Une proposition de loi spéciale visant à accorder aux Belges résidant à l'étranger le droit de vote pour l'élection des parlements de Communauté et de Région est actuellement sur la table en commission des Affaires institutionnelles.
L'adoption de cette proposition signifierait un élargissement du droit de vote pour les Belges résidant à l'étranger. Actuellement, ceux-ci ne peuvent voter qu'aux élections de la Chambre des représentants et du Parlement européen. Relativement récent, lui aussi, ce droit de vote a néanmoins connu toute une évolution. La présente note retrace l'historique du droit de vote des Belges résidant à l'étranger.
La première disposition réglant le droit de vote des Belges résidant à l'étranger a été la loi du 18 décembre 1998.
Cette modification n'a pu intervenir qu'après la révision de l'article 61 (actuel) de la Constitution, lequel imposait une condition de résidence pour l'exercice du droit de vote: pour pouvoir y voter, le citoyen devait être domicilié depuis six mois au moins dans la même commune. En 1988, cette condition a disparu de la Constitution, dans la cadre de la loi ‘de pacification’, mais cette modification de la Constitution a également ouvert la voie au droit de vote des Belges résidant à l'étranger.
Le législateur considère que le citoyen belge, même s'il réside depuis longtemps à l'étranger, continue à subir les effets de sa nationalité. Restant soumis aux lois de son pays d'origine, il doit par conséquent, par l'exercice de son droit de vote pour l'élection du parlement fédéral, pouvoir participer à l'élaboration de ces lois. Il s'agit d'un droit de vote, et non d'une obligation de vote. Ce point s'est heurté à la critique du Conseil d'État : selon le Conseil, les Belges qui résident à l'étranger ne peuvent être dispensés de l'obligation de participer aux élections que si la Constitution est d'abord modifiée. En effet, la Constitution ne prévoit pas d'exception au principe du vote obligatoire. Le législateur persiste néanmoins, invoquant l'absence d'inventaire des Belges résidant à l'étranger.
La loi du 18 décembre 1998 dispose que le Belge qui veut établir sa résidence principale à l'étranger peut déclarer, auprès de l'administration de la commune qu'il quitte, vouloir conserver son droit de vote. Il doit solliciter son inscription dans le registre des électeurs belges établis à l'étranger, puis se faire inscrire au Registre national par le poste diplomatique ou consulaire belge du lieu où il souhaite s'établir. Enfin, s'il demande son inscription en tant qu'électeur, il remplit un formulaire qui porte désignation de l'électeur qu'il désigne en qualité de mandataire. Le Belge qui n'a pu suivre la procédure décrite ci-dessus peut acquérir la qualité d'électeur en introduisant une demande d'agrément comme électeur auprès du poste diplomatique ou consulaire belge dont il relève.
Ainsi, c'est un système de procuration qui est instauré par la loi. Cela signifie que le Belge établi à l'étranger a seulement la possibilité de désigner un électeur qui réside dans une commune belge pour voter en son nom lors des élections de la Chambre et du Sénat. Le choix du mandataire se limite au conjoint ou à un parent ou allié jusqu'au troisième degré résidant dans une commune belge. La procuration doit être confirmée chaque année. En outre, le mandataire est tenu de produire un certificat attestant que le mandant qui l'a désigné en cette qualité est toujours en vie.
En raison des lourdes formalités administratives, engendrant des frais considérables pour les intéressés, seuls 18 Belges résidant à l'étranger prennent part aux élections du 13 juin 1999. Le système de procuration, considéré comme n'impliquant pas de réel droit de vote, fait aussi l'objet de nombreuses critiques. De surcroît, la Cour d'arbitrage, actuellement Cour constitutionnelle, a jugé que le régime instauré par la loi du 18 décembre 1998 comportait, à certains égards, une discrimination entre les électeurs belges selon qu’ils sont établis en Belgique ou à l’étranger.
La loi du 7 mars 2002 abroge tous les articles qui avaient été insérés dans le Code électoral par la loi du 18 décembre 1998. La nouvelle loi vise à rendre pleinement effectif le droit de vote des Belges à l'étranger par un allègement de la procédure administrative, la gratuité de celle-ci, une information plus efficace et une meilleure accessibilité au vote.
La loi du 7 mars 2002 supprime le registre des électeurs belges établis à l'étranger. Les Belges à l'étranger qui souhaitent exprimer leur suffrage doivent désormais être inscrits aux registres de la population tenus dans les postes diplomatiques ou consulaires de carrière. L'inscription aux registres reste purement facultative. Les Belges à l'étranger inscrits aux registres de la population doivent ensuite se faire inscrire comme électeur dans la commune belge de leur choix. La loi du 7 mars 2002 élargit le système de vote par procuration. Les Belges à l'étranger peuvent désormais exprimer leur suffrage de cinq manières différentes: vote en personne en Belgique, vote par procuration en Belgique, vote en personne dans les postes diplomatiques ou consulaires de carrière, vote par procuration dans les postes diplomatiques ou consulaires de carrière, ou vote par correspondance. À la suite de l'arrêt de la Cour d'arbitrage, la loi du 7 mars 2002 prévoit, en cas de vote par procuration, le libre choix du mandataire parmi les électeurs de la commune où l'intéressé a choisi de s'inscrire comme électeur.
Le vote en personne est possible dans les postes diplomatiques ou consulaires de carrière désignés par le Roi. Si le poste de carrière est établi dans un État membre de l'Union européenne, le vote est organisé le samedi qui précède le jour des élections en Belgique. S'il est établi en dehors de l'Europe, le vote a lieu le vendredi qui précède les élections.
Le Conseil d'État s'est à nouveau montré critique par rapport au régime proposé. Dans son avis sur l'avant-projet devenu la loi du 7 mars 2002, la section de législation du Conseil d'État attire tout d'abord l'attention sur la même problématique que dans le cadre de l'avant-projet devenu la loi du 18 décembre 1998. Le législateur argue toutefois qu'une inscription administrative obligatoire serait pratiquement inapplicable pour les Belges résidant à l'étranger et serait contraire à l'article 22 de la Constitution et à l'article 8 de la CEDH. Par ailleurs, le Conseil exprime son insatisfaction quant à la liberté donnée aux Belges à l'étranger de choisir la commune dans laquelle ils s'inscrivent comme électeur. Cette liberté de choix violerait le principe d'égalité. L'inscription des électeurs résidant à l'étranger augmente le nombre d'électeurs de la circonscription électorale concernée, ce qui réduit le poids des suffrages exprimés par les électeurs domiciliés en Belgique.
Lors des premières élections législatives organisées après cette modification de la loi, à savoir les élections de 2003, 114.677 Belges à l'étranger se sont inscrits sur les listes des électeurs.
La loi du 19 juillet 2012 relative au droit de vote des Belges à l'étranger a vu le jour à la suite de l'Accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État du 11 octobre 2011. Cette loi vise à simplifier et améliorer encore davantage la participation des Belges à l'étranger aux élections législatives fédérales.
Cette fois, le Conseil d'État, réuni en assemblée générale, souscrit à la vision du législateur. Selon le Conseil, les objections de constitutionnalité précédemment formulées n'ont plus lieu d'être: pour les Belges de l’étranger, le système de reconnaissance de la qualité d’électeur lié à leur inscription aux registres consulaires de la population et la règle, qui en est la conséquence, de l'obligation du vote à leur égard peuvent être considérés comme admissibles au regard des articles 62 et 68, § 2 et § 3, de la Constitution. La loi implique que tout Belge qui est inscrit aux registres de la population, que ce soit dans une commune belge ou dans un poste diplomatique de carrière est, sauf cas d'exclusion ou de suspension prévu par le Code électoral, de plein droit électeur, qu'il est inscrit de ce fait sur la liste des électeurs et qu'il est soumis à l'obligation de vote, peu importe qu'il réside en Belgique ou à l'étranger. Le Conseil d'État conclut qu'au regard de l'obligation de vote, tous les Belges qui sont revêtus de la qualité d'électeur sont mis sur un pied d'égalité.
La loi du 19 juillet 2012 prévoit des critères objectifs de rattachement des Belges résidant à l'étranger à une commune d'inscription. Ces critères de rattachement sont fixés par ordre de priorité. Le régime récemment adopté supprime la possibilité pour les Belges à l'étranger de choisir la commune dans laquelle ils souhaitent exprimer leur suffrage. Afin d'éviter les surcharges et de faciliter le vote en cas d'élections anticipées, la loi pérennise l'inscription en tant qu'électeur. Les Belges à l'étranger ne doivent donc plus se réinscrire dans la commune pour chaque élection législative fédérale. Les intéressés doivent toutefois renouveler leur inscription s'ils ne sont plus inscrits dans le poste diplomatique ou consulaire ou s'ils n'ont pas voté à l'élection précédente. Enfin, une réinscription sera également nécessaire si l'intéressé a choisi de voter par correspondance lors des précédentes élections et n'a pas confirmé son mode de vote dans le délai prévu.
Les Belges à l'étranger ne doivent non seulement plus s'adresser aux postes de carrière désignés par le Roi, mais peuvent désormais exprimer leur suffrage dans tout poste diplomatique ou consulaire de carrière. En outre, le vote a lieu plus tôt. Les postes diplomatiques ou consulaires de carrière organisent le vote le mercredi qui précède le jour des élections en Belgique, au lieu du vendredi ou du samedi. Enfin, les bulletins de vote ne doivent plus être envoyés en Belgique pour être dépouillés. Le traitement des votes est désormais effectué dans un bureau régional de dépouillement.
Lors des élections législatives de mai 2019, le nombre de Belges à l'étranger inscrits sur les listes des électeurs a atteint un record avec 180.000 personnes, soit 50.000 de plus que lors des élections législatives fédérales de 2014.
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