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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

17 JUILLET 1996


Projet de loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité

(Titres Ier et II : articles 1er à 22)


Procédure d'évocation


RAPPORT

AU RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MM. WEYTS ET BOCK


SOMMAIRE

  1. Exposé introductif du Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications
  2. Audition de M. R. Tollet, président du Conseil central de l'Économie, et de M. F. Verplaetse, gouverneur de la Banque nationale de Belgique
  3. Observations légistiques et linguistiques
  4. Discussion générale
    1. Questions posées par les membres de la commission
    2. Réponses du ministre
    3. Répliques des commissaires
  5. Discussion des amendements
  6. Votes des amendements
  7. Vote sur l'ensemble des titres Ier et II
  8. Texte adoptée par la Commission

Le Sénat a évoqué le présent projet de loi le 16 juillet 1996.

La date limite pour l'évocation était le 22 juillet 1996 et le délai d'examen était de 21 jours.

La commission a consacré sept réunions à l'examen du présent projet de loi à savoir les 2, 8, 9, 12, 15, 16 et 17 juillet 1996.

A. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

I. Introduction

Le Sénat va évoquer le projet de la loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. Votre Commission examine les titres I et II de ce projet. C'est donc ceux-ci qu'il va introduire.

Le ministre voudrait tout d'abord rappeler que le titre III, qui ne sera donc pas examiné ici, porte comme intitulé «promotion de l'emploi». Il comporte en effet une série de mesures spécifiques de promotion de l'emploi.

Le découplage du titre II et du titre III dans les travaux des Commissions de cette Assemblée ne doit cependant pas vous donner à penser que nous ne parlerons pas d'emploi. Bien au contraire : le volet compétitivité du projet n'a d'autre objectif lui-même que la promotion de l'emploi.

En effet, la compétitivité n'est pas une fin en soi. S'il faut la maintenir, c'est clairement pour préserver l'emploi. C'est la raison majeure pour laquelle la loi de 1989 doit être modifiée. Cette loi centre l'évaluation de la compétitivité sur les performances extérieures de l'économie. Dès lors, la compétitivité au sens de la loi de 1989 peut être maintenue grâce à des gains de productivité, synonymes de rationalisations. Et ce n'est qu'en cas de détérioration de la compétitivité que l'on peut intervenir dans la formation des salaires. À ce moment, il est trop tard pour recréer l'emploi perdu.

Le projet qui vous est soumis suit une logique radicalement différente. Il a pour objet de mettre en place un système préventif de sauvegarde de la compétitivité, axé sur la maîtrise des coûts.

Ce système préventif, les interlocuteurs sociaux l'ont demandé dans l'avis du 27 mars 1995 du Conseil central de l'Économie concernant l'évaluation de la position compétitive de la Belgique, donné en application de la loi du 6 janvier 1989. Ils le voyaient comme une nécessité, à la fois pour permettre l'accession de la Belgique à l'union monétaire européenne et pour qu'à l'avenir la formation des salaires reste du ressort des partenaires sociaux.

Le projet de loi complète la maîtrise préventive des coûts par deux balises essentielles :

1. l'indexation et les augmentations barémiques existantes sont maintenues dans tous les cas, sauf circonstances exceptionnelles;

2. l'évolution de l'emploi est surveillée au même titre que celle des salaires, et le parallélisme est constant entre mesures pour l'emploi et sauvegarde de la compétitivité.

II. Le contenu du titre II du projet

Le ministre en vient maintenant au contenu plus précis du projet. Il abordera celui-ci sous 5 points :

­ les points de comparaison retenus;

­ la marge maximale d'augmentation salariale et les mesures pour l'emploi;

­ le mécanisme de correction;

­ la modération des autres revenus;

­ les circonstances exceptionnelles.

Il résumera ensuite les grandes caractéristiques du projet par rapport à la loi de 1989.

Enfin, il rappellera les points qui montrent que le projet est bien une loi-cadre.

1. Les points de comparaison

La première option qui a été prise par le Gouvernement est de comparer l'évolution des salaires et de l'emploi en Belgique avec l'évolution en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Pourquoi ce choix de 3 États membres de référence? Ces pays, bien sûr, sont nos principaux partenaires commerciaux. Ils absorbent par exemple plus de 50 p.c. de nos exportations. Ils sont aussi nos principaux concurrents sur les marchés tiers.

Mais surtout, ce sont les principaux pays avec lesquels nous avons stabilisé nos relations de change. Et ce seront nos 3 principaux partenaires dans la future union monétaire, à laquelle nous pensons tous que la Belgique devra appartenir d'emblée.

Or, dans un contexte de taux de change stables, et bientôt irrévocablement fixes, les variables d'ajustement que sont les taux de change et les taux d'intérêt ne sont plus disponibles.

L'ajustement risque dès lors de peser exclusivement sur l'emploi si les coûts salariaux se détériorent en Belgique par rapport à ces partenaires de référence.

C'est donc pour protéger la compétitivité sans sacrifier l'emploi que cette option a été prise. J'ajouterai que cela permet aussi que la compétitivité s'évalue par rapport à des pays qui ont un modèle social comparable au nôtre.

2. La marge maximale d'augmentation salariale et les mesures pour l'emploi

Sur la base des évolutions récentes, mais surtout des évolutions attendues dans les 3 États membres de référence, une marge maximale d'augmentation des salaires nominaux du secteur privé est fixée, et les mesures pour l'emploi sont décidées. C'est donc une démarche prospective qui est au coeur du dispositif.

Dans toute la mesure du possible, ces décisions sont laissées aux interlocuteurs sociaux. Ce sont eux qui, réunis au sein du Conseil central de l'Économie et au Conseil National du Travail établiront, deux fois par an, les rapports communs prévus par la loi. Ces rapports analyseront l'évolution des salaires et de l'emploi, en Belgique et dans les États membres de référence. Ils examineront les politiques nationales et les causes de divergence dans leurs résultats. Ils comporteront aussi une analyse des aspects structurels et des autres facteurs déterminant la compétitivité.

Ce sont aussi les interlocuteurs qui, au Conseil central de l'Économie, établiront une fois l'an le rapport technique sur les marges maximales disponibles pour l'évolution du coût salarial en termes nominaux.

Ce sont enfin les interlocuteurs sociaux qui, tous les 2 ans, fixeront dans l'accord interprofessionnel la marge maximale de l'évolution du coût salarial et les mesures voulues pour l'emploi.

Ce n'est que s'il n'y a pas d'accord entre les interlocuteurs sociaux que le Gouvernement interviendra. Il essayera d'abord de concilier les points de vue en concertation sur la base d'une proposition de médiation. En cas d'accord, la marge maximale sera arrêtée dans une convention collective de travail conclue au sein du Conseil National du Travail.

Ce n'est qu'à défaut d'accord que le Roi pourra déterminer la marge maximale, sur la base des rapports du Conseil central de l'Économie et du Conseil National du Travail. Dans tous les cas, l'indexation et les augmentations barémiques constituent le minimum des augmentations salariales permises.

Et ce n'est aussi qu'à défaut d'accord interprofessionnel sur l'emploi que le Roi interviendra pour prendre des mesures en faveur de l'emploi. Les conventions collectives de travail sont ensuite conclues au niveau des secteurs ou des entreprises. Elles doivent respecter la marge mais peuvent rester en deça. C'est pourquoi le projet parle de marges maximales.

Les conventions collectives peuvent aussi décider de la répartition de la marge disponible entre augmentations salariales, au delà de l'indexation et des augmentations barémiques, et réduction du temps de travail.

Le projet permet donc une approche décentralisée à l'intérieur du cadre global centralisé. Il permet ainsi une flexibilité salariale relative et des arbitrages différents entre augmentations salariales et création d'emploi, selon les possibilités des secteurs.

Chaque année, la pertinence des mesures pour l'emploi au niveau intersectoriel et sectoriel sera évaluée par le Conseil Supérieur de l'Emploi. Celui-ci pourra faire des recommandations en cas d'insuffisance. Sur cette base, le Roi pourra prendre les mesures appropriées.

On observera que l'objectif de ces mesures est de veiller à ce que l'emploi se développe au moins autant en Belgique que dans les 3 États membres de référence et à ce que l'emploi intersectoriel soit au moins maintenu.

Le calcul de l'évolution salariale ne prend pas en compte les participations bénéficiaires qui répondront à certains conditions à définir dans une loi distincte. Dans le projet de cette loi, le Gouvernement prévoira notamment des conditions d'emploi, la neutralité fiscale et le paiement des cotisations de sécurité sociale.

Cette proposition de faire échapper à la marge les participations bénéficiaires ainsi encadrées et de ne pas les prendre en compte pour le calcul de l'évolution des salaires a paru logique.

Les participations bénéficiaires ne sont pas des éléments du coût salarial pour l'entreprise. En y mettant des conditions, on s'assure en outre que leur octroi ne se fait ni au détriment du financement de la sécurité sociale, ni au détriment de l'emploi, au contraire.

En marge de cette exonération des parts bénéficiaires, le ministre a entendu beaucoup de questions sur le sort, dans le système du projet de loi, des cotisations patronales aux plans des pensions complémentaires.

À son sens, les montants versés pour tenir compte de l'indexation et des augmentations barémiques ne sauraient être remis en cause : l'accessoire suit le principal. Par ailleurs, l'exécution de la loi du 6 avril 1995 relative aux régimes de pension complémentaires n'entraîne pas d'avantages nouveaux. Elle n'entrera donc pas en compte pour le calcul de la norme salariale.

3. Le mécanisme de correction

La C.C.T. intersectorielle prévoit un mécanisme de correction qui s'applique lorsqu'il s'avère, à la fin de la première année, que l'évolution du coût salarial en Belgique dépasse celle des États membres de référence.

La correction intervient à l'issue de la première année. À cette fin, les interlocuteurs sociaux constatent le dépassement éventuel, au plus tard fin novembre.

Faute de consensus entre les interlocuteurs sociaux, le Gouvernement soumet une proposition de médiation à la concertation tripartite Gouvernement-interlocuteurs sociaux. En cas de non-acceptation, le Gouvernement peut lui-même mettre en oeuvre un mécanisme de correction.

Si l'évolution de l'emploi s'écarte de celle des partenaires, les causes de cette évolution divergente sont examinées en concertation tripartite et des mesures complémentaires sont prises en fonction de cette analyse.

L'indexation et les augmentations barémiques sont aussi intégralement préservées en cas d'application du mécanisme de correction.

4. La modération des autres revenus

Enfin, le Gouvernement peut prendre des mesures de modération équivalentes à celles qui résultent du mécanisme préventif et des éventuelles corrections à mi-parcours à l'égard des revenus autres que les salaires. Le projet cite, notamment, les revenus des professions libérales, les loyers, les dividendes et les tantièmes.

5. Les circonstances exceptionnelles

Dans des circonstances exceptionnelles, le Roi continue de pouvoir intervenir selon la procédure de la loi du 6 janvier 1989. Les circonstances exceptionnelles sont les mêmes que celles prévues dans la loi du 6 janvier 1989.

La loi de 1989 citait à titre d'exemple des évolutions brusques et amples du taux de change. Certes, celles-ci sont devenues très improbables par rapport aux 3 États membres de référence. Elles seront exclues dès que nous serons en union monétaire. On ne peut cependant nier que d'autres chocs importants puissent affecter l'économie belge. On peut songer par exemple à une catastrophe naturelle ou à un choc externe qui n'aurait pas le même effet sur l'économie belge et sur les économies des 3 États membres de référence.

On vise en outre le cas où, malgré les mécanismes préventifs, l'évolution des coûts salariaux dépasse de manière inattendue celles des pays voisins et a un effet significatif sur l'emploi ou la compétitivité.

III. Résumé : comparaison avec la loi de 1989

En résumé, par rapport à la loi de 1989, que le titre II du présent projet vise à remplacer dans sa majeure partie, le nouveau dispositif de sauvegarde de la compétitivité innove en prévoyant :

­ un mécanisme préventif des dérapages salariaux, basé sur la fixation d'une marge maximale d'augmentation du coût salarial nominal en fonction des évolutions attendues dans les 3 pays de référence;

­ une fixation de la marge maximale en principe par les partenaires sociaux, éventuellement à l'issue d'une médiation tripartite, et ce pour une durée de deux ans;

­ un mécanisme correcteur au cas où l'évolution du coût salarial aurait été supérieure, la première année, à celle des pays de référence;

­ la préservation, y compris lorsque le mécanisme correcteur est appelé à jouer, de l'indexation et des augmentations barémiques existantes;

­ le champ très large laissé, dans toute la procédure, à la concertation sociale. L'intervention du Gouvernement n'a lieu qu'à titre subsidiaire, à défaut d'accord sur la marge, sur le mécanisme correcteur ou sur des mesures suffisantes en faveur de l'emploi.

IV. Le projet est une loi-cadre

Le projet qui vous est ainsi soumis n'a rien de commun avec une loi de pouvoirs spéciaux, comme celles des années 1982, 1983 et 1986.

En effet, le projet ne contient aucune habilitation au Roi qui soit plus large que celles prévues par la loi de 1989. Or, le Conseil d'État n'avait pas qualifié cette loi de loi de pouvoirs spéciaux.

Dans tous les cas, le Roi ne peut agir qu'à titre subsidiaire, à défaut d'accord entre les interlocuteurs sociaux. Encore sera-t-il, le cas échéant, guidé par des objectifs très précis. Il sera aussi éclairé par des rapports et recommandations et par les données de la concertation sociale elle-même, à laquelle un très large champ sera laissé au préalable.

Loin de supprimer les procédures d'avis, le projet soumet ainsi le Roi à de nouvelles procédures obligatoires et préalables. Cette particularité, et le fait que le projet ait pour objectif la mise en place d'un dispositif de promotion de l'emploi et de sauvegarde préventive de la compétitivité, expliquent par ailleurs que la constatation par le Parlement d'une menace pour la compétitivité ne soit pas prévue. Cela n'enlève bien entendu rien aux prérogatives du Parlement, qui peut à tout moment demander au Gouvernement de rendre compte de son action, dans l'application de cette loi comme dans tout autre domaine.


Pour terminer, le ministre voudrait dire sa conviction très ferme que le texte qui est soumis à la Commission garantit non seulement la compétitivité mais aussi l'emploi. Et cela, sans remettre en cause les acquis sociaux, en préservant tous les droits du Parlement et en laissant à la concertation sociale le rôle qu'elle joue traditionnellement dans notre pays.


B. AUDITION DE M. R. TOLLET, PRESIDENT DU CONSEIL CENTRAL DE L'ÉCONOMIE, ET DE M. F. VERPLAETSE, GOUVERNEUR DE LA BANQUE NATIONALE DE BELGIQUE

I. Exposé de M. R. Tollet, président du Conseil central de l'économie

1. Genèse de la loi du 6 janvier 1989

La loi du 6 janvier 1989 trouve son origine dans un double événement.

D'une part, les répercussions inflationnistes et déflationnistes des deux premiers chocs pétroliers, à savoir 1973-1974 et 1979-1980, et d'autre part, la dévaluation du franc belge en février 1982, qui est un événement de politique économique sans précédent dans l'histoire économique belge.

M. Tollet rappelle le degré de l'ouverture belge et sa particularité d'économie sociale de marché équilibrée par un nombre de compromis sociaux dont un des principaux est le mécanisme d'indexation des salaires.

Au départ des chocs pétroliers, nous avons vécu une inflation importante. Le premier principe de la loi de 1989 a consisté à tenter d'élaborer une espèce de « garde-fou » entre l'équilibre intérieur de l'économie belge et des chocs macro-économiques extérieurs à cette économie.

Le deuxième principe de la loi de 1989 est liée à la politique sociale et à la politique économique. La dévaluation du franc belge de 1982 a fondamentalement corrigé la surévaluation de notre monnaie. Cette mesure a été accompagnée par une levée partielle de l'indexation des salaires, le retour à une indexation lissée et un blocage salarial de février 1981 au 31 décembre 1986.

La sortie du blocage salarial s'est faite en partie à travers la mise en forme d'une première norme de compétitivité, gérée déjà en partie par le Conseil central de l'économie (C.C.E.) sans toutefois disposer de base légale.

La loi de 1989 a bien entériné l'idée qu'un processus d'encadrement des salaires et d'une norme corrective devait exister pour, d'une part, prémunir l'économie belge de chocs extérieurs et, d'autre part, sortir du blocage salarial et initialiser le premier accord interprofessionnel de 1987-1988.

2. Expérience de la loi

Pendant deux ans, le C.C.E. a dû mettre en forme l'appareil statistique de cette loi (la mise en conformité de statistiques nationales et internationales pour rencontrer les objectifs de la loi en matière d'indicateurs économiques). Les interlocuteurs sociaux et leurs services d'études ont réalisé, à cette époque, un grand travail avec la collaboration des instituts nationaux comme le Bureau du plan, l'Institut national de statistiques, la Banque nationale ainsi qu'avec l'O.C.D.E.

Il faut reconnaître que déjà au cours des années 1991 et 1992, on aurait pu procéder à certains ajustements sur le plan de la compétitivité. On a dû attendre jusqu'à l'adoption du Plan Global ­ visant à sortir de la récession importante de 1993 ­ par lequel le Gouvernement a réalisé un nouveau blocage salarial.

La loi de 1989 a donc été mobilisée une seule fois, à l'occasion de l'adoption du Plan Global.

Personnellement, M. Tollet pense que cette loi ne sera plus utilisée parce qu'elle présente un défaut majeure en termes de politique économique : la loi n'est utilisable que quand les dérapages salariaux ou autres ont été constatés a posteriori.

Quel que soit le Gouvernement, l'instrument n'est pas de nature préventive mais de nature corrective.

Le deuxième inconvénient de la loi est son caractère trop « mécaniste ». La loi se fonde sur une batterie de critères dont l'utilité est parfois discutable.

Il est donc assez difficile de mener une politique économique visant à restaurer la compétitivité de notre économie sur la base de cet instrument.

Progressivement au C.C.E. a émergé l'idée d'une réforme de cette loi. On a voulu entrer progressivement dans un processus de négociation de formation des salaires qui apparaît comme plus préventif que correctif.

Cette idée a été exprimée dans l'avis du C.C.E. du mois de mars 1995 : aussi bien le patronat que les syndicats ont marqué leur accord pour tenter de modifier la loi de 1989 dans ce sens.

Le deuxième principe qui était avancé essayait de concilier ce processus préventif dans l'optique d'une entrée et de l'insertion de notre économie dans l'Union monétaire. Cela exigeait une réflexion qui devait rendre compatible le maintien de la compétitivité, le processus de formation des salaires et le type de politique monétaire que mène la Belgique pour être insérée dans l'Union monétaire.

Le projet de loi qui vous est soumis s'inscrit dans cette optique et essaye d'assurer une cohérence entre une politique monétaire et la manière dont on doit négocier le processus de formation des salaires dans ce pays.

3. Projet de loi à l'examen

Au mois de juin 1995, les interlocuteurs sociaux du C.C.E. ont chargé l'orateur d'une mission pour arbitrer une solution entre les interlocuteurs sociaux pour tenter de réformer la loi du 6 janvier 1989. Tant du côté patronal que du côté syndical, il y avait de fortes réticences.

M. Tollet souligne que la manière de négocier entre les interlocuteurs sociaux est beaucoup plus longue, beaucoup plus disparate et beaucoup plus hétérogène parce qu'elle représente des intérêts très différenciés avec des forces sociales extrêmement variées.

Par rapport aux principes énoncés, le projet de loi définit d'abord les principes de négociation sur trois niveaux :

­ un niveau inter-professionnel;

­ un niveau sectoriel;

­ un niveau d'entreprise.

Comment légitimer une négociation professionnelle tout en maintenant l'autonomie traditionnelle des centrales syndicales et des fédérations patronales, le niveau où se déroule la négociation salariale ? Comment rendre compatible une telle négociation avec une négociation plus micro-économique ?

Le fondement même de cette négociation a toujours été la liberté salariale avec une certaine socialisation des fruits de la croissance.

Comment concilier tout ce cadre de référence traditionnel avec les objectifs d'une nouvelle politique économique ?

Comment concilier une nécessité d'encadrement salarial dans le chef du patronat et le maintien de l'indexation des salaires qui reste une revendication politique majeure du côté des syndicats ?

Comment concilier ces deux problèmes avec l'insertion de l'économie belge dans l'union monétaire ?

Dès l'entrée de la Belgique dans l'union monétaire, toutes les politiques d'ajustement macro-économiques qui passent par des ajustements monétaires seront exclues. Cela signifie que le concept même de la comparaison de la compétitivité comme dans l'ancienne loi n'a plus de sens. On entre donc dans un processus de comparaison nominal entre les pays puisque la variabilité des taux de change n'existe plus.

Un gouvernement doit savoir que le processus d'ajustement va se faire sur la formation des coûts de production et donc principalement sur la masse salariale.

Il faut éviter que ce nouveau processus de formation de salaires, dans l'Europe de demain, ne devienne le vecteur des politiques de déflation générées par les dévaluations compétitives.

La logique du projet présenté se résume comme suit :

1. Il s'agit d'une loi qui définit les principes de négociation parce que la définition de l'encadrement salarial démarre avec la négociation interprofessionnelle.

2. La loi définit la marge selon laquelle les salaires belges doivent s'aligner en fonction des trois principaux pays compétiteurs en termes de commerce extérieur, qui nous entourent, à savoir : les Pays-Bas, l'Allemagne et la France.

La marge de négociation consisterait à examiner l'évolution prévisible des salaires-coûts de ces économies (sur le plan macro-économique). Contrairement à l'ancienne loi, le projet de loi ne fait pas preuve d'une vision mécaniste. Le projet de loi rend plus d'autonomie qu'on ne le pense aux interlocuteurs sociaux.

3. La négociation se fait de manière nominale (c'est le résultat de l'insertion de notre économie dans l'union monétaire) avec un présupposé important : le maintien de l'indexation des salaires. On part du principe que le mécanisme de correction est préventif en raison du fait que la marge se définit en comparaison avec nos pays compétiteurs et par la capacité des interlocuteurs sociaux de définir eux-mêmes l'autocorrection s'il y a des déparages. Cette autocorrection se fait dans la partie de la marge hors indexation.

Si les interlocuteurs sociaux ne parviennent pas à se mettre d'accord, le pouvoir politique se substituera à ces interlocuteurs.

Les interlocuteurs sociaux trouvent dans la loi la capacité de procéder eux-mêmes, ce qui accentue le caractère préventif.

En résumant, M. Tollet constate que les interlocuteurs sociaux de notre pays n'ont jamais mis en cause l'insertion dans le tissu européenne.

Ils admettent également que la formation des salaires n'est pas incompatible avec cette insertion.

En troisième lieu, la loi donne aux interlocuteurs sociaux la responsabilité d'une gestion souple par rapport aux donnes européennes.

Échange de vue

Selon un membre, M. Tollet a évoqué certains points qui lui paraissaient positifs, en particulier le sauvetage de l'indexation. Toutefois, la conséquence est que les progrès barémiques et l'indexation seront insérés dans la partie qui doit constituer la marge maximum, de telle façon que la marge doit être réduite de ces deux éléments pour connaître ce qui reste comme matière de négociation. Après comparaison avec la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, ce qui reste pourrait bien être négatif avec comme conséquence qu'il faudra diminuer les salaires plutôt que les augmenter après avoir imputé l'index et le progrès barémique!

Le même membre se pose également des questions quant au degré d'autonomie sectoriel. Il n'y a rien d'aussi compliqué que de comparer le résultat des négociations sectorielles, en tenant compte de la part que chaque secteur représente dans l'économie, avec une norme globale interprofessionnelle. Comment va-t-on pondérer le poids des secteurs à faible intensité d'emploi mais ayant une productivité énorme qui continue à augmenter, avec la norme macro-économique globale ?

Ensuite, l'intervenant se demande si le modèle belge n'est pas mort. En réalité, nous commençons à vendre la concertation, le consensus, etc. dans les pays de l'Europe de l'Est, mais en même temps, nos pouvoirs publics interviennent de plus en plus dans le processus. Le degré d'intervention des pouvoirs publics n'est plus seulement sporadique sur la base d'une délibération des interlocuteurs sociaux soutenus par le Parlement, mais le poids de la puissance publique devient permanent.

Un commissaire aborde le problème de la maîtrise de l'inflation. Dans son exposé, M. Tollet a souligné que l'on maîtrisait jadis l'inflation en procédant à des adaptations du mécanisme des changes et en intervenant au niveau de la charge des intérêts. Désormais, l'inflation sera de plus en plus maîtrisée par la politique salariale. Ce fait constituera-t-il un point de rupture pour les pays qui vont adhérer à l'U.E.M. ? Devront-ils, à partir de ce moment, mener une politique économique tout à fait différente en matière d'inflation ?

La loi actuelle prévoit que l'on fasse des comparaisons avec nos trois partenaires commerciaux les plus importants. Avec la création de l'Union économique et monétaire, les divergences qui existent entre ces trois pays ne feront que s'atténuer. Une comparaison avec d'autres puissances économiques et commerciales, tels que les États-Unis et le Japon, ne s'impose-t-elle pas ?

Un sénateur se réfère à la vocation macro-économique du projet de loi à l'examen. Il semble assez clair que les pertes de compétitivité ou les pertes de marché qu'on observe proviennent en fait d'un certain nombre de secteurs ou de sous-secteurs ­ voire d'entreprises ­ relativement précis. On pouvait s'attendre à ce qu'une réponse en termes de correction préventive eut été préférable à une approche plus ciblée. Il n'est pas clair comment s'articulent les trois niveaux. Si les pertes de compétitivité proviennent de dérives salariales provenant de sous-secteurs précis, puisque l'accord s'impose à tous les secteurs et à toutes les entreprises, la discussion est donc cadrée à l'intérieur de marges qui sont peut-être des marges inadéquates par rapport aux dérives salariales que l'on peut constater dans certains sous-secteurs.

Le projet de loi sur les participations bénéficiaires qui est annoncé, est aussi une autre manière d'insérer un peu de flexibilité dans la négociation.

Une deuxième question du même sénateur concerne un aspect novateur : ce projet de loi place les négociations intersectorielles de façon formelle en position de subordination par rapport à ce qui se fait dans les trois pays de référence. En effet, les marges vont êtres définies par l'estimation que l'on a de ce qui va être négocié ou de ce qui est en train d'être négocié dans ces trois pays de référence. Evidemment, on peut craindre que les autres pays fassent de même d'une façon ou d'une autre.

On se retrouve dans une situation qui serait la formalisation d'une concurrence qui porte soit sur la productivité, soit sur les salaires. De ce point de vue, si on veut éviter l'accentuation d'une déflation par une pression à la baisse sur les coûts salariaux, ne serait-il pas opportun d'essayer entre interlocuteurs sociaux sur un plan européen ? Il ne serait pas invraisemblable d'imaginer, à un niveau intersectoriel dans les quatre pays concernés (la Belgique et les trois pays de référence), de discuter d'un plan macro-économique sur l'objectif de taux d'inflation, du taux de salaire réel, etc., ce qui permettrait éventuellement de prendre en considération non seulement les aspects de l'offre mais aussi les aspects de la demande.

Un autre intervenant rappelle la dévaluation du franc belge de février 1982. D'après M. Tollet, cette dévaluation de 8,5 p.c. a permis de réadapter la surévaluation du franc belge. L'intervenant n'est pas du tout d'accord avec cette thèse. La dévaluation a été nécessaire parce qu'il fallait s'adapter à la réalité économique, en raison de l'absence de politique du Gouvernement de l'époque, plus particulièrement des ministres P.S.

À un moment où le déficit budgétaire était de 400 millliards, que le déficit budgétisé était de 200 milliards et que notre balance commerciale accusait un déficit de 240 milliards, le ministre du Budget de l'époque prétendait que ce déficit budgétaire s'était développé par lui-même et disparaîtrait donc aussi de lui-même.

L'intervenant souligne qu'il était absolument nécessaire de procéder à la dévaluation de février 1982 pour permettre un début de redressement après une période de politique économique et budgétaire catasrophique.

Réponses de M. Tollet

La dévaluation du franc belge en 1982 était un fait sans précédent en termes de politique économique. Il faut remonter à août 1949 pour trouver une comparaison. Cette dévaluation corrigeait la surévaluation du franc belge. M. Tollet n'a pas de jugement de valeur par rapport à l'une ou l'autre coalition politique.

La genèse de la norme de compétitivité, et puis par après la loi sur la compétitivité de 1989, trouve son origine dans deux phénomènes économiques, à savoir primo, éviter les dérapages issus de chocs macro-économiques extérieurs à l'économie belge et, secundo, après la dévaluaion, comment sortir du blocage salariale par un premier processus d'encadrement salariale qui était une première norme de compétitivité et qui allait progressivement trouver sa forme dans la loi sur la compétitivité.

Quant à l'autonomie sectorielle et les pondérations sectorielles, M. Tollet souligne que le projet de loi part d'un souci fondamental, à savoir de concilier l'autonomie sectorielle avec une régulation au départ de la négociation interprofessionnelle. La négociation intersectorielle n'a jamais dicté de loi vers les secteurs. Le projet de loi propose un principe de négociation double : comment définir une marge de manoeuvre et un encadrement salariale et comment ceux-ci peuvent être acceptés au plan sectoriel.

Dans l'histoire de la formation des salaires en Belgique, depuis la guerre jusqu'au premier choc pétrolier, le paritarisme social gère les salaires.

Ce projet de loi consacre ce modèle de négociations paritaires classique avec un principe de subordination, qui est l'encadrement de l'entrée de la Belgique dans l'Union monétaire. En effet, ce projet n'a de sens que par rapport à notre politique monétaire d'entrée dans l'Union monétaire.

Dans les secteurs qui ont encore une capacité de négocier de façon importante, les salaires représentent peu dans la valeur ajoutée et les marges de manoeuvre sont assez importantes. Le diagnostic macro-économique démontre que les diversement de gains de productivité ne se font plus dans le secteur industriel. Le projet de loi entérine sur le fond un glissement vers une économie qui s'est tertiairisée, comme la plupart des économies.

Ce projet de loi est une loi macro-économique qui intègre globalement tous les secteurs et ne tend pas à privilégier un secteur par rapport à un autre.

Ou bien nous avons la capacité, dans l'Union monétaire, d'encadrer les salaires selon un certain nombre de principes négociés entre interlocuteurs sociaux, ou bien on accepte le détricotage, ce qui est le repli identitaire sur le secteur ou l'industrie.

Sur le fond, la question est de savoir si nous sommes capables de générer un encadrement salariale, compatible avec des mécanismes d'indexation et compatibe avec un certain mécanisme de protection sociale dans un type d'économie qui est la nôtre.

L'enjeu est à la fois très économique et très politique. Le choix est de savoir si l'on peut rendre compatible un équilibre macro-économique par un processus d'encadrement salariale avec nos grands principes des équilibres sociaux (l'indexation des salaires, sécurité sociale, protection sociale) et avec une cohérence de politique monétaire qui est la nôtre.

Concernant le modèle belge, M. Tollet estime qu'il s'agit du passage du bipartisme au tripartisme et l'intervention de l'État. Ceci est le signe des deux décennies complexes qu'on vient de passer. Certains pensent qu'il faut revenir politiquement à des formes de bipartisme, mais ceci dépend de la capacité d'efforts sociaux et les rapports de force dans notre société qui vont le réhabiliter ou pas.

Le tripartisme perturbera la légitimité du monde patronal et du monde syndical dans leur capacité de réguler progressivement.

Quant à la question sur la politique d'inflation et à savoir si nous ne pouvons pas mener une politique moins rigoureuse, monsieur Tollet n'a pas de vraie réponse. Les politiques monétaires menées ont comme objectif fondamental les radications de l'inflation. Cette victoire est gagnée, mais elle a comme contrepoids le chômage de masse actuelle. La question est de savoir si un schéma déflationniste dangereux ne peut s'enclencher en continuant trop loin ce type de politique. La crise de 1996 peut déjà en être un signe.

Dès l'instant où on rentre dans l'Union monétaire, celle-ci doit avoir la capacité de redéployer des politiques d'offre et de demande différente.

L'euro et l'Union monétaire ne peuvent pas être qu'un simple projet social et politique à travers lequel des politiques de redéploiement sont possibles.

Sur la comparaison avec d'autres pays, monsieur Tollet souligne que le projet de loi définit l'encadrement salariale à travers des trois pays de référence, mais il laisse la possibilité de comparaison avec d'autres pays compétiteurs. Le degré de liberté est beaucoup plus grand que celui de la loi du 6 janvier 1989.

Pendant les mois de juillet et août, le Conseil central de l'économie prépare les deux rapports pour la fin du mois de septembre. Le Conseil a l'ambition de faire toutes les comparaisons de telle sorte à ce que les interlocuteurs sociaux aient le maximum de renseignements quant au niveau de compétitivité de l'économie belge et sur la manière de négocier les marges.

Sur la question d'un sénateur à savoir si on ne pouvait pas accentuer les analyses de type sectoriel ou, à la limite subordonner la manière dont on gère la loi à travers les secteurs, monsieur Tollet répond négativement. La loi a une vocation macro-économique. On ne peut pas prendre la loi du 6 janvier 1989 comme une loi d'indice sectorielle parce que c'est une loi fondamentalement macro-économique. Ce projet de loi est une loi purement macro-économique, qui est la manière d'encadrer les salaires dans un concept positif de compétivité, la cohérence avec nos politiques d'assainissement et la politique monétaire.

L'objectif fondamental de notre politique monétaire depuis l'ancrage au D. Mark, est de faire en sorte que tous les différentiels de taux d'intérêts sont en faveur de la Belgique.

Par rapport à cette cohérence, l'encadrement et le processus de formation des salaires vient baliser cette cohérence macro-économique. Les trois volets sont liés. On pourrait analyser les aspects sectoriels de la compétitivité, mais ce résultat ne sert pas à grand chose du point de vue de la conception macro-économique de ce projet de loi. Cet exercice économique intéressant n'a pas de vocation de « manager » la politique économique.

Quant à la subordination par rapport aux trois pays de référence, la loi est très souple. Nous avons la capacité d'encadrer nos salaires en regard des pays compétiteurs. Si nous optons pour une concurrence salariale, accentuant la déflation européenne, ceci signifierait l'échec de l'Union monétaire. Il serait normal que les peuples se révoltent ou qu'il y ait des modalités de négociations plus grandes entre les syndicats. Les deux grans syndicats de ce pays sont déjà en train de programmer des rencontres informelles avec leurs collègues hollandais et allemands pour comprendre comment ils négocient leurs salaires et le fonctionnement des secteurs.

II. Exposé de monsieur Verplaetse, Gouverneur de la Banque nationale de Belgique

La Belgique a une économie ouverte. La moitié de la production de biens et services est vendue à l'étranger, dont environ 60 p.c. dans les pays voisins. La création d'une zone monétaire entre ces trois pays et la Belgique signifie que, pour environ 80 p.c. de notre production, il n'y aura plus aucun problème de taux de change ni de taux d'intérêt, de sorte que les industriels pourront se consacrer complètement à la production et à la vente et non plus au financement et aux plus-values financières.

La Belgique est-elle compétitive? La Belgique peut certainement vendre suffisamment à l'étranger. En réalité, la Belgique exporte plus qu'elle n'importe.

Le problème le plus important en ce qui concerne notre compétitivité est qu'elle s'accompagne d'une pénurie d'emploi. La Belgique est devenue le pays des restructurations. L'intensité du facteur travail dans notre croissance économique laisse à désirer.

Le Gouverneur souligne que l'emploi est fonction de trois éléments : la croissance économique, la relation entre le prix de revient du facteur de production qu'est le travail et celui des autres facteurs de production et le progrès technique.

Les salaires ont augmenté pendant la période 1987-1995 de 4,5 p.c. Environ la moitié de cette augmentation est à mettre sur le compte de l'inflation et l'autre moitié représente une augmentation de salaire en termes réels. Dans les trois pays de référence, l'augmentation salariale s'est limitée à 3,5 p.c. Cela signifie qu'en réalité, l'augmentation des salaires en Belgique a dépassé de 1 p.c. celle des autres pays. Selon le modèle économétrique de la Banque nationale, si l'augmentation salariale en Belgique s'était maintenu au même niveau que celle de ces trois pays de référence, l'on aurait créé, par an, 10 à 12 000 emplois à temps plein. Ces emplois ont donc été sacrifiés.

La compétitivité et l'emploi sont liés. Il est erroné de vouloir juger la compétitivité exclusivement sur la base des parts de marché à l'exportation. L'emploi est un problème de valeur ajoutée. Pour ce qui est de l'emploi, une baisse des exportations et une baisse des importations n'auront que peu d'effets. Si la Belgique a perdu des parts de marché à l'exportation, elle en a gagné à l'importation.

La Belgique est le pays des P.M.E., ce qui fait qu'elle limite ses exportations essentiellement aux pays proches.

L'emploi est le problème principal de la Belgique. Ces dix dernières années, la situation ne s'est pas fondamentalement améliorée. Allons-nous enfin réussir à rendre la croissance économique, même si elle est limitée, plus grande consommatrice de main d'oeuvre ?

Échange de vues

Un commissaire souligne que le Gouverneur est parvenu à la même conclusion que lui, à savoir que notre pays est confronté à un grave problème d'emploi. La compétitivité ne peut être envisagée que dans ce contexte. L'économie dans son ensemble n'a aucun intérêt à la compétitivité si elle s'accompagne de la perte de milliers d'emplois.

Dans son exposé, le Gouverneur s'est contenté de prendre comme référence nos trois voisins les plus importants.

La loi du 6 janvier 1989 prévoyait de prendre 5 et 7 pays comme pays de référence. Si l'on veut se faire une idée aussi précise que possible de la compétitivité globale, il faut utiliser les chiffres de la Commission européenne, qui concernent les 19 pays les plus importants. La Commission examine elle aussi le flux des importations et des exportations pour y intégrer la compétitivité sur les marchés étrangers. Les chiffres de la commission montrent que la Belgique a perdu plus de 15 p.c.

Lorsqu'une économie connaît des difficultés, toutes ces pertes de compétitivité sont encore plus mal ressenties que lorsqu'elle est saine.

Comment expliquer que le handicap du passé n'a pas été corrigé ?

Pour l'avenir, ce Gouvernement propose de se référer au même cadre (les trois pays les plus importants). Dans la logique de l'Union économique et monétaire, on peut laisser de côté les pays extérieurs à l'Union. Néanmoins, la logique voudrait que l'on prenne l'ensemble des pays de l'Union comme point de comparaison. Si l'on se réfère uniquement à trois pays, la Belgique pourrait subir une perte de compétitivité vis-à-vis des 9 autres pays, sans que cela n'apparaisse dans les calculs.

M. Tollet affirme que le projet de loi permet des comparaisons plus larges, mais cette affirmation est inexacte, car il se limite explicitement aux trois pays de référence.

Même si la comparaison est facultative, le Gouvernement ne saurait puiser aucun pouvoir de la comparaison avec d'autres pays.

Au cours surtout de la première étape de l'Union, les pays qui n'appartiennent pas au noyau dur bénéficieront encore d'une certaine liberté et de la possibilitê d'adapter les taux de change. Comment dès lors apporter les corrections nécessaies dans un tel mécanisme ?

Selon le projet de loi, il faudra mener une action préventive. Cependant, l'expérience de la loi du 6 janvier 1989 a plutôt été négative dans ce domaine.

Un membre constate que les États membres de l'U.E. font de gros efforts pour atteindre la norme des 3 p.c. L'on réduit dans la mesure du possible les dépenses publiques et le coût salarial. De telles mesures ont un effet déflationniste.

Ces mesures rappellent la politique déflationniste menée par la Grande-Bretagne dans les années 20. Malgré une monnaie forte, la politique de cette dernière s'est soldée par un déclin de l'emploi et du niveau de prospérité.

Ce scénario ne risque-t-il pas de se répéter, au niveau européen cette fois ? Quelle attitude l'Europe doit-elle adopter vis-à-vis des autres grands blocs économiques (les États-Unis, le Japon) ?

Un sénateur demande quelle est la référence de l'étude de la Banque nationale sur l'augmentation du côut du travail et de l'évolution du progrès technique. Cette question est importante car M. Verplaetse a déclaré que la création de nouveaux emplois dépend essentiellement du taux de croissance du coût du travail et des développements techniques.

N'y a-t-il pas un quatrième critère à prendre en considération, notamment le type de marché ? Est-ce que le raisonnement vaut de la même façon pour un marché ouvert à la concurrence internationale, pour un marché abrité et pour un marché potentiel (cf . les services de proximité) ?

Est-ce que le gouverneur considère qu'il y a encore beaucoup de création d'emploi possible dans le marché hautement concurrentiel ? Selon les prévisions des différents secteurs, il faut s'attendre plutôt à des baisses d'emploi. c'est dans les secteurs du marché abrité à haute intensité (comme le horéca et la construction) et dans les secteurs potentiels que l'on peut créer de l'emploi.

L'intervenant constate que le C.V.P. et le V.L.D. préconisent le modèle des Pays-Bas puisque ce pays a créé davantage d'emploi que d'autres pays. Quelle est l'appréciation du gouverneur en ce qui concerne les Pays-Bas ? La création d'emploi aux Pays-Bas provient-elle d'un coût salarial plus modéré ou de la redistribution du temps de travail ? Comment le gouverneur explique-t-il qu'en Belgique les accords d'entreprise donnent très peu de résultat en ce qui concerne la redistribution du temps de travail et la création d'emploi ?

L'intervenant constate enfin que depuis des décénnies, la croissance est de plus en plus lente en Europe. Cette croissance structurellement lente ne s'explique-t-elle, tout au moins en partie, par l'évolution de la répartition des revenus dans l'économie, aussi bien entre les ménages qu'entre les ménages et les entreprises d'autre part ? Est-ce que le niveau faible de la consommation provient non seulement d'un taux de chômage important, mais aussi d'une modification de la redistribution des revenus à l'intérieur des ménages ?

Un autre membre cite l'exemple de l'Irlande. Ce pays a bénéficié d'un certificat de bonne vie et moeurs pour le seul critère de convergence auquel la Belgique ne satisfaira pas, notamment le taux d'endettement de 60 p.c. du P.I.B.

M. Verplaetse fait remarquer que le Danemark à également un taux d'endettement de 60 p.c., lequel est toutefois en baisse.

Le membre souligne que l'Irlande et le Danemark ont toujours un taux d'endettement d'environ 75 p.c. du P.I.B. Ces pays ont toutefois réduit leur endettement année après année de pourcentages de 2 à 8 p.c.

La Belgique en est toujours au niveau de 133 à 134 p.c., ce qui est pratiquement le double des pays qui viennent de recevoir leur certificat de bonne vie et moeurs. Toutefois, le ratio dette publique/P.I.B. ne diminue chez nous que d'1,5 à 2 p.c.

Comment un expert indépendant pourrait-il considérer que la Belgique satisfait au critère relativement souple de l'évolution de l'endettement publique, à moins qu'un effet boule de neige inverse se produise et le ratio dette publique/P.I.B. diminue de manière substantielle ?

L'intervenant ahoute qu'il se place uniquement sur les critères techniques prévues dans le Traité de Maastricht, parce que personnellement, il n'a pas le moindre doute que la Belgique participera à la troisième phase de l'U.E.M. au début de 1999.


Réponses de M. Verplaetse

M. Verplaetse reconnaît les mérites de la loi du 6 janvier 1989 relative à la sauvegarde de la compétitivité, mais il estime néanmoins qu'elle est dépassée.

Une première imperfection concerne l'interférence des taux de change. Ensuite, la loi tient uniquement compte de l'évolution de nos prestations en matière d'exportations, et non des parts du marché intérieur que nous détenons. Enfin, le mécanisme de sauvegarde de la compétitivité instauré par la loi fonctionne de manière curative et non préventive.

L'on a limité le nombre d'États membres de référence car on a constaté qu'il est extrêmement difficile d'intégrer davantage de pays dans les calculs. En effet, pour chaque pays, il faut traiter de nombreuses données, telles que l'évolution de l'emploi, les coûts salariaux et les perspectives en la matière pour les années à venir.

Nous pouvons nous contenter de rassembler ces données pour l'Allemagne, les Pays-Bas et la France, trois pays avec lesquels nous avons des taux de change stables, une convergence monétaire et qui sont également nos partenaires commerciaux les plus importants.

En ce qui concerne les données chiffrées disponibles sur le secteur privé, les statistiques de l'U.E. n'offrent pas une bonne base. Elles se rapportent en effet à l'ensemble de l'économie et il faut donc d'abord en extraire le secteur public. L'opération produit toutefois une image très déformée.

De ce point de vue, les statistiques de l'O.C.D.E. sont beaucoup plus utiles. Cette organisation publie une statistique semestrielle de l'évolution du salaire moyen par travailleur dans le secteur privé. Cependant, comme ils ne tiennent pas compte du travail à temps partiel, ces chiffres doivent eux aussi être corrigés. L'extension du travail à temps partiel varie d'un pays à l'autre. S'il est passablement peu répandu en Belgique, aux Pays-Bas, par contre, les deux tiers des femmes qui ont un emploi optent pour un régime de travail à temps partiel.

Comment calculer la masse salariale payée par les entreprises belges ? La valeur ajoutée est la donnée la plus fiable pour ce faire. Elle est principalement constituée de la masse salariale, que l'on obtient en additionnant les revenus. Comme les revenus sont inférieurs à la production qu'ils sont censés refléter, il est cependant nécessaire de leur appliquer un correctif. Il faut en effet tenir compte de l'économie parallèle. L'on prétend parfois qu'en Belgique, l'économie parallèle représente 12 p.c. (contre 4 p.c. en Allemagne, 8 p.c. en France et 20 p.c. en Italie).

Pour calculer le salaire moyen, l'O.C.D.E. divise la masse salariale par le nombre de travailleurs enregistrés, sans apporter de correctif pour les personnes actives dans le circuit parallèle. Il s'ensuit que le salaire moyen belge est un peu surestimé par rapport à celui des pays voisins.

Sur la base de ces chiffres, la Belgique a accumulé un handicap de 8 à 10 p.c. en termes de coûts salariaux.

Mais l'O.C.D.E. calcule aussi le coût salarial par unité produite. Il ressort de ces statistiques non publiées que les coûts salariaux moyens de la Belgique sont légèrement inférieurs à ceux de nos trois principaux partenaires commerciaux. La productivité belge est par conséquent très élevée.

Il va de soi qu'il faut interpréter les prévisions avec prudence. Elles peuvent cependant fournir une indication utile pour la politique à suivre.

Au début de 1998, on déterminera quels sont les États membres de l'Union européenne qui entrent en ligne de compte pour l'adhésion à l'U.E.M. Certains figureront parmi les élus (les « pre-ins ») alors que d'autres ne pourront adhérer que plus tard (les « ins »). Dans l'intervalle, tous les États membres tendent à la stabilité et à un taux d'inflation faible, qui constituent les meilleures garanties d'une croissance durable à long terme.

Les États-Unis se focalisent traditionnellement sur le progrès et moins sur la stabilité. L'Europe continentale, elle, préfère la stabilité et évite l'« aventure ».

Ces dernières années, la croissance économique a été plutôt médiocre en Europe. On ne peut cepandant pas en imputer la responsabilité aux mesures techniques qui ont été prises en vue de satisfaire aux normes de convergence du Traité de Maastricht. On aurait dû, en effet, les prendre de toute façon.

La Belgique a connu ces derniers temps une croissance annuelle de 2 p.c. environ. Ce niveau de croissance est neutre sur le plan budgétaire et n'entraîne pas de création d'emplois. Pour les politiques ce sont des conditions de travail ingrates, car il est impossible de masquer les problèmes structurels et l'opinion publique a l'impression de vivre une récession permanente.

Au niveau mondial, on distingue actuellement trois grands blocs économiques fondés respectivement sur le dollar, le yen et le mark allemand. En s'accrochant au mark, la Belgique s'intègre dans un ensemble plus vaste, ce qui, économiquement, lui permet de s'attaquer aux marchés extérieurs sur une base d'égalité plus grande.

Un modèle économétrique élaboré par la Banque nationale de Belgique a examiné le rapport entre le coût du facteur de production « travail » et celui des autres facteurs de production. Le modèle évalue l'élasticité à 0,54 p.c., c'est-à-dire que, si le coût du facteur de production « travail » augmente d'1 p.c. de plus que celui des autres facteurs de production, l'emploi augmentera de 0,5 p.c. en moins après une certaine période.

En ce qui concerne la question sur les types de marchés ­ marché concurrentiel, marché abrité et marché potentiel ­, on n'a pas fait une distinction. Il existe toutefois une distinction entre l'industrie et le secteur des services. Pour maintenir l'emploi dans l'industrie, il faut un taux de croissance de 4 p.c. Le taux de croissance correspondant dans le secteur des services n'est que de 1,5 p.c. La moyenne est un taux de croissance de 2 p.c.

Une modération salariale dans le secteur industriel au sens étroit peut ralentir le rythme des dégagements de personnel dans ce secteur, mais permet surtout de créer de l'emploi dans le secteur des services.

Quant au modèle des Pays-Bas, le gouverneur fait remarquer que ce modèle de concertation salariale est d'une extrême rationalité. Le « Sociaal-Economische Raad » calcule annuellement la hausse des salaires qui ne touche pas à l'emploi. Cela constitue la base pour les négociations salariales. Les secteurs de même que les syndicats s'y conforment. Cette pratique informelle a profité largement à la stabilité du florin.

Le modèle belge de concertation salariale correspond le mieux au modèle autrichien.

En outre, les Pays-Bas disposent d'autres atouts.

La société néerlandaise est favorable au travail à temps partiel. Les Pays-Bas disposent d'une réserve de gaz naturel. Ils ont enfin une forte industrie de produits alimentaires. En général, la consommation privée de produits alimentaires est nettement moins sensible aux variations cycliques.

M. Verplaetse estime l'effet favorable des mesures préconisées par la loi-cadre à 15 000 unités par an, mais il s'agit de chiffres tout-à-fait provisoires.

Dans ce dernier cas de figure, l'emploi dans les entreprises aura augmenté de 0,1 p.c. Ce n'est pas beaucoup, mais au moins il n'aura pas accusé une baisse qui sinon aurait atteint ­ 0,7 p.c. à 0,8 p.c.

Les accords d'entreprise sont difficiles à juger. L'ensemble des mesures le sont d'ailleurs : croissance, mesures en faveur del'emploi, ...

Même les économétristes de la Banque Nationale n'arrivent pas à ventiler les effets sur les emplois bénéficiants de certains soutiens financiers, tellement il y a de la diversité parmi des différentes sortes de mesures.

Tout ce qu'on peut déduire sans risquer de se tromper, est qu'un accroissement de 4 000 unités a été réalisé pour une croissance de 1,2 à 1,3 p.c.

Globalement, il en reste un effet légèrement positif.

Si l'on constate que la croissance économique de mai 1995 à mai 1996 a été de 1,2 à 1,3 p.c., cela ne suffit pas pour maintenir l'emploi, puisque, pour y arriver, il faudrait atteindre un taux de 2 p.c.

En ce qui concerne la croissance structurelle, dans les années '60, elle était de 5 p.c. l'an, tandis que les 10 dernières années, elle n'est plus que de 2 p.c.

Il faut toutefois nuancer ces chiffres en comparant à d'autres pays : l'effet des niveaux peut vicier l'interprétation. Ainsi, a-t-il été plus facile à l'ex-Allemagne de l'Est d'atteindre des taux de croissance très élevés, puisqu'elle partait d'un niveau très bas. Or, dès que la part de la production industrielle dans le P.I.B. aura atteint un seuil significatif, la croissance diminuera d'elle-même.

En plus, la productivité dans l'industrie dépasse de loin celle dans le secteur services.

À la question de savoir quelle est la relation entre revenus des entreprises et salariés et entre ceux des différentes catégories de travailleurs, il répond que dans la valeur ajoutée des entreprises (secteur public non compris), les salaires représentaient 60 p.c. dans les années 60, 78 p.c. en 1981 pour revenir à 59 p.c. en 1996.

Ceci constitue un bel équilibre, et ce d'autant plus que la part des bénéfices est plus élevée maintenant que jadis.

L'on pourrait en déduire qu'une part trop peu élévée du revenu des entreprises dans la valeur ajoutée est néfaste à la croissance.

Pour ce qui concerne la répartition des revenus entre salariés, il se fie au modèle élaboré par le service d'études de la Banque Nationale de Belgique, et qui a servi à élaborer deux hypothèses, c'est-à-dire :

1º une hausse des salaires à répartir entre les actifs;

2º pas de hausse, mais un engagement de chômeurs équivalent à 1 p.c. du nombre des travailleurs salariés.

Il est apparu que la consommation devrait demeurer inchangée après 40 trimestres dans les deux hypothèses.

Dans la deuxième hypothèse, la consommation triplerait après 4 trimestres par rapport à la première hypothèse, mais cette croissance diminuerait graduellement pour disparaître complètement après 40 trimestres.

Il en découle que si l'on poursuit un objectif de relance, il faut opter pour cette dernière éventualité.


En ce qui concerne les normes de Maestricht, il faut d'abord respecter la norme de 3 p.c. de déficit annuel sauf circonstance exceptionnelle.

L'endettement ne peut pas dépasser 60 p.c. du P.I.B., mais il n'y a pas d'empêchement à l'entrée dans le système, dès lors qu'on prouve qu'on s'en rapproche suffisamment.

Quant à savoir si ce qui est le plus important dans l'appréciation est, soit l'effet, soit le niveau, soit le mouvement, il pense que c'est plutôt le mouvement.

Il tient toutefois à attirer l'attention de la commission sur la considération qu'une fois que le pays est devenu membre de l'Union monétaire, il sera difficile de vérifier le déficit.

Il est persuadé que, dès lors qu'on ne dépasse jamais les 3 p.c. de déficit annuel, plus personne ne fera attention au critère d'endettement. Avec une moyenne de 2 p.c. de croissance et 2 p.c. d'inflation, il doit être possible de s'en sortir honnêtement, avec un gain de 1 p.c.

Pour ceux qui sont à délibérer comme l'Irlande et le Danemark, et autres, on en parlera plus tard.

Quant à savoir comment on va constater qu'un état a fait suffisamment d'efforts pour se rapprocher de la norme d'endettement maximal, ce sera une question politique.

À la question d'un sénateur de pouvoir disposer des études prévisionnelles issues du modèle économique de la Banque Nationale, il répond que ce n'est pas possible, puisque ce modèle ne sert pas à prévoir les évolutions, mais bien à analyser les événements passés. Il ne serait donc d'aucune utilité au sénateur qui a posé la question.


C. REMARQUES LÉGISTIQUES ET LINGUISTIQUES

La Commission émet les remarques légistiques et linguistiques suivantes :

Article premier

Dans le texte français viendront remplacer « Article 1er » par « Article premier ».

Article 2

Dans son avis, le Conseil d'État a indiqué que la définition du terme « participations bénéficiaires », contenu dans le texte de l'avant-projet de loi, devrait être complétée. Or, cette définition a disparu du projet déposé ! L'article 10, 1º, du projet mentionne cependant encore les « participations bénéficiaires, telles que définies par la loi ». D'après le Conseil d'État, cette dernière loi doit être sanctionnée et promulguée au plus tard en même temps que le projet à l'examen.

Article 3

Les mots « de technische berekeningswijze » n'ont pas la même signification que l'expression « les modalités techniques du calcul », qui est présumée correcte.

Article 4

Suggestion pour le début du § 1er :

« Avant le 31 janvier et le 31 juillet de chaque année... »

Dans le texte français, il faudrait éviter la répétition des mots « des États membres de référence ». Il est préférable d'écrire « de ces pays ».

Cet article dispose, in fine du premier alinéa, que : « Le cas échéant, des suggestions sont formulées en vue d'apporter des améliorations ». On ne voit pas d'emblée à quoi ces améliorations doivent être apportées le cas échéant. L'on peut supposer qu'il s'agit de mesures à proposer en vue d'améliorer la politique en matière de salaires et d'emploi. Mieux vaudrait le mentionner explicitement.

Selon le deuxième alinéa du §1er (et le deuxième alinéa de l'article 5), un rapport est transmis aux « Chambres législatives fédérales ». Ne serait-il pas préférable de parler, comme à l'article 5 du projet de loi 608/1 - 95-96, des « présidents de la Chambre des représentants et du Sénat?

Comme le §2 n'énonce pas une règle de droit, il n'a pas sa place dans la loi elle-même.

Article 5

La commission suggère :« Avant le 30 septembre de chaque année... ».

Il n'a pas été donné suite à la remarque du Conseil d'État (Observations gén., 2.1, deuxième alinéa) concernant la notion de « marge (salariale) maximale ».

Article 6

Concernant la notion de « marge maximale », voir supra.

La commission fait remarquer que le texte néerlandais du deuxième alinéa du §2 est totalement illisible.

Article 7

La délégation au Roi qui est visée au §2 parle de « mesures supplémentaires en faveur de l'emploi, entre autres en ce qui concerne ... ». Est-ce bien autorisé et/ou nécessaire ? Suggestion :« en particulier ».

Article 9

Au sujet du deuxième alinéa du §1er de cet article, le Conseil d'État écrit, dans son avis, qu'il importe de toute manière de fixer sans équivoque la base de l'amende administrative dans le projet même. Pour ce faire, il y a lieu de préciser ce que signifient les mots « le double du dépassement de la marge visée aux articles 6 et 7 ». Il n'a pas été donné suite à cette observation.

Le dernier alinéa de l'article 9 ne faisant qu'énoncer une intention, cette disposition n'a pas sa place dans le projet.

Article 10

La commission renvoie à l'article 2 pour la remarque sur les « participations bénéficiaires ».

Qu'entend-on par garantir la neutralité fiscale des participations bénéficiaires ? S'agit-il de les taxer ou de les exonérer ? (Voir l'exposé des motifs, doc. Chambre nº 609/1, p. 11)

Article 11

§1er. (texte néerlandais) : « ...een bijsturingsmechanisme dat van toepassing wordt ... ».

§3. Le §3 du texte néerlandais devrait être rédigé comme suit :

« Bij ontstentenis van een bijsturingsmechanisme op sectoraal niveau of wanneer het in §2 bedoelde bijsturingsmechanisme ondoelmatig blijkt, is het ... ».

Article 12

§1er : c'est le dépassement de l'évolution du coût salarial qui est visé à l'article 11, §1er. L'ajout d'une virgule après « coût salarial » accroîtrait la lisibilité du texte.

Article 13

§2. Le début du §2 du texte néerlandais devrait être libellé comme suit :

« Indien het in artikel 11, §1 of §2, bedoelde bijsturingsmechanisme ontbreekt of ondoelmatig blijkt, kan de ... ».

§3, 2º. Dans le texte français , les mots « chacun en ce qui les concerne, prendront » doivent être remplacés par les mots « prendront, le cas échéant, chacun en ce qui les concerne ».

Au dernier alinéa du §3, l'objectif « d'assurer une évolution de l'emploi parallèle » est beaucoup plus fort que « de ontwikkeling van de wergelegenheid af te stemmen ». Pour le reste, il y a lieu de rappeler une fois encore qu'un simple objectif n'a pas sa place dans une disposition légale.

Article 14

Selon le Conseil d'État, force est de constater que le §1er n'indique pas explicitement à quoi doit équivaloir la modération des revenus des indépendants. Cela est indiqué dans l'exposé des motifs, mais la question est de savoir si c'est suffisant.

Article 15

On peut se demander si cette disposition ne pourrait pas être insérée à l'article 22.

Article 16

Quant au §2 : cette disposition est-elle bien à sa place ?

Article 18

Cette disposition revêt un caractère plutôt facultatif. Pourquoi n'en a-t-on pas fait une obligation ?

Le ministre répond ce qui suit :

Article premier

Le ministre se déclare d'accord avec la correction de texte.

Article 2

La définition du terme « participations bénéficiaires » a disparu du texte à la suite de l'avis du Conseil d'État car elle faisait référence à une loi qui n'est pas encore adoptée et était donc dépourvue de toute portée.

Article 4

1. Le ministre se déclare d'accord avec la correction de texte.

2. Le texte original du projet de loi indiquait « de ces pays ». La Commission ad hoc de la Chambre a toutefois opté pour la répétition des mots « des États membres de référence » pour plus de clarté.

3. Des suggestions peuvent être formulées en vue d'apporter des améliorations non seulement à la politique en matière de salaires et d'emplois mais aussi aux aspects structurels de la compétitivité. Le Gouvernement n'entend pas limiter le champ des suggestions qui peuvent être formulées en étant trop précis.

4. Les mots « aux Chambres législatives fédérales » ont été introduits dans le texte à la Chambre à la place des mots « au Parlement » que contenait le projet initial.

Le Gouvernement n'aperçoit pas en quoi il serait préférable de parler des « présidents de la Chambre des représentants et du Sénat ». Le rapport n'est pas destiné aux seuls présidents.

5. Il est exact que le § 2 n'énonce pas une règle de droit. Le Gouvernement préfère toutefois le maintenir dans le texte, s'agissant d'une étape potentielle de la procédure qui sera suivie et qui est décrite dans la loi.

Article 5

1. Le ministre se déclare d'accord avec la correction de texte.

2. Le Gouvernement a décidé de maintenir l'expression « marge maximale », contrairement à l'avis du Conseil d'État. Cette expression lui paraît en effet rendre bien l'idée d'une zone, dont l'ampleur maximum est fixée, dans laquelle devront se situer les augmentations salariales (cf. l'expression marges maximales de fluctuation dans le système monétaire européen par exemple). Les augmentations de coût salarial au niveau des secteurs ou des entreprises peuvent rester en deçà du maximum. En outre, l'augmentation effective peut être inférieure à la marge pour des raisons exogènes : inflation moindre que prévu ou diminutions ultérieures des cotisations sociales patronales.

Article 6

1. Voir supra .

2. Le texte néerlandais a été adapté à la Chambre. En quoi est-il illisible ?

Article 7

Les mots « entre autres » expriment bien l'intention du Gouvernement qui est de ne pas limiter les mesures qui peuvent être prises en faveur de l'emploi aux mesures mentionnées.

Article 9

1. Le Gouvernement n'aperçoit pas en quoi le § 1er , alinéa 2 doit être précisé. On trouve, du reste, une formulation analogue dans l'arrêté royal portant exécution de la loi de 1989.

2. Le dernier alinéa de l'article 9 n'énonce pas une intention mais indique dans quel sens le Conseil supérieur pour l'emploi doit formuler ses recommandations.

Article 10

1. Voir article 2.

2. La loi qui définira les « participations bénéficiaires » précisera la manière dont sera garantie la neutralité fiscale.

Article 11

1. Les corrections du texte néerlandais devraient être examinées avec les membres néerlandophones de la commission.

2. Le texte proposé ne correspond pas à la version française qui a, elle-même, été adaptée à la Chambre.

Article 12

Le ministre se déclare d'accord avec la correction de texte.

Article 13

1. et 2. Le ministre se déclare d'accord avec les corrections de texte.

3. La concordance des mots est à décider avec les membres néerlandophones de la commission.

4. Encore une fois, il est faux qu'un « simple objectif » n'ait pas sa place dans une disposition légale, notamment parce que cela fixe un cadre à la concertation du Gouvernement et des interlocuteurs sociaux.

Article 14

Comme le relèvent les services du Sénat, l'exposé des motifs est clair. Le Gouvernement est dès lors d'avis qu'il n'est pas nécessaire de modifier le texte de la loi.

Article 15

A priori, pas d'objections à la remarque des services du Sénat mais cela boulverserait la numérotation des articles et rendrait particulièrement compliquée la lecture des travaux préparatoires. Il est donc préférable de ne pas y donner suite.

Article 16

L'article 48 vise des mesures qui doivent être prises avant le 1er janvier 1999. L'article 12, § 2, est donc bien une mesure transitoire qui module l'application de l'article 9, § 1er . Il est par conséquent à sa place dans le chapitre VI.

Article 18

Le Gouvernement ne souhaite pas rendre l'intervention du Conseil supérieur pour l'emploi obligatoire en cas de circonstances exceptionnelles.


D. DISCUSSION GÉNÉRALE

1. Questions posées par les membres de la commission

En lisant l'exposé du ministre et le rapport de la Chambre (Doc. Ch., nº 609/9 ­ 95/96), un sénateur a été frappé par le fait que le discours tenu est un discours extrêmement général et global. L'intervenant demande au ministre de l'Économie de fournir plus d'informations sur la réalité dans les différents secteurs de l'économie belge.

D'après les analyses du Bureau du plan, la compétitivité « coût » de l'industrie manufacturière en Belgique a eu tendance à se dégrader par rapport aux trois pays de référence. Il serait intéressant de voir dans quels secteurs ou sous-secteurs la dégradation est la plus manifeste. Cette question est d'autant plus pertinente que si l'on complète une analyse de la compétitivité « coût » par une analyse de la compétitivité « structurelle », l'on s'aperçoit que la structure de nos exportations en comparaison avec celle des trois pays de référence est la plus défavorable. Selon les catégories très globales qui figurent notamment dans une analyse du Bureau du plan de mars 1985, l'U.E.B.L. pour les exportations manufacturières est en dernière position pour les produits à croissance de demande forte. Par contre, elle est en première position pour les produits dont la croissance de la demande est faible. On voit bien qu'à côté de l'analyse de la compétitivité « coût », la compétitivité dite « structurelle » est importante.

Le sénateur avoue que dans les rapports qui devront fournir, deux fois par an, le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail, l'analyse de la compétitivité « structurelle » constituera un des chapitres. N'empêche que la loi-cadre et la fixation d'une norme maximale des salaires nominaux portent sur une des variables, c'est-à-dire la compétitivité « coût » et laissent de côté l'aspect structurel.

Quel est le sentiment général du ministre par rapport à l'évolution de la compétitivité structurelle de la Belgique et de ses trois régions ?

Le sénateur demande également au ministre une analyse sectorielle, régionale et chronologique de la compétitivité. À la Chambre, seul M. H. Bogaerts, lors d'une audition, y a fait allusion.

Le projet de loi à l'étude vise à définir une marge maximale pour l'accroissement des salaires nominaux sur une base intersectorielle. Cette norme est d'application pour tous les secteurs et même pour toutes les entreprises.

Le sénateur cherche à comprendre la dynamique sous-jacente entre l'évolution de cette norme intersectorielle et les évolutions sectorielles et d'entreprises. On sait qu'en Belgique, traditionnellement, la formation des salaires est fondamentalement de l'ordre du secteur et encore davantage ces dernières années de l'ordre des entreprises. En Belgique, il y a donc une tendance vers une formation décentralisée des salaires comme d'ailleurs dans beaucoup de pays européens. Dans la nouvelle loi, l'articulation de ces différents niveaux est peu claire. En d'autres termes, par exemple, est-ce que le fait de prendre en considération et de centrer la négociation entre les interlocuteurs sociaux uniquement sur cette norme sectorielle, signifie que l'on figera les disparités existantes entre les secteurs et entre les entreprises ? Pour l'intervenant, il n'a pas été répondu à cette question à la Chambre.

Les participations bénéficiaires n'entreraient pas dans la norme salariale. L'intervenant souhaite savoir ce que recouvrent ces participations bénéficiaires et quels types de salariés sont actuellement visés par ces participations bénéficiaires. Le ministre peut-il confirmer ou non si l'imposition de normes intersectorielles ne sera pas fortement contournée par le développement de différents types de participations bénéficiaires visant différents types de salariés dans l'entreprise.

L'intervenant suivant rappelle que la Belgique dispose déjà depuis le 6 janvier 1989 d'une loi qui, comme le projet à l'examen, avait pour but de sauvegarder la compétitivité. Il est utile d'examiner si cette loi a été efficace dans le passé. Cela s'impose d'autant plus que lors de son adhésion à l'U.E.M., la Belgique va renoncer à l'un des éléments les plus importants de la politique économique, à savoir les ajustements de parité, et qu'alors tout le poids de l'adaptation de la compétitivité reposera sur l'évolution du coût salarial. Dans la mesure où cette adaptation ne peut être spontanée, la Belgique doit se doter d'un mécanisme qui rende impossible tout dérapage à ce niveau. Un pays exportateur et ouvert comme le nôtre doit assurément faire en sorte que son développement économique ne prenne pas de retard sur celui de l'étranger.

Le membre se demande comment il se fait que l'économie belge ait visiblement besoin d'une telle réglementation, alors que d'autres petites économies ouvertes comme celles des Pays-Bas et du Danemark sont parfaitement en mesure de s'imposer une modération salariale qui préserve leur compétitivité extérieure sans devoir recourir à la contrainte de la loi.

Selon l'intervenant, cette nécessité est liée à deux caractéristiques du système belge : le processus même de fixation du niveau des salaires et la relative irresponsabilité dont font montre les interlocuteurs sociaux lors des négociations salariales.

Depuis 1989, il existe une loi qui doit empêcher que la compétitivité de l'économie belge ne connaisse de nouveaux dérapages. À cet effet, le Gouvernement de l'époque a élaboré une sorte de cadre de référence (nos cinq ou sept principaux partenaires commerciaux) pour évaluer l'évolution du coût salarial par travailleur et, éventuellement, en cas de dépassement de cette référence, faire en sorte de le neutraliser suivant une procédure déterminée.

Le commissaire constate néanmoins qu'en 1996, malgré l'application de la loi du 6 janvier 1989, la Belgique est déjà confrontée à une perte de compétitivité de 8 à 9 p.c., et qu'elle perd davantage de parts de marché que ses principaux partenaires commerciaux. Il est donc clair que la législation actuelle est un échec. Pendant la période 1989-1996 aussi, le Conseil central de l'économie a fait rapport deux fois par an au Gouvernement sur notre compétitivité. Selon l'intervenant, ce conseil et d'autres instances ont estimé chaque fois qu'il n'y avait pas encore de dérapage de notre compétitivité, et que, par conséquent, il n'y avait pas encore lieu d'enclencher tout le mécanisme prévu. L'intervenant ajoute que, quand des problèmes se sont posés ces quatre dernières années, les instances consultatives en question ont chaque fois considéré que la situation reprendrait rapidement une évolution favorable. Pour le Gouvernement, il n'était par conséquent jamais nécessaire d'intervenir. L'économie s'enfonçait de plus en plus sans qu'apparemment le Gouvernement s'en inquiète le moins du monde.

On entend souvent répliquer à cela que la Belgique est le champion de la productivité. C'est grâce à cette dernière l'on a pu compenser en termes de coûts salariaux une partie de la perte de compétitivité. Mais on oublie alors d'ajouter que cette croissance de la productivité s'accompagne de licenciements et donc d'une hausse du chômage. La seule manière dont la Belgique est donc parvenue à préserver plus ou moins sa compétitivité a consisté à renouveler de plus en plus son appareil de production en le rationalisant et en occupant moins de travailleurs, au lieu de s'attaquer au problème autrement et de faire d'abord en sorte de pouvoir occuper les gens, de laisser le renouvellement de l'appareil de production se faire spontanément, et de pouvoir investir effectivement les gains de productivité obtenus dans la création d'emplois. Au lieu de cela, la Belgique a d'abord fait en sorte que nous ne soyons plus compétitifs, si bien qu'il a fallu utiliser intégralement les hausses de productivité pour assurer notre survie.

Un commissaire estime qu'en dépit de ce bilan négatif du résultat de l'application de la législation précédente sur la compétitivité, à quelques adaptations près, le nouvelle procédure qui est proposée est largement calquée sur celle que l'on a utilisée dans le passé.

Il ajoute que, suivant la loi de 1989, la compétitivité de la Belgique a reculé de 8 à 9 p.c. Si, toutefois, l'on examine les coûts salariaux belges en fonction du concept le plus large, c'est-à-dire celui qu'utilise la Commission européenne pour mesurer l'évolution des coûts salariaux des 19 pays industrialisés et en vertu duquel elle applique une double pondération en ce qui concerne les exportations pour tenir compte de la concurrence par rapport à des tiers, il apparaît que, dans la période 1989-1996, la baisse de la compétitivité n'aura pas été de l'ordre de 8 à 9 p.c., mais plutôt de 17 p.c. au moins.

En adoptant le nouveau système, le Gouvernement se facilite encore un peu plus la tâche dans la mesure où il apporte quelques adaptations au système existant. Au lieu de 5 ou 7 pays, il ne prend plus comme référence que les trois principaux partenaires commerciaux de notre pays (l'Allemagne, les Pays-Bas et la France). En outre, la pondération applicable à ces pays est fonction, non pas de leur part dans le commerce extérieur, mais de leur P.N.B. Selon l'intervenant, le Gouvernement estime que la situation est sous contrôle si la Belgique parvient à se maintenir au niveau de ces trois pays pour ce qui est de la compétitivité. Il en conclut que le Gouvernement vit dans une tour d'ivoire. La Belgique ne fait pas du commerce qu'avec les trois pays précités, hélas. En ce qui concerne la période 1989-1996, le handicap concurrentiel de la Belgique atteint 5,9 p.c. et 17 p.c. par rapport aux trois nouveaux pays de référence, par rapport aux 7 principaux partenaires commerciaux visés dans le cadre du système défini par la loi de 1989 et, enfin, par rapport aux 19 pays industrialisés sélectionnés par la Commission européenne. Il est donc facile d'imaginer dans quelle situation la Belgique va se retrouver.

Pour l'intervenant, l'argument du Gouvernement selon lequel les variations de change n'auraient plus que des conséquences limitées dans le cadre de l'Union économique et monétaire européenne ne serait valable que si tous les pays adhéraient à U.E.M. Or, il est d'ores et déjà établi que certains pays n'y adhéreront pas ou ne pourront pas y adhérer, du moins pas au départ. La thèse selon laquelle les pays du noyau dur conviendront d'un régime spécial avec les autres, en vue de limiter les variations de change, a déjà été avancé dans le passé. Cela n'a empêché ni l'éclatement du système existant, en 1993, et cela n'a pas empêché non plus certains pays de laisser leur monnaie se déprécier de manière substantielle pour devenir plus compétitifs, notamment par rapport à la Belgique. Le ministre semble toutefois se faire peu de soucis à ce sujet pour ce qui est de l'avenir.

En résumé, la diminution du nombre de pays de référence soulève un premier problème significatif. Le fait que le Gouvernement estime que le handicap concurrentiel accumulé dans le passé n'est pas un problème, en soulève un deuxième. En effet, la loi en projet ne mentionne nulle part la nécessité de résorber d'abord ce handicap. Le Gouvernement estime donc manifestement que nos entreprises doivent soutenir la concurrence avec les moyens dont elles disposent actuellement.

Le commissaire ajoute que lorsque l'on analyse bien la loi en projet, l'on se rend compte qu'il est peu probable que l'on pourra prévenir une nouvelle dégradation de la situation. En effet, elle prévoit un système qui comporte en tout état de cause une augmentation minimum des salaires, et ce, indépendamment de ce qui se passe à l'étranger. Cependant, le projet à l'examen prévoit aussi un plafond qui est imposé par l'étranger. Il ne tient cependant pas compte du fait que l'on pourrait très bien rencontrer des situations dans lesquelles le minimum excéderait le maximum susvisé. Les augmentations salariales minimales peuvent en effet excéder les augmentations salariales qui auront été accordées chez nos trois principaux partenaires commerciaux. La loi en projet ne prévoit pourtant aucun mécanisme de correction pour ce genre de situation. En effet, s'il y a un excédent, il peut être transféré à l'année suivante. La loi en projet ne dit toutefois pas quel mécanisme il y a lieu d'appliquer pour corriger le handicap qui résulterait de l'absence de tout excédent.

L'intervenant observe également que le projet prévoit que s'il y avait déséquilibre et que les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la correction à apporter, le Gouvernement pourrait imposer lui-même une correction. Il n'est donc pas tenu de le faire. Dans le passé, le Gouvernement n'a jamais usé de cette possibilité, parce qu'il n'en avait pas le courage.

La pondération inadéquate de l'importance des trois pays de référence est également néfaste pour l'évolution de la compétitivité.

En conséquence, dans sa forme actuelle, le projet de loi n'est absolument pas de nature à assurer la sauvegarde préventive de la compétitivité. Cela est dû au fait que chaque fois qu'une adaptation technique est nécessaire, le système prévu choisit systématiquement l'option comportant les plus grands risques de dérapage. De cette manière, selon l'intervenant, les chiffres officiels paraîtront ainsi toujours plus favorables qu'ils ne le sont en réalité.

De surcroît, le projet stipule encore que le Gouvernement et les partenaires sociaux réaffirment leur confiance dans nos traditions de concertation sociale. Pour sa part, l'intervenant ne leur fait que fort peu confiance car, selon lui, l'expérience passée a démontré suffisamment que les deux parties ne faisaient guère preuve de sens des responsabilités lorsqu'il s'agit de servir les intérêts de l'économie belge elle-même et non les intérêts des syndicats ou les intérêts politiques.

L'intervenant déplore ensuite que le Gouvernement ait en outre décidé d'étendre l'une des rares mesures efficaces en matière de réduction des coûts salariaux, à savoir l'opération Maribel, à un nombre plus élevé d'entreprises sans toutefois majorer l'enveloppe budgétaire actuelle de 15 milliards de francs. Cette extension implique que le bénéfice qu'en tirera chaque entreprise sera sensiblement moins élevé qu'auparavant et que là aussi, par conséquent, il y aura aggravation du handicap de compétitivité.

Les entreprises exportatrices bénéficieront donc d'une réduction des coûts salariaux bien moindre que par le passé. S'il veut éviter que cette opération ne soit vidée de sa substance, le Gouvernement devrait augmenter l'enveloppe disponible. Le membre croit cependant savoir que ceci n'entre pas dans les intentions du Gouvernement. Plusieurs ministres ont en effet déclaré qu'il n'y avait aucune marge budgétaire pour une diminution des coûts salariaux. Tout le monde, y compris le Gouvernement, s'accorde pourtant à dire que si notre pays manque de dynamisme économique et ne crée pas d'emploi, c'est principalement en raison des coûts salariaux élevés.

Le Gouvernement, cependant, n'est pas encore parvenu à tirer les leçons de cette constatation. La seule leçon qu'il sache tirer, c'est que, lorsqu'il faut envisager une réduction des cotisations sociales, celle-ci doit en tout cas passer par le mécanisme du financement alternatif. Selon l'intervenant, recourir au financement alternatif, c'est tout simplement relâcher la pression qui pèse sur les entreprises pour accroître celle qui pèse sur les citoyens. On diminue donc les charges des entreprises pour augmenter celles des citoyens. En d'autres termes, on donne, d'une part, un ballon d'oxygène aux entreprises pour qu'elles créent davantage d'emplois grâce à la réduction des coûts salariaux et, d'autre part, on s'en prend au revenu disponible du consommateur, ce qui freine donc la consommation.

Le Gouvernement devra bien alors constater une nouvelle fois avec stupéfaction qu'aucune reprise économique ne se manifeste et que le chômage et le nombre des faillites continuent d'augmenter. Pourtant, quiconque possède quelques notions d'économie est capable de comprendre que cette évolution découle logiquement de la politique suivie.

Pour montrer qu'il est possible de mener une politique économique différente et plus judicieuse, l'intervenant prend l'exemple des Pays-Bas. Là-bas, le gouvernement a réduit nettement (de 4 ou 5 p.c.) la pression fiscale et parafiscale sur les revenus, sans compenser ces réductions de charges en faveur des entreprises par des augmentations d'impôts pour les particuliers.

On peut constater en l'espèce que ces quatre dernières années, la consommation privée des Pays-Bas s'est accrue deux fois plus vite qu'en Belgique. En outre, la croissance économique néerlandaise atteint presque le double de la nôtre. Qui plus est, on a créé aux Pays-Bas 150 000 emplois supplémentaires, alors que la Belgique ne parvient pas à créer ne serait-ce qu'un emploi digne de ce nom. On peut tenir le même raisonnement pour le Danemark.

Le commissaire se demande vraiment quelles preuves il faudrait encore apporter pour inciter le Gouvernement belge à changer de cap. À ses yeux, notre approche ne vaut rien et elle enfonce de plus en plus notre économie.

Le pire, c'est que cette politique est menée en pleine période de préparation à notre adhésion à l'Union économique et monétaire. Une fois que cette Union sera devenue effective, la suppression du risque de change va inviter les entreprises des grands pays, contrairement à aujourd'hui, à se tourner davantage vers l'étranger, comme nos entreprises le font déjà. Cela signifie que la concurrence sera plus vive que jamais pour les entreprises belges. On peut dès lors se demander si la politique du Gouvernement belge est bien la préparation idéale pour le futur. L'intervenant pense résolument que non. Selon lui, la F.E.B., la V.E.V., l'O.C.D.E. et le F.M.I. partagent ce point de vue.

L'une des principales raisons pour lesquelles en Belgique, contrairement à d'autres pays, il faut légiférer pour maintenir l'évolution salariale dans des limites raisonnables, est notre processus de détermination du niveau des salaires. La Belgique est le seul pays de l'U.E. à connaître encore une indexation salariale pleine et entière. En plus de ce handicap, la tradition belge de concertation sociale à tous les niveaux (national, sectoriel et entreprise) veut que l'on recommence une nouvelle fois les négociations salariales. Le résultat de ces tractations en cascade ne peut que contraster défavorablement avec les pays voisins.

Bien que ce problème posé par la détermination des salaires soit crucial, on n'en trouve trace nulle part dans le projet de loi relatif à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. Comme l'essence même du problème est absente de la loi d'habilitation, le membre en conclut que le projet de loi sert uniquement à donner l'impression que le Gouvernement fait quelque chose, alors qu'il n'aborde pas le fond du problème.

En outre, à part un embryon de financement alternatif de la sécurité sociale, il n'est pas davantage question dans toute la loi-programme du niveau des coûts salariaux. On y chercherait en vain la réduction fondamentale de ceux-ci pour stimuler l'économie et, surtout, créer de l'emploi. L'intervenant estime dès lors que ce Gouvernement ne se préoccupe pas de résoudre les problèmes.

Aussi, le groupe dont l'intervenant fait partie n'est-il rien moins qu'enthousiaste à l'égard de cette loi-cadre. Il la trouve même tout à fait superflue et néfaste, parce que pour l'extérieur elle donne l'impression que grâce à elle, on parviendra à maîtriser les problèmes. Toutefois, avec l'exprérience que l'on a de la loi de 1989, il est clair dès maintenant qu'il n'en sera rien. Au contraire, les nouveaux mécanismes prévus réussiront probablement encore moins bien que précédemment à maintenir l'évolution des coûts salariaux dans les limites préconisées.

L'intervenant annonce dès lors qu'il combattera ce projet de loi par tous les moyens. Son groupe se voit dans l'obligation de l'évoquer pour ne pas donner, sans cela, au Gouvernement et à la majorité l'occasion de prétendre que l'opposition avalise son contenu.

Selon un intervenant, le Conseil d'État estime que le projet à l'examen doit être qualifié comme étant une loi-cadre : il s'agit d'une loi délimitant fortement ses compétences, en fonction d'un objectif précis et en fonction de moyens d'action relativement restrictifs.

Cependant, à la différence de la loi du 6 janvier 1989, il n'est plus fait appel au Parlement que dans les circonstances qualifiées par cette même loi d'exception. Il pourrait se produire par contre dans le cas d'ordinaire, que le Gouvernement se dote de pouvoirs spéciaux pour intervenir dans le domaine des conventions collectives sans que cela donne lieu à la sanction parlementaire, comme cela a été le cas en 1993 dans le cadre du Plan Global.

L'intervenant est d'avis qu'il faut rétablir cette sanction législative aux cas où le Gouvernement veut se doter de pouvoirs pour intervenir dans les conventions collectives.

Le même membre fait état d'un deuxième problème. La Belgique s'est délibérément mise en infraction avec la Convention nº 98 de 1949 ratifiée en 1953 de l'Organisation internationale du Travail (O.I.T.) dans laquelle les gouvernements s'engagent à ne pas intervenir dans la liberté de négociation des interlocuteurs sociaux.

Dans la législation de pouvoirs spéciaux en vigueur de 1982 à 1986, le gouvernement est intervenu de façon sporadique dans les conventions collectives en limitant leur portée. Cela nous a valu un blâme de l'O.I.T. Le membre ne critique pas le gouvernement de l'époque mais il demande dans quelle mesure le projet à l'examen respecte les conventions de l'O.I.T., incorporées par leur ratification dans notre législation et qui priment sur la loi nationale (annexe relative aux débats de la Commission d'Application des Normes de l'O.I.T. de 1985).

Après ces quelques considérations préliminaires, l'orateur donne un aperçu des diverses formes d'intervention gouvernementale dans la formation des salaires depuis les années septante.

En effet, les chocs pétroliers sont allés de pair avec un transfert considérable de richesse et de bien-être vers les pays producteurs de pétrole. Cette situation n'a pas été immédiatement comprise par les autorités belges. Devant l'ajustement nécessité par ce transfert d'actifs vers les pays producteurs de pétrole, les fonctionnaires spécialisés de l'Union européenne citaient la Belgique comme le mauvais élève qui maintenait les clause d'indexation des rémunérations notamment en faveur du travail salarié et qui utilisait l'instrument de l'emploi public comme réponse à l'ajustement économique que l'on ne faisait pas. De 1970 à 1981, l'emploi public est passé de 637 000 à 881 000.

Dans cette période, les revenus de l'État ont diminué alors que les dépenses ont massivement augmenté, la cause majeure de la crise budgétaire dans laquelle nous avons glissé à partir de la fin des années septante et qui continue jusqu'à ce jour avec des intensités diverses.

D'ailleurs, dès que la crise résultant du déficit budgétaire actuel dû à la dette publique sera résorbée, le déficit budgétaire résultant du paiement des pensions publiques surgira. Une politique de revenus s'imposait donc bien avant 1982 et se poursuivra bien loin dans le 21ème siècle.

La loi de redressement du 30 mars 1976 portait ses effets à partir du 1er avril 1976 jusqu'au 31 décembre de la même année. Cette loi était assez efficace et suspendait l'indexation des rémunérations pour la partie dépassant 40 250 francs (montant mensuel brut indexé). Une sanction majeure s'imposait : pour les avantages nouvellement acquis, un prélèvement correspondant à la moitié de l'avantage est versé tant par le travailleur que par l'employeur.

La mini-loi de blocage des salaires du 23 décembre 1980 était applicable du 1er janvier 1981 au 15 février 1981 et permettait au Gouvernement de «parrainer» la négociation d'un accord social entre employeurs et travailleurs qui a été signé le 13 février 1981.

Cette mini-loi a permis un blocage maximal des salaires par une convention collective : pendant l'année 1981, tous les salaires étaient bloqués au-delà de l'indexation, sauf à concurrence de 1 p.c. pour les rémunérations inférieures à 35 000 FB. Ces conventions garantissaient la paix sociale pendant les années 1981 et 1982.

Le membre rappelle que le gouvernement Martens-Gol a dévalué le franc belge de 8,5 p.c. en février 1982 ­ dévaluation qui avait été refusée pendant des années par les gouverneurs successifs de la Banque Nationale parce qu'ils prétendaient ne pas avoir les instruments de contrôle de la politique des revenus qui devaient accompagner cette mesure.

Le déficit global des finances publiques atteignait en 1981 16,3 p.c. (contre 9,1 p.c. en 1979) ce qui est fort éloigné des 3 p.c. qu'on ambitionne d'atteindre à l'heure actuelle. Notre balance de paiement montrait un déficit de 6,3 p.c. du P.N.B. À ce rythme-là, nos réserves étaient en train de fondre. La situation d'aujourd'hui est entièrement différente.

Le Gouvernement de 1982 a mis en oeuvre brièvement un blocage intégral des prix et des salaires. À partir du 1er juin 1982 l'indexation était refusée au-delà du revenu minimum mensuel garanti de 27 357 francs - il faut se souvenir que l'inflation annuelle était de 9 p.c.. En contre-partie, on a également modéré les autres revenus : loyers, revenus des classes moyennes, les professions libérales, les tantièmes.

La complexité d'un tel système est la préfiguration de ce que le gouvernement propose actuellement. Ce système très complexe avait comme principal objectif de rendre la compétitivité aux entreprises ce qui est exactement l'objectif poursuivi par le Gouvernement actuel.

L'année 1983 a été caractérisée, de nouveau, par une modération de revenus : interdiction de l'octroi de tout nouvel avantage salarial et prolongation du système d'indexation forfaitaire jusqu'à ce que deux indexations de 2 p.c. soient intervenues dans les services publics.

Dès décembre 1983, on en revient à l'indexation normale des salaires mais on est passé à un système d'indice lissé.

Par la suite, trois sauts d'index sont transformés en cotisation définitive de modération salariale au bénéfice de la sécurité sociale pour un montant final de 5,77 p.c. sur trois années.

Toutes ces mesures ponctuelles en vigueur de 1982 à 1986 ne faisaient toutefois pas référence explicite à une « norme » de compétitivité.

Par contre, à partir de 1983 entre en vigueur pour la première fois le système qui mènera à la loi du 6 janvier 1989. La loi du 11 avril 1983 portant dispositions fiscales et budgétaires indiquait que les coûts de travail en Belgique ne pourraient augmenter, pour 1983 et 1984, par rapport à la moyenne de l'année précédente dans une plus forte mesure que la moyenne pondérée des sept partenaires commerciaux de la Belgique - on n'a donc pas limité la comparaison à des pays qui sont proches et dont le taux de change ne change guère par rapport à la Belgique, mais on se comparait aussi avec le Royaume Uni, l'Italie, le Japon et les États-Unis.

Le coût salarial était le seul déterminant de comparaison. Pendant la période que cette norme était en vigueur, le Gouvernement a amélioré la compétitivité.

Dans les années 1985 et 1986 la norme de compétitivité imposée par la loi du 11 avril 1983 a été prorogée. Un élément nouveau a été ajouté dans l'évaluation de la position compétitive de la Belgique : la flexibilité dans l'utilisation des facteurs de production. La Belgique se caractérise par un régime peu flexible qui peut être considérablement amélioré.

Bref, dans la période 1982-1986 nous avons connu un système de modération salariale qui a maintenu notre compétitivité.

Les années 1987-1988 ont été caractérisées par un retour de la « libre » négociation des conventions collectives. Le Gouvernement n'avait émis que des « recommandations » pour que les négociations salariales ne débouchent pas sur des augmentations de salaire qui auraient été préjudiciables au maintien de la compétitivité. Ces recommandations ont eu leur effet et le texte de l'accord interprofessionnel précisait que les interlocuteurs devaient être « responsables ».

Bien qu'il n'y eût pas de normes de compétitivité pendant cette période, le Conseil central de l'économie a évalué pour la première fois (le 30 octobre 1987), la compétitivité de l'économie belge par rapport à celle de ses partenaires. Sous l'influence des syndicats, le C.C.E. ajoutait, à côté de la notion de compétitivité salariale, la notion de situation structurelle de l'économie, c'est-à-dire le pourcentage du P.I.B. consacré à l'innovation, le pourcentage consacré à l'investissement, etc.

La grande faiblesse est que ces derniers chiffres ne sont jamais connus qu'avec des années de retard.

La loi de sauvegarde de la compétitivité du pays du 6 janvier 1989 modifie fortement, probablement sous l'influence syndicale, les critères d'appréciation de la compétitivité du pays.

En effet, les indicateurs deviennent multiples et contrebalancent la place du coût salarial comme indicateur :

1. les performances aux exportations calculées sur la base des gains ou pertes de parts de marché de l'U.E.B.L. en comparaison avec les cinq principaux partenaires commerciaux européens de la Belgique (l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Italie).

Le premier critère est donc le révélateur immédiat de la détérioration de notre position compétitive (art. 2 de la loi);

2. l'évolution des coûts salariaux (art. 3) dans les mêmes pays, plus les États-Unis et le Japon;

3. l'évolution des coûts financiers (art. 4) dans les sept pays (à court terme, l'intérêt des Eurodevises à trois mois, et à long terme);

4. l'évolution des coûts énergétiques (art. 5) pour les cinq pays européens (prix de l'électricité pour l'utilisateur de catégorie 3 = 4 000 kW);

5. L'évolution des déterminants structurels de la compétitivité (art. 6) pour les cinq pays européens (formation brute de capital fixe les entreprises en valeur par rapport au P.I.B., dépenses intérieures brutes en R&D (p.c. P.I.B.) et financement public de la R&D (p.c. P.I.B.).

La loi stipule que la compétitivité est menacée et que, dès lors, le Gouvernement peut intervenir s'il y a dégradation des performances à l'exportation accompagnée d'une détérioration de l'un des autres critères.

Deux fois par an, le Conseil central de l'économie établit un rapport d'analyse ­ un rapport annuel avant le 31 mars et un rapport intermédiaire avant le 30 septembre. L'un et l'autre de ces rapports contiennent notamment une analyse des critères d'évaluation cités ci-dessus. Au rapport annuel doit être ajouté un avis au sujet de la compétitivité.

Après avoir reçu le rapport annuel, et l'avis, en cas de mise en cause de la compétitivité, le Gouvernement convoque les interlocuteurs sociaux à une concertation. Ces interlocuteurs sociaux disposent, d'un mois à partir de cette convocation, pour arrêter, par la voie d'une convention collective de travail, des mesures sauvegardant ou rétablissant la compétitivité.

Si le Gouvernement estime, après l'expiration de ce délai, que la compétitivité reste menacée, il peut soumettre aux Chambres législatives une déclaration en ce sens. Lorsque les Chambres ont constaté par une note que la compétitivité est menacée, le Roi peut, prendre les mesures conformément à l'article 10 qu'il juge nécessaires à la sauvegarde ou au rétablissement de la compétitivité.

Cette procédure a été appliquée une seule fois dans le courant de l'année 1993 et cela dans le cadre du « Plan Global ».

Le membre souligne la longueur et la lenteur de la procédure qui sauvegarde, toutefois, un caractère démocratique, étant donné que le Parlement doit intervenir.

En dehors de cette procédure normale, le chapitre III de la loi du 6 janvier 1989 prévoyait une procédure en cas de circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire des événements d'origine extérieure menaçant la compétitivité du pays : dévaluation, choc pétrolier, catastrophe naturelle...

Cette procédure exceptionnelle permettrait, elle aussi une intervention des Chambres législatives (art. 9, § 5). Le membre ajoute que cette procédure particulière n'est pas visée par le projet actuel et continue donc à subsister.

Quels sont les inconvénients de la loi du 6 janvier 1989 ?

Le nombre de critères, leur mesure, les délais de la communication et la concertation rendent la procédure plus lente que la norme de compétitivité simple basée sur le coût salarial qui a régi notre économie de 1982 à 1986. Pour ces raisons, cette procédure garantit moins de résultats positifs.

Quelle devrait être la qualité des critères pour rendre une norme de compétitivité efficace ?

En premier lieu, le critère doit être aisé à constater et peu contestable par les opérateurs économiques. L'orateur se réfère à sa propre intervention, lors de la discussion en séance plénière sur le projet devenu la loi du 6 janvier 1989 (Doc. parl. Sénat, Annales du 21 décembre 1988).

En second lieu, ces informations doivent être rapidement disponibles.

En troisième lieu, il faut que le critère ait un lien avec la compétitivité et que le Gouvernement puisse y porter remède.

À la lumière de ces trois conditions, la loi du 6 janvier 1989 est particulièrement faible.

Quand on examine les critères qui se sont ajoutés aux deux critères principaux, à savoir les performances à l'exportation et les coûts salariaux, on doit constater que ces critères sont soit impossibles à mesurer dans le délai requis, soit des éléments sur lesquels le Gouvernement belge n'a aucune prise.

Les coûts financiers sont, par exemple, un facteur exogène réglé par le marché et les liens entre le BEF et le DEM.

Le Gouvernement ne peut nullement influencer les coûts énergétiques : notre consommation est de l'ordre de 55 millions de tonnes d'équivalent de pétrole et est négligeable par rapport à une consommation mondiale de 8 milliards de tonnes d'équivalent de pétrole.

En ce qui concerne le dernier critère, les déterminants structurels, tous les partenaires sociaux se plaignent de la non-disponibilité des données de base.

Un autre inconvénient de la loi du 6 janvier 1989 est qu'elle se réfère à une base unique, c'est-à-dire les données de l'année 1987 (art. 1er , § 2). Cette base s'est vite dégradée comme point de référence. Il faut plutôt se baser sur une moyenne mobile en comparant par exemple par périodes de deux ans pour avoir un terme de référence plus approprié et plus récent.

Il est donc tout à fait compréhensible que le Gouvernement désire remplacer cette loi dans le cadre de l'entrée de la Belgique dans l'Union économique et monétaire qui impose une politique préventive et non correctrice des dérapages dans la compétitivité. Ce même membre estime devoir formuler cependant beaucoup de réserves quant au projet de loi à l'examen.

Il se réfère à l'article 4 du projet, qui traite des rapports sur l'évolution de l'emploi et de la compétitivité. Deux fois par an, le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail émettent un rapport commun sur l'évolution de l'emploi et du coût salarial en Belgique et dans les États membres de référence. Ce rapport doit également comporter une analyse de la politique en matière de salaires et d'emploi des États membres de référence, ainsi que des facteurs de nature à expliquer une évolution divergente par rapport à la Belgique. Il est également fait rapport sur les aspecs structurels de la compétitivité et de l'emploi, notamment quant à la structure sectorielle des investissements nationaux et étrangers, aux dépenses en recherche et développement, aux parts de marché, etc. En d'autres termes, il s'agit d'un amalgame incohérent, tandis que la loi du 6 janvier 1989 contenait une classification précise à laquelle les interlocuteurs du Conseil central de l'économie devaient se tenir. Dans le présent article 4, tout et son contraire se retrouve. Il reprend même la phrase que « le cas échéant, des suggestions sont formulées en vue d'apporter des améliorations ». Les interlocuteurs sociaux sont bien bons s'ils acceptent encore de présenter des idées de façon rigoureuse. Le résultat sera de la littérature et rien d'autre.

Par contre, le membre admet qu'il faut faire de la prévention parce que le problème, dans l'hypothèse où la Belgique fait partie de l'Union monétaire, est qu'il ne restera aucun instrument significatif de politique économique nationale. Le Gouvernement ne peut plus agir ni sur l'intérêt, ni sur l'escompte, sauf si la situation se dégrade tellement en politique intérieure qu'en réalité la Belgique doit payer des taux d'intérêt ou des taux d'escompte plus élevés que ses partenaires, malgré la monnaie unique.

Le Gouvernement n'a pas de marge de manoeuvre concernant les finances publiques et n'a plus d'instruments dans le domaine douanier et en matière de commerce extérieur en général. En matière fiscale, le Gouvernement dispose encore d'instruments pour augmenter ou diminuer à volonté certains impôts mais pas, par exemple, la T.V.A. Il existe aussi des limites pratiques. Il ne peut plus, par exemple, subsidier les entreprises, ce qui était encore un instrument de politique économique à sa disposition même dans les premières années de l'Union économique et monétaire. Il y a 10 ans, le Gouvernement pouvait encore donner des avantages fiscaux aux entreprises à condition que la mesure fasse partie d'un plan global (voir les subsides sidérurgiques, le plan textile). Ceci n'est plus le cas actuellement en raison des règles de concurrence.

Par conséquent, l'abandon du taux de change laisse comme seule pratique de politique économique des techniques de flexibilité ou de blocage des prix et de modération ou de blocage salarial.

Le principe même d'une politique préventive ne peut pas être contesté. Toutefois, les critiques sont particulièrement valables à l'égard du Gouvernement s'il attend monts et merveilles de l'instrument proposé et mis entre les mains des interlocuteurs sociaux.

Il est prévu que les interlocuteurs doivent fonder leur politique de conventions collectives sur une appréciation de la marge maximale d'augmentation qui reste. Toutefois, on commence par dire que cette marge doit tenir compte de l'existence de l'indexation (que la Belgique, et le Luxembourg, sont les seuls pays à pratiquer à l'échelle que nous connaissons) et des augmentations barémiques qui résultent de l'augmentation d'ancienneté, de l'âge, des promotions normales ou de changements de catégorie individuels, comme prévu par des conventions collectives de travail.

Ce qui devrait être une prévention, va se révéler être un simple constat d'incapacité de donner encore des augmentations, avec comme résultat que, si une convention prévoit une augmentation, immédiatement la marge maximale sera dépassée. Comme les autres pays n'ont pas ce mécanisme d'indexation, l'instrument du projet de loi à l'examen ne fonctionnera pas et donnera immédiatement dépassements après dépassements d'année en année.

Le Gouvernement ne tient pas compte non plus de la nature même de l'activité économique. La productivité dans certains secteurs est plus forte ou augmente beaucoup plus que dans d'autres. Dans certains secteurs, les instruments industriels mis aux mains des travailleurs ont une haute valeur spécifique. On ne peut pas payer une responsabilité majeure pour un équipement de grande valeur avec le salaire d'un manoeuvre dans un secteur faible, ce qui conduit à des écarts parfaitement légitimes de secteur en secteur. La grande faiblesse de ce projet de loi, comme d'ailleurs de la précédente loi, est qu'on se trouve dans un marché totalement ouvert où il faut payer convenablement pour avoir des spécialistes. Même en période de chômage massif, certaines professions spécialisées font défaut.

Le Gouvernement va-t-il sanctionner les secteurs qui dépassent la moyenne marginale telle que définie en la matière parce qu'on compare la situation moyenne du pays avec la situation moyenne de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la France ? Dans certains cas, la marge sera trop forte et, dans d'autres cas, elle sera trop faible. Les secteurs faibles qui ne peuvent pas payer des augmentations adéquates, vont probablement donner trop d'argent à leurs travailleurs et les secteurs forts n'arriveront pas en donner assez. Peut-être le Gouvernement fait-il voter ce projet de loi en n'ayant nullement l'intention de l'appliquer. La plus grande faiblesse du projet de loi à l'examen est qu'il ne permet en réalité pas d'intervenir dans des conventions spécifiques abusivement chères, mais dont le coût élevé, justifié dans le secteur en question, fera tache d'huile.

Tous les pays européens ont connu certaines périodes sans liberté sectorielle. Les Pays-Bas ont connu cette situation pendant la période 1945-1960. Le système était devenu tellement insupportable qu'à partir de 1960, la politique salariale a été régie par des accords sectoriels, qui ont créé toute une gamme différenciée de niveaux de rémunérations.

Le membre fait aussi observer que le Gouvernement prévoit dans chaque nouveau projet de loi qu'il dispose de sanctions spécifiques. Il ne juge pas suffisant de renvoyer simplement au Code pénal, ce qui garantit une hiérarchie acceptable des peines. En outre, les amendes administratives sont entachées de défauts : l'absence de garantie judiciaire et le risque de corruption.

Ensuite, le membre se réfère à l'avis daté du 24 mai 1996 du Conseil central de l'économie sur le projet de loi à l'examen. Ainsi, à l'article 2, du chapitre 1er du projet, en ce qui concerne la définition de l'évolution du coût salarial, il faudrait préciser qu'il s'agit du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé, exprimé en équivalent temps plein et, le cas échéant, corrigé en fonction de la modification dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail.

Le ministre souligne que le Gouvernement a tenu compte de ces observations.

Le membre explique que le Conseil central de l'économie donne ensuite un aperçu des quatre séries pour ce qui concerne le coût salarial et explicite ce qui est imprécis dans le projet de loi.

Le membre rappelle que la proposition du Conseil central de l'économie comporte :

­ le coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé;

­ l'évolution de l'emploi en équivalent temps plein de façon à compenser les évolutions différenciées du temps partiel de pays à pays;

­ l'évolution de la durée conventionnelle annuelle moyenne de travail et de la durée légale du travail;

­ l'évolution de la durée effective de travail qui permet de tenir compte simultanément de la variation des heures supplémentaires, des jours de congés, de la durée conventionnelle sectorielle, de l'absentéisme, ...

Le Conseil central de l'économie indique ensuite que parmi les quatre séries évoquées ci-dessus, seule la série concernant l'évolution du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé basée sur les données de l'O.C.D.E. a été prise en compte dans le rapport semestriel sur l'évaluation de la position compétitive, conformément au critère énoncé dans la loi du 6 janvier 1989. Le restant sera donc neuf.

Ensuite, le Conseil central fait déjà une réserve du même genre que celle que le membre a exprimée ci-dessus, c'est-à-dire qu'au moment de la rédaction du rapport visé dans l'avant-projet de loi à l'article 5, les estimations relatives au coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé ne sont disponibles que pour l'année suivante (t + 1). Il manque donc les prévisions pour l'année ultérieure (t + 2) sans lesquelles le Conseil central de l'économie ne peut pas remplir le cadre fixé par le Gouvernement. Peut-être le ministre peut-il expliquer pourquoi contrairement à ce que dit le Conseil central, les partenaires sociaux allemands, néerlandais et français font bien des estimations pour t + 2.

Une autre critique du Conseil central de l'économie résulte de ce que la majorité de ses membres s'interroge sur la pertinence du choix du coefficient de pondération proposé dans l'article 3, § 2, du projet de loi, à savoir « le poids que représente le P.I.B. global de l'ensemble des États membres de référence, exprimé en monnaie commune ». Il suggère que soit appliqué comme coefficient de pondération le poids utilisé par la Banque nationale de Belgique pour le calcul des taux de change effectifs.

Le membre suggère d'introduire un amendement pour s'aligner sur les demandes du Conseil central de l'économie.

Le Conseil central s'interroge aussi, comme les membres de la Commission, sur les participations bénéficiaires qui sont reprises dans les statistiques de la masse salariale. La définition de la notion de participations bénéficiaires a disparu de l'article 2 du projet de loi. Il serait utile que le ministre explique les motifs de cette disparition et pourquoi le monde socio-économique peut définir lui-même ce qu'il veut.

Il semble que ces participations bénéficiaires jouent un rôle plus important que le ministre ne veuille le reconnaître puisque le Conseil central de l'économie indique que ces participations bénéficiaires doivent absolument être expurgées dans le calcul de la marge d'augmentation du coût salarial. Il y aura une tendance des employeurs à l'inclure dedans et des travailleurs à ne pas l'inclure. Dès lors, le Gouvernement a intérêt, s'il veut donner un mandat clair au Conseil central de l'économie, de préciser ce qu'on entend par participations bénéficiaires et comment elles doivent entrer dans le calcul.

Le Conseil central de l'économie demande qu'à l'article 4, § 1er , concernant l'élaboration du rapport commun du Conseil central de l'économie et du Conseil national du travail, il soit fait référence explicitement à une analyse des aspects structurels de la compétitivité.

Toutefois, le membre est convaincu que le C.C.E. n'arrivera jamais à le faire avec une précision et une rapidité telles que cette approche puisse être vraiment faite autrement que pour le long terme.

Ensuite, le Conseil central a émis une série de considérations concernant le calcul de l'emploi intersectoriel global. Si on calcule un élément d'emploi, encore faut-il qu'on fixe un objectif. Maintenir la compétitivité n'est pas difficile, c'est être moins cher que les autres. Toutefois, l'ambition en matière d'emploi, dans ce calcul, est qu'il faut se fixer comme objectif de maintenir au moins l'emploi intersectoriel global pour assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois pays de référence (l'art. 13, § 3, et l'art. 9, § 3).

Dans l'opinion majoritaire du Conseil central de l'économie, on précise que dès que le Gouvernement en fera la demande au C.C.E., celui-ci donnera un avis sur les participations bénéficiaires.

Le ministre souligne que cet avis a déjà été demandé (voir annexe 1 : copie de la lettre datée du 4 mai 1996 et adressée au président du Conseil central de l'économie).

Le même membre se réfère ensuite à l'avis du Conseil d'État et des services législatifs du Sénat. Quelques observations concernant le texte néerlandais. L'expression « baremieke verhoging » n'existe pas en néerlandais. Il y a lieu d'écrire partout « verhoging volgens de loonschaal ». En plus, comme le Conseil d'État, le Sénat écrit toujours : « ... bij een in Ministerraad overlegd besluit ». Dans le texte français, il y a lieu de remplacer les mots « Article 1er » par « Article premier ». Le membre suggère de corriger le texte à la Chambre avant le vote final.

Ensuite, l'intervenant se réfère à l'article 2 du projet. Dans son avis, le Conseil d'État a indiqué que la définition du terme « participations bénéficiaires », contenu dans le texte de l'avant-projet, devrait être complétée. Or, cette définition a disparu du projet déposé !

L'article 10, 1º, du projet, mentionne cependant encore les « participations bénéficiaires, telles que définies par la loi ». D'après le Conseil d'État, cette dernière loi doit être sanctionnée et promulguée au plus tard en même temps que le projet à l'examen.

Le ministre promet une réponse.

Le membre conclut en précisant que l'objectif fondamental qui est en cause est si essentiel que personne ne songera à le contester. Si nous avions eu une loi comme la loi du 6 janvier 1989 au cours de la décennie '70 et au début des années '80, il est vraisemblable que nous n'aurions pas dû dévaluer le franc belge en 1982. Toutefois, le projet de loi à l'examen n'est pas un instrument très performant et très efficace, certainement moins que la loi du 6 janvier 1989, qu'on n'a utilisée qu'une seule fois en pratique et dont certains des protagonistes, y compris certains ministres, ont dit qu'on n'allait plus jamais l'utiliser.

Tant dans les termes de comparaison, que dans la procédure, que dans l'abandon total du passage devant le Parlement, la nouvelle législation n'est donc guère meilleure que celle du 6 janvier 1989. Le membre estime que pour certains points, le projet de loi est même franchement beaucoup moins bon. Le projet de loi est très peu ambitieux : espace géographique, sélection des critères qui ne sont plus précis, abandon du Parlement, procédure lourde... Les critiques qu'il a émises le 21 décembre 1988 sur la loi du 6 janvier 1989 sont toujours d'actualité.

Un autre membre revient sur les pays de référence qui sont les trois pays les plus voisins avec qui la Belgique a le plus de transactions commerciales. Pourquoi l'importance relative de chaque pays a-t-elle été pondérée sur leur P.I.B., plutôt que sur l'importance de leurs relations commerciales avec notre pays ? En prenant le P.I.B. comme référence, on donne trop de poids à l'Allemagne par rapport aux Pays-Bas.

Le membre souhaite aussi une définition du terme « salaire », qui est employé dans le projet de loi à l'examen. La définition comprend-elle aussi tous les avantages en nature, les chèques-repas, etc. ?

Le coût salarial n'est pas le seul facteur de la compétitivité. La qualité des produits, la qualité des services, la rapidité de livraison, entrent aussi dans les facteurs de la compétitivité. Le membre reconnaît toutefois que le coût salarial reste un facteur très important.

Le même intervenant se pose des questions quant au sort de l'amende forfaitaire que payent ceux qui ne respectent pas la règle. L'argent sera-t-il employé pour financer des mesures de création d'emploi dans le secteur non-marchand, où il y a des besoins évidents, mais pas de possibilités de financement ? Ne faut-il pas craindre que les fruits de la modération salariale soient octroyés aux salariés sous forme d'avantages divers et que rien ne reste pour la compétitivité et pour l'emploi ? Le Gouvernement sera-t-il en mesure de faire quelque chose des amendes administratives ?

Le membre souhaite savoir aussi ce qui est prévu au cas où l'indexation dépasse la fourchette minimum-maximum. La diminution des cotisations patronales entrera-t-elle dans le calcul de la marge ?

Enfin, le membre fait observer que l'article 22 prévoit que le Roi fixe la date d'entrée en vigueur du titre II du projet à l'examen, ce qui n'est pas prévu pour les autres titres du projet.

Un sénateur estime que le projet de loi à l'examen tend à répondre au problème de savoir comment sortir de la période de blocage des salaires. La politique de blocage des salaires a incontestablement donné des résultats. Les chiffres de la Banque Nationale indiquent que non seulement les coûts salariaux sont sous contrôle, mais qu'en outre, les marges de rentabilité des entreprises ont retrouvé leur niveau antérieur. De plus, on est dans un processus de convergence nominale au niveau européen sans précédent.

Parmi les indicateurs macro-économiques, le ministre a renvoyé au taux d'inflation qui est de l'ordre de 2 p.c. et toutes les études indiquent qu'effectivement l'inflation structurelle est maîtrisée.

Ensuite, le membre renvoie aux analyses du Bureau du Plan d'avril 1996. La politique menée en Belgique, comme dans les autres pays européens, a réussi à contrôler structurellement l'évolution des coûts. Le problème est de savoir maintenant ce qu'on fait sortant de la période de blocage des salaires.

Le membre ne conteste pas que la compétitivité ait tendance à se dégrader. Le chiffre de la balance commerciale pour 1995, en termes de soldes, est de 430 milliards environ d'excédent. L'industrie manufacturière contribue à cette somme, pour seulement 208,5 milliards, une grosse partie de l'excédent venant du secteur des services, dont une partie importante est bien sûr liée à l'industrie même.

D'autres données macro-économiques sont aussi intéressantes sur l'état général de l'économie belge. L'intervenant est particulièrement frappé que le taux d'épargne soit très élevé et qu'il soit nettement supérieur au taux d'investissement. Dès lors, nos entreprises ont une capacité nette de financement en termes globaux.

En plus, la rentabilité moyenne s'est redressée. En conclusion, le sénateur souligne que structurellement, la Belgique a de bons indicateurs ­ ce qui justifie la position de la Commission européenne de dire que les données fondamentales en économie sont bonnes et si la croissance ne suit pas au deuxième semestre de 1996, elle suivra au premier semestre de 1997. Selon la Commission européenne, il faut s'attendre à une relance du taux de croissance au deuxième semestre de 1996.

Malgré tous ces indicateurs structurels positifs, le taux de croissance est historiquement faible et continue à diminuer de décennie en décennie, et le taux de sous-emploi est considérable.

D'où la question sur l'évolution de la formation des salaires. Le membre renvoie à l'exposé du gouverneur de la Banque nationale.

Le diagnostic du gouverneur est classique et consiste à dire qu'on n'a pas de problèmes de compétitivité en Belgique si on prend l'indicateur coût salarial/unité.

Par contre, on en a un lorsqu'un propose l'arbitrage salaire/emploi. C'est l'exemple des Pays-Bas qu'un autre membre cite volontiers, et qui est aussi cité par le ministre du Budget comme modèle.

Si on se base sur ce critère-là, on peut prétendre pouvoir créer 120 000 à 150 000 emplois. Mais il faut alors savoir de quelle catégorie d'emplois il s'agit et quelle en sera la qualité.

Le ministre répond qu'effectivement, il dispose d'éléments de réponse qui vont dans le sens de cette thèse. L'emploi à temps partiel, notamment, est beaucoup plus développé aux Pays-Bas.

Le sénateur indique qu'il faut se rendre compte, en outre, du fait que la situation industrielle est tout à fait différente aux Pays-Bas.

Il a ensuite des questions précises à poser au ministre. Il a constaté une diminution des ambitions du Gouvernement, qui fait suite à un véritable dérapage dans le chef du Premier ministre.

Ce dernier a épousé d'abord la thèse de la Commission européenne en prétendant qu'il pouvait réduire de moitié le chômage pour l'an 2000.

Suite à un rappel à l'ordre, le Premier ministre est passé à l'aveu de faiblesse. Il a alors préconisé la stabilisation de l'emploi au niveau intersectoriel. Il se rapproche ainsi de l'analyse du Bureau du Plan, qui prévoit pour les cinq ans à venir 50 000 à 60 000 nouveaux emplois seulement.

Le ministre met en garde contre une interprétation intempestive de chiffres qui sont dans la marge d'erreur du type de modèle qu'utilise le Bureau du Plan.

Le ministre suppose que le sénateur voulait en déduire une conclusion au niveau de la croissance.

Le sénateur prétend que tel n'est pas son propos.

Il se demande surtout pourquoi le Gouvernement s'en tient à une stabilisation de l'emploi. Personnellement, il rejoint plutôt les observations faites par deux de ses collègues qui se demandaient si c'était une bonne idée de tout linéariser en ce qui concerne l'emploi.

Il se réfère à l'opération Maribel, qu'il est impossible de généraliser. Il faut travailler secteur par secteur, et même entreprise par entreprise. La situation est en effet très variée dans le secteur de l'emploi.

La remarque d'un de ses collègues concernait plus spécifiquement les instruments politiques et économiques. Ces instruments devraient tendre à réaliser des objectifs politiques et économiques qu'on s'est fixés d'avance.

La politique annoncée va peser sur les coûts salariaux et en dehors de cela, les effets de l'U.E.M. vont se faire sentir.

Cette pression sur les coûts salariaux, comme la politique de la compression du déficit budgétaire, auront des effets déflatoires à court terme. Une manière de retrouver ce qu'on a perdu sur le plan national en termes d'instruments politiques et économiques est de donner, dans la zone U.E.M., des objectifs macro-économiques coordonnés.

Par exemple, pourrait-on, en cas d'inflation de 2 p.c., se donner un objectif de 3 p.c. ou de 3,5 p.c., si l'on était certain de porter, par ce biais, la croissance à un taux supérieur ?

En d'autres termes, est-ce qu'on peut utiliser le nouvel espace monétaire européen pour retrouver un taux de croissance potentiel plus élevé que celui qu'on a actuellement ?

Le ministre estime que l'on ne peut acheter de la croissance avec de l'inflation.

Le sénateur entend bien que cela n'est pas possible au niveau belge, voire au niveau Benelux. Mais une des raisons de l'adhésion à une zone monétaire européenne, qui peut concurrencer les zones Yen et Dollar, était quand même de se doter d'une autonomie par le biais d'un marché privilégié de 400 millions d'habitants.

Le ministre attire l'attention sur le fait qu'à l'instar de ce qui se passe aux États-Unis, ce ne seront plus les gouvernements, mais la banque centrale qui décidera du pourcentage d'inflation.

Le sénateur prétend que c'est exactement cela qui va se passer en Europe en tant que nouvel univers, ce qui est d'ailleurs confirmé par des experts comme Peter Praet. Ce dernier résume le volet monétaire du traité de Maestricht en deux chiffres, c'est-à-dire p.c. d'inflation et 0 p.c. de déficit. Cet univers ultra-libéral sera dominé au niveau du taux d'inflation par la banque centrale, tandis qu'il incombera aux gouvernements de s'occuper du déficit budgétaire uniquement.

Un certain nombre de socialistes, comme Mme Guigou, se demandent quels sont les instruments macro-économiques à opposer à pareil spectre.

Le sénateur craint fortement qu'il soit trop tard pour se doter de tels instruments. Quels sont en effet les autres critères sur lesquels les gouvernements nationaux pourront encore agir, mis à part les coûts salariaux ?

Le sénateur s'insurge toutefois contre un trop grand renoncement. Pourquoi renoncerait-on à intervenir en vue de l'instauration d'une politique industrielle ? Pourquoi ne pourrait-on activer certains sous-secteurs, à défaut d'avoir une emprise sur le tout ?

Sa dernière question concerne le volet emploi, qui recoupe quelque peu le débat que mène actuellement la Commission des Affaires sociales au sujet du projet de la Chambre nº 607/1. Il renvoie à cet égard à la thèse du Gouverneur de la Banque Nationale, qui préconise comme seule politique de l'emploi de maintenir les coûts salariaux 1 p.c. en-dessous du taux moyen de productivité, voire même de continuer le blocage des salaires.

Afin de pouvoir confronter les thèses, le sénateur demande au ministre de pouvoir disposer des chiffres actualisés de l'étude qu'a publiée le ministère des Affaires économiques à ce sujet. Cette étude contient des données indispensables en termes de plans d'embauche des jeunes, plans de redistribution du travail dans les entreprises, etc.

De cette façon, l'on pourrait vérifier l'efficacité relative de ces politiques qui coûtent beaucoup à l'État et aux contribuables.

Un membre désire émettre quelques considérations sur la situation macro-économique.

Il est clair que la situation économique actuelle est tout sauf brillante, et que le Gouvernement en est incontestablement responsable.

Le nombre de chômeurs s'élève actuellement à 475 000 selon les derniers chiffres publiés. Seulement 37 p.c. de notre population est active, dont seulement 28 p.c. sont employés dans le secteur de la production directe.

Cela signifie qu'en ce qui concerne l'emploi, nous allons nous trouver au même niveau que la Turquie ou la Grèce.

Notre économie se trouve confrontée à un quota d'épargne de 22 p.c., ce qui est dû à la baisse des taux d'intérêts et au fait que la confiance du consommateur est en chute libre.

La preuve en est que le secteur du commerce de détail se lamente, que le chiffre d'affaire des grandes surfaces a diminué de 4 p.c. en 1995, que la vente de l'électro-ménager a baissé de 7 p.c.la même année , que la vente des voitures neuves se situe pour les premiers mois de 1996 au même niveau qu'au début de 1994 et que dans le secteur de l'Horeca, le chiffre d'affaires a reculé de 20 p.c.

Il est clair que le citoyen craint les augmentations d'impôts et la perte de son emploi et de ce fait, consomme moins et épargne plus.

La confiance des producteurs n'est guère meilleure.

Notre pays compte, entre autres, trop peu de nouvelles entreprises.

En comparaison, par exemple, de pays tels que les États-Unis, les investissements sont en grande partie des investissements financiers et de rationalisation, qui créent peu d'emplois nouveaux.

Le nombre de faillites va certainement dépasser les 7 000 cette année.

Il est aussi démontré que l'augmentation de la pression fiscale et parafiscale sur les citoyens et les entreprises, s'élève à un total de 300 milliards.

Une trop forte pression fiscale conduit à la démotivation, la perte du pouvoir d'achat, la perte d'emplois et donc à la destruction de l'économie.

Nos entreprises qui doivent être compétitives sur le marché mondial, sont confrontées à de nombreux handicaps :

­ le coût salarial;

­ la perte permanente de parts de marché. Cela est dû à l'énorme essor économique de l'Extrême Orient.

D'autre part, en 1993, notre économie a été confrontée à des dévaluations compétitives menées par la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Suède et la Grande Bretagne, tous partenaires de l'Union européenne;

­ une législation instable sur les plans social, fiscal et de l'environnement, avec parfois, effet rétroactif;

­ au niveau des gouvernements communautaires, un défaut d'aide à l'industrie et un manque de souplesse en matière d'organisation du territoire.

Dans la région de l'intervenant, en Flandre occidentale, il manque de terrains industriels. C'est là la cause principale de la délocalisation vers le Hainaut et le Nord de la France;

­ les procédures administratives complexes en matières d'obtention de permis de bâtir, d'autorisations d'exploitation et en matière d'environnement.

À côté de cela, il y a la multitude de contrôles et d'inspections en matières sociale, fiscale, d'environnement et technique, qui n'ont jamais été aussi fréquents et sévères.

­ Le travail au noir ou le travail en circuit illégal s'élève, selon certaines estimations, à 15 p.c. du P.I.B. Cela concerne 300 000 à 400 000 emplois.

Il est évident que le coût salarial trop élevé en est la cause principale. Lorsqu'on doit payer 1 200 francs de l'heure pour un ouvrier avec un salaire net de 400 francs de l'heure, ce n'est pas supportable pour l'employeur.

­ Enfin, un handicap d'importance est l'absence de respect pour le monde de l'entreprise de la part de ce Gouvernement.

En matière de coût salarial, l'intervenant cite un exemple frappant.

Un travailleur dans l'industrie voit 37 p.c. de son salaire annuel brut, de 863 000 francs, partir immédiatement dans les caisses de l'État, sous la forme de 207 000 francs d'impôts des personnes physiques, et 110 000 francs de cotisations sociales. Sur ce salaire, l'employeur paye environ 35 p.c. ou 300 000 francs de cotisations patronales. Donc, le coût salarial total s'élève à 1 163 000 francs, dont 53 p.c. vont au fisc et à l'O.N.S.S.

En Allemagne, ce montant s'élève à 46 p.c., aux Pays-Bas à 45,4 p.c., en France à 45 p.c. et au Japon à 21,2 p.c. à peine.

Il est donc incontestable que le prélèvement opéré par l'État sur les rentrées nettes des entrepreneurs est beaucoup trop élevé.

En ce qui concerne le handicap constitué par le coût salarial, depuis le départ des libéraux du Gouvernement, celui-ci a augmenté de 10 p.c. par rapport à la situation de nos sept principaux partenaires commerciaux.

En 1988, il était de 2 p.c. moins élevé que chez nos concurrents, en 1996, il est devenu de 7 à 8 p.c. plus élevé.

Si on élargit la comparaison avec les 19 plus importants partenaires commerciaux de notre pays, la différence est encore plus grande, c'est-à-dire de 11,5 p.c.

Apparemment les pays étrangers ont pris les mesures qui s'imposaient en cette matière.

Il est donc indiscutable que notre économie est confrontée à de très nombreux handicaps et que notre croissance économique est significativement plus faible que dans des pays tels que les Pays-Bas, le Danemark, les États-Unis, le Japon, sans parler des pays du Sud-Est asiatique et de la Chine.

Des mesures doivent être prises d'urgence pour sortir de notre crise sociale et économique.

Dans cette optique, l'intervenant considère comme essentielles les mesures suivantes :

­ l'application de la totalité des normes fixées par le Traité de Maastricht, est une condition indispensable pour la santé de notre économie;

­ la lutte contre l'absence de confiance aussi bien chez le producteur que chez le consommateur;

­ la nécessité absolue de diminuer le coût salarial;

­ la promotion de stimulants pour l'intervention du capital à risque dans l'économie;

­ l'arrêt de l'augmentation des prélèvements fiscaux;

­ une meilleure politique de l'emploi, plus axée sur la créativité que sur la redistribution du travail;

­ l'assainissement, la modernisation ou l'adaptation de la sécurité sociale, qui ne peut plus être différée;

­ une économie saine nécessite d'urgence un environnement adapté;

­ le monde de l'entreprise doit être revalorisé et respecté.

En conclusion, l'intervenant ne croit guère au caractère préventif des mesures du présent projet. On doit donc s'attendre à ce que le coût salarial continue d'augmenter.

La position concurrentielle de la Belgique continuera donc d'en souffrir avec toutes les conséquences néfastes pour notre emploi, pour notre croissance économique et pour le bien-être de notre société.

Il est évident qu'à l'aube du 21e siècle, notre société a besoin d'une autre politique.

2. Réponses du Ministre

Introduction

Le projet de loi a été mis en chantier à la demande des organisations syndicales. Cette démarche a été reprise, en pleine concertation sociale, par le Conseil central de l'économie. La demande était claire : revoir la loi de 1989 sur la compétitivité et mettre l'accent sur l'aspect préventif. C'est là que le Gouvernement touche déjà à la préoccupation de maintien et de développement de l'emploi.

Comparativement à la loi de 1989, il ne s'agit pas ici de restaurer a posteriori la compétitivité. Le présent projet permet ainsi d'éviter l'apparition d'une dégradation. La loi du 6 janvier 1989 se limitait à la possibilité, par ses mécanismes, de corriger les dérapages, non de les prévenir. Elle les corrigeait lorsque les dérapages avaient déjà eu lieu et déployé des effets négatifs, au niveau de l'emploi.

2. Le ministre tient d'autre part à souligner que ce projet s'inscrit bien plus clairement dans notre culture de concertation sociale. Dans la mise en oeuvre, il donne en effet le premier mot aux interlocuteurs sociaux. Ce mot peut être le dernier s'ils parviennent à un accord et, notamment en matière d'emploi, à des mesures jugées suffisantes par le Conseil supérieur pour l'emploi.

Par rapport à la loi de 1989, les rendez-vous de concertation sociale sont plus fréquents et portent sur l'emploi autant que sur la compétitivité. En outre, la compétitivité ne doit pas être présentée comme en contradiction avec l'emploi. Elle constitue au contraire un élément indispensable à toute politique de l'emploi.

En effet, l'absence de compétitivité aurait pour conséquence inéluctable des pertes de marché et donc une diminution de l'activité de nos entreprises, avec les conséquences négatives auxquelles on peut s'attendre pour l'emploi. Parler de compétitivité, c'est donc parler d'emploi. Le projet de loi a ainsi, parmi ses objectifs, de stimuler le développement de l'emploi grâce à une compétitivité permettant aux entreprises d'assurer, de manière profitable, leur expansion sur les marchés et de faire correspondre l'emploi à cette expansion.

L'efficacité du projet en termes de politique de l'emploi sera également renforcée par le bilan social. Ce document permettra notamment d'évaluer l'utilisation et l'impact des aides gouvernementales reçues par les entreprises. Il constituera une des bases des travaux du Conseil supérieur pour l'emploi. Ce Conseil constitue une sorte d'observatoire. Il veille, dans les propositions qu'il formule au Gouvernement, à ce que tous les atouts soient valorisés en termes d'emploi.

Des questions ont, dans ce cadre, été posées quant aux entreprises ou secteurs qui disposent de possibilités financières supérieures à la marge maximale pour l'évolution du coût salarial. Le commentaire de l'article 9 précise, dans son deuxième alinéa, que, dans ce cas, l'évaluation du Conseil supérieur pour l'emploi indiquera si les entreprises « saisissent bien cette occasion pour également développer l'emploi, ce qui est souhaitable ». En d'autres termes, la priorité est bien l'emploi, mais le Gouvernement n'a pas voulu en la matière s'écarter fondamentalement du projet de contrat d'avenir pour l'emploi, préparé avec les interlocuteurs sociaux. Ce dernier texte n'a en effet pas repris les propositions formulées par le président du Conseil central de l'économie. Celui-ci constatait que des développements différenciés pourraient laisser, dans certaines entreprises, une marge financière disponible. Il proposait de l'affecter :

­ soit à des projets favorables à l'emploi dans l'entreprise ou le secteur, comme des projets de formation ou des aménagements du temps de travail;

­ soit, en dehors de l'entreprise, à un fonds interprofessionnel. Ce fonds financerait des mesures favorables à l'emploi dans d'autres secteurs ou d'autres entreprises. La réduction des cotisations patronales était ici citée à titre exemplatif.

Le Gouvernement n'a en fait pas fermé cette porte, qu'il pourrait emprunter dans le cadre des mesures appropriées à prendre par le Roi au cas où les conventions ne comportent pas de mesures suffisantes en faveur de l'emploi. C'est là une voie intéressante, qui permet de contrer les réflexes corporatistes qui pourraient exister.

Pourquoi avons-nous besoin d'une telle loi ?

L'intervenant a partiellement répondu lui-même à la question qu'il posait, et un membre a complété cette réponse.

Ce dernier a bien montré, par l'historique qu'il nous a fait des dispositions de modération salariale dans ce pays, la nécessité, au moins périodiquement ressentie d'un blocage plus ou moins large des revenus.

L'intervenant craint que les spécificités de notre mode de formation des salaires, avec négociations centralisées et décentralisées, à plusieurs niveaux, et l'existence du principe d'indexation des salaires puissent, lorsqu'elles se cumulent, donner lieu à des augmentations excessives. Lorsqu'augmentations excessives il y a, la responsabilité en est d'ailleurs souvent largement partagée entre employeurs et travailleurs. C'est notamment pour encadrer ce 1 que le projet de loi est conçu.

L'intervention a posteriori pour corriger les dérapages, comme on l'a connue jusqu'à présent, sous une forme ou une autre, y compris sous le régime actuel de la loi du 6 janvier 1989, est toutefois difficile à mettre en oeuvre et sans doute peu efficace.

D'abord, elle suppose, par définition, que les pertes de compétitivité soient avérées. Or, au moment où ce constat peut être fait, la détérioration aura déjà affecté l'économie réelle (faillites, pertes d'emploi).

Ensuite, la compétitivité, telle qu'elle se mesure traditonnellement a posteriori, c'est-à-dire en fonction des performances de l'économie nationale, notamment en termes de parts de marché à l'exportation, peut être maintenue grâce à des gains de productivité.

C'est d'ailleurs ce que l'on constate en Belgique. Nous sommes champions en matière de productivité.

Les gains de productivité masquent ainsi les handicaps de coût, mais l'emploi, lui, se détruit inexorablement.

Les mécanismes classiques de sauvegarde a posteriori de la compétitivité conduisent donc, chaque fois que les coûts, et spécialement les coûts salariaux, ont dérapé, à des destructions d'emploi, soit que la compétitivité se soit effectivement détériorée, soit qu'elle ait été maintenue par des rationalisations et des gains de productivité. C'est cela que le Gouvernement veut éviter à l'avenir.

C'est cela aussi que les partenaires sociaux ont voulu éviter lorsqu'ils ont rendu leur avis unanime de mars 1995 au Conseil central de l'Économie et plaidé pour un mécanisme de sauvegarde préventive de la compétitivité.

Le projet propose donc un système d'encadrement de la formation des salaires.

Ce faisant, il permet de laisser intacts les processus de négociation collective des salaires qui sont traditionnels en Belgique.

Il balise cependant la négociation, et permet au Gouvernement d'intervenir si les partenaires sociaux ne s'entendent pas sur le placement des repères.

Les critères de la compétitivité

Un mécanisme préventif de sauvegarde de la compétitivité doit, par nature, agir sur des éléments dont on a la maîtrise et qui se prêtent de surcroît à une quantification. Ni les déterminants structurels et qualitatifs de la compétitivité, ni même certains éléments de coût, tels les coûts financiers ou ceux de l'énergie, ne répondent à ces deux exigences.

D'ailleurs, l'application de la loi de 1989 a bien montré la difficulté de quantifier, même a posteriori, l'effet de ces éléments. Et quand bien même leur évolution serait prévisible, quel impact rapide et efficace pourrait-on avoir sur celle de la plupart d'entre eux ?

Cela n'enlève rien à leur importance et à leur pertinence. C'est pourquoi il importe que l'analyse en soit faite régulièrement. C'est ce qui est prévu dans le projet.

Le Gouvernement et les partenaires sociaux seront amenés à en tirer des enseignements utiles, chacun dans sa sphère de compétence. Il s'agira cependant de nourrir des actions qui portent leurs fruits à moyen ou à long terme. La compétitivité ne réagit pas au quart de tour à une augmentation des dépenses de recherches et développement par exemple.

L'amélioration d'autres déterminants, comme les coûts financiers relatifs par exemple, représente la récompense d'efforts soutenus de stabilisation de l'économie et de crédibilité des politiques.

D'autres aspects de la compétitivité enfin ­ l'intervenante a cité par exemple la qualité des produits ­ relèvent certes d'une politique volontariste des entrepreneurs et des travailleurs de l'entreprise.

Ils ne se prêtent cependant pas davantage à des actions collectives précises et efficaces à court terme. Le ministre n'en est pas moins conscient, comme ministre de l'Économie, de l'importance qu'a, sous l'angle de la compétitivité globale de l'économie, un cadre réglementaire moderne qui ne bride pas les adaptations et les initiatives, tout en assurant la prise en compte des intérêts légitimes des consommateurs et des travailleurs.

Pourquoi 3 pays de référence ? Pourquoi la pondération par les P.I.B. ?

Le commissaire a dit : « on fait comme si le monde, au-delà de nos trois voisins, n'existait pas ».

Bien entendu, le reste du monde existe. Il existe même de plus en plus, avec la réintégration des pays de l'Europe centrale et orientale dans le marché et l'émergence de pays d'Asie.

Simplement, le projet a une logique radicalement différente de la logique traditionnelle de la sauvegarde de la compétitivité sur les marchés extérieurs.

Le raisonnement sous-jacent au projet est un raisonnement adapté à une quasi-union monétaire et à la future union monétaire entre pays d'une zone économiquement de plus en plus intégrée.

Dans une telle zone, les instruments classiques d'ajustement externe que sont les taux de change et les taux d'intérêt, ne sont plus disponibles pour un État membre pris individuellement.

Les barrières de toute nature, tarifaires bien sûr, mais aussi techniques par exemple, ont disparu ou sont appelées à disparaître très rapidement. La zone fonctionne de plus en plus comme une seule économie. Dans cette zone, les divergences trop prononcées dans les évolutions salariales peuvent faire des ravages en termes d'emploi, parce que le poids de l'ajustement ne peut plus guère peser que sur les salaires ou sur l'emploi.

En revanche, la zone de quasi ­ union monétaire ­ ou l'union monétaire ­ peut toujours, prise dans son ensemble, utiliser les instruments classiques d'ajustement externe que sont les taux de change ou les taux d'intérêt.

En d'autres termes, il a semblé pertinent, dans ce contexte, de comparer l'évolution des coûts salariaux en Belgique avec l'évolution dans les 3 pays qui sont et seront nos principaux partenaires dans la zone.

Cela ne veut pas dire que la compétitivité de la zone prise dans son ensemble, au sens classique de compétitivité sur les marchés extérieurs, ne doive pas retenir l'attention.

La coordination de plus en plus étroite des politiques monétaires et de change, et leur exercice collégial dans la future union monétaire, signifient aussi l'exercice en commun des politiques d'ajustement externe.

Cela aussi est une raison pour rechercher une égalisation dans l'évolution des conditions de coût de l'économie belge par rapport à celle qui prévaut chez nos voisins.

Dans une telle logique, la pondération des 3 États membres par l'importance de leurs P.I.B. respectifs s'imposait.

Il eût été incohérent de reprendre des données de flux commerciaux, comme celles qui président au calcul du taux de change effectif par la Banque Nationale.

Les ambitions en matière d'emploi

Tout le système de la loi a pour objectif l'emploi.

La compétitivité ne saurait être une fin en soi. Si elle doit être préservée, c'est pour créer de la croissance, de l'emploi et du bien-être.

Le mécanisme préventif vise à éviter que la compétitivité ne soit maintenue grâce à des gains de productivité au détriment de l'emploi. Le monitoring de l'emploi, et l'exigence de mesures en faveur de l'emploi dans les accords entre interlocuteurs sociaux, tels que le projet les prévoit, doivent concourir à cet objectif de développement de l'emploi et, comme le dit l'exposé des motifs, de réduction drastique du chômage.

L'ambition du Gouvernement de réduire le chômage de moitié d'ici l'an 2002, telle qu'énoncée dans le projet de contrat d'avenir pour l'emploi, reste une ambition. Toutefois à défaut d'un accord ferme de tous les interlocuteurs sociaux, leur mobilisation dans un effort unanime au service d'un objectif aussi ambitieux n'est pas garanti. Dans ces conditions, le Gouvernement préfère prendre un engagement qui tienne compte de la réalité tout en espérant que si, chemin faisant, tous les acteurs s'engagent fermement à oeuvrer dans le sens voulu, les ambitions pourront se transformer en engagements.

Le minimum d'augmentation garanti : indexation et augmentations barémiques

Dans un mécanisme préventif de sauvegarde de la compétitivité, où les augmentations salariales réelles sont limitées,iln'a pas paru déraisonnable de protéger les augmentations barémiques et l'indexation.

Même si l'indexation n'existe pas chez nos principux voisins et partenaires, l'observation du passé montre que l'évolution des salaires nominaux incorpore en fait structurellement l'inflation. Les négociations anticipent sur celle-ci ou opèrent un rattrapage a posteriori. Les augmentations barémiques, c'est-à-dire le glissement salarial, existent partout aussi, en tous cas tendanciellement.

En d'autres termes, il peut arriver que les négociations salariales se concluent sur une perte de salaire réel telle ou telle année. Sur quelques années, cependant, la probabilité est infime qu'il en soit ainsi au total.

Or, le projet prévoit :

(1) une correction après un an, à mi-parcours de l'accord interprofessionnel et (2) l'amputation de la marge à raison du dépassement, le cas échéant, des deux années précédant la conclusion de l'accord interprofessionnel.

Le ministre croit donc que nous ne prenons guère de risque, dans ces conditions, que le minimum des augmentations salariales garanties excède durablement la marge maximale théoriquement disponible au vu des évolutions des États membres de référence.

Bien entendu, ce serait moins vrai si l'inflation dérapait en Belgique par rapport à son évolution dans les pays de référence.

La convergence nominale de nos économies, les très bonnes performances de la Belgique en matière d'inflation, et bientôt la politique monétaire unique dans une zone d'union monétaire centrée sur la stabilité des prix, devraient nous garder d'une telle éventualité.

Enfin, il ne faut pas oublier que la procédure en cas de circonstances exceptionnelles pourrait être utilisée si des évolutions imprévues obéreraient de façon rapide et significative la compétitivité.

Dynamique entre niveau intersectoriel et niveau sectoriel et des entreprises ­ Possibilités de différenciation entre secteurs

Le projet prévoit la fixation d'une marge maximale pour les augmentations salariales.

Les conventions aux niveaux intersectoriel, sectoriel, d'entreprise ou individuel ne peuvent excéder la marge maximale.

La marge est bien conçue comme une marge maximale.

Elle ne doit pas être utilisée intégralement, ni indifféremment dans tous les secteurs, toutes les entreprises.

C'est bien pour cela, d'ailleurs, que le Gouvernement a voulu, en dépit de l'avis du Conseil d'État, maintenir l'expression de « marge maximale ».

Il ya donc place, dans le système, pour des différenciations selon les secteurs en ce qui concerne les augmentations salariales consenties.

Le mécansime du projet offre aussi la possibilité d'opter pour des formules de redistribution du travail, notamment par la réduction de la durée du travail.

Il est donc loisible d'imputer des réductions de temps de travail sur la marge, plutôt que d'exploiter celle-ci pour accorder des augmentations salariales.

En outre, le fait que des participations bénéficiaires peuvent être accordées hors marges à certaines conditions constitue une autre source de différenciation, selon les possibilités respectives des secteurs ou des entreprises.

Économiquement, il était justifié de ne pas traiter les participations bénéficiaires comme des éléments du coût salarial, puisque ces participations sont attribuées sur le bénéfice dégagé après imputation des coûts.

Le Gouvernement a toutefois voulu que les secteurs qui peuvent se permettre d'accorder sous cette forme des avantages supplémentaires et hors marge à leur personnel, contribuent en même temps à la réalisation de l'objectif d'augmentation de l'emploi. C'est pourquoi l'augmentation de l'emploi figurera dans le projet de loi qui définira les participations bénéficiaires admissibles hors marge.

Le ministre croit donc que le projet laisse toute une série de possibilités de différenciation. Il permet qu'en fonction de la situation de chaque secteur, la relation entre rémunérations et emploi soit optimale et non contradictoire.

Le concept de salaire

Le coût salarial doit en principe reprendre toutes les composantes du salaire, y compris les chèques repas, pour reprendre l'exemple de l'intervenante.

Le Gouvernement a expressément demandé au Conseil central de l'économie qu'il s'accorde sur la définition à donner au concept de coût salarial, étant entendu qu'il doit s'agir d'une définition extensive. Ceci est écrit en toutes lettres dans le courrier envoyé par le ministre au Président du C.C.E. le 4 mai.

Cela dit, il faudra accepter de compter avec le caractère plus ou moins extensif des définitions retenues dans les États membres de référence et dans les données disponibles.

D'une part donc, il est clair que des compléments de salaire donnés en Belgique sous des formes diverses, comme celle qu'évoquait l'intervenante, ne pourront servir à contourner les contraintes résultant de la norme. D'autre part, la comparaison des évolutions salariales en Belgique et dans les États membres de référence ne devra pas être faussée par des différences dans l'information disponible sur les équivalents qui existeraient dans les États de référence.

La loi définissant les parts bénéficiaires

Le Gouvernement a effectivement l'intention de déposer un projet de loi qui définira les participations bénéficiaires susceptibles d'être accordées hors marge salariale et dont le montant ne sera pas repris dans le calcul du coût salarial.

Le commentaire de l'article 10 du projet précise les conditions auxquelles devra en tout cas obéir une participation bénéficiaire pour bénéficier du régime prévu par le projet :

­ existence d'un accord pour l'emploi;

­ accroissement de l'emploi dans l'entreprise;

­ si pas d'accord pour l'emploi, C.C.T. d'entreprise approuvée par la Commission paritaire;

­ entreprise sans délégation syndicale : acte d'adhésion auprès de la Commission plan d'entreprise du ministère de l'Emploi et du Travail;

­ paiement des cotisations sociales;

­ neutralité fiscale.

Les participations bénéficiaires existantes ne doivent pas répondre aux mêmes conditions d'emploi supplémentaire.

La traduction du principe de neutralité fiscale, ou encore la quantification de l'exigence d'accroissement de l'emploi dans l'entreprise, devront être précisées.

Les catégories de travailleurs auxquels seront accordées les participations bénéficiaires ne font pas, comme telles, l'objet de conditions dans le commentaire de l'article.

Les autres conditions, et notamment le fait que les participations bénéficiaires doivent être convenues par convention collective, supposent cependant sur leur distribution. Dès lors, le ministre ne croit pas que la loi doive prévoir des conditions supplémentaires à cet égard.

Les baisses de cotisations patronales s'ajouteront-elles à la marge ?

Il n'y a aucun doute sur la réponse à cette question.

Des allégements du coût salarial, grâce par exemple à des diminutions de cotisations patronales, créeront une marge supplémentaire.

Celle-ci devrait en toute logique être utilisée pour l'emploi plutôt que pour consentir des augmentations salariales qui compenseraient ipso facto les allégements de coûts consentis.

C'est en ce sens que s'exprime le commentaire de l'article 10, § 2. Celui-ci fait d'ailleurs clairement allusion à la proposition d'une subvention à l'emploi supplémentaire qui est un moyen de lier la baisse des charges patronales à la création d'emploi.

Ceci répond à un membre, qui demandait s'il ne serait pas bon de moduler les allégements de cotisations sociales en fonction de la plus ou moins grande intensité en travail des entreprises.

L'entrée en vigueur du Titre II

Le Gouvernement a voulu permettre au Roi de fixer la date d'entrée en vigueur du Titre II de la loi. Cette entrée en vigueur devra en effet être réglée de manière à ce qu'il n'y ait as d'hiatus entre l'échéance de l'arrêté royal du 23 décembre 1993, qui cessera ses effets à la fin de 1996, et la mise en place du nouveau dispositif.

Ce nouveau mécanisme suppose par ailleurs que diverses étapes ­ rapport conjoint du C.N.T. et du C.C.E., rapport technique du C.C.E., fixation de la marge maximale, accords interprofessionnels, sectoriels, ... ­ soient franchies avant que la norme salariale, les mesures pour l'emploi et leur traduction dans les différents types d'accords soient effectifs.

On a donc jugé qu'il faudrait pouvoir mettre en vigueur certaines dispositions, telles que l'article 4 et l'article 5 (rapports), avant par exemple de procéder à la mise en vigueur des dispositions qui abrogeront partiellement la loi de 1989.

Dès lors, pour ne pas compliquer inutilement le dispositif, on a prévu cette délégation classique au Roi.

À la différence de la loi de 1989, la loi-cadre en projet ne subordonne pas l'intervention du Gouvernement à un constat du Parlement

Le commissaire souligne, à juste titre, que le projet de loi que nous examinons fixe bien un cadre à l'action du Gouvernement, notamment en ce qu'il indique avec précision l'objectif à atteindre, comme l'a relevé le Conseil d'État.

Il s'interroge cependant sur les raisons pour lesquelles l'intervention du Gouvernement n'est pas, comme en 1989, subordonnée à la constatation par le Parlement du fait que la compétitivité est effectivement menacée.

L'intervenant a lui-même relevé que l'intervention du Gouvernement revêt un caractère supplétif par rapport à l'intervention des interlocuteurs sociaux. Dans certains cas, le Gouvernement ne peut agir qu'à défaut d'accord entre ceux-ci. Dans les autres cas, il n'est habilité qu'à suppléer, le cas échéant, les insuffisances de ces accords eu égard aux objectifs précis définis par la loi.

Cette particularité, et le fait que le projet de loi-cadre discuté a pour objectif la promotion de l'emploi et la sauvegarde préventive de la compétitivité, expliquent que la procédure ordinaire ne subordonne pas l'intervention du Roi à la constatation préalable par le Parlement du fait que la compétitivité est effectivement menacée.

Par contre, l'intervention du Gouvernement en cas de circonstances exceptionnelles reste subordonnée à une intervention des Chambres législatives constatant l'existence d'une menace pour la compétitivité.

Disponibilités des données de coût salarial pour l'année t + 2

D'après ce que disent les spécialistes du Conseil central de l'Économie et du Bureau du Plan, les prévisions pour l'année t+ 2 devraient être disponibles au moins officieusement dès septembre, au moment où le Conseil central de l'Économie devra établir son rapport technique sur les marges maximales disponibles pour l'évolution du coût salarial.

Le ministre croit que l'on peut compter sur la coopération de l'O.C.D.E. Pour l'application de la loi de 1989, le Gouvernement avait ainsi obtenu que l'O.C.D.E. complète les données disponibles pour rendre possible les calculs prescrits par la loi belge.

Le staff du C.C.E., de toutes manières, s'est d'ores et déjà attelé à l'identification précise des sources et le message que le ministre reçoit est tout à fait encourageant.

Pourquoi n'y a-t-il pas de correction rétroactive
du handicap en termes de coût salarial ?

A. Raison de type supply-side

Un handicap de compétitivité en termes de coût salarial par travailleur :

­ peut se traduire par des pertes de parts de marché;

­ ou par un relèvement de la productivité apparente du travail grâce à une substitution de capital au travail.

Que se passe-t-il par la suite en cas de diminution de coût du travail ?

S'il y avait eu précédemment substitution de capital au travail, l'investissement est déjà réalisé et disponible. L'entreprise continuera à utiliser cet investissement de rationalisation, même si le coût du travail baisse. La baisse du coût du travail tendra donc à se transformer en bénéfices, et non en emplois.

B. Raison de type demand-side

La situation économique actuelle se caractérise par une atonie de la demande intérieure, notamment de la consommation privée.

À son tour, la faiblesse de la consommation privée est due au climat d'incertitude en termes d'emploi, de revenus et de sécurité sociale.

Une correction rétroactive du handicap de compétitivité, qui en fait a déjà donné lieu à l'instauration d'un nouvel équilibre comme indiqué ci-dessus, signifierait donc une baisse des revenus nominaux et un accroissement du climat d'incertitude en termes de revenus. Cela ne ferait qu'aggraver l'atonie de la demande.

L'affectation des amendes prévues en cas d'infraction à la norme

Les amendes prévues en cas d'infraction à la norme salariale tomberont dans la trésorerie de l'État.

Il n'est toutefois pas exclu que l'on décide d'affecter ces recettes par exemple à des actions favorables à l'emploi. Encore faudrait-il que l'importance des recettes justifie un mécanisme particulier d'affectation.

Violation des conventions O.I.T. en matière de négociation collective.

La convention nº 98 de l'O.I.T. a un caractère programmatique. Elle a pour objectif « l'encouragement, la promotion et le développement des procédures de négociation collectives volontaires en vue de régler les conditions de travail » (article 4).

Le gouvernement est depuis toujours attaché aux principes de la concertation des partenaires sociaux et de la négociation collective des conditions de travail.

Les négociations en matière salariale sont du ressort du C.N.T. ou réservées à d'autres accords interprofessionnels. Le gouvernement n'interfère pas dans ce processus de négociation autonome. Son seul rôle consiste à donner une force obligatoire au résultat de l'accord entre partenaires sociaux.

Toutefois, dans le passé, aux prises avec des impératifs de « redressement économique et financier, de diminution des charges publiques, d'assainissement des finances publiques et de création d'emploi », le Parlement a accordé au Roi le droit d'arrêter les mesures utiles « afin d'améliorer la compétitivité des entreprises, par la maîtrise de certains de leurs coûts, notamment par une modification temporaire des modalités légales ou conventionnelles de la liaison des salaires à l'indice des prix à la consommation ». Ce passage est tiré du rapport au Roi de l'arrêté nº 180 du 30 décembre 1982.

Lorsqu'une réclamation contre cet arrêté numéroté fut déposée par un syndicat, l'O.I.T. a examiné les circonstances dans lesquelles la limitation de la liberté de négociation avait été introduite par la réglementation. L'O.I.T. n'a pas conclu à une violation de la convention nº 98 : elle a tenu compte des conditions exceptionnelles que le Gouvernement invoquait, à savoir le caractère temporaire des mesures d'intervention du Gouvernement, le cadre de redressement de l'économie dans lequel elles s'inscrivaient, le maintien de toutes les autres possibilités de négociations collectives. Toute l'économie du présent projet consiste à laisser un champ très large à la concertation sociale.

Il ne prévoit d'intervention du Gouvernement qu'à titre supplétif, en cas d'échec des négociations entre partenaires sociaux. Le ministre ne croit a fortiori pas à un conflit avec la convention nº 98 de l'O.I.T.

Une politique économique européenne axée sur la croissance et l'emploi.

Les praticiens de la macro économie que le ministre entend lui ont toujours dit que l'on a enfin compris que la croissance ne s'achète pas avec de l'inflation.

Cela dit, si le Traité de Maastricht assigne la stabilité des prix comme objectif prioritaire à la politique monétaire, il ne dit pas que la stabilité des prix correspond à une inflation de 0 p.c., comme il ne dit pas non plus que des finances publiques soutenables correspondent nécessairement à l'absence de tout déficit courant.

Il y a dans le Traité assez de bon sens et de flexibilité pour accommoder par exemple des hausses dans la qualité des produits, dont le prix peut augmenter quelque peu en conséquence, ou des phases conjoncturelles qui appellent des politiques budgétaires anti-cycliques.

Ce que le Traité demande en revanche, c'est une base économique saine, qui permet ce genre de fine-tuning sans que l'on risque de s'engager dans des déséquilibres difficiles à maîtriser. Le ministre croit qu'il faut adhérer à cette philosophie.

En revanche, le ministre pense comme l'intervenant que nos pays auraient tout à gagner d'une utilisation mieux coordonnée des autres instruments de la politique économique.

Le Traité permet cette coordination plus étroite et prévoit même certaines procédures à cet effet.

Il ne l'exige toutefois pas au même degré que pour la politique monétaire.

Le ministre est cependant de ceux qui pensent que la politique monétaire unique rendra toujours plus pressant le besoin de coordonner les autres volets de la politique économique.

Il croit en d'autres termes à la mise en commun de la souveraineté monétaire comme catalyseur d'une union plus étroite dans les autres aspects de la politique économique.

Comme suite à une question sur la situation de la Belgique sur le plan du travail à temps partiel, le ministre communique le tableau suivant :

Tableau II

Travail à temps partiel

En p.c. du volume total du travail

België
­
Belgique
Duitsland
­
Allemagne
Frankrijk
­
France
Nederland
­
Pays-Bas
Gemideelde van de
3 buurlanden
­
Moyenne des
3 pays voisins
Totaal ­ Total
1983 8,1 12,6 9,7 21,2 12,3
1984 8,0 12,3 10,3 n.b. n.b.
1985 8,6 12,8 10,9 22,6 13,1
1986 9,4 12,9 11,8 n.b. N.b.
1987 9,9 12,7 11,8 29,5 14,1
1988 9,8 13,2 12,0 30,4 14,6
1989 10,2 23,4 12,1 31,7 14,9
1990 10,9 15,2 11,9 31,8 15,7
1991 11,8 15,5 12,1 32,7 16,1
1992 12,4 14,4 12,7 34,5 16,0
1993 12,8 15,1 13,9 35,0 16,9
Mannen ­ Hommes
1983 2,0 1,7 2,5 6,9 2,6
1984 1,5 2,1 2,7 n.b. n.b.
1985 1,8 2,0 3,2 7,7 3,1
1986 2,1 2,1 3,4 n.b. n.b.
1987 1,ç 2,à 3,5 13,8 3,9
1988 2,0 2,1 3,4 14,5 4,0
1989 1,7 2,3 3,5 15,0 4,2
1990 2,0 2,6 3,3 15,0 4,3
1991 2,0 2,7 3,4 15,7 4,5
1992 2,1 2,6 3,6 15,4 4,5
1993 2,3 2,9 4,1 15,3 4,8
Vrouwen ­ Femmes
1983 19,7 30,0 20,0 50,3 27,4
1984 20,3 28,6 21,1 n.b. n.b.
1985 21,1 29,6 21,8 51,6 28,1
1986 22,6 29,8 23,2 n.b. n.b.
1987 24,2 29,5 23,1 57,5 29,6
1988 23,4 30,6 23,8 57,7 30,5
1989 25,0 30,7 23,8 60,1 30,8
1990 25,9 33,8 23,6 59,4 32,3
1991 27,4 34,3 23,5 59,9 32,6
1992 28,1 30,7 24,5 63,8 31,6
1993 28,5 32,0 26,2 64,5 33,1

Source : C.E. « enquête sur la main-d'oeuvre », O.C.D.E., B.C.S.

3. Répliques des commissaires

Un commissaire déclare que, malgré ses explications très détaillées, le ministre n'a pas pu le convaincre des qualités et des avantages du projet de loi à l'examen. Au contraire, les réponses fournies par le ministre ont encore accru la méfiance qu'éprouve le groupe de l'intervenant.

Il pense essentiel de préciser que la Belgique sortira bientôt d'une période caractérisée par le gel des salaires. Nous avons déjà eu, jadis, la loi du 6 janvier 1989 destinée à préserver notre pays des dérapages en matière de compétitivité. Cette loi a très nettement échoué. Pour remédier à ce problème urgent, le Gouvernement n'a trouvé qu'une seule solution, à savoir le gel des salaires pour la période 1995-1996. Si l'on examine les chiffres, on constate que cette mesure n'a pas davantage donné le résultat escompté. La situation a encore empiré en 1995 par rapport à l'année précédente, et il a fallu attendre 1996 pour que la situation se stabilise finalement.

L'intervenant en conclut dès lors que notre compétitivité à l'égard de nos partenaires commerciaux les plus importants ne s'est nullement améliorée malgré le gel des salaires. Après avoir constaté que les deux systèmes précités n'ont pas donné satisfaction, le Gouvernement ne s'est pas interrogé sur la raison pour laquelle le système belge de la fixation du niveau des salaires a fondamentalement mal tourné. Depuis les années '70, la Belgique a fait systématiquement preuve d'un manque de responsabilité lors des négociations salariales. Nous avons dû, en 1982, procéder à une dévaluation pour pouvoir à nouveau être compétitifs. Plus tard, avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989, l'on a encore dû mettre à exécution une série de mesures destinées à assurer la maîtrise des salaires.

Les problèmes ne diminueront pas grâce au projet de loi à l'examen, puisque le Gouvernement omet une fois de plus d'aborder les problèmes essentiels. C'est notre système de fixation du niveau des salaires qui génère les difficultés. Tant qu'on n'y changera rien, les problèmes de compétitivité continueront d'exister.

En Belgique, la fixation du niveau des salaires fait l'objet de négociations à cinq niveaux successifs. Le résultat cumulé de celles-ci est fondamentalement malsain à longue échéance. L'intervenant admet que, en se basant sur des données du passé qui couvrent une période suffisamment longue, les fluctuations importantes peuvent à peu près se compenser dans les pays où les salaires ne sont pas indexés, sans que cela ne soit cependant toujours vrai.

Le commissaire signale qu'aux Pays-Bas, sur la période 1980-1990, les salaires réels (c'est-à-dire qui tiennent compte de l'inflation et de l'augmentation barémique) n'ont pas augmenté. Déjà maintenant, il ressort des résultats pour cette période de référence malgré tout assez longue, que l'augmentation minimale prévue par le projet à l'examen est trop élevée pour que la compétitivité de nos entreprises puisse être préservée.

L'on ne peut en outre oublier qu'en termes de charges salariales, le climat économique sera encore bien plus défavorable à la fin du siècle. Non seulement au sein de l'Union européenne, mais également en dehors de celle-ci, des pressions sont exercées pour que l'on réduise suffisamment la hausse des charges salariales, afin d'éviter que notre pays ne devienne un désert économique.

L'intervenant pense que, dans les autres pays, qui, de plus, ne connaissent pas l'indexation des salaires, l'évolution salariale risque très fortement, à l'avenir, de n'être même pas parallèle à l'inflation.

Le problème de la fixation du niveau des salaires ne disparaîtra donc certainement pas, tout au contraire. C'est la raison pour laquelle l'intervenant ne comprend pas pourquoi le Gouvernement, qui a fait de l'emploi supplémentaire une de ses priorités les plus importantes, ne prend pas les mesures nécessaires pour résoudre le problème des charges salariales.

Le Gouvernement devrait se rendre compte qu'il faut intervenir dans le système des négociations salariales. Si l'on veut absolument maintenir le principe de l'indexation des salaires, l'on ne peut plus procéder à des négociations salariales qu'à un seul niveau. Le Gouvernement persiste cependant à croire au modèle de concertation sociale, ce qui signifie qu'il faut continuer à négocier à tous les niveaux. L'intervenant estime que la loi d'habilitation à l'examen constitue une occasion manquée à cet égard.

L'intervenant déplore que le Gouvernement ne fasse rien non plus pour résoudre le deuxième problème fondamental, à savoir celui des charges salariales, actuellement trop élevées.

L'intervenant répète une fois de plus que le Gouvernement multiplie les risques en ne s'écartant pas du système actuel de fixation du niveau des salaires. Même ceux qui partagent la logique du Gouvernement pensent qu'il faut, en la matière, développer un mécanisme qui aurait des effets non seulement préventifs, mais aussi efficaces. En tout cas, on doit veiller, grâce à ce mécanisme, à ce qu'il n'y ait pas de dérapages dans le secteur des charges salariales. Le Gouvernement prétend que la proposition qui figure dans le projet de loi cadre mieux avec notre culture de concertation sociale, mais l'intervenant rétorque que les dernières trente années nous ont montré que cette concertation sociale ne donne pas de bons résultats. Il estime que le Gouvernement devrait au moins indiquer les objectifs à atteindre.

Le projet de loi prévoit que la marge pour l'évolution du coût salarial correspond au moins à l'indexation et aux augmentations barémiques. À lui seul, ce fait créera probablement déjà un nouveau handicap en matière de charges salariales. Quant au reste, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi à peu près tous les mécanismes possibles pouvant donner lieu à un nouveau dérapage. Tout d'abord, le nombre d'États membres de référence est limité à trois. L'intervenant ne comprend pas très bien l'argument avancé par le ministre selon lequel ces trois pays constitueraient une sorte de point de référence intermédiaire pour l'ensemble de l'Union économique. L'intervenant déclare qu'il n'a nullement eu l'intention de suggérer que tous les pays de l'O.C.D.E. devaient être pris en considération en ce qui concerne le calcul des normes salariales. Dans la logique de l'Union économique et monétaire européenne, il estime que tous les États membres de cette Union doivent en fait être inclus dans l'indice de référence.

Puisqu'il n'existe plus, à l'intérieur de cette Union, d'instrument permettant des adaptations, il faut veiller à maîtriser l'évolution de nos coûts salariaux, par comparaison avec celle de nos différents partenaires commerciaux.

L'intervenant ne comprend cependant pas la logique du Gouvernement, qui passe des quinze États membres de l'Union européenne à trois États membres de référence. Il suffit d'examiner les chiffres des dix dernières années pour comprendre que l'évolution des salaires passe environ du simple au double, dans les différents États membres, en termes de charges salariales par unité de produit ou même par travailleur employé. Il est clair, aux yeux de l'intervenant, que si le Gouvernement se limite, dans une comparaison, à trois pays, il ignore intentionnellement qu'il existe encore onze autres États membres, où l'évolution des charges salariales pourrait être moins favorable qu'en Belgique. Il est vrai que le passé nous incite peu à tenir ce genre de raisonnement; il n'empêche que, lorsque cette situation se présentera, et que ces pays auront entre-temps, eux aussi, adhéré à l'Union économique et monétaire européenne, ils se verront obligés de faire face aux circonstances autrement que par l'instrument traditionnel des adaptations des cours de change.

Ce qui soulève une bien plus grande difficulté, c'est le fait que l'U.E.M., composée de quinze États membres, est une utopie qui pourra se réaliser au plus tôt probablement dans dix ans. Entre-temps, certains pays participeront à l'U.E.M., d'autres pas. Ces derniers pourront toujours, s'ils ne réussissent plus à maintenir leur compétitivité, la renforcer en adaptant les cours de change.

L'intervenant rappelle qu'en 1993, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni étaient tous trois membres du S.M.E. et étaient donc tenus, depuis quelques années, de maintenir, dans le cadre de ce système, l'évolution de leurs cours à l'intérieur de certaines marges, pour éviter des adaptations de taux de change. Comme une série de pays réagissent dès à présent avec peu d'enthousiasme à l'U.E.M., il craint que la discipline des Etats membres ne laisse parfois à désirer dans le nouveau système également.

Le fait que des évaluations de l'évolution des coûts salariaux doivent être faites dans les divers pays pose un problème supplémentaire. Les évaluations n'ont intrinsèquement qu'une valeur limitée. Il est utile de se tourner vers le passé et de constater que dans le cadre de la loi de 1989, on a chaque fois dit que des dérapages s'étaient produits antérieurement, mais que les estimations pour le futur indiquaient que la situation s'améliorerait et ne nécessitait donc pas d'adaptations. L'intervenant craint que l'on n'exerce une pression politique pour que les estimations nécessaires dans le système de l'U.E.M. soient corrigées dans un sens «favorable», afin que les problèmes ne transparaissent pas. En effet, le Gouvernement préférera sans doute une nouvelle fois ne pas devoir intervenir. En raison de tous ces problèmes, l'intervenant ne croit pas au caractère préventif du projet de loi sous sa forme actuelle.

Un sénateur a dit précédemment que les problèmes de la Belgique ne sont pas aussi graves qu'il n'y paraît, étant donné que les fondements économiques de notre pays sont solides. En effet, la balance commerciale est largement positive, la propension à l'épargne est très élevée et notre inflation est basse. L'intervenant considère néanmoins que ces éléments n'indiquent pas que l'économie de la Belgique est forte, mais qu'au contraire, ils dévoilent précisément ses faiblesses. En effet, l'inflation peu élevée est favorisée par la faiblesse de la demande intérieure. Si, de surcroît, la pression salariale est faible en raison du taux de chômage élevé, cela aboutit également à une inflation réduite. Selon l'intervenant, l'excédent considérable que présente notre balance des paiements est parfaitement compatible avec notre perte de compétitivité. En effet, il s'explique par la tendance à investir et à épargner plutôt que par les échanges commerciaux courants. La forte propension à l'épargne en Belgique, qui s'est surtout fortement accrue ces dernières années, semble ne pouvoir s'expliquer que par le manque de confiance qu'ont provoqué, chez le citoyen, les diverses augmentations d'impôts. Simultanément, on investit moins en Belgique. Pour les années 90, notre niveau d'investissements est effectivement inférieur de deux à trois pour cents environ du P.I.B. par rapport aux Pays-Bas et à l'Allemagne. Aux yeux de l'intervenant, cette différence est particulièrement forte. Si la propension à l'épargne en Belgique était ramenée au niveau normal du milieu des années 80 et que le niveau des investissements atteignait celui des Pays-Bas et de l'Allemagne, l'excédent courant de notre balance de paiements disparaîtrait de lui-même. Selon l'intervenant, la déflation en Belgique est donc à l'origine de l'excédent susvisé, si bien que celui-ci peut difficilement être considéré comme un signe positif. Tous ces points fondamentaux apparemment favorables, démontrent qu'il y a des problèmes fondamentaux en matière d'emploi, de croissance potentielle et de perspectives.

Dans son argumentation, le sénateur avait fait référence à des propos tenus par le gouverneur de la Banque Nationale, selon lesquels il n'y aurait aucun problème de concurrence, mais que se poserait un problème de répartition de l'emploi et détermination du niveau des salaires. Selon l'intervenant, si l'on compare la Belgique uniquement aux trois États membres de référence cités par le projet de loi, on peut effectivement faire comme si aucun problème de concurrence ne se posait. Dans la pratique, toutefois, ce ne sont pas nos seuls partenaires commerciaux. Même sur le marché intérieur de ces trois États membres de référence, nos entreprises belges sont confrontées à la concurrence de pays tiers. Si l'on ignore cette réalité, on peut défendre n'importe quelle thèse. La seule conclusion que l'intervenant puisse en tirer est que le gouverneur de la Banque Nationale se préoccupe manifestement plus de la santé de la coalition gouvernementale que de celle de l'économie.

En ce qui concerne la question posée par un autre commissiare qui désire savoir pourquoi on utilise les critères du P.I.B. et non ceux du commerce extérieur des États membres de référence, l'intervenant pense pouvoir fournir l'explication suivante. Les Pays-Bas sont le pays qui présente la plus grande modération salariale. Ce pays a également une plus grande part dans le commerce extérieur de notre pays. En termes de P.I.B., son poids relatif diminue de manière substantielle. Le Gouvernement peut donc présenter la compétitivité de notre pays par rapport aux trois États membres de référence sous un jour un peu plus favorable par une évaluation en termes de P.I.B. plutôt qu'en termes de poids dans le commerce. C'est là une des techniques instaurées systématiquement pour minimiser le risque d'interventions. Une fois de plus, cette politique amènera le Gouvernement à s'étonner de l'absence de croissance économique. La seule chose dont l'intervenant s'étonne, c'est que le Gouvernement ne modifie pas ses vues.

Le commissaire répète que, pour toutes ces raisons, il ne croit ni au caractère préventif de la loi en projet, ni aux améliorations qui sont censées devoir en découler. D'après lui, le noeud du problème est que le Gouvenement ne donne pas aux entreprises suffisamment de latitude pour créer de l'emploi. Le Gouvernement a beau prétendre qu'il renforce l'efficacité des incitants à la création d'emplois en instaurant le bilan social, l'intervenant ne comprend pas comment on peut croire à une telle mesure. Les P.M.E. sont les entreprises qui contribuent le plus à créer l'emploi. Ces entreprises n'ont pas le temps de compléter les quelque 152 rubriques que compte le bilan social afin de permettre à un Conseil supérieur pour l'emploi de déterminer après coup quels ont été les résultats de la politique de l'emploi. L'intervenant pense que le Gouvernement se trompe s'il croit pouvoir relancer l'économie de cette manière.

Pour prouver qu'il existe d'autres options, il cite divers documents publiés par le P.V.D.A. aux Pays-Bas :

­ « la croissance économique et l'emploi sont déterminés dans une large mesure par la compétitivité de l'économie néerlandaise; »

­ « en allégeant la réglementation et les charges administratives et en soutenant et reconnaissant l'initiative privée, on peut accroître fortement et la création d'entreprises, et l'emploi; »

­ « le marché du travail doit fonctionner de manière plus souple et la sécurité sociale doit jouer un rôle plus stimulant; »

­ « il faut continuer à améliorer la formation, l'enseignement et la placement en fonction l'un de l'autre; »

­ « il faut réduire le coût salarial brut, notamment pour le travail moins bien rémunéré; »

­ « la sécurité sociale doit continuer à offrir, aux personnes qui en ont vraiment besoin, la sécurité qu'implique cette notion. Le développement de l'inactivité entraîne des coûts sociaux élevés. Si l'on ne les réduit pas, ils se traduiront par une perte de compétitivité et d'emplois, ce qui mine la viabilité de notre niveau de protection sociale. Pour ces raisons, il faudra renforcer l'effet stimulateur des divers éléments du système; »

­ « il est nécessaire de rechercher de nouveaux équilibres dans la répartition des responsabilités entre l'autorité, les citoyens, les entreprises et les partenaires sociaux. La concurrence et le marché peuvent améliorer le fonctionnement; »

­ « les pouvoirs publics devront également se moderniser. Amélioration de la qualité et du service et concentration sur les tâches essentielles, tels sont les mots d'ordre. »

En citant ces passages, le commissaire a voulu montrer que les gouvernements des autres pays sont, eux, parvenus à certaines conclusions et ont adapté effectivement leur politique en conséquence. Pour lui, si le Gouvernement, dans le projet à l'examen, approuve certaines de ces thèses pour la forme, dans la pratique cependant, sa politique évolue dans une toute autre direction.

En ce qui concerne les 150 000 emplois qui ont été créés aux Pays-Bas, il admet qu'une proportion importante de ceux-ci sont des emplois temporaires. Il juge toutefois déplacé que l'on se montre méprisant à cet égard. Personnellement, il est d'avis que toute création d'emplois, qu'ils soient temporaires, à temps partiel ou à temps plein, est utile. Il serait très heureux si la Belgique parvenait ne fût-ce qu'à créer 150 000 emplois à temps partiel, car cela résoudrait déjà une partie du problème. Il est en effet de la plus haute importance de donner aux gens la possibilité de participer au processus social. Il déclare que des études sociologiques ont d'ores et déjà démontré que le circuit du travail était le meilleur moyen d'y parvenir. Pour lui, toute solution qui permettrait de tirer du chômage un citoyen de ce pays et de lui donner l'impression qu'il participe au processus social, représente un progrès. Même si ces emplois sont moins intéressants sur le plan qualitatif, ils sont très importants pour l'amour-propre des intéressés.

En ce qui concerne la question de savoir s'il est nécessaire de mener une politique macro-économique plus active au niveau européen, le commissaire pense qu'au niveau européen, comme dans plusieurs États membres, cela fait un certain temps déjà que l'on est parvenu à la conclusion que les interventions actives de l'autorité produisent généralement, à terme, des résultats négatifs. Ce n'est pas leur absence qui pose problème en Europe, mais plutôt la question de savoir comment on peut les réduire. Pour l'intervenant, si l'Europe est confrontée au sous-emploi, c'est précisément parce que les autorités ont voulu intervenir d'une manière beaucoup trop active au cours des décennies écoulées. Les charges fiscales et parafiscales qu'elles ont instaurées dans la foulée ont atteint un niveau tel que l'emploi s'en est automatiquement ressenti et que la croissance économique est nettement plus faible que dans certains pays non-européens.

Il déclare que ce n'est pas par hasard que les pays d'Europe qui ont décidé de réduire l'intervention des pouvoirs publics affichent aujourd'hui les meilleurs résultats en matière de croissance économique, d'investissement et, surtout, d'emploi. L'intervenant répète qu'en dépit de toutes les explications du ministre, il reste sur sa faim et force lui est de constater que la politique menée en Belgique permettra de résoudre bien peu de problèmes. Il estime d'ailleurs que le Gouvernement même ne croit apparemment pas beaucoup à sa politique de l'emploi, puisqu'il a jugé nécessaire de prendre toute une série de mesures pour veiller à ce que les chiffres du chômage diminuent de toute façon, notamment en excluant des statistiques un nombre de plus en plus grand de catégories de personnes.

Un sénateur constate qu'outre les réponses du ministre, il a également obtenu des réponses de la part d'un des membres de la commission.

L'intervenant revient sur sa question du diagnostic sur les pertes de compétitivité.

La loi du 6 janvier 1989 n'a pas permis de rencontrer les objectifs qu'elle s'était fixés. L'orateur insiste formellement et fermement auprès du ministre pour qu'il fournisse les données qui permettent d'indiquer dans quels secteurs ou sous-secteurs de l'économie belge, dans quelles Régions et à quels moments, les pertes de compétitivité et de parts de marché se situent réellement.

Le sénateur estime que ces données sont connues mais que les parlementaires eux-mêmes n'y ont pas accès. D'après lui, ceci n'est pas normal et il suffit que le ministre donne instruction à la Banque nationale pour lui faire fournir ces données. Bien qu'elles soient délicates, elles sont nécessaires si l'on veut un diagnostic rigoureux et mettre en exergue le fait que la faiblesse de cette loi est de prévoir des dispositifs tout à fait généraux et globaux par rapport à des situations qui, elles, sont diversifiées.

Un sénateur rappelle l'ambition du Gouvernement de diminuer le chômage de moitié pour l'an 2000. Son analyse des lois-cadres l'amène à penser qu'elles ne font somme toute que confirmer et accentuer les mesures déjà en vigueur.

Par ailleurs, le rapport annuel du ministère de l'Emploi indique lui aussi des résultats limités en termes d'emploi.

À défaut d'argent frais disponible, il ne reste plus au Gouvernement que deux moyens d'actions, c'est-à-dire jouer sur les normes de l'emploi et maintenir la stabilité du chômage. Sur ce point précis, il attend toujours une réponse adéquate du ministre.

Est-ce que le ministre dispose de données actualisées de son service d'études lui permettant de fonder sa thèse ? Toutes les indications démontrent en effet le contraire.

Un autre membre se pose de sérieuses questions au sujet du fonctionnement concret de l'article 7 du projet. Il lui semble que c'est là le point faible par excellence. Comment va-t-on en effet réaffecter à l'emploi de façon contraignante ou du moins contrôlable les surplus créés par les mesures salariales ?

Un troisième intervenant se déclare hautement déçu par la tournure que prennent les explications du ministre. Autant il avait un préjugé très favorable à l'égard du projet qui énonçait clairement la nécessité d'une politique de revenus, autant force lui est de constater, au fur et à mesure que le débat se déroule, que la situation que va créer la nouvelle loi sera pire que le régime déjà en vigueur depuis la loi du 6 janvier 1980 sur la sauvegarde de la compétitivité du pays. Cette dernière loi était déjà moins opérationnelle que les précédentes lois spéciales temporaires, mais ce que l'on projette de faire est encore en retrait de ce qui existe déjà.

On y constate en effet (voir Titre II) une liberté absolue laissée aux partenaires sociaux, ce qui va mener à des négociations interminables qui vont mettre à mal les beaux principes du projet, pour aboutir finalement au pourrissement du problème pourtant grave de la compétitivité.

Si nous n'avions pas eu l'euro qui s'annonce, on aurait, selon lui, pu poursuivre avec la loi de 1989, mais une fois l'U.E.M. réalisée, il ne nous restera plus d'autre instrument que d'imposer la régulation des salaires. En outre, le Gouvernement souhaite maîtriser indirectement ce qui en découle pour les P.M.E., les classes moyennes, les indépendants et professions libérales, les revenus immobiliers et les revenus de capitaux (dividendes et tantièmes), ce qui peut paraître excessif.

Les seules mesures de politique économique qui nous restent seront :

1º les subsides et autres incitants (fiscaux notamment) en matière de recherche et de développement;

2º les investissements publics.

Or, il se fait que dans ces deux seuls créneaux où nous pourrions réguler, le Gouvernement n'a plus de marge de manoeuvre financière pour réaliser quoi que ce soit.

Tout ce qui reste, somme toute, est ce projet, qui est une coquille vide, et que l'intervenant aborde dès lors avec le plus grand scepticisme, d'où le dépôt d'une série d'amendements.

Quant au volet de la promotion de l'emploi (Titre III), il n'y aura pas de stabilisation du chômage sans une croissance de 2 à 2,25 p.c. Mais vu les prévisions du Gouvernement pour 1996 déjà optimistes (environ 1,1 p.c.), il n'y a pas d'espoir de ce côté-là non plus. Il faut souligner en outre que les chiffres du Gouvernement sont contestés de divers côtés, et qu'on cite actuellement des taux de croissance de moins qu'1 p.c.

Il ne reste dès lors rien du plan de l'emploi.

Une circonstance qui aggrave ce constat est le fait que le modèle belge, qui a ceci de particulier qu'il repose sur le consensus, est mis aux oubliettes.

En effet, dans le cas présent, on encadre la négociation collective de telle sorte qu'elle devient inopérante. C'est en effet le Conseil central de l'économie qui fixera les critères, stériles, puisqu'issus du débat interminable entre groupes A et B dudit Conseil.

Le projet de loi représente donc de la poudre aux yeux.

Le ministre a cité de façon erronée les résolutions de l'O.I.T., qui auraient couvert les blocages antérieurs, comme n'étant pas contraires à la convention nº 98, vu qu'il s'agissait de mesures temporaires.

Cependant, en tout état de cause, si le projet est voté, la violation de ladite convention sera flagrante, puisque le projet contient cette fois des mesures définitives.

La Belgique n'a pas d'autres moyens de s'y soustraire que de dénoncer la convention, ce qu'elle n'a pas fait.

Le membre demande au ministre qu'il veuille bien fournir une simulation rétrospective de la situation telle qu'elle aurait existé si les mesures contenues dans le projet avaient été en vigueur depuis 1989.

Il insiste par ailleurs qu'il faut bien se rendre compte qu'une des conséquences de l'entrée de la Belgique dans le système Euro est que nous nous dessaisissons d'un des derniers instruments de régulation de notre économie. On n'aura plus aucune prise sur le taux d'escompte, les taux d'intérêts et certainement le taux de change.

Cela implique qu'une des seules mesures qui nous restent afin d'attirer de nouvelles activités industrielles, en dehors de la R&D, est d'octroyer des incitants financiers ou autres en faveur des entreprises de haute technologie, mais il se fait que, vu la régionalisation de ce domaine, le Gouvernement fédéral ne dispose plus non plus de ce levier. Il est regrettable que les Régions, loin de faire usage de ces moyens pour s'insérer dans une politique rationnelle en concordance avec la politique monétaire et économique fédérale, en usent pour mener une politique régionaliste, sans se soucier des normes européennes.

La logique voudrait, vu les transferts de compétences vers l'Europe, que ce soit celle-ci qui pratique une politique industrielle. Même l'U.E. ne peut venir à la rescousse que très théoriquement dans ce domaine. En effet, si l'on en croit le Titre XIII du Traité européen, ayant trait à la politique industrielle, l'on a vite compris que la procédure très compliquée y prévue (en ce compris la règle de l'unanimité) empêche en fait une quelconque prise de décision comme le révèle l'article 130 du Traité de l'U.E. (en annexe).

Ceci constitue une raison de plus de disposer d'une bonne loi nationale.

Or, comme il se présente, le projet n'a pas de substance et laisse la porte grande ouverte aux interlocuteurs sociaux pour se soustraire aux normes qu'il édicte. Il dégage les interlocuteurs de leur responsabilité.

La loi-cadre projetée ne constitue vis-à-vis d'eux qu'un encadrement. Une fois qu'une loi est élaborée, le Belge met son plus grand plaisir à essayer de la contourner et de ne pas l'appliquer. À partir du moment où le Gouvernement fait une loi-cadre symbolique sans véritable contenu normatif, la première chose que feront ceux des interlocuteurs sociaux qui ne veulent pas l'appliquer est de se cacher derrière pour ne rien faire. Chaque secteur hautement productif argumentera qu'il n'affecte pas la moyenne puisqu'il ne compte par exemple que 5.000 travailleurs sur un total de 3,4 millions, qu'il n'affecte donc nullement la marge maximale autorisée puisqu'il est hautement productif, et crée de l'emploi. Par conséquent, ce secteur, après des réengagements, serait dans les conditions requises pour pouvoir accorder des augmentations massives de salaires. De cette façon, l'objectif de la loi sera tout à fait contourné et une tache d'huile s'étendra à toute l'économie.

Le membre déclare avoir écouté avec intérêt les auditions de M. Tollet, Président du Conseil central de l'Économie et de M. Verplaetse, Gouverneur de la Banque Nationale de Belgique. Il déplore ne pas avoir trouvé dans leurs exposés de quoi le rassurer en ce qui concerne la loi-cadre. L'opération soumise à la commission lui paraît être une pseudo-planification, puisqu'inefficace, que l'on veut insérer en Belgique. Cette pseudo-planification, par le biais de la loi-cadre, cherche à imposer à la Belgique des règles en contradiction avec les Traités internationaux acceptés par notre pays à l'égard de l'O.I.T.

À condition que ces règles soient efficaces, le commissaire en accepterait encore l'application pendant les premières années de l'Union économique et monétaire. Toutefois, il estime qu'elles s'avèreront inefficaces. Par conséquent, il se voit obligé à dire que cette planification, après l'effondrement des économies planifiées des PECO, lui paraît un singulier rappel de choses du passé. Le Gouvernement, d'après l'intervenant, met à mort le modèle de concertation belge et essaie de mettre sur pied un système qui, théoriquement, apparaît aux yeux du ministre comme offrant des garanties.

Malgré tout, le membre craint beaucoup que dans peu de temps, le législateur sera obligé de revoir fondamentalement cette loi parce qu'elle n'aura rien produit de positif en ce qui concerne les négociations salariales.

Le commissaire se déclare donc extrêmement déçu devant le texte que le Gouvernement ose soumettre au Parlement.

Un sénateur est assez étonné du discours précédent. Au fond, sur un plan statistique, l'intervenant n'est pas d'accord avec la condamnation sévère que certains membres ont l'air de faire de la politique menée par le Gouvernement ces dernières années. L'orateur répète qu'incontestablement, un certain nombre d'indicateurs structurels sont orientés positivement et que le Gouvernement ne fait qu'observer avec une grande diligence les orientations définies sur le plan européen. Il y ajoute qu'il serait d'ailleurs assez ahurissant que pendant deux ans de blocage de salaires plus le plan « Global », le Gouvernement n'ait pas réussi, sur le plan macro-économique, à contenir l'évolution des coûts salariaux. D'après l'intervenant, les données, tant de la Banque nationale que du Bureau du plan, sont tout à fait claires à ce sujet. Et donc, la question de cette loi sur la compétitivité est de savoir, puisque l'on ne veut plus maintenir le blocage des salaires, comment on peut procéder autrement.

À cet égard, M. Tollet a expliqué que le projet de loi à l'examen définit une procédure qui à la fois respecte le dialogue entre interlocuteurs sociaux, et souhaite avoir un aspect préventif plutôt que curatif. Le problème sous-jacent, et qui est de la responsabilité des interlocuteurs, et, indirectement, du Gouvernement, est de savoir quel est l'arbitrage qui va intervenir entre l'augmentation éventuelle des salaires réels et la création d'emploi. Il s'agit d'un problème classique de théorie économique auquel sont confrontés tous les pays européens.

Personnellement, l'intervenant trouve critiquable que la loi proposée reste dans un schéma tout à fait général, bien que l'on soit dans un scénario de croissance lente pour le moment, dont l'on sait qu'il est peu créateur d'emplois, que les créations d'emplois ne viendront pas des secteurs ouverts à la concurrence internationale, que bien entendu la compétitivité est nécessaire, mais que le lien que l'on veut créer entre compétitivité et emploi n'est pas direct. Mais à partir du moment où la compétitivité est assurée, le sénateur pense que l'on n'arrivera pas à l'objectif prioritaire de la création de davantage d'emplois, sauf par des politiques beaucoup plus incitatives de redistribution du temps de travail, et, sauf à mettre aussi à contribution les revenus autres que le seul coût salarial.

Parce que s'il faut contraindre les gens à choisir entre salaires et emplois, il est clair que pour toute une série de bas salaires, ce type d'arbitrage est difficile à faire. Et donc, dans la loi-cadre, il est prévu de prendre des mesures équivalentes à terme sur les autres types de revenus. Toutefois, rien n'a été spécifié à ce propos. D'après l'orateur, l'évolution de la répartition des revenus en Belgique sur les dix ou quinze dernières années est considérable. Or, le Gouvernement n'en tire aucune conclusion. L'intervenant estime donc que par rapport à ce problème, le dispositifs tel qu'il est prévu, est probablement insuffisant. N'empêche que la loi s'inscrit en tout cas dans la logique selon laquelle une des causes de l'insuffisance de création d'emplois est le fait que les salaires ont trop augmenté. La loi-cadre amène les interlocuteurs sociaux à regarder les trois pays de référence pour en tirer les conclusions en fonction de la création d'emplois.

Le sénateur a examiné les performances macro-économiques des Pays-Bas sur la base des chiffres de la Commission européenne partant de 1974. D'après lui, en termes de croissance du P.I.B., en termes de croissance de productivité de travail et en termes de croissance d'emploi, sauf pour la période 1991-1995, les différences entre la Belgique et les Pays-bas sont peu significatives. Il reconnaît qu'il est vrai qu'elles le sont plus pour ces quatre dernières années.

D'autres intervenants semblent arguer de ce fait qu'une politique de modération salariale permet une grosse création d'emplois. Personnellement, l'intervenant, jusqu'à preuve du contraire, estime que la variable la plus importante aux Pays-Bas est le travail à temps partiel. L'orateur déclare qu'il ne porte pas de jugement de valeur sur ce phénomène, mais qu'il constate que, pour les Pays-Bas en 1994, le travail à temps partiel représente 36,4 p.c. de l'emploi total, alors qu'en France, en Allemagne et en Belgique, le travail à temps partiel se situe entre 12 et 15 p.c. Pour l'intervenant, il est donc évident que ce qui a créé des emplois aux Pays-Bas, c'est fondamentalement une politique de redistribution du temps de travail très forte à travers le temps partiel. Il estime que le débat est donc de savoir si oui ou non l'on veut favoriser le développement du travail à temps partiel en Belgique. L'orateur ne s'y opposerait pas. Seulement, il constate que le Gouvernement actuel, après avoir incité au développement du travail à temps partiel, est revenu en arrière sur certaines mesures notamment en supprimant les compléments de chômage pour les travailleurs ou chômeurs acceptant de passer au travail à temps partiel. Le sénateur se demande quelle est finalement la politique du Gouvernement en matière du travail à temps partiel.

Un commissaire estime que pour tirer des leçons de l'expérience néerlandaise, c'est précisément la période 1991-1995 qu'il importe de prendre en considération, puisque ces années ont justement été accompagnées par des mesures en faveur d'une réduction calculée et étudiée des dépenses sociales. Il s'agissait d'un renversement radical de la politique qualifiée autrefois de « maladie hollandaise » et qui consistait à dépenser les revenus de l'État avant que ces revenus n'arrivent.

Un membre estime que la discussion débouche chaque fois sur la question de savoir quel type de politique il faut mener. Il n'en a pas été autrement à la commission des Affaires sociales. En ce qui concerne le modèle en vigueur aux Pays-Bas, l'intervenant souligne que ce pays a une tradition de modération salariale bien plus longue que la Belgique. Contrairement à ce qui s'est passé chez nous, les Pays-Bas n'ont jamais procédé au renouvellement de l'appareil de production pour neutraliser les conséquences des charges salariales croissantes dans le but de rester compétitif.

Au contraire, en raison des circonstances, on a assisté, en Belgique, à un énorme renouvellement de l'appareil de production, et les entreprises ont accordé des augmentations salariales qu'elles ne pouvaient normalement pas octoyer sans risquer de mettre leur survie en danger.

D'après l'intervenant, c'est là un choix fondamental. Les Néerlandais ont toujours donné la priorité à l'emploi, tout le reste y étant subordonné. Cette politique a été renforcée surtout depuis 1991, et ce en deux étapes. Il est remarquable que, malgré le changement de coalition qui s'est produit aux Pays-Bas en 1994, la politique mise en route en 1991 a encore été renforcée.

Ainsi que l'a déclaré le gouverneur de la Banque nationale devant notre commission, l'on calcule à l'avance, aux Pays-Bas, quelle augmentation salariale est neutre en termes d'emploi. Le commissaire estime que c'est là le plus important. Ce calcul permet en effet de déterminer de combien les salaires peuvent augmenter sans que l'emploi n'en souffre. La Belgique n'est cependant pas partisan de ce genre de mesures et essaie uniquement de maintenir les augmentations salariales sous le niveau des pays voisins. Les conséquences que ces augmentations salariales auront sur l'emploi dépendent totalement de la bonne volonté des partenaires sociaux. L'intervenant estime que la concertation sociale de ces vingt dernières années en Belgique n'a certainement pas créé de l'emploi supplémentaire, mais plutôt donné lieu à des augmentations salariales au-delà d'un niveau justifié.

Un sénateur ayant déclaré qu'il faut, d'une part, davantage rechercher des solutions en redistribuant le travail disponible et, d'autre part, taxer davantage d'autres revenus que les revenus du travail l'intervenant déclare ce qui suit :

La redistribution du travail peut résoudre quelque peu les problèmes. La difficulté continue cependant à résulter du fait que la majeure partie des chômeurs sont peu ou pas du tout qualifiés. Il est donc souvent absurde d'inciter les travailleurs qualifiés à travailler à temps partiel, parce qu'il y a insuffisamment de chômeurs qui sont capables de s'acquitter d'une partie de leur tâche. En plus des possibilités de redistribution du travail, il faut beaucoup plus mener une politique de création positive d'emplois.

Parmi les autres types de revenus qui pourraient théoriquement être taxés plus lourdement, l'on trouve tout d'abord les bénéfices des entreprises. Le sénateur plaide-t-il dès lors pour une augmentation de l'impôt des sociétés ? L'intervenant doute que ce soit là l'idéal pour stimuler l'économie. Un deuxième type d'autres revenus est constitué par les revenus patrimoniaux. Tout le monde est cependant convaincu qu'en ce qui concerne du moins les revenus mobiliers, il s'avèrera particulièrement difficile d'établir un cadastre des valeurs mobilières. Or, sans cadastre de ce genre, une taxe supplémentaire ne sera ni exacte, ni équitable. Pour ce qui est enfin des revenus provenant de biens immobiliers, l'inervenant estime que, compte tenu de la répartition des propriétaires de biens immobiliers en Belgique, une éventuelle taxe supplémentaire sur ceux-ci frappera les catégories de revenus inférieures plutôt que les catégories supérieures.

L'intervenant pense donc que ce genre d'impôts ne résoudra pas davantage les problèmes. C'est pourquoi il faudra opter pour une autre solution.

À propos de la remarque du sénateur selon laquelle le Gouvernement suit avec circonspection les recommandations d'instances internationales, l'intervenant pense qu'une seule recommandation contraignante est actuellement applicable au niveau européen, à savoir le respect des normes du fait de Maastricht. Le traité ne définit cependant pas du tout de quelle façon il faut atteindre ces normes. L'intervenant constate que la façon d'atteindre ces critères diffère très fort, au sein de l'Union européenne, selon l'État membre. La Belgique et les Pays-Bas se situent à cet égard à des pôles diamétralement opposés. Le procédé belge, qui consiste à chercher son salut dans de nouveaux impôts, est, selon l'intervenant, en grande partie responsable des problèmes économiques auxquels notre pays est confronté.

Un autre commissaire fait remarquer qu'un certain nombre de problèmes relatifs à l'emploi ont déjà été discutés à la commission des Affaires sociales. Avant cela, une discussion assez fouillée a également eu lieu à la Chambre. L'intervenant considère que les membres de la majorité y ont amplement contribué. Personnellement, l'orateur estime toutefois qu'il est inutile de rappeler dix ou quinze fois la même chose.

Le membre y ajoute ne pas avoir pu lire ou entendre qu'il existait une alternative sérieuse aux mesures que le Gouvernement est occupé à prendre dans la foulée de ses mesures antérieures. D'après le commissaire, il ne faut quand même pas perdre de vue que ce n'est pas subitement que l'on découvre un certain nombre de réalités. Un sénateur de l'opposition a déjà eu l'objectivité de reconnaître qu'une série de mesures avaient été prises préalablement et qu'elles avaient débouché sur des résultats qui sont loin d'être négatifs. Il importe de regarder d'où l'on vient et où la Belgique se trouve maintenant. Bien que l'on ne soit pas encore « au bout du tunnel », incontestablement, l'on a tout de même amélioré notre situation par rapport aux critères du Traité de Maastricht.

En ce qui concerne précisément la problématique du déficit budgétaire, le commissaire souligne que le gouverneur de la Banque nationale a beaucoup insisté sur l'aspect « tendance » et non sur le respect pur et simple de la norme. Est-ce que l'on peut considérer que ces trois pour cent ne constituent pas un chiffre fétiche ? Puisque l'on parle de tendance, quelle est la marge de manoeuvre par rapport à la norme pour que la tendance soit encore la bonne ? Le membre souhaite aussi savoir pendant combien de temps il faut avancer dans la bonne voie pour être considéré comme rencontrant les critères en question.

Réponses du ministre aux répliques

Dans toutes les critiques qu'un des commissaires a émises, il a fait comme si l'évolution des dernières décennies n'existait pas. En d'autres termes, il feint de reprocher au Gouvernement de ne pas avoir les mêmes attributions qu'à l'époque derniers des pouvoirs spéciaux. À ce propos, le ministre déclare qu'il est clair, qu'en Belgique en particulier, après la loi du 8 août 1980 et la deuxième loi spéciale du 8 août 1988, les attributions en matière économique sont telles que les Régions ont des attributions extrêmement importantes et que la fonction du ministre fédéral de l'Économie à ce jour est presque limitée à une fonction régulatrice. Le ministre a encore dans ses attributions quelques branches sectorielles, notamment en matière d'énergie (et encore pas à la distribution énergétique en dessous de 70 kV), toute la problématique des prix, la politique des assurances et la politique de la consommation. Mais, globalement, la fonction du ministre fédéral de l'Économie est d'être une instance de régulation qui contribue à maintenir la cohésion économique et sociale du pays, et donc en fait, de l'Union économique et monétaire belgo-belge.

Ce sont donc les Régions qui disposent de toutes les facultés de l'initiative d'investissement qui constituent un facteur extrêmement important. En plus, en matière d'emploi, les Régions ont obtenu également un rôle extrêmement important, notamment pour la formation.

Le Vice-Premier ministre déclare aussi que deuxièmement, l'évolution de ces dernières années a voulu que l'on ait de plus en plus conféré un certain nombre de pouvoirs, et le Traité de Maastricht en est un exemple, au niveau européen. Le commissaire avait cité un article du Traité, notamment l'article 130, qui mériterait de longues discussions sur l'art d'écrire pour ne pas faire. Il n'empêche qu'il sait fort bien que cet article est le fruit d'un compromis extrêmement compliqué. Là, les pays membres se sont mis d'accord sur un texte qui ne ferme pas tout à fait la porte, notamment en matière de recherche et développement.

Le ministre répète que, donc, non seulement les Régions, mais aussi l'Europe, jouent un rôle de plus en plus significatif. Dans certains domaines, certaines directives sont tellement détaillées et tellement précises que le niveau fédéral n'a presque plus aucune latitude lors de la transposition en droit belge. Cela en vient à un point tel qu'il se développe maintenant une école juridique qui consiste à dire que finalement, une directive une fois prise, quand elle est vraiment précise et que dans la directive il est indiqué une date en deça de laquelle les États membres doivent transposer, eh bien, si un État ne l'a pas fait, cela n'a plus beaucoup d'importance et la directive prime.

Donc, si le membre très longuement, avec ce soupçon de reproche à l'égard du ministre de l'Économie, a considéré que celui-ci manquait de tous ces leviers de commande, il faut bien souligner qu'ils ont effectivement disparu. Le ministre ne peut que déclarer qu'il fait son possible avec ce que lui reste dans ses attributions.

Cela dit, le Vice-Premier ministre pense vraiment que pour la Belgique, indépendamment des appréciations que l'on peut porter sur tel ou tel élément particulier de politique, il n'y a pas de salut hors de l'Union européenne. D'après le ministre, il faut reconnaître en plus que toutes les familles politiques traditionnelles, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à développer un certain style de politique. Et si le ministre se réfère en particulier aux années septante, c'est parce qu'il est clair qu'il y avait un tel décalage entre la perception des effets d'un phénomène et la naissance de celui-ci, que l'on a conduit des politiques qui, aujourd'hui, apparaissent comme des politiques que l'on aurait peut-être dû éviter.

Le ministre explique que, quand la Belgique a vécu le premier choc pétrolier en 1973, notre pays, tous partis confondus, a réagi d'une manière diamétralement opposée à ce qu'il fallait faire. Cela s'explique simplement par le fait que l'on n'avait pas la bonne perception : on a réagi d'une manière conjoncturelle à un phénomène structurel.

Au moment du deuxième choc pétrolier, en 1979, on a continué encore quelques années la même politique. Ce n'est qu'au début des années '80, que l'on a pris conscience des difficultés ainsi créées. Autant toutes les familles politiques traditionnelles avaient contribué à une politique qui nous conduisait à une situation intenable, une fois les années '80 arrivées, toutes ces familles politiques ont fait un virage à 180 degrés pour réparer en quelque sorte ce qui s'était produit durant les années '60 et '70.

Or, le Vice-Premier ministre estime qu'il faut reconnaître aujourd'hui que tout n'est pas brillant, mais qu'en tout cas avec l'ancrage de la Belgique au niveau européen, on a certainement mené les politiques qui s'indiquaient. Quand on voit l'appréciation que porte aujourd'hui notamment le Conseil des ministres des Finances de l'Union européenne sur la faisabilité de l'entrée de la Belgique dans le peloton de tête des pays qui accéderont à la monnaie unique, il faut bien dire que celle-ci était quasiment inespérée au lendemain du Traité de Maastricht. Personnellement, le ministre est intimement convaincu que le Gouvernement a conduit une politique qui aujourd'hui nous permet, avec quelques efforts additionnels, d'ancrer la Belgique dans l'Europe.

Le ministre confirme que le projet de loi vise à sortir de la période de modération salariale. Ce tournant dans la politique salariale est difficile et il importe de le négocier avec beaucoup de prudence. Le ministre estime que la loi-cadre a énormément de vertus quand on sait où l'on se trouve aujourd'hui, quand on connaît l'histoire que le ministre vient d'évoquer et les risques qu'il y aurait à laisser aller les choses. Il ne faut pas oublier que la Belgique est sortie d'une zone de turbulences mais que le calme n'est pas encore totalement revenu. Au sens du ministre, il eût été irresponsable de ne pas prévoir un mécanisme qui soit un mécanisme dans lequel pourraient s'associer les interlocuteurs sociaux et qui vise à négocier cette sortie de la modération salariale.

En réponse aux demandes de statistiques et d'une simulation, le Vice-Premier ministre déclare que l'on ne fait pas de la politique en regardant dans un rétroviseur. En tant qu'homme politique, il ne voit pas l'utilité de ces demandes. Le ministre pense toutefois que la commission gagnerait à saisir les instances universitaires ou autres bureaux d'étude qui pourraient se nourrir de telles simulations.

Le ministre est sidéré de voir à quel point, parfois, le niveau politique entre dans des considérations techniques.

Concernant les difficultés, outre les leviers de commande, un membre de la Commission a reproché au Gouvernement de ne pas savoir où il va. Il est un fait que l'évolution de l'économie européenne peut donner des inquiétudes, et certainement sur le plan social.

Jusqu'en novembre 1989, lorsque le mur de Berlin s'est effondré, nous avions un vrai modèle d'économie européenne, c'est à dire une économie de marché qui était encadrée socialement.

Après cette date, l'Europe a été bouleversée et au début des années 1990, l'économie européenne se rapprochait de plus en plus de l'économie anglo-saxonne.

La grande différence entre l'économie européenne et l'économie anglo-saxonne est que l'économie anglo-saxonne n'a pas le souci de la dimension sociale.

Le projet de loi à l'examen nous rapproche à nouveau du modèle européen, c.à.d. d'une économie avec un encadrement social.

Concernant les questions sur l'emploi, le Ministre souligne que le volet «Emploi» aurait dû être discuté avec le reste du projet de loi sur la compétitivité.

Le Gouverneur de la Banque nationale a expliqué avec beaucoup de pertinence et de force qu'en matière d'emploi, il faut 4 p.c. de croissance économique pour préserver l'emploi dans l'industrie manufacturière et qu'il ne faut que 1 p.c. pour préserver l'emploi dans le secteur des services.

Le Gouvernement a pour but d'essayer de suivre l'évolution de l'emploi dans les trois pays de référence mais ne veut en aucun cas que diminue le volume de l'emploi actuel interprofessionnel global.

Ceci signifie un effet de cliquet : il faudra au moins préserver ce volume-là. Le Gouvernement sait qu'avec une croissance de 2 p.c., il y aura des difficultés et des transferts de type d'emploi dans l'industrie manufacturière. Mais il faut au moins garder ce volume.

Le Conseil national du Travail a déjà analysé les aides Maribel et les autres aides à l'emploi. Les résultats sont peu satisfaisants. A ce jour, nous n'avons pas encore de nouvelle évaluation du C.N.T. Toutefois, le ministre pense que cette nouvelle évaluation sera meilleure que la première évaluation.

Deux écoles s'affrontent, à savoir l'école selon laquelle ces aides doivent apporter concrètement quelque chose au niveau de l'emploi, et l'école qui dit qu'il faut réduire, structurellement, les charges des entreprises.

Le Ministre voit encore d'autres aides additionnelles pour l'emploi. Le Gouvernement espère que, sur d'autres terrains, on pourra créer de l'emploi - que ce soit par la redistribution, là où il est possible, par la diminution du temps de travail.

Au Conseil des ministres, on vient de prendre un arrêté royal sur la base d'une loi de décembre 1994 pour aider les sociétés à finalité sociale qui sont un réservoir d'emploi qui reste actuellement inexploité. Ce réservoir d'emploi sera supérieur à cet effet de cliquet.

Quant à l'article 7, le Ministre rappelle que l'une des originalités et l'une des forces de ce projet de loi, est que chaque fois que l'on parle de compétitivité, on parle de l'emploi.

Le ministre voudrait insister sur le mécanisme mis en place en faveur de l'emploi.

1. L'évaluation de l'emploi sera exprimée par comparaison aux deux années antérieures et sur base des deux années suivantes, tant en Belgique que dans les trois pays de référence.

2. Deux fois l'an, le 31 janvier et le 31 juillet au plus tard, le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail émettront un rapport commun sur cette évaluation de l'emploi. Ce rapport doit comporter une analyse très détaillée des politiques pour l'emploi tant en Belgique que dans les pays voisins.

Ce rapport sera transmis au Parlement.

3. Avant le 31 octobre, tous les deux ans, l'accord interprofessionnel fixe les mesures pour l'emploi :

­ à défaut de consensus entre les interlocuteurs sociaux, le gouvernement joue le médiateur;

­ à défaut d'accord interprofessionnel, le gouvernement prend les mesures en faveur de l'emploi. La loi cite quelques exemples de mesures comme l'augmentation des chances pour les jeunes de trouver un emploi.

4. Des conventions collectives sectorielles ou d'entreprises peuvent également porter sur l'évolution de l'emploi.

5. Avant le 30 novembre de chaque année, le Conseil supérieur de l'emploi formulera des recommandations sur les conventions intersectorielles qui ne comportent pas de mesures suffisantes en faveur de l'emploi.

6. Sur base de ces recommandations, le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendra les mesures appropriées qui s'imposent.

Ces recommandations doivent avoir pour objectif d'assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois pays de référence avec l'ambition de maintenir au moins le volume d'emploi intersectoriel global.

Dans tout le système, on ne discute pas uniquement de la marge mais on doit aussi discuter de l'emploi en fonction d'une dimension intersectorielle mais surtout en fonction d'une dimension sectorielle (avec des variations).

Ce sera examiné par le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail, mais en plus, le Gouvernement aura son conseil d'experts qui est le Conseil supérieur de l'emploi.

Ce Conseil va analyser le système et préconiser au Gouvernement des formules pour qu'en cas de nécessité, le Gouvernement puisse agir d'initiative.

Concernant les critères du Traité de Maastricht, le ministre souligne que la Belgique satisfait largement à 3 des 5 critères. Il reste le critère de l'endettement et le critère du déficit annuel.

Pour ce qui est du critère de l'endettement, le ministre dit constater une baisse significative, et même assez spectaculaire, de ce stock de dette. La Belgique quitte d'une manière durable la zone d'effet boule de neige.

En effet, la Belgique est un pays qui a un solde primaire considérable, qui assainit d'une manière structurelle la dette publique.

Les Pays-Bas se trouvaient initialement dans une situation nettement meilleure que la Belgique, puisqu'ils avaient un taux d'endettement de l'ordre de 75 p.c. du P.I.B. Contrairement à la Belgique, ils sont passés de 75 p.c. à 79 p.c. et ne voient pas bien comment ils vont pouvoir stabiliser cette hausse, malgré leurs bons résultats socio-économiques.

Au rythme où la Belgique a commencé et vu la baisse substantielle, il faudra encore une quinzaine d'années pour atteindre le critère de 60 p.c., sans nouveaux efforts.

Le paramètre de l'endettement sera jugé par la Commission européenne et par les autres pays européens. Comme notre dette publique n'approche pas encore le critère des 60 p.c., la Belgique est obligée de satisfaire complètement au critère de 3 p.c. de déficit annuel.

Par l'accord gouvernemental, les partis de la majorité se sont engagés à tout faire pour que la Belgique soit dans le peloton de tête des pays qui accèdent à la monnaie unique et pour prendre toutes les mesures nécessaires. Le ministre souligne qu'il s'en tient à l'accord du Gouvernement.


E. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

Intitulé du projet de loi

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement nº 1, rédigé comme suit :

« Remplacer l'intitulé du projet de loi par ce qui suit :

« Projet de loi accordant des pouvoirs spéciaux au Roi en ce qui concerne la promotion de l'emploi et la sauvegarde préventive de la compétitivité. »

Justification

Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, il s'agit bel et bien d'accorder des pouvoirs spéciaux, comme le prouve du reste clairement l'avis du Conseil d'État.

MM. Hatry et consorts déposent un amendement similaire (nº 75) :

« Remplacer l'intitulé du projet par l'intitulé suivant :

« Projet de loi attribuant certains pouvoirs spéciaux au Roi en matière de promotion de l'emploi et de sauvegarde préventive de la compétitivité ».

Justification

Le Conseil d'État a fait observer que le projet de loi comprenait un nombre important d'habilitations au Roi en vue de prendre des mesures d'une portée normative générale, et d'ajouter que « Certaines de ces dispositions soulèvent des questions concernant l'ampleur et la portée des mesures que le Roi peut prendre le cas échéant en vertu de ces habilitations. »

Il est clair que la pseudo-loi-cadre présentée par le Gouvernement relève du principe non de la loi d'habilitation ordinaire mais de la loi de pouvoirs spéciaux.

Il convient de mettre l'intitulé en conformité avec le contenu normatif du texte.

Le ministre demande de rejeter ces deux amendements.

En effet, en vertu de la jurisprudence de la section « Législation » du Conseil d'État, la différence entre une loi d'habilitation ordinaire et une loi de pouvoirs spéciaux n'est pas uniquement que dans un cas le Roi est habilité à compléter ou modifier une loi et pas dans l'autre. La différence réside essentiellement dans les objectifs de la loi même.

Le Gouvernement demande dès lors de maintenir l'intitulé.

Les auteurs de l'amendement ne sont pas convaincus par les arguments du ministre et maintiennent leur amendement.

Article 1er

Un membre souligne que, vu l'attitude du Gouvernement et malgré les affirmations du ministre des Finances, du ministre du Budget et du ministre des Affaires étrangères, les trois projets de loi-cadre ne traiteront pas du bicaméralisme obligatoire et non plus de matières ayant un impact sur le budget cet article doit se référer aux articles 74, 77 et 78 de la Constitution.

M. Hatry et consorts déposent l'amendement nº 76 :

« Remplacer les mots « à l'article 78 » par les mots « aux articles 77 et 78 ».

Justification

Comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis préalable, les pouvoirs extrêmement étendus qui sont délégués au Roi par ce projet permettent à priori au Roi de prendre des mesures qui porteront sur les matières visées à l'article 77 de la Constitution.

Certes, en réponse à cet avis, le Gouvernement affirme son intention de n'habiliter le Roi qu'à prendre les arrêtés portant exclusivement sur les matières relevant de l'article 78 de la Constitution, limitant ainsi les pouvoirs spéciaux attribués au Roi. Nous ne pouvons nous satisfaire de cet engagement théorique qui, en pratique, n'offre aucune garantie. En effet, il n'existe à l'heure actuelle aucune jurisprudence constante relative aux matières qu'il faut considérer comme relevant de l'article 77 ou 78 de la Constitution. Tant la Chambre que le Sénat sont confrontés régulièrement à des discussions relatives au bicaméralisme intégral ou optionnel des dispositions sur lesquelles ils doivent se prononcer.

Alors que nos assemblées législatives fédérales n'ont pas encore adopté de positions cohérentes sur ce sujet, que le comité de concertation n'a pas non plus réussi à résoudre ce problème, il est impensable de confier au Gouvernement la tâche de déterminer ce qui relève ou non de l'article 77 et 78 de la Constitution.

À une exception près, le Gouvernement s'est toujours refusé à suivre les avis du Conseil d'État dans ce domaine. De plus, le Gouvernement ne s'est pas privé de se contredire dans ses propres raisonnements juridiques.

Il est donc extrêmement dangereux d'abandonner au Gouvernement le soin d'établir les matières qui relèvent ou non de l'article 77 ou 78 de la Constitution, créant ainsi une jurisprudence susceptible de lier pour l'avenir les chambres législatives.

Les articles du présent projet de loi étant tellement larges et imprécis, chaque article est susceptible, à priori, de régler une matière liée à l'article 77 ou 78 de la Constitution.

Pour l'élaboration de cette loi, il y a donc lieu de suivre la seule procédure législative de l'article 77 de la Constitution, à savoir le bicaméralisme intégral classique. Comme le précise le Conseil d'État : « On ne saurait en effet admettre que le Roi puisse régler une matière qui relève de la compétence conjointe des chambres législatives si le Sénat n'a pas, de manière concomitante avec la Chambre, donné son habilitation.

D'un point de vue constitutionnel, il ne suffit pas que les arrêtés soient confirmés à postériori par la Chambre et le Sénat. Même en cas de doute, il est recommandé de tenir le présent projet comme portant sur l'une ou l'autre des matières énumérées à l'article 77 de la Constitution (...). Dès lors, il est suggéré que le présent projet soit adopté par les deux chambres législatives. »

Les lois de confirmation suivront, par contre, la procédure législative qui correspond aux matières traitées dans les arrêtés de pouvoirs spéciaux : soit l'article 77, soit l'article 78 de la Constitution.

Le ministre explique que la position du Gouvernement à propos de la problématique soulevée par cet amendement est claire et conforme à la thèse défendue par le Conseil d'État : un projet de loi qui habilite le Roi à intervenir dans des matières qui relèvent de l'article 77 de la Constitution doit être considéré comme réglant lui-même des matières visées à cet article 77.

Un projet de loi adopté conformément à la procédure prévue à l'article 78 de la Constitution ne peut donc habiliter le Roi à intervenir dans aucune des matières visées à l'article 77 de notre Charte fondamentale.

Il est spécifié à l'article 1er de chacun des trois projets de loi-cadre actuellement en discussion au Parlement que ceux-ci règlent une matière visée à l'article 78 de la Constitution. L'article 1er de chacun de ces projets contient par conséquent une limitation explicite de chacune des habilitations que ces projets contiennent. Le Gouvernement confirme qu'en aucune manière, sur la base des lois-cadres, le Roi ne pourra régler une matière visée à l'article 77 de la Constitution. Contrairement à ce qui est indiqué dans la justification de l'amendement, il ne s'agit pas d'un engagement théorique du Gouvernement mais de la conséquence des limites que l'article 1er du projet de loi assigne à l'habilitation conférée au Roi.

Par ailleurs, il n'est pas exact que l'on « abandonne au Gouvernement le soin d'établir les matières qui relèvent ou non de l'article 77 ou 78 de la Constitution ». Il appartiendra en effet au Conseil d'État ou à toute autre juridiction saisie de la question de la légalité d'un arrêté royal pris sur la base de la loi-cadre, d'apprécier si le Gouvernement est resté dans les limites de l'habilitation qui lui est conférée, et en particulier, s'il n'a pas réglé une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Un membre estime que le Gouvernement serait plus à l'aise s'il suivait l'amendement. Dans l'intérêt de la qualité de la législation que va proposer le Gouvernement en exécution de ce projet de loi, l'intervenant est tenu de maintenir l'amendement.

Article 1er bis (nouveau)

MM. Coveliers et consorts déposent l'amendement suivant (nº 101) :

« Au titre Ier , insérer un article 1er bis (nouveau), rédigé comme suit :

« Art. 1er bis. ­ Il n'est point dérogé au droit constitutionnel accordé à quinze sénateurs, tel que le définit l'article 78, second alinéa, de la Constitution. »

Justification

L'article 105 de la Constitution dispose que le Roi, en l'occurrence le pouvoir exécutif, n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même.

La Chambre des représentants accorde au Roi un certain nombre de pleins pouvoirs, mais cela ne peut porter atteinte à aucun droit constitutionnel.

Le droit d'évocation défini par la Constitution subsiste, même si le Sénat estime que le texte adopté par la Chambre ne doit pas être amendé, après l'avoir évoqué conformément à l'article 78 de la Constitution. Selon un autre point de vue, le Sénat pourrait supprimer un droit constitutionnel à la majorité simple, quod non !

La dernière modification de la Constitution a reconnu, outre le Sénat en tant que tel ­ en d'autres mots la majorité de la Haute Assemblée ­, une nouvelle entité, qui est formée de quinze sénateurs et à laquelle elle a attribué des droits constitutionnels.

L'argument tiré de l'article 159 de la Constitution, selon lequel les arrêtés pris en exécution d'une loi de pouvoirs spéciaux ne sont que des actes réglementaires, n'est pas fondé. En effet, si cette thèse était exacte, il n'y aurait pas lieu d'adopter une loi particulière, puisque le pouvoir exécutif possède toujours la compétence réglementaire.

Comme les arrêtés pris dans le cadre des pouvoirs spéciaux peuvent modifier des lois et des arrêtés antérieurs, ils doivent être considérés comme des actes législatifs. Ce sont en quelque sorte des projets de loi que la Chambre adopte par anticipation.

Ces arrêtés remplacent les projets dont il est question à l'article 78, premier alinéa, de la Constitution.

Le nom que l'on donne à ces textes ne peut porter atteinte au droit d'évocation que la Constitution accorde à quinze sénateurs.

Conformément à l'article 78 de la Constitution, le Sénat peut évidemment évoquer le projet visant à confirmer les arrêtés et qui sera déposé ultérieurement; cette faculté ne modifie toutefois en rien le point de vue formulé ci-dessus.

En effet, le fait de procéder ultérieurement à la confirmation n'empêche pas que ces textes fassent fonction de loi, ne fût-ce que temporairement. Or, l'essence du système constitutionnel est précisément qu'une loi, pour les matières visées à l'article 78, ne peut être élaborée que dans le respect de la Constitution, y compris de son article 78, deuxième alinéa.

Les structures constitutionnelles, qui résultent des dernières réformes institutionnelles, exigent que le Roi ou, le cas échéant, le pouvoir exécutif soumette chaque projet au droit d'évocation de quinze sénateurs.

Le présent amendement se justifie dès lors de par la Constitution.

Un membre souligne que cet amendement devrait susciter beaucoup d'intérêt chez l'ensemble des commissaires et, même, chez l'ensemble des sénateurs. Cet amendement vise à contrôler dans quelle mesure, dans le cadre des pleins pouvoirs créés et des arrêtés pris en exécution de ces pleins pouvoirs, le droit d'évocation de quinze sénateurs reste applicable aux initiatives législatives qui prennent, non pas la forme d'une loi, mais celle d'un arrêté numéroté. Dès lors, il faut obliger le Conseil d'État à se prononcer sur le fond quant à l'application du droit d'évocation aux arrêtés royaux numérotés.

Lors de la répartition des tâches entre les Assemblées du Parlement fédéral, l'on a négligé le problème de l'utilisation des pleins pouvoirs, de sorte qu'il n'y a aucune description précise de la manière dont il faut effectivement procéder dans les cas où l'on y a recours.

Comme le projet de loi à l'examen n'a pas encore été adopté par la Chambre des représentants, le Sénat peut encore demander l'avis du Conseil d'État.

Si le Conseil d'État émettait un avis positif sur cet amendement, il conférerait en réalité davantage de pouvoirs au Sénat qu'à la Chambre, puisque le Sénat pourrait, contrairement à la Chambre, se prononcer sur les arrêtés numérotés pris en vertu des pleins pouvoirs. C'est d'ailleurs probablement la raison pour laquelle le Conseil d'État rendra un avis négatif.

Le ministre répond que l'amendement signifierait que le Sénat aurait davantage de pouvoirs que la Chambre. Le Gouvernement estime que la réforme de l'État et de la Constitution ne confèrent pas ce type de pouvoir au Sénat. Il est clair que le Sénat pourrait évoquer le projet de loi de ratification après le vote à la Chambre, mais qu'il ne peut pas évoquer un arrêté royal qui reste un arrêté avec une portée momentanée. Tant qu'il n'est pas ratifié, l'arrêté royal ne peut pas être évoqué par le Sénat.

Le ministre demande le rejet de cet amendement.

Un membre comprend que le ministre demande le rejet de l'amendement dont l'adoption limiterait nettement la marge de manoeuvre du Gouvernement. Ce n'est toutefois pas un argument suffisant pour affirmer que l'amendement n'a aucune valeur juridique. L'on peut avoir commis une erreur ou un oubli lors de la révision de la Constitution.

Un autre membre ajoute que l'opposition est restée dans l'ignorance en ce qui concerne cet avis du Conseil d'État. Le premier ministre avait promis de chercher une solution, mais il ne l'a pas encore fait. L'avis du Conseil d'État sur le projet un rôle trop important.

Article 2

MM. Coene et Goovaerts déposent l'amendement nº 2, qui est un amendement à titre principal à cet article.

L'amendement est rédigé comme suit :

« Supprimer cet article. »

Justification

Le Premier ministre souligne, dans son plan clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non au maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estima qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un des interlocuteurs sociaux au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le Premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le Gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan clé, le Premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant sept ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

Un membre souligne qu'en cherchant à parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Gouvernement a perdu un an. En effet, la concertation sociale est cliniquement morte en Belgique. Compte tenu des positions respectives des employeurs et des travailleurs sur un certain nombre de questions, il n'y a plus de marge pour un accord.

L'intervenant renvoie également à l'exposé qu'il a tenu, lors de la discussion générale, sur le handicap des coûts salariaux. Si le Gouvernement avait utilisé le concept le plus large possible, cet handicap ne serait pas de 7 à 8 p.c., mais de 15 p.c. environ. Or, aujourd'hui, le Gouvernement rétrécit ce concept pour s'assurer qu'il n'y aura plus de nouvelles pertes de compétitivité. La loi de 1989 aurait pu être opérationnelle si le Gouvernement n'avait pas cessé d'invoquer des prétextes pour s'abstenir en définitive de proposer des adaptations.

Le projet de loi à l'étranger peut-il être opérationnel ? Où le Gouvernement trouvera-t-il les statistiques sur l'évolution des coûts salariaux d'ici à deux ans ? Aucune institution nationale ou internationale ne publie de tels chiffres. Si c'est le Gouvernement lui-même qui se charge des chiffres, on sait d'ores et déjà dans quel sens ira l'évolution !

Cet aspect opérationnel n'est manifestement pas très important pour le Gouvernement, du moment qu'il peut produire lui-même les statistiques et orienter le débat dans le sens qu'il désire.

Il ne sera question ni de sauvegarde préventive de la compétitivité, ni de sauvegarde tout court. Le retard accumulé ne sera pas résorbé et l'impact de la loi en projet sur l'emploi est inexistant.

L'intervenant déplore vivement que l'on continue à associer les partenaires sociaux au processus alors que le Parlement, lui, en est exclu. Or, le Parlement compte précisément en son sein des personnes qui ont une conception saine de l'activité économique et qui parviendraient à conclure un accord sur les mesures indispensables pour préparer l'économie belge à l'adhésion à l'Union économique et monétaire.

Il ressort de ces pratiques que le Gouvernement manque de courage pour aborder les problèmes fondamentaux.

Le ministre ne partage pas l'analyse présentée par le préopinant. Concernant le fond, le ministre renvoie aux réponses déjà formulées lors du débat général sur le même sujet. Concernant la forme, il semble indispensable de définir les différents concepts et termes utilisés dans la loi. Le Gouvernement demande de maintenir les définitions telles que prévues à l'article 2 du présent projet.

En ce qui concerne la disposition relative aux États membres de référence, MM. Coene et Goovaerts déposent les amendements subsidiaires suivants (nºs 3, 4, 5, 6 et 7) :

(Premier amendement subsidiaire à l'amendement nº 2)

« Remplacer chaque fois les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence. »

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

(Deuxième amendement subsidiaire à l'amendement nº 2.)

« Au premier tiret, remplacer les mots « l'Allemagne, la France et les Pays-Bas » par les mots « les États membres de l'Union européenne à l'exclusion de la Belgique et du Luxembourg. »

Justification

Il n'est vraiment possible de mener une politique de sauvegarde de la compétitivité qu'en tenant compte de l'évolution qui se manifeste chez la plupart de nos partenaires commerciaux. Si l'Allemagne, la France et les Pays-Bas sont nos principaux partenaires commerciaux, ce ne sont pas les seuls. Notre compétitivité doit dès lors être également sauvegardée par rapport à nos autres partenaires commerciaux.

L'idéal serait de considérer nos dix-neuf principaux partenaires comme pays de référence. Afin d'éviter les problèmes spécifiques dus au fait que ces pays font partie d'autres zones monétaires, il est proposé de prendre comme références les pays qui font partie de l'Union européenne.

(Troisième amendement subsidiaire à l'amendement nº 2.)

« Au premier tiret, remplacer les mots « l'Allemagne, la France et les Pays-Bas » par les mots « les États membres de l'Union européenne à l'exclusion de la Belgique et du Luxembourg, les États-Unis, le Japon, l'Australie, le Canada, la Norvège et la Suisse. »

Justification

L'idéal serait qu'en ce qui concerne la sauvegarde de la compétitivité, l'on tienne compte de l'évolution chez la plupart de nos principaux partenaires commerciaux. Le présent amendement vise dès lors à reprendre le plus large groupe de pays en tant que pays de référence.

(Quatrième amendement subsidiaire à l'amendement nº 2.)

« Au premier tiret, remplacer les mots « l'Allemagne, la France et les Pays-Bas » par les mots « l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Italie, les États-Unis et le Japon. »

Justification

Il est effectivement exact que l'Allemagne, les Pays-Bas et la France sont de facto des pays avec lesquels la Belgique a des taux de change stables et une convergence monétaire.

Ce n'est toutefois pas là un critère tout à fait exact ni le seul critère en matière de choix des pays de référence, étant donné que de cette manière, une série d'autres pays, qui sont également d'importants concurrents (notamment le Royaume-Uni, l'Italie, les États-Unis et le Japon) sont exclus. La compétitivité doit également être sauvegardée vis-à-vis de ces pays. Le présent amendement, qui vise à reprendre comme pays de référence les sept principaux partenaires commerciaux de la Belgique, répond à cette nécessité.

(Cinquième amendement subsidiaire à l'amendement nº 2.)

« Au premier tiret, remplacer les mots « l'Allemagne, la France et les Pays-Bas » par les mots « l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Italie. »

Justification

Dans son plan clé, le Premier ministre précise que notre formation des salaires doit être alignée structurellement sur celle des autres pays de l'Union monétaire européenne. Afin de mieux traduire cette vision du Premier ministre, il est proposé de reprendre également l'Italie en tant que pays de référence. Le contenu actuel de l'article 2, premier tiret, ne reflète en effet pas assez la vision du Premier ministre.

Étant donné que le Royaume-Uni est un de nos cinq principaux partenaires commerciaux, il est proposé de reprendre également ce pays.

Un membre souligne qu'il faut préserver la compétitivité par rapport à l'ensemble des pays avec lesquels la Belgique est en concurrence. En se référant uniquement à un groupe de pays, on fausse le calcul.

Le ministre ne peut pas suivre les amendements puisqu'il estime que le terme « États membres » est plus pertinent que le terme « pays de référence » dans ce concept de l'entrée de la Belgique dans le peloton de tête des pays qui vont accéder à la monnaie unique.

Concernant le deuxième amendement subsidiaire, le ministre renvoie à la discussion générale, où ont été énumérées les raisons pour lesquelles le Gouvernement a retenu les trois pays de référence à la fois en termes d'échanges commerciaux mais aussi en termes de noyau de base des pays qui vont accéder à la monnaie unique.

Il en va de même pour le troisième amendement subsidiaire qui élargit encore davantage le concept.

Concernant le quatrième amendement subsidiaire, un membre fait observer qu'il tend à reprendre la situation prévue par la loi du 6 janvier 1989. L'intervenant estime que cette loi n'a pas connu le fonctionnement qu'on a espéré puisqu'on y a mis trop de critères.

Un commissaire souligne que le ministre rejette les amendements subsidiaires parce qu'il estime que la position du Gouvernement est pertinente. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si cette position est réellement pertinente, voire opportune. En d'autres termes, la position du Gouvernement aboutira-t-elle à la solution recherchée ?

L'intervenant attire dès lors l'attention du ministre sur le fait que le deuxième amendement subsidiaire a pour effet d'affiner l'ensemble.

Si le Gouvernement veut préserver intégralement la compétitivité, il doit tenir compte de la plupart des partenaires commerciaux.

Le même membre souligne la cohérence intellectuelle entre les troisième, quatrième et cinquième amendements subsidiaires, lesquels participent de la même logique. Le critère qui est proposé par le Gouvernement aura un intérêt secondaire par rapport à la position concurrentielle du pays sur le plan international. On invoque sans cesse l'internationalisation de l'économie, mais, dans le domaine de la compétitivité, on se contente de prendre quelques pays comme critère de référence et on oublie cette internationalisation.

Pour ce qui est du choix de l'Italie comme pays de référence, l'intervenant se réfère enfin à l'exposé du gouverneur de la Banque nationale ainsi qu'aux louanges qu'a prodiguées le ministre des Finances au sujet de l'évolution en Italie. Pour parvenir à une analyse objective de notre position concurrentielle, il faudrait donc à tout le moins intégrer, et l'Italie, et le Royaume-Uni dans la liste des pays de référence.

Un autre membre estime que le quatrième amendement subsidiaire est de loin le plus cohérent parce qu'il maintient la référence aux trois pays qui vont entrer dans l'union monétaire en même temps que la Belgique. Toutefois, le Gouvernement néglige trois groupes de pays qui jouent aussi un rôle très important dans la compétitivité. Il s'agit, en premier lieu, des pays qui, à l'intérieur de l'Union européenne, ne sont pas maintenus dans le système monétaire européen et qui, par conséquent, ont des taux de change qui fluctuent en dehors du système monétaire européen. Les représentants de ces pays sont la Grande-Bretagne et l'Italie. Il semble que l'Italie soit disposée à conclure un accord visant un deuxième système monétaire européen une fois que l'euro sera entré en vigueur.

Par contre, la Grande-Bretagne ne le fera pas. Elle représente dès lors un autre type de pays qui bénéficie d'un libre accès au marché européen, mais qui ne s'est pas lié au système monétaire européen deuxième version.

Dans la loi de 1989, les États-Unis constituaient le principal représentant de la zone du dollar. Dans des dizaines de pays du monde, la parité fluctue en même temps que la monnaie américaine : l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et de nombreux pays de l'Asie du Sud-Est et d'Amérique latine, qui ont lié leurs devises au dollar américain. Avec la nouvelle loi, ce groupe de pays n'intervient plus du tout dans la comparaison.

Enfin, le Japon, en soi déjà un élément important, doit être représentatif des pays de l'Asie orientale dont les fluctuations monétaires sont indépendantes de celles du dollar. Le Japon reste un concurrent dur pour notre économie, même si la réévaluation du yen lui a enlevé une partie de ses griffes.

Un commissaire illustre les arguments évoqués par un préopinant par des données chiffrées relatives à l'époque où la loi actuelle de sauvegarde de la compétitivité était en vigueur. La différence entre le calcul avec les trois pays de référence (4 p.c.) et le concept le plus large, à savoir les 19 pays (14 p.c.), s'élève à 10 p.c.

Il s'agit d'un calcul pondéré, ce qui implique que les trois pays de référence ont effectivement un poids plus important, mais la différence reste considérable et souligne l'intérêt d'utiliser le concept le plus large possible pour déterminer effectivement si la Belgique perd oui ou non de sa compétitivité.

Dans la logique globale de l'union économique et monétaire, le deuxième amendement subsidiaire est le plus pertinent. Le Gouvernement doit veiller à préserver notre compétitivité au sein de l'Union et à accorder notre évolution salariale avec ce qui se passe à l'étranger.

Le quatrième amendement subsidiaire est certainement pertinent lui aussi. Il faudrait en fait instaurer un deuxième index distinct de l'autre, parce que là les fluctuations de change peuvent jouer. Les deux index doivent être intégrés dans l'ensemble si le Gouvernement entend instaurer un système sérieux de préservation de la compétitivité.

Le ministre renvoie à nouveau à la discussion générale. Ce projet de loi a une perspective et s'inscrit dans une dynamique. Une fois que la zone des pays qui ont accédé à la monnaie unique aura une certaine homogénéité, l'ensemble des pays de cette zone vont devoir faire une étape supplémentaire. Après quelques années d'expérience d'une convergence économique plus affinée entre ces pays, il faudra des instruments vis-à-vis des pays indiqués par le membre.

MM. Coene et Goovaerts déposent le sixième amendement subsidiaire suivant (nº 8) :

Au deuxième tiret, supprimer les mots « exprimée en équivalents temps plein ».

Justification

Compte tenu de la disponibilité des statistiques de base requise, l'expression du coût salarial moyen par travailleur en équivalents temps plein pose des problèmes techniques pratiquement insurmontables. Le Conseil central de l'économie a également attiré l'attention sur cette problématique dans son avis sur le projet de loi. On peut donc se demander si l'appareil statistique sera en mesure de fournir des données fiables et de haute qualité en la matière.

Aussi est-il proposé de supprimer les termes imprécis « équivalents temps plein ».

Un intervenant souligne que l'article 2 est précisément celui qui contient les définitions. Il importe donc d'y mentionner la signification et le contenu exacts de chaque terme. La notion d'« équivalent temps plein », est vague et ne pourrait que prêter à confusion et susciter des discussions. Des statistiques basées sur des données vagues disent n'importe quoi et sont inutilisables.

Le ministre ne partage pas l'analyse de l'intervenant précédent.

Un « équivalent » est un équivalent, le cas échéant corrigé en fonction de modifications dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail exprimée en monnaie nationale, c'est-à-dire qu'il y a lieu de tenir compte du travail à temps partiel et de ramener le travail à temps partiel à une unité mesurable. Au Conseil central de l'économie, un accord quasi unanime a été conclu sur ce type de concept. Les statistiques sont disponibles en équivalent temps plein.

Le ministre demande le rejet de l'amendement.

MM. Coene et Goovaerts déposent un septième amendement subsidiaire (nº 9) :

Au deuxième tiret, supprimer les mots « et le cas échéant, corrigé en fonction de modifications dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail ».

Justification

Compte tenu de la disponibilité des statistiques de base requises, le calcul des corrections pour les chargements dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail pose des problèmes techniques pratiquement insurmontables. Le Conseil central de l'économie a également attiré l'attention sur cette problématique dans son avis sur le projet de loi. On peut donc se demander si l'appareil statistique sera en mesure de fournir des donnnées fiables et de haute qualité en la matière.

Un membre estime que l'on doit s'interroger quant à la possibilité d'utiliser ce concept vague. Il rappelle l'avis du Conseil central de l'économie attirant l'attention du Gouvernement « sur le fait que la mise en oeuvre de ces séries pose des problèmes techniques, eu égard à la disponibilité des statistiques de base. »

L'intervenant se demande si le Gouvernement ne demande pas volontairement des choses dont il sait pertinemment qu'elles sont irréalisables en pratique. Ne viserait-il pas à compliquer la loi pour pouvoir manipuler et redéfinir les notions et conclure finalement qu'il ne s'impose pas d'intervenir préventivement pour préserver la compétitivité ?

Que signifient d'ailleurs les mots « et le cas échéant » ? Quand sera-t-il nécessaire d'apporter la correction ? Le texte de la loi ne le précise pas.

Ces notions sont déjà imprécises dans le contexte belge. Que dire alors s'il fallait les appliquer aux pays de référence ?

C'est la raison pour laquelle il est proposé de supprimer ces termes imprécis et compliqués.

Un membre ajoute qu'à partir du moment où on veut appliquer le deuxième tiret de l'article 2, une faiblesse apparaît. Dans l'évolution du coût salarial, il y a l'élément « durée annuelle moyenne conventionnelle du travail », mais l'élément des différences qui existent au départ de cette durée annuelle, manque. La durée hebdomadaire moyenne conventionnelle du travail en Belgique est de 38 heures, tandis que, par exemple, la Suisse connaît encore une durée annuelle moyenne de 48 heures.

Supposons que la Suisse passe de 48 à 45 heures, avec maintien des rémunérations. Immédiatement, une détérioration de la compétitivité de la Suisse se manifesterait, alors que la Suisse travaille encore 7 heures de plus que la Belgique !

Le texte aurait dû mentionner « corrigé en fonction de modifications et de différences dans la durée annuelle conventionnelle du travail » puisqu'on ne tient aucun compte de ces différences.

M. Hatry dépose l'amendement (nº 103) suivant :

« Au 2e tiret de l'article, entre les mots « en fonction de » et « modification », insérer les mots : « de différences initiales et ».

Justification

Il est essentiel de tenir compte des différences qui existent, dès aujourd'hui, quant à la durée du temps de travail, entre la Belgique et d'autres États. La Belgique est, à cet égard, l'un des pays où la durée du temps de travail est la plus réduite. Les États où la durée du temps de travail est plus élevée ont évidemment une « marge de manoeuvre » que la Belgique ne possède pas. Il faut tenir compte de cette situation différenciée dès le départ.

Le ministre souligne que la Suisse ne fait pas partie des trois pays de référence dans le concept de cette loi. En tout cas, le passé est le passé et la loi a une vision prospective.

Les mots « le cas échéant » signifient justement qu'il peut y avoir des durées moyennes conventionnelles différentes, ce qui mérite une adaptation pour avoir une équivalence correcte.

L'amendement nº 103 ne peut pas être retenu par le Gouvernement.

Le membre n'est pas d'accord avec la réponse du ministre que le passé est le passé. Selon l'intervenant, le deuxième tiret se rapporte au présent et pas à une évolution du passé. Il faut bien noter que la situation actuelle présente des différences !

MM. Coene et Goovaerts déposent un huitième amendement subsidiaire (nº 10), libellé comme suit :

« Au deuxième tiret, remplacer le mot « conventionnelle » par le mot « réelle ».

Justification

La notion de durée conventionnelle de travail n'existe que sur papier et n'est pas officielle. La notion de durée réelle de travail correspond en outre mieux à la réalité, étant donné qu'elle permet de tenir compte de certaines différences en matière d'heures supplémentaires, de jours de vacances, de durée conventionnelle de travail, d'absenténisme, etc.

Un membre déclare que le texte de l'article 2 n'est en fait rien d'autre qu'un glossaire tautologique.

Un autre membre déclare avoir deux series de critiques à cet amendement.

La première série de critiques est que l'amendement tend à mettre la Belgique dans une position encore plus défavorable qu'elle ne l'est en réalité. Nous savons très bien qu'il y a un écart négatif entre la durée réelle du travail et la durée conventionnelle : la durée réelle est inférieure à la durée conventionnelle (causes de malades, etc.). Dans d'autres cas, on a utilisé les réductions de la durée conventionnelle du travail parfois uniquement comme un moyen de relever les rémunérations.

La deuxième réflexion est que la durée réelle n'est pas toujours connue. Par exemple, les équipes de travail et les employeurs font de commun accord des heures supplémentaires sans trop en parler à l'extérieur. Ceci n'est pas enregistré statistiquement. La durée conventionnelle est plus facile à mesurer que la durée réelle. En outre, les autres pays ne disposent pas de statistiques relatives à la durée réelle du travail qui aient la même qualité que celles de la Belgique.

Un membre exprime sa déception à propos de cette dernière intervention qui prouve que celui qui l'a fait s'est laissé berner par le brouillard diffusé par le Gouvernement à propos de ces articles. En effet, le vrai problème n'est pas le niveau des coûts, mais bien l'évolution des coûts salariaux.

En ce qui concerne le fait que l'on ne parle pas trop des heures supplémentaires, le même membre estime qu'il faut faire une comparaison ente le nombre d'heures supplémentaires que l'on ne peut pas évaluer, l'absentéisme, les grèves, etc.

L'amendement proposé ne peut pas résoudre totalement ce problème; mais tenir compte de deux éléments (l'absentéisme et les grèves) constituent déjà un progrès.

Le ministre partage l'avis du membre qui a critiqué l'amendement. Il demande de rejeter l'amendement.

Un autre membre souligne que les arguments du ministre et du préopinant ne sont pas pertinents. En réalité, le ministre se rallie à des arguments erronés.

MM. Coene et Goovaerts déposent un neuvième amendement subsidiaire (nº 11) :

« Au deuxième tiret, remplacer les mots « en monnaie nationale » par les mots « en monnaie communautaire ».

Justification

Si l'évolution du coût salarial est exprimée en monnaie nationale, il ne pourra être tenu compte des fluctuations sur le marché des changes. Pourtant, l'évolution des taux de change a une incidence considérable sur l'évolution du coût salarial et donc sur la compétitivité. On a pu le constater à suffisance dans un passé récent, à une époque où les taux de change entre la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et, dans une moindre mesure, la France étaient pourtant déjà censés être stables. Pour tenir compte de ce phénomène, nous proposons d'exprimer l'évolution du coût salarial en monnaie communautaire.

Un membre ajoute que seul un nombre limité de pays pourront participer à la première phase de l'union économique et monétaire. Or, tant que tous les pays ne feront pas partie de l'U.E.M., il subsistera un risque non négligeable de dévaluations compétitives si l'évolution du coût salarial est exprimée en monnaie nationale.

Un membre estime que cet amendement est la suite logique de la proposition d'élargissement des pays de référence. Pour la période transitoire qui nous sépare de l'introduction de l'euro, l'amendement est certainement nécessaire. Dès lors, l'intervenant soutient l'amendement.

Le ministre ne partage pas l'opinion des deux intervenants précédents.

Les indices sont calculés, pour chaque pays, dans sa monnaie. Ils sont ensuite pondérés. Les taux de change se stabilisent à l'approche de l'union monétaire. Une fois que la Belgique sera dans le peloton de tête des pays qui accéderont à la monnaie unique, ils seront fixes. Le Gouvernement demande de rejeter l'amendement.

Un membre déclare ne pas être convaincu par les arguments du ministre et maintient l'amendement.

MM. Coene et Goovaerts déposent les dixième, onzième et douzième amendements subsidiaires (nºs 12, 13 et 14) :

(Dixième amendement subsidiaire)

« Au deuxième tiret, dernière phrase, supprimer les mots « et les prévisions ».

Justification

Il est absurde qu'une loi censée avoir un effet préventif en matière de compétivité, doive se fonder sur des prévisions, c'est-à-dire des estimations. Ces prévisions se sont d'ailleurs avérées plusieurs fois trop optimistes par le passé. Il faut se baser sur des données certaines et non sur des estimations.

(Onzième amendement subsidiaire)

« Au deuxième tiret, compléter la dernière phrase par les mots « et d'Eurostat ».

Justification

Il est indispensable de disposer de données fiables et indépendantes. Il n'est donc certainement pas mauvais de faire appel à plus d'une institution. Il convient d'ailleurs de souligner que, dans son avis, le Conseil central de l'économie propose lui-même d'utiliser les données de l'O.C.D.E. et d'Eurostat. Il convient enfin de souligner qu'une institution comme l'O.C.D.E. ne standardise que les données provenant des États membres.

(Douzième amendement subsidiaire)

« Au troisième tiret, dernière phrase, remplacer les mots « de l'O.C.D.E. » par les mots « de l'O.C.D.E. et Eurostat ».

Justification

Il est indispensable de disposer de données fiables et indépendantes. Il n'est donc certainement pas mauvais de faire appel à plus d'une institution. Il convient d'ailleurs de souligner que, dans son avis, le Conseil central de l'économie propose lui-même d'utiliser les données de l'O.C.D.E. et d'Eurostat. Il convient enfin de souligner qu'une institution comme l'O.C.D.E. ne standardise que les données provenant des États membres.

Un membre ajoute l'avis suivant à propos de ces amendements : le Gouvernement se fondera sur les données et les perspectives de l'O.C.D.E. pour évaluer l'augmentation salariale en Belgique et dans les pays de référence. L'intervenant souligne que c'est notre pays lui-même qui communique ces données à l'O.C.D.E., qui utilise ces données pour élaborer ses analyses et ses perspectives. En réalité, l'O.C.D.E. se fonde sur des données que notre pays rectifie, dans la mesure du possible, avec l'aide de la Banque nationale, afin que les déclarations de l'O.C.D.E. soient conformes aux souhaits du Gouvernement.

Ce système ne peut pas être modifié du jour au lendemain et il souhaite donc qu'au nom de l'objectivité l'on supprime l'élément « O.C.D.E. ».

Nous devons pouvoir disposer de données fiables et provenant de sources indépendantes. Dès lors, il est proposé d'inclure également Eurostat, afin de garantir l'objectivité des données et d'éviter que ce soit toujours le Gouvernement qui communique celles-ci.

L'amendement fait référence à Eurostat, car le Conseil central de l'économie a proposé, dans son avis, d'utiliser cette source. Pourquoi le ministre souhaite-t-il éviter le recours à Eurostat ?

Un autre membre croit comprendre que probablement l'Eurostat a été éliminé parce qu'il résiste mieux à l'influence des gouvernements nationaux.

En outre, un membre estime qu'il faut supprimer au moins le mot « perspectives » étant donné que des perspectives sont des estimations, alors que la compétitivité est une réalité. Le texte de l'article à l'examen confond constamment la réalité et les prévisions, les estimations et les évaluations.

Un sénateur se demande comment on peut imaginer un dispositif préventif qui, par définition, anticipe sur des évolutions futures, sans faire référence à ce qui ne peut forcément être que des prévisions et des estimations.

Un commissaire souhaite compléter son exposé. Si l'on compare les prévisions formulées dans le passé par ces organisations et la réalité, l'on constate que pour les faire coïncider, il faut introduire un facteur de correction. En d'autres termes, le Gouvernement ne peut se contenter de reprendre simplement ces données, mais il doit les corriger en tenant compte de ce que l'on a constaté dans le passé.

Le sénateur en conclut que le commissaire a voulu dire qu'il y a un biais permanent dans les estimations de l'O.C.D.E., ce qui n'est pas en fait la portée de son amendement.

Un commissaire conclut qu'il faudrait formuler l'amendement comme suit : perspectives « corrigées ».

Un commissaire propose que la commission dépose un amendement dans ce sens si l'ensemble des commissaires sont d'accord.

Le ministre ne peut pas partager cette proposition. En économie, la théorie de signaux est une théorie puissante et l'anticipation est un moteur de l'économie. Tout est perspectives, illusion.

Comme toutes les prévisions, elles ont leurs vertus et leurs défauts. Toutefois, on ne peut imaginer une technique préventive sans se baser sur des prévisions.

Le ministre souligne également que le Gouvernement se base sur les données de l'O.C.D.E., parce que ces données sont utilisées traditionnellement par l'ensemble des pays. Le Conseil central de l'économie a le loisir d'utiliser d'autres sources, et il fera usage d'autres sources statistiques ­ et certainement d'Eurostat. Chaque source a ses qualités et ses défauts. Personne ne peut empêcher d'utiliser d'autres sources statistiques et le Gouvernement ne l'empêchera certainement pas.

Le ministre demande le rejet des amendements.

Un commissaire constate avec satisfaction que, selon le ministre, tout n'est qu'apparence.

Le ministre se réfère à des théories sur lesquelles se sont déjà étendus le plus grands auteurs lorsqu'il déclare que les chiffres de l'O.C.D.E. permettent de faire des prévisions et que l'économie fonctionne en grande partie sur la base de prévisions humaines. Le ministre a, certes, une vision quelque peu différente sur la matière, puisqui'il part du principe que les chiffres qui sont transmis à l'O.C.D.E. permettront au Gouvernement d'orienter l'économie.

L'intervenant estime que le marché fonctionne selon des prévisions spontanées et non pas selon des indications du Gouvernement. Les prévisions que le Gouvernement veut susciter ne sont pas des prévisions spontanément valables dans le cadre microéconomique de chaque citoyen. Le Gouvernement veut utiliser des données macroéconomiques pour orienter l'économie. C'est un procédé qui fait penser au collectivisme plutôt qu'à l'économie de libre marché.

Un sénateur se demande si l'Institut monétaire européen n'utilise pas les données Eurostat. Pourquoi a-t-on privilégié l'O.C.D.E. par rapport à Eurostat, malgré les éléments fournis par le gouverneur de la Banque nationale ?

Le ministre explique que le Conseil central de l'économie a l'habitude de travailler avec les statistiques de l'O.C.D.E. Ces statistiques sont disponibles relativement rapidement. Ceci n'empêche pas l'utilisation de statistiques d'Eurostat par ailleurs.

Si le Conseil central de l'économie avait voulu qu'officiellement une autre source soit indiquée, le Gouvernement l'aurait fait sans la moindre difficulté.

MM. Coene et Goovaerts déposent un treizième amendement subsidiaire (nº 15), qui est rédigé comme suit :

« Supprimer les quatrième et cinquième tirets. »

Justification

Nos coûts salariaux n'ont cessé d'augmenter plus fortement que ceux de nos principaux partenaires commerciaux depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétivité du pays.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi, quelle que soit l'évolution dans les pays de référence. Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et étant donné que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de références ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut se trouver dans une situation où la marge minimale (index + augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

Un membre souligne qu'il faudrait supprimer les tirets concernant l'indexation et l'augmentation barémique, parce que les deux définitions qui y sont données ne servent qu'à fixer le minimum que le Gouvernement souhaite préserver au moyen de son projet.

L'intervenant estime que c'est un mauvais procédé. Malgré le gel des salaires des deux dernières années (pour ce qui est de l'indexation et des augmentations barémiques), nous n'avons pas réussi à préserver notre compétitivité à l'égard de nos principaux partenaires commerciaux.

L'expérience que nous avons acquise ces dernières années nous a d'ailleurs appris aussi que le maximum est parfois plus petit que le minimum !

Le système proposé est malsain, parce qu'il porte en soi un dérapage de la compétitivité. L'on ne peut inscrire pareil dérapage potentiel dans la loi.

Le ministre souligne que cette question a déjà été longuement débattue lors de la discussion générale. Le ministre rappelle que, dans un mécanisme préventif de sauvegarde de la compétitivité, où les augmentations de salaires sont limitées, il est raisonnable de protéger les augmentations barémiques et l'indexation. Même si l'indexation n'existe pas chez nos principaux voisins et partenaires, l'expérience du passé montre que l'évolution des salaires nominaux incorpore en fait structurellement l'inflation. Les négociations anticipent sur celle-ci ou opèrent un rattrapage a posteriori.

En d'autres termes, il peut arriver que les négociations salariales se concluent sur une perte de salaire réel telle ou telle année. Sur quelques années, cependant, la probabilité, infime qu'il en soit ainsi au total.

Pour ces raisons, le Gouvernement a prévu l'indexation et l'augmentation barémique. Les définitions doivent être maintenues à l'article 2.

Le commissaire estime que les arguments du ministre ne sont pas exacts. Dans certains pays, les salaires n'ont connu aucune indexation implicite en dix ans. À l'avenir, l'évolution des salaires réels risque encore davantage d'être inférieure aux chiffres de l'inflation, ce qui les ferait, en fait, baisser.

La Belgique est le seul pays de l'union économique et monétaire ayant un système d'indexation automatique et un système de formation salariale à autant de niveaux différents. Il est malsain, dès lors, d'inscrire pareil seuil minimal dans une loi, car cela revient en fait à y inscrire un dérapage potentiel de la compétitivité.

MM. Coene et Goovaerts déposent un quatorzième amendement subsidiaire (nº 16), qu'est rédigé comme suit :

« Au sixième tiret, supprimer les mots « ainsi que le nombre en équivalents à temps plein. »

Justification

Compte tenu de la disponibilité des statistiques de base requises, l'expression du coût salarial moyen par travailleur en équivalents temps plein pose des problèmes techniques pratiquement insurmontables. Le Conseil central de l'économie a également attiré l'attention sur cette problématique dans son avis sur le projet de loi. On peut donc se demander si l'appareil statistique sera en mesure de fournir des données fiables et de haute qualité en la matière.

Le ministre renvoie à la réponse qu'il a donnée précédemment à propos d'un amendement similaire (sixième amendement subsidiaire).

Enfin, MM. Coene et Goovaerts déposent un quinzième amendement subsidiaire (nº 17), qu'est rédigé comme suit :

« Au dernier tiret, supprimer les mots « au sein du Conseil national du travail. »

Justification

Au sein du Conseil national du travail siègent par définition les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs. La précision « au sein du Conseil national du travail » n'ajoute rien de neuf à la définition des interlocuteurs sociaux et est dès lors superflue.

Un membre souligne que l'on a inscrit de nombreuses définitions à l'article 2, mais que l'on a omis d'y mentionner ce qui doit y figurer de manière claire et nette. C'est une masse de mots qui ne résoudront pas le problème.

Le ministre demande de rejeter l'amendement parce que la précision indiquée a son sens. Les représentants du secteur non marchand se retrouvent au Conseil national du travail.

Article 2

M. Hatry dépose, à cet article, un amendement (nº 103) qui est rédigé comme suit :

« Au 2e tiret de l'article, entre les mots « en fonction de » et « modifications », insérer les mots « de différences initiales et »

Justification

Il est essentiel de tenir compte des différences qui existent, dès aujourd'hui, quant à la durée du temps de travail, entre la Belgique et d'autres États. La Belgique est, à cet égard, l'un des pays où la durée du temps de travail est la plus réduite. Les États où la durée du temps de travail est plus élevée ont évidemment une « marge de manoeuvre » que la Belgique ne possède pas. Il faut tenir compte de cette situation différenciée dès le départ.

Le ministre se réfère aux explications du gouverneur de la Banque nationale, ainsi qu'au rapport de la Banque nationale sur la compétitivité de nos entreprises. Il ne partage pas le point de vue de l'auteur de cet amendement.

Article 3

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 18), qui est rédigé comme suit :

« Supprimer cet article. »

Justification

Le Premier ministre souligne, dans son plan clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non du maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le premier ministre estime qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un des interlocuteurs sociaux au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le Premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le Gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan-clé, le Premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le parlement est également exclu par définition, ont échoué.

L'un des auteurs de l'amendement visant à supprimer cet article constate que l'adoption de celui-ci est motivée, et par les raisons fondamentales qui sont exposées dans sa justification, et par des raisons pratiques.

L'intervenant a tenté de couler le texte de l'article 3 dans une formule « opérationnelle », mais il est arrivé à la conclusion que c'était impossible. Il est en effet incompréhensible.

C'est ainsi que le § 1er ne dit pas clairement par rapport à quelle période il faut mentionner l'évolution de l'emploi et l'évolution du coût salarial. Qui plus est, les deux notions précitées sont abstraites.

Il ne voit pas davantage ce que signifient les mots « par comparaison avec les deux années antérieures ». Est-il question, comme il le pense, d'un taux de croissance par rapport au taux global des deux années précédentes ?

Le commissaire ne voit pas comment il est possible d'exprimer, sur une base commune, un taux de croissance unique pour deux années de référence différentes. Selon la formulation du § 1er , les deux « années antérieures » constituent un tout.

D'ailleurs, quel sens faut-il donner aux mots « ... par comparaison avec ... les prévisions pour les deux années suivantes ... » ? Il faut donc exprimer l'évolution de l'emploi en déduction des prévisions pour les deux années suivantes. Le membre ne comprend pas non plus comment l'on pourra transposer cette disposition dans une formule.

D'ailleurs, à quelle situation au sein des États membres de référence fait-on allusion ? L'intervenant trouve particulièrement inquiétant que ce texte ait été approuvé par l'ensemble du Gouvernement, après concertation, sans que personne ne pose de questions à son sujet. Si c'est au moyen de ce genre de mesures-là que le Gouvernement compte intervenir, on peut se demander quelle sera la qualité des autres mesures.

Le commissaire défie quiconque d'élaborer une formule sensée à partir du texte du § 1er .

La deuxième question que le membre souhaite poser au sujet de ce paragraphe concerne la manière dont on évaluera la situation dans les États membres de référence. Va-t-on évaluer les évolutions dans les pays précités à l'aide de la même formule que celle que l'on utilise pour la Belgique ? L'intervenant éprouve par ailleurs quelque difficulté à comprendre qui fournira les prévisions pour l'année « T + 2 ». En ce qui concerne l'année « T + 1 », l'on pourra encore s'adresser aux autorités des pays concernés, mais pour les données correspondantes relatives à l'année « T + 2 », il suppose que la Belgique devra les produire elle-même et il ne sera pas aisé, pour les fixer, d'utiliser une méthodologie identique à celle que les autorités auront utilisées pour leurs prévisions relatives à l'année « T + 1 ».

L'intervenant demande au ministre de l'Économie de lui expliquer comment il y a lieu de relier les différents membres de la phrase du § 1er .

Il comprend de moins en moins à quoi se rapportent les mots « ... et les prévisions ... ». Quelle est l'utilité de la comparaison avec les deux années antérieures ? Comme le projet de loi a un caractère préventif, l'on ne voit pas très bien à quoi cette comparaison doit servir. En plus de cela, l'on voudrait comparer des évolutions exprimées en taux de croissance à des situations. Pour l'intervenant, cela revient à comparer des pommes avec des citrons.

Le § 2 est, heureusement, plus simple à comprendre. Il souligne toutefois que, d'une part, en vertu de l'article 2, l'évolution du coût salarial est exprimée en monnaie nationale, alors que, d'autre part, le produit intérieur brut global de tous les États membres de référence est exprimé en monnaie commune.

Les auteurs de l'amendement jugent essentiel pour la sécurité juridique que le ministre donne une réponse claire et précise aux observations qu'ils ont émises.

Le Vice-premier ministre déclare que le paragraphe 1er lui paraît clair. Puisqu'il y a là un mécanisme de correction, il est bien nécessaire d'examiner les deux années antérieures. Il s'y trouvent deux concepts. Le mot « et » coordonne ces deux concepts. Le premier concept consiste à voir ce qui se passe par rapport au passé. Puis, il y a les prévisions. Le moment est évidemment le moment auquel l'on fait les calculs.

L'indice de to est comparé à celui de t-1 et de t-2 en pourcentage de croissance ? L'année « -2 » est affectée d'un indice et l'on a pour la première des deux années un taux de croissance de l'indice, ensuite on a une deuxième croissance de l'indice, puis l'on a un deuxième taux pour la deuxième année. La somme donne la croissance sur les deux années antérieures.

Pour ce qui est des prévisions, le ministre indique que celles-ci s'expriment également en pourcentage et qu'elles seront fournies par l'O.C.D.E. Il y ajoute que d'un côté, l'on prend les deux années suivantes afin d'avoir une évaluation de la valeur maximale de la marge, et de l'autre côté, les deux années antérieures afin de voir s'il n'y a pas de correctifs qui s'imposent.

Indépendamment du fait que le texte eût été illisible mathématiquement (transformer des formules mathématiques en textes de loi est difficile), il est vrai que le Gouvernement propose au Parlement de demander l'avis du Conseil central de l'économie sur les modalités techniques du calcul.

Le Gouvernement demande à la commission de ne pas adopter l'amendement à l'étude, d'autant plus que cela anéantirait tout à fait le système conçu.

Un membre revient sur la formule à appliquer.

Le ministre explique qu'au temps to , c'est le taux de croissance que l'on calcule en fonction de l'existant d'il y a deux ans. Cela veut dire la croissance actuelle au moment où on la calcule. L'évolution du coût salarial, en to est égale à ce qui existait il y a deux ans + D (t-2) + d (t-1).

Selon un autre membre, le ministre a 5 deltas (d) dans sa formule, alors que la loi n'en prévoit que 3. On a un d t0 face à un d (t-1) et un d (t-2). En outre , on a un d (t+2) face à (t+1) face à t0 . Le ministre se borne-t-il à faire un moyenne de ces 5 deltas (d) pour déterminer le maximum autorisé de l'évolution du coût salarial? Ou cumule-t-il ces 5 deltas (d)?

La formule de loi est la suivante:

(Le taux de croissance =) d (t) = D (t-2) + D (t-1) / Dt

Or cette formule ne marche pas. Le texte de la loi est donc inutilisable.

Le ministre déclare que pour faire la comparaison avec les deux années antérieures, il faut prendre deux fois une année donc deux fois un taux annuel. Pour lui la formule est la suivante : (Le taux de croissance à un moment déterminé) Dt = D(t-2) + D(t-1). L'addition de 2 taux de croissance reste un taux de croissance.

Un membre suggère de cumuler l'augmentation et puis de la diviser par deux.

Un autre commissaire estime que le texte du projet prend un taux bisannuel et un taux annuel et en fait la moyenne.

Le ministre croit qu'il importe peu quels types de moyennes l'on calcule, pour autant qu'elles soient comparables. Il s'agit bien de comparer avec la situation dans les États de référence.

Un membre estime qu'en écoutant le débat, il faut bien constater que le contenu de l'article 3 n'est pas une disposition normative susceptible d'être mise dans une loi. Il aurait beaucoup mieux valu la mettre sous forme littéraire tout en conservant le § 3 qui donnerait l'occasion aux interlocuteurs sociaux de définir les modalités techniques.

Selon un autre commissaire, le texte de la loi est pourtant assez clair. Lorsqu'il est question dans le texte de « l'évolution du coût salarial », l'intervenant suppose que l'on vise « l'évolution du coût salarial au cours d'une année déterminée ». Cette évolution est exprimée en taux de croissance en pourcentages par comparaison avec les deux années antérieures. Il n'est pas dit dans le texte que les deux années antérieures sont également exprimées en taux de croissance en pourcentages. Le texte dit seulement que l'année en question est exprimée par rapport aux taux de croissance des deux années antérieures. A côté de cela, l'évolution de l'emploi (probablement pour une année déterminée) est exprimée en taux de croissance en pourcentages (négatif) par comparaison avec les prévisions pour les deux années suivantes. Nous avons donc deux taux de croissance, l'un positif, l'autre négatif. L'un sera positif par rapport au passé, et l'autre, selon l'intervenant, sera négatif par rapport au passé (Il ne voit pas comment on pourra, sur la base de cela, calculer une évolution maximale du coût salarial).

Le ministre estime que cette discussion montre bien que dès que l'on entre dans les détails techniques, l'on se perd. Le Gouvernement a prévu que les modalités techniques du calcul seraient fixées dans un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres après une étude approfondie au sein du Conseil central de l'économie.

Un membre estime que cette réponse n'est pas pertinente. De plus, le Conseil central de l'économie devra, selon l'intervenant, s'en tenir au texte de la loi et ne pourra pas l'interpréter comme le fait le ministre. Dans le cas contraire, il est à craindre que le Conseil d'État ne soit saisi de plaintes, la formule appliquée n'étant pas conforme à la loi. Aussi le commissaire estime-t-il qu'il vaudrait mieux déposer un amendement pour lever toute ambiguïté et clarifier l'ensemble de la formulation de l'article 3.

Un autre commissaire estime que si l'article 3 n'avait repris que la finalité de l'exercice, sans essayer d'entrer dans les détails, cela aurait été largement suffisant. Le texte tel qu'il est prévu maintenant ne donne qu'une illusion de précision. Dans la pratique, ce seront les interlocuteurs sociaux qui devront se mettre d'accord sur les modalités techniques.

Amendement nº 19 de MM. Coene et Goovaerts, en premier ordre subsidiaire à l'amendement nº 18 :

Remplacer chaque fois les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence ».

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

Cet amendement ne donne plus lieu à discussion.

Le ministre se réfère à sa réponse plus tôt dans la discussion.

Amendement nº 20 de MM. Coene et Goovaerts (deuxième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18) :

Remplacer le § 1er par ce qui suit :

« § 1er . L'évolution de l'emploi et l'évolution du coût salarial sont exprimées en indices d'évolution par comparaison avec 1989 et avec les prévisions pour les deux années suivantes, ainsi qu'avec la situation dans les pays de référence. »

Justification

En ne mesurant plus l'évolution du coût salarial à partir d'une année de base (1987 aux termes de la loi du 6 janvier 1989), la distorsion héritée d'un passé plus lointain n'est plus corrigée. C'est pourquoi nous proposons d'en revenir en grande partie à la disposition de l'article 1er , § 2, de la loi du 6 janvier 1989.

Nous optons cependant pour l'année 1989. Il faut en effet éviter de se référer à l'année de base 1987, étant donné que l'on donnerait ainsi une image trop optimiste de la situation.

Un des auteurs de l'amendement déclare que le texte de celui-ci donne une définition qui répond mieux à l'objectif de l'article 3. En exprimant toutes les évolutions en indices d'évolution, on évite le problème posé par la formule du ministre. Avec l'amendement, toutes les évolutions seront exprimées en une seule norme, année par année. Cela permettra de mesurer de façon simple la croissance annuelle puisqu'on se basera chaque fois sur une période de référence de base pour faire les calculs.

Un commissaire demande aux auteurs de cet amendement s'ils n'estiment pas que la référence à l'année 1989, qui est maintenant une année vieille de sept ans, ne présente pas le même inconvénient que celui qu'à présenté très vite l'année 1987. En fait, l'amendement vise à remonter à sept ans en arrière alors qu'il s'agit de porter immédiatement remède à une détérioration ponctuelle par exemple par rapport à l'année précédente.

Un des auteurs de l'amendement précise que l'un des objectifs de celui-ci consiste précisément à prévoir dans la loi un mécanisme permettant de corriger les dérapages des coûts salariaux du passé, alors qu'au contraire, le projet du Gouvernement passe l'éponge sur ces dérapages.

L'intervenant précédent estime qu'alors il vaudrait mieux commencer avec l'année 1989 comme année de référence et puis de passer l'année suivante à l'année 1990 comme année de référence et puis de passer l'année suivante à l'année 1990 comme année de référence et ainsi de suite.

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement nº 21 (troisième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18), qui est rédigé comme suit :

Au § 1er , supprimer les mots « de la Belgique ».

Justification

Ces mots sont superflus. Il va de soi qu'il s'agit ici des pays de référence de la Belgique.

Un des auteurs de l'amendement déclare que la Chambre a déjà supprimé les mots « de la Belgique ».

Ces même commissaires déposent un amendement nº 22 (quatrième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18), qui est rédigé comme suit :

« Au § 1er , supprimer les mots « et les prévisions pour les deux années suivantes ».

Justification

Le but de la nouvelle loi est d'aligner l'évolution du coût salarial de manière préventive sur celle enregistrée dans les pays de référence. Dans la pratique, on ne parviendra peut-être pas à atteindre cet objectif, dès lors que l'on se base sur des prévisions, donc sur des estimations. Ces prévisions et estimations seront le résultat d'un consensus entre les interlocuteurs sociaux et ne seront donc pas basées en premier lieu sur des données objectives.

Un des auteurs de l'amendement déclare qu'il comprend que le Gouvernement souhaite agir préventivement. La formule utilisée est toutefois inapplicable. La plupart des pays et des institutions optent, à juste titre, pour la formule « T + 1 ».

Le ministre répond que cet amendement porte atteinte à la logique de la loi.

MM. Goovaerts et Coene déposent ensuite un amendement nº 23 (cinquième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18), qui est rédigé comme suit :

Remplacer le § 2 par ce qui suit :

« § 2. L'importance relative de chacun des pays de référence est fixée selon le modèle du Fonds monétaire international pour le commerce mondial. »

Justification

Pour la détermination de la norme salariale, les pays de référence se voient attribuer un poids conformément à l'importance relative de leur produit intérieur brut en valeur, exprimé en monnaie commune (55,5 p.c. pour l'Allemagne, 35,4 p.c. pour la France et 9,1 p.c. pour les Pays-Bas). Ce mode de calcul ne reflète cependant pas l'importance relative de ces pays dans notre commerce extérieur (47,7 p.c. pour l'Allemagne, 35,8 p.c. pour la France et 16,5 p.c. pour les Pays-Bas), ce qui était plus ou moins de cas lorsque l'importance relative des pays de référence était fixée conformément à la définition de l'article 1er , § 2, de la loi du 6 janvier 1989.

Le présent amendement vise par conséquent à reprendre la définition initiale.

L'un des auteurs de l'amendement souhaiterait que l'on précise mieux l'importance relative du pays de référence, et ce, selon le modèle que le F.M.I. utilise pour le commerce mondial.

Le ministre répond que le projet de loi s'inscrit dans la perspective d'avenir de l'U.E.M.

MM. Goovaerts et Coene déposent un amendement nº 24 (sixième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18) qui est rédigé comme suit :

Remplacer le § 2 par ce qui suit :

« § 2. L'importance relative de chacun des pays de référence est fixée sur la base des coefficients de pondération appliqués par la Banque nationale de Belgique pour le calcul des taux de change effectifs. »

Justification

Afin d'éviter toute discussion concernant le mode de calcul exact à appliquer pour déterminer l'importance relative de chacun des pays de référence, il est proposé de se baser sur le mode de calcul objectif de la Banque nationale.

L'un des auteurs de l'amendement ajoute qu'il est étonnant que l'on utilise, non pas la valeur relative du commerce, mais le produit intérieur brut, comme coefficient de pondération, dans une matière telle que le commerce extérieur et la compétitivité.

Le ministre ne peut pas accepter cet amendement pour des raisons évoquées antérieurement.

MM. Goovaerts et Coene déposent un amendement nº 25 (septième amendement subsidiaire à l'amendement nº 18) qui est rédigé comme suit :

Au § 3, remplacer les mots « le Roi peut, après avis du Conseil central de l'économie, fixer » par les mots « le Roi fixe, après avis du Conseil central de l'économie ».

Justification

Un Gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

L'un des auteurs de l'amendement déclare que l'on ne peut pas dissocier, du § 2, les modalités techniques de calcul des facteurs visés au § 1er .

Le ministre répond que l'article 3 est évident. Il faut garder le libellé de l'article 3 tel qu'il existe, d'autant plus que le Gouvernement demande au Parlement la faculté de fixer les modalités techniques du calcul.

Un membre réplique que les deux premiers paragraphes de l'article 3 ne sont pas suffisamment clairs. Un arrêté royal s'impose.

Le ministre est d'avis que le Roi ne devra pas intervenir si les interlocuteurs sociaux se mettent d'accord.

Un membre se demande comment les représentants des entreprises et les représentants des organisations syndicales au sein du Conseil central de l'économie envisagent l'application de la nouvelle loi.

Article 3

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 104) qui est rédigé comme suit :

« Remplacer le texte de l'article 3 par le texte suivant :

« § 1er . L'évolution de l'emploi et l'évolution du coût salarial sont exprimées en taux de croissance en pourcentages. Ces taux de croissance sont calculés pour les deux années antérieures et sont les prévisions pour les deux années suivantes. Ces taux sont également calculés pour les États membres de référence.

§ 2. Pour le calcul de l'évolution globale dans les États membres de référence, l'importance relative de chacun de ces États est fixée pour chaque année par le poids que représente le produit intérieur brut en valeur de ce pays dans le produit intérieur brut global de l'ensemble des États membres de référence, exprimé en monnaie commune.

§ 3. Le Roi peut, près avis du Conseil central de l'économie, fixer par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités techniques du calcul des facteurs visés au § 1er . »

Justification

Le texte du projet n'est pas suffisamment clair et doit être précisé.

L'un des auteurs estime que, si l'on prend l'année 1996 comme référence, il faudra prendre en considération l'évolution du coût salarial au cours des deux années antérieures et les perspectives pour les deux années suivantes. C'est sur cette base que seront calculés les taux de croissance.

L'application de ce mode de calcul aura pour effet singulier d'exclure de la comparaison l'année de référence elle-même. L'année la plus éloignée, 1998, qui deviendra, à son tour, l'année de référence quand l'on procédera à une nouvelle évaluation, ne figurera pas non plus dans la comparaison. Par conséquent, s'il existe une nette divergence entre l'évolution du coût salarial évaluée en 1996 et l'évolution effective en 1988, il ne sera pas possible de la constater.

Ce n'est qu'en l'an 2000, à l'occasion de la troisième évaluation, qu'il sera possible d'inclure dans la comparaison l'évolution effective des coûts salariaux en 1998, deux ans après les faits, par conséquent.

En raisons des modalités de calcul définies dans le projet de loi, l'incertitude continuera à constituer un effet pervers du système. C'est pourquoi l'auteur de l'amendement a mis au point des modalités de calcul plus correctes, qui ne requièrent qu'une adaptation minimale du texte proposé. En outre, l'on prévoit également de calculer les taux de croissance pour un certain nombre de pays de référence. Le deuxième paragraphe rend possible une pondération qui permettra d'aligner l'évolution du coût salarial chez nous sur celle des États de référence.

Dans le cadre du système ainsi élaboré, l'on court en tout cas le risque de se fonder, pour le calcul de l'évolution du coût salarial, sur des chiffres erronés.

Un membre fait remarquer qu'il est important que le ministre réponde au sens de la démarche que prévoit la loi. Est-ce que l'analyse de l'auteur de l'amendement est correcte ? Que vise la loi exactement ?

Le ministre répond que le mécanisme prévu par le projet est basé sur une évaluation continue du coût salarial. Tous les six mois, le Conseil central de l'économie mettra les chiffres à jour.

Il propose de laisser, comme prévu au § 3 de cet article, au C.C.E. le soin d'examiner la formule la plus appropriée.

L'auteur de l'amendement répond que le fait que l'évaluation sera continue n'est pas pertinent. Le problème est que l'on fixe une marge tous les deux ans.

En appliquant le système actuel, une divergence qui se produirait au cours de l'année de référence ne serait pas utilisée dans le calcul de l'évolution du coût salarial, si bien que les données de base seraient inévitablement faussées.

La construction proposée contient donc un vice caché.

Un sénateur a des difficultés avec la réponse fournie par le ministre. Aux termes stricts de la loi, il lui semble que l'auteur de l'amendement a raison.

Un membre fait remarquer que la loi du 6 janvier 1989 prévoyait que la situation de 1987 serait toujours la référence.

Le projet actuel apporte une remarquable amélioration dans le sens où la référence fixe sera remplacée par une moyenne mobile. Cela permettra de mieux suivre la situation réelle.

Le texte actuel manque cependant de clarté. Il espère qu'au moins les arrêtés d'exécution, qui ne peuvent pas contredire le texte de la loi, seront inspirés par une logique pure plutôt que par la « littérature » que le Gouvernement fournit dans la loi.

L'auteur de l'amendement nº 104 demande si son amendement est correct.

Le ministre répond que l'amendement n'est pas correct et il en demande le rejet. En tout cas, l'on utilisera dans les arrêtés royaux une formule claire et conforme à la loi.

Article 4

MM. Coene et Goovaerts proposent, par la voie de l'amendement nº 26, de supprimer cet article en raison des considérations suivantes :

« Le Premier ministre souligne, dans son plan-clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non du maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait, pour la nième fois, une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et sur son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II a perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estime qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un des interlocuteurs sociaux au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le Gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan-clé, le Premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué. »

Un des auteurs de l'amendement n'attend pas grand-chose voire rien du tout des rapports sur l'évolution de l'emploi et de la compétitivité.

De plus, la signification du § 2 proposé lui échappe. Quel est le but de cette concertation ? Le rapport pourra-t-il encore être modifié ?

Un membre fait remarquer que l'on rend de plus en plus compliquées et de moins en moins normatives les dispositions en question. À partir de 1989, l'on a multiplié les critères. Ce projet-ci prévoit encore des critères additionnels. Un texte plus court et plus impératif paraît plus indiqué dans un texte législatif.

Le ministre répond que le texte est précis. En outre, la suppression de l'article 4 dénaturerait complètement le projet.

MM. Goovaerts et Coene déposent l'amendement nº 27 (amendement en premier ordre subsidiaire à l'amendement nº 26), libellé comme suit :

« Remplacer chaque fois les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence ».

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

Les auteurs renvoient à l'amendement similaire qu'ils ont déposé à l'article 23.

Les mêmes commissaires déposent l'amendement nº 28 (amendement en deuxième ordre subsidiaire à l'amendement nº 26), libellé comme suit :

« À l'article 3, premier paragraphe, remplacer les mots « le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail » par les mots « le Conseil central de l'économie, le Conseil national du travail et le Bureau du plan fédéral ».

Justification

Il n'est sans doute pas superflu de disposer, outre de données émanant des interlocuteurs sociaux eux-mêmes, d'un rapport indépendant émis par un organisme indépendant tel que le Bureau du plan fédéral. En effet, tant le Conseil central de l'économie que le Conseil national du travail sont composés essentiellement de représentants des interlocuteurs sociaux. Le V.L.D. propose dès lors d'associer, comme aux Pays-Bas, un organisme indépendant au processus de fixation et de modération des salaires. Aux Pays-Bas, c'est le Centraal Planbureau qui est associé à ce processus. En Belgique, cette mission pourrait dès lors très bien être confiée au Bureau du plan fédéral.

M. Coene est d'avis que le Bureau du plan fédéral n'a pas encore atteint un niveau comparable à celui du Nederlandse Centraal Planbureau , mais qu'il doit pourtant être associé dès maintenant au processus de fixation et de modération des salaires.

Le ministre répond que le Conseil central de l'économie fait appel régulièrement au Bureau du plan fédéral.

MM. Coene et Goovaerts déposent l'amendement nº 29 (amendement en troisième ordre subsidiaire à l'amendement nº 26), libellé comme suit :

« Remplacer le § 2 par la disposition suivante : « Le Gouvernement soumet le rapport visé au § 1er à une concertation avec les interlocuteurs sociaux. »

Justification

Le Premier ministre estime que les organisations, les mouvements et les groupes qui représentent la société civile constituent des acteurs importants du véritable débat démocratique.

Dans son plan-clé, le Premier ministre confesse dès lors sans retenue sa foi dans la concertation. Concertation non pas avec le Parlement, mais bien avec les représentants de la société civile, autrement dit avec les interlocuteurs sociaux.

Dans la foulée du Premier ministre, les interlocuteurs sociaux et le Gouvernement ont confirmé presque religieusement leur confiance dans les traditions de la concertation sociale pour prévenir et résoudre les problèmes.

En présentant cet amendement, le V.L.D. entend rappeler le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux à leur confession de foi. Si le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux croient réellement au modèle de concertation sociale, ils doivent y avoir recours et le préciser clairement dans le texte du projet de loi.

Un des auteurs de l'amendement constate que le Parlement a totalement exclu la loi en projet.

Un membre fait remarquer que la loi du 6 janvier 1989 prévoyait un accord du Parlement pour que le Gouvernement puisse intervenir dans la formation des salaires. Maintenant ça tombe complètement. C'est un indice de la régression démocratique que subit actuellement notre instrument législatif.

MM. Coene et Goovaerts déposent ensuite l'amendement nº 30 (amendement en quatrième ordre subsidiaire à l'amendement nº 26), libellé comme suit :

« Compléter le § 2 par ce qui suit :

« Avant que cette concertation ne puisse avoir lieu, le Parlement devra débattre de manière approfondie du rapport visé au § 1er . Le Gouvernement devra tenir compte, lors de la concertation, des recommandations et décisions formulées par le Parlement. »

Justification

Il est indispensable que le Parlement soit associé à la sauvegarde de la compétitivité. Les représentants du peuple ont en effet le droit d'intervenir dans des domaines aussi importants que la compétitivité, la fixation des salaires et l'emploi.

Le ministre est d'avis que l'honneur du Parlement n'est pas atteint.

Selon la philosophie générale du projet, ce sont d'abord et surtout les interlocuteurs sociaux qui doivent se mettre d'accord. L'intervention du Gouvernement n'est que supplétive. La formule « peut soumettre » est dès lors appropriée.

M. Hatry et consorts déposent l'amendement nº 77, libellé comme suit :

« Compléter comme suit la dernière phrase du § 1er de l'article 4 : « à la politique en matière de salaires et d'emploi ».

Justification

Tel que le texte est actuellement rédigé, l'on ne voit pas très bien à quoi les améliorations envisagées doivent être apportées. On peut évidemment supposer qu'il s'agit de mesures à proposer en vue d'améliorer la politique en matière de salaires et d'emploi. Mieux vaut le mentionner explicitement.

Le ministre répond qu'il est clair que cette loi concerne l'emploi et la compétitivité. C'est plus large que la politique en matière de salaires et d'emploi. Le Gouvernement n'entend pas limiter le champ des suggestions en étant trop précis.

Le membre voudrait connaître le caractère normatif des suggestions. Il ne faut pas faire une loi pour autoriser quelqu'à de faire des suggestions.

Le ministre répond qu'il s'agit d'un projet de loi avec des objectifs précis. Dans ces objectifs, le Gouvernement veut laisser les portes ouvertes.

M. Jonckheer dépose un amendement nº 107 qui vise à ajouter in fine du § 1er la disposition suivante :

« L'analyse de la compétitivité structurelle et de la compétitivité-coût comprendra également une analyse par régions et par secteurs et sous-secteurs tant de l'industrie manufacturière que des services marchands.

Ce rapport est transmis sans délai au Parlement et au Gouvernement. »

L'auteur fait d'abord observer que, consciemment, il n'a pas réintroduit tous les amendements qu'a introduits son groupe à la Chambre des représentants. Il laisse au ministre le soin d'interpréter cette démarche.

Le sénateur ajoute que cet amendement fait référence à la discussion générale sur le fait que l'intervenant trouve important que le diagnostic sur les pertes de compétitivité et de parts de marché puisse être affiné selon les secteurs et les sous-secteurs et selon les déterminants régionaux. L'orateur déplore que le ministre ait déclaré ne pas pouvoir livrer ces données alors que, d'après l'intervenant, elles sont disponibles à la fois auprès des fédérations patronales et syndicales, de la Banque nationale de Belgique et d'un certain nombre d'institutions privées.

L'auteur de l'amendement trouve tout à fait dommageable que le Parlement ne dispose pas de cet type de données. Afin de prévenir la répétition de cette lacune, l'amendement vise à rendre obligatoire la transmission de cette analyse au Parlement.

Le ministre fait observer que la liste des points à reprendre au rapport commun du Conseil central de l'économie et du Conseil national du travail (voir article 4 du projet) est exemplatif. Par conséquent, les conseils en question pourront bien entendu aller plus loin et tenir compte de la suggestion reprise à l'amendement. Toutefois, le Gouvernement préfère laisser le texte en l'état.

M. Hatry et consorts déposent l'amendement nº 78, libellé comme suit :

« Supprimer le § 2 de l'article. »

Justification

Le paragraphe n'énonce pas de règle de droit. Il n'a pas sa place dans la loi elle-même.

Le ministre renvoie à ses observations sur l'amendement nº 28.

Article 5

MM. Coene et Goovaerts déposent l'amendement nº 31, lequel tend à supprimer cet article sur la base des considérations suivantes :

« Le Premier ministre souligne, dans son plan-clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non au maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et sur son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le premier ministre estime qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un de ces interlocuteurs au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le Premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le Gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan-clé, le Premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit, pour la troisième fois, d'une répartition de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le parlement est également exclu par définition, ont échoué. »

D'après un des auteurs de l'amendement, cet article se distingue par son imprécision et son manque de finalité.

Un intervenant estime que l'article 5 est un élément-clef en ce qui concerne l'évaluation de la compétitivité, puisqu'il concerne les marges maximales disponibles pour l'évolution du coût salarial. Une marge est toujours constituée par la différence entre deux éléments; or, le texte de l'article 5 ne mentionne qu'un élément. L'on n'y précise pas davantage sur quelle période il faut considérer l'évolution du coût salarial prévue.

Se fondant sur les textes des articles précédents, l'intervenant dit supposer qu'il s'agit des deux années suivantes, mais l'on ne peut pas, alors, continuer à s'interroger au sujet de la valeur de l'année de référence même. L'estimation de l'année de référence est-elle également incluse dans la comparaison ?

Il convenait au moins de renvoyer ici à l'article 3.

De plus, on n'explique nulle part comment il faut constater l'évolution du coût salarial dans les États membres de référence.

Comme l'article sous sa forme actuelle ne fait que soulever des discussions, il vaudrait mieux le supprimer. Les imprécisions en question font penser plutôt à de la nonchalance, de sorte qu'il faudrait au moins que le Sénat, qui est censé veiller à la qualité des textes de loi, amende fondamentalement ce texte.

Ce texte est bien trop imprécis et permet beaucoup trop d'interprétations, même selon la logique du Gouvernement. L'intervenant se dit disposé à amender le texte lui-même en respectant la logique du Gouvernement, pour que l'on dispose ainsi d'un texte clair et net.

MM. Coene et Goovaerts déposent un premier, un deuxième et un troisième amendements subsidiaires (nºs 32, 33 et 34), qui sont rédigés somme suit :

Premier amendement subsidiaire :

« Dans la première phrase, remplacer les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence ».

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

Deuxième amendement subsidiaire :

« À l'alinéa 1er , première phrase, remplacer les mots « chaque année, le Conseil central de l'économie émet, avant le 30 septembre, un rapport technique » par les mots « chaque année, le Conseil central de l'économie et le Bureau fédéral du plan émettent, avant le 30 septembre, un rapport technique conjoint ».

Justification

Il n'est sans doute pas superflu de disposer, outre de données émanant des interlocuteurs sociaux eux-mêmes, d'un rappot indépendant émis par un organisme indépendant tel que le Bureau fédéral du plan. En effet, tant le Conseil central de l'économie que le Conseil national du travail sont composés essentiellement de représentants des interlocuteurs sociaux. Le V.L.D. propose dès lors d'associer, comme aux Pays-Bas, un organisme indépendant au processus de fixation et de modération des salaires. Aux Pays-Bas, c'est le Centraal Planbureau qui est associé à ce processus. En Belgique, cette mission pourrait dès lors très bien être confiée au Bureau fédéral du plan.

Troisième amendement subsidiaire :

« À l'alinéa 2, supprimer les mots « ainsi qu'aux interlocuteurs sociaux ».

Justification

Il est assez absurde de prévoir dans la loi qu'un rapport qui est en fait établi par les interlocuteurs sociaux eux-mêmes, en l'occurrence par le Conseil central de l'économie, doit être transmis aux interlocuteurs sociaux.

À propos du troisième amendement subsidiaire, un membre remarque qu'il est logique que le Parlement discute en première instance du rapport, puisque les partenaires sociaux ont déjà été associés à sa rédaction.

Un autre membre signale que la dernière phrase de l'article 5 constitue en fait un reliquat de la loi du 6 janvier 1989.

Avant que le Parlement donne des pouvoirs au Gouvernement, on demandait aux interlocuteurs sociaux, en cas de dérapage de la compétitivité, de se mettre d'accord sur des remèdes.

M. Hatry et consorts déposent un amendement (Nº 79) rédigé comme suit :

« Au premier alinéa, remplacer les mots « rapport technique sur les marges maximales disponibles » par les mots « rapport technique sur les facteurs de croissance maximum disponibles ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

Un membre souhaite savoir pourquoi le Gouvernement n'a pas tenu compte de l'avis du Conseil d'État.

Le ministre demande de rejeter les amendements.

Il est clair que supprimer l'article 5 reviendrait à déséquilibrer le projet de loi.

En plus, le Gouvernement a le sentiment que le texte présente les précisions suffisantes pour permettre à cette loi d'être opérationnelle.

En ce qui concerne les amendements nºs 32 et 33, le ministre renvoie à ses réponses sur le même sujet.

Le ministre souligne ensuite que le concept des interlocuteurs est plus large que les interlocuteurs représentés au Conseil central de l'économie et il demande le maintien de ces mots.

En réponse à l'amendement de M. Hatry et consorts, le ministre admet que le Conseil d'État a observé que la notion de « marge maximale » n'est pas appropriée. Toutefois, le Gouvernement préfère consciemment maintenir cette notion parce qu'elle est à la fois transparente et compréhensible. Le Gouvernement préfère un vocabulaire explicite, notamment dans le monde du travail.

Un membre se demande si le ministre est bien conscient que tant le minimum que le maximum peuvent avoir une valeur négative à un certain moment. Ceci pose un problème dans la vie sociale.

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 105), libellé comme suit :

« Dans la première phrase, ajouter après les mots « sur la base de... » les mots « la différence dans l'évolution du coût salarial entre la Belgique et les États membres de référence... »

Justification

Le texte du projet n'est pas suffisament clair et doit être précisé.

Le ministre ne peut se rallier à l'affirmation selon laquelle le texte ne serait pas suffisamment clair. Aussi demande-t-il à la commission de rejeter l'amendement.

Article 6

MM. Coene et Goovaerts déposent l'amendement suivant (nº 35) :

« Supprimer cet article. »

Justification

Le Premier ministre souligne, dans son plan-clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non au maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, lesquelles ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estime qu'il appartient au gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un des interlocuteurs sociaux au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le Premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan-clé, le premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la répétition de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce gouvernement met le Parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

MM. Coene et Goovaerts déposent, à titre de premier, deuxième et troisième amendements subsidiaires, les amendements suivants (nos 36, 37 et 38) :

Premier amendement subsidiaire :

« Au § 2, remplacer les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence. »

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

Deuxième amendement subsidiaire :

« Au § 2, apporter les modifications suivantes :
1) Dans la première phrase, supprimer les mots « mais correspond au moins à l'indexation et aux augmentations barémiques ».
2) Supprimer la troisième phrase. »

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité de notre pays, les coûts salariaux ont toujours augmenté en Belgique dans une plus forte mesure que chez nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le Plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi quelle que soit l'évolution dans les pays de référence.

Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de références ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut se trouver dans une situation où la marge minimale (index = augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

Troisième amendement subsidiaire :

« Au § 2, deuxième phrase, supprimer les mots « des deux années précédentes. »

Justification

Depuis 1987, notre pays a accumulé un handicap en matière de coûts salariaux qui, selon le nombre de pays de référence, est de 7 à 8 p.c. Cette distorsion de croissance ne pourra être éliminée de manière suffisante s'il n'est tenu compte que de l'évolution des coûts salariaux des deux dernières années.

Un commissaire cherche en vain la moindre précision dans cet article qu'il qualifie de pure littérature.

Il ajoute que cet article part du principe que l'on ne parviendra pas à un consensus. Dans ce cas, le Gouvernement formule une proposition de médiation, de sorte que l'on n'est pas plus avancé. Si l'on parvient malgré tout à un accord, le Conseil national du Travail est chargé de fixer la marge maximale pour l'évolution du coût salarial.

L'intervenant s'interroge sur le niveau de ce texte. S'agit-il de négociations salariales collectives pour le Gouvernement ? Il insiste dès lors pour que l'on modifie le texte.

Un autre membre souligne que cet article pose certains problèmes techniques. On peut supposer que les marges qui doivent être fixées tous les deux ans constituent les marges pour les deux années à venir, mais dans cette comparaison, on perd tout à fait de vue les estimations pour l'année au cours de laquelle l'évaluation est effectuée.

Si un dérapage important devait se produire cette année-là, on n'en tiendrait pas compte. Et ce phénomène se reproduira tous les deux ans.

Est-il bien raisonnable d'attendre deux ans pour procéder à une nouvelle évaluation des marges, dès lors que les prévisions relatives à la deuxième année ne sont pas favorables ? Il est en effet impossible de prédire l'évolution de la conjoncture d'ici deux ans. Comment pourrait-on alors prédire l'évolution des coûts salariaux pour cette période ?

L'article 6 vise simplement à brouiller les cartes afin de donner l'impression que notre compétitivité est préservée.

L'article ne fait pas non plus mention de la méthode de calcul visée à l'article 3, § 2, pour déterminer le poids des États membres de référence.

L'article 6 est une merveille d'imprécision et doit être revu.

M. Hatry et consorts déposent l'amendement nº 80 :

« Au § 1er , remplacer les mots « la marge maximale » par les mots « le facteur de croissance maximum ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 106), visant à remplacer le début du § 1 er par les mots suivants :

« Insérer au début du § 1er les mots :

« Pour la première fois en 1996 et ensuite... »

Justification

Le texte du projet n'est pas suffisament clair et doit être précisé.

Un des auteurs de l'amendement est d'avis que le texte de la loi doit également prévoir à quel moment l'on fixe, sur la base des rapports visés aux articles 4 et 5, entre autres des mesures pour l'emploi et la marge maximale pour l'évolution du coût salarial.

Le ministre estime que la disposition proposée est suffisamment claire. Il ajoute que le système sera, bien entendu, mis en oeuvre dès le premier examen des rapports visés aux articles 4 et 5 suivant l'entrée en vigueur de la loi-cadre dont il est question.

À ce moment, l'on fera ipso facto une comparaison avec les deux années précédentes. L'amendement est donc inutile.

M. Jonckheer dépose un amendement nº 108 qui vise à ajouter in fine du § 1er la disposition suivante :

« Le Conseil supérieur de l'emploi indiquera préalablement aux interlocuteurs sociaux les mesures supplémentaires possibles en vue de favoriser la création nette d'emplois. Les recommandations du Conseil supérieur de l'emploi se baseront notamment sur l'évaluation des politiques d'emploi en vigueur en Belgique et dans les pays de l'Union européenne. »

L'auteur explique que le projet de loi porte notamment sur une procédure qui est mise en place. L'intervenant constate qu'au fond le Conseil supérieur de l'emploi intervient a posteriori par rapport aux négociations dans l'accord interprofessionnel. Puisque les préoccupations en matière d'emploi sont au centre des priorités du Gouvernement, il est plus cohérent que ce Conseil fasse savoir préalablement aux interlocuteurs sociaux les mesures qu'il recommande en faveur d'une croissance plus intensive de l'emploi. L'auteur trouve que l'intervention a posteriori que prévoit le projet est plus faible, d'autant plus que la loi se veut préventive.

L'auteur de l'amendement pense que le modèle social que le Gouvernement cherche à sauvegarder est en voie de transformation tant en Belgique qu'à l'étranger. Dans le cadre du processus « Union économique et monétaire », il est clair que l'acteur public doit avoir une place équivalente à celle des interlocuteurs sociaux. D'après l'intervenant, il sera de plus en plus de la responsabilité de l'acteur politique d'indiquer, en fonction du processus de convergence au niveau européen, le type de dispositions sur lesquelles les interlocuteurs devraient porter leur attention. Vu cette évolution, il semble indiqué d'adopter l'amendement, qui laisse toutefois aux interlocuteurs sociaux la faculté d'arbitrer.

Le ministre déclare que par souci de cohérence, le Gouvernement ne peut pas accepter cet amendement. Le ministre affirme que dans l'esprit du modèle de dialogue social du pays, la primauté est donnée aux interlocuteurs sociaux.

Comme le Conseil supérieur de l'emploi est le conseiller du Gouvernement, il doit donner son avis au moment où le Gouvernement intervient. Celui-ci s'est volontairement placé en aval du mécanisme et à titre supplétif. La structure du projet reflète ces faits.

M. Hatry et consorts déposent les amendements nºs 81, 82, 83 et 84 :

« Au § 2, alinéa 1er , remplacer les mots « La marge maximale » par les mots « Le facteur de croissance maximum ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

« Au § 2, remplacer le deuxième alinéa par ce qui suit :

« S'il apparaît que l'évolution du coût salarial en Belgique au cours de deux années précédentes est supérieure à celle des États membres de référence, la marge visée au § 1er peut être réduite à concurrence des écarts salariaux entre la marge précédente prévue sur la base du § 1er et l'évolution effective du coût salarial. »

Justification

Le Conseil d'État propose cette rédaction.

« Au § 2, alinéas 2 et 3, remplacer chaque fois les mots « la marge » par les mots « le facteur de croissance ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

« Au § 4, remplacer les mots « la marge maximale pour l'évolution du coût salarial est arrêtée » par les mots « le facteur maximum de croissance pour l'évolution du coût salarial est arrêté. »

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

Le ministre souligne qu'il s'agit bien de trouver un accord interprofessionnel pour une période de deux ans avec une faculté de modification chaque année.

Il est clair que le Gouvernement ne peut pas accepter de supprimer cet article, car la suppression aurait pour effet de déséquilibrer le projet de loi.

En ce qui concerne les autres amendements, le ministre renvoie à ses réponses déjà données.

En ce qui concerne l'amendement nº 82, le ministre estime que la formulation proposée ne reflète pas la volonté du Gouvernement. La marge doit pouvoir être réduite à concurrence de l'écart apparu au cours des deux années précédentes dans l'évolution du coût salarial dans les trois États membres de référence et non en fonction de l'écart entre la marge prévue et la réalité.

Le ministre demande de rejeter les amendements.

Article 7

À cet article, MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement principal et trois amendements subsidiaires.

L'amendement principal (nº 39) est libellé comme suit :

« Supprimer cet article. »

Justification

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estima qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

En matière d'emploi, le projet ne fait rien d'autre que de proroger un certain nombre de mesures existantes et d'instaurer certaines mesures reprises du plan d'avenir pour l'emploi.

La situation est dès lors devenue absurde.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

L'un des auteurs précise que cet article constitue une partie de l'ensemble du système de sauvegarde future de la compétitivité, qui s'accompagne de la fixation de minima et de maxima.

L'article 7 a plus précisément pour objectif, à défaut d'accord entre les partenaires sociaux, de donner au Gouvernement le pouvoir de fixer la marge maximale, c'est-à-dire de déterminer dans quelle mesure les salaires peuvent augmenter.

Au § 2 de l'article, il s'agit de permettre au Gouvernement d'imposer des mesures en vue de promouvoir l'emploi.

Les auteurs de l'amendement estiment que la solution proposée par l'article 7 n'est pas adéquate, et suggèrent, par conséquent, de supprimer cet article.

Le premier amendement subsidiaire (nº 40) de MM. Coene et Goovaerts est libellé comme suit :

« Au § 1er , supprimer les mots « avec comme minimum l'indexation et les augmentations barémiques ».

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité de notre pays, les coûts salariaux ont toujours augmenté en Belgique dans une plus forte mesure que chez nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le Plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi quelle que soit l'évolution dans les pays de référence. Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et étant donné que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de référence ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut se trouver dans une situation où la marge minimale (index = augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

L'un des auteurs de l'amendement souligne qu'il ne s'agit pas de prôner la suppression d'un maximum, mais bien d'un minimum, parce que, vu les circonstances, il pourrait se faire que le maximum se situe plus bas que le seuil minimum.

Par conséquent, cela n'a guère de sens de maintenir ce dernier seuil.

Le deuxième amendement subsidiaire (nº 41) des mêmes auteurs est ainsi libellé :

« Au § 1er , remplacer les mots « peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, déterminer » par les mots « détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres ».

Justification

Un Gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

L'un des auteurs répète qu'il ne paraît pas souhaitable de laisser au Gouvernement une simple faculté.

Celui-ci veut apparemment se réserver le droit de ne pas intervenir, même si un problème surgissait et que les partenaires sociaux n'arrivent pas à un accord.

Les auteurs de l'amendement estiment, au contraire, que le Gouvernement doit intervenir.

Un membre déclare qu'à titre personnel, il soutient cet amendement.

Le troisième amendement subsidiaire (nº 42) des mêmes auteurs est libellé comme suit :

« Au § 2, remplacer les mots « peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, pour la durée prévue de l'accord interprofessionnel, prendre » par les mots « prend, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, pour la durée prévue de l'accord interprofessionnel ».

Justification

Un Gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

L'un des auteurs souligne que cet amendement se situe dans la même logique que le précédent, mais concerne cette fois le § 2 de l'article.

À l'article 7, MM. Hatry, Foret et Bock déposent également 4 amendements.

Le premier (nº 85) est libellé comme suit :

« Au § 1er , entre les mots « par arrêté délibéré en Conseil des ministres » et les mots « déterminer la marge », insérer les mots « et après avoir soumis au Parlement et fait approuver par lui une déclaration motivée estimant que la compétitivité est menacée ou que l'emploi doit être promu par des mesures urgentes ».

Justification

L'abolition de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1989 supprime malheureusement l'intervention du Parlement, approuvant une déclaration motivée et habilitant ainsi le Gouvernement à intervenir par arrêté de pouvoirs spéciaux pour faire face à la situation.

Il n'est pas acceptable que le Parlement accepte a priori, par le présent texte de loi, de se dessaisir de son pouvoir législatif au profit de l'exécutif, pour une période indéterminée, commençant à courir à partir du vote de cette loi, et ce, sans qu'il n'y ait plus à l'avenir et au moment où l'exécutif le souhaite, une habilitation spéciale.

Sans l'approbation du présent amendement, c'est pourtant le système de pouvoirs spéciaux permanents, et à date indéterminée, qui va être ainsi instauré.

L'un des auteurs de l'amendement précise que, tout en soutenant l'hypothèse que l'on pourrait sans doute supprimer totalement l'article 7 du projet, sans changer en rien l'inefficacité déjà patente de ce projet, les auteurs de l'amendement ne vont pas aussi loin.

Ils proposent simplement de rétablir la légitimité démocratique en soumettant à nouveau au Parlement la procédure qui, d'après ce projet, lui est retirée.

Il s'agit donc de réintroduire le rôle du Parlement comme il a pu le jouer en 1993.

En effet, le Gouvernement Dehaene, après avoir enlevé au Sénat presque toutes ses compétences ­ et la majorité poursuit malheureusement dans le même sens ­ semble vouloir, par les projets de loi actuellement en discussion, agir de même à l'égard de la Chambre.

L'amendement entend rétablir l'intervention du Parlement dans l'appréciation de la gravité de la situation, si un dérapage de compétitivité a lieu dans notre pays.

En réalité, le projet se trouve en infraction avec les conventions internationales signées notamment avec l'O.I.T.

Encore faut-il que ce ne soit pas par un acte lié à la seule volonté du Gouvernement (en l'occurrence un arrêté délibéré en Conseil des ministres), mais par un acte issu du Parlement, c'est-à-dire revêtu d'une certaine légitimité, que l'on déroge à l'accord conclu en son temps dans le cadre de la convention 98 de l'O.I.T.

L'intervenant se dit aussi attaché que certains membres de la majorité à la liberté de négociation des conventions collectives, et estime que l'on ne peut, par un simple arrêté délibéré en Conseil des ministres, mettre hors circuit des conventions internationales.

Si la majorité actuelle devait à l'avenir se retrouver dans l'opposition, elle se féliciterait alors de l'existence du texte proposé par l'amendement.

L'intervenant se dit étonné de ce que des familles politiques qui se disent attachées à la liberté de conclusion de conventions collectives entre interlocuteurs sociaux acceptent le texte de l'article 7.

Le second amendement (nº 86) déposé par les mêmes auteurs est ainsi libellé :

« Au § 1er , remplacer les mots « la marge maximale » par les mots « le facteur de croissance maximum ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

L'un des auteurs renvoie à ce sujet à ses précédents commentaires.

Le troisième amendement (nº 87) des mêmes auteurs est le suivant :

« Au § 2, après les mots « À défaut d'un accord interprofessionnel sur l'emploi » insérer les mots « dans les délais prévus aux articles 6, § 1er et 7, § 1er

Justification

Le Conseil d'État relève que le texte ne détermine pas explicitement dans quel délai l'accord doit être conclu.

L'amendement consiste donc à ajouter une clause de délai pour se conformer à l'avis du Conseil d'État.

Il s'agit d'un délai limitatif d'un mois, au-delà duquel le Roi ne peut plus prendre les mesures visées.

Enfin, les mêmes auteurs déposent un quatrième amendement (nº 88), ainsi libellé :

« Au § 2 de cet article, premier alinéa, les mots « entre autres en ce qui concerne » sont remplacés par les mots « dans les domaines suivants. »

Justification

Le Conseil d'État rappelle, dans son avis préalable, que l'une des conditions permettant de recourir à une législation de pouvoirs spéciaux réside dans la détermination aussi précise et complète que possible des domaines où la délégation est accordée.

Il paraît évident que l'utilisation de l'expression « entre autres » ne répond nullement au critère de précision envisagé par le Conseil d'État. Il convient dès lors de supprimer cette expression floue et de relimiter la délégation à ce qui est essentiel et nécessaire pour réaliser l'objectif.

L'un des auteurs souligne que, même si la loi, une fois votée, est inattaquable, les arrêtés royaux et ministériels qui en découlent ne le sont pas.

Si quelqu'un invoquait devant le Conseil d'État l'existence d'un vice de forme affectant un tel arrêté, celui-ci, qui constitue un acte purement administratif, pourrait être annulé.

Dans l'intérêt même du Gouvernement, il convient donc de suivre l'avis du Conseil d'État.

Le Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications déclare qu'il ne peut marquer son accord sur aucun des huit amendements qui précèdent.

Aux arguments déjà connus, et développés par le Gouvernement lors de la discussion des articles précédents, le ministre souhaite ajouter les précisions suivantes :

­ le terme « peut » entend laisser au Gouvernement une faculté, qui se justifie par le fait qu'il ne désespère pas que les interlocuteurs sociaux puissent trouver des accords;

­ quant aux mots « entre autres », le Gouvernement souhaite aussi, en matière d'emploi, que le Parlement lui octroie une marge de manoeuvre, à utiliser si cela s'avérait indispensable;

­ en ce qui concerne les marges minimales et maximales, il est renvoyé aux réponses déjà fournies.

La critique formulée par un membre à propos de l'absence d'intervention du Parlement paraît fort sévère.

Le système mis au point s'inscrit dans le cadre du cheminement vers la monnaie unique.

Il est clair que, si elle veut éviter qu'on lui impose des critères de convergence additionnels après l'année 1997, la Belgique doit se doter d'un certain nombre d'instruments lui permettant, de façon crédible, de suivre l'évolution de certains facteurs.

Le fait que la loi en projet permette de contenir l'évolution salariale dans certaines limites, avec une faculté d'intervention du Gouvernement, est, compte tenu du taux très important d'endettement, un facteur rendant plus crédible la position de la Belgique, notamment par rapport à nos pays partenaires.

La loi en projet doit être comprise dans cette perspective, et non comme traduisant la volonté d'écarter définitivement le Parlement.

Dans l'hypothèse où une situation de crise surviendrait, la notion de « circonstances exceptionnelles », qui n'a pas été modifiée, trouverait à s'appliquer, et le mécanisme d'intervention du Parlement, prévu dans cette hypothèse, jouerait.

L'un des auteurs d'amendements précités conclut que le ministre présente donc la loi comme une « loi-prétexte », invoquée à l'égard de nos interlocuteurs de l'Union européenne pour souligner que, même si après 1998, la Belgique « dérapait », le Gouvernement pourrait intervenir en écartant le Parlement.

L'intervenant suppose, en outre, que le Gouvernement est toujours convaincu que la Belgique entrera dans le premier groupe des pays de l'U.E.M., avant le 31 mars 1998.

Le Gouvernement semble être d'avis que des règles différentes s'appliqueront aux pays extérieurs à l'U.E.M., à ceux qui y seront intégrés dans le premier groupe, et à ceux qui y entreront plus tard.

Ces derniers pourraient se voir imposer des règles qui ne s'appliqueraient pas, par exemple, au Luxembourg, au Danemark, à l'Irlande et à l'Allemagne.

Enfin, il appartient au Gouvernement de définir ce qu'il veut ou ne veut pas voir inscrit dans un nouveau traité de Maastricht II. Ce n'est pas par une loi déposée devant le Parlement que le Gouvernement doit agir, mais par la négociation avec ses interlocuteurs au niveau de l'Union européenne, dans le cadre de la conférence intergouvernementale.

Pourquoi faut-il dès lors modifier la loi de 1989 sur ce plan, alors que le Parlement a convenu, en juin 1993, avec la même majorité qu'aujourd'hui, qu'il y avait eu dérapage, après l'avis des interlocuteurs sociaux ?

Le ministre déclare qu'il ne partage nullement l'interprétation libre que le préopinant donne de ses propos.

Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de critères applicables après que la Belgique a été admise dans l'U.E.M., mais d'une discussion actuellement en cours en vue d'admettre un certain nombre de pays.

Dans des limites raisonnables, la Belgique ne doit pas ménager ses efforts pour se positionner le mieux possible de façon à être immédiatement intégrée dans l'U.E.M., surtout compte tenu du lourd fardeau de la dette qu'elle doit gérer.

La loi n'a cependant pas cet objet.

Elle a pour but de sortir de façon contrôlée de la modération salariale.

Elle a toutefois aussi d'autres vertus, notamment dans le contexte de la candidature de la Belgique au peloton de tête des pays qui vont accéder à l'U.E.M.

Tel est le sens des précédentes déclarations du ministre.

Le préopinant conclut que la loi en projet rétablit la liberté de négociation des conventions collectives.

Le ministre répond qu'elle donne un champ de discussion qui n'a effectivement rien de comparable avec un blocage.

M. Hatry dépose un amendement (nº 110) tendant à modifier légèrement le texte de l'article 7, § 2.

« Au § 2, remplacer les mots «À défaut d'un accord interprofessionnel sur l'emploi, le Roi peut, par arrêté délibérer en Conseil des ministres, pour la durée prévue de l'accord interprofessionnel, prendre des mesures supplémentaires en faveur de l'emploi», par les mots « À défaut d'un accord interprofessionnel, le Roi peut, pour la durée prévue de l'accord interprofessionnel, prendre, par arrêté délibéré en Conseil des ministres et après avoir soumis au Parlement et fait approuver par lui une déclaration motivée estimant que l'emploi doit être promu par des mesures urgentes, des mesures supplémentaires en faveur de l'emploi ».

Justification

Étant donné que l'article 17, § 1er , autorise le Roi à abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales en vigueur par des arrêtés pris en application de l'article 7, § 2, il est indispensable que le Parlement intervienne chaque fois, pour habiliter le Gouvernement à agir ainsi.

Sans cet amendement, la présente loi signifie attribution générale, permanente et sans limite de pouvoirs spéciaux au Roi dans des domaines aussi importants que l'organisation du marché du travail ou la réduction du temps de travail.

Le but principal de l'auteur est d'éviter que la Belgique soit en contravention permanente avec la Convention nº 98 de l'O.I.T.

Un membre déclare qu'au terme des discussions qui ont eu lieu jusqu'à présent, et au vu des réponses fournies par le ministre ­ ainsi que de celles qu'il n'a pas données ­ il faut conclure que le projet à l'examen est dépourvu de véritable contenu.

Il donne l'apparence de traiter un certain nombre de questions, mais en réalité, on peut s'interroger sur son utilité réelle pour la sauvegarde préventive de la compétitivité, sans parler de l'emploi, qui fait l'objet de discussions au sein d'une autre commission.

Le projet regroupe un ensemble de dispositions d'une grande imprécision, qui veulent créer l'apparence du sérieux avec lequel nous sommes censés appréhender le problème de la concurrence dans le cadre de la future Union économique et monétaire.

Si l'on examine de plus près ces dispositions, et la possibilité de les mettre en pratique, dans l'état actuel de leur formulation, l'on s'aperçoit que l'aspect préventif qu'elles sont censées avoir est des plus problématique.

Un fossé existe entre le texte de la loi et la réalité concrète.

La question est de savoir ce qui pourra effectivement être traduit dans les conventions qui doivent être conclues tous les deux ans.

Si l'on considère le contenu des textes de façon objective, et non en fonction de ce que l'on veut y voir, l'on est forcé de conclure que le système mis en place est pour le moins curieux.

L'année de référence n'y est pas mentionnée.

L'élément le plus douteux (c'est-à-dire les perspectives d'avenir à deux ans, qui devraient à tout le moins être évoquées en cas de révision) n'est pas pris en considération pour la détermination de la marge visée au projet.

Ainsi, au lieu d'avoir un effet préventif, la loi en projet agira plutôt a posteriori, avec plusieurs années de retard.

On peut donc se demander à quoi elle servira en fin de compte.

Un tel procédé avait déjà été utilisé dans la loi du 6 janvier 1989, qui, du reste, était plus étoffée que la loi en projet sur une série de points, parce qu'elle prenait en considération des bases de comparaison plus larges.

Apparemment, le projet sert avant tout à donner une apparence de sérieux vis-à-vis de l'extérieur, et à démontrer la prétendue intention du Gouvernement d'agir en matière de sauvegarde de la compétitivité.

Cependant, la plupart des dispositions en projet ne prévoient pour le Gouvernement qu'une simple faculté, et non une obligation.

Ceci ne poserait guère de problème, si, dans le passé, le Gouvernement avait adopté une attitude volontariste, et non attentiste, comme cela a été le cas après l'adoption de la loi du 6 janvier 1989.

L'intervenant ne se fait donc guère d'illusions quant à un changement d'attitude du Gouvernement dans le cadre de la loi nouvelle.

Non seulement le membre n'est pas convaincu, mais ses doutes n'ont fait qu'augmenter à la suite de la discussion du projet à l'examen.

Cette discussion a mis en lumière les nombreuses lacunes du système proposé.

Si le but du projet était de démontrer notre sérieux au monde extérieur et aux pays voisins, l'intervenant estime que le Gouvernement a raté l'occasion de montrer que nous nous préoccupons de la situation économique de notre pays, du maintien de notre compétitivité, et que nous n'hésiterons pas à intervenir dans le cadre de l'U.M.E. si un problème surgissait par rapport à cette compétitivité.

En effet, que peuvent déduire les autres pays de la loi en projet ?

Ils se rendront compte ­ en ce compris les pays qui devront marquer leur accord sur l'entrée de la Belgique dans l'U.M.E. ­ que tous les prétextes nous seront bons pour ne pas intervenir, et qu'à terme, la Belgique connaîtra des problèmes de chômage et de sous-développement économique.

Ils comprendront aussi que, tôt ou tard, ces problèmes se traduiront par une demande d'aide financière au niveau européen, et, en cas de délibération partagée, n'accorderont pas à la Belgique le bénéfice du doute.

En fait, le projet donne au Gouvernement tous les instruments nécessaires pour ne pas devoir intervenir, et ce, en premier lieu, par le choix des pays qui a été fait.

L'on a opéré une distinction entre les pays qui, très vraisemblablement, entreront dès le départ dans l'U.M.E., et les autres pays, dont la participation est, à des degrés divers, plus douteuse.

Notre pays part donc avec un handicap.

Les explications fournies quant au choix des trois pays, lors des diverses auditions qui ont eu lieu, sont contraires au simple bon sens et n'ont mis en lumière aucun argument sérieux justifiant le fait que l'on opte pour le critère des courants commerciaux au détriment de celui du produit intérieur brut.

Il s'agit là d'un des multiples éléments démontrant que l'on ne veut pas exclure un maximum, mais bien un minimum de risques.

La discussion a aussi démontré à suffisance que le système élaboré par le projet ne se présente pas comme un tout cohérent, et qu'il ne constitue en rien un appui supplémentaire à la loi sur l'U.M.E., en matière salariale.

De plus, il faut aussi se demander dans quelle mesure la base de calcul de nos salaires ne doit pas être remise en question, ou, à tout le moins, faire l'objet d'une discussion approfondie, en ce qui concerne en particulier l'indexation complète des salaires en fonction du coût de la vie, et la construction « à trois étages » de détermination des salaires au niveau intersectoriel, sectoriel, et d'entreprise.

Ces questions essentielles n'ont même pas été évoquées dans la discussion.

Le groupe dont l'intervenant fait partie est donc encore plus critique qu'il ne l'était auparavant, parce que le ministre n'a avancé, au cours de la discussion, aucun argument valable indiquant que le système proposé pourrait fonctionner.

Il s'est contenté de mettre fin à la discussion en indiquant son désaccord systématique avec les amendements.

Ni aujourd'hui, ni plus tard, un débat sérieux ne pourra avoir lieu, le Parlement n'étant en rien associé à la mise en oeuvre de la loi.

En réalité, il ne s'agit même pas d'une loi-cadre, car elle ne comporte aucune limitation dans le temps, ni aucune limitation réelle aux pouvoirs du Gouvernement.

En conclusion, l'intervenant a de plus en plus le sentiment que la Belgique s'engage dans l'U.M.E. avec un handicap, au lieu de l'aborder sur la base d'une position renforcée.

Nous ne disposons pas des moyens de défense nécessaires pour lutter contre toutes les formes de concurrence qui se manifesteront.

Au contraire, notre pays se lie à long terme à des procédures qui sont en contradiction avec les exigences fixées par l'U.M.E.

L'intervenant se demande même dans quelle mesure il n'est pas, en définitive, plus désavantageux d'entrer immédiatement dans l'U.M.E. que d'attendre.

En effet, en cas d'entrée immédiate dans ce système, nous risquons de perdre toute chance d'assainir réellement notre situation économique.

Il ne s'agit pas de remettre en question les avantages de la participation de l'U.M.E., mais bien les conditions dans lesquelles le Gouvernement entend nous y faire entrer.

Le groupe dont l'intervenant fait partie entend s'opposer par tous les moyens à des décisions qui auraient pour but ou pour effet d'exclure toute possibilité d'adaptation future de la position concurrentielle de l'économie belge et de paralyser définitivement le potentiel économique de notre pays.

Il s'efforcera d'alerter l'opinion publique à ce sujet.

Il ne s'agit pas de remettre en question la solidarité, mais celle-ci n'a de sens que si elle est équilibrée, et que si ceux qui en bénéficient démontrent qu'ils font les efforts nécessaires pour sortir eux-mêmes de leur situation difficile.

Mais il n'est pas admissible que l'on abuse de la solidarité, tout en compromettant l'avenir économique du pays.

Le ministre répond qu'il considère les jugements portés par le précédent intervenant comme injustes et non fondés, et se réserve le droit d'y répondre lors de la discussion en séance plénière.

Article 8

À cet article, MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement principal et deux amendements subsidiaires.

L'amendement principal (nº 43) est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

Justification

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estima qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

En matière d'emploi, enfin, le projet ne fait rien d'autre que de proroger un certain nombre de mesures existantes et d'instaurer certaines mesures reprises du plan d'avenir pour l'emploi.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

Les deux amendements subsidiaires (nºs 44 et 45) sont libellés comme suit :

(Premier amendement subsidiaire à l'amendement nº 43)

« Au § 1er , deuxième phrase, de l'article 8, supprimer les mots « avec comme minimum l'indexation et les augmentations barémiques. »

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité de notre pays, les coûts salariaux ont toujours augmenté en Belgique dans une plus forte mesure que chez nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le Plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi quelle que soit l'évolution dans les pays de référence. Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et étant donné que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de référence ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut se trouver dans une situation où la marge minimale (index = augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

(Deuxième amendement subsidiaire à l'amendement nº 43)

« Au § 1er de cet article, supprimer la troisième phrase. »

Justification

On comprend mal pourquoi il faut prévoir dans la loi qu'il y a lieu de tenir compte du mécanisme d'indexation des salaires en vigueur dans le secteur et des possibilités économiques du secteur. Il va de soi que les négociations tiendront spontanément compte de ces éléments.

Qui plus est, cette disposition n'a aucun sens tant qu'il ne sera pas précisé comment il faut tenir compte de ces données et quelles instances détermineront les possibilités économiques d'un secteur.

L'un des auteurs déclare que l'option principale consiste donc à supprimer l'article. Il renvoie à cet égard à la justification de l'amendement principal.

Le premier amendement subsidiaire prend pour option de supprimer le minimum, pour des motifs déjà évoqués à propos de l'article précédent.

Le second amendement subsidiaire propose de supprimer la dernière phrase du § 1er , parce qu'elle est dépourvue de signification.

L'on n'explique pas comment il faut tenir compte des possibilités économiques d'un secteur.

Cela peut même être en contradiction avec la fixation obligatoire d'un minimum, car il peut se faire qu'un tel minimum dépasse les possibilités économiques en question.

À l'article 8, MM. Hatry, Foret et Bock déposent également l'amendement suivant (nº 89) :

« Au § 1er , remplacer la deuxième phrase par la phrase suivante :

« Le facteur de croissance du coût salarial a comme maximum les niveaux visés aux articles 6 et 7, et comme minimum l'indexation et les augmentations barémiques. »

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

L'un des auteurs ajoute que l'article 8, § 1er , tient compte de la procédure usuelle en la matière.

Il enferme cependant les conventions collectives dans un cadre temporel plus ou moins précis.

L'article ajoute en apparence une chose qui, sans être jamais énoncée, était prévue dans la plupart des conventions collectives conclues depuis une dizaine d'années, à savoir l'élément d'emploi.

Au cours des dix ou douze dernières années, l'on a en effet été régulièrement confronté dans le secteur des négociations collectives, à une demande du Gouvernement ou des syndicats relative au maintien de l'emploi, au recrutement d'un certain nombre de jeunes travailleurs, à la stabilité globale de l'emploi, etc.

L'article 8, § 2, donne donc l'impression d'innover, ce qui, en fait, n'est pas le cas.

L'intervenant se souvient d'avoir rencontré, en 1961, une convention prévoyant une stabilité absolue de l'emploi pour toute personne se trouvant dans le secteur depuis 9 mois.

Le ministre déclare qu'il ne peut se rallier aux amendements déposés à l'article 8.

L'amendement nº 43 créerait un déséquilibre total de l'économie du projet.

Quant à l'amendement nº 44, le ministre renvoie à ses précédentes réponses.

En ce qui concerne l'amendement nº 45, il convient d'insister sur la différenciation sectorielle.

À propos de l'amendement nº 89, le ministre renvoie à ses précédentes réponses.

Article 9

MM. Coene et Goovaerts déposent quatre amendements à cet article.

L'amendement principal (nº 46) est libellé comme suit :

« Supprimer cet article. »

Justification

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coûts salariaux;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estima qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Enfin en matière d'emploi, le projet ne fait rien d'autre que de proroger un certain nombre de mesures existantes et d'instaurer certaines mesures reprises du plan d'avenir pour l'emploi.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le parlement est également exclu par définition, ont échoué.

Le premier amendement subsidiaire (nº 47) est ainsi libellé :

« Au § 3, deuxième phrase, remplacer le mot « peut » par le mot « prend » et supprimer le mot « prendre. »

Justification

Un gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

Le second amendement subsidiaire (nº 48) est libellé comme suit :

« Au § 3, dernière phrase, remplacer les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence. »

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

Le troisième amendement subsidiaire (nº 49) est le suivant :

Au § 3, dernière phrase, supprimer le mot « trois. »

Justification

Le nombre de pays considérés comme des pays de référence ressort clairement des définitions figurant à l'article 2. Il est dès lors inutile de repréciser ce nombre. Les autres articles ne le font du reste pas non plus.

L'amendement principal (nº 46) propose la suppression pure et simple de l'article, les auteurs ne pouvant s'accorder avec le système proposé.

Pour les amendements nos 47 et 49, l'un des auteurs renvoie aux justifications reproduites ci-avant.

En ce qui concerne l'amendement nº 48, il est renvoyé aux arguments précédemment développés.

À l'article 9, MM. Hatry, Foret et Bock déposent également quatre amendements.

Le premier (nº 90) est libellé comme suit :

« Au § 1er , alinéa premier, remplacer les mots « de la marge d'évolution du coût salarial visée » par les mots « du facteur de croissance du coût salarial visé ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

Le second amendement (nº 91) est le suivant :

« Supprimer le second alinéa du § 1er . »

Justification

Le texte en projet ne définit pas la base de l'amende administrative. Les amendes ne sont légalement et légitimement acceptables, selon l'avis constant du Conseil d'État, que lorsqu'elles sont suffisamment limitées dans leurs montants, à défaut de quoi elles deviennent des peines qui ne peuvent être infligées que par les tribunaux.

Dès lors que la base de l'amende n'est pas déterminée par le texte légal lui-même, on ne peut pas affirmer que cette amende restera suffisamment limitée pour répondre aux exigences formulées par le Conseil d'État.

Dans ces conditions, il y a lieu de supprimer le texte en projet.

L'un des auteurs rappelle que lorsque les amendes administratives ont été adoptées pour la première fois dans la législation belge, à l'initiative de la même coalition qu'aujourd'hui, sous la précédente législature, l'opposition libérale s'est élevée contre ce système.

En effet, les amendes administratives sont de nature à entraîner les pires excès en matière de corruption, comme on l'a constaté au niveau communal, où des redevances dites administratives soit ont été détournées par les agents chargés de les collecter, soit ont fait l'objet de la délivrance de reçus ne représentant qu'une partie des montants effectivement versés.

Ce système entraîne non pas la perception d'une amende consécutive à un délit, mais une négociation avec le fonctionnaire chargé de percevoir les fonds.

La porte est ainsi ouverte aux risques à la fois d'arbitraire et de corruption.

C'est pourquoi les auteurs de l'amendement souhaitent remplacer ce système par des dispositions de caractère pénal, si tant est que l'on estime une sanction indispensable.

À cet égard, l'intervenant renvoie à la solution qu'il a évoquée dans le cadre de la discussion générale, et consistant, pour l'employeur désireux de donner des avantages à ses travailleurs, à verser la moitié de ces avantages dans une caisse destinée à promouvoir l'emploi, les travailleurs devant, pour leur part, verser eux aussi la moitié de l'avantage concédé dans cette caisse.

Les mêmes auteurs déposent à l'article 9 un autre amendement (nº 92), ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du § 3. »

Justification

Le dernier alinéa de l'article 9 ne faisant qu'énoncer une intention du Gouvernement, cette disposition n'a pas sa place dans le projet.

L'alinéa en question peut, le cas échéant, être reporté dans l'exposé des motifs.

Enfin, les mêmes auteurs déposent à l'article 9 un dernier amendement (nº 93), libellé comme suit :

« Au § 1er , deuxième alinéa, remplacer les mots « de la marge visée » par les mots « du facteur de croissance visé ».

Justification

Le Conseil d'État observe que la notion de « marge maximale » est inappropriée. Il convient de remplacer le mot « marge » par l'expression « facteur de croissance ».

Un intervenant demande au ministre, à propos du § 1er de l'article 9, si cette disposition doit être interprétée en ce sens que si un employeur dépasse les marges, mais ce en dehors d'une convention, il n'est pas punissable.

Un autre intervenant ajoute qu'un texte prévoyant des peines est de stricte interprétation.

Cette question est donc essentielle.

Le ministre répond que la disposition s'applique de façon générale aux entreprises, qu'elles aient ou non des conventions collectives.

Le § 2 de l'article 9 dit clairement que les textes qu'il vise s'appliquent « aux entreprises », sans autre spécification.

Quant au § 1er , il vise notamment les conventions de travail « au niveau (...) individuel ».

Le contrat individuel de travail est donc également visé.

Quant aux amendements déposés à l'article 9, le Gouvernement ne peut s'y rallier pour les motifs déjà exposés.

Le ministre précise que si les amendes administratives existent, c'est que l'on espère résoudre les problèmes qui se poseront sans encombrer les tribunaux, qui sont déjà surchargés.

Derrière le plaidoyer d'un des auteurs de l'amendement relatif à ces amendes, le ministre croit percevoir l'idée suivante : le nombre d'actes et de formalités administratifs devrait être réduit au minimum, les sanctions, pour autant qu'il en faille, doivent être pénales, mais surtout, l'auteur des l'amendement croit à la vertu du civisme des personnes qui s'inscrivent dans cette législation ou dans d'autres.

Malheureusement, force est de constater que tel n'est pas le cas.

Si l'actuel Gouvernement et d'autres ont dû fixer des amendes, c'est à contrecoeur, en constatant que, lorsqu'il s'agit d'affaires commerciales ou autres, il n'y a malheureusement pas de vertu naturelle qui conduirait les citoyens à remplir d'initiative leurs obligations légales.

Un précédent intervenant rappelle au ministre que la loi l'oblige, à propos d'un texte comme le projet à l'examen, qui suppose de nouvelles mesures administratives, à demander l'avis de la Commission Comform dont les recommandations visent à simplifier les procédures administratives des entreprises, spécialement les P.M.E.

Cela ne semble en tout cas pas avoir été fait en ce qui concerne le bilan social.

Devant la réponse négative du ministre, l'intervenant constate qu'une fois de plus, les dispositions législatives et réglementaires sont violées.

M. Jonckheer dépose l'amendement nº 109, qui vise à remplacer le § 3 par la disposition suivante :

« Avant le 30 novembre de chaque année, le Conseil supérieur de l'emploi constate si les dispositions en faveur de l'emploi contenues dans les conventions intersectorielles et sectorielles rencontrent les recommandations formulées par le conseil en application de l'article 6, § 1er , de la présente loi. Sur la base du constat du Conseil supérieur de l'emploi, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre les mesures appropriées qui s'imposent pour favoriser la création nette d'emplois et tendre à réduire le chômage de moitié d'ici six ans. »

Justification

Voir amendement nº 108 à l'article 6.

L'amendement ne donne pas lieu à discussion.

Article 9, § 3

Un membre demande au ministre quelle est son interprétation de la notion « emploi intersectoriel global », figurant au § 3.

À supposer même que l'on calcule en équivalents temps plein, quel est le sens d'une comparaison de l'évolution de l'emploi par rapport à l'Allemagne, aux Pays-Bas et la France, puisque chaque pays travaille dans des circonstances tout à fait différentes ?

Par ailleurs, quel est le sens de la notion de volume global ? Cette notion mérite quelque explication au regard de la prétention du Gouvernement de vouloir réduire le chômage de moitié pour l'an 2002.

Le ministre expose que le suivi de l'emploi par rapport à ce qui se passe dans les pays voisins se justifie par parallélisme avec la méthode de suivi des salaires.

Il se dit tout à fait convaincu que les structures des industries et des services sont différentes des nôtres dans les trois pays de référence.

Cela n'empêche qu'on se doit de comparer grosso modo les deux paramètres pour des raisons d'équité.

Si faire se peut il faut, compte tenu entre autres des explications fournies par le gouverneur de la Banque nationale, compenser les mesures vis-à-vis des salaires par d'autres mesures, en agissant sur le volume de l'emploi.

Quant à la notion de volume global de l'emploi, le Gouvernement a à coeur la notion de réduction du chômage, tandis que l'opposition parle surtout de la création de l'emploi. Le Gouvernement a effectivement pour ambition de réduire le chômage de moitié pour l'an 2002. Mais entre cette ambition et l'engagement individuel, il y a un monde.

Si le Gouvernement ne s'est pas engagé formellement dans les textes, c'est parce que, pour y arriver, il faut que tout le monde s'y mette. Le véritable engagement doit en effet résulter des négociations entre partenaires sociaux.

Les efforts de base doivent être réalisés à ce niveau-là, tandis que le Gouvernement ne peut intervenir que pour tout ce qui est au-delà des possibilités de ces acteurs sur le terrain. Il y va alors de la formation, de la mise au travail des jeunes par les aides aux emplois de proximité, du secteur non marchand.

Il faut de toute façon atteindre une croissance de 4 p.c. dans l'industrie manufacturière pour y sauvegarder l'emploi.

Dans le secteur des services, on prévoit selon certaines informations la création d'emploi.

Le sénateur est sceptique sur ces explications. Il a l'impression que l'on ne fait que confirmer les mesures qui existent déjà, sans aucune innovation. Il n'y aura, à son avis, pas de création nette d'emplois à politique inchangée.

Il admire la rhétorique politique qui consiste à dire que la création d'emploi ira de pair avec la diminution des salaires, mais il trouve ce raisonnement inconsistant. Il n'y a pas si longtemps, le ministre Van Rompuy ne déclarait-il pas que l'État n'a pas d'argent pour faire ce plus dont parle le ministre ? Le gouverneur de la Banque nationale n'est pas très ouvert non plus sur la question.

D'où la conclusion du sénateur, qui prétend qu'en maintenant les dispositifs actuels, le chômage restera ce qu'il est.

Le ministre déclare que tout cela est très subtil, puisqu'il y a une relation triangulaire qui détermine le coût de production, c'est-à-dire l'emploi, le profit de l'entreprise et les salaires.

Il y a là un rapport de forces, dont les forces ne correspondent pas nécessairement à celles de la négociation salariale.

Il y a en effet des facteurs étrangers, comme la poursuite du but principal de l'entreprise par ses actionnaires, qui est le bénéfice maximal.

Quant il s'agit de la redistribution du travail, le volume de travail joue un rôle autrement important, qui empiète parfois sur l'objectif du bénéfice pur.

Article 10

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 50) visant à supprimer cet article, ainsi qu'un amendement subsidiaire (nº 51).

« Supprimer cet article. »

Justification

Le Premier ministre souligne, dans son plan clé, qu'il faut fixer un cadre légal qui aligne structurellement notre système de formation des salaires sur celui des autres pays de l'U.E.M. Notre pays ne peut en effet se permettre d'avoir une évolution salariale différente, auquel cas il perdrait sa compétitivité et des emplois. La sauvegarde de la compétitivité constitue donc une condition sine qua non au maintien de l'emploi.

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estime qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Certains interlocuteurs sociaux, parmi lesquels surtout le syndicat socialiste, affirment sans sourciller que notre situation en matière de compétitivité n'est en fait pas si grave. En outre, la F.G.T.B. prétend que ce n'est pas notre coût salarial élevé qui menace notre compétitivité, mais le simple fait que les entreprises de notre pays ne fabriquent pas de bons produits ! Aussi ce syndicat rejette-t-il résolument toute réduction des coûts salariaux et toute instauration d'une certaine forme de modération salariale.

Et pourtant, les interlocuteurs sociaux, parmi lesquels donc le syndicat socialiste, ont tout à dire en ce qui concerne une loi dont les objectifs (la sauvegarde de la compétitivité et l'instauration d'une norme salariale) sont diamétralement opposés à ceux de l'un des interlocuteurs sociaux au moins.

Dans ce contexte, on comprend dès lors d'autant mieux la déclaration faite par le Premier ministre dans son plan-clé, lorsqu'il a dit que les partenaires sociaux étaient demandeurs d'une adaptation de la loi sur la compétitivité. Il est évident qu'ils ne visent qu'à préserver leurs intérêts, sachant que le gouvernement ne sera que trop heureux de satisfaire leurs attentes. On remarquera, à cet égard, que dans son plan-clé, le Premier ministre est fondamentalement en désaccord avec la F.G.T.B. lorsqu'il fait observer qu'une perte de compétitivité induit également une perte d'emplois.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 50.)

Au 2º, supprimer les mots « en équivalents à temps plein ».

Justification

Compte tenu de la disponibilité des statistiques de base requises, le calcul des corrections pour les chargements dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail pose des problèmes techniques pratiquement insurmontables. Le Conseil central de l'économie a également attiré l'attention sur cette problématique dans son avis sur le projet de loi. On peut donc se demander si l'appareil statistique sera en mesure de fournir des données fiables et de haute qualité en la matière.

M. Coene fait référence aux documents imprimés pour ce qui est de la justification, mais il souhaite formuler quelques remarques supplémentaires pour étayer son argumentation.

Comment va-t-on appliquer les modalités de calcul proposées à l'article 10 pour déterminer l'évolution du coût salarial au sens de l'article 9, et ces modalités de calcul sont-elles également applicable pour déterminer la masse salariale globale en question à l'article 3 ?

Si elles sont applicables dans ce dernier cas, comment peut-on traduire ces dispositions en chiffres et comment peut-on, par exemple, déduire le 2º des chiffres globaux ? Les participations bénéficiaires ne figurent pas non plus dans les statistiques globales.

Le ministre confirme que la participation bénéficiaire est hors marge puisque hors coût salarial. Il est prévu de régler par une loi distincte une série de conditions précises d'application qui sont reprises dans l'exposé des motifs, et dont la première est l'obligation de signer une convention collective en faveur de l'emploi. Plus généralement, on ne peut accorder de participations bénéficiaires que si on augmente l'emploi.

Ensuite, cette participation peut prendre deux formes : soit il s'agira d'une participation dans le capital, et le bénéficiaire deviendra actionnaire, soit il reçoit une participation au bénéfice et cela devient alors un supplément de salaire, qui sera soumis aux taxes habituelles en matière de salaires. Il s'agira en quelque sorte de la partie variable du salaire.

Ceci correspond aux souhaits de beaucoup d'entreprises, qui prônent la flexibilité. Le Gouvernement admet cette souplesse, pour autant qu'elle soit liée à la création d'emplois. Il y a donc une marge, et en dehors de celle-ci, il y a obligation de créer de l'emploi.

Un membre prétend que cette idée est inapplicable puisque chaque salarié est lié par un contrat individuel. Le patron qui introduit un pourcentage variable va se buter au contrat de travail qui ne peut pas être modifié par la loi en projet.

M. Hatry dépose un amendement (nº 102) qui tend à éliminer toute référence à une loi qui n'existe pas encore. La référence précise à pareille loi, qui devrait contenir une définition de la notion de « participation bénéficiaire » ayant été éliminée du projet, afin d'adapter le texte aux désidératas du Conseil d'État, l'article 10 n'a plus de sens. Le Gouvernement ne sait maintenir ce texte que s'il a la possibilité de faire promulguer cette loi avant ou au plus tard ensemble avec la loi-cadre.

« Supprimer le 1º de l'article. »

Justification

Dans l'avant-projet de loi présenté au Conseil d'État, l'article 2 faisait expressément mention des « participations bénéficiaires » pour dire que celles-ci seraient définies par la loi du ... (c'est-à-dire une loi à venir).

Le Conseil d'État, dans son avis, faisait remarquer que cette loi à laquelle cette définition faisait référence devrait être sanctionnée et promulguée en même temps que l'avant-projet, au plus tard.

Suite à cet avis, le Gouvernement a ­ dans le projet tel que finalement présenté aux Chambres ­ supprimé de l'article 2 toute référence aux participations bénéficiaires, la définition de celles-ci étant actuellement impossible puisque la loi distincte qui doit opérer cette définition n'existe toujours pas et ne pourra pas être promulguée en même temps que l'actuel projet.

La référence faite à l'article 10 des participations bénéficiaires ne s'indique plus puisqu'il s'agit d'une notion dont on ne peut actuellement cesser juridiquement le contenu.

Le ministre explique que le Gouvernement a éliminé toute référence à la date de cette loi et s'est ainsi conformé à l'avis du Conseil d'État.

L'auteur de l'amendement constate que le Gouvernement fait ainsi rétroagir une loi future et que son amendement a reçu sa sanction par le contenu de la réponse du ministre.

Le ministre insiste sur le fait que le Gouvernement ne partage pas du tout cette interprétation et considère qu'il ne sera pas possible de faire n'importe quoi avec les participations bénéficiaires, même en l'absence d'un texte de loi. L'exposé des motifs du présent projet est très clair sur les conditions auxquelles doivent répondre les participations bénéficiaires.

Article 11

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 52) et un amendement subsidiaire (nº 53).

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 2.

(Premier amendement subsidiaire à l'amendement nº 52).

Au §1er , remplacer les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence. »

Justification

L'objectif doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires commerciaux soient membres d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence. »

Pour ce qui est de la justification, M. Coene renvoie aux documents imprimés.

Le ministre déclare avoir déjà répondu à suffisance lors de la discussion générale.

Article 12

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 54) visant à supprimer cet article et renvoient à la justification de l'amendement nº 2.

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 2.

MM. Hatry et consorts déposent un amendement (nº 94) modifiant le deuxième alinéa du § 2 :

« Au § 2, deuxième alinéa, remplacer les mots « avant le 31 décembre de la première année » par les mots « avant le 31 mars de la deuxième année. »

Justification

L'expérience a prouvé qu'en la matière il y a lieu de laisser du temps au temps. Il y a donc lieu de donner aux interlocuteurs sociaux une durée de négociation plus importante que celle prévue au présent projet de manière à aboutir de préférence à un accord consensuel.

L'auteur affirme que le délai d'un an dans lequel le dépassement de l'évolution du coût salarial doit être constaté est trop court et propose de prévoir un délai de deux ans, pour rendre la négociation possible, d'autant plus que cette dernière est prescrite par la convention nº 98 de l'O.I.T.

Le ministre considère que le 31 mars serait trop tard pour que le mécanisme de correction puisse encore jouer sur une année pleine. Il faut laisser le temps au temps, sans toutefois abuser du temps.

Article 13

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 55) et six amendements subsidiaires (nºs 56 à 61) :

« Supprimer cet article. »

Justification

Lors de son investiture, l'actuel Gouvernement s'était fixé pour objectif principal l'augmentation de l'emploi et la réduction sensible du chômage.

L'accord de Gouvernement précisait que l'élaboration d'un plan pluriannuel pour l'emploi serait la première tâche du Gouvernement.

Fin 1995 a été adopté un plan pluriannuel pour l'emploi qui ne contenait aucune nouvelle mesure mais prolongeait des mesures existantes, qui s'étaient avérées totalement inopérantes par le passé.

Faute d'un document de politique générale, le Gouvernement a mené, en sourdine, des négociations avec les partenaires sociaux, qui ont débouché, après de longues et laborieuses réunions, sur le contrat d'avenir pour l'emploi, qui annonçait pour la nième fois une nouvelle loi sur la compétitivité qui aurait une portée plus préventive que la loi de 1989. C'était en réalité un texte commun et creux, suffisamment vague pour que tous les acteurs de la concertation sociale puissent s'y retrouver. Son principal mérite, c'était l'accord pour l'accord, le sauvetage de la concertation sociale. Une autre constante des négociations sur l'accord et de son contenu est la mise à l'écart du Parlement.

Ce contrat d'avenir s'est heurté à une forte opposition de la part de diverses organisations sociales ou de parties de celles-ci :

­ le N.C.M.V. approuva le texte en maugréant;

­ la F.E.B. avait émis des réserves mais approuva quand même le texte, sans toutefois l'importante fédération de la construction, qui fulminait contre la nouvelle suppression des avantages « Maribel » en matière de coût salarial;

­ la C.S.C. approuva le texte de toute justesse;

­ la F.G.T.B. wallonne, et ensuite l'ensemble de la F.G.T.B., rejeta le texte.

Ce rejet signifiait la fin du contrat d'avenir en tant que tel.

Après que le Gouvernement Dehaene II eut perdu un an et tenté vainement de parvenir à un compromis par le biais de la concertation sociale, le Premier ministre estime qu'il appartient au Gouvernement lui-même de prendre les choses en main. Le résultat de cette initiative est la loi-cadre en projet.

Le projet de loi à l'examen montre on ne peut plus clairement que le Gouvernement n'aura pas le courage de prendre des mesures structurelles. Le handicap existant en matière de coût salarial, auquel nos entreprises sont confrontées, ne se résorbera dès lors pas, avec toutes les conséquences qui en découleront sur le plan des pertes d'emploi. En ce qui concerne la réduction des cotisations sociales, qui est censée freiner ces pertes, on reste complètement dans le vague. Le projet ne permettra pas de sauvegarder suffisamment la compétitivité, a fortiori de manière préventive. En effet, en ne se basant plus sur une année de référence et en fixant par voie légale et en ancrant dans la loi à l'examen une marge minimale consistant dans l'indexation et les augmentations barémiques, on n'assurera nullement la sauvegarde préventive de la compétitivité. En outre, certaines notions sont définies de telle sorte qu'elles permettront d'opter pour la solution de facilité. C'est ainsi que notre handicap salarial par rapport à nos cinq principaux partenaires commerciaux (le critère de la loi de 1989) est plus important que par rapport aux trois principaux partenaires. Si donc l'on avait à nouveau opté pour les « cinq » au lieu des « trois », on aurait dû consentir un effort plus important en matière de maîtrise des coûts salariaux. Conclusion : en dépit de quelques améliorations (le fait que l'on veut tenir compte de l'évolution au cours des deux prochaines années en est un exemple), il est à craindre que la loi-cadre à l'examen constitue, non pas un progrès, mais un recul par rapport à la loi de 1989.

Enfin, en matière d'emploi, le projet ne fait rien d'autre que de proroger un certain nombre de mesures existantes et d'instaurer certaines mesures reprises du plan d'avenir pour l'emploi.

On voit dès lors toute l'absurdité de la situation actuelle.

Cette loi-cadre est la troisième tentative faite par le Gouvernement en à peine six mois de temps en vue de promouvoir l'emploi. Il s'agit pour la troisième fois de la reprise de la politique d'emploi passéiste qui a déjà prouvé à suffisance son inefficacité. Il s'agit en outre d'une politique qui n'a pas/plus le soutien des interlocuteurs sociaux.

Le Gouvernement a le culot d'invoquer l'argument du manque de temps, après avoir lambiné pendant 7 ans avant de prendre le taureau par les cornes. Au cours des années précédentes, il disposait en outre d'une plus grande légitimation démocratique qu'après les récentes élections.

Pour camoufler ses divisions internes et son manque de courage, ce Gouvernement met le Parlement hors-jeu, dans un débat social qui nous concerne tous. Il le fait à un moment où tous les efforts réalisés en vue d'arriver à un accord par le biais de la concertation sociale, débat duquel le Parlement est également exclu par définition, ont échoué.

(Premier amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

Remplacer chaque fois les mots « États membres de référence » par les mots « pays de référence » .

Justification

L'objet doit être de sauvegarder la compétitivité par rapport à nos principaux partenaires commerciaux. Le fait que ces partenaires soient membre d'une organisation ou d'une Union de quelque nature que ce soit, n'est pas un élément d'une importance capitale, en l'espèce. C'est la raison pour laquelle il est préférable de parler de « pays de référence ».

(Deuxième amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

« Au § 1er , remplacer les mots « le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, imposer » par les mots « le Roi impose, par arrêté délibéré en Conseil des ministres ».

Justification

Un gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

(Troisième amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

« Au § 1er , supprimer les mots « , avec comme évolution minimale du coût salarial l'indexation et les augmentations barémiques. »

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité de notre pays, les coûts salariaux ont toujours augmenté en Belgique dans une plus forte mesure que chez nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le Plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi quelle que soit l'évolution dans les pays de référence.

Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et étant donné que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de références ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut trouver dans une situation où la marge minimale (index section + augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

(Quatrième amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

« Au § 2, remplacer les mots « le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres imposer », par les mots « le Roi impose, par arrêté délibéré en Conseil des ministres ».

Justification

Un gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

(Cinquième amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

« Au § 2, supprimer le dernier alinéa. »

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité de notre pays, les coûts salariaux ont toujours augmenté en Belgique dans une plus forte mesure que chez nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite du dérapage de ce critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont signalé unanimement en mars 1993 que notre compétitivité était menacée. Le résultat final en a été le Plan global qui prévoyait, entre autres, l'instauration d'un index-santé et le gel des salaires réels en 1995 et 1996. À partir de 1997, la nouvelle loi relative à la sauvegarde de la compétitivité devrait éviter de nouveaux dérapages des coûts salariaux.

Il faut se demander si cela est possible si l'augmentation salariale minimale est garantie d'avance par la loi quelle que soit l'évolution dans les pays de référence.

Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument interdit de toucher, comporte toujours l'indexation automatique et les augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas fixée, quant à elle, de manière claire, étant donné qu'elle est déterminée au terme d'une procédure lourde et complexe qui laisse aux interlocuteurs sociaux une large marge de manoeuvre et étant donné que cette marge salariale maximale est basée sur une double référence.

Il serait pourtant logique que, dans une loi qui a la prétention de contenir les coûts salariaux, l'augmentation salariale maximale soit fixée de manière rigide au lieu de faire le contraire comme dans la loi en projet.

En outre, une éventuelle correction à la baisse ­ qui peut être apportée si l'évolution des coûts salariaux dans notre pays est supérieure à celle enregistrée dans les pays de références ­ est limitée par la fixation d'une marge minimale intangible, si bien qu'un éventuel dépassement risque de ne pas être entièrement corrigé.

Enfin, il y a lieu de faire observer que l'on peut se trouver dans une situation où la marge minimale (index + augmentations barémiques) est supérieure à la marge maximale. Le projet ne prévoit cependant aucune correction dans ce cas. Le Gouvernement peut cependant prendre les mesures prévues au chapitre IV de la loi de 1989, mais, jusqu'à présent, ces mesures ­ et cela est devenu manifeste entre-temps ­ n'ont eu aucune incidence positive dans le domaine des coûts salariaux et de la compétitivité.

La fixation par voie légale d'une augmentation salariale minimale n'a pas sa place dans une loi qui a pour objectif de maîtriser les coûts salariaux.

(Sixième amendement subsidiaire à l'amendement nº 55)

« Dans la dernière phrase du § 3 de cet article, supprimer le mot « trois ».

Justification

Le nombre de pays considérés comme des pays de référence ressort clairement des définitions figurant à l'article 2. Il est dès lors inutile de repréciser ce nombre. Les autres articles ne le font du reste pas non plus.

M. Coene renvoie à la justification qui figure dans les documents imprimés et ajoute la remarque suivante : l'on ne sait pas rès bien à quelle évolution du coût salarial la disposition figurant in fine du premier alinéa du § 2 est applicable, ni quelle est la période de référence visée.

Le ministre répond qu'il s'agit de la première période d'un an de la convention collective interprofessionnelle.

Pour les autres amendements, le ministre renvoie à ses précédents commentaires.

Article 14

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 62) visant à supprimer cet article, ainsi qu'un amendement subsidiaire (nº 63), que le ministre refuse d'approuver.

(Amendement à titre principal)

« Supprimer cet article. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 2.

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 62)

« Au § 1er , remplacer les mots « le Roi peut, après avis du Conseil supérieur de l'emploi, prendre » par les mots « le Roi prend, après avis du Conseil supérieur de l'emploi,. »

Justification

Un gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

MM. Hatry c.s. déposent un amendement (nº 95) tendant à égaliser les mesures de modération des revenus autres que ceux générés par le travail, en ce sens que leur effet ne peut dépasser celui des mesures de modération salariale.

« Compléter le § 1er de l'article par l'alinéa suivant :

« Les mesures de modération visées à l'alinéa précédent ne peuvent avoir pour effet d'excéder le résultat des mesures prises en matière d'évolution du coût salarial. »

Le ministre ne peut suivre le raisonnement de M. Hatry parce que l'article 14, § 1er , prévoit une modération ou une autre mesure équivalente de modération des revenus des classes moyennes.

Les mesures que prendra le Roi tiendront compte, le cas échéant, de l'exigence prévue à cet article 14, § 1er . Le Gouvernement ne voit pas en quoi l'amendement proposé clarifierait ce que l'article et son commentaire prévoient.

Bien au contraire. Le plafonnement de la modération en fonction des résultats des mesures prises en matière salariale introduirait beaucoup d'incertitudes : qu'appelle-t-on mesures dans un système basé sur le consensus des interlocuteurs sociaux ? Ne viserait-on que les cas où le Gouvernement intervient, ce qui serait absurde ? Le résultat des mesures en matière salariale est-il le résultat global ? En terme de taux de croissance permis des revenus ou d'effets sur la compétitivité ?

Le Gouvernement est dès lors d'avis qu'il n'y a pas lieu de modifier le texte de la loi. En outre, l'exposé des motifs, dont les services du Sénat ont d'ailleurs relevé qu'il est clair, suffirait, pour autant que de besoin, à guider l'interprétation.

Articles 15 et 16

MM. Coene et Goovaerts déposent des amendements (nºs 64 et 65) visant à supprimer ces deux articles.

Justification (nº 64)

L'article en question est superflu. Il est évident que le titre concerné ne s'appliquera qu'aux accords interprofessionnels qui seront conclus à l'avenir et ne s'appliquera donc pas à l'accord 1995-1996.

Pour le reste, le V.L.D. répète le point de vue qu'il a déjà exprimé dans les amendements précédents, qui ont pour objet de supprimer les articles de la loi-cadre à l'examen.

Justification (nº 65)

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays, les coûts salariaux de notre pays n'ont pratiquement pas cessé d'augmenter par rapport à ceux de nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite de ce dérapage du critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont rendu, en mars 1993, un avis unanime dans lequel ils constataient que la compétitivité était menacée. Cela a débouché finalement sur le Plan global, qui prévoyait entre autres l'instauration d'un indice-santé et un gel des salaires réels en 1995 et en 1996. La nouvelle loi de sauvegarde de la compétitivité doit prévenir tout nouveau dérapage des coûts salariaux à partir de 1997.

Il faut se demander si cet objectif peut être atteint en garantissant légalement par avance l'augmentation salariale minimale, sans prise en compte de l'évolution dans les pays de référence. Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument impossible de toucher, consiste dans tous les cas en une indexation automatique et des augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas aussi figée puisqu'elle est fixée au terme d'une longue procédure qui laisse beaucoup de champ libre aux interlocuteurs sociaux et que cette marge est basée sur une double référence.

Il serait assez logique qu'une loi qui a la prétention de maîtriser les coûts salariaux fixe inéluctablement l'augmentation salariale maximale, et non, comme aujourd'hui, l'augmentation salariale minimale. La détermination légale d'une augmentation salariale minimale (indexation + augmentations barémiques) n'a donc pas sa place dans une loi qui a pour objectif la maîtrise des coûts salariaux.

Dans ce contexte, il convient de supprimer également l'article 16, qui précise ce qu'il faut entendre par « augmentations barémiques ».

L'un des auteurs affirme que, de toute façon, la loi n'est pas applicable à l'accord interprofessionnel 1995-1996, qui va arriver à échéance.

Par ailleurs, que faut-il entendre par l'expression « augmentations barémiques » qui figure à l'article 16 ? Une loi qui vise à assurer la sauvegarde de la compétititivé ne peut en aucun cas imposer de nouvelles charges salariales.

Le ministre comprend la logique qui sous-tend cet amendement, mais il affirme que ce dernier est contraire à la philosophie du projet à l'examen.

Il refuse d'approuver ces amendements au nom de la cohérence interne du projet.

CHAPITRE V

Dispositions complémentaires

Article 14

Un sénateur s'étonne du fait que l'on se réfère à l'article 4 et pas à l'article 5. En fait, c'est l'article 5 qui fait référence au rapport technique qui définit quelle sera la marge maximale.

Le Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications répond que l'on se réfère à l'article 4 parce que le rapport qui y est prévu analyse tous les éléments constitutifs de la compétitivité. L'article 5 porte uniquement sur la mise en oeuvre du rapport.

Le sénateur en déduit que l'on pourrait donc se retrouver dans une situation où certains salaires augmentent d'une façon plus importante que la marge ne l'autorise, par le biais d'une participation bénéficiaire. Par contre, la modération des autres revenus ne tiendrait pas compte de cette participation bénéficiaire.

Le ministre déclare que c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu que l'on s'adresse en premier lieu aux interlocuteurs sociaux avant de proposer des mesures.

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 62) visant à supprimer cet article. En ce qui concerne la justification, ils renvoient à celle de l'amendement nº 2.

Les même auteurs déposent un amendement subsidiaire (nº 63), qui est rédigé comme suit :

Au § 1er , remplacer les mots « le Roi peut, après avis du Conseil supérieur de l'emploi, prendre » par les mots « le Roi prend, après avis du Conseil supérieur de l'emploi, ».

Justification

Un gouvernement qui demande des pouvoirs spéciaux doit les utiliser effectivement. Le V.L.D. estime dès lors que le texte doit être modifié en conséquence.

M. Hatry et consorts déposent également un amendement (nº 95), libellé comme suit :

Compléter le § 1er de l'article par l'alinéa suivant :

« Les mesures de modération visées à l'alinéa précédent ne peuvent avoir pour effet d'excéder le résultat des mesures prises en matière d'évolution du coût salarial. »

Justification

L'amendement a pour but et pour effet de s'assurer que les indépendants et titulaires de professions libérales ne seront pas soumis à une modération des revenus supérieure à celle qui frappera les salariés et appointés.

Article 15

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 64) visant à supprimer cet article.

Justification

L'article en question est superflu. Il est évident que le titre concerné ne s'appliquera qu'aux accords interprofessionnels qui seront conclus à l'avenir et ne s'appliquera donc pas à l'accord 1995-1996.

Pour le reste, le V.L.D. répète le point de vue qu'il a déjà exprimé dans les amendements précédents, qui ont pour objet de supprimer les articles de la loi-cadre à l'examen.

Le ministre est opposé à la suppression de l'article 15.

Article 16

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 65) visant à supprimer cet article.

Justification

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays, les coûts salariaux de notre pays n'ont pratiquement pas cessé d'augmenter par rapport à ceux de nos principaux partenaires commerciaux.

À la suite de ce dérapage du critère salarial, les interlocuteurs sociaux ont rendu, en mars 1993, un avis unanime dans lequel ils constataient que la compétitivité était menacée. Cela a débouché finalement sur le Plan global, qui prévoyait entre autres l'instauration d'un indice-santé et un gel des salaires réels en 1995 et en 1996. La nouvelle loi de sauvegarde de la compétitivité doit prévenir tout nouveau dérapage des coûts salariaux à partir de 1997.

Il faut se demander si cet objectif peut être atteint en garantissant légalement par avance l'augmentation salariale minimale, sans prise en compte de l'évolution dans les pays de référence. Cette augmentation salariale minimale, à laquelle il est absolument impossible de toucher, consiste dans tous les cas en une indexation automatique et des augmentations barémiques. La marge salariale maximale n'est pas aussi figée puisqu'elle est fixée au terme d'une longue procédure qui laisse beaucoup de champ libre aux interlocuteurs sociaux et que cette marge est basée sur une double référence.

Il serait assez logique qu'une loi qui a la prétention de maîtriser les coûts salariaux fixe inéluctablement l'augmentation salariale maximale, et non, comme aujourd'hui, l'augmentation salariale minimale. La détermination légale d'une augmentation salariale minimale (indexation + augmentations barémiques) n'a donc pas sa place dans une loi qui a pour objectif la maîtrise des coûts salariaux.

Dans ce contexte, il convient de supprimer également l'article 16, qui précise ce qu'il faut entendre par « augmentations barémiques ».

Le ministre demande le rejet de cet amendement.

Article 17

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 66) qui vise à supprimer cet article. En ce qui concerne la justification, ils renvoient à celle de l'amendement nº 2.

Les mêmes auteurs déposent un amendement subsidiaire (nº 67), qui est rédigé comme suit :

« Remplacer le § 2 de cet article par ce qui suit :

« § 2. Il est fait rapport à la Chambre des représentants sur les arrêtés visés au § 1er dans les 3 mois de leur publication. Ces arrêtés sont abrogés s'ils n'ont pas été confirmés par la loi dans les 5 mois de leur publication. »

Justification

Le projet de loi délègue des compétences pour une durée indéterminée chaque fois que certains accords devront être conclus à l'avenir. Pour l'application de l'article 14, cette condition n'est même pas prévue.

La seule forme de contrôle parlementaire prévue par le projet, en dehors de la responsabilité politique du Gouvernement, est la ratification qui doit intervenir au plus tard à la fin du septième mois qui suit l'entrée en vigueur des arrêtés.

Cette forme de contrôle est très rudimentaire et tardive : la Chambre des représentants n'aura en effet pas une vue d'ensemble des mesures prises. Qui plus est, combien de temps s'écoulera-t-il entre le moment de la publication des arrêtés et celui de leur entrée en vigueur ?

Un arrêté peut être pris à une date déterminée, être publié plusieurs mois après et entrer en vigueur beaucoup plus tard encore. Le délai pour la ratification (ou le refus de ratification) serait dès lors dépassé.

L'amendement prévoit une forme de contrôle parlementaire effective et claire : le Gouvernement devra faire rapport dans les 3 mois de la publication des arrêtés et la ratification devra intervenir dans les 2 mois suivants.

M. Hatry et consorts déposent un amendement (nº 96), rédigé comme suit :

« Compléter l'article 17 par un § 4, libellé comme suit :

« § 4. Huit jours avant leur publication au Moniteur belge, les arrêtés visés au § 1er sont communiqués aux présidents de la Chambre des représentants et du Sénat. »

Justification

Les arrêtés royaux pris dans le cadre de la loi sur la compétitivité doivent être soumis au même régime que ceux pris dans le cadre de la loi relative à la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne (article 5). Ce délai de 8 jours doit être prévu pour laisser au Parlement le temps suffisant de prendre connaissance des arrêtés de pouvoirs spéciaux.

Comme cela a été le cas pour les arrêtés pris en vertu des pouvoirs spéciaux de 1986, le Gouvernement devrait déposer aux bureaux des deux Chambres les projets d'arrêtés royaux pendant huit jours avant leur publication au Moniteur belge. Cela était un progrès par rapport aux pouvoirs spéciaux de 1982 et de 1984. L'auteur principal de cet amendement attend du Gouvernement qu'il suive cet exemple. Au lieu de huit jours, il préfère un délai de deux semaines afin de permettre au Parlement d'examiner en profondeur ces arrêtés avant leur publication.

Le Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie répond comme suit à ces trois amendements.

Le Gouvernement souhaite que les règles relatives aux arrêtés royaux pris sur la base de la présente loi-cadre (qui ne sont pas des arrêtés de pouvoirs spéciaux) restent comparables à celles prévues par la loi de 1989. Or, cette dernière loi ne contenait pas l'obligation de communiquer aux présidents de la Chambre et du Sénat les arrêtés visés.

Cela étant, si le ministre ne souhaite pas que le texte soit amendé sur ce point, il s'engage à ce que les arrêtés visés à l'article 17, § 1er , soient communiqués aux Chambres législatives avant leur publication, comme cela sera le cas pour les arrêtés pris sur la base des deux autres lois-cadres.

Article 18

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 68) visant à supprimer cet article.

Justification

Cette modification de la loi du 6 janvier 1989 est superflue, eu égard au point de vue du V.L.D. tel qu'il a été exprimé dans les amendements visant à supprimer les articles de la loi-cadre.

Les mêmes auteurs déposent également un amendement subsidiaire (nº 69), libellé comme suit :

« À cet article, remplacer les mots « peut formuler » par le mot « formule » et supprimer le mot « formuler. »

Justification

Selon le Premier ministre, les organisations, mouvements et groupes représentatifs de la société civile constituent un forum important en vue d'organiser un véritable débat.

Dans son plan-clé, le Premier ministre proclame dès lors sa foi dans la méthode de la concertation. Une concertation, non avec le Parlement, mais bien avec les représentants de la société civile ou avec les interlocuteurs sociaux.

A l'instar du Premier ministre, les interlocuteurs sociaux et le Gouvernement ont proclamé presque solennellement « leur confiance dans les traditions de concertation sociale, en vue de prévenir et de résoudre les problèmes ».

Dans le cadre du présent amendement, le V.L.D. entend que le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux respectent leur profession de foi. Si le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux croient vraiment en leur modèle de concertation sociale, il faut qu'ils l'utilisent et qu'ils en fassent clairement état dans le projet de loi.

Le Conseil supérieur de l'emploi, qui est composé des interlocuteurs sociaux, doit dès lors être tenu de formuler des recommandations.

M. Hatry et consorts déposent un amendement (nº 97) dans le même sens, rédigé comme suit :

« Remplacer les mots « peut formuler » par le mot « formule. »

Justification

La disposition actuelle revêt un simple caractère facultatif qui minimise le rôle que peut jouer le Conseil supérieur de l'emploi.

L'auteur principal de cet amendement se demande pourquoi le Gouvernement veut créer, une fois de plus, un nouvel organisme où les mêmes représentants des interlocuteurs sociaux débatteront des problèmes qui sont déjà débattus au sein d'organismes déjà existants. Pourquoi n'a-t-on pas confié cette tâche au Conseil national du travail ?

Le ministre répond que le Gouvernement considère l'emploi d'importance capitale pour l'équilibre de la société. À l'instar de ce que l'on fait pour les normes financières, avec un Conseil supérieur des finances, le Gouvernement se dote d'un Conseil supérieur composé, non pas d'interlocuteurs sociaux mais d'experts en la matière.

Pour ces raisons, il demande le rejet de l'amendement.

Article 19

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 70), libellé comme suit :

« Compléter cet article par ce qui suit :

« et les mots « réduction limitée » sont remplacés par les mots « réduction draconienne. »

Justification

Depuis 1987, notre pays a accumulé par rapport à ses principaux partenaires commerciaux un handicap en matière de coût salarial qui atteint 7,5 p.c. par rapport à ses cinq principaux partenaires. Il est évident que l'élimination du handicap en matière de coût salarial exige immédiatement un effort de 140 milliards de francs sous la forme d'une réduction draconnienne des cotisations et charges sociales. Il faudra donc s'atteler, aujourd'hui encore, à réduire les cotisations patronales. Sinon, notre handicap en matière de coût salarial continuera de saper notre position concurrentielle, si bien que la loi à l'examen manquera totalement son objectif.

Il convient en outre de souligner, et le présent article en est le corollaire, qu'il a été décidé, dans le cadre de l'opération Maribel, d'en étendre les avantages à tous les secteurs qui relèvent de l'agriculture, de l'industrie manufacturière et de transformation et des transports.

Le Gouvernement a ainsi répondu aux objections formulées par la Commission européenne selon lesquelles l'opération Maribel ne profite qu'aux secteurs qui sont exposés à la concurrence internationale. Cependant, l'enveloppe budgétaire existante de 15 milliards de francs n'a pas été augmentée. Cela signifie concrètement que l'enveloppe existante sera répartie entre un nombre plus élevé d'entreprises, de sorte que l'avantage dont bénéficiera chaque entreprise se trouvera sérieusement réduit.

Les entreprises axées sur l'exportation se verront donc accorder une réduction de charges qui sera bien inférieure à celle dont elles bénéficiaient précédemment, ce qui signifie que leurs charges salariales augmenteront par rapport à la situation sous Maribel-bis et Maribel-ter.

Pour toutes ces raisons, il est urgent d'appliquer, non pas une réduction limitée, mais une réduction draconienne des cotisations patronales. Cela ne pourra que profiter à l'emploi.

Les mêmes auteurs déposent également un amendement subsidiaire (nº 71), libellé comme suit :

« À cet article, insérer entre les mots « concurrence internationale » et les mots « sont supprimés », les mots « et le mot « limitée. »

Justification

La mesure dans laquelle on réduit la cotisation patronale à la sécurité sociale dépend de la situation concrète. Si le handicap en matière de coût salarial prend des proportions dramatiques, une réduction limitée ne suffira pas pour préserver la compétitivité. Il serait absurde que l'on doive constater à ce moment que l'on est pieds et poings liés. C'est pourquoi nous proposons de supprimer également le mot « limitée » à l'article 10, § 1er , 4º, de la loi du 6 janvier 1989.

Les deux amendements visent à remplacer la réduction « limitée » des cotisations par une limitation « draconienne » de celles-ci.

Le ministre fait remarquer que le Gouvernement a fait preuve de beaucoup de compréhension. L'accord de gouvernement prévoyait le maintien d'un certain nombre de mesures structurelles qui visaient un abaissement des charges patronales. Bien qu'il eût préféré d'autres formules, les réductions limitées sont raisonnables et dépendent du contexte dans lequel le Gouvernement doit opérer. Pour ces raisons, il préfère le libellé proposé.

Un membre constate que le Gouvernement n'a encore rien fait. Les résultats sont dès lors clairs : l'on ne crée pas d'emplois supplémentaires. Les efforts sont bien trop limités parce que le Gouvernement s'impose trop de restrictions en ce qui concerne une réduction importante des cotisations patronales.

Article 20

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 71), visant à supprimer cet article.

Justification

Eu égard au point de vue aue le V.L.D. a fait valoir dans ses amendements visant à supprimer les articles de cette loi-cadre, cette adaptation technique de la loi du 6 janvier 1989 est superflue.

Le ministre demande le rejet de cet amendement.

Article 21

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 73), visant à supprimer cet article.

Justification

Eu égard au point de vue que le V.L.D. a fait valoir dans ses amendements visant à supprimer les articles de cette loi-cadre, ces modifications apportées à la loi du 6 janvier 1989 sont superflues.

M. Hatry et consorts déposent à cet article un premier amendement (nº 98), rédigé comme suit :

« Remplacer les mots « Les chapitres Ier et II » par les mots « Les chapitres Ier , II et III ».

Justification

On ne voit pas pourquoi la procédure exceptionnelle prévue par l'article 9 (chapitre III) de la loi du 6 janvier 1989 doit être maintenue alors que l'hypothèse correspondante, c'est-à-dire une « modification brutale des taux de change » ayant des effets sur la compétitivité de la Belgique vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux, ne peut plus se produire dès que la monnaie unique est instaurée, ce qui est imminent.

Les mêmes auteurs déposent un deuxième amendement (nº 99), rédigé comme suit :

Compléter cet article par les mots « sauf l'article 7 de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays ».

Justification

Le Conseil d'État fait observer qu'il y a lieu de soustraire cette disposition, qui définit ce qu'il y a lieu d'entendre par « interlocuteurs sociaux » au sens de la loi de 1989, aux mesures d'abrogation.

Le ministre fait valoir que le Gouvernement a estimé devoir conserver la procédure en cas de circonstances exceptionnelles. Certes, en 1989, on pensait surtout à une modification importante et subite des cours de change. La stabilité du franc par rapport aux monnaies des États membres retenus désormais comme référence rend cette hypothèse hautement improbable, et l'Union monétaire la rendra caduque.

On ne peut toutefois exclure complètement que d'autres chocs affectent l'une ou l'autre de nos économies, qu'il s'agisse d'événements tels que des catastrophes naturelles, ou d'événements externes qui n'auraient pas le même impact en Belgique et dans les États membres de référence.

Article 22

MM. Coene et Goovaerts déposent un amendement (nº 74), visant à supprimer cet article.

Justification

Il faut appliquer les délais normaux en matière d'entrée en vigueur. La disposition prévoyant que la date de l'entrée en vigueur est fixée par le Roi est dès lors superflue.

M. Hatry et consorts déposent un amendement (nº 100), rédigé comme suit :

« Compléter cet article par la phrase suivante : « L'entrée en vigueur ne peut en tout cas avoir lieu avant que la loi définisse ce qu'il y a lieu d'entendre par « participations bénéficiaires » au sens de l'article 10. »

Justification

Le Conseil d'État précise, dans ses observations relatives à l'article 2, qu'il y a lieu de compléter la définition du terme « participations bénéficiaires », et que la loi à laquelle cette définition fait référence devra être sanctionnée et promulguée en même temps que l'avant-projet, au plus tard.

Le ministre répond que le Gouvernement ne veut pas se fixer sur des rigidités supplémentaires.

Un des auteurs de l'amendement nº 74 estime qu'il faut appliquer des délais normaux en matière d'entrée en vigueur. Il n'y a aucune raison de prévoir une autre entrée en vigueur.

Le ministre déclare que le Gouvernement n'est pas prêt à suivre ce raisonnement.


F. VOTES DES AMENDEMENTS

Intitulé

L'amendement nº 1 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 75 de M. Hatry et consorts est rejeté par 8 voix contre 4.

Article 1er

L'amendement nº 76 de M. Hatry est rejeté par 8 voix contre 2 et 2 abstentions.

Article 1er bis (nouveau)

L'amendement nº 101 de M. Coveliers est rejeté par 8 voix contre 4.

Article 2

L'amendement nº 2 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 3 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 4 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 5 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 6 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 7 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 8 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 9 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 10 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 11 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 12 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 13 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 14 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 15 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 16 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 17 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 103 de M. Hatry est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 3

L'amendement nº 18 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 19 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 20 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 21 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 22 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 23 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 24 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 25 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 104 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 4

L'amendement nº 26 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 27 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 28 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 29 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 30 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 77 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 107 de M. Jonckheer est rejeté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 78 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 2 et 2 abstentions.

Article 5

L'amendement nº 31 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 32 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 33 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 34 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 79 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 105 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 6

L'amendement nº 35 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 36 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 37 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 38 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 80 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 106 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 108 de M. Jonckheer est rejeté à l'unanimité des 13 membres présents.

L'amendement nº 81 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 82 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 83 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 84 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 7

L'amendement nº 39 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 40 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 41 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 42 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 85 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 86 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 87 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 88 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 110 de MM. Hatry et Bock est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 8

L'amendement nº 43 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 44 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 45 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 89 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 9

L'amendement nº 46 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 47 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 48 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 49 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 90 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 91 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 93 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 92 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 109 de M. Jonckheer est rejeté à l'unanimité des 13 membres présents.

Article 10

L'amendement nº 50 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 51 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 102 de M. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 11

L'amendement nº 52 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 53 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 12

L'amendement nº 54 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 94 de M. Hatry et consorts est rejeté par 11 voix contre 2.

Article 13

L'amendement nº 55 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 56 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 57 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 58 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 59 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 60 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 61 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 14

L'amendement nº 62 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 63 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 95 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 15

L'amendement nº 64 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 16

L'amendement nº 65 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 17

L'amendement nº 66 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 67 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 96 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 18

L'amendement nº 68 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 69 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 97 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 19

L'amendement nº 70 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 71 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 20

L'amendement nº 72 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 21

L'amendement nº 73 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 98 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'amendement nº 99 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

Article 22

L'amendement nº 74 de MM. Coene et Goovaerts est rejeté par 9 voix contre 4.

L'amendement nº 100 de MM. Hatry et consorts est rejeté par 9 voix contre 4.

En conséquence, les articles 1er à 22 du projet de loi ne sont pas amendés.


G. VOTE SUR L'ENSEMBLE DES TITRES Ier ET II

Les titres Ier et II du projet de loi ont été adoptés par 9 voix contre 4.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Les Rapporteurs, Le Président,
Johan WEYTS. Paul HATRY.
Jean BOCK.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION


TITRE PREMIER

Disposition générale

Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

TITRE II

Sauvegarde préventive de la compétitivité

CHAPITRE PREMIER

Définitions

Art. 2

Pour l'application du présent titre, on entend par :

­ « États membres de référence » : les États membres de l'Union européenne suivants : l'Allemagne, la France et les Pays-Bas;

­ « évolution du coût salarial » : l'augmentation en termes nominaux du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé, exprimé en équivalents temps plein et, le cas échéant, corrigé en fonction de modifications dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail, exprimée en monnaie nationale, en Belgique et dans les États membres de référence. L'augmentation salariale en Belgique et dans les États membres de référence est basée sur les données et les prévisions de l'O.C.D.E.;

­ « inflation » : l'augmentation, exprimée en pourcentage, de l'indice-santé des prix à la consommation. L'inflation attendue est basée sur les données de l'Institut des comptes nationaux et de l'O.C.D.E.;

­ « indexation » : l'augmentation des salaires résultant de l'application des mécanismes d'indexation tels que décrits dans les conventions collectives de travail existantes relatives à la liaison des salaires à l'indice-santé;

­ « augmentation barémique » : l'augmentation salariale existante en fonction de l'ancienneté, de l'âge, des promotions normales ou changements de catégorie individuels, prévue par des conventions collectives de travail;

­ « emploi » : le nombre de personnes occupées dans le secteur privé, globalement et par secteur, en Belgique et dans les États membres de référence, ainsi que le nombre en équivalents temps plein;

­ « interlocuteurs sociaux » : les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs au sein du Conseil national du travail.

Art. 3

§ 1er . L'évolution de l'emploi et l'évolution du coût salarial sont exprimées en taux de croissance en pourcentages par comparaison avec les deux années antérieures et les prévisions pour les deux années suivantes, ainsi qu'avec la situation dans les États membres de référence.

§ 2. L'importance relative de chacun des États membres de référence est fixée pour chaque année par le poids que représente le Produit intérieur brut en valeur de ce pays dans le Produit intérieur brut global de l'ensemble des États membres de référence, exprimé en monnaie commune.

§ 3. Le Roi peut, après avis du Conseil central de l'économie, fixer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités techniques du calcul des facteurs visés au § 1er .

CHAPITRE II

Rapports sur l'évolution de l'emploi et de la compétitivité

Art. 4

§ 1er . Deux fois par an, le Conseil central de l'économie et le Conseil national du travail émettent, avant le 31 janvier et le 31 juillet, un rapport commun sur l'évolution de l'emploi et du coût salarial en Belgique et dans les États membres de référence. Ce rapport comporte également une analyse de la politique en matière de salaires et d'emploi des États membres de référence, ainsi que des facteurs de nature à expliquer une évolution divergente par rapport à la Belgique. Il est également fait rapport sur les aspects structurels de la compétitivité et de l'emploi, notamment quant à la structure sectorielle des investissements nationaux et étrangers, aux dépenses en recherche et développement, aux parts de marché, à l'orientation géographique des exportations, à la structure de l'économie, aux processus d'innovation, aux structures de financement de l'économie, aux déterminants de la productivité, aux structures de formation et d'éducation, aux modifications dans l'organisation et le développement des entreprises. Le cas échéant, des suggestions sont formulées en vue d'apporter des améliorations.

Ce rapport est transmis sans délai aux Chambres législatives fédérales et au Gouvernement.

§ 2. Le Gouvernement peut soumettre le rapport visé au § 1er à une concertation avec les interlocuteurs sociaux.

Art. 5

Chaque année, le Conseil central de l'économie émet, avant le 30 septembre, un rapport technique sur les marges maximales disponibles pour l'évolution du coût salarial, sur la base de l'évolution des deux dernières années ainsi que de l'évolution du coût salarial attendue dans les États membres de référence. Une distinction est établie entre l'inflation attendue, d'une part, et la marge pour des augmentations salariales en termes réels, d'autre part.

Ce rapport est transmis sans délai aux Chambres législatives fédérales et au Gouvernement, ainsi qu'aux interlocuteurs sociaux.

CHAPITRE III

Les négociations salariales collectives

Art. 6

§ 1er . Tous les deux ans, avant le 31 octobre, l'accord interprofessionnel des interlocuteurs sociaux fixe, sur la base des rapports visés aux articles 4 et 5, entre autres des mesures pour l'emploi et la marge maximale pour l'évolution du coût salarial.

§ 2. La marge maximale pour l'évolution du coût salarial tient compte de l'évolution du coût salarial dans les États membres de référence telle qu'elle est prévue pour les deux années de l'accord interprofessionel, mais correspond au moins à l'indexation et aux augmentations barémiques.

La marge peut être réduite à concurrence des écarts salariaux qui auraient résulté d'une hausse salariale supérieure à l'évolution du coût salarial dans les États membres de référence au cours des deux années précédentes.

Nonobstant la correction visée à l'alinéa précédent, la marge contient toujours au minimum l'indexation et les augmentations barémiques.

§ 3. À défaut de consensus entre les interlocuteurs sociaux dans les deux mois à compter du rapport technique visé à l'article 5, le Gouvernement convoque les interlocuteurs sociaux à une concertation et formule une proposition de médiation, sur la base des données contenues dans le même rapport.

§ 4. En cas d'accord entre le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux, la marge maximale pour l'évolution du coût salarial est arrêtée dans une convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail.

Art. 7

§ 1er . À défaut d' un accord entre le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux, dans le mois suivant la convocation des interlocuteurs sociaux à une concertation telle que prévue à l'article 6, § 3, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, déterminer la marge maximale pour l'évolution du coût salarial, conformément aux conditions prévues à l'article 6, §§ 1er et 2, avec comme minimum l'indexation et les augmentations barémiques.

§ 2. À défaut d'un accord interprofessionnel sur l'emploi, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, pour la durée prévue de l'accord interprofessionel, prendre des mesures supplémentaires en faveur de l'emploi, entre autres en ce qui concerne :

1º la redistribution du travail, en ce compris des possibilités de réduction du temps de travail, le travail à temps partiel, l'augmentation des chances d'emploi pour les jeunes et l'interruption de carrière;

2º une plus grande souplesse dans l'organisation du marché de travail.

Art. 8

§ 1er . Des conventions collectives de travail relatives à l'évolution de l'emploi et à l'évolution du coût salarial sont conclues au niveau sectoriel avant le 31 mars ou au niveau des entreprises avant le 31 mai de la première année de la durée de l'accord interprofessionnel. L'évolution du coût salarial doit se situer dans la marge maximale visée aux articles 6 et 7, avec comme minimum l'indexation et les augmentations barémiques. Ce faisant, il est tenu compte du mécanisme d'indexation des salaires en vigueur dans le secteur et des possibilités économiques du secteur.

§ 2. Les conventions collectives de travail visées au § 1er peuvent porter tant sur les conditions de rémunération et de travail que sur l'évolution de l'emploi, pour autant que l'évolution du coût salarial qui en découle respecte la marge visée aux articles 6 et 7.

Art. 9

§ 1er . Les conventions de travail au niveau intersectoriel, sectoriel, d'entreprise ou individuel ne peuvent prévoir de dépassement de la marge d'évolution du coût salarial visée aux articles 6 et 7.

L'employeur qui ne respecte pas les dispositions de l'alinéa précédent est tenu de payer une amende administrative qui ne peut excéder le double du dépassement de la marge visée aux articles 6 et 7. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités de l'établissement et de la perception de cette amende.

§ 2. Les dispositions du chapitre V de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, s'appliquent aux entreprises qui ne respectent pas les arrêtés pris en application de l'article 7, § 2.

§ 3. Avant le 30 novembre de chaque année, le Conseil supérieur pour l'emploi formulera des recommandations sur les conventions collectives de travail au niveau intersectoriel ou sectoriel, qui ne comportent pas de mesures suffisantes en faveur de l'emploi. Sur la base de ces recommandations, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre les mesures appropriées qui s'imposent.

Ces recommandations ont comme objectif d'assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois États membres de référence avec l'ambition de maintenir au moins l'emploi intersectoriel global.

Art. 10

Ne sont pas prises en compte pour le calcul de l'évolution du coût salarial :

1º les participations bénéficiaires, telles que définies par la loi;

2º les augmentations de la masse salariale résultant de l'accroissement du nombre de personnes occupées en équivalents temps plein.

CHAPITRE IV

Mécanismes de correction

Art. 11

§ 1er . Les conventions collectives de travail intersectorielles biennales visées à l'article 6 prévoient un mécanisme de correction qui s'applique lorsqu'il s'avère, à la fin de la première année, que l'évolution du coût salarial en Belgique est supérieure à l'évolution du coût salarial dans les États membres de référence.

§ 2. Les conventions collectives de travail sectorielles prévoient un mécanisme de correction qui s'inscrit dans le cadre du mécanisme de correction intersectoriel visé au § 1er et qui tient compte des caractéristiques propres au secteur concerné.

§ 3. À défaut d'un mécanisme de correction ou lorsque le mécanisme de correction au niveau sectoriel, visé au § 2, s'avère inefficace, le mécanisme de correction intersectoriel visé au § 1er , est d'application.

Art. 12

§ 1er . Le dépassement de l'évolution du coût salarial visé à l'article 11, § 1er , est constaté par les interlocuteurs sociaux sur la base du rapport technique visé à l'article 5.

§ 2. Les interlocuteurs sociaux constatent le dépassement éventuel au plus tard le 30 novembre de la première année et appliquent le mécanisme de correction prévu à l'article 11, § 2, ou, le cas échéant, § 1er .

À défaut de consensus entre les interlocuteurs sociaux, le Gouvernement convoque ceux-ci à une concertation avant le 31 décembre de la première année et formule une proposition de médiation.

Art. 13

§ 1er . À défaut d'un accord entre le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux dans le mois de la convocation des interlocuteurs, visée à l'article 12, § 2, alinéa 2, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, imposer l'application du mécanisme de correction visé à l'article 11, § 2, ou, le cas échéant, § 1er , avec comme évolution minimale du coût salarial l'indexation et les augmentations barémiques.

§ 2. Si le mécanisme de correction visé à l'article 11, § 1er ou § 2, n'est pas fixé ou s'avère inefficace, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, imposer une correction de l'évolution du coût salarial, sur la base du rapport technique visé à l'article 5, s'il s'avère à la fin de la première année que l'évolution du coût salarial en Belgique est supérieure à l'évolution du coût salarial dans les États membres de référence.

Nonobstant la correction visée à l'alinéa précédent, la marge comporte toujours au minimum l'indexation et les augmentations barémiques.

§ 3. Lorsque l'évolution de l'emploi constatée est inférieure à celle des États membres de référence, le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux en concertation :

1º examineront les causes de cette évolution et

2º le cas échéant, prendront, chacun en ce qui le concerne, des mesures supplémentaires.

Cette concertation a comme objectif d'assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois États membres de référence, avec l'ambition de maintenir au moins l'emploi intersectoriel global.

CHAPITRE V

Dispositions complémentaires

Art. 14

§ 1er . Tenant compte du rapport visé à l'article 4, le Roi peut, après avis du Conseil supérieur de l'emploi, prendre, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, des mesures de modération équivalente des revenus des indépendants en faveur des investissements dans leur entreprise et de l'emploi, ainsi que des mesures de modération équivalente des revenus des professions libérales, des dividendes, des tantièmes, des allocations sociales, des loyers, et des autres revenus.

§ 2. Les infractions aux dispositions arrêtées en vertu du présent article sont punies d'une amende administrative qui ne peut excéder les montants prévus dans la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités de l'établissement et de la perception de cette amende.

CHAPITRE VI

Dispositions transitoires et finales

Art. 15

Le présent titre ne s'applique pas aux dispositions de l'accord interprofessionnel 1995-1996.

Art. 16

§ 1er . Pour le premier accord interprofessionnel conclu en application de la présente loi, on doit entendre par « augmentations barémiques », celles qui sont prévues dans les conventions collectives de travail, conclues avant le 1er mai 1996, deposées au greffe du Service des conventions collectives de travail du ministère de l'Emploi et du Travail.

§ 2. L'exécution de l'article 48 de la présente loi ne peut donner lieu au paiement de l'amende administrative visée à l'article 9, § 1er .

Art. 17

§ 1er . Les arrêtés pris en application des articles 7, § 2, 9, § 3, et 14, § 1er , peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales en vigueur.

§ 2. Les arrêtes visés au § 1er cessent de produire leurs effets à la fin du septième mois qui suit leur entrée en vigueur s'ils n'ont pas été confirmés par la loi avant cette date.

§ 3. Les arrêtés confirmés par la loi au sens du § 2 ne peuvent être modifiés, complétés, remplacés ou abrogés que par une loi.

Art. 18

Dans l'article 9, § 1er , de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays, il est inséré un alinéa 2, rédigé comme suit :

« Le Conseil supérieur de l'emploi peut formuler des recommandations sur les mesures utiles sur le plan de l'évolution du coût salarial ou de l'emploi s'il est d'avis que les circonstances exceptionnelles se produisent. »

Art. 19

À l'article 10, § 1er , 4º, de la même loi, les mots « dans les secteurs exposés à la concurrence internationale » sont supprimés.

Art. 20

Aux articles 10 et 11 de la même loi, les mots « des articles 8, § 5, et 9, § 5, » et « aux articles 8, § 5, et 9, § 5 » sont remplacés respectivement par les mots « de l'article 9, § 5, » et « à l'article 9, § 5 ».

Art. 21

Les chapitres Ier et II de la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays sont abrogés.

Art. 22

Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la date d'entrée en vigueur du présent titre.

TITRE III

.....


1 - 386/4 (BIJLAGEN) 1 - 386/4 (ANNEXES)

SÉNAT DE BELGIQUE

SESSION DE 1995-1996

17 JUILLET 1996


Projet de loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité

(Titres Ier et II : articles 1er à 22)


Procédure d'évocation


ANNEXES AU RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR MM. WEYTS ET BOCK


ANNEXE 1


CONSEIL CENTRAL DE L'ÉCONOMIE

Avis sur le projet de loi de sauvegarde préventive de l'emploi et de la compétitivité du pays

Bruxelles 24.05.1996

Assistaient à la séance plénière du 24 mai 1996, tenue sous la présidence de Monsieur J.P. Champagne, Vice-Président du Conseil :

Membres nommés sur proposition des organisations représentatives de l'industrie et des banques et assurances :

MM. Boelaert, Claes, Ghislain, Vandermarliere, Van Gompel

Membres nommés sur proposition des organisations représentatives de l'agriculture :

MM. Champagne, de Jamblinne de Meux

Membre nommé sur proposition des organisations représentatives du commerce :

M. Demets

Membres nommés sur proposition des organisations représentant l'artisanat, le petit et moyen commerce et la petite industrie :

Mme Pirlet, messieurs Bortier, Peeters

Membres nommés sur proposition des organisations représentatives des travailleurs et des coopératives de consommation :

Fédération générale du travail de Belgique :

MM. Hoffelt, Lamas-Conzalez, Vandermeeren, Voets

Confédération des syndicats chrétiens :

MM. Janssen, Piette

Central générale des syndicats libéraux de Belgique :

M. De Muelenaere

Membres cooptés :

MM. Kestens, Thonon

Assistaient à la séance plénière en tant qu'experts :

M. Langerock, Van De Sype

AVIS SUR LE PROJET DE LOI DE SAUVEGARDE PRÉVENTIVE DE L'EMPLOI ET DE LA COMPÉTITIVITÉ DU PAYS

Saisine

Le 8 mai 1996 Monsieur E. Di Rupo, vice-premier ministre, ministre de l'Economie et des Télécommunications, a adressé à M. R. Tollet, président du Conseil central de l'économie, la lettre suivante :

« Au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de solliciter l'avis du Conseil central de l'Économie sur l'avant-projet de loi de sauvegarde préventive de l'emploi et de la compétivité du pays, ci-joint, tel qu'il a été adopté par le Conseil des ministres du 3 courant.

Permettez-moi d'appeler votre attention particulière sur trois points.

Le Gouvernement souhaite que le Conseil central de l'Économie examine en détail la disponibilité effective des statistiques pour l'ensemble des données pertinentes et fasse en sorte que le texte légal prévoie des mécanismes « faisables ».

Il souhaite aussi que le Conseil s'accorde sur la définition à donner au concept de coût salarial, étant entendu qu'il doit s'agir d'une définition complète.

Enfin, le Gouvernement voudrait un examen détaillé de la notion de participations bénéficiaires.

Vous obligeriez le Gouvernement en lui faisant part de Votre avis avant le 21 mai 1996.

Par ailleurs, il y a lieu d'entamer dès que possible la préparation du rapport commun que le Conseil central de l'Économie et le Conseil national du Travail devront établir en application de l'article 4, § 1er de la future loi. »

Le groupe de travail restreint Position compétitive a préparé le projet d'avis suivant qui a été soumis à l'approbation de la séance plénière du Conseil le 24 mai 1996.

Le texte a été approuvé par une majorité des membres du Conseil (F.E.B., N.C.M.V., Union des Classes moyennes, Organisations représentative des Agriculteurs, C.S.C., C.G.S.L.B., Febecoop ). La position de la F.G.T.B. se trouve en annexe.

AVIS

La majorité des membres du Conseil central de l'économie entend faire des remarques quant au projet de loi de sauvegarde préventive de l'emploi et de la compétitivité du pays.

Ainsi, à l'Article 2, chapitre 1er , en ce qui concerne la définition de l'évolution du coût salarial, il faudrait préciser qu'il sagit du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé, exprimé en équivalent temps plein et le cas échéant, corrigé en fonction de la modification dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail.

Cette notion serait précisée dans le rapport du C.C.E. qui présenterait quatre séries statistiques :

­ le coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé ;

­ l'évolution de l'emploi en équivalent temps plein de façon à compenser les évolutions différenciées du temps partiel de pays à pays ;

­ l'évolution de la durée conventionnelle annuelle moyenne de travail et de la durée légale du travail ;

­ l'évolution de la durée effective de travail qui permet de tenir compte simultanément de la variation des heures supplémentaires, des jours de congé, de la durée conventionnelle, de l'absentéisme, ...

qui permettent de mieux apprécier la marge pour tenir compte de l'évolution de la quantité de travail.

Ces membres souhaitent attirer l'attention du Gouvernement sur les diffcultés techniques de la mise en oeuvre de ces séries eu égard à la disponibilité même des données statistiques de base, ce qui requiert un examen approfondi.

En effet, parmi les quatre séries évoquées ci-dessus seule la série concernant l'évolution du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé basée sur les données de l'O.C.D.E. a été prise en compte dans le rapport semestriel sur l'évaluation de la position compétitive, conformément au critère énoncé dans la loi du 6 janvier 1989.

Par ailleurs, au moment de la rédaction du rapport technique visé dans l'avant-projet de loi à l'article 5, les estimations relatives au coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé ne sont disponibles que pour l'année suivante ( t + 1 ). Il manque donc les prévisions pour l'année ultérieure ( t + 2 ).

En l'état actuel des choses, la majorité des membres du Conseil a l'intention de rechercher et de dépouiller les données existantes, en priorité au niveau des organisations internationales (O.C.D.E., Eurostat), de manière à approcher au mieux la définition des séries dont on fait référence ci-dessus de façon à en garantir la fiabilité et la qualité.

En outre, la majorité des membres du Conseil fait observer que pour cette appréciation des marges il ne se bornera pas à ces quatre séries statistiques, mais procédera également à l'analyse d'autres données, aussi bien quantitatives que qualitatives.

La majorité des membres du Conseil s'interroge sur la pertinence du choix du coefficient de pondération proposé dans l'article 3 paragraphe 2 du projet de loi, à savoir « le poids que représente le Produit intérieur brut en valeur de chacun des pays dans le Produit intérieur brut global de l'ensemble des États membres de référence, exprimé en monnaie commune ». Il suggère que soit appliqué comme coefficient de pondération le poids utilisé par la B.N.B. pour le calcul des taux de change effectifs.

Le calcul de la marge de l'évolution du coût salarial tel que prescrit à l'article 10 du projet de loi se doit d'être précisé davantage.

Selon l'article 10, point 1º, les participations bénéficiaires qui sont reprises dans les statistiques de masse salariale doivent être expurgées dans le calcul de la marge d'augmentation du coût salarial. Ce qui implique la détermination correcte de l'importance de ces participations bénéficiaires.

Ces membres désireraient qu'à l'article 4 § 1er , concernant l'élaboration du rapport commun du Conseil central de l'économie et du Conseil national du travail, il soit fait référence explicitement à une analyse des aspects structurels de la compétitivité.

À cet égard, on pense notamment à la structure sectorielle des investissements nationaux et étrangers, aux dépenses en recherche et développement, aux parts de marché, à l'orientation géographique des exportations, à la structure de l'économie, aux processus d'innovation, aux structures de financements de l'économie, aux déterminants de la productivité, aux structures de formation et d'éducation, aux modifications dans l'organisation et le développement des entreprises, ...

À l'article 7, la majorité des membres du Conseil souhaite qu'au § 2 le mot « notamment » soit remplacé par « entre autres ».

Ils souhaitent qu'à l'article 14, § 1, comme c'est déjà le cas actuellement, la loi prévoie les instruments permettant de régler également l'évolution des autres revenus.

Ces membres souhaitent aussi qu'à l'article 13, § 4, il soit prévu que lors de la concertation entre le Gouvernement et les interlocuteurs sociaux celle-ci se fasse dans l'objectif d'assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois pays de référence avec l'ambition de maintenir au moins l'emploi intersectoriel global.

Une même remarque vaut pour l'article 9, § 3, pour lequel la majorité des membres souhaite que les recommandations sur les conventions au niveau intersectoriel et sectoriel se fassent également dans l'objectif d'assurer une évolution de l'emploi parallèle à celle des trois pays de référence avec l'ambition de maintenir au moins l'emploi intersectoriel global.

Ils font remarquer que dans la version néerlandaise de l'article 6, § 2, et de l'article 13, § 3, l'utilisation du mot « onverminderd » est impropre et devrait être remplacée par « niettegenstaande ».

Sur l'ensemble des points qui précèdent, la majorité des membres du Conseil a pu dégager un compromis dans le temps qui leur était imparti à la consultation par le Gouvernement.

En revanche, ils n'ont pas pu atteindre un consensus concernant la prise en compte ou non de tout ou partie des diminutions de cotisation de sécurité sociale dans la marge définie dans l'accord interprofessionnel.

L'incorporation de ces diminutions de cotisation dans la marge accroîtrait cette dernière et permettrait, au travers de la négociation interprofessionnelle, d'affecter les montants financiers ainsi libérés à des mesures favorables à l'emploi dont la redistribution du travail et la réduction du temps de travail, comme le disent les représentants des organisations syndicales.

En revanche l'exclusion de ces baisses de cotisations de sécurité sociale patronales de la définition de la marge permet de consacrer celles-ci à la réduction du handicap de compétitivité de la Belgique, comme le disent les représentants des organisations patronales.

Le Conseil Central de l'économie poursuit l'examen d'un mécanisme encourageant la création nette d'emploi et de la redistribution du travail par une réduction du taux moyen des cotisations patronales. Là où cela s'avère nécessaire, la diminution de la cotisation patronale devra s'accompagner d'un financement alternatif de la sécurité sociale, afin de sauvegarder l'équilibre financier de celle-ci.

Dès que le Gouvernement en fera la demande au C.C.E., celui-ci donnera un avis sur les participations bénéficiaires.

POSITION DE LA F.G.T.B.

La F.G.T.B. ne peut approuver le texte voté par la majorité du C.C.E. pour les raisons suivantes :

1. La F.G.T.B. estime que le parallélisme entre les salaires et l'emploi n'est pas suffisamment marqué sur un certain nombre de points : ainsi, alors que les conséquences et les sanctions relatives à l'évolution salariale sont très précises, cette clarté n'apparaît plus en cas d'évolution défavorable de l'emploi.

2. La F.G.T.B. est d'avis que les marges pour l'emploi doivent être élargies par :

­ une reprise en compte d'éléments contenus dans la note personnelle du Président du C.C.E. Les entreprises et les secteurs disposant de possibilités financières supérieures à la marge moyenne maximale doivent pouvoir utiliser celles-ci pour le financement d'initiatives en faveur de l'emploi. Ceci peut soit se dérouler directement aux niveaux de l'entreprise ou du secteur, soit indirectement au travers d'un mécanisme spécifique tel que, par exemple, le financement alternatif de l'emploi.

­ la mise en pratique simultanée de l'intention du Gouvernement, développée à l'article 8, § 2, 2e alinéa de l'exposé des motifs, pour élargir les marges de la redistribution et de la réduction du temps de travail grâce à un mécanisme de réduction des cotisations, envisageant la croissance de l'emploi.

3. Pour la F.G.T.B., il est inacceptable que seul le développement des salaires soit analysé préventivement, tandis que les autres revenus ne pourraient être assujettis à une même modération qu'a posteriori.


ANNEXE 2


TRAITÉ DE MAASTRICHT

Article 130

1. La Communauté et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de la Communauté soient assurées.

À cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à :

­ accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels;

­ encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises de l'ensemble de la Communauté, et notamment des petites et moyennes entreprises;

­ encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises;

­ favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d'innovation, de recherche et de développement technologique.

2. Les États membres se consultent mutuellement en liaison avec la Commission et, pour autant que de besoin, coordonnent leurs actions. La Commission peut prendre toute initiative utile pour promouvoir cette coordination.

3. La Communauté contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1er au travers des politiques et actions qu'elle mène au titre d'autres dispositions du présent traité. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, peut décider de mesures spécifiques destinées à appuyer les actions menées dans les États membres afin de réaliser les objectifs visés au paragraphe 1er .

Le présent titre ne constitue pas une base pour l'introduction, par la Communauté, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence.


ANNEXE 3


Rapport de la Commission de l'application des normes de l'O.I.T.

de 1985

Convention nº 98 : Droit d'organisation et de négociation collective, 1949

Belgique (ratification : 1953). Un représentant gouvernemental (M. Bourlard, Belgique) a rappelé que son pays est probablement celui qui respecte le mieux au plan institutionnel la recherche du dialogue et du consensus entre les organisations professionnelles de travailleurs et d'employeurs et l'État. C'est d'ailleurs un comité national de composition tripartite qui a été le véritable Gouvernement du pays pendant près de 15 ans jusqu'au développement de la crise économique actuelle qui influence le processus de la négociation collective. L'interpellation de la commission d'experts porte sur certains aspects de la prolongation de la politique de modération des salaires conduite par le Gouvernement depuis trois ans.

Sur le plan technique, il s'agit d'une loi qui, en 1984, a déconnecté le système d'ajustement des salaires sur les prix, à raison de deux pour cent par an, pour les années 1984 et 1985. Le Gouvernement, dans le cadre d'une loi de pouvoirs spéciaux, est intervenu car, alors que depuis près de trois ans il avait invité les partenaires sociaux à intégrer dans leurs politiques et dans leurs pratiques de négociation des données nouvelles telles que le haut niveau de chômage, qui en Belgique atteint près de 13 p.c. de la population active, la compétitivité des entreprises, l'organisation de la production du travail et le temps de travail, ceux-ci n'étaient pas parvenus à un accord. Pour le Gouvernement, l'emploi et la réalisation du droit du travail doivent en effet primer sur l'augmentation des revenus, indépendamment de toute reprise de la croissance. Il convient de partager le travail et les revenus disponibles. Le Gouvernement est conscient de ce que le partage de l'austérité est difficile et du poids qu'il impose depuis trois ans en ayant inscrit dans une loi cet objectif de solidarité. Il souhaite que les partenaires sociaux intègrent dans leurs politiques certains paramètres. En effet, la Belgique assure depuis la fin de la seconde guerre mondiale une assurance chômage à durée indéterminée sans même enquêter sur les ressources de l'intéressé. Cette assurance a un caractère forfaitaire. Elle souhaite pouvoir être en mesure d'assurer, outre le droit au travail, le salaire de remplacement le plus élevé pour les chômeurs. Or, depuis trois ans, malgré de très nombreuses réunions formelles et informelles avec les partenaires sociaux, si un consensus est maintenu sur les priorités et les grands principes, il n'en va pas de même dans le choix des modalités concrètes. Le Gouvernement regrette que des protocoles d'accord soient signés mais non ratifiés par ceux qui les ont conclus au niveau des instances patronales et syndicales, et il tient à respecter l'autonomie de ses interlocuteurs sociaux. Il regrette que les négociations collectives n'aboutissent pas à des accords et il se demande s'il faut ajouter à la carence des partenaires sociaux la carence de l'État. Doit-il au nom de la non-intervention attendre un jour le déblocage ? La Loi critiquée par la commission d'experts n'a pour objet que de réamorcer la négociation collective au niveau des secteurs et des entreprises. Il convient de noter d'ailleurs que depuis près de trois ans un millier d'accords d'entreprises partageant l'emploi et le revenu disponibles et 75 conventions sectorielles allant dans le même sens sont intervenus. Même s'il est vrai qu'il s'agissait de négociations quelque peu stimulées, encadrées et finalisées sur l'emploi.

L'orateur rappelle qu'aux termes de la jurisprudence des organes de contrôle les pays sont autorisés dans des circonstances particulièrement exceptionnelles, notamment en période de grave crise économique, à altérer leurs obligations par une intervention dans la mesure où cette intervention reste temporaire. Il ne croit pas que ce caractère temporaire ait fait l'objet d'une définition. Peut-elle être de six mois, d'un an, de deux ans ou de trois ans, compte tenu de l'importance de la crise économique et de l'enjeu du niveau de l'emploi ? C'est un facteur que l'orateur soumet à l'appréciation de la Commission, à savoir quel doit être le temps normal, légitimement admissible, d'intervention lorsqu'il y a carence des partenaires sociaux ?

De plus, il convient d'observer que l'intervention n'a pas été un acte purement neutre mais qu'au contraire cela a été un acte finalisé sur l'emploi et le pouvoir d'achat des chômeurs.

Enfin, s'il y a eu arbitrage de l'État tant au niveau du Gouvernement que de la loi, c'est dans le cadre d'un processus de consultations avec les interlocuteurs sociaux. Jamais il n'y a eu tant de réunions formelles et informelles que depuis ces deux dernières années et l'État ne s'est décidé à intervenir que lorsqu'il a constaté la carence de ses interlocuteurs.

S'agissant de la plainte déposée au B.I.T., le Gouvernement belge veut rappeler qu'il se réjouit, au moment où le système de contrôle fait l'objet de remises en cause, que les partenaires sociaux en toute indépendance aient été à même de critiquer leur État et de permettre ainsi au Gouvernement de venir s'expliquer devant la présente commission.

Les membres travailleurs regrettent les difficultés concernant l'application de la convention nº 98 par la Belgique. Le porte-parole des membres travailleurs fait observer toutefois que dans les pays démocratiques existe la possibilité de critiquer publiquement, de déposer des plaintes et de les voir traiter à la présente commission. Le problème que connaît la Belgique existe dans d'autres pays voisins de la même zone, notamment aux Pays-Bas, au Danemark et en Italie. Dans ce dernier pays, la question de l'échelle mobile a été traitée par la voie du référendum. Il s'agit de la gravité de la crise économique et du grippage du mécanisme de négociations. La Belgique a toujours été renommée pour être un pays de concertation et de négociation. Il y a eu négociation, mais il faut en prendre acte, il n'y a pas eu accord, ni bipartite entre les employeurs et les organisations syndicales, ni tripartite entre les Gouvernements et les partenaires sociaux. Le Gouvernement et le Parlement on cru devoir passer outre et prendre leurs responsabilités. La commission d'experts admet que dans des circonstances exceptionnelles et de courte durée des restrictions soient imposées. Dans le cas d'espèce, la difficulté est réelle mais il convient de rester très attentif à la bonne application de la convention nº 90.

Un représentant travailleur (M. Stalport, Begique), membre de l'organisation qui a déposé plainte, a regretté que certaines explications fournies par le Gouvernement aient été, selon lui, incomplètes ou erronées. Il a rappelé que les atteintes portées à l'indexation des salaires ne datent pas d'il y a deux ans mais bien de quatre ans et qu'elles se prolongeront en principe encore l'année prochaine. La négociation que l'on a dit avoir eu lieu sur la modération salariale, en fait, n'a jamais eu lieu. Elle s'est déroulée sur les modalités d'affectation de la modération salariale mais jamais sur la modération elle-même. Le problème remonte à 1981. En février 1981, les organisations syndicales et patronales avaient signé un accord interprofessionnel qui tenait compte de la situation économique du pays et qui admettait qu'il n'y aurait pas d'augmentation salariale possible pour les années 1981 et 1982 et que l'indexation du salaire devait être sauvegardée. En décembre 1981, un décret gouvernemental a interféré dans cet accord interprofessionnel. Il a remplacé l'indexation proportionnelle au salaire par une indexation forfaitaire, ceci, sans concertation avec les interlocuteurs sociaux. Depuis 1982, un ensemble de mesures a été pris qui comporte une interdiction de négocier des augmentations salariales et des limitations successives à l'adaptation automatique des salaires à l'évolution du coût de la vie. Cette situation, qui date donc de janvier 1982, est encore en vigueur aujourd'hui, et le Gouvernement a de nouveau imposé pour l'année 1986 une nouvelle modération salariale et une nouvelle atteinte à l'indexation des salaires. La législation en cause n'a pas fait l'objet de concertations et les négociations évoquées par le représentant gouvernemental n'ont porté que sur les modalités d'affectation de la modération salariale. Son organisation a déposé plainte en 1983 sur les restrictions imposées pour les années 1982 et 1983.

L'an passé, la commission d'experts avait manifesté son inquiétude et rappelé que le principe de libre négociation collective ne devait pas être mis en cause. Le Gouvernement, pour se défendre, avait souligné que les mesures en question devaient en principe être levées au 31 décembre 1984. Or, le représentant du Gouvernement a confirmé que ces mesures ont été prises pour 1984 mais également pour 1985 et 1986. C'est ce qui a conduit la commission d'experts à être particulièrement sévère à l'égard du Gouvernement de la Belgique. En effet, il y a eu ingérence directe des autorités publiques dans des conventions collectives interprofessionnelles, professionnelles et d'entreprise qui avaient été librement négociées, depuis 1982. De plus, cette ingérence s'est faite sans négociation ni concertation avec les organisations syndicales. Par ailleurs, les organisations syndicales qui siègent aujourd'hui à des tables de négociation disposent d'une faible marge de manoeuvre puisqu'il ne s'agit plus de discuter que d'une chose : la manière dont sera affecté ce qui a été pris aux travailleurs. Enfin, il convient de rappeler que la commission d'experts et la présente commission avaient déjà souligné l'an passé que des restrictions salariales imposées par le Gouvernement n'étaient admissibles que si elles étaient exceptionnelles et temporaires. Mais, il ne s'agit pas de discuter du bien-fondé des objectifs poursuivis par le Gouvernement. La convention nº 98 ne traite pas d'ailleurs d'objectifs de la politique de l'emploi d'un Gouvernement, mais uniquement des moyens de promouvoir la négociation collective. Pour ce qui a trait au caractère exceptionnel des mesures en cause, l'orateur rappelle qu'elles datent de 1982 et que le Gouvernement leur a déjà donné plusieurs justifications différentes : on a parlé de compétitivité des entreprises, de déficit des finances publiques et d'emploi. S'agissant du caractère temporaire, l'orateur observe que la commission d'experts a admis que des mesures de restriction soient prises pour des périodes de 12 mois, 15 mois, 18 mois, mais jamais plus de deux ans. Or, en Belgique, la situation dure depuis 1982 et le Gouvernement a déjà décidé unilatéralement de prolonger la période pour l'année 1986. Si son organisation a déposé une plainte c'est qu'elle fait confiance à l'O.I.T. Certes, en Belgique, la liberté syndicale est toujours respectée mais il regrette certaines tendances à l'autoritarisme vis-à-vis des interlocuteurs sociaux. Il ne s'agit pas d'aboutir à une condamnation du Gouvernement mais d'essayer de lui faire comprendre qu'il existe des traditions de libre négociation démocratique, qu'au plan international des normes ont été adoptées, que le Gouvernement les a ratifiées, qu'elles faisaient depuis très longtemps l'objet d'un consensus et qu'aujourd'hui elles ne sont plus respectées. L'orateur souhaite seulement que la présente commission formule une recommandation qui aille dans le même sens que celle de la commission d'experts.

Le membre travailleur de Grèce (M. Papamaihail) a regretté que la situation de la négociation collective n'ait pas évolué dans un sens favorable aux travailleurs en Belgique, d'autant que la tradition syndicale belge a toujours provoqué son admiration. Cependant, le processus démocratique, lorsqu'il s'agit de partager les frais de la crise, devient difficile et souvent ils sont mis à la charge des plus faibles, en l'occurence des travailleurs. Il convient d'espérer que les travailleurs belges et la Belgique pourront retourner rapidement au processus normal des conventions collectives et du dialogue social et démocratique sans contraintes ni interventions.

Le représentant employeur de la Belgique (M. Verschueren) a indiqué que les employeurs belges ont à l'égard des mesures prises par le Gouvernement et la majorité parlementaire une certaine compréhension. En effet, la situation économique belge a été expliquée dans le rapport de la commission d'experts et par le représentant. Il est assez irréaliste de penser qu'un appel à la discipline peut conduire l'ensemble de la population à parvenir à un accroissement de ses revenus dans la période actuelle sans un minimum de contraintes. D'où l'intervention que les membres employeurs regrettent. Il y a effectivement intervention dans le processus de négotiation collective, plainte des organisations de travailleurs et rappel à l'ordre de la commission d'experts. Si son Gouvernement s'inspirait de l'attitude de certains, il pourrait dire qu'il y a immixtion intolérable dans les affaires intérieures de la Belgique, que le Gouvernement a exercé sa souveraineté dans un domaine économique et social et qu'il est appelé aux bancs des accusés. Mais le Gouvernement de la Belgique n'a pas adopté une telle attitude. Il s'est expliqué à tous les stades de la procédure. Il a admis qu'il s'est trouvé devant des impératifs contradictoires et qu'il a pris une certaine liberté avec la convention nº 98. Par ailleurs l'orateur rend hommage à la maturité extraordinaire dont ont fait preuve les travailleurs belges à l'égard de la politique de modération salariale qui s'est traduite par de nombreuses conventions collectives dans lesquelles la priorité était donnée à des mesures d'amélioration de l'emploi et non à l'accroissement des avantages matériels des travailleurs. Certaines organisations de travailleurs ont adopté une position réaliste dans les négociations dans le domaine des modalités d'indexation des salaires. Il faut rappeler qu'au cours des années de prospérité, l'indexation des salaires sur le coût de la vie était totale ce qui a provoqué un certain degré d'inflation et les critiques de certains experts qui ont estimé qu'il était nécessaire de redresser la situation. C'est à quoi le Gouvernement s'est attaché.

Mais si les mesures prises ont été à certains égards pénibles, elles n'ont pas été sans effet. L'inflation s'est ralentie, les investissements ont repris, la balance commerciale s'est améliorée. Le chômage reste important, mais il tend à se stabiliser et à diminuer légèrement. L'orateur est convaincu qu'après cette période difficile, on retrouvera une situation normale d'autant que le dialogue social qui continue, a beaucoup d'égards, et, dans de très nombreux domaines, n'a jamais été interrompu.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental de la Belgique pour ses explications, ainsi que les participants à la discussion pour les informations très détaillées, qu'ils ont fournies à la présente commission. La situation économique a conduit le Gouvernement de la Belgique à prendre un certain nombre de mesures face au chômage et à l'assurance-chômage. Il est intervenu dans la politique des salaires à cause de la corrélation obligatoire entre le niveau des salaires et le chômage. Les membres employeurs comprennent que le Gouvernement assume certaines responsabilités face à cette situation mais ils sont convaincus que la liberté de négociation et l'autonomie des partenaires sociaux en cette matière déchargent l'État.

Bien sûr un Gouvernement ne peut pas rester inactif quand il constate des déséquilibres. Le représentant gouvernemental de la Belgique a déclaré que les interventions seront assouplies dès que cela sera possible et il a donné l'impression que le dialogue pourra reprendre. Il semble qu'il ait déjà commencé même s'il comporte certains aspects polémiques.

Dans le cas de la convention nº 98, il convient de se demander dans quelles circonstances une intervention est possible et quelles sortes d'interventions peuvent être acceptables des points de vue qualitatif, de forme et de durée. Il n'y a pas d'étalon de mesure, de solution idéale en matière de négociations collectives. La convention n'exclut pas entièrement l'intervention de l'État mais il ne faut pas que les interventions aillent trop loin...

De la discussion qui s'est déroulée et des observations présentées par le représentant gouvernemental de la Belgique, il apparaît que le Gouvernement a la volonté de laisser davantage de liberté aux négociations collective même s'il n'a pas formulé de promesses à cet égard. De toutes façons, il n'y a pas de prise de position extrême de part et d'autre. Le Gouvernement a l'intention d'introduire certains allégements. La commission d'experts a demandé à être tenue informée des développements en la matière. Les membres employeurs espèrent qu'elle recevra les informations demandées afin de lui permettre de disposer des éléments d'information nécessaires à son travail d'évaluation et d'analyse.

Le représentant gouvernemental de la Belgique a indiqué qu'il tiendra compte des observations qui ont été faites par les différents groupes. Il est conscient du problème qui est en cause et du fait que son Gouvernement a quelque peu altéré ou égratigné le système de l'autonomie des partenaires sociaux. Il souhaite cependant que la Commission tienne en compte la finalité des mesures qui ont été prises. Selon lui, il est difficile de demander à une communauté, notamment à des syndicats qui ont essentiellement pour mission de défendre les intérêts professionnels de leurs membres, et en particulier, des actifs, qui constituent leur force syndicale, de prendre en compte à titre de priorité les droits des personnes qui n'ont pas d'emploi. Ce discours moralisateur passe difficilement dans le cadre de la négociation collective. L'orateur précise par ailleurs que de nombreuses négociations collectives se sont déroulées et que des protocoles d'accord ont été signés, mais il regrette qu'au niveau des congrès et des colloques certains dirigeants syndicaux n'aient pas toujours été suivis par les syndicats. Il pose la question de savoir si le droit de négociation est absolu et s'il comporte le droit de ne pas conclure, de se trouver devant un vide dans une situation aussi difficile au plan économique et social. Le Parlement en février 1983 a décidé la prolongation de l'interdiction d'augmenter les salaires jusqu'au 31 mars 1983 mais le principe de la liberté sera retrouvé totalement dès le 1er janvier 1987. La commission sera tenue au courant des résultats sur l'emploi que cette politique aura provoqués. Il espère que la primauté du droit au travail sera maintenue dans les négociations libres qui continueront à partir de cette date. Il demande la compréhension de la commission face à ce problème de négociations collectives et de droit de l'État et rappelle que malgré les discussions formelles et informelles il a paru difficile de trouver les modalités techniques alors que tout le monde reconnaît que la priorité doit aller à l'emploi. Il est facile de se mettre d'accord sur un grand principe abstrait mais difficile de s'accorder sur les modalités d'application concrètes.

Le représentant des travailleurs de la Belgique regrette la prise de position du Gouvernement belge à propos du fait que son organisation sydicale, qui regroupe plus d'un million de travailleurs, avec ou sans emploi, ne défendrait que les intérêts des actifs. Il précise que les chômeurs auraient vu diminuer leur pouvoir d'achat de l'ordre de 20 à 25 p.c. sans aucune concertation préalable et que le Gouvernement aura résolu les problèmes de la sécurité sociale en les faisant supporter par les travailleurs. Cependant, il prend acte avec satisfaction des promesses du Gouvernement à l'égard du retour à la liberté de négociation des salaires à partir du 1er janvier 1987.

Les membres travailleurs ont remarqué que la question a fait l'objet de discussions en Belgique pendant toute cette période entre les employeurs et les organisations syndicales et que des colloques et des contacts ont été tenus pour essayer de protéger au maximum les travailleurs et en particulier les plus faibles. Ils ont indiqué à l'adresse des employeurs que si effectivement il y a un rapport entre le coût salarial et les problèmes économiques, ils ne peuvent pas admettre qu'il soit dit que le coût salarial serait la cause du chômage. Beaucoup d'autres éléments entrent en ligne de compte : la crise mondiale et les problèmes de productivité notamment. Il faut admettre qu'au plan des entreprises et des secteurs d'activité, malgré l'absence d'un accord général et interprofessionnel, il y a eu effectivement des milliers d'accords sectoriels, notamment sur la durée du travail. Les travailleurs s'efforcent d'assurer que les seules victimes de la crise ne sont pas les chômeurs et qu'il y ait une meilleure répartition du travail disponible.

En 1984, la négociation libre a d'ailleurs failli être rétablie, mais malheureusement le projet d'accord n'a pas abouti. Il convient d'espérer que la situation catastrophique dans laquelle se trouvait la Belgique soit renversée, mais la répartition des charges et des sacrifices doit être équitable.

Les membres travailleurs regrettent que face à une situation économique et sociale difficile, la négociation et le consensus n'aient pas été possibles. Ils reconnaissent qu'il y a une situation exceptionnelle mais les mesures prises doivent être de durée limitée. Il faut, comme la commission d'experts l'a indiqué, préférer la négociation et la persuasion à la contrainte. Les membres travailleurs espèrent que le retour aux relations paritaires complètes et normales interviendra le plus rapidement possible et que le Gouvernement continuera à informer la commission d'experts de l'évolution de la situation.

La commission a pris note avec intérêt des informations détaillées présentées par le représentant du Gouvernement de la Belgique. Elle considère que la discussion qui s'est déroulée sur le sujet a été fort utile et intéressante. Tout en insistant sur l'importance de la mise en application de tous les aspects de la convention, elle exprime l'espoir que dans un proche avenir elle sera à même de constater une amélioration dans ce domaine.