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18 octobre 1995
INDEX
L'unification européenne doit être alimentée et stimulée par un large débat politique et social. Dans ce cadre, le gouvernement désire associer étroitement le parlement à la préparation de la Conférence intergouvernementale (CIG) de 1996. La présente note de politique se limite à cette Conférence intergouvernementale.
Dans son programme, le gouvernement a annoncé qu'il soumettrait au parlement une note de politique concernant la contribution belge à la CIG. Lors de la rédaction de cette note, le gouvernement a pris connaissance avec intérêt du rapport provisoire concernant la Conférence intergouvernementale de 1996 émis par Messieurs Eyskens et Willockx au nom du Comité d'avis pour les affaires européennes de la Chambre des Représentants.
Par ailleurs, le gouvernement s'est concerté avec les communautés et les régions au sein de la Conférence Interministérielle de politique extérieure.
La présente note de politique offre un cadre de référence pour la discussion des sujets et idées qui seront à l'ordre du jour de la CIG. En effet, les points de vue exposés dans la présente note de politique ne constituent qu'une première expression de la position belge. Cette position sera affinée et corrigée dans un dialogue avec le parlement, les communautés et régions, à mesure que progressent les négociations.
La Belgique veut jouer un rôle moteur avant et pendant la CIG. C'est en concertation régulière avec les autres Etats membres de l'Union que nos propositions et nos idées trouveront leur pleine force de persuasion. Ainsi la définition des positions communes avec nos partenaires Benelux, là où c'est possible, augmentera notre efficacité. La dynamique des négociations européennes exige, à côté de points de vue tranchés, un consensus entre les Etats membres. Les gouvernements belges successifs ont toujours rempli une fonction importante dans la recherche, souvent difficile, d'un consensus permettant d'assurer la poursuite de l'intégration européenne. En effet, la CIG doit mener au progrès et non au démantèlement.
Tout comme le programme gouvernemental le précise, la poursuite du développement de l'Union européenne sur une base fédérale constitue un objectif prioritaire de la politique extérieure de la Belgique. Dès le début, la Belgique a poursuivi cet objectif fondamental de façon graduelle. Le gouvernement s'inscrit de la sorte dans la tradition de la politique belge d'intégration européenne, qui a toujours eu pour objectif d'assurer la prospérité et la sécurité en Europe par le biais d'une interaction des intérêts et d'une union des moyens. Il faut chercher à atteindre ces avantages d'échelle en sauvegardant l'équilibre entre l'unité et la diversité (c'est justement pour cela que le Traité de Maastricht a introduit le principe de la subsidiarité) et dans un modèle socio-économique où la croissance économique s'allie au progrès social. Dans ce contexte, le gouvernement estime que l'Union doit disposer de moyens d'action dans le domaine social, tout comme c'est le cas dans le domaine économique. L'introduction de l'UEM doit s'accompagner d'une protection sociale renforcée, de normes environnementales élevées et d'une réelle harmonisation fiscale.
Le Gouvernement est et reste intimement convaincu que l'intégration européenne ne peut prendre forme que dans une approche communautaire. Les faiblesses de la méthode intergouvernementale sont évidentes: le processus décisionnel à l'unanimité n'apporte pas davantage que le plus petit commun dénominateur ou mène à la formation d'un directoire des grands pays. Par contre, la méthode communautaire permet de concilier efficacité (grâce aux décisions majoritaires) et protection efficace contre les abus de pouvoir. La Commission offre suffisamment d'expertise et d'indépendance lors de la préparation et de l'exécution des décisions; elle détient la clef de l'efficacité dans le processus décisionnel : là où une proposition de la Commission peut être approuvée par vote majoritaire, il ne peut y être dérogé qu'à l'unanimité des voix. La Cour de Justice et l'ordre juridique communautaire contribuent à la protection contre les abus de pouvoir.
L'expérience belge montre que le renoncement formel de souveraineté conduit à une augmentation sensible de l'influence réelle. Dans le contexte actuel de mondialisation de l'économie et de la politique, l'intégration européenne constitue finalement pour tous les Etats membres - grands et petits - le levier permettant d'exercer une influence réelle sur un ordre mondial de plus en plus global.
Lors de la CIG, le gouvernement veillera en premier lieu à la poursuite de l'approfondissement. A cet égard, le gouvernement veillera à ce que la légitimité de la construction européenne soit renforcée en développant les domaines où l'Union européenne peut apporter une réelle valeur ajoutée au citoyen et promouvoir l'intérêt européen commun.
- Afin d'encourager le renforcement institutionnel, le rôle central de la Commission sera confirmé, la capacité de prise de décision du Conseil sera renforcée (généralisation des décisions majoritaires) et le contrôle démocratique par le Parlement européen sera promu.
- Le marché intérieur doit être élaboré et complété par la réalisation d'un socle au niveau fiscal, environnemental et social. L'harmonisation dans ces matières doit pouvoir se réaliser à la majorité qualifiée.
- Il faut briser l'immobilisme dans le domaine de la coopération en matière de police et de justice en utilisant toutes les possibilités d'application de la méthode communautaire à ces matières.
- Dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC), il convient de renforcer le rôle d'impulsion et d'exécution de la Commission, de généraliser les décisions majoritaires et d'utiliser les mécanismes communautaires de financement. L'Union de l'Europe occidentale doit être rapprochée le plus possible de l'Union européenne.
Un tel approfondissement doit mettre l'Union européenne en état de poursuivre l'élargissement sans risque de démantèlement et sans compromettre UEM de quelque manière que ce soit.
- Dans le cadre des adaptations institutionnelles qui sont nécessaires à la réalisation de l'élargissement, la Belgique partira du principe que tous les pays doivent pouvoir s'identifier au processus décisionnel dont il convient d'accroître l'efficacité.
- Les nouveaux Etats membres devront accepter la totalité de l'acquis communautaire et partager l'ensemble des objectifs de l'Union. Un système à plusieurs vitesses, dont la gestion est assurée par la Commission, peut contribuer à rendre pratiquement possible l'intégration de nouveaux membres.
Le Traité de Maastricht: l'intégration inachevée
Le Traité de Maastricht se caractérise à juste titre comme "une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe". La réalisation de l'Union économique et monétaire (UEM) est effectivement une étape fondamentale qui rendra le processus d'intégration européenne irréversible.
L'Union politique, structure politique indispensable à l'UEM, est cependant restée inachevée dans le Traité de Maastricht. Il appartient à la CIG de poursuivre le développement de l'Union politique. Une condition d'équilibre fondamentale au sein de l'Union européenne consiste à ce que la réalisation de l'UEM aille de pair avec la poursuite du développement de l'Union politique. Il en est d'ailleurs de même pour le développement de l'emploi et pour l'Europe sociale.
La poursuite du développement de l'Union européenne doit reposer sur l'acquis existant et sur le Traité de Maastricht dont il convient de corriger les imperfections. Le gouvernement veillera attentivement à ce que la révision du Traité de Maastricht ne mine, ou ne remette en question, ni l'objectif, ni les acquis du traité. A cet effet, il est rappelé que dans le traité, l'Union européenne s'assigne notamment pour objectif de "maintenir intégralement l'acquis communautaire et de le développer". La CIG n'a pas pour but de renégocier les acquis du Traité de Maastricht.
Dans l'optique belge, la poursuite du développement de l'Union européenne issue de Maastricht s'impose pour réaliser trois objectifs:
- assurer la prospérité et le bien-être;
- promouvoir la sécurité interne au sein de l'Union européenne;
- renforcer la position extérieure de l'Union.
Réaliser l'élargissement
L'Union européenne ne peut ignorer les autres pays de notre continent. Une perspective d'adhésion a déjà été présentée à onze pays d'Europe orientale et méridionale. Parallèlement au futur élargissement, les relations privilégiées qui unissent l'Union à d'autres pays voisins, notamment aux pays méditerranéens, seront approfondies.
Le gouvernement estime que le prochain élargissement revêt une importance historique. Il s'agit en effet d'une chance unique de rendre irréversible la prospérité et la sécurité de l'ensemble de notre continent. Pour pouvoir saisir cette chance, l'Union doit préalablement adapter ses modes de fonctionnement. En effet, si les rapports institutionnels actuels sont extrapolés, un certain nombre d'équilibres risquent d'être remis en question.
Les politiques de l'Union ne peuvent pas non plus être extrapolées inconditionnellement en ce qui concerne le fond. Cependant, la CIG ne se prête pas à une discussion sur une adaptation éventuelle de l'acquis communautaire ou sur les chiffres et budgets des fonds structurels, des fonds de cohésion ou de la politique agricole. L'acquis communautaire, la politique structurelle et la politique agricole commune sont le résultat d'une solidarité essentielle et d'équilibres fondamentaux au sein de l'Union. Les nouveaux Etats membres devront s'adapter à l'acquis. Une adaptation inverse de l'acquis aux nouveaux Etats membres remettrait la solidarité et les équilibres susmentionnés en question, et n'est par conséquent pas acceptable. Enfin, la CIG n'est pas davantage le forum qui se prête à une renégociation du système de financement de l'Union. La révision des perspectives financières de l'Union aura lieu en 1998/1999. L'élargissement doit être rendu assimilable, non pas en démantelant certaines politiques existantes, mais bien en insérant des mesures transitoires spéciales dans les traités d'adhésion finaux.
Les grands défis de l'Union dans les années à venir
Outre la CIG, d'autres grands défis sont à l'ordre du jour de l'intégration européenne dans les années à venir: le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, la révision des fonds structurels, de la politique agricole commune, du système de financement et l'adhésion de nouveaux Etats membres, la politique en matière de coopération au développement, ainsi que la politique méditerranéenne. Sans nier l'interaction mutuelle de ces questions, le gouvernement est d'avis qu'une approche séparée de chaque défi constitue le meilleur gage de succès.
Ordre du jour de la CIG
L'Article N (1) constitue la base juridique de la CIG. Selon l'Article B, il convient d'examiner "dans quelle mesure les politiques et formes de coopération instaurées par le présent traité devraient être révisées en vue d'assurer l'efficacité des mécanismes et institutions communautaires".
Plus spécifiquement, le Traité de Maastricht précise que les sujets suivants doivent être traités lors de la CIG de 1996:
- l'insertion sous des titres distincts du Traité de la protection civile, de l'énergie et du tourisme;
- la hiérarchie des normes communautaires;
- l'élargissement de la sphère de fonctionnement de la procédure de codécision;
- la politique extérieure et de sécurité commune et l'avenir de l'Union de l'Europe occidentale à la lumière de l'échéance de 1998 du Traité de Bruxelles.
Dans le cadre des négociations d'élargissement, le Conseil européen de Bruxelles et le compromis d'Ioannina ont soulevé un certain nombre de questions institutionnelles complémentaires à traiter lors de la CIG: la pondération des voix au Conseil, la fixation d'un seuil pour les décisions du Conseil prises à la majorité qualifiée, le nombre de membres de la Commission, et d'autres mesures jugées nécessaires pour faciliter le travail des institutions et garantir leur fonctionnement efficace en prévision de l'élargissement.
Deux accords entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil ont ajouté à l'ordre du jour les questions de discipline budgétaire et de comitologie (le problème de l'exécution des normes communautaires).
La préparation de la CIG
Un groupe de réflexion, composé desreprésentants personnels des ministres des Affaires étrangères et du Président de la Commission, a été installé le 2 juin 1995 à Messine. Deux représentants du Parlement européen prennent également part aux réunions de ce groupe. Ce groupe a eu communication des rapports des institutions de la communauté sur le fonctionnement du Traité sur l'Union européenne qui constitueront une contribution à ses travaux.
Le conseil européen de Cannes a confirmé que, conformément aux conclusions du conseil européen de Corfou, le groupe de réflexion examinera et élaborera des suggestions concernant les dispositions du Traité sur l'Union européenne dont la révision est prévue, ainsi que d'autres améliorations possibles, dans un esprit de démocratie et d'ouverture, sur la base de l'évaluation du fonctionnement du traité contenue dans les rapports. Il élaborera, dans la perspective de l'élargissement futur de l'Union, des options sur les questions institutionnelles figurant dans les conclusions du Conseil européen de Bruxelles et dans l'accord de Ioannina.
En outre, le conseil européen de Cannes considère que la réflexion devrait se concentrer sur quelques priorités afin de permettre à l'Union de répondre aux attentes de ses citoyens:
- analyser les principes, les objectifs et les instruments de l'Union face aux nouveaux défis lancés à l'Europe;
- renforcer la politique étrangère et de sécurité commune de manière à la porter à la hauteur des nouveaux enjeux internationaux;
- mieux répondre aux exigences de notre temps dans le domaine de la sécurité intérieure et, plus généralement, dans les domaines de la justice et des affaires intérieures;
- accroître l'efficacité, le caractère démocratique et la transparence des institutions de manière à leur permettre de s'adapter aux exigences d'une Union élargie;
- raffermir le soutien des opinions publiques à la construction européenne en répondant au besoin d'une démocratie plus proche du citoyen européen, préoccupé par les questions d'emploi et d'environnement;
- mieux assurer la mise en oeuvre du principe de subsidiarité.
Le Conseil européen de Cannes a également précisé que, dans le cadre de la stratégie de préparation à l'adhésion des pays associés à l'Union, il conviendra d'établir les procédures nécessaires pour assurer leur information complète sur l'évolution des travaux de la Conférence intergouvernementale.
Le Conseil européen sera saisi d'un rapport complet du Groupe de réflexion pour sa réunion de Madrid en décembre 1995.
La ratification du résultat de la CIG
L'Union européenne est au service des citoyens européens. Les citoyens européens doivent par conséquent être constamment impliqués lors des discussions portant sur l'avenir de leur Union européenne. C'est également sans problème que les citoyens européens doivent pouvoir prendre connaissance du résultat final des négociations. L'une des imperfections du Traité de Maastricht est précisément le manque de clarté, de simplicité et d'explication. Le traité s'articule autour d'une triple structure avec des règles très divergentes: des articles individuels du traité présentent un caractère hétérogène; des principes et des objectifs clairs alternent avec des procédures confuses; certaines parties ont perdu de leur actualité. La CIG de 1996 doit déboucher sur un traité lisible. Cela contribuera également aux chances de succès du traité dans les Etats membres qui lient leur ratification à un référendum. Comme contribution à la transparence de la construction européenne, et sans que cela ne touche à l'acquis communautaire, l'idée d'une refonte de l'ensemble des traités existants - CECA, Euratom, CEE, Acte unique, UE - en un seul texte coordonné mérite mûre réflexion.
Pour le gouvernement, il serait inacceptable qu'un ou plusieurs Etats membres puissent entraver la progression de l'intégration européenne dans le sens «d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe». Le gouvernement est d'avis qu'une réflexion s'impose sur les alternatives politico-institutionnelles en l'absence de ratification unanime du résultat des négociations de la CIG.
Subsidiarité
Le principe de subsidiarité sert, en cas de compétence partagée, à déterminer, sur la base du critère de l'efficacité, le niveau auquel les décisions doivent être prises : l'Union ou les Etats membres (central ou régional).
La subsidiarité ne doit en aucun cas conduire à l'immobilisation ou à l'érosion systématiques de la réglementation communautaire. En effet, la subsidiarité signifie aussi que la Communauté européenne intervient chaque fois que - et dans la mesure où
- les objectifs d'une action envisagée ne peuvent être suffisamment réalisés par les Etats membres.
Le gouvernement estime que les mécanismes de subsidiarité tels qu'ils existent actuellement fonctionnent correctement. Les organes décisionnels politiques (Commission, Conseil, Parlement) doivent prendre en considération le principe de la subsidiarité avant de prendre des décisions. En ce qui concerne le Conseil, l'examen relatif à la subsidiarité est clôturé par une décision de fond qui confirme, ipso facto, la légitimité du point de vue de la subsidiarité.
En ce qui concerne la Commission, il est à noter que depuis la mise en oeuvre du Traité de Maastricht, elle a systématiquement contrôlé la législation européenne et qu'elle a, le cas échéant, retiré des propositions. Dans ses nouvelles propositions, dont le nombre ne s'élevait, en 1994, qu'au tiers de celui de 1990, elle donne toujours une justification sur la base du principe de la subsidiarité.
Les autorités belges tiennent à souligner qu'il faut considérer le principe de subsidiarité, au fond, comme un principe de bonne administration. Dès lors, une formulation plus positive - reposant sur des critères de nécessité, d'efficacité et de proximité - de la définition actuelle de la subsidiarité serait, en principe, souhaitable. Les Autorités belges partent de l'idée que, compte tenu des dispositions constitutionnelles des Etats membres, le principe de subsidiarité est également d'application dans l'ordre juridique interne. Lors de la CIG, le gouvernement s'efforcera de rallier nos partenaires à cette interprétation.
Toutefois, une éventuelle renégociation de la définition de la subsidiarité n'est possible que si elle ne donne pas lieu à :
- la possibilité de porter préjudice au fonctionnement et à l'évolution ultérieure de la construction européenne ;
- la soumission de la répartition des compétences internes des Etats membres au contrôle de la Cour de Justice.
La relation entre l'Union européenne, la Belgique en tant qu'Etat membre fédéral et les Communautés et Régions
La subsidiarité constitue une répartition des compétences assurant la prise de décision qu'il faut, au niveau approprié, et évitant la rivalité entre les niveaux d'action. Une application correcte de la subsidiarité doit tenir compte de tous les niveaux décisionnels pour le partage des compétences et des responsabilités : l'Union européenne, les Etats nationaux, les Communautés et les Régions. Pour la Belgique, la subsidiarité est dès lors un principe crucial dans la relation entre l'Union européenne, l'Etat fédéral et les Communautés et Régions.
Cette relation trouve une concrétisation importante dans le Comité des régions de l'Union, par le biais duquel les communautés et régions ont directement voix au chapitre en ce qui concerne certaines affaires de l'Union.
Par ailleurs, la Belgique a été le premier Etat membre à réaliser la possibilité offerte aux Etats membres par le Traité de Maastricht, de se faire représenter au Conseil par des ministres qui n'appartiennent pas au gouvernement national. (L'article 146, inséré dans le Traité sur proposition de la Belgique et qui dès lors, pour la Belgique, n'entre pas en ligne de compte pour être renégocié lors de la CIG de 1996, prévoit que chaque Etat membre est représenté au Conseil par un représentant "au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet Etat membre"). En Belgique, cette disposition a été concrétisée par l'Accord de coopération relatif à la représentation dans l'Union européenne, conclu entre l'Etat fédéral et les communautés et régions. Cet accord qui prévoit une coordination mutuelle permanente des points de vue et qui permet à l'Etat membre belge d'être représenté dans l'Union par les Communautés et les Régions, pourrait servir de source d'inspiration pour la discussion sur les relations entre l'Union et les Etats membres.
Pour les domaines où les communautés et les Régions ont une compétence exclusive en vertu de la Constitution belge, leurs gouvernements participeront, sous la direction coordinatrice du Ministre des Affaires étrangères, aux négociations de la CIG. Tous les parlements en Belgique devront être associés sur un pied d'égalité au déroulement des négociations.
Délimitation des compétences
Les autorités belges souscrivent à l'idée que si l'Union européenne doit fonctionner de manière plus efficace, plus transparente et plus démocratique, il est évidemment nécessaire que les citoyens sachent de quelles autorités relèvent les différents domaines d'action et d'administration. Dès lors, une délimitation des compétences s'impose. Toutefois, l'établissement d'un "catalogue des compétences" fixe et rigide, instauré une fois pour toutes, serait difficilement conciliable avec le caractère dynamique et évolutif du processus d'intégration européenne. En outre, une liste spécifique de compétences n'ajouterait aucun élément substantiel nouveau aux objectifs et aux compétences de l'Union tels qu'ils ressortent des articles des traités et de la jurisprudence de la Cour de Justice.
Cependant, même en l'absence de pareille liste, il faut pouvoir veiller à ce que l'Union demeure à l'intérieur des objectifs et des attributions qui lui ont été assignés. Il est nécessaire que tout dépassement puisse être corrigé. Le gouvernement estime qu'une éventuelle correction doit être faite a posteriori, par le biais des voies de recours existantes de l'ordre juridique communautaire, c'est-à-dire l'appel à la cour de Justice. En outre, les Communautés et les Régions peuvent obtenir, par le biais de l'Accord de coopération, que la Cour de Justice soit saisie d'une affaire ayant trait à un dépassement de compétence européenne.
Afin de confirmer le caractère dynamique et évolutif du processus d'intégration européenne, le gouvernement estime aussi que l'article 235 du Traité - c'est-à-dire l'article relatif aux compétences dites implicites - doit être maintenu. (Cet article offre la possibilité d'approuver à l'unanimité des mesures visant à réaliser des objectifs de la Communauté sans que les moyens d'action nécessaires à cet effet ne soient prévus par le Traité).
Le gouvernement reconnaît la crainte présente dans certains milieux de voir l'application de l'article 235 entraîner une extension insidieuse et centralisante des compétences des institutions européennes. Cette crainte a son origine dans les années '70 où, conformément aux instructions des Chefs d'Etat et de gouvernement européens, furent jetées les bases de nouvelles politiques communes telles que la libre circulation des personnes, la politique environnementale, la recherche scientifique, le mécanisme des cours de change européens. Dans chacun des cas, l'article 235 a servi de vecteur. Entretemps, le recours à cet article a fortement diminué au fur et à mesure que les politiques et les traités ont été développés. L'article 235 a été maintenu dans le Traité de Maastricht en tant qu'élément de flexibilité dans la construction européenne.
L'impossibilité, a fortiori dans une Union élargie, de prévoir dans un traité, pour une durée indéterminée, toutes les évolutions sociales, plaide, en ce moment aussi, pour le maintien de l'article 235. La succession de modifications des traités, ainsi que le fait qu'il est souhaitable d'associer les citoyens plus étroitement au processus décisionnel européen, plaident en faveur d'une confirmation de l'usage modéré de cet article et de l'association du Parlement européen à son application.
Une préoccupation particulière du gouvernement concerne l'usage impropre de l'article 235, c'est-à-dire le recours à celui-ci pour prendre ainsi des décisions à l'unanimité dans des matières pour lesquelles le traité a déjà prévu la majorité qualifiée. Il faut s'opposer à cette façon d'agir.
Pas de perte de compétences pour l'Union
L'élargissement du champ d'action de l'Union européenne ne constitue pas l'enjeu de la CIG. Toutefois, une révision du traité ne peut pas entraîner la suppression de domaines d'action, ni même la suppression de domaines virtuels tels que la protection civile, l'énergie et le tourisme. La suppression de domaines d'action donnerait un signal politique indésirable; en effet, ce serait la première fois que des domaines d'action seraient supprimés sans même que l'on tente de les réaliser.
A la lumière de ce qui précède, le gouvernement donnera suite au souhait exprimé par les communautés et les régions que la Belgique soumette à la Conférence intergouvernementale des propositions de texte spécifiques amendant les articles conventionnels existants relatifs à l'enseignement, à la formation professionnelle, à la jeunesse, à la culture et à l'audio-visuel, à la santé publique, à la politique environnementale ainsi qu'à la politique en matière de transport. De plus, d'aucuns ont exprimé le souhait de voir élaborer également des projets d'articles conventionnels spécifiques concernant le tourisme et le sport.
Il est fondamental de rappeler l'importance de la reconnaissance du pluralisme et de la dimension et de la diversité culturelles et linguistiques dans tous les secteurs d'activité de l'Union.
La Belgique et l'Europe sont au coeur d'une révolution économique caractérisée par un processus de mondialisation, de libéralisation, d'avènement de la société de l'information et de dynamique exceptionnelle en Asie. Dans cette révolution économique, l'Union européenne constitue un rouage essentiel dans le maintien d'une Europe prospère au sein de laquelle liberté et solidarité active coexistent et se complètent.
Les prévisions en matière de prospérité économique au sein de l'Union européenne reposent en grande partie sur la réalisation du marché unique et de l'Union économique et monétaire (UEM):
- l'achèvement du marché unique, tel que précisé dans l'Acte Unique européen de 1986, garantit une dynamique économique à grande échelle;
- la réalisation de l'UEM implique la création d'une zone macro-économique et de stabilité monétaire qui doit former la base d'une croissance économique durable.
Conformément aux lignes de force du gouvernement, le marché intérieur doit être élaboré et complété par la réalisation d'un socle au niveau fiscal, environnemental et social (intégration du Protocole social dans le Traité sur l'Union, confirmation institutionnelle des résultats du dialogue social, harmonisation des dispositions sociales vers le haut, insertion de critères de convergence sociale, insertion des clauses sociale et environnementale dans la politique commerciale commune, définition et concrétisation du service universel, lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale). Le renforcement de l'Union dans les domaines social, fiscal et environnemental prend toute son importance en matière de financement alternatif de la sécurité sociale et pourra également contribuer à l'allègement des coûts de production.
Il est également important pour le gouvernement que la capacité de prise de décision de l'Union soit renforcée afin de contribuer plus efficacement à la reprise de la croissance économique, au renforcement de la compétitivité et à la promotion de l'emploi. Dans ce cadre pourraient se situer des mesures en vue du développement de réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunication, de la promotion de la redistribution du travail, du soutien à l'économie sociale.
Les objectifs formulés dans le Livre blanc restent entièrement valables. Le gouvernement souhaite dès lors que, vu le rôle particulier et le potentiel d'emploi des petites et moyennes entreprises dans l'économie, une attention particulière soit prêtée à leur développement dans le marché européen unifié ainsi qu'à la création de conditions optimales pour leur préservation et leur expansion.
Il convient également que l'Union européenne reconnaisse au niveau du Traité la notion et les possibilités d'action du service public.
L'Union économique et monétaire
Les accords sur l'UEM doivent être exécutés intégralement. La réalisation de l'UEM rendra le processus d'intégration européenne irréversible. L'unification monétaire sur la base d'une convergence macro-économique poussée apportera une force de cohésion avec laquelle l'Union pourra faire face à tous les défis intérieurs et extérieurs.
Après l'entrée en vigueur de la dernière phase de l'UEM, il s'imposera également, de maintenir une convergence macro-économique entre les membres de l'UEM. La discipline que l'UEM impose à la politique économique des Etats membres est en effet une tâche permanente. A cette fin, des procédures et des moyens adéquats devront être prévus.
L'exécution intégrale des accords sur l'UEM n'exclut pas d'attacher une grande attention aux tensions économiques et monétaires qui peuvent apparaître entre les Etats membres de l'Union européenne qui se trouvent dans l'UEM et les Etats membres qui n'en feront - temporairement - pas partie. Résister à de telles tensions, en attendant l'adhésion de tous les Etats membres de l'Union européenne à l'UEM, constitue également un défi de l'intégration européenne. Un bon fonctionnement du marché intérieur implique la lutte contre les fluctuations erratiques des taux de change et la prévention des dévaluations compétitives. Il convient dès lors de rechercher des moyens visant à contenir les disparités qui faussent la concurrence entre la monnaie unique et d'autres monnaies nationales au sein de l'UE. La "cohabitation" monétaire temporaire de la monnaie unique avec d'autres monnaies nationales ne peut porter préjudice au marché intérieur. De plus, la politique doit constamment viser à ce que tous les Etats membres de l'Union européenne remplissent finalement les conditions d'adhésion à l'UEM.
Autres politiques
Pour le gouvernement, la réalisation du marché unique et celle de l'UEM constituent des conditions indispensables, mais insuffisantes, pour assurer la prospérité et le bien-être. Prospérité et bien-être requièrent en effet davantage qu'une libéralisation dans le cadre du marché unique et qu'une convergence macro-économique selon les critères de l'UEM. Une construction européenne viable au service des citoyens européens doit pouvoir s'appuyer sur un socle commun au niveau social, environnemental et fiscal. Suite à la globalisation de l'économie, l'efficacité de mesures politiques purement nationales au niveau social, écologique et fiscal est en effet très réduite.
La recherche par le gouvernement d'un socle européen minimum en matière sociale, fiscale et environnementale entraîne deux conséquences pour le débat institutionnel de la CIG.
La première conséquence concerne la revendication d'élargir le processus décisionnel du Conseil à la majorité qualifiée, en particulier au niveau social, écologique et fiscal. Tout comme Paul-Henri Spaak l'écrivait déjà en 1951, "des formules d'unanimité sont des formules d'impuissance". Etant donné que le gouvernement veut surmonter cette impuissance et veille à une Europe active au niveau social, environnemental et fiscal, la revendication d'un processus décisionnel au conseil à la majorité qualifiée en est la conséquence logique.
La deuxième conséquence concerne la structure de l'Union. L'Union repose sur un équilibre entre les droits et les obligations des Etats membres. Le renforcement de cet équilibre revêt une importance fondamentale pour la viabilité de l'Union. Tous les Etats membres qui profitent des avantages du marché unique doivent par conséquent appliquer intégralement les règles sociales, écologiques et fiscales européennes. Sinon apparaît le danger d'une concurrence à la baisse au niveau social, écologique et fiscal qui met le marché unique en péril. Etant donné que le gouvernement tient à renforcer l'équilibre entre les droits et obligations au sein de l'Union, il rejette l'idée d'une Europe à la carte. Dans une Europe à la carte, les Etats membres choisissent les matières politiques dans lesquelles ils ont intérêt à collaborer sans prendre en considération la viabilité de l'Union dans son ensemble.
La coopération en matière de police et de justice répond à une évidente nécessité et touche à des problèmes de société (tels que la criminalité transfrontalière) qui, pour être réglés plus efficacement, appellent une approche européenne. La valeur ajoutée que l'Union européenne peut offrir au citoyen en matière de droit et de sécurité est grande, mais n'a pas été suffisamment concrétisée jusqu'à présent.
Le Traité de Maastricht a tenté d'apporter une réponse à la demande croissante d'intervention efficace en matière de sécurité intérieure. Les conceptions traditionnelles qui considèrent la sécurité intérieure et la protection du citoyen comme des domaines réservés au pouvoir des Etats nationaux ont engendré une organisation principalement intergouvernementale de la coopération. A l'exception d'une partie de la politique de visas, toutes les matières relevaient de la méthode intergouvernementale: politique d'asile et d'immigration, franchissement des frontières extérieures, lutte contre la drogue, lutte contre la fraude internationale, coopération judiciaire en matière civile, coopération judiciaire en matière pénale, coopération douanière, coopération policière. Le Traité de Maastricht prévoit une possibilité de rendre les procédures communautaires applicables à certaines matières non communautaires, à condition que le Conseil en décide à l'unanimité. Il n'a cependant pas été fait usage de cette possibilité. La méthode intergouvernementale a également montré ses limites.
Toutes les possibilités d'application de la méthode communautaire doivent être exploitées. Le gouvernement plaide, en particulier, pour le transfert vers le premier pilier, la partie du traité portant sur la Communauté européenne, des matières liées aux compétences communautaires, à savoir la politique d'asile et de visas (liée à la libre circulation des personnes), la coopération douanière et la lutte contre la drogue (liée à la libre circulation des marchandises).
Des méthodes plus efficaces, s'inspirant autant que possible des méthodes communautaires du premier pilier, doivent être appliquées aux matières qui continueraient à relever du troisième pilier de la coopération intergouvernementale en matière de justice et d'affaires intérieures. Cela signifie: extension du droit d'initiative partagé de la Commission (y compris son extension aux domaines qui ne lui ont pas été attribués, à savoir la coopération judiciaire en matières civiles, la coopération douanière et la coopération policière), extension du vote majoritaire, intensification du rôle du Parlement européen (certainement lorsque le Conseil prend des décisions de nature législative et/ou approuve des décisions à la majorité des voix), une compétence obligatoire de la Cour de Justice (le Traité de Maastricht lui reconnaît déjà une compétence facultative).
Le gouvernement est disposé à accepter des périodes transitoires, ainsi qu'une distinction entre le volet normatif et le volet opérationnel. Dans le domaine policier, les résistances de certains Etats membres contre l'introduction de la méthode communautaire seront en effet considérables.
Le gouvernement estime que la CIG devra examiner également des mesures visant à une meilleure reconnaissance et une meilleure exécution dans les Etats membres des décisions judiciaires prises dans un autre Etat membre, ainsi que des mesures pour faciliter, pour le citoyen européen, l'accès transfrontalier à la justice.
Le gouvernement plaidera pour la reprise de l'Accord de Schengen par l'Union européenne avec, entre autres, la reprise de l'infrastructure et de l'acquis de l'Accord de Schengen par les institutions européennes et une intégration maximale des dispositions de cet accord dans l'ordre juridique communautaire. L'augmentation du nombre de membres qui accompagnera ce processus ne peut pas entraîner une perte d'efficacité. Il convient en tout cas d'éviter une institution parallèle aux côtés de l'Union.
Parler d'une seule voix, par le biais de l'Union, est la seule manière dont les Etats membres de l'Union peuvent influencer les matières économiques et politiques internationales qui déterminent dans une large mesure l'avenir de l'Europe. Plus que par le passé, l'unification européenne doit permettre à l'Union européenne d'assumer ses responsabilités au service de la population européenne et de la communauté mondiale.
La politique économique extérieure de la Communauté
En matière de relations commerciales extérieures, l'Union a réussi à faire valoir son influence grâce au recours à la méthode communautaire (article 113 du Traité) qui a permis l'union efficace de nos moyens et de nos efforts. Le gouvernement attache par conséquent une importance particulière à ce que la politique économique extérieure de l'Union se poursuive dans la tradition communautaire et serve également d'exemple pour d'autres domaines de politique extérieure.
Pendant l'Uruguay Round, la Commission est intervenue comme seul négociateur de la Communauté, aussi bien en matière de commerce traditionnel de marchandises qu'en matière de sujets nouveaux, comme par exemple le commerce des services et la protection de la propriété intellectuelle. Efficacité et cohésion dans les négociations ont été le fruit de la méthode de travail communautaire.
Le gouvernement désire renforcer et élargir la compétence extérieure de la Commission au domaine des services. Le gouvernement s'opposera aux tentatives visant à briser l'unité de la représentation extérieure telle qu'elle est assurée par le biais de la Commission. Cela signifierait un réel recul dans le processus d'intégration, compliquerait la prise de position de la Communauté dans des développements économiques internationaux cruciaux et, entraverait la défense efficace des intérêts individuels des Etats membres. L'expérience montre que, dans des négociations internationales, aucun des Etats membres ne peut égaler l'impact d'une Communauté parlant d'une seule voix.
Cohésion entre les piliers de l'Union
Un autre aspect de la cohésion de la représentation extérieure de l'Union concerne sa structure en piliers. Le Traité de Maastricht a chargé le Conseil et la Commission d'assurer la coordination de l'ensemble des activités extérieures de l'Union européenne. Cette tâche expresse s'est avérée nécessaire parce que la politique extérieure et de sécurité commune figure dans un chapitre distinct du Traité avec des règles de fonctionnement inspirées de la tendance intergouvernementale. D'autres aspects de l'action étrangère, tels que la politique de développement, la politique commerciale ou la prise de sanctions économiques, ont été maintenus dans leur cadre communautaire initial.
Un objectif du gouvernement belge consiste à rapprocher les piliers pour finalement les fusionner.
La politique extérieure et de sécurité commune (PESC)
Dans le Traité de Maastricht, la PESC est conçue globalement. Les objectifs de la politique commune ont été précisés: la protection des valeurs communes, les intérêts fondamentaux et l'indépendance de l'Union; le renforcement de la sécurité de l'Union et de ses Etats membres; le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale; la promotion de la coopération internationale; le développement et le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Des prises de position et des actions communes ont été développées comme nouveaux instruments, juridiquement contraignants, mais dont le processus de décision se fait à l'unanimité. Une exception à l'unanimité a été rendue possible: le Conseil peut, lors de l'adoption d'une action commune, et donc à l'unanimité, déterminer les matières pour lesquelles les décisions sont prises à la majorité qualifiée. Jusqu'à présent, il n'a été fait virtuellement usage de cette possibilité qu'à une seule reprise: l'action commune de l'Union en matière de mines anti-personnel précise, sur proposition de la Belgique, que des décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée pour des actions spécifiques de l'Union.
Le fonctionnement de la PESC répond insuffisamment, aussi bien à son intention initiale qu'aux besoins de l'après-Guerre froide de l'Union européenne. Dans chacune des trois phases - préparation, processus décisionnel, exécution- le fonctionnement actuel de la politique extérieure et de sécurité commune présente en effet des manquements. Des propositions d'adaptation du Traité pourront être faites lors de la CIG de 1996 afin d'éliminer ces manquements.
Préparation et impulsion
Le Traité de Maastricht a reconnu à la Commission un droit de co-initiative dans le deuxième pilier intergouvernemental de l'Union européenne, la PESC. Le droit d'initiative exclusif dont la Commission dispose dans le premier pilier communautaire ne lui a pas été accordé dans le deuxième pilier. Les conceptions traditionnelles de souveraineté de certains Etats membres ne l'ont pas permis.
Le gouvernement constate avec satisfaction que, depuis l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, la Commission recourt plus activement à son droit d'initiative, notamment en présentant des notes stratégiques dans lesquelles la Commission met en relief la valeur ajoutée des synergies entre le premier et le deuxième pilier, et respecte de la sorte son obligation de veiller à la cohésion entre les piliers.
Le gouvernement espère que la Commission continuera à exploiter pleinement son droit d'initiative et le développera de telle sorte qu'elle se mue en un véritable organe d'impulsion. A cette fin, la Commission ne doit pas uniquement utiliser les moyens et les compétences dont elle dispose de manière adéquate, mais elle doit également pouvoir compter sur la collaboration et l'assistance des Etats membres.
Le gouvernement ne s'attend pas à ce qu'au cours de la CIG de 1996, les conceptions des Etats membres soient mûres et que le temps soit venu pour attribuer à la Commission un droit d'initiative exclusif en matière de PESC. Néanmoins, le gouvernement s'efforcera lors de la CIG de renforcer le droit d'initiative de la Commission, notamment par la reprise dans le traité d'une disposition prévoyant que les propositions de la Commission en matière de PESC soient approuvées à la majorité qualifiée au Conseil.
Processus décisionnel
Bien que la majorité qualifiée soit inscrite au Traité de Maastricht comme un mode de décision limité (dans le cadre de l'action commune), le consensus est la règle qui, dans la pratique, n'a quasiment pas connu d'exceptions. Cette règle du consensus a renforcé la tendance à travailler hors de la PESC (comme dans le Groupe de Contact pour l'ex-Yougoslavie). Un nombre accru de membres de l'UE fera encore intensifier cette tendance.
Pour rendre la PESC plus efficace, les décisions doivent pouvoir être prises à la majorité qualifiée des voix. Afin de tenir compte de certaines sensibilités ou exigences basées sur des intérêts nationaux essentiels (qui, en matière de politique étrangère, n'en sont souvent pas éloignés), des solutions sont envisageables, telles que:
- la désignation de certains domaines de politique extérieure et de sécurité commune comme domaines où les décisions sont prises à la majorité qualifiée;
- la modulation du processus décisionnel en fonction de l'initiateur: consensus ou unanimité pour l'approbation de propositions émanant des Etats membres, majorité qualifiée pour l'approbation de propositions de la Commission;
- différentes qualifications de majorités (simple, qualifiée, superqualifiée) en fonction de la nature ou du domaine de la décision.
Lors de l'introduction de la décision majoritaire, il va de soi que, pour le gouvernement, aucun Etat membre ne peut être contraint, contre son gré, de participer activement à une action qui recourt à des moyens militaires. Le gouvernement part cependant du principe que tous les Etats membres sont politiquement et financièrement liés par une décision commune.
Mise en oeuvre
La responsabilité principale de l'exécution de la PESC repose auprès de la présidence. Suite à la rotation semestrielle et en l'absence d'un organe exécutif commun, les manquements dans l'exécution de la PESC sont évidents. La formule de la troïka (dans laquelle la présidence est assistée par le dernier Etat membre qui a assuré la présidence et par le prochain Etat membre qui assurera la présidence) aide, mais ne résout pas tout. Un volontarisme purement intergouvernemental pose d'indéniables limites à l'efficacité de la PESC.
Afin de faire réellement progresser la PESC en matière d'efficacité et d'intégration européenne - et de veiller ainsi à ce que la PESC réponde mieux aux grands espoirs placés en elle - le gouvernement est d'avis que la CIG doit essayer de renforcer les instruments de la PESC. A cet effet, le gouvernement pense surtout au renforcement de l'action commune, qui a été introduite par le Traité de Maastricht comme l'instrument par excellence de la PESC.
L'action commune implique la mise en commun et la gestion commune des moyens dont dispose l'Union européenne pour effectuer des actions concrètes (contrairement à la position commune où l'exécution éventuelle se fait par des mesures qui relèvent de la compétence des Etats membres et de la Commission). L'engagement de l'action commune - les Etats membres ne s'engagent pas uniquement à la poursuite d'un objectif commun, mais également à la mise en oeuvre commune de leurs moyens - ne rencontre pas, dans le fonctionnement actuel du dispositif, la force d'exécution qui doit logiquement y répondre. Le gouvernement estime que la Commission est l'instance de l'Union par excellence pour assurer la mise en oeuvre commune des moyens dans le cadre d'une action commune. Ce choix est d'autant plus impératif que seule la Commission est capable d'assurer l'indispensable continuité de l'action et la cohésion avec d'autres actions de l'union (relevant du domaine communautaire). Le Gouvernement ne vise d'aucune manière une compétence d'exécution exclusive pour la Commission en matière de PESC ou la constitution d'un appareil administratif à grande échelle qui devrait assurer une telle compétence. Le réseau diplomatique, l'expertise, les hommes et les moyens dont chacun des Etats membres dispose doivent être pleinement exploités dans la gestion commune des moyens. Au besoin, des arrangements peuvent être pris entre la Commission et les Etats membres pour l'échange de personnel et d'informations. Dans cette union des moyens, la Commission joue le rôle de catalyseur ou de coordinateur. Tandis que le Conseil européen ou le Conseil des ministres reste le maître d'oeuvre de l'action commune, la Commission en devient l'entrepreneur et les Etats membres les soustraitants.
Une deuxième amélioration que le gouvernement désire réaliser en matière de PESC au cours de la CIG est une application plus large du financement communautaire de la PESC.
Enfin, un problème spécifique de la PESC est l'absence de personnalité juridique de l'Union européenne (contrairement à la Communauté européenne). Une personnalité juridique de l'Union européenne est indispensable pour une action commune efficace. (Cela s'est clairement avéré lors de la mise en oeuvre de l'action commune concernant l'administration de l'UE dans la ville bosniaque de Mostar. Les accords nécessaires entre l'Union et les parties concernées ont dû être approuvés dans chaque Etat membre de l'Union, conformément à leur propre législation). Plutôt que de mettre au point une responsabilité juridique séparée entre la Communauté européenne et l'Union européenne, une solution peut être recherchée dans une formule qui attribue à l'Union une compétence spécifique de conclusion de traités, par exemple sous la forme d'une disposition de traité qui donne à l'Union européenne la compétence de conclure des accords avec des tierces parties dans le cadre d'actions communes.
La PESC recouvre toutes les questions qui ont trait à la sécurité de l'Union européenne, y compris la disposition à terme d'une politique de défense commune qui, avec le temps, pourrait mener à une défense commune, selon le Traité de Maastricht qui reconnaît également l'Union de l'Europe occidentale (UEO) comme partie intégrante du développement de l'Union européenne. De plus, le traité précise que l'Union prie l'UEO d'élaborer et d'exécuter les décisions de l'Union ayant des implications de défense. Entretemps, cela s'est passé dans un seul cas, à savoir lors de la création d'une force de police mixte à Mostar (Bosnie).
De son côté, l'UEO a précisé ses propres tâches opérationnelles en juin 1992 dans la déclaration dite de Petersberg: opérations humanitaires et de sauvetage, tâches de maintien de la paix et de gestion des crises. Des liens pratiques de coopération ont été établis entre les Secrétariats de l'Union et de l'UEO. L'UEO a également développé des relations avec des pays qui sont effectivement membres de l'Union européenne ou de l'OTAN, mais qui ne sont pas membres de l'UEO. La Grèce est devenue membre à part entière de l'UEO; l'Islande, la Norvège et la Turquie, membres de l'OTAN, sont devenues membres associés de l'UEO; le Danemark et l'Irlande, membres de l'UE, ont le statut de membre observateur. Les pays d'Europe centrale et orientale ainsi que les pays baltes sont devenus partenaires associés de l'UEO.
Pour sa part, l'UEO préparera une contribution à la CIG en se basant sur la Déclaration de l'UEO annexée au Traité de Maastricht, dans laquelle les Etats membres de l'UEO confirment l'objectif de faire de l'UEO la composante de défense de l'Union européenne, annoncent une série de mesures visant à établir une étroite collaboration entre l'UEO et l'Union européenne et reconnaissent également l'UEO comme instrument de consolidation du pilier européen de l'OTAN.
La CIG devra examiner la poursuite du rapprochement entre l'UEO et l'Union européenne , aussi bien au niveau institutionnel qu'au niveau politique. Plusieurs options sont envisageables. Selon une première approche (qui ne va pas plus loin que la mise en oeuvre complète du Traité de Maastricht), le rapprochement resterait limité à une meilleure harmonisation des activités et des organes des deux organisations. L'UEO continuerait à exister en tant qu'organisation distincte. Selon une deuxième approche (inspirée du modèle de réalisation de l'UEM), l'ensemble de l'UEO serait incorporé dans le traité de l'Union, soit dans l'actuel chapitre sur la politique extérieure et de sécurité commune, soit dans une nouvelle partie distincte. Il pourrait en résulter la disparition du Traité UEO et de l'acquis UEO et l'intégration de garanties automatiques et indirectes de sécurité.
Selon une troisième approche, qui recueille la préférence du gouvernement belge, l'UEO doit être rapprochée le plus possible de l'Union en vue d'une intégration finale. Le caractère complexe de l'intégration de la défense européenne et la prise de conscience que, pour de nombreux Etats membres, la défense appartient au noyau dur de la souveraineté nationale, renforcent le gouvernement dans sa conviction qu'une intégration progressive de l'UEO dans l'UE constitue la meilleure option. C'est dans cette direction que doit oeuvrer la CIG. Le gouvernement rappelle que le Traité UEO peut être dénoncé en 1998, si bien qu'une possibilité de révision du traité se présentera à ce moment. La faisabilité d'importantes propositions dépendra notamment des résultats de la CIG.
Dans l'élan de la CIG et pendant cette dernière, le gouvernement tentera de franchir quelques étapes qualitatives concernant, en premier lieu, le rôle aussi bien opérationnel qu'institutionnel de l'UEO:
- la poursuite du développement des capacités opérationnelles de l'UEO, notamment dans le cadre des tâches dites de Petersberg (actions humanitaires, maintien de la paix, gestion des crises). Dans ce cadre et à côté d'initiatives autonomes de l'UEO, le gouvernement désire souligner l'importance de la réalisation du concept OTAN de forces séparables, mais non séparées ("separable, but not separate forces") sous la forme de Combined Joint Task Forces (CJTF). Cela donnera un nouvel élan à l'UEO, sans conduire à une duplication matérielle avec l'OTAN;
- le rapprochement administratif de l'UEO et de l'UE, aussi bien par la coopération et l'échange d'informations entre les secrétariats, l'harmonisation des méthodes de travail et l'harmonisation des présidences respectives;
- le rapprochement entre Etats membres et pays observateurs de l'UEO (c.-à-d. des Etats membres de l'UE qui ne sont pas membres de l'UEO) en les mettant sur un pied d'égalité tant pratique qu'organisationnelle sans cependant rendre applicables les garanties de sécurité de défense collective de l'UEO aux Etats non membres de l'OTAN (pas de "back-door guarantees");
- placer l'action de l'UEO sous le couvert de la PESC, en particulier les dispositions en matière d'action commune (qui , dans le Traité de Maastricht, ont été expressément déclarées non applicables aux questions ayant des répercussions en matière de défense) et de financement communautaire. L'UE doit être habilitée à confier des missions à l'UEO, en particulier en exécution des tâches de Petersberg. La décision de l'UE doit être prise à la majorité, à condition que cette majorité comprenne tous les membres de l'UEO. Une fois la décision de l'UE prise, l'UE doit en supporter le coût financier. Cependant, aucun Etat membre ne peut être contraint de livrer des troupes contre son gré.
- Une étape quantitative complémentaire dans l'intégration de la défense européenne peut être franchie en proposant d'inscrire, après l'élargissement, dans un nouveau Traité de l'UE, un principe de solidarité explicite (sans cependant donner de garanties automatiques de sécurité), ainsi qu'une obligation de consultation en cas de menace et un arbitrage en cas de conflit entre Etats membres.
Un rapprochement accru entre l'UEO et l'Union européenne devra amener les membres associés de l'UEO (Turquie, Islande, Norvège) à remplacer progressivement leurs anciens liens avec l'UEO par de nouveaux liens avec l'Union européenne, à savoir par la politique extérieure et de sécurité commune.
Dans la perspective d'une politique européenne commune en matière de défense des Etats membres, lors de la CIG, le gouvernement soutiendra toutes les propositions dans ce sens.
Sur le plan institutionnel, l'approfondissement pourra sans doute être poursuivi en 1996. Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer et d'élargir le rôle et les compétences de l'Union sur la totalité du champ d'application du Traité de l'Union. Il s'agit là tant du rôle de la Commission, du Parlement européen et de la Cour de Justice que de celui du Conseil où la prise de décision à la majorité qualifiée est la règle. Ce n'est que par la généralisation de la méthode communautaire dans l'ensemble de l'Union que le cadre institutionnel unique dont l'Union dispose en vertu du Traité de Maastricht pour assurer la cohésion et la continuité de l'action de l'Union ne deviendra réellement efficace.
Le processus décisionnel même devra aussi être rendu plus efficace, plus transparent et plus démocratique. Les améliorations les plus importantes auxquelles vise le gouvernement sont l'extension du vote majoritaire qui devrait s'appliquer également aux domaines politiques connexes au marché intérieur (les politiques sociale, environnementale et fiscale), l'extension du droit de codécision du Parlement européen, ainsi que la simplification des nombreuses procédures.
Le Parlement européen
Le Traité de Maastricht a renforcé le rôle du parlement à plusieurs égards: rôle dans la procédure de nomination de la Commission européenne; extension de ses compétences de contrôle; rôle limité dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité ainsi que dans celui de la justice et des affaires intérieures; droit d'inviter la Commission à présenter des propositions; droit de co-décision avec le Conseil ou droit d'émettre un avis conforme; droit consultatif général lors de la conclusion d'accords internationaux.
Les divers points de vue en matière de renforcement de la légitimité démocratique s'opposeront de nouveau lors de la CIG. Selon un premier point de vue, partagé par le gouvernement, l'exigence d'une plus grande légitimité démocratique doit se traduire par un accroissement du rôle du parlement européen. Le Gouvernement ne s'associe pas au point de vue de certains partenaires selon lesquels la légitimité se trouve dans les parlements nationaux ainsi que dans le Conseil des ministres ou au Conseil européen. Leur réponse au déficit démocratique, à savoir un recentrage sur les Etats, mènera au démantèlement de l'ordre juridique communautaire.
Le fonctionnement actuel du Parlement européen doit être amélioré. Les mesures soutenues à cet égard par le gouvernement sont: une simplification des procédures parlementaires actuellement par trop nombreuses (limitation au droit de co-décision, à l'avis conforme et à la consultation), la généralisation du droit de codécision du parlement par l'extension de son champ d'application à l'ensemble des cas de décision à la majorité qualifiée ainsi que la suppression de l'exigence de l'unanimité dans les domaines où existe la codécision.
La procédure de l'avis conforme permet au parlement d'approuver ou de rejeter un texte qui lui a été soumis, sans qu'il ait la possibilité de le modifier. A l'origine, cette procédure avait pour objet les accords internationaux, mais le nouveau traité l'a étendue aux matières législatives (par exemple, la politique structurelle). A première vue, cette procédure paraît moins adaptée à ces matières. Son élargissement doit être évité. Un cas particulier est constitué par l'approbation des révisions du traité pour laquelle le parlement n'a pas voix au chapitre. On invoque parfois l'argument erroné selon lequel l'attribution d'un avis conforme au parlement signifierait une ratification supplémentaire.
Aux termes de l'article 138 B du Traité de Maastricht, le parlement peut, tout comme c'est le cas du Conseil, demander à la Commission de soumettre des propositions de décision communautaire. Le parlement souhaite continuer sur cette voie, mais ne demande pas de droit d'initiative à part entière.
Les Etats membres se trouvent confrontés depuis longtemps à la demande du parlement d'élargir ses compétences budgétaires et, notamment, de supprimer la distinction entre les dépenses dites obligatoires et non obligatoires. En ce qui concerne la première catégorie, c'est le Conseil des ministres qui a le dernier mot; pour la deuxième catégorie, c'est le Parlement européen qui tranche. Il convient de renforcer la légitimité démocratique de l'Union en renforçant la compétence législative du parlement, tout en se donnant des garanties quant à la maîtrise de l'évolution du budget et à une affectation des ressources budgétaires indépendante de tout esprit national. La Commission est l'institution la mieux placée pour assurer une utilisation responsable et équitable du budget communautaire. Le gouvernement estime qu'il convient d'examiner soigneusement s'il ne faut pas appliquer le principe de la codécision généralisée à la procédure budgétaire, en remplacement de la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires.
Le rôle du Parlement européen dans la définition des cadres de régulation de l'activité économique, doit être examiné.
Rôle des parlements dans les Etats membres
Depuis le débat sur la ratification de Maastricht, on souligne davantage que dans le passé que le processus décisionnel de l'Union européenne doit être soumis à un contrôle parlementaire plus efficace et renforcé, tout en suggérant bien souvent d'associer les parlements dans les Etats membres plus étroitement à ce processus. Selon un des arguments invoqués à l'appui, les parlements dans les Etats membres perdraient de leur influence et de leur contrôle sur les pouvoirs exécutifs via l'Union européenne. En effet, en traitant (ou en faisant traiter) certains problèmes au sein des institutions européennes, les gouvernements pourraient se soustraire au contrôle parlementaire interne.
Si le Traité sur l'Union européenne modifié ou les Protocoles et Déclarations y ajoutés font référence au rôle des parlements dans les Etats membres, cette référence s'appliquera, vu la répartition des compétences prévue par la Constitution belge, tant au parlement fédéral qu'aux parlements des communautés et des régions.
Il va sans dire que, dans la discussion sur un renforcement du rôle des parlements dans les Etats membres, le gouvernement souhaite entendre l'opinion du parlement. Cependant, le gouvernement croit pouvoir constater déjà ce qui suit:
- les parlements dans les Etats membres exercent déjà une influence sur le processus décisionnel et les travaux de l'Union, notamment par leur contrôle sur les membres nationaux respectifs (ministres) du Conseil, ainsi que par l'information et par la consultation - en Belgique, par les réunions communes, organisées régulièrement entre parlementaires européens et nationaux dans le Comité d'avis pour les affaires européennes de la Chambre des représentants. Cette formule assure une interaction dynamique qui sauvegarde l'ordre juridique communautaire et qui répond à une aspiration démocratique légitime aux différents niveaux. Le gouvernement est convaincu que l'application de cette formule belge est hautement recommandable dans les autres Etats membres;
- ce ne sont pas seulement les parlements dans les Etats membres qui perdent une partie de leur contrôle, mais tel est également le cas des gouvernements dans les Etats membres. L'abandon de souveraineté concerne tant les parlements que les gouvernements et n'entraîne pas, ipso facto, un déficit démocratique ni un mauvais contrôle;
- une association plus forte des parlements dans les Etats membres à l'actualité européenne est, dans une mesure non négligeable, une question d'organisation interne de chacun des Etats membres plutôt qu'une question de création de structures supplémentaires au niveau européen.
En tout cas, le gouvernement veillera à ce que le contrôle démocratique par le Parlement européen soit renforcé, ce qui constitue la meilleure façon de combler le déficit démocratique.
La Commission
La Belgique est un défenseur convaincu du rôle central de la Commission parce que celle-ci constitue un élément d'équilibre dans les rapports entre les différents Etats membres, qu'elle détient la clé des votes à la majorité (les dérogations aux propositions de la Commission supposent l'unanimité) et qu'elle peut exercer un contrôle utile sur l'activité européenne, tant en amont qu'en aval. On ne peut pas toucher au droit d'initiative exclusif de la Commission dans les affaires de la Communauté européenne. Il constitue un élément essentiel de l'équilibre entre les institutions.
La généralisation de la méthode communautaire que la Belgique préconise comme la voie vers une Union européenne meilleure, plus efficace et plus transparente donnera un rôle de tout premier plan aux institutions de l'Union. Ainsi, la Commission renforcera et élargira son rôle central et crucial dans l'ensemble de l'Union. Sous cet angle, le gouvernement apporte son soutien au plein exercice et à l'extension du droit de coinitiative de la Commission dans les deuxième et troisième piliers. Pour le gouvernement, la cohésion que la Commission favorise ainsi entre les piliers de l'Union est et restera axée sur l'unification communautaire finale de la structure des piliers.
Le Conseil
Le Conseil joue un rôle essentiel dans le processus décisionnel et ce dans l'ensemble des activités et des domaines de coopération de l'Union. Certains Etats membres veulent remettre en cause l'équilibre des institutions, en premier lieu par un renforcement de la position du Conseil. Parmi les idées à ce sujet, on peut citer l'attribution éventuelle d'une fonction de contrôle politique sur la Commission, l'attribution d'un droit d'initiative pour des matières de la Communauté européenne et d'un rôle législatif pour le Conseil européen.
Le gouvernement s'opposera aux propositions visant à élargir les compétences du Conseil au détriment de celles de la Commission.
La généralisation de la prise de décision à la majorité qualifiée que le gouvernement défend, constitue la meilleure méthode pour réaliser un meilleur processus décisionnel et un fonctionnement plus efficace dans l'ensemble de l'Union. Le gouvernement veillera au moins à ce que, dans le premier pilier, y compris dans les domaines connexes des politiques sociale, environnementale et fiscale, le Conseil prenne ses décisions, en principe, à la majorité qualifiée. L'unanimité ne devrait être requise que pour les décisions à caractère institutionnel (modification de traité, régime linguistique, adhésion). Quant aux deuxième et troisième piliers, il faut que, là où c'est possible, les décisions puissent également être prises à la majorité qualifiée.
Le gouvernement s'opposera à la perpétuation de l'Accord dit de Ioannina qui fut le résultat de l'exigence formulée par le Royaume-Uni et l'Espagne, à la suite du dernier élargissement, de baisser le seuil de blocage d'une décision à la majorité qualifiée (26 voix, soit environ 30 % des voix, le niveau auquel le seuil avait été fixé à chaque élargissement dans le passé). L'Accord de Ioannina n'a pas formellement modifié le seuil, mais il a été convenu de ne pas procéder au vote au cas où le nombre de voix opposées se situerait entre 23 et 26. Dans ce cas, le Conseil s'efforcera pendant un "délai raisonnable" de trouver un compromis. Après la CIG de 1996, cet arrangement gênant devra être supprimé.
La Cour de Justice
La Cour de Justice veille à l'application uniforme et au respect du droit européen et contrôle l'action des institutions européennes. Le Traité de Maastricht a attribué un rôle limité à la Cour dans les nouveaux domaines d'activité de l'Union européenne, mais a renforcé son rôle traditionnel de faire respecter le droit communautaire. Lors de la CIG, le gouvernement belge s'emploiera au renforcement du rôle de la Cour, notamment par la suppression des limitations imposées à sa juridiction dans les nouveaux domaines de coopération du traité. Ceci concerne surtout la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
La Cour des Comptes
En vue de l'intensification de la lutte contre la fraude, on peut envisager de renforcer le rôle de la Cour des Comptes, notamment en lui attribuant la compétence d'informer directement les parlements nationaux des cas de fraude nationale concernant les ressources européennes.
Le gouvernement rappelle que le Traité de Maastricht met la protection des intérêts financiers de la Communauté sur le même plan que celle donnée par les Etats membres à leurs intérêts financiers nationaux. Le gouvernement adoptera également une attitude positive à l'égard d'autres initiatives tendant à améliorer les instruments juridiques de lutte anti-fraude de la Communauté.
Le gouvernement est également partisan d'une intensification de la coopération entre les Cours des comptes européenne et nationales.
Le Comité des Régions
Le gouvernement promouvra la dimension régionale de l'Union européenne. Le gouvernement est partisan de la transformation du Comité des Régions en une institution à part entière dotée du droit de saisir la Cour de Justice. Le gouvernement estime qu'il faut également donner à ce Comité une compétence consultative vis-à-vis du Parlement européen. La consultation obligatoire de ce Comité doit être élargie aux politiques communautaires qui, dans les Etats membres, sont gérées par les Communautés, les régions ou les collectivités locales, notamment celles concernant la formation professionnelle, l'environnement et l'aménagement du territoire. Il faut imposer au Conseil et à la Commission, une obligation de motivation en cas de non-observation des avis émis par le Comité des Régions.
Le Comité économique et social
La poursuite de l'intégration européenne doit reposer sur un dialogue permanent avec des représentants de tous les secteurs de la vie économique et sociale. Le rôle du Comité économique et social doit être maintenu et intensifié.
Quelques aspects particuliers de la collaboration entre les institutions
Comitologie
La comitologie concerne la question des mesures d'exécution de la législation européenne. Dans beaucoup de cas, l'exécution est laissée aux Etats membres. Dans certains cas, le Conseil peut décider de confier l'exécution à la Commission. Le Parlement européen estime que le Conseil des ministres ne peut plus décider seul de cette délégation d'exécution dans les matières qui ont fait l'objet d'une codécision entre le Conseil et le Parlement. Si le Conseil est associé à l'exécution et surtout si celui-ci se réserve le dernier mot dans la procédure de comitologie, le Parlement doit y être associé également.
Hiérarchie des normes
L'idée a été suggérée dans certains Etats membres d'opérer une nouvelle distinction entre les décisions de la Communauté:
- les décisions constitutionnelles qui seraient prises à l'unanimité ou à une majorité renforcée et qui seraient, le cas échéant, soumises à la ratification par les parlements nationaux;
- les décisions législatives fixant, par grands secteurs, le cadre général et prises par le Conseil et le Parlement européen en commun. Le Conseil des Ministres prendrait ces décisions à la majorité qualifiée;
- les mesures d'exécution laissées soit au Conseil, soit sur instruction de celui-ci, à la Commission européenne ou aux Etats membres.
Pour le gouvernement, la hiérarchie des normes signifie, en premier lieu, la possibilité d'introduire une législation-cadre communautaire complétée par des normes nationales. Cette méthode a l'avantage que le Parlement européen peut se concentrer sur l'essentiel, alors que l'exécution est laissée aux Etats membres.
Le gouvernement soutient la notion de citoyenneté de l'Union et la poursuite de son contenu par l'étoffement des dispositions du traité qui y ont trait.
Le Traité de Maastricht consacre un nouveau chapitre à cette notion, avec pour objectif, la création d'un lien direct entre l'Union et le citoyen, et le renforcement de la protection de ses droits individuels. Les droits suivants ont été inscrits: le droit de circuler librement, le droit de séjourner librement, le droit de participer à des élections locales et européennes indépendamment du lieu de résidence, le droit à la protection diplomatique et consulaire, le droit d'introduire des pétitions et de faire appel au médiateur européen - nommé en juillet 1995.
La citoyenneté peut être complétée par la poursuite de la mise en oeuvre des dispositions existantes: le renforcement de la protection diplomatique et consulaire, une application concrète du droit de libre circulation et de séjour, ainsi que des mesures d'accompagnement et des accords sur la sécurité aux frontières intérieures et extérieures. L'application du droit de vote lors d'élections locales, y compris les dérogations autorisées, doit être transposée en droit national par les Etats membres avant fin 1995. Le droit du citoyen de participer aux élections directes du Parlement européen, même s'il ne réside pas dans son pays d'origine, a déjà été appliqué.
Pour donner davantage de poids à la citoyenneté, le gouvernement est disposé, lors de la CIG, à envisager certaines propositions d'élargissement du nombre des droits du citoyen, comme:
- l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et à d'autres conventions définissant des droits et libertés fondamentaux y compris la Charte sociale (actuellement, le Traité de Maastricht précise uniquement que l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme comme des principes généraux du droit communautaire) ou l'inscription au traité d'une liste de libertés et de droits fondamentaux;
- un allongement limité de la liste actuelle des droits et obligations figurant dans le traité, comme la lutte contre le racisme et la xénophobie;
- l'introduction d'un mécanisme permettant d'imposer des sanctions, y compris la suspension de la qualité de membre, aux Etats membres qui ne rempliraient pas leurs obligations en matière de libertés démocratiques et de droits de l'homme.
Dans la mesure où la CIG ne réussira pas à faire un choix unanime concernant la finalité de l'intégration européenne, il se posera la question de savoir comment les partisans d'une ambition plus élevée - un plus haut niveau d'intégration - pourront progresser sans être empêchés par les partisans d'une ambition moins élevée. C'est là que se situe le débat sur la flexibilité de la construction européenne. Ce débat ne veut pas remplacer les débats plus anciens sur la finalité de l'Union, mais il veut être un moyen d'empêcher les blocages.
D'autres parties de la note de politique ont déjà indiqué des orientations selon lesquelles le gouvernement cherchera à empêcher les blocages, comme par exemple une suppression maximale de la règle de l'unanimité qui paralyse le fonctionnement de l'Union, le passage de la méthode intergouvernementale à la méthode communautaire. On sait par expérience que ces améliorations seules ne suffiront sans doute pas.
Le gouvernement ne souhaite pas avoir recours à des solutions de facilité consistant en l'organisation d'une Europe à choix multiple ("Europe à la carte"). Une telle Europe peu soudée, où les Etats membres sont relativement indépendants les uns des autres, ne peut exister qu'en dehors du Traité sur l'Union qui part, à juste titre, de l'idée que toutes les règles doivent s'appliquer en principe dans tous les Etats membres. En effet, dans le cas contraire, le marché unique serait ébranlé, les droits et les obligations des différents Etats membres divergeraient et l'Union perdrait son poids externe. Dès lors, les blocages doivent être surmontés, par principe, à l'intérieur du système établi par le Traité. Ce point de départ signifie également que des Etats membres ne pourront aller de l'avant qu'avec le consentement des autres. Le gouvernement estime que, lors de la CIG, les Etats membres devront tenter de convenir des arrangements et des modalités facilitant une décision à cet égard.
Dans ce contexte, plusieurs formules sont actuellement en vogue:
- l'Europe à noyau unique: une "petite Europe" centrée sur la monnaie unique et dont les participants décident eux-mêmes de constituer d'autres noyaux ou d'admettre d'autres Etats membres. L'Europe à noyaux multiples en est une variante: plusieurs "petites Europes" dont chacune est centrée sur un domaine-clé spécifique (par exemple monnaie, défense, justice) et dont chacune a une composition différente. Dans la mesure où les Etats membres décident chacun pour eux-mêmes à quel noyau, à quel domaine-clé, ils veulent participer, il n'y a que peu ou pas de différence par rapport à l'Europe à choix multiple;
- l'Europe à cercles concentriques ou à solidarité par paliers: il s'agit d'un dessin global d'une Europe constituée par des cercles concentriques que l'on traverse de l'extérieur à l'intérieur. Suivant des critères et des conditions convenus au préalable, les pays peuvent passer volontairement et progressivement d'un cercle extérieur à un cercle intérieur. Les décisions sont prises en commun, sur le modèle de l'UEM. Ce concept a été développé surtout, mais pas exclusivement, en vue de l'élargissement de l'Union européenne, ainsi que le montre l'illustration géographique suivante: le cercle extérieur serait réservé aux pays, comme par exemple la Russie, qui ne sont pas pris en considération pour une adhésion à l'Union mais qui entrent en ligne de compte pour un lien renforcé de coopération ou d'association. Dans un premier cercle intérieur se trouvent les pays qui entrent en ligne de compte pour devenir membres (les PECO, les pays méditerranéens, les Etats baltes) et pour être intégrés dans une Communauté de droit centrée sur le marché unique, les quatre libertés et l'acquis. Enfin, au coeur de ce dessin, on retrouve les cercles renfermant les pays capables d'assimiler une monnaie unique, d'organiser une défense commune, de mener une politique sociale commune, etc.
- l'Europe à plusieurs vitesses: tous les Etats membres s'engagent, ensemble, à réaliser les mêmes objectifs, mais suivant des chronologies différentes. Il s'agit d'une technique fréquemment utilisée par la Communauté européenne, connue sous plusieurs noms: dérogation temporaire, période transitoire,...
- l'Europe à intégration différenciée est une variante de la formule précédente: tous les Etats membres participent conjointement à certains domaines d'action, alors que sur d'autres domaines, il leur est permis de progresser plus rapidement ou, au contraire, de ne pas participer ou de ne participer que partiellement.
Le gouvernement n'est pas partisan d'une Europe à noyau unique ou à noyaux multiples. Bien qu'une Europe à noyau unique ou à noyaux multiples possède une logique interne, elle risque, sous certaines formes, de conduire au rejet d'Etats membres plutôt qu'à leur intégration. Incorporer, de la sorte, une flexibilité ne garantit pas un renforcement de l'Union parce que celle-ci risque de perdre des Etats membres disposés à participer mais faibles. Un système de plusieurs "petites Europes" et de participation variable risque aussi de créer des oppositions dans les domaines mêmes (par exemple le monétaire contre le politique, le politique contre la défense, la défense contre la justice,...).
L'Europe à plusieurs vitesses, telle qu'on la connaît jusqu'à présent, demeure utile mais ne peut fournir de réponse à tous les problèmes. La théorie des cercles concentriques comporte l'avantage d'être axée sur l'inclusion de nouveaux candidats, à condition que ceux-ci satisfassent à des conditions et critères objectifs.
L'intégration différenciée est, pour le gouvernement, un concept qui mérite d'être considéré sérieusement. Le gouvernement estime que la CIG devra examiner minutieusement ce concept et ses effets éventuels, en se basant sur les principes suivants:
- la différenciation n'est pas une fin en soi; elle est un moyen ultime, un dernier recours pour préserver le progrès de l'intégration européenne d'éventuels blocages fondamentaux causés par des partenaires peu disposés à aller de l'avant;
- des modalités de rattrapage devront permettre à tous les Etats membres de rejoindre le peloton (la différenciation doit causer un effet d'entraînement);
- le domaine de différenciation devra être choisi soigneusement et il devra s'agir d'un domaine qui se prête à la différenciation;
- les dérogations institutionnelles devront être limitées au minimum;
- le bon fonctionnement du marché intérieur ne pourra pas être compromis;
- la clé de la différenciation sera mise entre les mains de la Commission. En tant qu'institution indépendante et gardienne de l'intérêt commun, elle seule pourra juger des cas où, et des critères sur la base desquels une différenciation pourrait être justifiée: la Commission propose, le Conseil décide au vote majoritaire.
La CIG pourra également examiner les avantages et les inconvénients découlant d'une inscription éventuelle desdits principes dans le Traité.
Le gouvernement considère l'effort pour aboutir, par l'intégration, à la paix et à la stabilité sur le continent européen comme une mission cruciale. C'est pourquoi la préparation de la poursuite de l'élargissement de l'Union doit constituer un des objectifs prioritaires de la CIG de 1996.
Le gouvernement rappelle que, suivant les conclusions du Conseil européen, les négociations d'adhésion seront engagées après la clôture de la CIG de 1996 et que les résultats de celle-ci seront prises en considération lors de ces négociations.
En ce qui concerne la préparation, le gouvernement part du principe qu'un élargissement ne peut pas remettre en cause ni affaiblir les réalisations de l'Union. Il ne peut pas non plus se faire au détriment d'un approfondissement. Au contraire, l'élargissement rend l'approfondissement nécessaire. Tenter de rendre l'élargissement plus facile à "digérer" en affaiblissant l'acquis, n'est pas acceptable. Il faut combler d'une autre façon le fossé très réel qui sépare l'Union et un certain nombre de pays candidats, notamment en prévoyant des formules de transition inventives dans les futurs traités d'adhésion.
La CIG devra préparer le processus décisionnel en vue du double défi d'un nombre plus élevé de membres et d'une diversité accrue entre les membres. Dans ce cadre, le gouvernement prendra pour point de départ un double objectif: l'amélioration de la capacité de prise de décision au sein de l'Union (c'est-à-dire l'élargissement de la prise de décision à la majorité qualifiée); le renforcement de l'équilibre entre les droits et les obligations au sein de l'Union (c'est-à-dire le rejet de la création d'une "Europe à la carte"). L'approfondissement institutionnel doit être réalisé sur la base de ces critères avant que l'Union puisse être élargie. Le gouvernement s'efforcera d'obtenir que la CIG de 1996 fixe les dispositions institutionnelles nécessaires à l'intérieur de l'Union afin de permettre à celle-ci d'être prête à temps pour s'engager dans l'élargissement.
Préparer l'élargissement: une tâche des pays candidats
Les pays candidats doivent faire eux-mêmes des efforts pour se préparer et remplir ainsi les conditions d'adhésion posées par le Conseil européen de Copenhague (juin 1993) en ce qui concerne leur organisation du point de vue de la démocratie et de l'économie de marché. L'adhésion requiert de la part du pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection, l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union. L'adhésion présuppose la capacité du pays candidat à en assumer les obligations, et notamment de souscrire aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire. Le Livre Blanc constitue une aide à cette fin. Le Conseil européen a déclaré également qu'il continuerait à suivre de près les progrès réalisés par chaque pays candidat pour remplir les conditions d'adhésion à l'Union et qu'il tirerait les conclusions qui s'imposent.
Un aspect particulier de l'élargissement de l'Union se situe sur le plan politique et de la sécurité. Sur le territoire des pays candidats, des problèmes se posent en matière de minorités. Ces problèmes peuvent occasionner des tensions avec les pays voisins. S'ils ne sont pas résolus avant l'adhésion, les tensions à l'intérieur de l'Union ou entre celle-ci et un candidat qui n'a pas adhéré peuvent augmenter sans qu'il existe des moyens de défense ou des sanctions. On sait par expérience que les problèmes bilatéraux entre un Etat membre et un Etat voisin se transforment souvent en problème entre l'Union et cet Etat voisin. Le Pacte de stabilité en Europe, signé en mars 1995, peut apporter une contribution utile dans le domaine des minorités nationales. C'est également le cas de l'activité de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Enfin, l'Union européenne peut aussi apporter une contribution par la création d'un climat sain de développement économique. Mais, en fin de compte, les candidats devront eux-mêmes résoudre les problèmes avant leur adhésion.
Préparer l'élargissement: une tâche de l'Union européenne
Le gouvernement veut réconcilier l'approfondissement et l'élargissement. En effet, l'élargissement ne peut pas entraîner un affaiblissement de l'Union européenne. Si l'Europe devenait moins efficace et moins dynamique, elle finirait par décevoir les pays candidats puisqu'elle ne leur offrirait pas tout ce qui avait constitué son attrait. L'Union européenne se doit de développer la capacité d'assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration européenne.
Politique à suivre
Une simple extrapolation des dépenses actuelles pour les fonds structurels et pour la politique agricole commune sera impossible à payer. L'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale entraînera des frais supplémentaires en raison de l'extension du champ d'application géographique des politiques communes. C'est surtout le cas pour la politique agricole et pour la politique de cohésion économique et sociale. La politique de cohésion -politique de l'Union visant à réduire les différences de prospérité entre les régions et entre les Etats membres - pose un problème budgétaire comparable.
A moins que l'on ne veuille renvoyer l'élargissement aux calendes grecques ou démanteler l'acquis, la seule solution réside dans un usage optimal d'une série de mécanismes de transition: outre des périodes de transition limitées dans le temps, on pourrait prévoir, dans un certain nombre de domaines, une période de transition liée à certains critères (par analogie avec la réalisation de l'Union économique et monétaire).
Le gouvernement préfère l'approche consistant en des mécanismes de transition qui sont à la fois limités dans le temps et liés à certains critères.
Plan institutionnel
Le gouvernement estime que les adaptations institutionnelles permettant à l'Union de réaliser l'élargissement avec succès, ne seront mises en oeuvre, en principe, qu'au moment de cet élargissement.
Parlement européen
La modification de la composition et du nombre des membres du Parlement européen a déjà fait l'objet d'un vaste travail de réflexion (cfr. rapport De Gucht). Dans ce contexte, le question la plus importante est celle de savoir s'il faut fixer un nombre maximal raisonnable à ne pas dépasser lors des élargissements successifs. On cite souvent un maximum de 600 à 700 euro-parlementaires, à l'instar du nombre de membres des parlements nationaux des grands Etats membres. Actuellement, le Parlement européen compte 663 membres. Par ailleurs, il est généralement admis qu'il faut préserver une relation entre le chiffre de la population et la représentation parlementaire - relation basée sur le principe de la "proportionnalité dégressive" en combinaison avec le concept du "nombre minimal". En effet, il faut que de petits Etats comme par exemple Malte (300.000 habitants), le Luxembourg (400.000) et Chypre (700.000) puissent également être représentés au Parlement.
Commission
Sur la base d'une simple extrapolation des règles actuellement en vigueur, chaque Etat candidat aura droit à un commissaire (à l'exception de la Pologne qui pourra revendiquer deux commissaires, à l'instar des grands Etats membres). Ainsi, dans une Union européenne à 27 Etats membres (les 15 Etats membres actuels plus 6 PECO, 3 pays baltes, Malte, Chypre et la Slovénie), on pourrait arriver à un collège composé de 33 commissaires.
Traditionnellement, deux points de vue s'opposent dans le débat sur la réforme de la Commission: d'une part, le point de vue qui préconise au moins un commissaire par Etat membre et qui est basé sur l'argument selon lequel la Commission est un organisme politique et doit, de ce fait, être composée d'une façon représentative; d'autre part, le point de vue préconisant une limitation du nombre de commissaires à un maximum raisonnable, eu égard aux exigences d'efficacité de fonctionnement de la Commission et au fait qu'il est souhaitable de rompre le lien avec les Etats membres nationaux. Ces deux points de vue prévoient la possibilité de désigner des commissaires adjoints.
Un pas plus en avant serait la fixation d'un nombre maximal de Commissaires, indépendamment du nombre d'Etats membres. Dans ce cas, il appartiendrait au président de la Commission de composer son collège, en concertation avec le Parlement européen et avec le Conseil.
Au stade actuel de la construction européenne, le gouvernement défend le principe d'un commissaire par Etat membre. Au niveau actuel d'intégration, ce principe est une question de crédibilité et de "reconnaissabilité" du processus décisionnel dans tous les Etats membres, grands et petits. Chaque Etat membre souhaite, à juste titre, se retrouver dans la Commission. Une application rigoureuse de ce principe permettrait à l'Union d'intégrer les PECO sans avoir à augmenter le nombre actuel de commissaires.
L'idée de commissaires dits régionaux (d'un nombre limité et répartis de manière à ce qu'un commissaire revienne à chacun des grands Etats membres ainsi qu'à chaque groupe régional de petits Etats membres) n'est pas acceptable pour le Gouvernement. Cette idée ne satisfait ni au principe de la supranationalité, ni au principe de l'égalité politique des Etats membres dans un cadre intergouvernemental.
Conseil
Il va sans dire que chaque adhésion additionnelle rendra plus difficile la prise de décisions à l'unanimité. Dans une Union à 27, il serait inacceptable que le processus décisionnel dépende d'un seul partenaire, car ainsi, l'élargissement éroderait le caractère démocratique de ce processus. Le gouvernement estime que la capacité de prise de décision d'une Union élargie ne pourra être sauvegardée que par un élargissement de la prise de décisions à la majorité qualifiée et ce tant en ce qui concerne les matières communautaires que pour la PESC et la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Pour le gouvernement, la majorité qualifiée est un élément essentiel d'une construction démocratique. La Belgique accepte qu'une majorité ait une opinion divergente sur la définition de l'intérêt commun, à condition que cet intérêt commun et la minorité soient protégés par une institution commune, notamment la Commission européenne. Par ailleurs, dans la future Union européenne, il ne s'agira pas de compliquer le processus décisionnel par toutes sortes de constructions de blocage. Bien au contraire, il s'agira de favoriser la constitution d'une majorité. C'est là l'esprit de l'Acte unique et du Traité de Maastricht.
Le niveau de la forme la plus utilisée du vote à la majorité - la majorité dite qualifiée - s'élève à 71 % du total des voix au Conseil. Après l'élargissement de l'Union à la Finlande, à la Suède et à l'Autriche, ce niveau correspond à 62 voix sur un total de 87. Il faut dès lors 26 voix pour bloquer une décision. Il n'est pas improbable que, lors de la CIG de 1996, il s'élèvera des voix - tout comme ce fut le cas lors de la CIG qui a abouti au Traité de Maastricht - plaidant en faveur de l'introduction d'une majorité "super-qualifiée" (par exemple 80 % ou 85 % des voix, unanimité moins 2 pays). Le but en est une meilleure protection des intérêts nationaux, dans l'espoir qu'ainsi, le passage de l'unanimité à la majorité rencontrera moins d'opposition et s'appliquera à un plus grand nombre de domaines. Le gouvernement considère que la majorité super-qualifiée n'est envisageable que pour la prise de décisions dans les cas où la Commission dispose d'un droit d'initiative non exclusif, à savoir la PESC et la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Par contre, dans les domaines où la Commission détient un droit d'initiative exclusif, il n'y a pas lieu de porter la majorité qualifiée à un niveau plus élevé que le niveau actuel.
Le nombre de voix accordées aux Etats membres peut varier. A l'origine, la méthode de calcul de la pondération des voix avait pour but d'éviter une domination des grands pays sur les petits et d'empêcher que les petits Etats membres bloquent les grands. Cette méthode est restée inchangée lors des élargissements successifs. Ainsi, le nombre de voix au Conseil s'élève à cinq pour la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et la Grèce. Ce nombre est supérieur à celui accordé à la Suède (quatre), à l'Autriche, au Danemark, à l'Irlande, à la Finlande (trois à chacun de ces pays) et au Luxembourg (deux), mais inférieur à celui détenu par l'Espagne (huit) et par les quatre Etats membres les plus grands (l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni) dont chacun dispose de dix voix au Conseil. Bien qu'en pratique, il arrive rarement ou pas du tout qu'un bloc des grands et un bloc des petits s'opposent, le gouvernement comprend la crainte d'un certain nombre de grands Etats membres que le poids de leur population ne puisse être neutralisé trop aisément par une "alliance" de quelques petits pays. Cela pourrait en effet entraîner une diminution de la crédibilité de l'Union dans les grands Etats membres.
Le poids de chacun des Etats membres peut être adapté en augmentant ou en réduisant le nombre de voix et/ou en ajoutant un facteur démographique, c'est-à-dire en introduisant une double majorité: nombre de voix au Conseil et de la population totale. Quant à cette double majorité, il est à noter que le même résultat démographique serait atteint si la procédure de codécision du Parlement européen, qui est composé démographiquement, était généralisée. Le Gouvernement estime que, dans le cadre de l'élargissement et pour autant que celui-ci s'accompagne d'un approfondissement, et dans un paquet institutionnel global, on pourrait avoir de la marge pour ce qui concerne la pondération des voix (par exemple, une légère augmentation pour les grands Etats membres).
Présidence
Depuis l'augmentation du nombre d'Etats membres, il s'élève de plus en plus de voix plaidant pour une modification du système actuel de présidences par rotation ou pour une meilleure définition, dans le traité, du rôle de la présidence. Plusieurs arguments sont invoqués: la nécessité d'une meilleure continuité, d'une plus grande légitimité, d'une plus grande responsabilité, d'une meilleure représentativité extérieure.
Le gouvernement souhaite qu'on touche le moins possible au fonctionnement actuel de la présidence. Toutefois, il est souhaitable de préciser, dans le traité, le rôle de la présidence afin de mettre en exergue sa fonction communautaire. Le gouvernement n'est pas convaincu qu'une extrapolation du système existant soit irréalisable en cas d'élargissement.
La mise en oeuvre de certaines idées concernant une transformation des présidences, par exemple en introduisant des présidences parcellisées mais de longue durée ou en procédant à l'élection des présidents (comme par exemple un président élu du Con
Cour de Justice
Dans la perspective de l'élargissement, il sera nécessaire de préserver la qualité de la juridiction de la Cour. Le volume de travail et le nombre de litiges risquent d'augmenter considérablement. La conférence devra se pencher sur ce dernier aspect, ainsi que sur le problème de l'augmentation du nombre de juges et d'avocats généraux.
Le gouvernement est disposé à examiner certaines formules: d'une part, remédier à l'augmentation du nombre de juges et d'avocats généraux en attribuant à chaque Etat membre soit un juge, soit un avocat général; d'autre part, prolonger le mandat des juges et des avocats généraux. En tout cas, de l'avis du gouvernement, il est important que la CIG se concerte avec la Cour de Justice même sur la réforme de celle-ci.
Régime linguistique
Le gouvernement veillera à ce que l'on ne touche pas au régime linguistique des institutions et des organes de l'Union, même en cas d'élargissement de celle-ci. Dans ses relations avec les institutions et les organes de l'Union, le citoyen de l'Union européenne doit pouvoir utiliser sa propre langue et doit recevoir une réponse dans cette langue.
D'une façon générale, les autorités belges se prononcent en faveur de la promotion du plurilinguisme dans l'Union.
(1) «1. Le Gouvernement de tout Etat membre, ou la Commission, peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision des traités sur lesquels est fondée l'Union.
Si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, celle-ci est convoquée par le Président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter auxdits traités. Dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire, le conseil de la Banque centrale européenne est également consulté.
Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
2. Une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres sera convoquée en 1996 pour examiner, conformément aux objectifs énoncés aux articles A et B des dispositions communes, les dispositions du présent traité pour lesquelles une révision est prévue."