Durant la Première Guerre mondiale, les représentants diplomatiques de plusieurs pays neutres (Pays-Bas, Espagne et - jusqu’en 1917- États-Unis) à Bruxelles participèrent à l’organisation de l’approvisionnement en nourriture de la Belgique occupée par les Allemands. Ils préservèrent ainsi la population de la famine.

Le 5 juin 1920 en fin d’après-midi, Émile Brunet, président de la Chambre des représentants, passe prendre Paul de Favereau, président du Sénat, chez lui en voiture automobile. Les deux hommes se rendent à la Légation d’Espagne, rue Archimède.

Le marquis de Villalobar par Godefroid Devreese
Le marquis espagnol de Villalobar (1864-1926),
buste réalisé par Godefroid Devreese (1861-1941)

Au nom de leurs assemblées respectives, ils vont remettre un buste en marbre à Rodrigo de Saavedra y Vinent, marquis de Villalobar. Ce diplomate, qui porte depuis 1913 le titre d’Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de la Légation d’Espagne à Bruxelles, s’est efforcé, avec ses collègues d’autres pays neutres Maurits Van Vollenhoven des Pays-Bas et Brand Whitlock des États-Unis, de plaider la cause des Belges auprès de l’occupant allemand pendant la guerre. Grâce à leur action, la population a, entre autres, pu bénéficier d’un secours alimentaire qui a probablement littéralement sauvé la vie à pas mal de gens.

Le 17 décembre 1918, lors d’une cérémonie grandiose organisée en l’honneur de ces « ministres protecteurs » au Palais de la Nation, les Bureaux de la Chambre et du Sénat annoncent leur décision d’immortaliser la reconnaissance de la Nation belge par la réalisation de leurs bustes.

Le choix des artistes est laissé aux diplomates. En février 1919, le sculpteur Godefroid Devreese (1861-1941) est informé que Maurits Van Vollenhoven et le marquis de Villalobar l’ont désigné. Brand Whitlock a préféré Égide Rombaux (1865-1942).

Les artistes devront réaliser deux bustes (et Devreese donc quatre au total) : un premier sera remis au ministre protecteur, un deuxième sera placé dans les salons du Palais de la Nation.

En octobre 1919, Devreese informe le Sénat que le plâtre du buste du Marquis de Villalobar est terminé.

Le directeur général du Sénat se rend à l’atelier et constate qu’il s’agit là d’une « œuvre très distinguée et fort bien venue » et qu’elle a « au surplus très grand air ».[ 1 ] L’œuvre traduit en effet avec justesse « l’énergie qui ne recule devant aucun obstacle, la droiture qui impose à la force brutale, la supériorité morale, apanage des champions de l’humanité et du droit » du marquis.[ 2 ] La grandeur morale et la stature diplomatique du marquis, nonobstant un lourd handicap physique à un bras et une jambe, sont sobrement mais superbement rendues.

Le buste sera ensuite taillé dans le marbre, en deux exemplaires, par le praticien de Godefroid Devreese, un certain Van Hoof. Le premier exemplaire est livré par le sculpteur à la Légation d’Espagne le 5 juin au matin.

C’est ce buste-là que M. de Favereau, président du Sénat, remet officiellement au nom des deux assemblées au marquis, le 5 juin à 16h30, en présence de ministres et d’autres notabilités. Le marquis de Villalobar remercie et annonce alors son intention de remettre « son » buste, après son décès, à l’Académie de Madrid.[ 3 ]

Maurits van Vollenhoven par Godefroid Devreese
Le Néerlandais Maurits van Vollenhoven
(1882-1976), buste réalisé par
Godefroid Devreese (1861-1941)
Brand Whitlock par Égide Rombaux
L’Américain Brand Whitlock
(1869-1934), buste réalisé par
Égide Rombaux (1865-1942)

Le second exemplaire sera livré un peu plus tard au Sénat, ainsi que les bustes de Maurits Van Vollenhoven et de Brand Whitlock. Ils se trouvent toujours dans le couloir des commissions du Sénat.

En juillet 1920, Maurits van Vollenhoven réceptionnera son buste en Espagne, où il était lors en poste diplomatique, et Brand Whitlock à l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles.[ 4 ]

  1. Archives du Sénat, patrimoine artistique, dossier 527. Devreese fournira également les socles de l’ensemble des bustes. [ retour ]
  2. La Libre Belgique, 19/12/1918. [ retour ]
  3. La Libre Belgique, 6/6/1920. [ retour ]
  4. Archives du Sénat, patrimoine artistique, dossiers 527 et 545. [ retour ]