

3º si la déclaration désignait des personnes de confiance répondant aux conditions de la loi et si ces personnes ont été consultées par le médecin;

4º si le patient a fait acter sa déclaration de volonté par un tiers, et les raisons de ce choix;

5º dans quelle mesure le choix du médecin a été guidé par la déclaration anticipée du patient;

6º la qualification du ou des médecin(s) consulté(s) et la date de ces consultations, ainsi qu'une information relative à l'avis émis par ce(s) médecin(s) en ce qui concerne tant la déclaration de volonté du patient que son état de santé;

7º la qualité de toutes les autres personnes consultées par le médecin, la date de ces consultations, ainsi qu'une information relative à l'avis émis par ces personnes en ce qui concerne la déclaration de volonté du patient;

8º si les proches n'ont pas été consultés, en mentionner les raisons. »

L'auteur rappelle que l'article 4 de la proposition a énoncé une procédure et des critères spécifiques concernant l'euthanasie d'un patient inconscient. Il convient que la vérification porte réellement sur tous ces éléments. Le patient inconscient étant dans une situation d'extrême vulnérabilité, il importe de lui accorder une protection accrue face aux abus éventuels dont il pourrait faire l'objet.

L'auteur de l'amendement se dit très réticente par rapport au volet de la proposition de loi qui traite des patients inconscients, et souhaite dès lors prévoir un maximum de garanties en ce qui les concerne.

Un membre se déclare favorable au fait de traiter la question des patients inconscients dans un paragraphe ou un alinéa distinct, car cela facilite la lecture du texte et améliore sa cohérence.

En ce qui concerne le fond de l'amendement, il estime le point 5º excessif, puisqu'il est par ailleurs indiqué clairement que la déclaration a un rôle indicatif.

Amendement nº 491

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 491), tendant à compléter l'article 5ter proposé par un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Le médecin qui a pratiqué l'euthanasie transmet ce document à la commission d'évaluation visée à l'article 5bis, dans les trois jours de l'euthanasie. »

L'auteur précise que la loi du 13 août 1990 visant à créer une commission d'évaluation de la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse fixe également un délai maximal dans lequel le médecin doit communiquer le document à la commission d'évaluation (à savoir dans les quatre mois de l'interruption de grossesse). Vu la mission de contrôle qui a été confiée explicitement à la commission en vertu de l'article 5quater, qui implique un éventuel renvoi du dossier devant le procureur du Roi, il importe que les données soient communiquées le plus rapidement possible par le médecin à la commission.

Les six auteurs ont fixé le délai en question à 4 jours et l'ont inséré à l'article 5. Dans un souci de meilleure rédaction du texte, il serait peut-être préférable de regrouper davantage les dispositions relatives à la déclaration.

Un membre estime qu'il faut éviter la comparaison systématique avec la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, car il s'agit de situations différentes.

Il rappelle également qu'il a dépose un amendement tendant à prévoir, à l'article 5, que le délai est de 4 jours ouvrables.

Trois jours semblent insuffisants. Il ne faut pas perdre de vue le choc émotif que représente toujours une euthanasie. Le médecin qui a assumé cette responsabilité doit disposer d'un délai raisonnable pour rédiger son rapport de façon consciencieuse.

Amendement nº 559

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (Doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 559), visant à compléter l'article 5ter proposé par un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« Si le médecin a pratiqué l'euthanasie à la suite d'une déclaration de volonté, la deuxième partie comporte en outre les données suivantes :

1º si la déclaration a été rédigée en présence de deux témoins majeurs, dont un au moins n'a aucun intérêt matériel au décès du patient;

2º si la déclaration a été datée et signée par celui qui l'a faite, par les témoins et, le cas échéant, par la (les) personne(s) de confiance;

3º lorsque, physiquement, le patient n'était pas en état de signer, si la déclaration a été datée et signée par celui qui a rédigé la demande, par les témoins et, le cas échéant, par la (les) personne(s) de confiance, et si un certificat médical a été joint;

4º si la déclaration a été rédigée ou confirmée moins de cinq ans avant le moment où le patient ne peut plus exprimer sa volonté;

5º si la déclaration a été adaptée ou retirée;

6º si et dans quelle mesure le patient n'était plus conscient;

7º si et dans quelle mesure son état était irréversible selon l'état actuel de la science. »

Un des auteurs explique que cet amendement se situe dans la droite ligne de l'amendement nº 468, mais qu'il s'en écarte sur certains points.

Le membre estime que si la commission d'évaluation s'est fixé comme objectif de vérifier le respect des conditions applicables à l'acte d'euthanasie, celle-ci doit également pouvoir disposer, en cas d'un acte d'euthanasie pratiqué à la suite d'une déclaration de volonté, de tous les éléments susceptibles de contribuer à l'établissement de son jugement.

Ces données doivent dès lors être inscrites dans le document d'enregistrement.

Un membre souligne que le propos des auteurs de l'amendement nº 18 est de permettre à la commission d'évaluation de vérifier, par l'intermédiaire du formulaire d'enregistrement, si toutes les conditions et procédures légales ont été observées. II va donc de soi que le formulaire d'enregistrement, qui est dressé par la commission d'évaluation, doit contenir tous les éléments dont il ressort que les critères applicables ont été appliqués. C'est la raison pour laquelle le membre estime qu'il n'est pas souhaitable, comme le propose l'amendement nº 559, d'énumérer les critères, une nouvelle fois à l'article 5ter, alors qu'ils sont déjà amplement développés à l'article 3.

Amendement nº 608

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 608), tendant à compléter l'article 5ter proposé par un alinéa nouveau, rédigé comme suit :

« La commission peut inviter le médecin à compléter son rapport verbalement ou par écrit si cela s'avère nécessaire pour apprécier correctement son action. »

Cet amendement se situe dans la logique suivie par l'auteur, qui estime que l'anonymat n'est pas souhaitable.

La possibilité prévue par l'amendement figure aussi dans la loi hollandaise et devrait, aux yeux de l'auteur, permettre une meilleure appréciation de la manière dont l'euthanasie a été pratiquée par le médecin.

Un membre observe que le sous-amendement s'inscrit dans une logique différente de celle des six auteurs, qui privilégient un premier examen de façon anonyme, suivi, le cas échéant, d'une levée de l'anonymat et de la possibilité d'interroger le médecin.

Article 5ter-1

Amendement nº 641

M. Destexhe dépose un amendement tendant à insérer un article 5ter-1 (nouveau) selon lequel, si le patient, dans sa déclaration anticipée ou par toute autre déclaration écrite ou orale devant témoin(s), a manifesté la volonté que son dossier ne soit pas transmis à la commission, il ne l'est pas.

Il est renvoyé aux précédentes discussions à ce sujet (voir supra, article 5bis).

Votes

L'amendement nº 117 de M. Vankrunkelsven est retiré

L'amendement nº 447 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 507 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 536 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 612A de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 569 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 448 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 612B de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 645 A/B de MM. Galand et Destexhe est rejeté par 25 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 537 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 449 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 538 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 9.

L'amendement nº 539 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 15 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 450 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 575 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 540 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 571 de M. Vandenberghe et consorts est retiré au profit de l'amendement nº 540.

L'amendement nº 541 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 542 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 543 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 451 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 568 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

L'amendement nº 645 C/D de MM. Galand et Destexhe est rejeté par 26 voix contre 3.

L'amendement nº 452 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 502 de M. Destexhe est adopté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 503 de M. Destexhe est adopté par 28 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 645E de MM. Galand et Destexhe est devenu sans objet.

L'amendement nº 453 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 10.

L'amendement nº 454 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10.

L'amendement nº 455 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 544 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est retiré.

L'amendement nº 605 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 456 de Mme Nyssens est adopté par 22 voix et 3 abstentions.

L'amendement nº 545 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 576 de Mme de T' Serclaes est retiré au profit de l'amendement nº 456.

L'amendement nº 626 de M. Galand est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 457 de M. Galand est retiré au profit de l'amendement nº 546.

L'amendement nº 546 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 547 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 12 et 1 abstention.

L'amendement nº 579 de M. Remans est retiré.

L'amendement nº 458 de Mme Nyssens est retiré au profit de l'amendement nº 627.

L'amendement nº 627 de M. Galand est adopté à l'unanimité des 29 membres présents.

L'amendement nº 548 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 459 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 549 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 460 de Mme Nyssens est rejeté par 15 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 550 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 15 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 461 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 551 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 577 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 606 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 462 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 552 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 553 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 463 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 607 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 464 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9.

L'amendement nº 554 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 656 de M. Vankrunkelsven est adopté par 20 voix et 8 abstentions.

L'amendement nº 465 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 11.

L'amendement nº 555 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 556 (A et B) de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 466 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 467 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 557 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 558 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8.

L'amendement nº 468 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 491 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 559 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 608 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 11.

L'amendement nº 641 de M. Destexhe est rejeté par 23 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'article 5ter contenu dans l'amendement nº 18, et tel que sous-amendé, est adopté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

Article 5quater (nouveau) (article 8 du texte adopté)

Amendement nº 18

L'auteur principal déclare que l'article 5quater, proposé par l'amendement nº 18, détermine la tâche de la commission. II appartient à celle-ci d'examiner le dossier sur la base du deuxième volet du formulaire d'enregistrement. S'il s'avère que celui-ci n'offre pas suffisamment de clarté, la commission peut lever l'anonymat du premier volet pour prendre contact avec le médecin traitant. Si la commission estime à la lumière de la législation envisagée que le dossier pose problème, elle doit transmettre ledit dossier au parquet.

Le membre renvoie pour le reste à l'exposé des motifs qui accompagne la matière en question.

Amendement nº 582

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 582), tendant à supprimer l'article 5quater proposé.

L'auteur estime en effet que le rôle de la commission pose problème. Si l'on peut imaginer qu'elle contrôle l'application de la loi, d'autres règles devraient être prévues. L'intervenante renvoie à ce sujet aux arguments qu'elle a développés précédemment.

On aurait pu envisager, par exemple, la rédaction d'un procès-verbal transmis à une autorité telle que le procureur du Roi.

Vu la nature hybride de la commission, l'auteur de l'amendement propose sa suppression.

Un membre renvoie aux arguments développés lors de la discussion relative au caractère juridictionnel ou non de la commission.

Amendement nº 508

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 508) visant à remplacer intégralement l'article 5quater proposé.

Un des auteurs souligne que l'amendement nº 508 doit être considéré conjointement avec les amendements nºs 505 et suivants qui se rapportent à la commission de contrôle régionale. Elle renvoie aux débats qui ont déjà été conduits à ce propos.

Amendement nº 560

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 560), visant à supprimer le premier paragraphe de l'article 5quater proposé.

Un des auteurs déclare que cet amendement consiste simplement en une modification technique, puisqu'il est toujours question d'un § 1er, tandis que les paragraphes suivants sont supprimés.

Amendements nºs 573 et 470

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 573), tendant à remplacer l'alinéa 1er de l'article 5quater proposé par une disposition prévoyant que la commission contrôle, sur la base du document d'enregistrement visé à l'article 5ter, si l'euthanasie a été pratiquée selon les conditions et procédures prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi, et qu'elle peut demander au médecin de lui communiquer tous les éléments du dossier médical utiles pour apprécier correctement son action.

Ce sous-amendement propose une formulation plus correcte sur le plan légistique, fait disparaître les termes « § 1er » (puisqu'il n'y a pas de § 2), ainsi que la référence à l'article 4bis, et modifie l'article 5quater en fonction de l'amendement déposé à l'article 5ter à propos de la levée de l'anonymat du premier volet du document d'enregistrement.

Un membre est d'accord avec l'observation relative à la suppression de la mention « § 1er », et de la référence à l'article 4bis.

Pour le reste, le texte pourrait être formulé comme suit : « ... si l'euthanasie a été pratiquée selon les conditions et procédures prévues par la présente loi. »

Un membre renvoie au sous-amendement nº 470 qu'elle a déposé en ce sens (doc. Sénat, nº 2-244/17).

Amendement nº 469

Un membre demande pourquoi la deuxième phrase de l'article 5quater proposé ne fait référence qu'au volet anonyme du document d'enregistrement.

Un autre membre répond que cette phrase vise la première étape du contrôle effectué par la commission qui, à ce stade, se fonde uniquement sur le volet anonyme du document. Ce n'est qu'en cas de doute que l'anonymat peut être levé.

Un membre estime que la déclaration de l'intervenant précédent apporte une explication. Le volet « anonyme » du dossier peut aussi bien porter sur la partie confidentielle, qui est scellée, que sur la partie du rapport dans laquelle ne figurent pas de noms. Il s'agit en l'occurrence de la dernière partie.

C'est la raison pour laquelle le membre estime qu'il est souhaitable d'utiliser le terme « deuxième volet », plutôt que le terme « volet anonyme », puisque cette dernière expression peut également englober le premier volet.

Mme Nyssens renvoie à ce sujet à son sous-amendement nº 469 (doc. Sénat, nº 2-244/17), qui propose précisément de remplacer les mots « volet anonyme » par les mots « deuxième volet », afin d'améliorer la clarté du texte.

Amendements nºs 646 et 647

M. Galand dépose à l'amendement nº 469 de Mme Nyssens un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 646), tendant à remplacer les mots « deuxième volet » par les mots « troisième volet ».

Le même auteur dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 647), ayant pour but, à l'alinéa 1er de l'article 5quater proposé, d'insérer après les mots « lever l'anonymat », les mots « du deuxième volet » et de remplacer les mots « du premier volet du document d'enregistrement » par les mots « de celui-ci ».

Ces deux sous-amendements doivent être lus conjointement avec le sous-amendement nº 645 précité, déposé par MM. Galand et Destexhe à l'article 5ter contenu dans l'amendement nº 18.

L'auteur des amendements nºs 646 et 647 rappelle à ce sujet les observations formulées par le co-auteur de l'amendement nº 645, à propos du fait qu'un patient peut refuser que son dossier médical soit transmis à la commission.

Un membre considère qu'il doit être exclu que le ministère public ne puisse pas avoir accès à l'identité de la personne sur laquelle l'acte euthanasique a été pratiqué.

L'auteur des amendements répond que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il est prévu que la commission ne prend pas connaissance du nom de la personne, mais le parquet, lui, le fera, s'il y a poursuite pénale.

L'intervenant précédent déclare que, à son avis, il s'agit en fait de faire obstruction à la mise en place d'une procédure de contrôle de l'acte euthanasique et rappelle qu'un jugement juridique ne peut jamais être anonyme. Un jugement juridique sur un dossier tient toujours compte de la personne concernée et ne peut en être séparée. On ne rend pas de jugement sur un numéro.

Un membre conteste que le propos des auteurs de la proposition de loi nº 2-244 serait d'empêcher l'instauration d'une instruction pénale. La loi proposée détermine en effet les cas où il n'y a pas de délit, à savoir lorsque les conditions et procédures prescrites ont été respectées. Dans tous les autres cas, il y a délit.

Un autre membre rappelle que la commission n'exerce pas une mission juridictionnelle.

D'autre part, l'intervenant souhaite s'en tenir au système proposé par les six auteurs, consistant en un document composé de deux volets, dont l'un anonyme.

Un membre estime que la réponse fournie par les intervenants précédents selon laquelle la commission d'évaluation ne rendrait pas de jugement n'est pas pertinente. L'organisation du pouvoir judiciaire fait l'objet de dispositions constitutionnelles particulières. Dans notre système judiciaire, les juges appelés à rendre un jugement sont des personnes indépendantes et impartiales. En revanche, le ministère public ne rend pas de jugement mais exécute les poursuites.

Le membre n'a donc jamais soutenu que la commission d'évaluation était appelée à juger dans le sens juridictionnel du terme, mais a affirmé qu'elle organisait la politique des poursuites pénales de façon structurelle.

Le précédent orateur réplique qu'il est d'un avis contraire à celui qui vient d'être exprimé.

Amendement nº 471

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 471), qui est subsidiaire à son amendement principal nº 582 visant à supprimer l'article 5quater proposé.

L'amendement subsidiaire vise à remplacer cet article par ce qui suit :

« Si la commission est d'avis, par décision prise à la majorité simple, que la conformité à la loi d'un cas d'euthanasie enregistré est douteuse, l'anonymat est levé. Elle prend connaissance du premier volet du document d'enregistrement et demande au médecin traitant de lui communiquer tous les éléments du dossier médical relatifs à ce cas d'euthanasie. »

L'auteur précise que la formulation actuelle ne donne aucune indication sur la manière dont la commission en arrive à estimer que la conformité à la loi d'un cas d'euthanasie enregistré est douteuse. Il n'y a vote qu'ultérieurement sur la décision de lever l'anonymat. Il semble qu'un vote devrait d'abord intervenir en bonne et due forme sur la question de la conformité à la loi. Si la commission estime à la majorité simple des voix que cette conformité est douteuse, alors l'anonymat doit être levé et le dossier médical doit être consulté.

La réponse pour dissiper les doutes de la commission quant à une euthanasie qui aurait été pratiquée dans des conditions douteuses, ne peut en effet être trouvée que dans le dossier médical du patient. La commission se doit de le consulter si elle veut effectuer une véritable mission de contrôle.

Si les décisions à prendre sont toujours de l'ordre du possible, il s'agit de décisions arbitraires prises en opportunité et n'y a pas de véritable contrôle.

Si l'on rentre dans la logique d'une commission d'évaluation et de contrôle, l'auteur de l'amendement est donc favorable à un contrôle sur le fond plutôt qu'à un contrôle formel.

Le sous-amendement propose d'utiliser l'expression « Si la commission est d'avis que ... », puisqu'il ne s'agit ni d'un organe juridictionnel, ni d'une simple commission d'évaluation.

Un membre estime pour sa part que la formulation de l'article 5quater retenue dans l'amendement principal nº 18 est assez claire et simple.

L'auteur de l'amendement nº 471 souligne que, dans son sous-amendement, l'expression « peut décider » n'est pas reprise, car il faut que les choses soient claires : si la commission estime qu'il y a doute, l'anonymat doit être levé.

Amendement nº 561

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 561), visant à définir au premier alinéa de l'article 5quater non seulement les conditions légales, mais également les procédures.

Un des auteurs estime que la commission doit vérifier non seulement si les conditions prévues aux articles 3 et 4 ont été respectées, mais également si les procédures prévues par ces articles ont été suivies.

Amendement nº 562

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 562), visant à supprimer dans le premier alinéa de l'article proposé la référence à l'article 4bis.

Un des auteurs déclare qu'il s'agit là d'une simple modification technique, puisque la proposition de loi ne comporte à présent plus d'article 4bis.

Un membre renvoie à ce qui a été dit précédemment à ce sujet.

Amendement nº 593

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 593), visant à insérer au premier alinéa de l'article 5quater proposé, entre la première et la deuxième phrase, une disposition rédigée comme suit :

« Si la commission constate que le document d'enregistrement n'a pas été dûment complété ou qu'il a été transmis après l'expiration du délai fixé à l'article 5, elle le transmet immédiatement au procureur du Roi du lieu du décès du patient. »

L'auteur principal constate qu'aucune sanction n'est prévue pour le cas où le document d'enregistrement n'aurait pas été dûment complété et pour le cas où le médecin qui a pratiqué l'euthanasie ne l'aurait pas transmis dans le délai de quatre jours prévu à l'article 5.

Comme ce document d'enregistrement est le seul document sur lequel la commission peut se baser dans un premier temps et que l'on sait quelles répercussions le jugement de la commission à propos du document d'enregistrement peut avoir, il y a lieu d'infliger la sanction la plus sévère et de transmettre immédiatement le document au procureur du Roi.

La levée de l'anonymat à laquelle la commission peut procéder en cas de doute, notamment lorsque le document d'enregistrement dûment complété et présenté à la commission soulève des questions en ce qui concerne le respect concret des conditions et des procédures prévues, n'est en effet absolument pas une sanction adaptée.

Un membre observe que la commission n'a pas à prononcer de sanction. Elle examine un document et vérifie si les conditions fixées par la loi ont été respectées.

Si elle constate qu'elles ne l'ont pas été, elle décide, à la majorité des deux tiers, de transmettre le dossier au procureur du Roi.

Amendement nº 594

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 594), visant à insérer au premier alinéa de l'article 5quater proposé, entre la troisième et la quatrième phrase, une disposition rédigée comme suit : « En cas de parité des voix, la voix du président est prépondérante. »

L'auteur principal fait remarquer que la réglementation proposée n'a rien prévu en cas de partage des voix. Cela implique qu'il sera impossible de lever l'anonymat en cas de doute. C'est la raison pour laquelle il convient de disposer que la voix du président de la commission est prépondérante. Le membre se réfère également à l'amendement nº 528 qui pourvoit à la nomination d'un seul président à la tête de la commission au lieu de deux présidents.

Un membre répond que, selon le texte, il faut une majorité simple ­ c'est-à-dire la moitié plus un ­ pour que l'anonymat soit levé. En cas de parité de voix, il ne l'est donc pas. On ne peut dès lors pas dire qu'il y a absence de décision.

Le système est le même que pour le vote d'un amendement dans le cadre d'une procédure parlementaire.

Amendement nº 595

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 595), visant à faire insérer au premier alinéa de l'article proposé, entre l'expression « le médecin traitant » et les mots « chaque élément », les mots « et le médecin ayant pratiqué l'acte euthanasique ».

L'auteur principal déclare que le médecin traitant n'est pas nécessairement le médecin qui pratique l'euthanasie. Il convient donc que la commission puisse demander aussi au médecin qui a pratiqué l'euthanasie tous les éléments du dossier médical relatifs à l'euthanasie.

Un membre renvoie aux observations précédemment formulées à propos des termes « médecin traitant » et « behandelende arts ».

Dans le cadre de la proposition de loi, l'expression « médecin traitant » n'a pas la signification courante de « médecin de famille », mais bien celle de « médecin qui a pratiqué l'euthanasie ».

Un autre membre rappelle que, à son avis, le « médecin traitant » est le médecin instrumentant, c'est à dire le médecin qui pratique l'acte euthanasique.

Un autre membre encore estime qu'il serait plus logique d'utiliser systématiquement l'expression « le médecin ayant pratiqué l'euthanasie ».

Un précédent intervenant fait observer que c'est ainsi que commence l'article 5.

Un des auteurs de l'amendement nº 595 déclare que les choses ne sont pas claires, notamment en ce qui concerne le lien entre le médecin traitant et le dossier qui repose auprès de la commission. En effet, ce qui est proposé, c'est que la commission puisse réclamer du médecin traitant n'importe quel document appartenant au dossier médical. Il est à supposer qu'il s'agit du dossier médical pris dans son intégralité. Mais il faut encore préciser qu'il peut arriver que le médecin ayant pratiqué l'acte euthanasique ne dispose que d'un dossier médical partiel et que le médecin traitant possède un dossier plus complet.

En réponse à des amendements introduits précédemment, il a été déclaré qu'il n'est pas nécessaire de joindre une quantité trop importante de données au dossier à transmettre, puisqu'il est toujours possible de prendre connaissance du dossier médical. Il est à supposer qu'il s'agit là du dossier médical intégral. Autrement, la compétence de la commission serait considérablement limitée.

Un membre souligne qu'il est souhaitable de définir clairement un certain nombre de notions dans la loi, pour éviter les divergences d'opinion.

Un membre propose d'insérer au début de la proposition de loi une phrase disant qu'il faut entendre par « médecin traitant », le médecin qui a pratiqué l'euthanasie.

Un autre membre propose de formuler le texte comme suit :

« Le médecin qui a pratiqué une euthanasie, ci-après dénommé `le médecin', ... », et de supprimer le mot « traitant ».

Un des auteurs de l'amendement nº 595 déclare ne pas être d'accord avec la proposition de l'intervenant précédent. Ce qui compte dans l'amendement nº 595, comme dans les autres amendements, c'est l'utilisation cohérente de la notion de médecin ayant pratiqué l'euthanasie. En continuant à utiliser le terme de « médecin », on entretient la confusion, puisque le texte fait également référence aux médecins consultés.

Le membre souligne que si l'amendement nº 595 introduit la distinction entre le terme de médecin traitant et celui de médecin ayant pratiqué l'euthanasie, c'est précisément pour éviter que la commission n'ait accès qu'à une partie du dossier médical seulement, alors que, au contraire, elle doit pouvoir accéder à la totalité du dossier médical de manière à être en mesure de retracer l'évolution entière de la maladie et pas seulement les derniers jours du patient. Aussi longtemps que la distinction entre « médecin traitant » et « médecin ayant pratiqué l'euthanasie » est maintenue, il conviendra de souligner ce point. D'autres amendements en ce sens ont été déposés.

Le co-signataire de l'amendement abonde dans le même sens. On discerne de mieux en mieux la tendance actuelle consistant à privilégier le dossier médical intégral du patient. Le propos des auteurs de l'amendement nº 18 est-il de permettre la transmission du dossier médical intégral à la commission, y compris dans le cas où le médecin ayant pratiqué l'euthanasie n'est pas le médecin traitant ?

Un précédent orateur répond que la commission n'est pas chargée d'instruire. Après avoir levé l'anonymat, elle peut demander au médecin des précisions complémentaires. Mais elle n'est pas chargée d'instruire elle-même la totalité du dossier du malade.

Si des doutes persistent, le dossier est renvoyé au parquet.

Amendement nº 596

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 596), subsidiaire à l'amendement nº 595, qui vise à faire remplacer dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 5quater proposé, les mots « médecin traitant » par les mots « médecin ayant pratiqué l'euthanasie ».

L'auteur principal renvoie aux débats qui ont eu lieu au sujet de l'amendement nº 595.

Amendement nº 597

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 597), visant à remplacer dans la première phrase du premier alinéa de l'article 5quater proposé, les mots « médecin traitant » par les mots « médecin ayant pratiqué l'euthanasie ».

L'auteur principal déclare que le présent amendement a la même portée que les amendements nºs 595 et 596.

Amendement nº 628

M. Galand dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 628), tendant à remplacer, à l'alinéa 1er de l'article 5quater proposé, les mots « elle contrôle » par les mots « elle évalue ».

L'auteur indique que, si la commission est composée principalement de médecins et de juristes dont des professeurs d'université, ce n'est pas pour effectuer un contrôle de type strictement formel mais pour effectuer une réelle évaluation du soin avec lequel les conditions ont été appréciées.

C'est la même considération qui avait inspiré certaines corrections proposées à l'article 3.

Un membre fait remarquer que dans le texte néerlandais, le terme « examiner » est utilisé et que ce terme a un sens plus large que le terme « contrôler ».

Amendement nº 657

M. Istasse dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 657), en vue de remplacer, dans la deuxième phrase de l'article 5quater proposé, le mot « contrôle » par le mot « vérifie ».

Le terme « contrôle » paraît en effet assez ambigu, et peut avoir une signification très passive ou très active, dans le sens réglementaire. Le terme « vérifie » est également plus conforme à la version néerlandaise du texte.

Amendements nºs 598 et 629

M. Vandenberghe et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 598), visant à compléter le premier alinéa de l'article 5quater proposé par une disposition stipulant que la commission a la faculté d'entendre le médecin ayant pratiqué l'euthanasie, ainsi que les personnes que celui-ci a consultées.

L'auteur principal déclare que pour permettre à la commission d'exercer efficacement sa mission de contrôle, il convient de lui donner la possibilité d'entendre et le médecin qui a pratiqué l'euthanasie et les personnes que ce médecin a consultées.

M. Galand renvoie à son sous-amendement nº 629 (doc. Sénat, nº 2-244/19), qui prévoit que le médecin serait averti que son anonymat était levé, et qu'il pourrait rencontrer les membres de la commission, s'il le souhaitait. Ainsi, le médecin apprendra, par la commission elle-même et non par le parquet, que son anonymat a été levé. Le médecin n'est évidemment pas obligé de se présenter devant la commission. S'il ne le fait pas, il assume la responsabilité de cette décision, et la commission appréciera cet élément parmi d'autres.

Amendement nº 632

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 632).

Ce sous-amendement propose de remplacer, à l'alinéa 1er de l'article 5quater proposé, les mots « les articles 3, 4 et 4bis », par les mots « les articles 3 à 5 ».

Il est subsidiaire au sous-amendement nº 470 du même auteur, qui vise à remplacer les mêmes mots par les mots « la présente loi ».

Le sous-amendement nº 632 répond au principe, déjà évoqué par l'auteur, selon lequel il est préférable de viser des dispositions précises. Ces dispositions doivent, selon l'auteur du sous-amendement, comprendre également l'article 5.

Amendement nº 633

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 633), tendant à remplacer l'alinéa 2 de l'article 5quater proposé par ce qui suit :

« Elle rend un avis dans un délai de deux mois à dater de la réception du document d'enregistrement. »

Ce sous-amendement est subsidiaire au sous-amendement nº 582 du même auteur.

L'auteur souligne que, pour ne pas créer l'ambiguïté concernant la fonction de contrôle exercée par la commission, il importe de préciser que la commission ne rend pas une décision qui constituerait un « pré-jugement » mais qu'elle rend un simple avis.

Par ailleurs, il convient d'indiquer le point de départ pour le calcul du délai.

Un membre estime que les mots « se prononcer » n'évoquent pas nécessairement l'idée d'un jugement.

Un autre membre est d'avis que, si l'on remplace, à l'alinéa suivant, les mots « peut juger » par les mots « peut considérer », cela éclairera à suffisance la portée non judiciaire des termes « elle se prononce ».

Amendement nº 592

M. Vandenberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 592), visant à faire courir le délai de 2 mois, visé au deuxième alinéa de l'article proposé, à compter de la date de réception du formulaire d'enregistrement.

L'auteur principal fait remarquer que la disposition proposée prévoit que la commission se prononce dans un délai de deux mois. Elle ne fixe toutefois pas la date à laquelle ce délai prend cours.

Amendement nº 472

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 472), tendant à remplacer le dernier alinéa de l'article 5quater proposé par ce qui suit :

« Lorsque, par décision motivée prise à la majorité simple, la commission estime que les conditions prévues par la présente loi n'ont pas été respectées, elle renvoie le dossier au procureur du Roi du lieu du décès du patient. »

Ce sous-amendement est subsidiaire à l'amendement nº 582 du même auteur. Cet auteur estime que le vote à la majorité des deux tiers rend impossible dans la pratique tout renvoi au procureur du Roi, et court-circuite dans les faits le contrôle du pouvoir judiciaire. Une majorité simple semble plus raisonnable.

Par ailleurs, à nouveau, si cette majorité est atteinte, le dossier doit être renvoyé au parquet. Ce n'est plus une possibilité laissée à la commission, mais une obligation, sinon ce vote n'a pas de sens.

L'amendement vise donc à éviter au maximum l'arbitraire. Tel qu'il est rédigé, le texte laisse trop de latitude à la commission, lorsque les conditions de la loi ne sont pas respectées.

Un membre déclare qu'il ne peut suivre le raisonnement de l'auteur de l'amendement.

En effet, le parquet conserve toute son autonomie en matière de poursuites.

D'autre part, le texte tend à garantir une pluralité philosophique et un équilibre linguistique au sein de la commission. Il ne faudrait pas qu'une majorité simple soit constituée grâce à un groupe linguistique ou une tendance philosophique, plus une voix de l'autre.

Les six auteurs ont à juste titre fait preuve d'une grande prudence, car il faut tendre vers une sorte de consensus au sein de la commission.

La majorité des deux tiers se justifie donc, car avec une majorité simple, on n'aura pas la confiance du corps médical.

Une autre membre dit ne pas être d'accord avec les propos de l'intervenant précédent. Elle estime que l'instauration d'une commission d'évaluation et de contrôle fédérale est une bonne chose, puisqu'une telle institution extrajudiciaire incitera les médecins à communiquer plus rapidement les cas d'euthanasie. Toutefois, elle est d'avis que la majorité des deux tiers proposée pour pouvoir procéder à la transmission du dossier au parquet n'est pas souhaitable.

La membre rappelle les débats autour de l'amendement nº 602 qui propose de faire désigner les membres de la commission d'évaluation fédérale sur proposition du Sénat adoptée à la majorité des deux tiers. Les auteurs de l'amendement nº 18 ont répondu qu'un tel amendement permettrait à un tiers des membres de bloquer la présentation d'une liste de candidats, ce qui n'est pas souhaitable.

L'intervenante estime que la même logique peut être adoptée dans le cas présent. II n'est pas souhaitable qu'un tiers des membres de la commission de contrôle ait la possibilité de bloquer la transmission du dossier au parquet. La majorité des deux tiers prescrite par l'article 5quater n'est pas appropriée. Une majorité simple suffit.

Le précédent orateur se réfère à la situation aux Pays-Bas où, sur l'ensemble des déclarations adressées aux commissions provinciales, seuls trois dossiers ont été transmis au parquet. De tels cas apparaîtront comme douteux à la quasi-totalité de la commission.

On essaie qu'il y ait le plus large consensus possible au sein de celle-ci.

L'intervenant estime qu'il est prudent d'éviter des ruptures purement philosophiques ou linguistiques au sein de la commission.

Un membre déclare, en réponse à une précédente intervenante, qu'il a voulu éviter que par l'exigence d'une majorité parlementaire des deux tiers, un tiers des membres de l'assemblée parlementaire puisse bloquer l'application de la loi en empêchant que la commission soit créée.

Un autre membre renvoie à des interventions précédentes concernant le fait que le soi-disant « tampon » proposé prend en fait en charge le contrôle et l'évaluation et dispose de compétences beaucoup trop importantes pour réduire le rôle du parquet.

L'argument selon lequel un tiers des sénateurs pourrait faire obstruction à l'application de la loi n'est pas pertinent. Cela impliquerait qu'on est par principe opposé au principe de la majorité spéciale, alors qu'elle est admise dans d'autres cas, notamment la révision de la Constitution ou la nomination des membres du Haut Conseil de la Justice. Une minorité politique pourrait également y bloquer le processus de délibération. En fait, ce qu'on donne à sous-entendre, c'est que les délibérations d'une telle portée doivent être soutenues par une large majorité.

Le membre estime que la réglementation proposée qui dispose que la transmission par la commission du dossier au parquet doit être votée à une majorité des deux tiers a pour seul et unique but d'introduire une minorité de blocage de manière à ce que le nombre de dossiers transmis au parquet soit aussi faible que possible. La commission ne présente aucune garantie en ce qui concerne l'application efficace de la loi.

L'auteur de l'amendement nº 472 demande pourquoi, lorsque la majorité est acquise pour constater que les conditions de la loi n'ont pas été respectées, l'envoi du dossier au parquet reste une faculté.

L'intervenante estime que, dans ce cas, cet envoi doit constituer une obligation.

Un précédent orateur répond que telle est l'intention des auteurs, et qu'il envisagera de clarifier le texte sur ce point.

Un membre constate qu'on crée une minorité de blocage capable d'éviter que les dossiers soient transmis au parquet. Aux Pays-Bas, cette majorité des deux tiers n'existe pas. Une majorité simple y est de rigueur.

Un autre membre rappelle qu'aux Pays-Bas, il s'agit de commissions régionales composées de trois membres. C'est là une approche différente, plus formelle.

Dans le texte à l'examen, on crée une seule commission au niveau fédéral. Il s'agit d'une commission de sages, qui formule une appréciation autant de fond que de forme.

Une autre membre se rallie à la remarque de la préopinante. II est peut-être souhaitable de supprimer le mot « peut » et de disposer que la commission transmettra les dossiers dans le cas où elle estime que les conditions légales n'ont pas été remplies.

Un autre membre récuse l'assertion du préopinant selon laquelle les commissions de contrôle hollandaises seraient composées de trois membres. Le texte adopté par la Deuxième Chambre hollandaise stipule que le nombre de membres siégeant au sein des commissions doit être impair et s'élever à trois au minimum.

Amendement nº 581

M. Mahoux et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 581), visant à remplacer, au dernier alinéa de l'article 5quater proposé, le mot « renvoyer » par le mot « envoyer ».

L'auteur précise que le terme « renvoyer » pouvait laisser croire qu'il s'agit d'un retour vers le procureur du Roi.

Amendement nº 584

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 584), visant à mentionner dans l'alinéa 3 de l'article 5quater proposé l'application de l'article 28ter, § 1er, du Code d'Instruction criminelle.

L'auteur principal rappelle que, conformément à l'article 28ter du Code d'instruction criminelle, le procureur du Roi est tenu d'intenter des poursuites. Le régime proposé, qui prévoit que la commission ne transmet le dossier au parquet que si elle estime que les conditions à remplir et les procédures à suivre n'ont pas été respectées, ne peut porter atteinte à cette obligation.

Amendements nºs 585 et 586

M. Vandenberghe et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 586), visant à insérer dans l'article 5quater proposé une disposition stipulant que le dossier doit en tous les cas être transmis au parquet.

L'auteur principal estime qu'il est inadmissible que la commission ne transmette son jugement au parquet que lorsqu'elle y constate que les conditions et les procédures prévues aux articles 3 et 4 n'ont pas été respectées.

Le membre rappelle que, conformément à la Constitution, il appartient au parquet et non à la commission de décider des poursuites à intenter. Dès lors, le parquet doit disposer d'un aperçu des éléments de tous les dossiers.

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 585), visant à insérer dans le troisième alinéa de l'article proposé, entre les termes « n'ont pas été respectées » et les termes « transmettre le dossier », les mots « et dans ce cas, elle devra transmettre ».

L'auteur principal précise que cet amendement est d'ordre purement subsidiaire.

Si l'on estime que seul un jugement constatant le non-respect des conditions prévues et des procédures à suivre doit être transmis au parquet, alors le texte proposé le traduit de manière plutôt vague et ambiguë.

Le texte proposé laisse subsister la possibilité qu'il faille à nouveau une majorité des deux tiers pour que le dossier puisse être transmis au parquet; de plus, l'utilisation de la forme verbale « peut » ne permet pas d'inférer qu'il y a une obligation en l'espèce.

II convient de préciser le texte sur ce point.

Amendement nº 587

M. Vandenberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 587), visant à faire supprimer à l'alinéa 3 de l'article proposé les termes « en cas de décision motivée ».

L'auteur principal estime que la condition posée à la décision motivée ajoute une nouvelle restriction à la possibilité de communiquer le dossier au parquet.

Si l'on a le moindre doute à propos du respect des conditions et des procédures prévues, il doit être possible de statuer par une simple décision.

Selon les auteurs du présent amendement nº 587, le jugement de la commission consiste en un simple avis (positif ou négatif) à transmettre en tout cas au parquet.

Amendement nº 590

M. Vandenberghe et consorts déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 590), visant à préciser à l'alinéa 3 qu'il convient non seulement de respecter les conditions, mais également les procédures.

L'auteur principal estime que la commission doit se prononcer non seulement sur le respect des conditions prévues aux articles 3 et 4, mais aussi sur le respect des conditions procédurales de prudence mentionnées à ces articles.

Amendement nº 591

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 591), visant à ramener la majorité des deux tiers visée à l'alinéa 3 à la majorité simple.

L'auteur principal se réfère aux débats qui ont déjà eu lieu sur ce sujet. II rappelle que ces amendements sont subsidiaires, puisque la critique fondamentale à l'égard du fait que la commission exerce les compétences qui reviennent de fait au parquet est maintenue.

Amendement nº 637

M. Galand et Mme de T' Serclaes déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 637), tendant à remplacer, à l'alinéa 3 de l'article 5quater proposé, les mots « juger que les conditions prévues par les articles 3 et 4bis n'ont pas été respectées, et » par les mots « décider de ».

Les auteurs estiment en effet que la commission a un pouvoir d'appréciation globale.

En outre, ne s'agissant pas d'instituer un organe juridictionnel mais bien une commission d'évaluation, les termes proposés sont plus adéquats.

Un membre répond que l'expression « les conditions prévues par la présente loi » présentent la connotation globale souhaitée par les auteurs de l'amendement nº 637.

Amendement nº 654

M. Vankrunkelsven et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 654), visant à insérer dans l'article 5quater proposé que les formulaires d'enregistrement seront examinés par les communautés flamande et française, par l'intermédiaire de leur chambre respective.

L'amendement nº 654 est retiré au profit du sous-amendement nº 653 à l'article 5bis (amendement nº 18).

Amendement nº 651

M. Mahoux et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 651), qui a pour but de remplacer le dernier alinéa de l'article 5quater proposé, par ce qui suit :

« Lorsque, par décision prise à la majorité des deux tiers, la commission considère que les conditions prévues par la présente loi n'ont pas été respectées, elle envoie le dossier au procureur du Roi du lieu du décès du patient. »

Ce sous-amendement a pour but de lever l'ambiguïté de l'amendement principal quant au fait que, si la commission considère, à la majorité des deux tiers, que les conditions de la loi n'ont pas été respectées, l'envoi du dossier au parquet est une obligation et non une simple faculté.

La commission s'accorde toutefois pour remplacer le terme « considère » par le mot « estime ». Le texte néerlandais sera libellé comme suit : « Is de commissie van oordeel ... ».

M. Galand et Mme de T' Serclaes déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 637), tendant à remplacer, à l'alinéa 3 de l'article 5quater proposé, les mots « juger que les conditions prévues par les articles 3 et 4bis n'ont pas été respectées, et » par les mots « décider de ».

Ce sous-amendement rend mieux compte du caractère non juridictionnel de la mission de la commission.

Amendement nº 648

Mme Vanlerberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 648), visant à remplacer à l'alinéa 3 de l'article 5quater proposé les mots « les articles 3, 4 et 4bis », par les mots « cette loi ».

L'auteur principal déclare que toutes les conditions doivent être remplies par le médecin, non seulement celles prévues par les articles 3, 4 et 4bis, mais également celles qui se rapportent au remplissage du formulaire d'enregistrement.

Elle se réfère à des amendements déposés antérieurement qui introduisent la même modification.

Amendement nº 649

M. Mahoux et consorts déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 649), tendant à remplacer, dans le texte français de l'alinéa 3 de l'article 5quater proposé, le mot « juger » par le mot « considérer ».

Un membre demande la traduction en néerlandais du terme français « considérer ».

L'auteur principal répond que, à son avis, le terme néerlandais « oordelen » peut être maintenu. Si l'interprétation de ce terme pose problème quant à la définition précise de la compétence de la commission, il propose d'utiliser en français le terme « estimer » et en néerlandais l'expression « van oordeel zijn » (être d'avis »).

L'amendement nº 649 sera retiré, car il est repris dans l'amendement global nº 651 déposé par M. Mahoux et consorts à l'alinéa 3.

Amendement nº 197

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/12, amendement nº 197), visant à compléter l'article 5quater proposé par la disposition suivante :

« Dans les cas où, conformément à l'article 3, § 4, 2º, une commission ad hoc a rendu un avis positif sur la condition nécessaire pour l'euthanasie, la commission d'évaluation se prononce uniquement sur les conditions formelles. »

Amendement nº 563

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 563), visant à compléter l'article 5quater proposé par l'alinéa suivant : « La commission ne peut délibérer et juger valablement que si tous ses membres sont présents. »

Un des auteurs rappelle que la commission ne peut statuer qu'en présence de la totalité de ses membres. Les délibérations de la commission doivent rester indépendantes de toute majorité fortuite.

Amendement nº 578

M. Remans et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 578), visant à compléter l'article proposé par l'alinéa suivant :

« Lorsque la levée de l'anonymat fait apparaître des faits ou des circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance ou l'impartialité du jugement d'un membre de la commission, ce membre se fera excuser ou pourra être récusé pour l'examen de cette affaire par la commission. »

Amendement nº 588

M. Vandenberghe et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 588), visant également à compléter l'article 5quater proposé par un nouvel alinéa, libellé comme suit : « Le médecin qui a pratiqué l'euthanasie est informé par écrit du jugement de la commission. »

II importe que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie soit informé du jugement de la commission.

Amendement nº 589

M. Vandenberghe et consorts dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 589), visant à insérer un nouvel alinéa à l'article proposé, libellé comme suit : « Le jugement de la commission n'a que valeur d'avis au procureur du Roi. »

L'auteur principal renvoie aux interventions précédentes et à la justification écrite à ce sujet.

Amendement nº 639

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 639), tendant à compléter l'article 5quater proposé par un § 2, rédigé comme suit :

« § 2. La commission ne peut délibérer et rendre un avis valablement que si la totalité de ses membres sont présents.

Les avis de la commission mentionnent les divers points de vue exprimés. »

Ce sous-amendement est subsidiaire au sous-amendement nº 582 du même auteur.

En ce qui concerne l'alinéa 1er du § 2 proposé, l'auteur renvoie à ce qui a déjà été dit sur le sujet.

Quant à l'alinéa 2, une telle procédure existe, par exemple, au Comité consultatif de bioéthique.

Différentes autres instances, juridictionnelles ou non, mentionnent les opinions dissidentes.

L'auteur de l'amendement trouve intéressant que de telles opinions soient connues.

Amendement nº 640

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 640), tendant à compléter l'article 5quater proposé par un § 3, rédigé comme suit :

« § 3. Tout avis de la commission est transmis au procureur du Roi du lieu du décès du patient. Celui-ci peut, sur simple demande, recueillir tout renseignement ou requérir la communication de tout document auprès de la commission. »

Ce sous-amendement est également subsidiaire au sous-amendement nº 582 du même auteur. Il s'inscrit dans la logique d'une mission de contrôle d'application de la loi.

Pour que le procureur du Roi ne soit pas influencé, de quelque manière que ce soit, l'auteur trouverait préférable et moins arbitraire que la commission envoie un avis sur tout dossier qu'elle a reçu.

D'autre part, lorsque le procureur recevra de la commission un avis ou un dossier, sans doute ouvrira-t-il une information.

L'auteur trouverait opportun qu'il soit prévu que le procureur du Roi puisse interroger la commission.

Un membre constate que ce sous-amendement va à l'encontre de l'amendement proposé par les six auteurs de la proposition de loi initiale, en en revenant à un envoi systématique au procureur du Roi.

Un membre se réfère à l'avis du Conseil d'État néerlandais selon lequel le ministère public doit pouvoir disposer de tous les dossiers pour être en mesure de déterminer la politique à suivre en matière de poursuites. Dans la pratique, le ministère public pourra donc traiter les dossiers comme il l'entend, avec ou sans avis favorable. Mais tous les dossiers doivent être transmis à la commission, du moins en théorie.

L'amendement nº 589 se situe dans le prolongement de l'avis du Conseil d'État néerlandais et maintient le « tampon » entre le médecin qui pratique l'euthanasie et les instances juridiques.

Article 5quater-1 (nouveau)

Amendement nº 492

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 492), tendant a insérer un article 5quater-1 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 5quater-1. ­ La Commission établit un document qui devra être complété à titre de rapport annuel par les établissements de soins et lui être transmis au plus tard le 30 avril de l'année suivant celle sur laquelle porte l'information.

Ce rapport mentionne :

­ le nombre d'euthanasies demandées au sein de l'établissement;

­ le nombre d'euthanasies pratiquées par les médecins attachés à l'établissement. »

Le sous-amendement s'inscrit dans le rôle d'évaluation de la commission.

Il serait intéressant de demander aux établissements de soins de transmettre un document, pour le cas où les médecins ne rempliraient pas la déclaration prévue.

Un rapport similaire est prévu dans la loi visant à créer une commission d'évaluation de la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse.

Votes

L'amendement nº 582 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 508 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 560 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 573 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 469 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 646 de M. Galand est devenu sans objet.

L'amendement nº 470 de Mme Nyssens est adopté par 20 voix et 7 abstentions.

L'amendement nº 471 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 561 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'amendement nº 562 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 593 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 594 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 595 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 596 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 597 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 628 de M. Galand est rejeté par 15 voix contre 9 et 4 abstentions.

L'amendement nº 657 de M. Istasse est adopté par 17 voix et 10 abstentions.

L'amendement nº 647 de M. Galand est devenu sans objet.

L'amendement nº 654 A/B de M. Vankrunkelsven est rejeté par 19 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 598 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 629 de M. Galand est rejeté par 14 voix contre 10 et 4 abstentions.

L'amendement nº 632 de Mme Nyssens est devenu sans objet.

L'amendement nº 633 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 592 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 654C de M. Vankrunkelsven est rejeté par 19 voix contre 2 et 8 abstentions.

L'amendement nº 651 de M. Mahoux et consorts est adopté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 472 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 10.

L'amendement nº 581 de M. Mahoux et consorts est adopté par 17 voix contre 1 et 9 abstentions.

L'amendement nº 584 (A et B) de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 585 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 586 (A et B) de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 587 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 590 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 16 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 591 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 17 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 637 de M. Galand et Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 3 et 9 abstentions.

L'amendement nº 648 de M. Vandenberghe et consorts est devenu sans objet.

L'amendement nº 649 de M. Mahoux et consorts est retiré.

L'amendement nº 197 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 25 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 563 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 8 et 2 abstentions.

L'amendement nº 578 de M. Remans et consorts est adopté par 19 voix et 9 abstentions.

L'amendement nº 588 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 589 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 18 voix contre 9.

L'amendement nº 639 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 640 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'article 5quater, contenu dans l'amendement nº 18, et tel que sous-amendé, est adopté par 17 voix contre 12.

L'amendement nº 492 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 1 abstention.

Article 5quinquies (nouveau) (article 9 du texte adopté)

Amendement nº 18

L'auteur principal renvoie à l'exposé des motifs qu'elle a déjà présenté avec l'amendement nº 18 comportant les articles 5bis à 5novies.

En ce qui concerne l'article 5quinquies, la membre déclare qu'il s'agit de fournir aux Chambres législatives un rapport bisannuel comportant des informations statistiques permettant d'évaluer l'application de la loi et, le cas échéant, de formuler des recommandations pour mettre en oeuvre des initiatives législatives.

La membre se réfère explicitement à la disposition du dernier alinéa de l'article 5quinquies proposé aux termes duquel la commission a également la faculté de faire appel à des experts. Ceci permet à une équipe de recherche universitaire de mener une étude approfondie sur les données statistiques et de tirer des conclusions sur les personnes introduisant une requête d'euthanasie, sur les médecins pratiquant l'euthanasie, etc. Il va sans dire que l'anonymat doit être préservé dans tous les cas.

Amendement nº 610

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 610), visant, au a) de l'alinéa 1er de l'article 5quinquies proposé, à supprimer les mots « second volet du ». L'auteur estime en effet que le document ne doit pas comporter deux volets.

Un membre rappelle qu'en tout état de cause, il a été convenu de remplacer systématiquement le mot « partie(s) » par le mot « volet(s) ».

Amendement nº 493

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 493), tendant à compléter le a) proposé par les mots « ainsi que dans le rapport visé à l'article 5quater-1 ».

L'auteur souligne que le deuxième volet du document d'enregistrement ne peut fournir des informations que sur les euthanasies effectivement pratiquées. Il serait toutefois utile de pouvoir comparer le nombre d'euthanasies demandées par rapport au nombre d'euthanasies effectivement pratiquées.

Ce sous-amendement est lié au sous-amendement nº 492 précité.

Un membre fait observer que l'établissement de soins n'a pas à connaître toutes les demandes, car cela relève pour une part du secret médical et de la confidentialité.

L'auteur de l'amendement nº 493 rappelle qu'un rapport similaire est prévu en matière d'interruption volontaire de grossesse.

Le précédent orateur se demande comment on pourrait évaluer le nombre de demandes d'euthanasie qui sont formulées.

L'auteur de l'amendement nº 493 répond que, parmi les demandes formulées, on sait que beaucoup s'effacent, tandis que d'autres persistent et sont rencontrées par le médecin. Il serait intéressant de connaître le nombre des unes et des autres.

On pourrait ainsi progresser dans la qualité de l'accompagnement des patients.

Un membre observe qu'en matière d'avortement, il a fallu un certain temps pour que la commission d'évaluation puisse obtenir les données nécessaires et rédiger à l'attention du Parlement un rapport qui soit vraiment utile à celui-ci pour apprécier l'application de la loi sur le terrain.

En l'espèce, les dispositions relatives à la commission d'évaluation, initialement contenues dans une proposition de loi distincte, ont été intégrées dans la proposition de loi relative à l'euthanasie.

Le problème est que cette commission se voit confier un rôle hybride, à la fois de contrôle (mais il s'agit d'un contrôle très formel), et d'évaluation (mais la commission ne dispose pas de tous les instruments nécessaires à cette fin). Si l'on veut pouvoir se rendre compte de la manière dont les choses évoluent sur le terrain, c'est-à-dire comment fonctionne la loi elle-même, mais aussi comment se passe l'accompagnement de fin de vie, il faudra, à destination du Parlement, compléter les données fournies par la commission par des études épidémiologiques, universitaires et autres, beaucoup plus approfondies, comme on a pu le faire aux Pays-Bas.

Un précédent orateur estime qu'une loi sur l'euthanasie n'est pas le lieu indiqué pour organiser une commission chargée de suivre l'ensemble de la problématique de l'accompagnement de fin de vie dans le cadre des soins de santé.

Cette mission relève plutôt d'une instance plus générale, comme l'Institut supérieur de Santé publique.

La commission de contrôle et d'évaluation doit surtout, aux yeux de l'intervenant, avoir un avis sur l'application de la loi.

Le texte proposé prévoit d'ailleurs qu'elle peut décider de communiquer des informations statistiques et purement techniques, à l'exclusion de toutes données à caractère personnel, aux équipes universitaires de recherche qui en feraient la demande motivée.

Amendement nº 494

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 494), tendant à remplacer, au c) de l'article 5quinquies proposé, les mots « concernant l'exécution de la présente loi « par les mots « susceptibles de contribuer à réduire le nombre d'euthanasies et à améliorer l'accompagnement des personnes en fin de vie ou souffrant d'affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ».

L'auteur précise que l'amendement vise à réaffirmer la place essentielle qu'occupe l'accompagnement tant médical que moral du patient en fin de vie ou souffrant d'une pathologie incurable. Cet accompagnement est primordial pour prévenir l'apparition de demandes d'euthanasie, qui sont toujours le signe de la perte de tout espoir par le patient.

L'obligation d'assistance tant morale que médicale des médecins et des soignants est essentielle à l'égard de ces personnes excessivement vulnérables. Il importe de ne pas consacrer par une législation trop laxiste l'abandon thérapeutique de ces personnes qui ont précisément le plus besoin du soutien de ceux qui en ont la charge.

L'euthanasie doit conserver son caractère subsidiaire. Il faut toujours lui préférer d'autres alternatives moins préjudiciables pour le patient.

Le sous-amendement va dans le sens du c) prévu à l'amendement principal, mais est plus précis. Il se situe dans le droit fil de la proposition cosignée par l'auteur, et qui concernait toutes les décisions relatives au patient en fin de vie.

Les auteurs de cette proposition sont d'avis que l'euthanasie doit conserver un caractère strictement subsidiaire.

Un membre précise que les termes « l'exécution de la présente loi » (cf. le c) de l'amendement nº 18) concernent évidemment tous les volets de cette loi. L'intervenant rappelle à cet égard tous les éléments contenus dans la proposition, et qui concernent la qualité de l'entourage, le fait que le médecin doit convenir qu'il n'y a pas d'autre solution possible, le fait que l'on doit pouvoir répondre aux demandes des malades, etc.

Amendement nº 613

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 613), visant à supprimer à la lettre b) de l'article 5quinquies, l'expression « et évalué ».

L'auteur fait remarquer que la disposition proposée prévoit que la commission chargée de « contrôler » le respect par le médecin des conditions visées aux articles 3 et 4, devra faire par ailleurs une évaluation de l'application de la loi.

On ne peut pas combiner cette double mission.

Étant chargée d'une mission de contrôle, à l'occasion de laquelle elle ne transmet en outre au parquet que les cas pour lesquels elle estime, à la majorité des deux tiers, que les conditions n'ont pas été respectées ou « pas suffisamment », la commission applique tout d'abord de facto sa propre politique en matière de poursuites et de classement. En plus du caractère inconstitutionnel d'un tel système, déjà mis en évidence par les auteurs du présent amendement, cet état de choses se trouve encore aggravé du fait que cette même commission devra évaluer sa politique de contrôle en la matière et pourra, dans le cadre de cette évaluation, proposer par exemple de nouveaux motifs de renvoi ou de non-renvoi (c'est-à-dire de « poursuites » ou de « classement sans suite »). Qui plus est, la terminologie utilisée « l'application de la présente loi » va au-delà de la simple évaluation de la politique de contrôle de la commission elle-même puisqu'elle englobe également la politique de poursuite et de classement suivie par le ministère public.

L'article 151 de la Constitution dispose expressément que le ministre de la Justice est exclusivement compétent pour arrêter les directives de la politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite, en se faisant assister le cas échéant par le collège des procureurs généraux, comme le prévoit l'article 143ter de la loi du 4 mars 1997.

II n'appartient donc nullement à la commission d'évaluation de procéder à une évaluation de sa propre politique de contrôle ou de la politique en matière de recherche et de poursuite menée en application de la présente loi.

La commission d'évaluation a par contre un rôle utile à jouer en rassemblant des données statistiques, assorties de quelques commentaires, qui devront être transmises aux Chambres législatives, lesquelles pourront en tirer les conclusions utiles et transmettre des propositions au ministre de la Justice.

II y a lieu par conséquent de supprimer la fonction « d'évaluation » attribuée à la commission.

Un membre répond que la logique de l'amendement diffère de celle des six auteurs, puisqu'elle voit dans la mission de la commission un caractère juridictionnel.

Le préopinant estime que le parquet n'a pas seulement un rôle juridique.

Amendement nº 614

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 614), subsidiaire à l'amendement nº 613, visant à remplacer à l'article 5quinquies proposé, le terme « évalué » par le terme « motivé ».

L'auteur principal renvoie à l'exposé des motifs accompagnant l'amendement nº 613.

Amendement nº 615

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 615 A), visant à préciser que le rapport doit réfléter non seulement l'application de la loi mais aussi l'évolution de l'application de la loi.

L'auteur estime qu'il serait utile que, dans le rapport qu'elle établit tous les deux ans, la commission commente non seulement l'application de la loi, mais aussi l'évolution constatée dans l'application de celle-ci.

Amendement nº 616

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat nº 2-244/19, amendement nº 616), visant à remplacer au point c) de l'article proposé les termes « concernant l'application de cette loi » par les mots « susceptibles de conduire à un meilleur encadrement médical et à un meilleur accompagnement psychosocial des patients incurables, en particulier à l'amélioration et à l'extension des soins palliatifs ».

Le traitement des données statistiques doit permettre à la commission de vérifier à quels niveaux (et par exemple aussi dans quels milieux et régions) la demande d'euthanasie peut être abordée sous l'angle de la prévention.

De manière plus spécifique, la commission doit proposer des mesures relatives à l'amélioration et à l'extension des soins palliatifs; comme le champ d'application de la loi comprend aussi les patients autres que ceux en phase terminale, il s'impose tout autant de formuler des recommandations relatives à l'amélioration de l'encadrement médical et de l'accompagnement psychosocial.

Un membre estime que cet amendement a davantage sa place dans une approche globale qui concerne aussi les soins palliatifs.

Amendement nº 609

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 609), tendant à insérer, à l'alinéa 2 de l'article 5quinquies proposé, les mots « et établissements de soins » après les mots « institutions ».

L'auteur précise qu'à la relecture de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, elle a constaté que la commission pouvait recueillir des informations auprès des diverses autorités et institutions.

Le sous-amendement propose de viser ici, de façon plus précise, les « établissements de soins », car les informations recueillies auprès de ceux-ci pourraient être utiles sur le plan épidémiologique, ceci n'excluant pas que des études plus générales, plus approfondies, et plus scientifiques soient menées, comme déjà indiqué.

Un membre fait observer que les établissements de soins ne sont pas les seuls concernés, puisqu'il y a des patients qui décèdent à leur domicile.

Amendement nº 638

M. Galand et Mme de T' Serclaes déposent à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 638), tendant à remplacer, à l'alinéa 4 de l'article 5quinquies proposé, les termes « purement technique » par les mots « scientifique ».

Les auteurs estiment en effet qu'il ne s'agit pas ici d'un acte technique, mais bien d'une démarche qui doit être empreinte d'humanité.

Votes

L'amendement nº 610 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 2 et 8 abstentions.

L'amendement nº 493 de Mme Nyssens est rejeté par 19 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 613 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 614 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 615 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 9 et 1 abstention.

L'amendement nº 494 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 616 de M. Vandenberghe est rejeté par 17 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 609 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 638 de M. Galand et Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 12.

L'article 5quinquies, contenu à l'amendement nº 18, est adopté par 20 voix contre 7 et 1 abstention.

Article 5sexies (nouveau) (Article 10 du texte adopté)

Amendement nº 18

L'auteur principal renvoie à la justification qu'elle a déjà donnée lors de la présentation de l'amendement nº 18 englobant les articles 5bis à 5novies compris.

La membre déclare que l'article 5sexies permet au Roi de mettre à la disposition de la commission un encadrement administratif pour l'exécution de ses missions légales.

Amendement nº 509

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 509), visant à mettre à la disposition de la commission de contrôle régionale un cadre administratif.

Un des auteurs déclare que le sous-amendement entre dans le cadre de la création de commissions de contrôle régionales. Il se réfère à ce propos aux débats correspondants.

Amendement nº 658

Mme de T' Serclaes et consorts dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 658), tendant à compléter l'article 5sexies par ce qui suit :

« La commission siège au Sénat et bénéficie de ses services en vue de l'accomplissement de ses missions légales. »

Les auteurs estiment en effet que le Sénat est, en tant que chambre de réflexion, tout indiqué pour accueillir la commission.

Votes

L'amendement nº 658 de Mme de T' Serclaes et consorts est rejeté par 18 voix contre 3 et 8 abstentions.

L'amendement nº 509 de M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 8 et 1 abstention.

L'article 5sexies contenu à l'amendement nº 18 est adopté par 20 voix contre 8.

Article 5septies (nouveau) (article 11 du texte adopté)

Amendement nº 18

L'auteur principal renvoie à la justification qu'elle a déjà donnée lors de la présentation de l'amendement nº 18 englobant les articles 5bis à 5novies.

L'article 5septies se rapporte aux frais généraux de la commission.

Amendement nr. 510

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 510), visant à imputer les frais généraux des commissions de contrôle régionales aux budgets des ministères de la Justice et de la Santé.

Un des auteurs déclare que le présent amendement nº 510 s'inscrit dans le cadre de la création des commissions de contrôle régionales. II renvoie à ce propos aux débats qui ont eu lieu sur ce sujet.

Article 5septies-1 (nouveau)

Amendements nºs 601 en 495

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 601), tendant à insérer un article 5septies-1 (nouveau), libellé comme suit :

« Art. 5septies-1. ­ Le médecin qui a omis de transmettre à la commission le document d'enregistrement visé à l'article 5ter est présumé jusqu'à preuve du contraire ne pas avoir agi en conformité avec la présente loi. »

L'auteur de l'amendement estime que les médecins doivent être incités à compléter le document d'enregistrement et à le renvoyer à la commission d'évaluation. Il semble logique de leur retirer a priori le « bénéfice » de la loi s'ils n'ont pas satisfait à certaines obligations essentielles prescrites par celle-ci.

L'auteur dit avoir été fort frappée par l'expérience hollandaise, dont il résulte que beaucoup de médecins ne remplissaient pas le formulaire prévu, en dépit des conditions strictes fixées par la loi.

Le même auteur dépose un second sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 495), tendant à insérer un article 5septies-1 (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 5septies-1. ­ Celui qui, soit par négligence, soit par mauvaise volonté et après qu'un rappel lui aura été adressé, omettra de transmettre le document d'enregistrement visé à l'article 5ter ou le rapport annuel visé à l'article 5quater-1 à la commission d'évaluation dans le délai prévu sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois ou d'une amende de cinquante à cinq mille francs.

Le chapitre VII du livre premier et l'article 85 du Code pénal s'appliquent par analogie aux infractions visées au présent article. »

Votes

L'amendement nº 510 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 17 voix contre 8 et 3 abstentions.

L'amendement nº 495 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 7 et 2 abstentions.

L'amendement nº 601 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 1 et 9 abstentions.

L'article 5septies contenu à l'amendement nº 18 est adopté par 21 voix contre 8.

Article 5octies (nouveau) (article 12 du texte adopté)

Amendement nº 18

L'auteur principal renvoie à la justification qu'elle a déjà donnée lors de la présentation globale de l'amendement nº 18, qui regroupe les articles 5bis à 5novies.

L'article 5octies concerne l'obligation de confidentialité à laquelle est tenu quiconque prête son concours à l'application de la présente loi.

Amendement nº 617

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 617), visant à compléter la première phrase de l'article 5octies par la disposition suivante :

« sauf si la loi lui impose une obligation de communication, s'il est convoqué en justice pour témoigner ou si l'obligation de communication découle de sa mission. »

Un membre déclare que le libellé proposé par l'amendement nº 18 ne permet pas au ministère public d'interpeller les membres de la commission de contrôle afin qu'ils répondent de leurs actes. Prétendre dans ce cas que le ministère public peut exercer pleinement ses compétences en matière de poursuites constitue un abus de langage. En effet, en l'état actuel de l'amendement nº 18, il serait impossible d'entendre les membres de la commission, les témoins, la personne de confiance du patient, ainsi que les médecins à consulter ou le personnel soignant.

Il convient par conséquent d'insérer à l'article 5octies la disposition aux termes de laquelle les personnes impliquées dans un acte euthanasique doivent pouvoir témoigner et être entendues par le ministère public.

De plus, le libellé est en contradiction avec l'obligation du médecin qui a pratiqué l'euthanasie de transmettre le document d'enregistrement à la commission de contrôle.

Un autre membre répond que la loi sur la protection de la vie privée dit bien que cette protection constitue une règle générale, sauf les exceptions prévues par la loi.

En l'espèce, on rappelle la règle générale, en indiquant que les membres de la commission sont tenus à la confidentialité, mais le texte prévoit aussi une exception et précise que, dans certains cas et selon les conditions prévues par la loi, le dossier sera transmis au parquet si la commission en décide ainsi à la majorité des deux tiers.

Certains ont évoqué la possibilité que la commission soit interrogée par le parquet. Mais de quoi la commission aura-t-elle à connaître, si ce n'est du document qu'elle sera précisément chargée de transmettre au parquet quand elle constate que la procédure n'a pas été respectée ?

À partir de ce moment, le parquet remplit son rôle à l'égard de l'auteur des faits, et non à l'égard de la structure intermédiaire qui lui a transmis le document.

La préopinante confirme cette dernière hypothèse. En effet, non seulement les membres de la commission de contrôle, mais aussi toute personne prêtant son concours à l'acte euthanasique, sont visés par l'article 5octies. On introduit par cette proposition de loi une nouvelle obligation de confidentialité et il est nécessaire de l'assortir d'exceptions.

Le préopinant répond que rien ne limite le pouvoir du parquet, quelle que soit la manière dont il est saisi d'un dossier, et à n'importe quel moment de la procédure. S'il en est saisi à la suite d'une décision de la commission prise à la majorité des deux tiers, il le traitera comme n'importe quel autre dossier. Il est possible aussi que le parquet soit saisi par une plainte, et qu'il traite le dossier parallèlement à la procédure qui se déroule devant la commission de contrôle et d'évaluation.

La préopinante infère du libellé de l'article 5octies que toute personne prêtant son concours à l'application de la loi, à savoir les membres de la commission, les personnes de confiance, les membres de l'équipe soignante, les médecins consultés, etc., ont la possibilité d'invoquer cet article pour se soustraire à l'obligation de répondre aux questions que le ministère public pourrait être amené à leur poser dans certains cas.

L'amendement nº 617 vise à instaurer une exception à cette disposition, afin de préserver la compétence du ministère public, comme le souhaitent les auteurs de l'amendement nº 18.

Le préopinant conteste ce qui vient d'être dit par l'intervenante précédente.

Amendement nº 618

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 618), en vue d'apporter à l'article proposé une adaptation technique en supprimant le terme « également ».

Un membre déclare que ce terme est superflu dans une disposition juridique.

Votes

L'amendement nº 617 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 9 et 3 abstentions.

L'amendement nº 618 de M. Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 28 membres présents.

L'article 5octies, contenu à l'amendement nº 18, et tel que sous-amendé, est adopté par 21 voix contre 8.

Article 5novies (nouveau) (article 13 du texte adopté)

Amendement nº 18

Mme De Roeck renvoie au commentaire qu'elle a déjà fait lors de la présentation globale de l'amendement nº 18, qui comporte les articles 5bis à 5novies.

L'article 5novies dispose que les Chambres législatives doivent ouvrir le débat dans le délai de six mois qui suit la transmission du rapport de la commission.

Votes

L'article 5novies, contenu à l'amendement nº 18, est adopté par 20 voix contre 8 et 1 abstention.

L'amendement nº 18 de Mme De Roeck et consorts, tel que sous-amendé, est adopté par 17 voix contre 11 et 1 abstention.

Article 5decies (nouveau)

Amendement nº 652

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 18 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 652), qui vise à insérer dans la proposition de loi un nouvel article 5decies, libellé comme suit :

« Art. 5decies. ­ La commission est tenue de fournir au procureur du Roi qui en fait la demande toutes les informations dont il a besoin. »

Un membre déclare que l'amendement vise à fournir des informations complémentaires au procureur, verbalement par exemple, de manière à permettre au ministère public d'exercer pleinement ses compétences en matière de poursuites, conformément à l'article 151 de la Constitution.

Une telle disposition figure également dans la proposition de loi adoptée par la Deuxième Chambre hollandaise.

Votes

L'amendement nº 652 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 9 et 1 abstention.

Article 6 (article 14 du texte adopté)

Amendement nº 479

M. Monfils et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/17, amendement nº 479), tendant à remplacer l'alinéa 1er de l'article 6 par ce qui suit :

« La demande et la déclaration anticipée de volonté telles que prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi n'ont pas de valeur contraignante.

Aucun praticien de l'art de guérir n'est tenu de donner suite à une demande d'euthanasie. »

Cet amendement tend à préciser la formulation de l'alinéa 1er, qui semblait ambiguë, puisqu'elle pouvait donner à penser que les médecins n'étaient pas obligés de respecter les dispositions des articles 3 et 4, alinéa 2, alors que telle n'est évidemment pas l'intention des auteurs de la proposition. Le sens du texte est qu'un médecin n'est jamais obligé de donner suite à une demande d'euthanasie ni à une déclaration anticipée. Telle est la portée de l'amendement proposé.

Une membre demande au précédent intervenant si, par les termes « praticien de l'art de guérir », les auteurs visent bien les médecins.

L'auteur principal de l'amendement le confirme.

La précédente intervenante demande ce qu'il en est des infirmiers et des autres personnes qui concourent à l'application de la loi, comme la personne de confiance, le témoin.

Un membre relève que, alors que le texte original de la proposition de loi nº 2-244/1 dispose que « aucun praticien ni aucune autre personne ne peut être contraint de prêter son concours à l'application des articles 3 et 4, deuxième alinéa », l'amendement nº 479 se rapporte uniquement au praticien de l'art de guérir. Les autres personnes ne sont pas concernées par l'application de l'article.

Cela signifie-t-il que d'autres personnes peuvent être contraintes à donner suite à une demande d'euthanasie, sans pour autant pouvoir invoquer la clause de conscience ? Voilà la question à laquelle il faut répondre.

La précédente intervenante déclare qu'elle a déposé des amendements en vue de préciser la question de l'objection de conscience pour les personnes autres que le médecin.

L'auteur principal de l'amendement nº 479 répond que c'est l'euthanasie pratiquée par un médecin qui est pénalisée. Le texte proposé reste dans ce cadre. Le problème de l'infirmier ou d'un autre tiers ne se pose pas, car, si une telle personne pratique une euthanasie, elle est en tout état de cause punissable.

Seul le médecin qui la pratique dans certaines conditions n'est pas punissable. Il ne peut déléguer l'acte à personne, faute de quoi on sort du cadre de la loi.

Une membre suggère que la première phrase de l'amendement soit complétée par les mots « pour le médecin ».

Quant à la deuxième phrase de l'amendement, l'intervenante estime qu'il y aurait lieu d'y apporter des précisions.

En ce qui concerne le médecin, il a été clairement indiqué qu'il n'était jamais contraint de donner suite à une demande d'euthanasie, quelle que soit la nature de ses objections.

Mais il y a d'autres praticiens de l'art de guérir, tels que les pharmaciens, qui sont impliqués dans le processus, parce qu'on leur demande un avis (deuxième médecin consulté, équipe soignante, ...), ou parce qu'ils seraient amenés à concourir à l'acte, et pourraient donc éventuellement être considérés comme complices.

Un membre rappelle que la proposition de loi décrit les conditions dans lesquelles, lorsqu'un médecin pratique une euthanasie, il n'y a pas d'infraction. L'intervenant ne voit pas comment il pourrait être question de complicité dans une telle hypothèse.

Ce qui, dans le texte proposé, lui paraît très important, c'est la clause de conscience qui est prévue pour le médecin.

En outre, comme cela a déjà été souligné, l'acte d'euthanasie doit être posé par un médecin, sans aucune possibilité de délégation. C'est pourquoi le texte proposé prévoit que l'une des conditions pour qu'il n'y ait pas infraction est que l'acte soit posé par un médecin.

Il arrive effectivement que l'on délègue, sans que cela se justifie.

Pour le surplus, les clauses de conscience continuent à jouer, de façon générale, et à quelque moment que ce soit, qu'il s'agisse de médecins, de journalistes, de travailleurs sociaux, etc.

Amendements nºs 674 et 677

M. Monfils annonce le dépôt d'un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 674, sous-amendement à l'amendement nº 479), tendant à remplacer les mots « aucun praticien de l'art de guérir » par les mots « aucun médecin ».

Pour le reste, l'intervenant souligne une fois encore qu'il ne faut pas recréer un droit de la responsabilité médicale à partir d'une disposition légale spécifique.

Un membre demande s'il est hors de question que, lors d'une euthanasie, une infirmière soit chargée de surveiller le baxter posé par un médecin.

Peut-elle refuser cette mission, ou est-elle obligée de l'accepter, parce qu'elle se trouve dans un rapport hiérarchique avec le médecin ?

Une autre membre estime que l'explication donnée par un des auteurs de la proposition de loi selon laquelle il n'y a pas de délit dès lors que le médecin a respecté certaines conditions n'est pas pertinente pour invoquer la clause de conscience. En effet, le Code pénal prévoit des sanctions aussi bien envers les personnes commettant un délit, qu'envers ceux qui y prêtent leur concours ou qui sont considérés comme leurs complices. Une infirmière par exemple peut être considérée comme complice ou comme coauteur d'un délit perpétré par le médecin dans le cas où elle a connaissance du fait que le patient n'a pas formulé de requête ou lorsque l'acte euthanasique n'a pas été réalisé dans les conditions requises.

L'opinant renvoie par ailleurs à l'article 350, deuxième alinéa, 6º, du Code pénal, qui dispose :

« Aucun médecin, aucun infirmier ni infirmière ni aucun membre du personnel paramédical ne peut être contraint à prêter son concours à une interruption de grossesse ».

Cette disposition a une portée plus large que le texte proposé par l'amendement nº 479.

Le membre souligne enfin que la clause de conscience n'a rien à voir avec le droit pénal. Elle indique seulement qu'il peut exister une divergence d'opinion sur l'appréciation éthique d'un acte déterminé qui est juridiquement dépénalisé. On permet donc que certaines personnes ne puissent être contraintes, pour des raisons éthiques, à prêter leur concours à un acte qui n'est pas sanctionné pénalement. Cela n'a rien à voir avec la question de savoir à qui on peut appliquer ou non la sanction pénale.

Une membre se rallie aux thèses du préopinant. Elle fait observer que les pharmaciens ont également plaidé en faveur de la clause de conscience dans le cas où, pour des raisons éthiques, ils ne souhaitaient pas prêter leur concours dans le cadre de la loi relative à l'euthanasie. En effet, le progrès dans le domaine médical est étroitement lié à celui réalisé dans le domaine pharmaceutique. Et certains pharmaciens refusent de mettre leur science et leur expérience au service de la mort, mais acceptent volontiers d'en faire usage pour soulager la douleur des patients.

Un autre membre estime que le sous-amendement nº 674 clarifie un aspect du problème.

Reste la question du statut des autres personnes qui ne peuvent pas être obligées de concourir à l'acte d'euthanasie.

Il s'agit au premier chef des infirmiers et infirmières, mais aussi, par exemple, des pharmaciens.

Mme de T' Serclaes rappelle qu'au sens de l'arrêté royal sur l'art de guérir, les praticiens de l'art de guérir sont les médecins, les sages-femmes, les pharmaciens et les dentistes. Les infirmiers ne le sont pas.

Elle dépose dès lors, à l'amendement nº 479, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 677) précisant qu'aucun praticien de l'art de guérir, de l'art infirmier, ni aucune autre personne, n'est tenu de concourir à l'application des articles 3 et 4.

Amendement nº 662

Mme de T' Serclaes dépose ensuite un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 662), tendant à remplacer l'article 6 par ce qui suit :

« Art. 6. ­ Aucun médecin n'est tenu de répondre à une demande d'euthanasie formulée par un patient. Il veillera à informer le patient qui lui adresse une telle demande de ses objections ou de son refus éventuel en temps utile.

Aucun praticien de l'art de guérir, ni aucune autre personne n'est tenue de concourir à l'application des articles 3 et 4 de la présente loi. »

La première phrase de cet amendement est rencontrée par l'amendement nº 479, tel que sous-amendé par l'amendement nº 674.

L'alinéa 2 du texte de l'amendement paraît nécessaire à son auteur, car le patient doit être informé en temps utile, non seulement du refus éventuel du médecin, mais aussi des conditions complémentaires éventuelles que celui-ci est en droit de fixer, comme le prévoit l'article 3.

Telle est la portée du mot « objections » figurant à l'alinéa 1er de l'amendement.

Un membre a des objections à l'égard des termes « concourir à l'application », qui figuraient dans le texte initial de la proposition.

Toute la proposition est centrée sur la possibilité de dépénaliser l'acte d'euthanasie pratiqué par un médecin.

La situation est différente de celle de l'avortement, qui est une opération.

L'euthanasie, en tant qu'acte pratiqué par un médecin, ne requiert pas le concours de nombreux intervenants.

Sa responsabilité repose entièrement sur le médecin. C'est pourquoi les six auteurs ont envisagé de supprimer la mention des personnes qui « concourent » à l'acte, ce terme impliquant que ces dernières seraient, en quelque sorte, complices de l'acte.

Cependant, si la mention en question peut apaiser les craintes de ceux qui, fût-ce par leur abstention, leur présence ou un acte technique quelconque, craignent d'être considérés comme complices de l'acte, peut-être faut-il s'interroger sur un éventuel retour à la formule qui figurait dans le texte initial de la proposition.

L'auteur de l'amendement nº 662 rappelle que les pharmaciens ont posé clairement la question de leur responsabilité dans la confection d'une préparation destinée à pratiquer une euthanasie. Quelle est, en particulier, la situation du pharmacien, lorsque le médecin qui a commandé la préparation n'a pas respecté les conditions prévues par la loi ?

Le pharmacien doit pouvoir refuser d'intervenir, le cas échéant.

L'intervenant précédent répond que le pharmacien ne peut être considéré comme le complice d'un médecin qui aurait pratiqué une euthanasie en dehors des conditions prévues par la loi, sous prétexte qu'il aurait préparé le cocktail lytique utilisé par ce médecin. Celui-ci est seul responsable de ses actes.

Amendements nºs 634 et 666

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 666), tendant à remplacer l'alinéa 1er de l'article 6 par ce qui suit :

« Aucun praticien de l'art de guérir n'est tenu de pratiquer une euthanasie.

« Aucun praticien de l'art infirmier, ni aucune autre personne, n'est tenu de concourir à l'application des articles 3 et 4. »

Cet amendement remplace l'amendement nº 634 du même auteur (doc. Sénat, nº 2-244/19).

L'auteur de l'amendement estime qu'il doit être explicitement prévu que l'objection de conscience s'applique tant au médecin à qui une euthanasie est demandée, qu'aux médecins consultés, aux infirmiers, au personnel soignant, aux témoins ou personnes de confiance à qui il serait éventuellement demandé d'intervenir dans la procédure d'euthanasie telle que prévue aux articles 3 et de 4 de la loi.

Il en va de même des pharmaciens, qui d'une certaine façon, devront concourir à l'application de la loi, en délivrant les substances létales.

L'auteur de l'amendement trouve insuffisante une mention dans les travaux préparatoires, selon laquelle les infirmiers et les pharmaciens ne peuvent être considérés comme concourant à l'application des articles 3 et 4.

Un membre souligne que les six auteurs considèrent la clause de conscience comme suffisamment importante pour qu'elle soit explicitement mentionnée dans la loi.

Elle concerne le médecin, mais peut aussi s'appliquer à l'ensemble des personnes impliquées dans l'euthanasie.

Elle concerne tant l'exécution que la participation à l'acte, sans référence à un article bien précis de la proposition de loi.

Il faut réfléchir à une meilleure formulation.

Un autre membre estime que tous les problèmes pourraient être résolus si la loi relative à l'euthanasie disposait qu'aucune personne ne peut être tenue de prêter son concours à son application.

Amendement nº 643

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 479 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 643), visant à remplacer la deuxième phrase de l'alinéa 1er proposé par la disposition suivante :

« Aucun praticien de l'art de guérir, aucun infirmier ni aucune autre personne ne peuvent être obligés ni s'engager à donner suite à une demande d'euthanasie ou à collaborer à l'exécution d'une telle demande.

Aucun établissement médical ni aucun établissement de soins, civil ou militaire, ne peuvent être obligés ni s'engager à donner suite à une demande d'euthanasie ou à collaborer à l'exécution d'une telle demande. »

L'auteur déclare que le texte proposé par l'amendement nº 643 illustre clairement que la clause de conscience n'a rien à voir avec le caractère délictuel d'un acte et que, par ailleurs, les institutions qui rejettent l'euthanasie pour des raisons fondamentales ont le droit d'invoquer la clause de conscience.

En effet, la majorité politique ne doit jamais imposer son point de vue à la minorité. C'est pourquoi les institutions indépendantes qui défendent des positions incompatibles avec les possibilités offertes par la loi doivent pouvoir invoquer la clause de conscience. La formulation proposée par l'amendement nº 479 est trop restrictive à cet égard. L'amendement nº 643 veut y remédier.

Un membre demande ce qu'il adviendra des droits du patient si un tel amendement est adopté.

L'auteur de l'amendement nº 643 réplique que les institutions médicales doivent toujours avoir le droit d'estimer que l'euthanasie ne constitue pas à leurs yeux un acte médical, puisque la loi n'a pas pour objet d'instaurer un droit universel à l'euthanasie.

La préopinante n'est pas d'accord.

Un membre fait observer que les auteurs de la proposition de loi nº 2-244 ont pourtant reconnu à plusieurs reprises que tel était le cas.

L'auteur de l'amendement nº 643 déclare qu'il ne peut être contraint de partager les opinions des auteurs de la présente proposition de loi. Les institutions médicales ou de soins ont parfaitement le droit de refuser l'euthanasie et doivent pouvoir invoquer la clause de conscience.

L'intervenant rappelle que la liberté d'association existe toujours, qu'elle constitue un droit fondamental et que celui-ci est garanti par la Constitution.

Amendement nº 676

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 479 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 676), visant à mentionner à l'alinéa 1er de l'article 6 proposé qu'aucun praticien de l'art de guérir ni aucune autre personne ne sont tenus de donner suite à une demande d'euthanasie.

Un des auteurs déclare que toute personne doit avoir le droit d'invoquer la clause de conscience. L'argument selon lequel le médecin ne commet pas de délit s'il respecte les conditions prescrites n'a pas de sens, dès lors que le droit pénal prévoit aussi la complicité.

Le membre se réfère également à l'article 350 du Code pénal portant sur l'interruption de grossesse, qui prévoit également une clause de conscience. Toutefois, celle-ci a une plus grande étendue que celle qui est proposée ici.

Enfin, une clause légale de conscience est, par ailleurs, indépendante du caractère délictuel ou non de l'acte euthanasique. Du point de vue éthique, toute personne doit avoir le droit de l'invoquer, quelles que soient les circonstances.

Un membre s'étonne que l'aspect pénal des choses soit à nouveau évoqué ici, alors que l'un des auteurs de l'amendement avait précisément opéré la distinction entre la clause de conscience et la problématique pénale.

L'intervenant rappelle que la proposition de loi décrit les cas dans lesquels il n'y a pas infraction.

Il estime par ailleurs souhaitable de pouvoir disposer, dans le cadre de la clause de conscience, qu'aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie, et qu'aucune personne ne peut être tenue d'y participer.

Un autre membre pose la question de savoir ce qu'il convient d'entendre par « être tenu de ».

Un des auteurs répond que si la personne concernée est tenue de prêter son concours à un acte alors que sa conscience s'y oppose, elle peut invoquer la clause de conscience. II appartient à cette personne et à elle seule d'en juger.

Le membre répète que cette disposition peut être importante au regard du principe pénal de complicité. Alors même que la loi pénale ne serait pas applicable, il est souhaitable de prévoir une clause de conscience afin de ne pas autoriser la moindre interprétation. Quiconque se sentant tenu de prêter son concours à l'euthanasie pourrait s'en prévaloir.

Un précédent orateur répond que, de manière générale, personne n'est tenu de pratiquer une acte contraire à sa conscience.

Afin de souligner que la loi en préparation est une loi de liberté et de tolérance, les auteurs y ont ajouté un article spécifique qui exprime, pour la problématique de l'euthanasie, cette règle générale.

Un des auteurs déclare se rallier au préopinant, mais il ajoute que la clause de conscience doit pouvoir être invoquée par tout le monde, puisque l'euthanasie n'est pas un acte isolé pratiqué par une seule personne.

Elle rappelle qu'à l'époque où le service militaire était obligatoire, la possibilité de s'y opposer pour des raisons de conscience et d'accomplir un service d'utilité publique était explicitement réglementée.

Amendement nº 678

M. Mahoux et consorts déposent à l'amendement nº 479 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 244/20, amendement nº 678), tendant à remplacer le deuxième alinéa de l'article 6 proposé par ce qui suit :

« Aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie.

Aucune autre personne n'est tenue de participer à une euthanasie. »

Amendement nº 636

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 636), tendant à compléter l'alinéa 1er de l'article 6 par une disposition, prévoyant que seul le médecin peut pratiquer une euthanasie au sens et dans les conditions de la loi, et qu'il ne peut confier l'exécution de l'acte à un praticien de l'art infirmier.

L'auteur de l'amendement estime qu'il importe de préciser que l'acte euthanasique ne peut pas être inscrit dans la liste des prestations techniques de soins infirmiers ni dans la liste des actes pouvant être confiés par un médecin à des praticiens de l'art infirmier, même sous sa responsabilité et son contrôle. Ces listes sont fixées par arrêté royal.

Amendement nº 659

Mme de T' Serclaes dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 659), tendant à supprimer, à l'alinéa 1er de l'article 6, les mots « , alinéa 2 », et à supprimer les alinéas 2 et 3 de cet article.

L'auteur de l'amendement estime que, s'il est normal que le médecin qui reçoit une demande d'euthanasie informe le patient de son refus ou de ses objections, l'article 6 est peu respectueux de la liberté du médecin.

L'auteur de l'amendement renvoie en particulier aux termes « le médecin (...) est tenu d'indiquer (...) à celui qui demande une euthanasie si son refus est justifié par des raisons médicales », et au fait que ceci est consigné dans le dossier médical ouvert au nom du patient.

Un membre estime que la relation de confiance entre médecin et patient fait qu'un grand nombre de patients demandent à leur médecin de ne pas devoir souffrir. C'est une demande tout à fait compréhensible, à laquelle les médecins répondent en général favorablement. Il est toutefois important pour le patient de savoir si le médecin, avec qui il a cette relation de confiance, est un médecin qui pourrait pratiquer l'euthanasie. La requête du patient ne doit en effet pas toujours être interprétée comme un désir de raccourcir sa vie. II s'agit bien plus souvent d'une demande d'accompagnement, de soins palliatifs, de soulagement de la douleur et de soins médicaux prodigués à bon escient dans toutes les décisions médicales.

Dès lors, le paragraphe qui traite de l'information selon laquelle on pratiquera ou non l'euthanasie pose un problème au membre. En effet, il s'agit de bien plus que cela.

Amendement nº 670

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 670), tendant à remplacer l'alinéa 2 de l'article 6 par ce qui suit :

« Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie, il est tenu d'en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en en précisant les raisons. Dans le cas où son refus est justifié par une raison médicale, celle-ci est consignée dans le dossier médical du patient. »

Les auteurs de l'amendement estiment que le médecin doit indiquer dans tous les cas son éventuel refus de pratiquer une euthanasie, car laisser le malade sans réponse est une manière non formulée de ne pas répondre à sa demande.

Amendement nº 644

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 479 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 644), visant à compléter l'alinéa 1er de l'article proposé par la disposition suivante :

« Tout établissement médical ou de soins, civil ou militaire, peut refuser de donner suite à une demande d'euthanasie ou de collaborer à l'exécution d'une telle demande. »

L'auteur déclare que cet amendement doit être considéré comme subsidiaire à l'amendement nº 643. L'intervenant renvoie à la discussion de l'amendement en question.

Amendement nº 619

M. Vandenberghe dépose un sous-amendement à l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 619), visant à remplacer, à l'alinéa 3 de l'article proposé, le terme « le mandataire » par le terme « la personne de confiance ».

L'auteur principal renvoie à la justification écrite de l'amendement nº 619.

Amendement nº 635

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 635), tendant à compléter l'article 6 par un texte prévoyant une clause de conscience pour les pharmaciens.

L'auteur précise que cet amendement a été suggéré par l'APB.

Il importe que l'objection de conscience des pharmaciens soit définie de manière détaillée dans la loi. Cela peut s'avérer utile en ce qui concerne les pharmaciens travaillant dans des officines pharmaceutiques ouvertes au public, hors du contexte hospitalier.

Un membre rappelle que d'autres amendements tendant à préciser la situation des non-médecins qui pourraient être amenés à concourir à l'application de la loi ont été déposés.

Si l'un de ces amendements est adopté, l'amendement nº 635 n'aura plus d'objet, puisqu'il vise une catégorie spécifique de personnes.

Dans le cas contraire, l'amendement nº 635 devra être réexaminé.

Amendement nº 671

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 671), tendant à remplacer les mots « le mandataire » par les mots « la personne de confiance », afin de mettre l'article 6 en concordance avec le reste du texte sur ce point.

Amendements nºs 4 et 8 (A en B)

M. Vankrunkelsven en Van Quickenborne déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/2, amendement nº 4), visant à supprimer à l'alinéa 3 de l'article 6, l'expression « à la demande du patient ou de son mandataire ».

Un des auteurs dépose un autre amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 8), visant à réglementer également, à l'article 6, l'aide au suicide.

II constate que ces amendements sont devenus sans objet à la suite de l'adoption d'une série d'articles.

Votes

L'amendement nº 662 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 10 et 3 abstentions.

L'amendement nº 634 de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 666 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 12.

L'amendement nº 674 de M. Monfils est retiré.

L'amendement nº 643 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 676 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

L'amendement nº 677 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 678 de M. Mahoux et consorts est adopté par 22 voix contre 2 et 6 abstentions.

L'amendement nº 479 de M. Monfils et consorts est adopté par 20 voix contre 2 et 8 abstentions.

L'amendement nº 659A de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 659B de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 636 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 644 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 8A est devenu sans objet.

L'amendement nº 670 de M. Mahoux et consorts est adopté par 19 voix contre 9 et 2 abstentions.

Les amendements nºs 4 de MM. Vankrunkelsven et Van Quickenborne, et 8B de M. Vankrunkelsven sont devenus sans objet.

L'amendement nº 619 de M. Vandenberghe est adopté à l'unanimité des 30 membres présents.

L'amendement nº 635 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 9 et 4 abstentions.

L'amendement nº 671 de M. Mahoux et consorts est retiré.

L'article 6 amendé est adopté par 18 voix contre 8 et 4 abstentions.

Article 7 (article 15 du texte adopté)

Amendements nºs 19 et 574

Mme Leduc et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 19), tendant à insérer un alinéa 3 à l'article 7, ainsi qu'un second amendement (doc. Sénat, nº 2-244/18, amendement nº 574), visant à remplacer l'alinéa 1er de cet article.

Mme Leduc déclare que ces amendements sont retirés.

Amendements nºs 663 et 664 (doc. Sénat, nº 2-244/20)

Ces deux amendements de Mme de T' Serclaes sont des sous-amendements à l'amendement nº 19. Ils deviennent dès lors sans objet, suite au retrait de l'amendement principal.


Un membre estime que le problème posé par l'article 7 est de s'assurer qu'il ne puisse y avoir de contestation, suite à un décès dû à une euthanasie.

Lorsque celle-ci n'est pas abusive, il faut pouvoir protéger les bénéficiaires de contrats tels que les contrats d'assurance-vie.

La seule jurisprudence qui existe en la matière concerne le cas du suicide. Cette jurisprudence semble d'ailleurs partagée.

Pour ce qui concerne les assurances-vie, on opère une distinction entre le suicide volontaire et le suicide involontaire.

Le premier est celui de la personne qui conclut, par exemple, un contrat d'assurance-vie, alors qu'elle a l'intention de se suicider et veut faire bénéficier ses ayants droit du contrat en question.

La jurisprudence varie en fonction des conditions dans lesquelles le contrat a été signé. On ne prend pas en considération le délai dans lequel l'assurance a été contractée, mais plutôt la situation de la personne à ce moment-là.

L'intervenante estime qu'en l'espèce, il faut réfléchir à la possibilité de maintenir le délai de douze mois, et prévoir, comme dans la proposition de loi de M. Monfils, que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie ne peut bénéficier d'aucun legs.

Un autre membre répond que si l'article 909 du Code civil a été rendu applicable aux membres de l'équipe soignante, c'est parce qu'à la demande de certains, les contacts avec cette équipe ont été renforcés, puisqu'elle doit donner un avis dans certaines circonstances.

Quant au délai de douze mois, il a été supprimé parce qu'il comportait autant d'inconvénients que d'avantages.

En effet, il peut conduire à des situations dramatiques lorsque le signataire d'un contrat conclut celui-ci de bonne foi, tombe malade peu de temps après et, sa maladie évoluant rapidement, est amené à demander l'euthanasie ou lorsqu'il est donné suite à sa déclaration anticipée après un accident grave qui l'a laissé inconscient de manière irréversible avant la fin du délai de douze mois.

Si ce délai était maintenu, on retirerait alors aux ayants droit des avantages acquis de façon parfaitement licite.

En outre, on a abandonné le système selon lequel le parquet reçoit la déclaration et délivre le permis d'inhumer.

On a opté pour un système où, s'agissant d'une mort naturelle, ce permis est délivré normalement, et où le dossier est transmis à la commission d'évaluation.

Il n'y a donc plus de preuve extérieure qu'il y a eu acte d'euthanasie. Dès lors, il est impossible de fixer des délais par rapport à une date qui, par définition, n'apparaît nulle part.

Quant aux assurances, on sait combien les compagnies d'assurance sont libres, et pratiquent ­ dans les limites de la loi ­ les systèmes qui leur conviennent.

On ne peut donc pas affirmer qu'il y aurait une jurisprudence « légale » sur les contrats d'assurance-vie, car on rencontre les cas de figure les plus variés.

Il n'appartient pas au législateur de faire de l'assurance privée une sorte de « service public », en se substituant aux compagnies d'assurance pour déterminer les cas dans lesquels l'exécution des contrats doit être refusée.

L'euthanasie est une mort naturelle. Tous les contrats seront donc appliqués. S'il s'avère ensuite qu'une euthanasie a été pratiquée de façon illégale, on entre dans une procédure judiciaire et le problème se pose d'une toute autre manière. Les craintes exprimées par certains paraissent dès lors assez vaines à l'intervenant.

La précédente intervenante déclare qu'elle préférait le texte initial de l'article 7 tel qu'il figurait dans la proposition de loi.

Elle peut admettre les objections développées par un précédent orateur à propos de la fixation d'un délai.

Quant à la disposition prévoyant que la mort résultant d'une euthanasie est une mort naturelle, elle n'est pas strictement nécessaire, puisque l'on appliquera le droit commun en ce qui concerne le permis d'inhumer.

Le précédent orateur fait observer que cette disposition peut néanmoins avoir une utilité, car elle évitera les contestations qui pourraient surgir, par exemple, si le fait qu'une euthanasie a été pratiquée était rapporté à la compagnie d'assurances ou à la commission par l'indiscrétion de tiers.

L'intervenante précédente ajoute qu'elle ne conteste pas l'extension du champ d'application de l'article 909 du Code civil à l'équipe soignante, car il s'agit en effet d'une sage précaution.

Par contre, elle estime que la disposition figurant à l'article 8 de la proposition nº 2-22/1 de M. Monfils et consorts n'est pas rencontrée par l'article 909 du Code civil.

Un membre répond que le texte proposé ne fait que compléter le dispositif de l'article 909 du Code civil en le rendant applicable à l'équipe soignante, alors qu'il l'est déjà au médecin.

En ce qui concerne le délai, il est discriminatoire en fonction des circonstances dans lesquelles le malade peut se trouver, notamment s'il s'agit de malades visés à l'article 4, qui sont en état d'inconscience irréversible à la suite d'un accident.

Enfin, il n'appartient pas au législateur d'anticiper sur les litiges qui peuvent être suscités par les compagnies d'assurances à propos de l'exécution des contrats.

La précédente intervenante pense qu'il y a une différence entre traiter un patient et mettre fin à sa vie. Elle se demande dès lors si le renvoi à l'article 909 du Code civil suffit en l'occurrence.

Un membre répond que le texte prévoit clairement qu'aucune disposition testamentaire, ni aucune donation entre vifs faite par le patient à propos duquel l'équipe soignante a été interrogée, ne peut bénéficier à cette équipe.

Un autre membre fait observer qu'il n'est pas exclu, dans l'application de la future loi, que certaines personnes aient une intention frauduleuse, par exemple parmi les personnes qui ont souscrit une assurance-vie, en particulier quand il s'agit de patients qui ne sont pas en phase terminale.

Le membre veut savoir si l'article 7 est impératif et s'il faut considérer par conséquent l'euthanasie comme une mort naturelle ou si les compagnies d'assurance peuvent déroger à cette règle en faisant valoir que l'euthanasie chez les patients non terminaux ne saurait être considérée comme une mort naturelle. S'agit-il d'une disposition à caractère impératif ou à caractère supplétif ?

Le précédent orateur répond que le texte français comme le texte néerlandais sont clairs : la mort qui résulte d'une euthanasie est une mort naturelle.

Pour le reste, les compagnies d'assurances font ce qu'elles veulent, dans le cadre et les limites de la loi.

Sur la base de l'intervention du préopinant, un membre estime que l'euthanasie ne peut être exclue de la police d'assurance.

L'orateur précédent répond que la compagnie d'assurances doit rester dans le cadre de la segmentation des risques. Si la compagnie apprend que la mort de l'assuré résulte d'une euthanasie, ce fait à lui seul ne peut aboutir à la résiliation du contrat.

Un membre veut savoir si une police d'assurance peut déroger à la présomption légale visée par l'article 7. Une police d'assurance peut-elle stipuler que l'euthanasie chez les patients non terminaux n'est pas prise en compte par la couverture ?

Un autre membre répond que cela peut dépendre des intérêts économiques ou des orientations philosophiques des compagnies d'assurances.

Le texte proposé prévoit que la mort résultant d'une euthanasie est réputée être une mort naturelle pour l'exécution des contrats, en ce compris les contrats d'assurances.

Il importe de le mentionner dans le texte, parce qu'on évite ainsi de laisser aux compagnies d'assurances toute liberté d'insérer dans les contrats des clauses particulières abusives.

Le fait qu'aucun délai ne soit prévu en ce qui concerne la signature du contrat laisse aux ayants droit la possibilité de régler les problèmes éventuels, par rapport auxquels le législateur n'a pas à anticiper en les tranchant à l'avantage de l'une des parties plutôt que d'une autre.

Il est vrai que certaines compagnies d'assurances insèrent dans leurs contrats un tel nombre de clauses d'exclusion que cela revient à empêcher l'application des garanties prévues par les contrats, ce qui n'est pas tolérable.

Un membre estime que la façon dont la personne est morte relève du secret médical, et que la compagnie d'assurances n'a pas à en connaître.

La préopinante observe que l'alinéa 1er de l'article 7 relève du droit supplétif.

Un membre estime que l'article 7 introduit la fiction de la mort naturelle pour des cas qui en sont très éloignés. Indépendamment de ce constat, l'article proposé soulèvera quantité de problèmes juridiques sur le plan de l'assurance-vie.

L'article 7 se rapporte aux assurances sans autre précision. Mais il faut signaler qu'il existe une considérable différence entre les législations régissant l'assurance-vie, l'assurance-risques terrestres, l'assurance-accidents de travail, etc. On ne peut pas affirmer tout simplement que pour chacun de ces types d'assurance, l'euthanasie d'une personne titulaire de la police est assimilée à une mort naturelle. Le champ d'application de la législation sur les accidents de travail est particulièrement large. Les auteurs de la proposition de loi nº 2-244 ont-ils vraiment l'intention de rendre l'article proposé applicable à la législation sur les accidents de travail ?

L'intervenant soulève le problème juridique des patients non terminaux, que l'on a intégrés à tort dans cette législation et pour lesquels on institue en fait l'aide au suicide. On pourrait en arriver à ce que le suicide soit exclu de la couverture offerte par l'assurance-vie, tandis que du point de vue légal, l'euthanasie devrait être couverte. On crée donc ainsi un moyen évident d'éluder l'application d'un contrat. C'est là ­ une fois encore ­ une conséquence indésirable découlant du champ d'application trop large de la loi.

Par ailleurs, la réglementation proposée perd de vue les problèmes susceptibles de survenir sur le plan de la responsabilité médicale. Qu'en est-il dans le cas où une euthanasie, répondant aux conditions et procédures légales, aurait fait l'objet d'une négligence médicale ? Dans ce cas aussi, l'euthanasie est censée avoir conduit à une mort naturelle. La question est de savoir si la responsabilité du ou des médecins peut alors encore être mise en cause.

Enfin, le membre estime que l'article 7, alinéa 1er, ne peut qu'être d'ordre supplétif. Et que, dès lors, la disposition n'est applicable que si la police d'assurance ne comporte pas de clause contraire.

Un membre demande quelques éclaircissements supplémentaires à propos du rapport entre l'accident de travail et l'article en discussion.

L'intervenant précédent répète qu'il n'est pas clairement établi dans quelle mesure l'article 7 peut avoir une incidence sur l'assurance-accidents de travail.

Un membre déclare que, la personne étant morte de mort naturelle, la question des accidents de travail s'apprécie, comme les autres, en tenant compte de ce caractère naturel. C'est précisément pour éviter les problèmes que le texte prévoit que la mort résultant d'une euthanasie est une mort naturelle.

L'application des diverses législations s'analyse à partir de là.

C'est pourquoi un amendement qui créait un certain nombre de difficultés a été retiré, et les auteurs en sont revenus au texte initial de l'article 7.

Un autre membre demande qu'on prenne en considération les questions soulevées par le préopinant. En cas d'accident de travail, l'employeur et son assurance sont responsables. Cette responsabilité peut prendre des proportions considérables. Un accident de travail peut entraîner un handicap ou un coma de longue durée. Cela représente bien souvent pour les compagnies d'assurances une dépense plus élevée que si l'intéressé décédait immédiatement. Dans quelle mesure l'assurance-accident de travail couvrira-t-elle de semblables situations ?

L'intervenant précédent rappelle que l'on n'apporte aucune modification au système de délivrance du permis d'inhumer.

Les six auteurs ne veulent pas créer une catégorie de « morts par euthanasie » car cela ne permettrait pas de résoudre les problèmes qui se présentent.

Un membre se rallie à ce qui vient d'être dit.

L'état grave et incurable entraînant des souffrances physiques ou psychiques que l'on ne peut soulager et aboutissant à une demande d'euthanasie n'est que la conséquence de la maladie professionnelle ou de l'accident du travail.

Amendement nº 672

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 672), qui vise à uniformiser la terminologie employée dans le texte en remplaçant les mots « de l'application de » par les mots « d'une euthanasie dans le respect des conditions imposées par ».

Amendement nº 681

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 681), visant à stipuler que les dispositions à l'article 7, alinéa 1er, ne sont applicables que s'il n'y existe pas de clause contraire.

L'auteur renvoie à la discussion générale de l'article 7, dans laquelle il a souligné la nécessité du caractère supplétif de la fiction juridique.

Amendement nº 682

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 682), tendant à remplacer l'alinéa 2 de l'article 7 par une disposition visant également les médecins consultés, qui interviennent tout autant dans la procédure.

Amendements nºs 667 et 668

Mme Nyssens avait déposé à l'amendement nº 574 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 667), ainsi qu'un amendement subsidiaire à ce dernier (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 668).

L'auteur précise que, compte tenu du retrait de l'amendement nº 574, ces deux sous-amendements sont à considérer comme des amendements principaux.

L'amendement nº 667 propose de supprimer l'alinéa 1er de l'article 7.

L'auteur se demande s'il ne faudrait pas limiter les termes « exécution des contrats (...), en particulier les contrats d'assurance » aux assurances-vie.

Elle ne peut imaginer que cette matière s'applique à d'autres contrats d'assurance, comme par exemple l'assurance-accidents, et estime qu'il faut limiter la portée du texte aux domaines où il pourrait éventuellement y avoir fraude.

Il semble inconcevable qu'une personne qui demande l'euthanasie souscrive des contrats, dans une intention de fraude, dans d'autres domaines que l'assurance-vie.

Cette observation est inspirée par le secteur des assurances.

Actuellement, les contrats d'assurance comportent déjà des clauses relatives au suicide, qui excluent le bénéfice de l'assurance en cas de mort par suicide.

L'amendement nº 668 propose, à titre subsidiaire, de limiter la portée de la disposition proposée à la phase terminale, conformément à la logique de la proposition de loi déposée par l'auteur.

Celle-ci est favorable à la suppression du délai d'un an qui avait été envisagé, tout comme le secteur des assurances, qui considère un tel délai comme une source possible de nombreuses contestations.

Un membre rappelle les exigences fixées par le texte à propos du médecin consulté : il doit être indépendant tant à l'égard du patient que du médecin traitant, et être compétent quant à la pathologie concernée.

La précaution supplémentaire proposée par l'amendement lui paraît donc superflue.

Un autre membre déclare qu'il n'est pas le porte-parole des groupes de pression. Il estime que ce n'est pas parce qu'un secteur professionnel se manifeste par ses réactions corporatistes qu'il faut s'écarter de la ligne qui consiste à s'efforcer de préserver le bien commun.

Ayant eu l'occasion de participer, lors d'une récente émission télévisée, à un débat sur les assurances automobiles, il a pu constater, comme tous les spectateurs, à quel point les compagnies d'assurances font tout pour augmenter le portefeuille de recettes sans donner à la population ce à quoi elle a droit.

Les compagnies d'assurance ne sont d'ailleurs pas en difficulté, puisqu'elles encaissent 65 milliards de francs pour l'assurance automobile, et 225 milliards de francs pour les autres assurances. Si l'on compte l'assurance-vie, les chiffres s'élèvent à 680 milliards de francs par an.

L'intervenant ne peut dès lors se rallier à l'amendement proposé.

L'auteur de celui-ci répond que son souci est simplement de préciser que l'euthanasie n'est pas un risque accident.

L'amendement ne fait par conséquent que conclure que la mort par euthanasie est une mort naturelle.

Amendement nº 684

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 682 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 684), visant à remplacer l'alinéa 2 proposé comme suit :

« Les dispositions de l'article 909 du Code civil sont applicables au médecin qui pratique l'euthanasie, au médecin consulté et à l'équipe soignante visée à l'article 3, ainsi qu'à l'établissement de soins où est pratiquée l'euthanasie. »

Un des auteurs déclare qu'il convient de prévenir la création de « cliniques d'euthanasie » qui soulageraient soi-disant la souffrance d'un patient réputé titulaire d'un legs. Il est en effet possible que l'on abuse des nobles sentiments du patient pour lui extorquer un tel legs.

Amendements nºs 679 et 680

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 679), visant à insérer dans le texte français de l'alinéa 2 de l'article 7, entre le mot « sont » et le mot « applicables » le mot « également ».

Un membre déclare que l'amendement porte uniquement sur une modification technique.

Mme de T' Serclaes avait déposé un amendement identique (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 680), qui est retiré.

Votes

L'amendement nº 19 de Mme Leduc et consorts est retiré.

L'amendement nº 574 de Mme Leduc et consorts est retiré.

L'amendement nº 667 de Mme Nyssens est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 668 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 8 et 3 abstentions.

Les amendements nºs 663 et 664 de Mme de T' Serclaes sont devenus sans objet.

L'amendement nº 672 de M. Mahoux et consorts est adopté par 20 voix contre 2 et 8 abstentions.

Les amendements nºs 679 de Mme De Schamphelaere et 680 de Mme de T' Serclaes sont retirés.

L'amendement nº 681 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10 et 2 abstentions.

L'amendement nº 682 de Mme Nyssens est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 684 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 19 voix contre 10 et 1 abstention.

L'article 7 amendé est adopté par 18 voix contre 10 et 2 abstentions.

Article 7bis (nouveau)

Amendement nº 84

Mme Nyssens et M. Thissen déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 84), ayant pour objet d'insérer un article 7bis (nouveau), précisant que les établissements de soins doivent rédiger, dans une approche multidisciplinaire, des protocoles de prise en charge des patients en fin de vie.

L'amendement a été inspiré par les informations recueillies au cours des auditions, dont il résulte que, dans certains établissements, il existe déjà des règles internes définissant les grandes lignes de la prise en charge des patients en fin de vie.

Dans le souci de favoriser la discussion éthique au sein des établissements, il serait bon que cette pratique soit généralisée.

Amendement nº 660

Mme de T' Serclaes dépose également un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 660), tendant à insérer un article 7bis nouveau, prévoyant, à l'instar de ce qui existe aux Pays-Bas, la communication de la déclaration par le médecin qui a pratiqué l'euthanasie à un médecin légiste désigné à cet effet par le président du tribunal de première instance de l'arrondissement judiciaire où l'euthanasie a été pratiquée.

L'auteur de l'amendement estime en effet que le contrôle prévu dans la proposition de loi est insuffisant.

Amendement nº 665

Mme de T' Serclaes dépose un autre amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 665), tendant à insérer, dans la proposition de loi un article 7bis selon lequel « est nul de plein droit tout legs, toute donation avec réserve d'usufruit, toute vente à rente viagère consentis par le patient au médecin ayant pratiqué l'euthanasie ainsi qu'aux autres praticiens de l'art de guérir intervenant dans les procédures prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi ».

L'auteur précise qu'elle souhaite maintenir cet amendement, malgré les explications fournies par un précédent orateur à propos de l'article 909 du Code civil.

Amendement nº 669

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 669), visant à insérer un chapitre Vbis nouveau, libellé comme suit :

« Chapitre Vbis ­ Dispositions pénales

Art. 7bis. ­ Sans préjudice de l'application des peines prévues par le Code pénal et, le cas échéant, de sanctions disciplinaires, l'infraction aux articles 3, 4 et 5 de la présente loi est punie d'une peine d'emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de 2 000 francs à 10 000 francs, ou d'une de ces peines seulement.

Le chapitre VII du livre premier et l'article 85 du Code pénal sont applicables aux infractions visées à l'alinéa 1er du présent article. »

Un des auteurs se réfère aux interventions précédentes critiquant la dépénalisation de l'euthanasie, aussi bien en cas de respect des conditions prescrites qu'en cas de violation de celles-ci.

L'intervenant est dès lors d'avis qu'il est essentiel de prévoir des sanctions. Premièrement, la proposition de loi omet de préciser la disposition pénale applicable en cas de non-respect des conditions visées aux articles 3, 4 et 5 de la proposition de loi, ce qui est en contradiction avec le principe de la lex certa (qui découle de l'article 7 de la CEDH).

C'est pourquoi il faut une disposition pénale distincte qui sanctionne la violation de ces articles.

Même dans le cas où certains délits visés par le Code pénal se rapporteraient à certains actes définis dans la proposition de loi, il y a lieu de faire la distinction entre les éléments constitutifs du délit relevant du droit commun et les éléments constitutifs des infractions punissables au sens de la proposition de loi (principe de légalité).

C'est une raison supplémentaire de prévoir une disposition pénale distincte.

En effet, les dispositions actuelles de la proposition de loi impliquent une dépénalisation totale, que les conditions visées aux articles 3, 4 et 5 soient respectées ou non.

Amendement nº 9

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 9), visant à insérer un nouvel article 7bis, libellé comme suit :

« Art. 7bis. ­ Au livre II, titre VIII, chapitre Ier, section 1re, du Code pénal, il est inséré un article 397bis, rédigé comme suit :

« Art. 397bis. ­ Quiconque met intentionnellement fin à la vie d'autrui à sa demande expresse et persistante, est puni d'un emprisonnement de 10 ans à 15 ans. »

L'auteur se réfère au texte d'origine de la proposition de loi nº 2-244/1, qui avait initialement pour objet la modification du Code pénal. Ensuite, après le dépôt de l'amendement nº 9, les auteurs de ladite proposition de loi se sont écartés de cette voie, choisissant de définir dans une loi spécifique les conditions et procédures pour qu'il n'y ait pas délit et de créer ainsi une cause de justification. On a voulu éviter par là de donner à tort l'impression que l'euthanasie pourrait être pratiquée en toutes circonstances et en toute impunité.

Le problème, ainsi que l'ont signalé divers intervenants, réside dans le caractère tout à fait inapproprié du taux de peine pour les délits applicables du Code pénal. Le sénateur estime par conséquent qu'il y a lieu de stipuler explicitement dans le Code pénal que l'euthanasie constitue un délit passible de peines bien déterminées. À ce propos, l'intervenant se réfère au libellé de l'amendement nº 9 et déclare que le taux de peine proposé correspond à celui prévu par la législation néerlandaise.

II va sans dire que l'amendement nº 9 doit être lu conjointement avec l'amendement nº 11, qui prévoit que les articles 397bis et 397ter du Code pénal ne sont pas applicables si toutes les conditions et procédures sont respectées.

Le sénateur estime qu'on montre ainsi clairement à l'opinion publique que l'euthanasie ne peut être pratiquée en toute impunité; qu'au contraire, elle figure explicitement dans le Code pénal et qu'elle ne constitue pas un délit que si elle est pratiquée dans le respect de toutes les conditions et procédures requises. À ses yeux, cela semble la solution la plus pertinente pour résoudre le problème sur le plan juridique. La discussion, telle qu'elle est actuellement menée, est mal engagée, parce que, d'une part, on ne modifie pas le Code pénal mais que, d'autre part, on dépénalise l'euthanasie de façon conditionnelle.

Un membre rappelle que les six auteurs avaient initialement proposé de légiférer dans le cadre du Code pénal, avec une référence aux articles 393 à 397 et une définition indirecte de l'euthanasie.

Cette manière de procéder, qui paraît la plus logique à l'intervenant, s'est cependant heurtée à de nombreuses objections, non seulement sur le plan juridique, mais aussi au niveau éthique, considérant qu'il était tout à fait contre-indiqué d'inscrire dans le Code pénal des règles prévoyant une exonération de responsabilité dans l'hypothèse où l'on ôte la vie à une personne.

Les six auteurs ont pris acte de ces objections et sorti du Code pénal les dispositions envisagées, pour en faire une loi particulière.

L'intervenant n'est donc pas disposé à réinsérer une définition de l'euthanasie dans le Code pénal, tout en indiquant dans une loi particulière les cas où il n'y a pas poursuite lorsqu'on pratique une euthanasie.

Il faut choisir l'une ou l'autre de ces approches.

Un autre membre se rallie à cette opinion. À partir du moment où le texte est élaboré en dehors du Code pénal, il ne faut pas l'y réintroduire.

Le texte proposé par les six auteurs, tel qu'amendé par eux, doit être compris comme suit : l'euthanasie, quand elle se pratique dans le respect des conditions et de la procédure prévues par la loi, n'est pas un meurtre. On se situe ainsi dans une logique d'accompagnement de fin de vie et de respect d'opinions différentes.

L'amendement, qui constitue un recul par rapport au débat qui a eu lieu, signifie au contraire que l'euthanasie est un meurtre, mais qu'elle sera sanctionnée par une peine plus légère que d'autres meurtres.

La première approche est plus humaniste, et moins pénaliste.

Un membre conteste la thèse de l'auteur de l'amendement nº 9 selon laquelle la proposition de loi nº 2-244/1 instaure une cause de justification pénale. Ce n'est nullement le cas. La proposition de loi vise au contraire à dépénaliser conditionnellement l'euthanasie et définit les conditions dans lesquelles l'euthanasie ne constitue pas un délit.

En outre, comme l'amendement nº 9 a été déposé avant le dépôt, par les auteurs de la proposition de loi à l'examen, d'amendements modifiant en profondeur la proposition de loi d'origine, le membre considère que, sur le plan technique, il n'est pas adapté au texte qui est actuellement en discussion.

En dépit de ces insuffisances, le membre déclare se rallier sur le fond aux principes de base de l'amendement nº 9. On ne peut en effet soutenir que la proposition de loi à l'examen ne modifie pas le Code pénal. II est vrai que le Code pénal n'est pas modifié en tant que tel, mais on introduit une disposition pénale particulière qui stipule que le Code pénal n'est pas applicable sous certaines conditions. Ce faisant, on crée une bizarrerie juridique. L'intervenant renvoie aux amendements qu'il a déposés précédemment et qui tendaient à remédier à ces lacunes, mais qui ont été rejetés.

L'auteur de l'amendement nº 9 confirme que son amendement a été déposé avant la modification de l'approche juridique de la proposition de loi. Mais il considère qu'il n'y a pas lieu de retirer cet amendement car la portée de la proposition de loi n'a pas été modifiée sur le fond. Dans certaines circonstances, l'infraction d'« assassinat » ou de « meurtre » ne sera plus applicable, alors que dans d'autres circonstances, elle continuera à l'être, de sorte que certaines dispositions pénales sont modifiées de facto.

Les arguments avancés par les auteurs de la proposition de loi nº 2-244/1 pour justifier leur refus de soutenir l'amendement nº 9 sont non pas d'ordre juridique, mais politique. Sur le plan juridique, l'amendement nº 9 propose une approche plus pertinente de cette problématique, ce qui pourrait permettre d'éviter des observations du Conseil d'État. Actuellement, il sera très difficile pour un juge de déterminer la peine appropriée sur la base du Code pénal puisque celui-ci n'est nullement adapté à la proposition de loi à l'examen.

Le sénateur maintient donc que l'amendement nº 9 constitue une solution juridique appropriée et il est ouvert à des sous-amendements qui tendraient à en éliminer les imperfections.

Un membre relève que bon nombre de collègues ont souligné que les observations du Conseil d'État ont valeur d'avis, et ne sont pas contraignantes.

L'intervenant se rallie à la remarque d'un précédent orateur, qui rappelait que l'intention initiale des six auteurs était de modifier le Code pénal, et que cette solution avait le mérite de la clarté. Il est vrai que, pour certains, toucher au Code pénal constitue un obstacle insurmontable.

Or, ce qui importait surtout, c'était de tenir compte de l'objectif poursuivi. Celui-ci a été, dès le début, de pouvoir poser un geste d'humanité dans un contexte de sécurité juridique, tant pour le malade que pour le médecin.

Pour atteindre cet objectif, et surmonter l'obstacle précité, les six auteurs ont décidé de procéder plutôt par la voie d'une loi pénale particulière, qui prévoit que l'euthanasie pratiquée à certaines conditions et selon une procédure déterminée ne constitue pas une infraction.

A contrario, si les conditions et la procédure ne sont pas respectées, il y a infraction, conformément aux dispositions actuelles du Code pénal.

Si certains considèrent que, dans cette hypothèse, les peines actuellement prévues sont trop élevées, il leur est loisible de déposer des propositions de loi en vue de modifier le Code pénal.

Ce n'est toutefois pas de cela qu'il s'agit ici, mais bien de définir les conditions dans lesquelles il n'y a pas infraction.

Pour le surplus, la situation actuelle perdure.

Un orateur précédent pense que si le Conseil d'État formule des objections à l'encontre de la solution consistant en une loi particulière, il en formulera plus encore à l'égard d'une solution hybride comme celle proposée par l'amendement.

Dans ce cas, il vaudrait mieux, selon l'intervenant, en revenir à la solution initiale figurant dans la proposition de loi des six auteurs.

L'auteur de l'amendement nº 9 continue à estimer que, sur le plan juridique, il serait plus clair d'inscrire dans le Code pénal que l'euthanasie reste une infraction. Toute confusion à cet égard doit être bannie de l'opinion publique, tout comme sur le fait qu'à certaines conditions, l'euthanasie n'est pas un délit.

Mais le sénateur comprend que, dans le souci d'élaborer une loi sur l'euthanasie, l'on ne souhaite pas modifier le Code pénal. Il soutiendra donc la proposition de loi à l'examen, mais il tient à maintenir l'amendement nº 9, parce qu'il contribue à la clarifier.

Une sénatrice estime que le raisonnement suivi par l'auteur de l'amendement n'est pas adapté à l'évolution du débat et risque donc de créer la confusion.

Le fait d'avoir une loi de procédure était un choix défendu par de nombreux juristes. Ce n'est donc pas plus ou moins clair que de modifier le Code pénal. C'est une solution qui permet de définir les conditions dans lesquelles la loi autorise l'euthanasie.

Pour le surplus, on tombe sous le coup des dispositions du Code pénal qui punissent le meurtre, l'assassinat, etc.

En outre, pour beaucoup, il est vrai, le fait de ne pas modifier le Code pénal montrait clairement que le meurtre restait un interdit fondamental de notre société.

Votes

L'amendement nº 9 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 19 voix et 10 abstentions.

L'amendement nº 84 de Mme Nyssens et M. Thissen est rejeté par 15 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 660 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 16 voix contre 11 et 2 abstentions.

L'amendement nº 665 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 15 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 669 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 18 voix contre 11.

Article 7ter

Amendement nº 10

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 10) portant sur l'aide au suicide.

L'auteur retire son amendement.

Amendement nº 683

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 683), tendant à insérer un article 7ter, ainsi libellé :

« Art. 7ter. ­ La présente loi est applicable pour une période de trois ans à partir de son entrée en vigueur.

Dans les six mois qui précèdent l'expiration de cette période, les ministres ayant la Justice et la Santé publique dans leurs attributions présentent au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi.

Ce rapport reprend notamment le rapport visé à l'article 5quinquies. »

Cet amendement fait de la future loi une loi temporaire, ce qui n'est pas habituel dans notre ordre juridique, même si on l'a fait, récemment encore, à propos de la législation créant des chambres temporaires au niveau des cours d'appel pour résorber l'arriéré judiciaire.

En l'espèce, l'enjeu est tel qu'il paraît opportun à l'auteur de l'amendement de faire un état de la situation dans trois ans, sur la base d'un rapport présenté par le gouvernement, qui doit prendre ses responsabilités en la matière.

Ce rapport doit reprendre notamment le rapport de la commission d'évaluation instituée par la loi.

Un membre constate que l'auteur de l'amendement veut introduire une limitation à une loi à laquelle elle est opposée. Pour sa part, il estime qu'il faut s'en tenir au jeu classique des institutions, où une autre majorité (ou la même majorité qui a évolué) peut modifier une législation adoptée antérieurement.

Votes

L'amendement nº 10 de M. Vankrunkelsven est retiré.

L'amendement nº 683 de Mme Nyssens est rejeté par 16 voix contre 3 et 9 abstentions.

Article 8

Amendement nº 86

Mme Nyssens et consorts ont déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 86), qui tend à remplacer l'intitulé du chapitre VI par les mots « Chapitre VI ­ Dispositions finales ».

L'auteur principal se réfère à ce qu'elle vient d'exposer à propos de son amendement nº 683, et retire l'amendement nº 86.

Amendement nº 20

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 20), visant à supprimer l'article 8.

L'auteur principal renvoie à ce qu'il a exposé précédemment quant au choix des six auteurs de ne pas modifier le Code pénal.

Amendement nº 87

Mme Nyssens et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 87), visant à remplacer l'article 8.

Cet amendement est retiré au profit de l'amendement nº 683 précité de Mme Nyssens.

Amendement nº 675

Mme de T' Serclaes dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 675), qui tend à remplacer l'article 8 par une disposition insérant dans le Code pénal un article 397bis nouveau, aux termes duquel est qualifié meurtre ou assassinat, selon le cas, le fait de mettre fin intentionnellement à la vie d'autrui à sa demande.

L'auteur de l'amendement a pris acte des explications fournies par de précédents orateurs, dans le cadre de la discussion de l'article 7bis nouveau proposé par l'amendement nº 9, à propos de la modification par les six auteurs de leur choix initial de légiférer dans le cadre du Code pénal.

L'intervenante estime cependant qu'ils n'ont pas véritablement changé leur dispositif, mais qu'ils ne font simplement plus référence aux articles du Code pénal.

Ils utilisent le mot « infraction », ainsi qu'une définition de l'euthanasie qui est équivalente à celle du meurtre, puisqu'elle se retrouve à l'article 393 du Code pénal.

Compte tenu de la définition donnée à l'article 2, ainsi que du libellé des articles 3 et 4, le texte doit préciser par rapport à quoi il n'y a pas infraction. Tel est l'objectif de l'amendement proposé.

Le dispositif qu'elle propose est repris de la proposition de loi nº 2-105/1 de Mme Leduc.

L'auteur de l'amendement n'est cependant pas opposée à ce que l'on envisage une incrimination plus précise.

Elle estime que la lacune à laquelle l'amendement veut remédier met en péril l'économie même du texte, et souligne que la logique de son amendement rejoint celle de l'amendement nº 9.

Une sénatrice estime que l'amendement proposé reproduit la même erreur que l'amendement nº 9, en créant une sorte de troisième catégorie de faits entre l'euthanasie telle que précisée et autorisée par la proposition en discussion, et les homicides volontaires qui restent punissables selon le Code pénal.

Quelle est donc cette infraction spécifique, sinon une sorte de sous-catégorie d'homicide, lequel est déjà puni par le Code pénal ?

L'intervenante précise que l'auteur de l'amendement nº 675 devrait avoir l'honnêteté de reconnaître qu'en fait, elle est opposée à ce que l'on prévoie une autorisation de l'euthanasie sous certaines conditions.

Un membre déclare que la présente discussion le renforce dans ses réserves par rapport à la définition de l'euthanasie telle qu'elle a été retenue et qui ne permet pas de distinguer l'euthanasie du meurtre, parce qu'elle n'intègre pas la finalité de l'acte qui, justement, fait toute la différence entre le meurtre et l'accompagnement de fin de vie respectant les options personnelles du patient.

L'auteur de l'amendement répond à une précédente oratrice qu'elle n'aurait pas déposé cet amendement si l'on n'avait pas pris un certain nombre d'options, dont on n'a pas tiré toutes les conséquences logiques.

L'intervenante refuse les procès d'intention qui lui sont faits, et pense avoir démontré à suffisance par sa contribution aux débats qu'elle était disposée à légiférer en la matière.

Amendement nº 11

M. Vankrunkelsven dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 11), visant à inscrire l'acte euthanasique dans le Code pénal comme un délit distinct.

L'auteur renvoie à la discussion approfondie de l'amendement nº 9, qui est étroitement lié à l'amendement nº 11.

Votes

Les amendements nºs 86 et 87 de Mme Nyssens et consorts sont retirés.

L'amendement nº 20 de M. Mahoux et consorts est adopté par 19 voix et 9 abstentions.

L'amendement nº 675 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 17 voix contre 2 et 9 abstentions.

L'amendement nº 11 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 20 voix et 9 abstentions.

Article 9

Amendement nº 21

M. Mahoux et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/4, amendement nº 21), tendant à supprimer l'article 9.

En effet, puisqu'il est proposé de supprimer la transmission obligatoire au procureur du Roi, il n'y aurait pas de sens à maintenir son accord préalable comme condition de délivrance de l'autorisation d'inhumation.

Un membre déplore que l'article soit supprimé et déclare qu'il le soutiendrait si celui-ci était maintenu. Il ne soutiendra donc pas l'amendement nº 21.

Amendement nº 88

Mme Nyssens et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 88), tendant à supprimer l'article 9.

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 661

Mme de T' Serclaes dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendement nº 661), en vue de remplacer l'article 9 par une disposition selon laquelle, en cas de décès par euthanasie, l'autorisation d'inhumer est soumise à l'accord préalable du médecin légiste auquel le médecin aura notifié la cause du décès.

Cet amendement doit être lu à la lumière de l'amendement nº 660 du même auteur, qui prévoit que le médecin doit notifier la cause du décès au médecin légiste.

Votes

L'amendement nº 21 de M. Mahoux et consorts est adopté par 21 voix contre 8.

L'amendement nº 88 de Mme Nyssens est retiré.

L'amendement nº 661 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 18 voix contre 11.

Article 10

Amendement nº 12

M. Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/3, amendement nº 12), visant à définir clairement la notion de « cause de décès », de manière à éviter toute confusion.

La cause du décès peut référer à l'euthanasie, mais également à la maladie ayant conduit à l'acte euthanasique. Les deux éléments doivent être indiqués pour garantir l'exactitude des données statistiques, sinon, on ne pourra jamais avoir une idée exacte de la situation. Cela constituerait non seulement un appauvrissement de la science, mais contribuerait également à compliquer le contrôle des cas dans lesquels l'euthanasie a été pratiquée.

C'est la raison pour laquelle le sénateur propose de faire inscrire dans l'acte de décès non seulement le fait que l'euthanasie a été pratiquée, mais également la maladie qui a conduit à l'euthanasie. C'est la logique même.

Un membre répond que ce n'est plus la logique du texte tel qu'il est présenté.

Originellement, en effet, une procédure spéciale était prévue en ce qui concerne le permis d'inhumer.

Dans la version actuellement proposée, l'euthanasie est considérée comme une mort naturelle, et un document pour partie anonyme est communiqué à la commission d'évaluation, qui appréciera ce qu'il y a lieu de faire. Par ailleurs, comme on l'a déjà souligné, le parquet peut toujours être saisi d'une plainte.

Il n'y a donc plus lieu de prévoir une quelconque mention dans l'acte de décès ou le permis d'inhumer.

Amendements nºs 89 et 673

Mme Vanlerberghe et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 673) en vue de supprimer l'article 10.

Mme Nyssens et consorts avaient déposé un amendement ayant le même objet (doc. Sénat, nº 2-244/6, amendement nº 89). Cet amendement est retiré.

Un membre déplore que cet article soit supprimé, comme l'article 9. II n'apportera donc pas son soutient à l'amendement nº 673.

Votes

L'amendement nº 12 de M. Vankrunkelsven est devenu sans objet.

L'amendement nº 89 de Mme Nyssens et consorts est retiré.

L'amendement nº 673 de Mme Vanlerberghe et consorts est adopté par 18 voix contre 9 et 2 abstentions.

CHAPITRE VII (nouveau)

Article 10bis (nouveau)

(Chapitre VI ­ Article 16 du texte adopté)

Amendements nºs 620 et 621

M. Vandenberghe dépose deux amendements (doc. Sénat, nº 2-244/19, amendements nºs 620 et 621) se rapportant à l'entrée en vigueur de la proposition de loi à l'examen.

L'amendement nº 620 entend introduire un nouvel article 10bis, libellé comme suit :

« Chapitre VII ­ Entrée en vigueur

Art. 10bis. ­ À l'exception des articles 5bis, 5ter, 5sexies et 5septies, la présente loi entrera en vigueur au plus tôt un an après l'entrée en vigueur de la loi du ... relative aux soins palliatifs et seulement après que le document d'enregistrement visé à l'article 5ter sera disponible.

L'auteur apporte la justification suivante.

Les auditions ont montré à plusieurs reprises que l'offre de soins palliatifs est encore insuffisante en Belgique.

Étant donné qu'une offre suffisante de soins palliatifs permet de prévenir les demandes d'euthanasie, il est nécessaire que ces soins palliatifs soient disponibles. Alors seulement, on pourra, dans des situations exceptionnelles et moyennant le respect de conditions strictement définies par la loi, avoir recours au remède ultime que constitue l'euthanasie.

La présente loi ne pourra donc entrer en vigueur qu'après la loi relative aux soins palliatifs.

De plus, elle ne pourra entrer en vigueur qu'une fois que la commission aura arrêté le document d'enregistrement prévu.

Mais pour permettre à la commission d'arrêter ce document d'enregistrement, il y a lieu de prévoir une exception à cette entrée en vigueur pour les articles 5bis (installation de la commission), 5ter (établissement du document d'enregistrement), 5sexies (cadre administratif) et 5septies (frais de fonctionnement et de personnel). La commission doit donc être composée et installée avant que les autres dispositions de la loi ne puissent entrer en vigueur.

L'auteur déclare que l'amendement nº 621 va moins loin que l'amendement nº 620 et qu'il est basé sur les mêmes considérations.

Amendement nº 687

M. Monfils et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-244/20, amendement nº 687), tendant à insérer un article 10bis nouveau, prévoyant que la loi entre en vigueur au plus tard trois après sa publication au Moniteur belge.

Les auteurs estiment en effet que l'application de la règle classique d'entrée en vigueur de la loi dix jours après sa publication est impossible en l'occurrence, en raison, notamment, de la nécessité de constituer la commission d'évaluation.

Un membre suppose que l'on appliquera la même logique en ce qui concerne la proposition de loi relative aux soins palliatifs.

Votes

L'amendement nº 620 de M. Vandenberghe est rejeté par 18 voix contre 10 et 1 abstention.

L'amendement nº 621 de M. Vandenberghe est rejeté par 16 voix contre 11 et 1 abstention.

L'amendement nº 687 de M. Monfils et consorts est adopté par 17 voix contre 10 et 2 abstentions.


Déclarations avant le vote final

Un membre fait la déclaration suivante concernant le vote final des propositions de loi sur l'euthanasie et les soins palliatifs prises comme un tout.

Le groupe du membre conteste la méthodologie utilisée dans la discussion de la proposition de loi sur l'euthanasie au sein des commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales.

Le débat sur l'euthanasie ne peut pas être l'occasion, pour la majorité et l'opposition, de se profiler politiquement. Il doit viser uniquement à élaborer une réglementation de l'euthanasie qui soit suffisamment soutenue par la société et par tous les courants qui y sont représentés.

Le parti de l'intervenant déplore l'absence d'une discussion libre et ouverte, bien qu'il n'ait pour sa part épargné aucun effort pour y parvenir. Ce parti a par exemple proposé d'organiser des auditions pour vérifier dans quelle mesure la proposition des six chefs de groupe était appuyée par la société.

On a également souligné la nécessité d'avoir des discussions publiques au Sénat afin de permettre à l'ensemble de la société de mieux saisir les diverses lignes de force et les difficultés de la problématique. Alors que les auditions ont été publiques, les échanges de vues ­ qui forment dans une démocratie l'essentiel de la genèse de la loi ­ se sont déroulés à huis clos. C'est regrettable.

Les diverses discussions ont montré que la publicité des débats aurait permis d'accroître la qualité des échanges et celle du texte final.

Le parti de l'intervenant a toujours été animé par la volonté de participer aux débats de manière constructive. Il a lui-même déposé une proposition, ainsi que quelque 300 amendements portant aussi bien sur la réglementation de l'euthanasie (dans son sens véritable, à savoir une fin de vie digne pour les mourants) que sur le développement des soins palliatifs.

Alors que pour son groupe, l'euthanasie à la demande de patients non terminaux ne peut en aucun cas faire l'objet d'une législation « de tolérance », ce groupe a fait plusieurs propositions qui allaient plus loin que sa propre proposition, dans le but d'arriver à un consensus sur la problématique de l'euthanasie chez les patients en phase terminale.

C'est la raison pour laquelle on a déposé un amendement en vue de modifier le Code pénal (insertion d'un nouvel article 72), disposant qu'une loi particulière pouvait définir les conditions dans lesquelles on peut invoquer l'« état de nécessité ». Ainsi aurait-on pu doter d'une base solide, en droit et quant au contenu, une loi adaptée, définissant ces conditions particulières, à laquelle le parti de l'intervenant aurait pu se rallier aussi, mais qui fait à présent défaut.

La proposition de loi relative à l'euthanasie ne peut de toute manière pas non plus être soutenue quant au fond par ce parti, parce qu'elle procède d'une vision unilatérale de la société.

L'euthanasie n'y est pas conçue, en effet, comme une issue de secours dans la situation complexe qu'est l'accompagnement de la mort humaine, mais bien ­ dans l'optique du droit à l'autodétermination ­ comme une option alternative à laquelle le patient incurable (non seulement physiquement, mais aussi psychiquement) peut toujours avoir recours, avec, éventuellement, un délai de réflexion s'il n'est pas mourant.

La proposition de loi applique donc ­ sous certaines conditions ­ les lois de l'analyse de marché pour résoudre un problème éthique. Plutôt que de prévenir la demande par une démarche alternative et préventive, la proposition de loi renforce une offre qui n'est pas du tout éthiquement justifiée dans certains cas. L'euthanasie doit être intégrée à l'ensemble des actes de la fin de vie et non pas envisagée comme une option autonome à la faveur d'une minimalisation de ce contexte de fin de vie. La société est en mesure d'offrir d'autres réponses aux personnes « en détresse »; l'exception que constitue l'euthanasie sur demande ne saurait devenir la règle.

En élargissant l'euthanasie aux patients qui ne sont pas en phase terminale, on confère à cette notion une portée excessive, que le groupe de l'intervenant ne saurait approuver en aucun cas.

Il ressort de l'analyse de la proposition de loi et des débats parlementaires que l'euthanasie est désormais considérée comme un droit du patient.

Le droit à l'euthanasie n'est toutefois pas « sans engagement » et il crée bel et bien des obligations pour le médecin traitant.

La proposition de loi exclut tout mise en balance éthique de la part du médecin, qui doit en effet, dès que le patient le lui demande, examiner à l'aide d'une liste de contrôle si les conditions sont remplies.

Alors même que le médecin estime qu'il ne peut pas procéder à l'euthanasie pour des raisons de conscience ou parce qu'il est convaincu que les conditions de base ne sont pas remplies, il est tenu de renvoyer le patient à un autre médecin, qui pourra alors pratiquer l'euthanasie.

Le fait que le médecin qui ne souhaite pas prêter son concours à l'acte euthanasique doit motiver son refus est en contradiction avec le pouvoir discrétionnaire propre aux praticiens d'une profession libérale.

Les hôpitaux et les institutions médicales ne peuvent pas non plus agir librement en matière d'euthanasie. L'intervenant a déposé un amendement qui permettait aux hôpitaux et aux institutions médicales de refuser de pratiquer l'euthanasie dans leur établissement. Cet amendement a été rejeté.

La proposition de loi étend le champ d'application de l'euthanasie aux patients non terminaux. Mais l'euthanasie, dans l'acception que la société lui a toujours donnée et continue de lui donner, concerne uniquement le patient souffrant confronté à une fin de vie imminente qui constate que le médecin ne peut plus apaiser efficacement sa douleur physique avec les moyens médicaux dont il dispose. Par conséquent, la proposition de loi va au-delà du cadre de la nécessité médicale et entérine le droit à l'aide au suicide. Pour le courant politique dont l'intervenant fait partie, l'aide aux personnes souffrantes qui ne sont pas en phase terminale ne consiste pas à mettre fin à leur vie. En réalité, on consacre en l'occurrence l'aide au suicide. C'est là toutefois un tout autre problème.

Ceci est d'autant plus vrai pour les patients souffrant d'une maladie psychique (démence, Alzheimer ...) ou d'une maladie physique incurable (cécité, diabète ...) qui peuvent engendrer des souffrances psychiques. La solution de la mort, à la requête du patient, est inacceptable dans ces circonstances. La société doit choisir résolument d'offrir à ces patients une assistance et un accompagnement plutôt que de qualifier leur vie d'inhumaine. Dans ces cas, il incombe à la loi de protéger la vie de manière inconditionnelle, comme l'impose aussi l'article 2 de la CEDH.

Sur ce plan, la discussion parlementaire fait preuve d'inconséquence intellectuelle.

Alors qu'en début de débat, les partis de la majorité considéraient comme impossible de définir la distinction entre patients en phase terminale et en phase non terminale, la proposition consacre une réglementation différente pour les uns et les autres. Il est clair qu'au niveau de l'application, cette distinction pourra donc se faire de façon parfaitement arbitraire.

Les précautions que le médecin doit prendre en considération ne sont en fait que des précautions de façade.

II faut certes qu'un deuxième médecin soit consulté avant de pouvoir procéder à l'euthanasie, mais il est indispensable qu'il donne aussi son avis quant au respect de toutes les conditions de fond auxquelles une euthanasie « justifiée » doit satisfaire. Tel n'est pas le cas dans la proposition de loi.

En outre, aucune sanction n'est prévue au cas où le médecin ne respecterait pas ces conditions. La configuration juridique de la proposition est telle que le respect ou non de ces conditions n'a aucune incidence sur le caractère punissable de l'euthanasie.

Les amendements que le groupe de l'intervenant avait déposés pour remédier à ces lacunes importantes ont été rejetés.

L'article 2 de la CEDH ­ la loi doit protéger la vie humaine ­ n'est pas respecté.

La proposition de loi sur l'euthanasie isole la problématique de l'acte euthanasique de l'offre totale de soins médicaux.

Or, la demande d'euthanasie est exceptionnelle et, souvent aussi, ambiguë. Les auditions ont confirmé qu'un patient se trouvant en situation de souffrance insupportable et inapaisable formule souvent dans sa demande d'euthanasie autre chose que ce qu'il vise réellement.

L'administration de soins palliatifs doit donc contribuer à une mort digne. Ce sont ces soins qui peuvent permettre de prévenir les demandes d'euthanasie et d'éviter que le patient ne considère l'euthanasie comme le seul recours.

C'est pourquoi il eût fallu inscrire explicitement le droit aux soins palliatifs dans la réglementation relative à l'euthanasie et non dans une proposition distincte. Or, on ne l'a pas fait; en choisissant d'inscrire ce droit dans une proposition distincte qui a pour but ultime le développement pratique des soins palliatifs (le groupe de l'intervenant a également déposé une proposition similaire), la majorité confirme que les soins palliatifs et l'euthanasie s'intègrent dans une alternative, celle du choix entre les soins et la mort.

Ce n'est pas, en fin de compte, la proposition de loi de la majorité relative à l'euthanasie, mais bien l'approche du problème que le membre a retenue dans sa proposition qui place le patient en position centrale.

Le parti de l'intervenant respecte pleinement le patient mourant et entend lui offrir tous les moyens possibles de soulager sa douleur en élargissant l'offre actuelle de soins (palliatifs). Dans la situation exceptionnelle où le mourant demande que l'on mette fin activement à ses jours, il faut cependant pouvoir éviter tout abus qui serait dû à des presssions sociales ou économiques ou à une mauvaise compréhension de la véritable demande du patient. La réglementation relative à l'euthanasie doit dès lors contenir des mesures de protection particulières et contraignantes.

La proposition de la majorité ne remplit pas ces conditions de sécurité juridique et n'offre pas non plus de protection suffisante contre les abus.

Des divergences d'opinion peuvent exister dans la société sur les problèmes essentiels. La question est de savoir si les commissions réunies et le Sénat choisissent d'éviter les tensions et donc tiennent compte des objections de la minorité ou s'ils estiment que le droit à l'autodétermination doit primer la protection de la vie.

Cette dernière méthode n'est pas la bonne. Des problèmes essentiels comme ceux-là appellent le consensus et demandent que l'on trouve un équilibre entre la protection de la vie humaine et le respect d'une autonomie bien comprise. Or, la proposition de loi à l'examen ne répond pas à ces objectifs.

Le groupe dont fait partie l'intervenant soutient en revanche la proposition de loi relative aux soins palliatifs parce qu'elle est très importante au point de vue des principes, même si elle ne répond pas complètement aux remarques de son parti et si elle accorde une délégation de pouvoir considérable au gouvernement.

Une membre souhaite exposer les raisons pour lesquelles son groupe émettra un vote négatif au sujet de la proposition de loi relative à l'euthanasie et un vote positif à propos de celle relative aux soins palliatifs.

Elle souligne tout d'abord que le débat a été enrichissant, notamment grâce aux auditions, mais elle émet des réserves au sujet de certains moments de la discussion, où certaines attitudes auraient pu être plus tolérantes.

Le groupe de l'intervenante a souhaité assurer une présence et une contribution maximum à la discussion.

La procédure n'a nullement paru trop longue à son groupe, car il estimait que le sujet méritait une analyse approfondie.

Les raisons qui, pour le groupe de l'intervenante, rendent inacceptable la loi proposée par une majorité de sénateurs en matière d'euthanasie sont les suivantes.

1. La loi proposée lève quand même l'interdit fondamental de tuer.

Le médecin est autorisé a priori par la loi à euthanasier son patient à certaines conditions. Le conflit de valeurs et la conscience du médecin sont remplacés par le respect d'une procédure administrative qui déresponsabilise le médecin.

En cela, la loi proposée introduit une dérogation à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (le droit à la vie), disposition pourtant à laquelle on peut pas déroger, sauf dans les quelques cas exceptionnels définis dans la convention. La loi proposée ouvre une brèche dans le concept des droits de l'homme inviolables. Le risque existe que l'on tire argument du texte de loi belge, une fois celui-ci adopté, pour reconnaître explicitement ou implicitement aux États le pouvoir d'ajouter à l'article 2 d'autres exceptions que celles expressément prévues dans la convention.

Pour le groupe de l'intervenante, toute demande d'euthanasie doit continuer à poser, aux yeux du médecin, un cas de conscience. L'euthanasie ne peut donc être envisagée par le médecin que dans des circonstances exceptionnelles et il doit dès lors toujours pouvoir justifier son acte devant les autorités judiciaires. Celles-ci peuvent estimer que le médecin a agi en état de nécessité et que dès lors il n'y a pas infraction.

2. Dans la loi proposée, les actes d'euthanasie pratiqués par des médecins ne sont pas soumis à un véritable contrôle.

Les données qui doivent être communiquées par le médecin qui a pratiqué une euthanasie sont insuffisantes et ne permettent pas un réel contrôle.

Ces données sont envoyées par le médecin à une commission qui doit à la fois évaluer la loi et contrôler son application. Cette commission, dont les membres ne sont pas des auxiliaires de la justice, fonctionne cependant comme un organe judiciaire parallèle, qui « trie » les dossiers. S'il y a « doute », la commission « peut décider de lever l'anonymat des données communiquées par le médecin ». Elle « peut » ensuite décider à la majorité des 2/3 de renvoyer le dossier au procureur du Roi.

Le groupe de l'intervenante propose qu'en cas de poursuites, l'affaire soit mise à l'instruction et le dossier renvoyé à une commission d'experts installée au sein du pouvoir judiciaire au niveau de l'instruction pénale. Cette commission rend un avis. Il ne peut être délivré mandat d'arrêt contre le médecin tant que le juge n'a pas pris connaissance de l'avis de cette commission. Par ailleurs, le contrôle par le pouvoir judiciaire reste intact puisque le médecin qui a pratiqué une euthanasie a l'obligation d'adresser un bref rapport à un médecin légiste qui le communique à l'officier de l'état civil. Des sanctions pénales spécifiques sont prévues en ce qui concerne les obligations relatives à la tenue d'un dossier médical détaillé et à l'envoi du rapport au médecin légiste.

3. Beaucoup de demandes d'euthanasie sont des appels à l'aide de patients pour une meilleure prise en charge : la loi proposée ne protège pas les patients contre les euthanasies dues à un défaut d'accompagnement.

L'obligation d'assistance morale et médicale du médecin à l'égard du patient est absente de la loi proposée.

L'euthanasie n'apparaît pas comme le « remède ultime » pour soulager les souffrances du patient. L'équipe palliative ne doit pas être consultée. La question des soins palliatifs reste du domaine de l'information due par le médecin au patient.

En ce qui concerne les personnes « en fin de vie », le deuxième médecin consulté est supposé rendre un avis purement « médical ». Il ne vérifie pas la demande du patient.

Pour le groupe de l'intervenante, le médecin doit, avant d'agir, obligatoirement s'assurer que le patient reçoit un accompagnement et des soins optimaux. L'obligation d'assistance morale et médicale du médecin doit être rappelée dans la loi. La consultation de l'équipe palliative doit être obligatoire. Par son expertise, la consultation de l'équipe palliative, incluant médecin, infirmières et psychologues est indispensable pour vérifier l'adéquation tant de l'accompagnement que des soins prodigués. L'euthanasie du patient ne peut être envisagée par le médecin que s'il n'y a pas d'autres alternatives moins préjudiciables pour le patient.

Une approche globale du patient, prenant en compte les aspects psychologiques mais aussi la situation socio-économique et familiale du patient, est absolument nécessaire pour éviter les demandes d'euthanasie pour raisons socio-économiques ou sous la pression des proches. Pour rappel, la majorité des demandes d'euthanasie sont formulées par la famille du patient.

La proposition repose sur le présupposé erroné que les différents lieux de prise en charge de nos malades sont humanisés, qu'il y règne un véritable dialogue entre le médecin, l'équipe soignante, le patient et ses proches. Or, la réalité nous montre le manque d'effectif dans nos hôpitaux et nos MR(S), le manque de temps du personnel soignant, l'absence encore fréquente de dialogue entre le médecin et son équipe, le manque de formation des médecins tant en matière de traitements contre la douleur qu'en matière de relations humaines, le manque d'écoute et d'information du patient et de ses proches, et l'existence d'impératifs de rationalité économique dans nos hôpitaux.

4. Les termes utilisés par la proposition de loi pour définir les conditions pour pratiquer une euthanasie sont susceptibles d'interprétations divergentes.

­ Il n'y a pas de consensus médical sur les affections pathologiques ou accidentelles dites « graves ».

­ Le médecin peut-il toujours se prononcer avec certitude sur le caractère « incurable » d'une affection, ou sur le caractère « sans issue » d'une situation, a fortiori si le patient n'est manifestement pas en fin de vie ? Les découvertes spectaculaires de la science médicale peuvent modifier fondamentalement le pronostic d'une maladie. En outre, qu'ajoute la notion de « situation médicale sans issue » à la notion de maladie « incurable » ?

Les conditions posées pour pouvoir pratiquer une euthanasie se révèlent ainsi incontrôlables.

5. L'obligation de respecter les conditions posées par la loi pour pouvoir pratiquer une euthanasie n'est assortie d'aucune sanction.

Cela signifie qu'en cas de non-respect d'une de ces conditions, quelle qu'elle soit, le médecin commet une « infraction ». Cette infraction n'est pas plus amplement qualifiée dans la proposition. Il peut toutefois s'agir de l'infraction de meurtre. Toutefois, il n'est pas impossible non plus qu'en cas de non-respect d'une ou plusieurs de ces conditions, la commission décide en opportunité de ne pas retenir le dossier et qu'aucune sanction ne soit appliquée.

6. Le champ d'application de la loi est trop large même en ce qui concerne les patients en situation « de fin de vie ».

Le mot initial « détresse » a été remplacé par les mots « souffrance physique ou psychique ». L'euthanasie reste cependant admise dans le cas de seules souffrances psychiques résultant d'une maladie grave et incurable (dépressions chroniques à tendances suicidaires, certaines maladies psychiatriques).

Certains malades qui, bien que n'ayant pas été déclarés incapables par la loi, ne possèdent pas toute la lucidité requise (ou dont la lucidité pouvait par intermittence être amoindrie) et dont les demandes de « mourir » pourraient ne pas être formulées en toute connaissance de cause et être mal interprétées (certains handicapés mentaux), entrent dans le champ d'application de la loi proposée.

La notion floue et susceptible d'interprétations divergentes de « situation médicale sans issue » inscrite dans le projet de loi laisse à penser que la situation visée peut renvoyer à « plusieurs années de vie », pour certains patients psychiatriques par exemple. De même, le critère de « pronostic de décès à brève échéance » ayant été écarté, l'euthanasie ne paraît plus limitée à la phase terminale d'une maladie en ce qui concerne les personnes « en fin de vie ».

Le mineur émancipé est visé par la loi. Cela signifie qu'une personne dès l'âge de quinze ans est concernée par la proposition. C'est une manière détournée de légiférer sur l'euthanasie des mineurs.

Tous les amendements du groupe de l'intervenante qui visaient à mieux définir les situations et les personnes concernées par l'application de la loi proposée, à vérifier que le malade est conscient non seulement lorsqu'il formule une demande d'euthanasie mais aussi lorsque l'euthanasie est pratiquée, ont été rejetés.

7. La proposition de loi ne limite pas l'autorisation d'euthanasie aux personnes en fin de vie : elle légalise le suicide médicalement assisté d'une manière inacceptable.

La proposition concerne aussi l'euthanasie de personnes dont le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance. Deux garanties formelles supplémentaires sont prévues, à savoir la consultation d'un troisième médecin et le respect d'un délai d'un mois entre la demande d'euthanasie et l'acte d'euthanasie.

Ce champ d'application se révèle démesuré en raison de l'absence de critères d'appréciation objectifs.

L'euthanasie de ces patients est admise même dans le cas de seules souffrances psychiques. Or, des études psychiatriques montrent qu'il n'existe aucun moyen rationnel de faire la distinction entre les souffrances psychiques liées à la condition médicale objective dans laquelle se trouve le patient, et les souffrances qui ont une origine non médicale (problèmes financiers, âge, solitude, sentiment d'inutilité et d'abandon, perte d'un être cher, troubles dépressifs, situations de dépendance, ...). Le désir de mort survient toujours, qu'il y ait ou non une maladie quelconque, curable ou incurable, diagnostiquée correctement ou incorrectement, lorsque le patient perd tout espoir. Peut-on admettre que ce désespoir soit confirmé par le médecin ?

Il n'est nulle part question que tout est mis en oeuvre pour faire renoncer le patient à sa demande, le soutenir, et l'aider à vivre. Comment justifier toutes les mesures en matière de prévention du suicide si l'on en vient à admettre l'euthanasie dans ces conditions ? Est-il insensé de penser, une fois ce type d'aide au suicide légitimé, que de plus en plus de personnes, particulièrement les personnes âgées mais aussi toutes les personnes vulnérables, verront leur sentiment d'inutilité en quelque sorte confirmé et verront dans cette alternative légale une façon tentante d'épargner à eux-mêmes et à leur famille le poids d'une maladie ou de l'âge avancé ?

8. La proposition part du postulat que toute personne majeure qui demande de façon mûrement réfléchie l'euthanasie, qu'elle soit en fin de vie ou pas, du moment qu'elle juge sa situation insupportable, doit pouvoir l'obtenir.

Une telle législation nous heurte en raison de sa démesure tant d'un point de vue éthique que sociologique ou anthropologique. Les deux risques sont réels : risque de voir le droit à demander l'euthanasie évoluer vers un droit à l'euthanasie, de même que risque de voir le droit de mourir devenir pour certains patients le devoir de mourir. Les risques de dérive sont réels. L'euthanasie de patients psychiatriques ayant fait plusieurs tentatives de suicide est admise aux Pays-Bas. Dernièrement, une euthanasie y a été pratiquée sur une personne qui n'était pas à proprement parler malade mais « fatiguée de vivre ».

9. Une telle législation augmente de façon démesurée le pouvoir médical sur le patient et instrumentalise le médecin.

La proposition accorde au médecin un pouvoir exorbitant, alors que paradoxalement c'est pour évincer ce pouvoir et affirmer leur autonomie que les auteurs de la proposition veulent autoriser l'euthanasie d'une manière aussi radicale.

Une telle législation instrumentalise le médecin : celui-ci peut se sentir « coincé » et finalement « poussé » à appliquer une législation, qu'il n'approuve pas nécessairement en conscience.

10. Certaines conditions de procédure prévues paraissent davantage soucieuses d'apporter la sécurité au médecin que de protéger le patient.

Ainsi, l'obligation de « figer » la demande du patient dans une requête écrite peut présenter de dangereux risques de dérives de plusieurs types :

­ La difficulté, voire l'impossibilité, pour le patient, vu son état moral ou physique, de revenir en arrière sur ce qu'il a écrit, qui sera ressenti comme une sorte d'engagement.

­ La loi proposée prévoit que si la personne n'est pas en état d'écrire, le document peut être rédigé par un tiers, lequel constate l'impossibilité d'écrire. N'est-ce pas excessivement dangereux pour le patient ?

­ Le risque existe que ce document écrit s'interprète à terme comme une décharge de responsabilité que le patient donnerait au médecin.

­ Des contradictions sont apparues en commission entre les coauteurs de la proposition sur le moment de la rédaction de la requête écrite. Le médecin a-t-il l'obligation de vérifier jusqu'au bout, même après la rédaction de la requête, la persistance de cette demande ?

11. La proposition admet l'euthanasie de patients inconscients sur base d'une déclaration anticipée.

Le contenu de la déclaration anticipée concerne l'euthanasie au sens strict, alors que dans la majorité des cas, ce sont des questions d'abstention ou d'arrêt de traitement auxquelles le médecin sera confronté.

L'euthanasie ne peut être pratiquée que si le patient est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qu'il est inconscient et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science. Des interprétations divergentes sont apparues au cours des discussions. À nouveau, la proposition repose sur le présupposé scientiste erroné que le médecin peut toujours dire avec certitude que l'état d'inconscience devant lequel il se trouve est irréversible et qu'il correspond exactement à la situation visée par le patient dans sa déclaration.

Tout en reconnaissant que la déclaration anticipée de volonté du patient ne lie pas le médecin, les auteurs de la proposition assortissent sa rédaction d'un formalisme exagéré. Mais ces formalités ne sont pas prévues à peine de nullité. Le médecin doit-il prendre plus ou moins en considération une déclaration anticipée selon qu'elle ait été rédigée dans le respect plus ou moins grand de ces formalités ? Ou le médecin doit-il écarter totalement une déclaration anticipée qui ne répond pas à toutes ces formalités ? Quid si le contenu de cette déclaration anticipée ne concernait pas l'euthanasie au sens de la proposition de loi mais les traitements considérés par le patient comme constituant de l'acharnement thérapeutique ?

Permettre la rédaction d'une déclaration anticipée d'une volonté par un tiers peut se révéler excessivement dangereux pour le patient. À titre de comparaison, les testaments olographes sont toujours rédigés de la main de leur auteur.

Le groupe de l'intervenante est d'avis que tout souhait exprimé par le patient, sous quelle que forme que ce soit, doit figurer, dans la mesure du possible, au dossier médical du patient. Si cet élément n'a pas de force juridique contraignante pour le médecin, il n'en constitue pas moins un élément d'appréciation. L'arrêt actif de la vie de patients inconscients ne peut être admis, a fortiori si toutes les garanties quant à la lucidité du patient lors de la rédaction de sa déclaration anticipée de volonté ne sont pas réunies. Une étude du Lancet du 6 janvier 2001 nous révèle qu'en cas d'arrêt de traitement pour situation désespérée 5,3 % des patients ne décèdent pas. Peut-on admettre une législation qui entérine une marge d'erreur de l'ordre de 5 % ? Dans le cas des patients inconscients, c'est bien plus un encadrement des décisions d'arrêt et d'abstention de traitement qui fait défaut actuellement.

12. Seule l'euthanasie, au sens « acte par lequel un tiers met volontairement fin à la vie d'un patient à sa demande », est réglementée, alors que les demandes d'euthanasie ne sont qu'une toute petite partie des nombreuses situations de fin de vie pouvant poser des problèmes d'ordre éthique.

La loi proposée n'apporte pas de solution au défaut d'encadrement de toutes les décisions prises par le médecin à l'égard d'un patient en fin de vie.

Ainsi, la proposition ignore la question de l'acharnement thérapeutique, n'aborde pas la question des décisions d'abstention ou d'arrêt de traitement, ni celle de la possibilité d'administrer, avec le consentement du patient, des calmants pouvant avoir pour effet indirect d'abréger la vie du patient.

13. L'euthanasie est abordée hors la question des droits du patient.

Or, beaucoup de demandes d'euthanasie pourraient être évitées, si la loi posait le principe selon lequel tout acte médical ne peut être posé, arrêté ou poursuivi qu'avec le consentement libre et éclairé (informé) du patient.

14. La proposition ne prévoit pas de période transitoire.

Si on s'oriente vers une législation, il faut tester l'application de la loi sur le terrain. Il faut tenir compte de l'évolution du contexte économique et social d'application d'une telle loi et des progrès de la généralisation de l'offre de soins palliatifs. La loi devrait être applicable pour une période de trois ans et les ministres de la Justice et de la Santé publique devraient faire rapport au Parlement à l'issue de cette période.

Quant à la proposition de loi sur les soins palliatifs, le groupe de l'intervenante votera en faveur de ce texte, même si ses propositions de loi étaient plus développées et prévoyaient moins de délégations au Roi.

La discussion a en effet montré que l'intention des auteurs de la proposition de loi nº 2-246/1 est de demander au Roi de compléter la loi dans le sens des idées défendues par le groupe de l'intervenante.

Un des auteurs des propositions de loi nºs 2-244/1 et 2-246/1 estime que les notions de vie et de mort sont indissociablement liées. Dans la plupart des cas, nous ne pouvons pas choisir notre mort. Elle peut être subite ou lente et certaines personnes connaissent une fin de vie extrêmement pénible et douloureuse. Tout un chacun souhaite vivre aussi longtemps que possible et personne ne veut souffrir inutilement.

Les débats sur les différentes propositions de loi relatives à l'euthanasie et aux soins palliatifs ont contribué à ouvrir la discussion sur la problématique de la fin de vie. Les auditions publiques et les débats sur les propositions de loi qui, conformément au Règlement du Sénat, ont eu lieu à huit clos, y ont également beaucoup contribué.

L'intervenante déclare que le droit à l'autodétermination a toujours été au coeur de la réflexion de son groupe. Rien n'est plus personnel que le passage de la vie à la mort. Il y a bien sûr le droit à la vie. Mais il existe aussi un droit de vivre dignement et de mourir dignement. C'est précisément ce qui constitue l'objet des propositions de loi relatives à l'euthanasie et aux soins palliatifs. II ne s'agit pas d'imposer une décision à qui que ce soit. Mais on ne peut pas davantage imposer une fin de vie indigne aux personnes qui souffrent inutilement.

Les décisions médicales portant sur la fin de vie seront réglementées dans le cadre de la proposition de loi relative aux droits du patient. II n'en demeure pas moins que le patient est au coeur de la réflexion de son groupe politique également. II faut donc empêcher qu'un groupe déterminé de notre société puisse imposer au patient une agonie prolongée et inhumaine. II est à espérer que la législation à l'examen mette définitivement un terme à la fin de vie dans des conditions indignes.

II convient de souligner que personne ne peut être contraint à demander l'euthanasie. Avant d'en arriver là, les patients ont le plus souvent déjà effectué tout un périple médical. Dès lors, la demande n'est formulée qu'en dernier recours.

Les propositions de loi relatives l'euthanasie et aux soins palliatifs ne règlent pas tout. Elles définissent précisément les circonstances dans lesquelles le médecin peut pratiquer l'euthanasie sans commettre d'infraction. II s'agit là indéniablement d'une avancée importante par rapport au passé et qui témoigne de la confiance que le législateur place dans le corps médical.

Enfin, la membre souligne que si d'aucuns prétendent qu'on n'a pas tenu compte des minorités, durant des dizaines d'années, on n'a jamais entendu une catégorie de personnes qui voulaient pour elles-mêmes une fin de vie décente. Elle renvoie aux résultats d'une enquête qui ont été publiés récemment dans un magazine populaire et d'où il ressort que 80 % de la population estime que l'euthanasie peut être pratiquée après avis du médecin. La proposition de loi relative à l'euthanasie n'est donc pas l'expression d'une majorité fortuite. La fracture ne se situe pas entre chrétiens et libéraux, mais entre ceux qui, dans leur entourage, ont fait l'expérience d'une fin douloureuse qu'ils ne veulent pas vivre eux-mêmes, et ceux qui n'ont pas connu une telle expérience.

L'intervenante est donc convaincue qu'une large majorité sociale peut être trouvée pour ces deux propositions. Son groupe les soutiendra.

Une autre intervenante aimerait savoir à quel moment la proposition de loi sera transmise au Conseil d'État.

Le président répond que, dès qu'elle aura été votée, il la transmettra au président du Sénat, qui a déclaré qu'il la communiquerait immédiatement au Conseil d'État.

Un membre déclare que son intervention sera brève, compte tenu du fait que les travaux ont été très explicites, et que les points de vue ont pu s'exprimer dans la discussion générale, à l'occasion des auditions, et lors de la discussion des très nombreux amendements déposés.

C'est au nom des droits de l'homme et de l'humanisme, y compris dans l'acception philosophique de ce mot, que l'intervenant et son groupe soutiennent la proposition de loi. Celle-ci vise à accorder à chaque être humain le droit de mourir de manière digne.

Elle vise aussi, dans une société pluraliste, à dégager un espace de liberté qui n'existait pas auparavant. Cet espace permet à chaque personne de mourir comme elle le souhaite, et à celui qui écoute sa demande d'y répondre ou non, en fonction de ses propres convictions.

Dans les déclarations des précédents orateurs, différents points de vue se sont exprimés. Par rapport à leur proposition initiale, les auteurs de celle-ci ont évolué. Des modifications importantes ont été apportées. Cependant, il n'a pas été possible de concilier des positions de base fondamentalement différentes. L'intervenant conclut de ce qui vient d'être dit que ces positions continuent à être affirmées de la même manière.

Il estime pour sa part que les principes humanistes déjà évoqués doivent permettre au médecin de poser par rapport au malade un geste ultime d'humanité.

Ce geste est ultime dans le temps, parce que c'est le dernier qu'il puisse poser, mais il l'est aussi parce que c'est celui qui demande au médecin le plus de courage.

Le texte prévoit un encadrement et des balises à la réponse que donne le médecin au malade, qui garantissent à tous deux à la fois liberté et sécurité juridique, et qui vont à l'encontre de ce qu'un précédent orateur a qualifié de pouvoir discrétionnaire des professions libérales.

Depuis le début des travaux, beaucoup de témoignages se sont exprimés. Ils ont permis de parler de la mort, de la souffrance et de la non-réponse à celle-ci.

Le débat a d'ores et déjà eu pour conséquence qu'au lit des patients incurables, la parole circule plus librement, et que l'on y parle de la mort désirée.

La sécurité juridique offerte au médecin permet à celui-ci d'entendre la demande et, s'il le souhaite, d'y répondre, moyennant les conditions supplémentaires qu'il peut fixer.

L'intervenant souligne qu'il a été particulièrement attentif aux risques de dérives liées à une vision exclusivement économique de la société.

Il a la conviction que la situation actuelle présente, à cet égard, plus de risques que celle qui existera sous l'empire de la loi nouvelle, parce que cette dernière encadrera la problématique de l'euthanasie alors qu'aujourd'hui, en raison de la non-publicité de cette problématique, et du caractère caché des réponses données, la possibilité d'aboutir à des dérives est plus grande.

L'intervenant ne souhaite pas parler d'obscurantisme, même si, durant le débat, on a pu entendre des anathèmes, des comparaisons injurieuses et diffamatoires inacceptables.

Il retient le caractère très complet des travaux des commissions réunies. Malgré certaines longueurs, les auditions ont permis à l'ensemble de la population d'extérioriser le problème et de mener une discussion.

L'intervenant a, pour sa part, recueilli des échos de soutien à la proposition de loi, dont le caractère humaniste et de compassion semble avoir été compris par la population.

Dans une société plurielle comme la nôtre, personne n'a le droit d'imposer à quiconque son propre choix quant à la façon de vivre sa mort.

À cet égard, c'est la situation actuelle qui, aux yeux de l'intervenant, était caractérisée par son intolérance.

La proposition de loi réalise donc un progrès, sans imposer à quiconque la moindre obligation, et en ménageant l'espace de liberté nécessaire à la vie et aussi à la mort.

L'orateur répète qu'à ses yeux, la dernière minute de vie d'un malade incurable qui souffre, quel que soit son âge, a autant d'importance qu'une minute de vie d'une personne jeune et en bonne santé.

C'est pourquoi il réclame pour ce malade, s'il le désire, et aux conditions prévues dans la proposition de loi, le droit de mourir dignement.

Une intervenante rappelle que, selon la déclaration gouvernementale, le débat sur l'euthanasie devait avoir lieu au Parlement, et que chacun des parlementaires était appelé à se déterminer en son âme et conscience. C'est ce que prévoit le groupe de l'intervenante, et ce que celle-ci fera.

Le débat, les auditions qui ont pu avoir lieu et la longueur des travaux ont amené chacun à réexaminer son point de vue, ce qui est une excellente chose.

L'intervenante peut témoigner de ce que, dans certaines institutions hospitalières de diverses obédiences, des réflexions approfondies ont été menées.

Elle aurait souhaité, à titre personnel, qu'un large consensus puisse être trouvé, et avait d'ailleurs fait une tentative en ce sens avec quelques collègues en proposant un texte qui, sans doute, est intervenu à un moment où le débat était trop crispé, comme l'a montré le rejet de certains amendements qui auraient pu être acceptés.

Aucun consensus n'a pu être trouvé. C'est donc dans le cadre de la discussion et du texte soumis au vote que l'intervenante se déterminera, en regrettant particulièrement qu'en ce qui concerne les droits du patient et l'accompagnement général de fin de vie, rien n'ait été retenu.

Un autre membre se réjouit que le texte relatif aux soins palliatifs et à leur accessibilité représente un grand pas en avant en matière de soins de santé, malgré les difficultés légistiques propres à ce genre de propositions.

L'intervenant pense que ce texte intègre les apports des auditions et celui des sénateurs, au-delà des différences idéologiques existant entre les partis démocratiques.

Il souligne qu'il existe actuellement, sur la problématique des soins palliatifs, une convergence entre les commissions réunies ­ pouvoir législatif ­, les ministres des Affaires sociales et de la Santé ­ pouvoir exécutif ­ et l'opinion publique.

Le texte inscrit ces soins dans la perspective de solidarité de l'assurance maladie-invalidité, ce dont l'orateur se réjouit.

En ce qui concerne la proposition de loi relative à l'euthanasie, l'intervenant se réfère au point de vue qu'il a exprimé au cours du débat, en indiquant qu'il espère encore des améliorations significatives et des ajustements du texte au cours de la suite des travaux du Sénat.


Vote final

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 17 voix contre 12 et 1 abstention.

Le présent rapport a été approuvé par 16 voix et 8 abstentions.

Les rapporteuses, Les présidents,
Marie-José LALOY. Josy DUBIÉ.
Iris VAN RIET. Theo KELCHTERMANS.

(1) Voir Annales du Sénat des 9 et 10 décembre 1997.

(2) Code civil, article 6.

(3) Voyez Code pénal, articles 540, 541 et 563, 4 : « Outre le fait que la référence à l'état de nécessité lui assigne un rôle différent, il semble que ces textes visent une acception de la nécessité moins rigoureuse que celle qui est envisagée dans le contexte général », Françoise Tulkens et Jacques van de Kerchove, Introduction au droit pénal, Ed. Story Scientia, 1997, pp. 261-262, qui citent P.E. Trousse, Les principes généraux du droit pénal positif belge, Les nouvelles, Droit pénal, t. I, vol. I, Bruxelles, Larcier, 1956, p. 418.

(4) Code pénal français, article 122-7.

(5) Robert Legros, Avant-projet de Code pénal, Bruxelles, Moniteur belge, 1985, article 73, p. 19.

(6) Christiane Hennau, Jacques Verhaegen, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 178-179.

(7) Voir les nombreuses décisions de la Cour de cassation citées notamment par Françoise Tulkens et Jacques van de Kerchove, Introduction au Droit pénal, p. 262, note 236, mais aussi la doctrine citée par J. Constant, Traité élémentaire de Droit pénal, Liège, Imprimeries Nationales, p. 505.

(8) Notamment P. Foriers, De l'État de nécessité en droit pénal, Bruxelles-Paris, Bruylant-Sirey, 1951, pp. 27 et suivantes.

(9) Cass., 13 mai 1987, RCJB, 1989, pp. 588 et s.

(10) Ce compte-rendu peut également être consulté par la voie informatique sur le site du Sénat www.senate.be.

(11) Abstention ou arrêt thérapeutique (17,5 % des décès), sédation contrôlée entraînant la mort (même pourcentage), injections létales et suicides assistés (2,9 % des décès). On notera incidemment qu'il n'y a pas de différence éthique entre s'abstenir de commencer et arrêter un traitement; dans l'alternative les médecins hésiteraient davantage encore à entreprendre certains traitements.

(12) Professeur Van Neste, p. 50.

(13) Professeur Vincent, p. 231.

(14) Acte intentionnel de fin de vie d'une personne en phase terminale, que ce soit ou non à sa demande. Ce sens diffère de la définition retenue par le Comité consultatif de bioéthique dans son avis du 12 mai 1997 : « Acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci. »

(15) Professeur Vermeersch, p. 4, 18, 21 et 24. Selon ce qu'a déclaré le docteur Menten, « die drie percent is misschien een onderschatting van de realiteit. Heel dikwijls komen verpleegkundigen naar ons toe met de mededeling dat de arts hen een bepaalde hoeveelheid morfine heeft doen spuiten » (p. 106). En France le nombre d'euthanasies actives serait estimé à 2 000 (interview de M. Caillavet dans Le Nouvel Observateur).

(16) Professeur Vermeersch, p. 5 et 10.

(17) Le patient ne serait consulté que dans seulement 25 % des cas.

(18) Page 82; voir la citation de Marie de Hennezel infra.

(19) Professeur Vermeersch, p. 14. Dans le même sens, voy. le docteur Distemans, p. 80.

(20) Docteur Englert, note.

(21) Docteur Englert, note.

(22) Professeur Vincent, p. 237.

(23) Professeur Englert, p. 29.

(24) En ce sens, voy. M. Messine, p. 209. Un membre ayant interrogé à ce sujet Mme Dirick, celle-ci à répondu qu'elle n'avait pas d'expérience de la douleur des familles quand on n'a pas voulu répondre à la demande du malade (p. 358). Mais l'hypthèse s'imagine facilement.

(25) Voir à ce sujet Jacqueline Wauthier, L'ouverture du débat sur l'euthanasie au Sénat ­ Cadre éthique, médical, juridique et politique, CRISP, 2000, nº 1672-1673, p. 11 et 12.

(26) Professeur Englert, p. 35; dans le même sens, voir l'audition du docteur R. Hachez, représentant l'Ordre des médecins, pv, p. 82.

(27) Mme Pesleux, p. 188. Lors de l'audition du docteur Englert, une sénatrice a fait part de ce qu'elle avait constaté, en sa qualité de présidente d'un hôpital pluraliste, que « globalement, les médecins ne souhaitaient pas voir légiférer ».

(28) Mme Pesleux, p. 188.

(29) Le Monde, 7 mars 2000, p. 18.

(30) Voir l'observation de M. Dubié, p. 237, et d'autres membres des commissions réunies.

(31) Voir docteur Vincent, p. 241, et docteur Bouckenaere, p. 47.

(32) Professeur Vermeersch, pp. 6, 11,19 et 25.

(33) Docteur Englebert, p. 32.

(34) Docteur Philippart, p. 77.

(35) En ce sens, voir le professeur Vermeersch au sujet du cas récent à Liège, pp. 12 et 13.

(36) Le Soir du 27 mars 2000.

(37) « Il y a un flou : qu'entend-on par « équipe soignante » ? Qui faut-il consulter ? Les infirmières qui sont là plus d'un certain nombre d'heures par jour avec le malade ? Toutes les infirmières de nuit ? Les part time qui ont travaillé une fois font-ils partie de l'équipe soignante à consulter ? ». Audition du docteur Englert, p. 33.

(38) Page 84; voir aussi pp. 99 et 103.

(39) Voir aussi pp. 151 et 155.

(40) Voir supra les considérations de M. Lelièvre.

(41) Voir en ce sens Mme Baum, p. 162, et Mme Cambron-Diez, p. 165.

(42) Quant aux droits de la famille, voir les observations de M. Schoonvaere, pp. 265 et 287.

(43) En réponse au docteur Vandeville, p. 295.

(44) Voir aussi p. 128, où la personne de confiance est conçue comme une garantie d'interprétation des directives.

(45) Pp. 323 et 324; voir aussi p. 327.

(46) Voir à ce sujet M. Schoonvaere, p. 276, et le docteur Vandeville, p. 293.

(47) Voir dans le même sens le professeur Vincent, p. 243.

(48) Voir aussi la question de Mme de T' Serclaes au docteur Bouckenaere, p. 39.

(49) Pages 5, 30 et 21. Voir aussi Mme Pesleux, p. 185.

(50) Page 51. Voir aussi p. 62.

(51) Page 120. Voir aussi p. 137.

(52) « De Standaard » du 26 janvier 2000, cité et approuvé par le professeur Schotsman, p. 115.

(53) Professeur Vermeersch, pp. 6 et 22.

(54) Ibidem.

(55) Ibidem.

(56) Voir M. Messine, pp. 225 et 226.

(57) Professeur Vermeersch, p. 7.

(58) Mme Diricq, audition du 15 mars 2000, p. 341

(59) Professeur E. Vermeersch, audition du 15 février 2000, p. 12; docteur Hache (Ordre des médecins), audition du 16 février 2000, p. 95; professeur Schotsmans, audition du 22 février 2000, pp. 111 et 115; Mme T. Kempeneers, audition du 23 février 2000, p. 218.

(60) Voir Professeur Englebert, audition du 15 février 2000, p. 27.

(61) Professeur E. Vermeersch, ibidem, p. 18.

(62) Professeur E. Van Neste, audition du 15 février 2000, p. 73.

(63) Voir notamment docteur B. Van den Eynden, audition du 29 mars 2000, pp. 9-10.

(64) Mme Cambron-Diez, audition du 26 avril 2000, p. 175.

(65) Professeur Vandeville, audition du 1er mars 2000, p. 293; M. A. Schoonvaere, audition du 1er mars 2000, p. 276.

(66) Professeur Vandeville, o.c., p. 293; voir aussi M. A. Schoonvaere, o.c., p. 267.

(67) Docteur Bouckenaere, audition du 29 mars 2000, p. 38.

(68) Professeur M. Baum, audition du 22 février 2000, p. 152; contra : docteur B. Van den Eynden, o.c., p. 16; docteur Menten, audition 5 avril 2000, pp. 86 et suivantes.

(69) Docteur Mullie, audition du 22 mars 2000, p. 446.

(70) Docteur Bouckenaere, o.c., p. 48.

(71) Docteur Bouckenaere, audition du 29 mars 2000, pp. 38 et 46.

(72) Docteur Menten, audition du 5 avril 2000, p. 86.

(73) Voir les références citées par le docteur B. Van den Eynden, o.c., p. 16.

(74) Docteur Philippart, audition du 16 février 2000, p. 81.

(75) Mme Cambron-Diez, audition du 26 avril 2000, p. 150.

(76) Voir aussi Mme Pesleux, audition du 26 avril 2000, p. 204.

(77) Docteur M. Cosyns, audition du 15 mars 2000, p. 323.

(78) Docteur M. Cosyns, ibidem, p. 326.

(79) Mme C. Diricq, audition du 15 mars 2000, p. 356.

(80) Mme C. Aubry, audition du 15 mars 2000, p. 362.

(81) Voir aussi Mme Pesleux, audition du 26 avril 2000, p. 184.

(82) Mme Cambron-Diez, audition du 26 avril 2000, p. 152.

(83) Mme Cambron-Diez, o.c., p. 156.

(84) Voir notamment à ce sujet : docteur D. Bouckenaere, audition du 29 mars 2000, p. 31.

(85) Mme Pesleux, audition du 26 avril 2000, p. 188.

(86) Voir à ce sujet les réflexions de Mme C. Aubry, ibidem; docteur B. van den Eynden, o.c., p. 13.

(87) Docteur Clumeck, audition du 22 mars 2000, p. 388.

(88) Mme Diricq, o.c., p. 352.

(89) Voir aussi Mme Pesleux, audition du 26 avril 2000, p. 184.

(90) Mme C. Diricq, o.c., p. 352.

(91) Docteur De Bouckenaere, o.c., p. 32.

(92) Docteur Vandeville, o.c., pp. 293-294.

(93) Docteur Mullie, o.c., p. 447.

(94) Docteur Vandeville, o.c., p. 294; docteur Mullie, o.c., p. 447.

(95) Docteur A. Mullie, o.c., p. 448; docteur D. Bouckenaere, o.c., p. 37.

(96) Docteur A. Mullie, o.c., p. 444.

(97) M. A. Schoonvaere, audition du 1er mars 2000, p. 269.

(98) Docteur A. Mullie, o.c., p. 449; docteur Menten, audition du 5 avril 2000, p. 89; docteur B. van den Eynden, o.c., p. 13.

(99) M. A. Schoonvaere, o.c., p. 269.

(100) M. A. Schoonvaere, ibidem.

(101) Voir aussi : M. Schoonvaere, o.c., p. 264; docteur B. Van den Eynden, o.c., p. 12.

(102) Docteur Mullie, o.c., p. 445; docteur B. van den Eynden, o.c., pp. 14-16.

(103) Docteur D. Bouckenaere, audition du 29 mars 2000, p. 32 (moyenne par rapport à Cliniques Europe Saint-Michel 0,5 % et des institutions comme Bordet, 2 %).

(104) Docteur B. Van den Eynden, audition du 29 mars 2000, p. 12.

(105) Docteur Menten, o.c., p. 90.

(106) Notons que Mme Cambron-Diez préfère parler de soins palliatifs intégrés. Voir Mme Cambron-Diez, o.c., p. 149.

(107) Docteur D. Bouckenaere, o.c., p. 30.

(108) Voir aussi Mme Pesleux, 26 avril 2000, p. 181.

(109) Mme Pesleux, o.c., p. 181.

(110) Voir notamment, docteur Menten, o.c., p. 89.

(111) Mme Vandeville, o.c., p. 259; voir aussi notamment Mme Pesleux, o.c., p. 185.

(112) Docteur Clumeck, o.c., p. 383.

(113) Docteur Mullie, o.c., p. 447.

(114) Docteur Clumeck, o.c., p. 386.

(115) Docteur Clumeck, o.c., p. 386 et 393; voir aussi supra professeur M. Baum.

(116) Docteur Clumeck, o.c., p. 389.

(117) Docteur D. Bouckenaere, audition du 29 mars 2000, p. 34.

(118) Voir aussi : docteur Bouckenaere, o.c., p. 34.

(119) Mme Pesleux, o.c., p. 185.

(120) Docteur Clumeck, o.c., p. 392.

(121) Docteur Hache, audition du 16 février 2000, p. 84.

(122) Voir aussi Mme Pesleux, o.c., p. 185.

(123) Professeur Schotsmans, audition du 22 février 2000, p. 114.

(124) Professeur Van Neste, audition du 15 février 2000, p. 52.

(125) Professeur Van Neste, o.c., p. 53.

(126) Docteur Mullie, o.c., p. 449-550.

(127) Docteur Clumeck, o.c., p. 392.

(128) Docteur Philippart, audition du 16 février 2000, p. 79.

(129) À ce sujet, voir docteur Clumeck, o.c., p. 383.

(130) Professeur Schotsmans, o.c., p. 133.

(131) Voir notamment : Mme Cambron-Diez, o.c., p. 162; Mme Pesleux, o.c., p. 185; docteur Bouckenaere, o.c., p. 30.

(132) Mme C. Diricq, o.c., p. 342.

(133) M. A. Schoonvaere, audition du 1er mars 2000, p. 266.

(134) Mme C. Diricq, o.c., p. 343.

(135) Mme C. Diricq, ibidem.

(136) Mme C. Diricq, audition du 15 mars 2000, p. 341.

(137) Mme Baum, o.c., p. 156.

(138) Mme Baum, o.c., p. 143.

(139) Mme C. Aubry, o.c., p. 364.

(140) Mme Baum, o.c., p. 144.

(141) Mme Baum, o.c., p. 146.

(142) Mme Aubry, o.c., p. 366.

(143) Mme C. Diricq, o.c., p. 350; Mme Henry, audition du 23 février 2000, p. 178-179; Mme Cambron-Diez, o.c., p. 164; Mme Pesleux, o.c., p. 183.

(144) Mme Henry, o.c., p. 178.

(145) Sur l'importance du décodage de la demande, voir aussi : docteur D. Bouckenaere, o.c., p. 42.

(146) Mme Henry, o.c., p. 179.

(147) Mme Pesleux, o.c., p. 181.

(148) Voir les développements éclairants de Mme Pesleux, o.c., p. 181 à 184.

(149) M. A. Schoonvaere, audition du 1er mars 2000, p. 266; docteur Menten, o.c., p. 82.

(150) Docteur Menten, o.c., p. 82.

(151) Docteur Van den Eynden, o.c., p. 3.

(152) Voir aussi : Docteur B. van den Eynden, o.c., p. 3, qui a souligné le problème de la dépression chez les patients terminaux (« levensmoeheid »).

(153) Mme Pesleux, o.c., p. 181.

(154) Docteur Clumeck, o.c., p. 398.

(155) Docteur D. Bouckenaere, o.c., p. 34.

(156) Mme Baum, audition du 22 février 2000, p. 152.

(157) Voir notamment : Docteur B. van den Eynden, o.c., p. 3.

(158) Mme Baum, o.c., p. 146.

(159) M. Baum, o.c., p. 147.

(160) Voir aussi : Docteur B. van den Eynden, o.c., p. 11.

(161) Mme Aubry, o.c., p. 366; docteur Hache, o.c., p. 85.

(162) Mme C. Aubry, o.c., p. 362; Mme Pesleux, o.c., p. 183-184.

(163) Mme Baum, o.c., p. 153.

(164) Notamment : Professeur Baum, o.c., p. 143; Mme Henry, o.c., p. 178.

(165) Mme Baum, o.c., p. 158.

(166) Mme Diricq, o.c., p. 341.

(167) Professeur Van Neste, o.c., p. 58; docteur Clumeck, o.c., p. 403; docteur B. van den Eynden, o.c., p. 12.

(168) Professeur Schotsmans, o.c., p. 128; Mme Kempeneers, audition du 23 février 2000, p. 221.

(169) Professeur Englert, audition du 15 février 2000, p. 31 et 45.

(170) Docteur Philippart, o.c., p. 79.

(171) Mme Cambron-Diez, o.c., p. 153.

(172) Voir aussi Mme Pesleux, o.c., p. 189.

(173) Mme Pesleux, o.c., p. 190.

(174) Mme Kempeneers, o.c., p. 219.

(175) Mme Vandeville, o.c., p. 296.

(176) Docteur B. van den Eynden, o.c., p. 14.

(177) Docteur Clumeck, o.c., p. 390.

(178) Professeur Van Neste, o.c., p. 51.

(179) Professeur Van Neste, o.c., p. 65.

(180) Docteur B. van den Eynden, o.c., p. 14.

(181) Mme Henry, o.c., p. 178.

(182) Docteur Cosyns, audition du 15 mars 2000, p. 324.

(183) Voir aussi docteur B. van den Eynden, o.c., p. 12.

(184) Mme Vandeville, o.c., p. 294.

(185) Docteur D. Bouckenaere, o.c., p. 33.

(186) M. Schoonvaere, o.c., p. 258.

(187) Mme Diricq, o.c., p. 341.

(188) Audition de Mme Bron, p. 4.

(189) Professeur Schotsmans, o.c., pp. 114, 121 et 130.

(190) Professeur Messine, audition du 2 mai 2000, pp. 211-212.

(191) Docteur Bouckenaere, o.c., p. 34.

(192) Professeur Van Neste, o.c., p. 55, qui défend par contre l'inscription d'une réglementation dans l'arrêté royal nº 78; docteur B. van den Eynden, o.c., p. 22.

(193) Docteur Menten, o.c., p. 82.

(194) Sénateur H. Vandenberghe, audition du professeur Vermeersch du 15 février 2000, p. 24; docteur Philippart (Ordre des médecins), audition du 16 février 2000, p. 76.

(195) Professeur Van Neste, o.c., p. 54.

(196) Mme Diricq, o.c., p. 351; voir aussi docteur Bouckenaere, o.c., p. 29.

(197) Docteur Clumeck, o.c., p. 396.

(198) C. Hennau et J. Verhaegen, Droit pénal général, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 179 et suiv.; voir aussi : Cass., 13 mai 1987, RCJB, 1989, p. 589.

(199) Professeur J. Messine, audition du 2 mai 2000, p. 212.

(200) Professeur J. Messine, o.c., p. 213.

(201) Docteur Clumeck, o.c., p. 382.

(202) Docteur Clumeck, o.c., p. 383.

(203) Professeur J. Messine, o.c., p. 213.

(204) Professeur J. Messine, o.c., p. 217.

(205) Voir à ce sujet les auditions de Mme Cambron-Diez (26 avril 2000) et de Mme Pesleux (26 avril 2000), qui s'interrogent sur l'applicabilité d'une telle loi dans la pratique vu les réalités de terrain.

(206) Développements, p. 1; article 3.

(207) Avis sur fin de vie, arrêt de vie, euthanasie du 27 janvier 2000, p. 9.

(208) Note du professeur Adams, pp. 11 à 13.

(209) En droit pénal, l'« état de nécessité » est rangé parmi les causes de justification, c'est-à-dire les causes qui font disparaître l'illégalité de l'acte, et partant le caractère infractionnel de celui-ci. Les autres causes de justification sont la légitime défense (articles 416, 417 du Code pénal), la permission de la loi (article 70 du Code pénal), le commandement de l'autorité (article 70 du Code pénal), et la résistance légitime aux abus de l'autorité (jurisprudentiel). Pour plus de détails, voir note IW « Clarification des questions relevant du droit pénal » du 16 février 2000.

(210) P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, « Theory and practice of the European Convention on Human Rights », Antwerp, Boston, London, Frankfurt, Kluwer Law and Taxation Publishers, 1984, p. 184.

(211) J.E.C. Fawcett, « The application of the European Convention on Human Rights », Oxford, 1969, pp. 30-31 in P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, op. cit., pp. 184-185.

(212) Cass., 5 février 1985, Pas., 1985, I, nº 332 in J. Velu et R. Ergec, « La Convention européenne des droits de l'homme », Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 174.

(213) J. Velu et R. Ergec, op. cit., p. 1.

(214) P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, op. cit., p. 184.

(215) P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, « Theory and practice of the European Convention on Human Rights », Antwerp, Boston, London, Frankfurt, Kluwer Law and Taxation Publishers, 1984, p. 184.

(216) Ibidem.

(217) J. Velu et R. Ergec, op. cit., p.

(218) Voyez L.-E. Pettiti (s.l.d.), « La Convention européenne des droits de l'homme. Commentaire article par article », 2e édition, Paris, Economica, 1999, pp. 147-151.

(219) Voyez références citées par J. Velu et R. Ergec, op. cit., p. 174.

(220) P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, op. cit., p. 188; H.J.J. Leenen, « Artikel 2 » in X., « Het EVRM en de gezondheidszorg, » Nijmegen, Ars Aequi Libri, 1994, p. 34.

(221) H.J.J. Leenen, op. cit., p. 34.

(222) P. van Dijk et G.J.H. van Hoof, op. cit., p. 188.

(223) H.J.J. Leenen, op. cit., pp. 35-40.