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16 NOVEMBRE 1999
Dans notre pays, un grand nombre de pensions alimentaires ne sont pas payées ou alors très partiellement.
Le problème ne date pas d'hier, mais il ne cesse de s'aggraver. C'est malheureusement dans les catégories socio-professionnelles les plus défavorisées que le versement régulier des créances alimentaires est le plus rare.
Un spécialiste de la pauvreté aux États-Unis a écrit: « En l'an 2000, tous les pauvres de la Nation seront des femmes et leurs enfants. »
Même si notre système de sécurité sociale, basé sur les principes d'assurance et de solidarité, nous permet d'admettre que la situation n'est pas aussi alarmante dans notre pays, il convient de rappeler que dans la CE, on a récemment estimé à 4 millions le nombre de femmes seules avec charge d'enfants vivant dans la pauvreté.
En 1990, une étude réalisée en collaboration entre le Centre de droit et de sociologie de l'UFSIA et le département des sciences sociales de l'université de Liège se fixait pour objectif d'examiner la problématique des créances alimentaires en cas de divorce.
Il ressort de cette étude que 58 p.c. des pensions alimentaires destinées aux enfants sont versées correctement en Belgique.
Par contre, 18 p.c. des femmes n'en perçoivent plus le moindre denier et les faits démontrent que 24 p.c. des divorcés wallons ne paient plus de pension alimentaire.
Le non-paiement ou le versement irrégulier des pensions alimentaires pose de graves problèmes financiers à 35 p.c. des femmes interrogées dans le cadre de cette étude.
On comprendra aisément les difficultés que doivent surmonter les femmes qui ont plusieurs enfants et qui n'exercent pas d'activité professionnelle.
À cet égard, il ressort des conclusions de l'analyse que l'insécurité financière et le respect de l'obligation de verser une pension alimentaire ont des causes structurelles pendant et même avant le mariage : durée du mariage, cloisonnement des rôles familiaux, origine sociale des époux...
Enfin, l'enquête met en évidence que 73 p.c. des femmes lésées et éprouvant des difficultés financières ont eu recours à la justice pour faire valoir leurs droits.
Trois juridictions différentes sont compétentes en cette matière : le juge de paix, lorsqu'il y a simplement séparation des conjoints; le tribunal de première instance, lorsqu'une procédure en divorce est entamée, et le juge de la jeunesse pour toute modification ultérieure (plus le tribunal correctionnel en cas de plainte pour abandon de famille).
Chacun sait que l'accès à la justice n'est pas aisé, beaucoup de personnes se découragent devant la lourdeur et la complexité des démarches.
De plus, une action en justice peut coûter cher et elle est souvent inévitable si l'on tient compte du fait que les non-paiements de pensions alimentaires sont plus fréquents chez les couples qui ont divorcé pour cause déterminée.
En effet, les obligations alimentaires sont mieux respectées dans le cas d'un divorce ou d'une séparation par consentement mutuel.
De manière générale, le juge de paix est compétent pour toute action relative aux pensions alimentaires, à l'exclusion toutefois de celle fondée sur l'article 336 du Code civil et celle se rattachant à une action en divorce, ou de séparation de corps sur laquelle il n'a pas été définitivement statué par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée (article 591, 7º, Code judiciaire).
Les demandes concernant les pensions alimentaires peuvent être introduites par requête (articles 1320, 1321 et 1322 du Code judiciaire).
L'article 203ter du Code civil prévoit qu'à défaut par le débiteur de satisfaire à l'une de ces obligations alimentaires, le créancier peut, sans préjudice du droit des tiers, se faire autoriser à percevoir, à l'exclusion dudit débiteur, les revenus de celui-ci ou toute autre somme à lui dû par un tiers.
Les articles 1253ter à quinquies du Code judiciaire règlent les étapes de cette procédure mue par requête.
Dans le cadre de cette procédure, les ordonnances et jugements rendus sont notifiés par le greffier, et ne nécessitent donc pas de signification par huissier.
Les coûts sont donc limités aux frais de mise au rôle (justice de paix: 1 100 francs 1re instance : 2 100 francs), les frais et dépens étant in fine à la charge de la partie qui a succombée.
Les seuls coûts importants que devra donc supporter un créancier d'aliments, concernent, d'une part, les éventuels honoraires d'avocat et, d'autre part, les honoraires d'huissier dans le cadre de l'exécution forcée des décisions rendues sur requête.
Ces frais peuvent être réduits, pour les parties indigentes, en demandant de se voir appliquer le bénéfice des articles 455 et 455bis du Code judiciaire relatifs à la commission d'un avocat pour pourvoir à l'assistance des personnes dont les revenus sont insuffisants, et 664 et suivants du Code judiciaire, relatifs à l'assistance judiciaire, qui permet de dispenser en tout ou partie, ceux qui ne disposent pas de revenu nécessaire pour faire face aux frais d'une procédure, même extra-judiciaire, de payer les droits de timbre, d'enregistrement, de greffe et d'expédition et des autres dépens qu'elle entraîne. Elle assure ainsi aux intéressés la gratuité du ministère des officiers publics et ministériels.
Si l'assistance d'un avocat est subordonnée à des conditions de revenus (gratuité totale en deçà de 24 000 francs de revenus mensuels), l'octroi du bénéfice de l'assistance judiciaire est laissé à l'entière appréciation du juge.
En ce qui concerne spécialement l'assistance judiciaire pour les pensions alimentaires, l'article 679 du Code judiciaire porte en son deuxième alinéa que « lorsque le débiteur de la pension reste en défaut de l'acquitter, l'exécution se poursuit avec le bénéfice de l'assistance en vertu du procès-verbal rendu exécutoire comme il est dit à l'article 733 ».
Il apparaît donc qu'un débiteur très nécessiteux pourrait faire valoir ses droits en matière de pension alimentaire sans dépenser d'argent, s'il est admis au bénéfice de l'assistance judiciaire et du pro deo.
Mais, il faut reconnaître que si ces mécanismes sont d'une grande utilité dans les cas les plus graves de personnes totalement démunies, ils ne permettent pas de résoudre la majorité des problèmes qui se posent en matière de pension alimentaire.
Les créanciers, titulaires de faibles revenus qui, confrontés au non-paiement de pension alimentaire, peuvent être mis en difficulté par la durée des procédures menant à l'exécution forcée (jugement, refus d'exécution, saisie, éventuellement opposition sur saisie, et, quelques mois plus tard, exécution).
Un mécanisme a été mis en place pour apporter une réponse ponctuelle à ces problèmes. La loi du 8 mai 1989 a chargé les C.P.A.S. d'allouer des avances sur un ou plusieurs termes déterminés et consécutifs de pensions alimentaires et de recouvrer ces pensions. Mais cette possibilité semble insuffisante, vu le montant trop bas des avances consenties et les conditions de revenus imposées.
Un problème existe donc incontestablement. Il s'inscrit bien sûr dans la problématique générale de la démocratisation de l'accès à la justice qui devrait faire l'objet de profondes réformes.
Dans l'attente de celles-ci, la présente proposition de loi vise à faire bénéficier d'office, sous certaines conditions de revenus, tout créancier d'une contribution alimentaire due à un enfant du bénéfice de l'assistance judiciaire.
Francis POTY. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Un article 666bis est inséré dans le Code judiciaire, rédigé comme suit:
« Art. 666 bis. Le bénéfice de l'assistance judiciaire est accordé d'office au créancier d'une contribution alimentaire due à un enfant, visée par les articles 203, 203bis , 207, 223, 303, 311bis , 336, 364 du Code civil et 1280 du Code judiciaire, ainsi que la convention visée à l'article 1288, 3º, du Code judiciaire, qui en fait la requête, lorsque les ressources annuelles du créancier d'aliment ne sont pas supérieures au montant fixé à l'article 2, § 1er , 1º, de la loi du 7 août 1974 instituant un droit à un minimum de moyens d' existence.
Ce montant est augmenté de cinq mille francs (index 1er janvier 1996) par bénéficiaire de la contribution alimentaire, dès le deuxième enfant.
Le Roi peut augmenter ce montant par arrêté délibéré en Conseil des ministres. »
Art. 3
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
Francis POTY. |
(1) La présente proposition de loi avait déjà été déposée au Sénat le 13 février 1996, sous le numéro 1-257/1 - 1995/1996.