1-1060/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

24 NOVEMBRE 1998


Projet de loi relative à la sécurité lors des matches de football


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR M. ISTASSE


I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

1. Objectif

La perspective de l'Euro 2000, au cours duquel notre pays sera le point de mire de millions de spectateurs et téléspectateurs, a servi de catalyseur au projet de loi que votre assemblée doit aujourd'hui examiner; ce projet s'inscrit dans le droit fil de la politique du ministre de l'Intérieur depuis une dizaine d'années, qui a pour but de permettre le retour à une ambiance paisible et conviviale dans les stades de football.

Dans cette optique, le présent projet de loi vise à responsabiliser les organisateurs de matches de football et les spectateurs : alors que la sécurité hors du stade tombe sous la responsabilité des autorités administratives et des services de police, c'est en effet en première instance les clubs qui sont responsables de la sécurité à l'intérieur des stades. Il est de moins en moins tolérable que les alentours du stade soient toutes les deux semaines le théâtre de véritables charges, afin d'éviter que des maisons, des voitures, des jardins, etc., soient endommagés par des trouble-fête prétendument spectateurs de football.

2. Nécessité

L'entrée en vigueur d'une loi football en Belgique n'est pas qu'un signal politique destiné à la population montrant que la sécurité lors des rencontres de football est prise au sérieux. C'est devenu avant tout une nécessité absolue.

a. Le contexte européen

L'adoption d'une telle loi ne constituerait pas une première européenne; je rappellerai d'abord la loi du 18 avril 1989 portant approbation de la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football, faite à Strasbourg le 19 août 1985. Les parties contractantes y déclaraient s'unir en vue de promouvoir une organisation responsable (article 3.2). Il a également été précisé que les parties doivent à ce propos se soucier que les organisations sportives et les clubs prennent des mesures pratiques dans et autour des stades afin de prévenir et de lutter contre de telles violences ou débordements.

Rappelons ensuite les mesures d'application de la Convention européenne, parmi lesquelles :

­ l'arrêté royal du 17 juillet 1989 contenant les normes relatives à la protection des spectateurs contre l'incendie et la panique, lors des manifestations dans les installations à ciel ouvert, modifié par l'arrêté royal du 14 mai 1990 et par l'arrêté royal du 8 septembre 1997;

­ les diverses circulaires relatives au maintien de l'ordre public lors de rencontres de football (OOP 7, 7bis et 7ter , entre-temps coordonnées et abrogées par la circulaire OOP 24, elle-même remplacée par les circulaires OOP 27 et OOP 27bis ).

Le Conseil de l'Europe a également pris dans ce domaine d'autres initiatives, parmi lesquelles je citerai la recommandation nº 1/89 du Conseil de l'Europe concernant les directives pour la vente de billets aux manifestations à haut risque et la recommandation du Conseil de l'Europe nº 1/93 aux parties concernant les mesures à prendre par les organisateurs de matches de football et les pouvoirs publics.

Les pays limitrophes ont déjà appliqué la Convention européenne. Ainsi, l'Angleterre et le pays de Galles ont un « Football Spectators Act » datant de 1989, un « Football Offences Act » de 1991 et un « Sporting Event Act ». La France a également pris une législation adaptée : l'article 23 de la loi nº 95-73 du 21 janvier 1995 rend l'organisateur responsable du maintien de l'ordre prévu pour une rencontre de football, et l'organisateur doit assumer le surcoût provoqué par l'engagement de la police ou de la gendarmerie pour des prestations exceptionnelles. Il existe aussi le décret nº 95-646 du 31 mai 1997 relatif aux manifestations sportives avec but lucratif qui oblige les organisateurs de communiquer à l'avance les mesures qu'ils vont prendre.

Il s'imposait par conséquent que la Belgique prévît elle aussi une règlementation légale répondant à ces exigences européennes.

b. Sécurité juridique

Travailler à l'aide de circulaires et d'arrêtés royaux n'est plus une option acceptable, tant d'un point de vue juridique formel que du point de vue de leur force obligatoire. Le recours en annulation de la circulaire OOP 24 au Conseil d'État par le club de Harelbeke, l'an dernier, les procédures en référé par le tribunal de première instance contre la circulaire OOP 27 par les clubs de Maasmechelen puis, récemment, du Standard de Liège, le prouvent à suffisance : les arguments invoqués, certes à tort, portaient essentiellement sur l'absence prétendue de base légale.

En réalité, la base légale des circulaires contestées se trouve dans l'article 223bis de la nouvelle loi communale (et son arrêté d'application, l'arrêté royal du 14 septembre 1997 fixant les modalités relatives aux missions de police administratives remplies par la police communale pour lesquelles une rétribution peut être perçue) ainsi qu'à l'article 70bis , § 2, de la loi du 2 décembre 1957 sur la gendarmerie, exécuté par l'arrêté royal du 19 août 1997 fixant les modalités relatives aux demandes et au paiement des missions de police administrative présentant un caractère exceptionnel effectuées par la gendarmerie. Les circulaires contestées se bornent à fixer des directives aux gouverneurs de province (et indirectement aux bourgmestres) sur la manière d'exécuter leurs compétences de maintien de l'ordre, tirées respectivement de l'article 128 de la loi provinciale et des articles 133, 134 et 135 de la nouvelle loi communale, d'une part, et à préciser, d'autre part, à quelles conditions j'entends, pour la gendarmerie, conclure une convention relative à des missions de police administrative pour lesquelles une indemnité peut être perçue.

Cette interprétation erronée des circulaires souligne néanmoins davantage la nécessité d'une approche globale de tous les aspects de la sécurité incombant à l'organisateur, et partant, l'importance du projet de loi soumis à votre examen.

c. Attitude de certains organisateurs et de certains spectateurs

L'ordre formel n'est toutefois pas la seule raison qui justifie une loi réglementant les matches de football. L'attitude de certains organisateurs et de certains spectateurs doit être infléchie. La sécurité dans le cadre des matches de football n'a été que trop longtemps traitée par certains avec trop d'indifférence alors qu'il ne devrait s'agir ici de rien d'autre que d'une priorité.

c.1. Nécessité à l'égard de l'organisateur

Mon prédécesseur, Louis Tobback, a essayé depuis 1988 de responsabiliser les organisateurs en les invitant à conclure des accords sur une base consensuelle, les fameux « protocoles d'accord ».

Ces accords n'ont été accueillis en général qu'avec un enthousiasme relatif par le monde du football; certains organisateurs se sont livrés ­ et le font toujours ­ à des manoeuvres de ralentissement afin de ne pas devoir signer ces accords. Qui plus est, d'aucuns pensent pouvoir échapper au respect des accords conclus et même à l'apurement des factures qui constituent la sanction du non-respect des obligations qu'ils ont souscrites, en tablant sur l'inaction du ministre ... Mon prédécesseur leur a donné tort de manière magistrale (je rappellerai par exemple que Maasmechelen a perdu son action intentée contre le ministère alors que le Standard a opté pour l'abandon d'instance), mais ces manoeuvres prouvent que la voie du consensus, même en la balisant de sanctions, ne suffit plus à mobiliser l'énergie positive des clubs.

Il est évidemment inconcevable qu'une politique de sécurité nationale puisse être mise en péril par l'amateurisme ou la mauvaise volonté de certains. Il est également temps d'amener certains organisateurs à un peu plus de professionnalisme et de sens des responsabilités, en leur adressant un signal clair.

Mesdames et messieurs, telles sont précisément les raisons qui motivent le renforcement des sanctions que l'article 18 du projet de loi prévoit d'infliger aux organisateurs qui ne respectent pas la loi, à savoir une amende administrative pouvant aller de 20 000 à 10 000 000 de francs.

c. 2. Nécessité par rapport aux hooligans

Il ne fait aucun doute que le hooliganisme dans les stades peut être réprimé de manière efficace grâce à un renforcement des sanctions. L'exemple de l'Angleterre et du Pays de Galles est édifiant puisque le phénomène de hooliganisme y a diminué de manière sensible depuis l'entrée en vigueur de la « Football Spectators Act » de 1989 et de la « Football Offences Act » de 1991 et grâce à l'instauration d'une nouvelle politique sécuritaire à laquelle l'organisateur est étroitement associé.

c.2.1. Les sanctions pénales actuelles ne suffisent-elles pas pour réprimer la violence dans les stades ?

D'aucuns ont objecté par le passé que l'application de sanctions administratives aux hooligans n'était pas nécessaire et que le droit pénal contient déjà des dispositions suffisantes pour réprimer le hooliganisme. Je ne suis pas de cet avis.

Des sanctions administratives :

­ parachèvent le droit pénal;

­ constituent un complément nécessaire au droit pénal;

­ amènent un système plus simple en ce qui concerne la charge de la preuve;

­ assurent une réaction efficace, rapide et décidée;

­ constituent une réponse à l'absence de réaction sociale due à la surcharge des tribunaux et au classement sans suite des dossiers par les parquets;

­ ont un effet préventif dû à la « menace » de sanctions lourdes.

Elles parachèvent le droit pénal sans le remplacer en introduisant un sytème régissant le concours des poursuites pénales et administratives; le procureur du Roi averti de la commission d'un fait donnant lieu à l'application des deux sortes de poursuites (pénales et administratives) dispose d'un délai d'un mois pour décider s'il ouvre une instruction (ou s'il classe immédiatement le dossier sans suite). En cas d'inaction du procureur du Roi et après l'expiration du délai précité d'un mois, les poursuites administratives peuvent débuter. De plus, le projet de loi crée également une nouvelle infraction pénale à savoir le « délit de marché noir ». L'article 41 prévoit que dans le cas d'une condamnation pour une infraction commise dans un stade, le juge peut prononcer une interdiction de stade judiciaire.

Ces sanctions constituent un complément nécessaire du droit pénal, compte tenu de la spécificité des faits visés, de leurs auteurs et des sanctions prévues; ce système répressif non pénal vise, en fait, la criminalité spécifiquement liée au football.

Elles simplifient le système en ce qui concerne la charge de la preuve, ce qui constitue un avantage considérable en comparaison des dispositions pénales existantes. Le droit pénal renferme un certain nombre d'infractions comparables, notamment les infractions à la loi sur le racisme et la xénophobie, l'association de malfaiteurs (article 322 et suivants du Code pénal), la destruction de propriétés mobilières (article 528 et suivants du Code pénal) et les contraventions prévues par le Code pénal. Aucune de ces dispositions pénales ne constitue toutefois une réponse adéquate à la criminalité liée au football, et ce, pour diverses raisons (brièveté du délai de prescription, difficulté de fournir la preuve, etc.). Par contre, les faits donnant lieu à l'application des sanctions administratives ne demandent pas l'intention particulière. La constatation des faits suffit.

Elles assurent une réaction sociale efficace, rapide et pertinente, étant donné que les sanctions administratives prévues sont propres aux faits visés. Les dispositions pénales existantes, par contre, ont un caractère quelque peu suranné, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'elles ont été conçues au 19e siècle, si bien qu'elles n'ont aucun effet dissuasif à l'égard des hooligans.

Elles constituent la réponse à l'absence de réaction sociale en raison de l'encombrement des tribunaux et du classement sans suite par les parquets, étant donné que la procédure administrative sera menée par des fonctionnaires « spécialisés » en football. Le « classement sans suite » d'un dossier dépendra dans ce cas non de la disponibilité du fonctionnaire qui le traite, mais de son contenu proprement dit. L'unicité de l'administration chargée des poursuites entraînera également une plus grande uniformité dans la politique des poursuites.

Enfin, elles ont un effet préventif dû à la « menace » de sanctions lourdes. Même si le hooligan craint les poursuites pénales, ce ne sera pas la légèreté des sanctions pénales actuelles qui le dissuadera à l'avenir d'encore se rendre coupable de hooliganisme. Le système des sanctions administratives, par contre, est très sévère, puisqu'il prévoit de dix mille à deux cent mille francs d'amende et une interdiction de stade de trois mois à cinq ans ou une de ces sanctions seulement (article 24 du projet). Ce sont donc des sanctions lourdes, mais elles sont tout aussi applicables, parce qu'elles n'exigent pas de privation de liberté. On peut donc partir de l'hypothèse qu'elles auront un effet préventif général beaucoup plus important que ce n'est le cas dans l'état actuel de la législation.

c.2.2. Argumentation juridique en faveur du système de sanctions administratives

Le Conseil d'État (1) s'est montré très réservé quant à l'introduction de sanctions administratives dans le projet de loi qui vous est soumis, se basant sur une interprétation fort stricte du principe de légalité; il apparaît toutefois que l'interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l'homme (2) de ce principe est nettement moins rigide que celle du Conseil d'État. De plus, le présent projet de loi présente toutes les garanties de légalité et de proportionnalité (voyez les articles 18, 29 et 37); la procédure prévue respecte également les droits de la défense : droit d'être entendu, de se faire aider d'un conseil, appel près une juridiction de l'ordre judiciaire (le tribunal de police).

Le choix opéré par le législateur en faveur des sanctions administratives ne peut être discuté, selon la Cour d'arbitrage. Dans un de ses récents arrêts (3), la Cour a souligné que ce choix entre la sanction administrative d'un comportement et sa sanction pénale ne constitue pas en soi une violation du principe d'égalité : « B.2. Lorsque le législateur estime que certains manquements à des obligations légales doivent faire l'objet d'une répression, il relève de son pouvoir d'appréciation de décider s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales ou des sanctions administratives. Le choix de l'une ou l'autre catégorie de sanctions ne peut être considéré comme établissant, en soit, une discrimination. »

Le système des sanctions administratives n'est au demeurant pas une nouveauté puisqu'elles sont appliquées dans divers domaines depuis une vingtaine d'années; citons par exemple la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, et la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage. Dans les domaines de droit fiscal, économique et social on trouve aussi régulièrement des dispositions avec des sanctions administratives.

3. Moyens

Le système prévu s'articule sur deux axes : une série d'obligations à l'égard des organisateurs et des spectateurs, et des sanctions en cas de violation de ces obligations.

Les obligations qui pèsent sur les organisateurs sont primo la conclusion d'une convention avec les services de secours et les autorités administratives ou policières et relative à leurs obligations, secundo la désignation d'un responsable de la sécurité et l'engagement de stewards des deux sexes, tertio l'installation d'un conseil consultatif local pour la sécurité des matches de football, quarto l'établissement et la communication d'un règlement d'ordre intérieur, quinto l'introduction d'une réglementation de l'exclusion civile, sexto l'adoption de mesures de sécurité active et passive, septimo la mise en place et la gestion d'une politique de billetterie, octesimo l'installation de caméras de surveillance.

Tout organisateur qui reste en défaut d'observer ses obligations risque une amende de vingt mille à cinq millions de francs ­ voire dix millions de francs pour les manquements légalement considérés comme les plus graves.

La fédération sportive coordinatrice est elle aussi responsabilisée puisqu'elle est chargée de coordonner les obligations des organisateurs, de mettre si nécessaire tous les moyens utiles à leur disposition pour leur permettre de se conformer à leurs obligations, voire de participer elle-même directement à l'exécution de ces obligations. Le défaut d'agir de la fédération peut être sanctionné d'une amende administrative de vingt mille à cinq millions de francs.

Le spectateur risque lui une amende de dix mille à deux cents mille francs et une interdiction de stade de trois mois à cinq ans, ou l'une de ces deux sanctions, s'il jette ou projette un objet vers le terrain de jeu, la zone adjacente et les tribunes, sauf motif légitime. Idem s'il pénètre irrégulièrement dans le stade, s'il pénètre dans une zone du stade qui ne lui est pas accessible ou s'il trouble le déroulement du match par son comportement (incitation aux coups et blessures ou incitation à la haine ou à l'emportement à l'égard d'une ou plusieurs personnes présentes dans le stade).

4. Conclusion

Le système prévu par la loi en projet remplit entièrement les objectifs susvisés : une réaction sociale rapide, appropriée, conséquente et, surtout, efficace. Il est certain que l'impact préventif de ces mesures refroidira l'ardeur de certains fauteurs de trouble et rassurera les véritables amateurs de football.

(4) C'est avec plaisir que je cite Beccaria : « Ce n'est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement les crimes, c'est la certitude du châtiment (4). »

J'estime qu'il est absolument nécessaire que l'on réagisse désormais avec fermeté à la violence liée au football. C'est d'autant plus nécessaire dans la perspective du championnat européen de football « Euro 2000 » qui se déroulera en Belgique et pour lequel on s'attend à ce que plus d'un million de spectateurs fassent le déplacement. Il va sans dire que les autorités administratives et judiciaires, ainsi que les services de police, devront disposer d'instruments efficaces pour que tout se déroule dans de bonnes conditions. Je suis convaincu que la présente loi est un de ces instruments.

II. DISCUSSION GÉNÉRALE

Deux membres demandent que la Commission organise une audition de l'Union royale belge des sociétés de football association ainsi que de la Ligue belge de football professionnel afin de connaître leur point de vue à propos des matières visées par le projet de loi évoqué.

La gestion des tickets est un élément important dans la lutte contre le hooliganisme et le vandalisme liés au football. Du fait de l'introduction de la carte de sécurité, la Ligue joue un rôle crucial dans ce domaine. Par conséquent, l'expérience qu'elle a acquise dans ce domaine au cours des mois écoulés est utile pour la commission.

Un des orateurs estime que plusieurs définitions de ce projet de loi ne sont pas claires. La notion de « stade » (au 7º de l'article 2) suppose qu'il y ait une tribune. Il est indiqué de prendre en considération l'équipement global du terrain de jeu.

Dans le même ordre d'idées, un autre membre se demande si la définition de « match international de football » (au 3º de l'article 2) n'est pas trop large. Un match amical entre deux équipes locales mais de nationalité différente sera régi par la loi au projet.

Un autre membre soutient entièrement la fermeté du gouvernement en cette matière. Son groupe estime que les débordements auxquels les matches de football donnent lieu sont tout à fait inadmissibles. Il est clair aussi que le projet ne vise que les grands matches de division 1 et de niveau international et que les matches transfrontaliers au niveau provincial ne sont nullement visés.

Si on veut assurer la sécurité du spectateur paisible et prendre en compte les efforts importants des pouvoirs publics, tant fédéraux que communaux, pour imposer le respect de l'ordre, il faut arriver à responsabiliser les organisateurs et à mettre en application le projet de loi le plus rapidement possible.

Le ministre de l'Intérieur souligne que le point de vue de l'Union belge de sociétés de football et de la Ligue belge de football professionnel a déjà été exposé à plusieurs reprises dans les médias. En résumé, ce point de vue revient à dire que la sécurité est l'affaire des autorités publiques et non la leur.

Ce point de vue est incompatible avec celui du ministre, de sorte qu'il doute sérieusement de l'utilité d'organiser une telle audition.

En matière de « ticketing », un accord a été conclu avec la Ligue et avec l'Union de football.

En ce qui concerne la définition du « match de football international », le ministre concéde que strictement parlant, un match de football entre deux petites équipes de la région frontalière relève de cette définition.

Il est néanmoins très difficile de donner une définition précise qui permette de s'attaquer également de manière efficace au hooliganisme à un niveau inférieur.

Il souligne explicitement que, même dans les divisions inférieures, voire au niveau provincial, la possibilité de violences commises par des supporters n'est certainement pas imaginaire.

L'intervenant fait observer que cette large définition oblige les très petites équipes à prendre une série de mesures spécifiques. C'est pourquoi il estime préférable d'amender cette définition, pour éviter de submerger les petites équipes de football d'obligations parfaitement superflues.

Un membre demande pourquoi si on ne peut pas soit assigner les hooligans connus chez eux, soit les convoquer au poste de police le jour d'une rencontre sportive. Une telle mesure coûterait moins cher, serait plus facile et découragerait l'utilisation de la violence. Les mesures actuelles continuent à permettre aux hooligans d'arriver au lieu du match. Le fait de leur refuser l'accès au stade ne règle pas le problème à l'extérieur du stade et ne les empêche pas de démolir dehors.

Une assignation ou une convocation préventive éviterait de créer des problèmes sur le lieu du match.

Le ministre fait remarquer que l'on ne peut pas priver quelqu'un de sa liberté sans qu'il y ait une peine prononcée par un juge. On ne peut quand même pas demander de condamner quelqu'un de façon préventive ou sur base d'intentions.

L'intervenant fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'une peine ou d'une condamnation. Du moment que l'on sait ce que sont les intentions d'une personne les forces de l'ordre peuvent quand même l'empêcher de les réaliser lorsque ces intentions sont criminelles. Du moment qu'un hooligan rentre dans les cars munis de n'importe quel objet (ne fût-ce qu'un casque), on connaît ses intentions. À partir de ce moment, on peut intervenir et passer à une détention administrative.

Le ministre répond que les forces de l'ordre essayent déjà d'intervenir dans un cas pareil. Ils passent alors à une détention administrative lorsqu'après une fouille certains objets sont détectés.

L'intervenant insiste sur le fait qu'il faut empêcher les hooligans de se rendre sur place car dès qu'ils seront sur place, ils commettront des actes de violence soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du stade.

Le ministre rappelle que le présent projet empêche les hooligans connus d'obtenir un ticket, ils n'auront donc plus aucune raison de se rendre à un match de football.

Une commissaire signale que la carte de sécurité a été conçue par la Ligue de football professionnel en collaboration avec le ministère de l'Intérieur. Il existe donc une étroite collaboration sur le terrain. Rien donc de plus normal que, dans une démocratie, la Ligue soit entendue.

Si l'intervenante approuve différents points du projet, il n'en reste pas moins que celui-ci demeure trop vague à certains égards. La gestion des tickets est un élément crucial dans la maîtrise de la violence dans et autour des stades de football. Elle est à peine évoquée dans le projet. Jusqu'à présent, cette problématique a été réglée par une circulaire ministérielle ­ ce qui n'est pas précisément un exemple de politique cohérente.

Pour les spectateurs occasionnels se pose le problème de l'obtention de tickets d'un jour. Pourquoi est-il possible de délivrer des tickets personnalisés pour un concert de musique pop qui accueillera 15 000 spectateurs et non pour un match de football ?

Le ministre souligne avant tout que la carte de sécurité a été réalisée en collaboration avec l'Union royale belge des sociétés de football association.

Le caractère démocratique ou non d'une audition n'empêche pas que les procédures légales (constitutionnelles) doivent être respectées. Si le Sénat évoque un projet, c'est pour en amender le texte et non en vue d'un débat sur le fond au cours duquel des auditions seraient organisées.

L'intervenante souligne que des auditions ont également été organisées dans d'autres cas d'évocation.

En ce qui concerne la possibilité d'acheter des tickets d'un jour, le ministre signale que la loi fera certainement l'objet d'une évaluation après un certain temps, mais il ajoute, que dans la pratique, toute règlementation générale sera défavorable à un certain nombre de personnes.

Un autre membre s'étonne du fait que le projet de loi ne prévoit rien sur le plan du flagrant délit.

Le ministre répond qu'il n'y a pas de raisons pour dévier des règles générales prévues par le Code pénal.

La même intervenante s'étonne aussi du long délai de la procédure après la constatation d'une infraction par un service de police. Ne faut-il pas prévoir un délai pour signaler les faits constatés ?

Le ministre répond que le Code pénal ne prévoit pas un délai entre la constatation d'une éventuelle infraction et l'envoi du procès-verbal au parquet. Un tel délai n'est prévu que dans des lois pénales spécifiques (par exemple, les lois relatives à la police de la circulation routière).

Le ministre estime qu'il ne faut pas introduire une nouvelle source de nullités puisque cela risque de nuire à l'efficacité de l'action judiciaire.

L'intervenante répond que son but n'est nullement de nuire à l'efficacité mais de permettre d'intervenir avant que d'autres matches de football ne se déroulent entre les incidents et une interdiction de stade.

Le ministre répond que l'on ne peut pas tout inscrire dans une loi. Laisser traîner des procès-verbaux constitue une faute dans le chef de l'officier de police. Cela peut éventuellement mener à des sanctions disciplinaires.

En troisième lieu, l'intervenante demande comment on prévoit l'organisation concrète de l'interdiction de stade sur le plan administratif.

Le ministre répond que quand des sanctions administratives sont prises, l'interdiction de stade peut être contrôléé par le pass dont on a besoin pour obtenir un ticket. Le système informatique enregistre les personnes auxquelles l'accès est interdit.

Si quelqu'un se fait inviter par quelqu'un qui dispose d'un pass, c'est la responsabilité de ce dernier qui serait éventuellement mise en cause.

Un membre demande au ministre quelles seront les obligations précises d'une équipe de division inférieure qui reçoit une équipe de division supérieure, même s'il s'agit d'un match amical.

Le ministre répond que les règles imposées en 1989 en matière d'infrastructure restent applicables ­ mêmes celles qui concernent les clubs de division inférieure.

L'intervenant attire l'attention sur le fait que l'article 10 du projet à l'examen impose davantage d'oligation que ce que l'on avait prévu en 1989. Ceux qui entrent en ligne de compte pour l'organisation d'un match de coupe de Belgique devront satisfaire à ces obligations.

Le ministre répond que pareille obligation ne vaut qu'à partir des 1/32e de finale de la coupe de Belgique ­ au moment donc où les équipes deviennent des organisateurs au sens de l'article 10 du projet.

Pour d'autres matches, cette obligation ne vaut qu'à partir du moment où les équipes de divisions inférieures deviennent effectivement des organisateurs au sens de l'article 10 du projet.

En ce qui concerne la proposition d'organiser des auditions, le président de la commission attire l'attention sur le fait que dans la procédure d'évocation, la discussion est limitée aux articles à propos desquels des amendements ont été déposés, éventuellement après un bref exposé du ministre compétent et un échange de vues général. Bien qu'il souhaite appliquer cette règle souplement, il estime qu'une audition éventuelle devrait se limiter aux amendements qui ont été déposés.

La proposition d'organiser des auditions est rejetée par 7 voix contre 2.

III. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

M. De Decker dépose un amendement (nº 1) à l'article 2 qui vise à modifier la définition du « stade » au 7º, car il estime qu'il y a lieu de prendre en considération l'équipement global du terrain de jeu.

Le ministre attire l'attention sur le fait que par cet amendement, l'on impose des obligations particulièrement lourdes aux petits clubs.

L'amendement nº 1 est rejeté par 7 voix contre 3.

MM. Caluwé et Istasse déposent un amendement (nº 2) à cet article, qui vise à modifier la définition d'un « match international de football » qui figure au 3º, pour ne pas décourager l'organisation de rencontres internationales entre les équipes de divisions inférieures.

Un des auteurs précise que le but est de limiter le champ d'application du projet à l'examen, pour ce qui est des matches internationaux de football, aux équipes qui jouent en première division.

Un membre fait observer qu'en ce qui concernes les matches internationaux de football les deux divisions supérieures entrent dans le champ d'application du projet.

Les auteurs de l'amendement sont disposés à l'adapter sur ce point.

Le ministre fait observer si l'on adopte l'amendement, il faudra que la Chambre examine à nouveau le projet. En tous cas, il assure qu'il appliquera les dispositions de la loi en projet uniquement aux matches internationaux de première et deuxième divisions. Qui plus est, la loi sera évaluée après un certain temps, de sorte que l'on pourra encore l'adapter à ce moment-là.

Après cette déclaration et vu l'urgence du projet, l'amendement des sénateurs Caluwé et Istasse est retiré.


Avec l'accord de la Chambre des représentants, la commission a apporté un certain nombre de corrections au texte (cf. doc. Sénat, nº 1-1060/4).


L'ensemble du projet de loi a été adopté par 7 voix et 2 abstentions.


Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des dix membres présents.

Le rapporteur,
Jean-François ISTASSE.
Le premier vice-président,
Eric PINOIE.

(1) Avis du 18 mars 1998, L. 27.289/4, (version française pp. 42 et 43) ; (version néerlandaise : pp. 38 et 39).

(2) CEDH, Welch, 9 février 1995, Publ. Cour, Série A, Vol. 307-A, par. 27; CEDH, Jamil, 8 juin 1995, Publ. Cour, Série A, Vol. 320, par. 30.

(3) Cour d'arbitrage, nº 45/97 du 14 juillet 1997, Moniteur belge , 26 août 1997, point B.2.

(4) Beccaria, Des délits et des peines , chapitre 20, p. 105.