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8 SEPTEMBRE 2005
Résumé
La loi sur les cinémas, datant de 1920, n'a jamais été modifiée !
Elle prévoit en son article 1er d'interdire l'entrée des salles de spectacle cinématographique aux mineurs de moins de 16 ans accomplis. Cette simple notification « Enfants non admis » (pour les moins de 16 ans) est devenue désuète.
Nous proposons d'abroger la loi de 1920 et de la remplacer par de nouvelles dispositions qui visent à mieux informer les parents et à élargir l'accès à certains films.
L'idée de la présente proposition de loi est de permettre l'accès des salles de cinéma à tout public sauf dans certains cas qui seront fixés par la Commission de contrôle des films. Celle-ci déterminera différentes catégories d'avis en fonction de l'âge des enfants (-10, -12, -16, -18). Ces catégories sont celles prévues par l'arrêté du gouvernement de la Communauté française du 1er juillet 2004 (1) et d'application depuis le 1er janvier 2005.
Cette proposition devrait permettre:
1) de mieux protéger les jeunes de façon plus sélective;
2) de mieux informer les parents et le public;
3) d'élargir l'accès à certains films.
De plus, il est aujourd'hui urgent de légiférer en la matière. Depuis l'arrêt nº 137 262 rendu par le Conseil d'État le 18 novembre 2004, la Commission intercommunautaire de contrôle des films ne pourrait normalement plus octroyer le label « Enfants admis », car il s'agit d'une compétence fédérale.
Enfin, la législation vise aussi les produits dérivés comme les DVD.
Situation en Belgique
Des parents emmènent leurs jeunes enfants voir un film « Enfants admis » et constatent dépités que le film contient des scènes excessivement violentes ou érotiques, acceptables à 15 ans, mais perturbantes à 7 ou 8 ans.
Cette situation est arrivée à tous les parents.
« Le Seigneur des anneaux » en est une illustration. Ce film n'est sans doute pas à conseiller à des enfants de moins de 8 ans.
En Belgique, ce film est admis aux enfants de moins de 16 ans, pourtant au Canada, bien que le film soit classé sous la rubrique « G », c'est-à-dire « film vu sans risque par personne de tout âge », il est « déconseillé aux jeunes enfants » (cette mention avise que le film risque de perturber les enfants de moins de 8 ans).
De fait, le film contient des scènes de violences qui peuvent choquer les jeunes enfants.
Aujourd'hui, en Belgique, nombre de parents se retrouvent dans les salles de cinéma avec leurs enfants sans être nécessairement informés directement des scènes de violence ou de sexe qui peuvent être vues dans le film. S'ils étaient au courant, ils n'iraient peut-être pas le voir estimant que la violence du film va marquer leurs enfants de manière négative. C'est d'abord aux parents à veiller à ce que leurs enfants voient des films conformes aux valeurs qu'ils entendent privilégier.
À l'inverse, il arrive qu'un film soit interdit au moins de 16 ans en Belgique, alors que, dans d'autres pays, il est autorisé aux enfants de 12 ans. Tel a notamment été le cas pour le film « Elephant ». On peut également citer le film « Banlieue 13 » qui peut être vu par des adolescents, mais sans doute pas par des jeunes enfants. Le film a été classé ENA, ce qui a suscité un recours devant le Conseil d'État (voir plus bas). Des films de grande qualité sont parfois classés ENA parce que la Commission compétente estime qu'ils contiennent des scènes de violence ou de sexualité, déconseillées pour les enfants. Mais ces mêmes scènes peuvent être tout à fait acceptables pour un adolescent.
La particularité de notre système est de tenir compte d'une seule et unique limite pour ce qui est de l'accès des mineurs aux salles de cinéma. La loi du 1er septembre 1920 fixe en son article 1er que « l'entrée des salles de spectacle de cinématographie est interdite aux mineurs des deux sexes âgés de moins de seize ans accomplis ».
C'est la Commission intercommunautaire de contrôle des films (CICF) qui déclare si un film est « enfants admis » ou non.
Toutefois, dans un arrêt du 18 novembre 2004 (2) , le Conseil d'État estime que la Commission intercommunautaire de contrôle des films n'est pas compétente.
Il estime que « la création, la composition et le fonctionnement d'une commission en vertu des dispositions de la loi du 1er septembre 1920 interdisant l'entrée des salles de spectacle cinématographique aux mineurs des deux sexes âgés de moins de 16 ans accomplis ne constituent ni une matière culturelle, ni une matière personnalisable relevant des communautés, que des accords de coopération ne peuvent être conclus entre communautés que pour l'exercice des compétences qui leur sont attribuées ».
Le Conseil d'État estime que c'est une erreur de penser que les communautés ont pris la direction du contrôle des films via leur compétence de jeunesse:
— « la protection de la jeunesse est une forme d'assistance aux personnes qui apporte aux jeunes en difficulté une aide spécifique »;
— « le contrôle des films ne porte pas sur une catégorie spécifique de jeunes mais vise au contraire la protection de la jeunesse en général »;
— « la protection de la jeunesse en général n'est pas une matière transférée aux communautés »;
— « aucune disposition n'a soustrait l'autorité fédérale de la compétence de déterminer quels films peuvent être vus par des mineurs de 16 ans ».
Si on tient compte de cet arrêt, la Commission intercommunautaire des films n'est pas compétente et les visas EA qu'elle décerne sont frappés d'insécurité juridique.
En théorie, selon la loi de 1920, tous les films qui sortent en Belgique sont ENA.
En pratique, la Commission en question continue à jouer son rôle et accorde toujours des visas EA, mais sans base légale solide.
De plus, la Commission établit une limite unique (EA ou ENA) qui ne répond pas toujours aux exigences légitimes d'une bonne protection des mineurs et qui ne tient pas compte de l'évolution de l'enfant.
Qu'il s'agisse de violence, d'horreur, de sexe ou de langage, l'impact est très différent à 6 ans, à 12 ans ou à 16 ans.
Chaque pays a établi en la matière des normes qui relèvent de la loi (France, Belgique) ou de décisions prises au sein de la profession cinématographique elle-même (comme par exemple aux États-Unis).
La plupart des pays ont à leur disposition un cadre plus complexe — mais surtout plus complet — que le nôtre et mieux à même de répondre de manière réaliste aux différentes situations possibles.
Situation au Canada
Au Québec, la Régie du cinéma procède au classement des films selon des groupes d'âge. Le Québec estime qu'un tel système répond mieux aux attentes de la société, puisqu'il permet de protéger la jeunesse tout en assurant l'accès le plus large possible aux œuvres cinématographiques. Les classements procurent également à l'ensemble du public des renseignements susceptibles de l'aider dans ses choix.
Globalement, les films sont jugés à la lumière des « tendances générales et des valeurs de la société québécoise, de manière à être en accord avec les règles nécessaires à son bon fonctionnement ». Toutefois, lorsque la Régie estime qu'un film présente un réel danger pour l'ordre public, notamment en matière d'obscénité, elle se réserve le droit de refuser de le classer. Dans ce cas, la présentation en public, la vente ou la location ne sont pas autorisées.
Voici le classement proposé au Canada:
— Visa général: « G »;
— 13 ans et plus;
— 16 ans et plus;
— 18 ans et plus.
Si toutefois le film classé « G » est de nature à heurter la sensibilité des enfants de moins de huit ans, la Régie du cinéma ajoute au visa général l'indication « Déconseillé aux jeunes enfants ».
Les catégories de classement sont parfois accompagnées d'indications complémentaires précisant la caractéristique dominante du film. Ces informations peuvent être très utiles lorsque le classement seul ne paraît pas évident.
Pour enfants
Associée au classement « Visa général ». Cette indication signifie que le film convient particulièrement aux jeunes enfants.
Déconseillé aux jeunes enfants
Associée au classement « Visa général ». Cette mention avise que le film risque de perturber les enfants de moins de 8 ans.
Langage vulgaire
Accompagne un classement « 13 ans et plus », « 16 ans et plus » ou « 18 ans et plus ». Cette précision indique que les dialogues du film sont caractérisés par un langage grossier ou vulgaire.
Érotisme
Accompagne un classement « 13 ans et plus », « 16 ans et plus » ou « 18 ans et plus ». Cette mention précise que le film comporte assez d'éléments visuels se rattachant à la sexualité pour que cette dernière en constitue l'un des aspects dominants.
Violence
Accompagne un classement « 13 ans et plus », « 16 ans et plus » ou « 18 ans et plus ». Cette information signifie que la violence constitue l'un des aspects dominants du film.
Horreur
Accompagne un classement « 13 ans et plus », « 16 ans et plus » ou « 18 ans et plus ». Cette indication avertit que le film est caractérisé de façon dominante par des scènes destinées à provoquer le dégoût, la répulsion ou la peur, notamment lorsque des corps mutilés sont montrés.
Sexualité explicite
Accompagne uniquement un classement « 18 ans et plus ». Cette indication signifie que le film contient essentiellement des scènes d'activités sexuelles réelles et explicites. Dans les commerces au détail de matériel vidéo, la présence de cette indication oblige le commerçant à placer le film dans une pièce réservée aux adultes.
Situation en France
Depuis un décret de 1990, la décision appartient au ministre de la Culture qui décide d'attribuer à chaque film un visa d'exploitation l'autorisant pour tous publics, l'interdisant au moins de 12 ans ou au moins de 16 ans.
Un nouveau décret de juillet 2001 établit une possibilité de classement interdisant un film aux moins de 18 ans.
Situation aux États-Unis
C'est l'industrie cinématographique elle-même qui a défini les classements auxquels une commission soumet les nouvelles sorties. Les différents classements sont:
— « G »: tout public;
— « PG »: guidance parentale, certains aspects pouvant ne pas convenir aux plus jeunes enfants;
— « PG-13 »: guidance parentale renforcée, certains aspects étant inappropriés pour les moins de 13 ans;
— « R »: « restricted »: les moins de 17 ans ne peuvent entrer qu'accompagnés d'un parent ou d'un adulte responsable;
— « NC-17 »: interdiction pure et simple aux moins de 17 ans.
Exemple des chaînes belges
Depuis le 1er janvier 2005, les chaînes belges appliquent une nouvelle signalétique, copiée directement sur les sigles utilisés par les télés françaises.
Des sigles directement identifiables qui reprennent dans un petit rond l'âge jusqu'auquel le programme est déconseillé ou interdit: -10; -12; -16; -18:
— moins de 10 ans: déconseillé aux moins de 10 ans: programmes comportant certaines scènes susceptibles de nuire à l'épanouissement des mineurs;
— moins de 12 ans: déconseillé aux moins de 12 ans: programmes dont le scénario recourt de façon systématique et répétée à la violence physique ou psychologique;
— moins de 16 ans: déconseillé aux moins de 16 ans: programmes à caractère érotique ou de grande violence;
— moins de 18 ans: interdit aux moins de 18 ans: programmes pornographiques ou de très grande violence.
Ces recommandations doivent être inscrites durant toute la diffusion du programme.
Conclusion
La loi sur les cinémas n'a pas été modifiée depuis 1920. Il est temps de l'adapter au XXIe siècle.
Le Conseil d'État estime, dans l'arrêt rendu le 18 novembre 2004, que la Commission intercommunautaire de contrôle des films n'est pas compétente.
L'arrêt du Conseil d'État stipule aussi que « seule une commission dont l'organisation et le fonctionnement sont fixés par arrêté royal peut se prononcer ».
La présente proposition de loi a pour objectif d'abroger la loi de 1920, devenue désuète, et de créer une nouvelle loi réglant l'accès aux salles de cinéma et les mentions qui doivent figurer sur les pochettes de couverture des produits dérivés comme les DVD.
La présente proposition vise à autoriser l'accès des salles de cinéma à tout public, sauf exception qui sera fixée par la Commission de contrôle des films. Cette dernière procèdera à un classement des films selon un groupe d'âge et suivant certaines catégories.
Le but est d'aller vers une législation qui permet de mieux informer et responsabiliser les parents.
Pour fixer ces groupes d'âge et ces catégories, nous avons, dans un souci de compréhension pour le public, repris la nouvelle signalétique appliquée depuis le 1er janvier 2005 aux chaînes télévisées belges. Nous y avons toutefois ajouté la catégorie « ENFANTS ». Nous proposons également de donner la possibilité à la commission d'ajouter des indications utiles aux parents.
Article 2
La Commission de contrôle des films devra fixer les paramètres à partir desquels les examinateurs devront juger le film, notamment par rapport à l'épanouissement physique, mental ou moral du mineur.
Article 3
La règle devient que les films sont admis à tous, sauf exception.
Article 4
Nous avons opté pour les catégories suivantes:
— ENFANTS: films destinés particulièrement aux jeunes enfants;
— -10: films interdits aux moins de 10 ans;
— -12: films interdits aux moins de 12 ans;
— -16: films interdits aux moins16 ans;
— -18: films interdits aux moins de 18 ans.
Un tel système répond mieux aux attentes de notre société puisqu'il permet de protéger la jeunesse tout en assurant l'accès le plus large possible aux œuvres cinématographiques.
De plus, il est sans doute facilement compréhensible par tous qu'il s'agit de la même signalétique que celle qui apparaît sur le petit écran.
Nous avons également ajouté une possibilité de procurer à l'ensemble du public des renseignements susceptibles de l'aider dans ses choix par la simple mention des mots:
— violence : signifie que la violence constitue l'un des aspects dominants du film;
— horreur: le film est caractérisé de façon dominante par des scènes destinées à provoquer la peur et l'horreur;
— sexualité: signifie qu'il y a de nombreuses scènes sexuelles.
Concrètement, la Commission pourrait choisir de faire soit mention de l'âge et/ou du caractère du film (par exemple: -10 violence; sexualité; -10).
La mention de l'âge est donnée à titre indicatif pour les parents.
Article 5
La législation s'étend aux produits dérivés comme les DVD.
Article 6
La loi de 1920 est devenue désuète.
Alain DESTEXHE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est créé une Commission de contrôle des films, ci-après dénommée « la Commission », dont la composition, le fonctionnement et l'organisation sont fixés par arrêté royal.
Art. 3
L'entrée des salles de spectacle cinématographique est accessible à tout public, sauf exception fixée par la Commission.
Art. 4
La Commission procède à un classement des films selon un groupe d'âge et suivant les catégories de classement suivantes:
a) ENFANTS
b) -10
c) -12
d) -16
e) -18.
La Commission peut également avertir du contenu du film en mentionnant un ou plusieurs des mots suivants: « violence », « horreur », « sexualité ».
Art. 5
La notice de présentation accompagnant les films diffusés par des supports tel que le DVD ou les cassettes vidéo, doit reproduire les mentions décidées par la Commission.
Art. 6
La loi du 1er septembre 1920 interdisant l'entrée des salles de spectacle cinématographique aux mineurs âgés de moins de 16 ans est abrogée.
14 janvier 2005.
Alain DESTEXHE. |
(1) Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif à la protection des mineurs contre les programmes de télévision susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral.
(2) Conseil d'État, section d'administration, arrêt n° 137 262 du 18 novembre 2004.