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23 DÉCEMBRE 1996
Une étude récente réalisée par le Centre coopératif de la consommation (1) a montré l'inquiétante réalité du phénomène de l'exclusion bancaire.
La majorité des services sociaux consultés dans le cadre de cette enquête ont en effet révélé que bon nombre de personnes à revenus modestes sont confrontées au problème de la fermeture de leur compte par la banque.
Une approche quantitative du problème est très difficile mais on peut avancer que des dizaines de milliers de personnes sont concernées et que le problème ne cesserait de croître ces dernières années.
À notre époque, l'exclusion bancaire est ressentie comme une forme d'exclusion sociale; le compte bancaire est devenu un élément essentiel dans la gestion des affaires quotidiennes du consommateur, plus, il est devenu un élément de la citoyenneté.
En effet, ne pas disposer de compte bancaire entraîne des problèmes d'ordre administratif, locatif, financier, de gestion et psychologique du fait du sentiment d'exclusion.
Le Rapport général sur la pauvreté souligne à cet égard que « les personnes pauvres ont aussi droit aux services bancaires; il faut certes veiller à éviter les abus mais sait-on que certaines banques refusent déjà d'ouvrir un compte aux ayants droit au minimex ».
Dans son rapport de 1995, l'ombudsman estimait quant à lui que « dans notre société actuelle, il est désormais pratiquement impossible, pour qui a un jour possédé un compte, de s'en passer ».
Le Centre coopératif de la consommation a approché la réalité du phénomène par une enquête auprès de plus de huit cents services sociaux du pays et par une enquête auprès des établissements de crédit.
Parmi les causes du problème, on trouve par ordre d'importance :
un compte trop longtemps en négatif;
le manque de revenus;
l'insuffisance de mouvements sur le compte.
D'autres causes sont également citées comme le surendettement, la dénonciation dans le fichier de la centrale des crédits, les comptes improductifs, etc.
L'enquête auprès des établissements de crédit visait, pour sa part, à déterminer l'influence de revenus modestes sur la décision d'ouvrir ou de fermer un compte.
Malheureusement, la participation des banques n'a pas été représentative et le nombre insuffisant de réponses reçues n'a pas permis d'établir des conclusions significatives.
Pourtant, le traitement et l'évaluation des situations sont réalisés par le directeur d'agence, ce qui entraîne inévitablement des disparités dans les conditions d'ouverture ou de fermeture des comptes bancaires.
Il n'existe pas en droit belge de disposition légale prévoyant le droit ou l'obligation pour tout consommateur de disposer d'un compte bancaire. Depuis 1967, cette obligation existe cependant pour les commerçants (arrêté royal du 10 novembre 1967, modifié par la loi du 22 mars 1993).
Le refus d'ouverture d'un compte bancaire peut néanmoins être considéré comme abusif par la plupart des règles des contrats et celles relatives aux pratiques du commerce.
En outre, si la plupart des règlements généraux prévoient des modalités de clôture du compte, on peut regretter qu'elles soient bien souvent en contradiction avec la directive C.E. et avec la loi belge relative aux clauses abusives.
Dans notre pays, diverses initiatives ont déjà vu le jour afin d'assurer ou d'améliorer l'accès à tous au compte bancaire. Parmi les initiatives du secteur bancaire, on retiendra le code de conduite régissant le comportement des caisses d'épargne européennes à l'égard de leurs clients.
Ce code précise une série de recommandations sur le comportement que doivent adopter les institutions d'épargne à l'égard de leurs clients. Il a été adopté en juin 1996 par les banques d'épargne de 21 pays européens.
Pour ce qui concerne les initiatives politiques, l'étude du Centre coopératif de la consommation rappelle que dans le cadre de la discussion de ma proposition de loi portant sur l'obligation de communiquer certaines informations aux clients par les banques et sociétés de crédit, un amendement de M. Viseur allait dans le sens d'une plus grande protection du consommateur, mais il n'a pas été retenu.
Même les personnes économiquement faibles doivent pouvoir disposer d'un compte auprès d'un organisme financier. L'exclusion bancaire constitue aujourd'hui une nouvelle forme d'exclusion sociale inacceptable, d'autant que certains établissements financiers de second plan profitent de la situation en abusant des personnes devenues indésirables dans les grandes banques.
La présente proposition de loi s'inspire de « la Charte des services bancaires de base » qui existe en France depuis 1992. Rédigée par le comité des usagers du Conseil national du crédit, elle est destinée à protéger les usagers; elle a été adoptée successivement par l'Association française des banques et par l'Association française des établissements de crédit. Ce texte est à la fois un code de bonne conduite, il indique ce que les banques peuvent et ne peuvent pas faire et la définition précise d'un service minimum de tenue de compte.
Il s'agit d'éviter la situation inacceptable vécue pourtant aux États-Unis où l'on estime à 20 p.c. les personnes ne pouvant avoir un compte bancaire.
La présente proposition de loi vise à éviter l'exclusion bancaire des particuliers ne bénéficiant que de revenus modestes et de leur permettre d'effectuer les opérations nécessaires à la vie quotidienne.
Article 2
Cet article permet à toute personne majeure de jouir d'un service bancaire de base quel que soit son revenu.
Article 3
Cet article définit le service de base.
Article 4
L'article 4 détermine les modalités à suivre lorsqu'un établissement de crédit décide de clôturer un compte.
Francis POTY. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Tout établissement de crédit qui offre des comptes courants aux consommateurs doit fournir un service de base à toute personne physique majeure qui y domicilie un revenu périodique.
Le refus de fournir un service bancaire de base et la décision d'y mettre fin ne peuvent pas être fondés sur des critères relatifs au montant de ce revenu.
Art. 3
Le service bancaire de base comprend l'ouverture d'un compte courant sans facilité de caisse, l'usage des services des virements, des domiciliations et des ordres permanents ainsi que l'accès, via une carte de débit, aux distributeurs de billets de banques.
Art. 4
En cas de fermeture d'un compte, l'établissement de crédit est tenu de motiver sa décision par écrit au client et de l'inviter à une entrevue au cours de laquelle ils débattront des motifs invoqués pour la rupture.
Avant de clôturer le compte, l'établissement de crédit est tenu de respecter un délai de 30 jours. Ce délai prend cours à la date de l'entrevue.
Francis POTY. Nadia MERCHIERS. Jacques SANTKIN. |
(1) Étude sur l'exclusion bancaire des personnes à revenus modestes réalisée dans le cadre d'une convention avec M. Elio Di Rupo, Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications, septembre 1996.