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Sénat de Belgique

Annales

VENDREDI 15 JUILLET 2005 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Christian Brotcorne au ministre des Affaires étrangères sur «l'avis rendu par la Cour internationale de Justice le 9 juillet 2004 relatif au mur de séparation construit par Israël» (nº 3-960)

Mme la présidente. - Mme Els Van Weert, secrétaire d'État au Développement durable et à l'Économie sociale, adjointe au ministre du Budget et des Entreprises publiques, répondra au nom de M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères.

M. Christian Brotcorne (CDH). - Voici un an, la Cour internationale de Justice rendait un avis par lequel elle déclarait le mur de séparation construit par Israël contraire au droit international. La Cour constatait qu'Israël était tenu de cesser les travaux d'édification du mur, de démanteler l'ouvrage déjà édifié et de priver d'effet l'ensemble des actes législatifs et réglementaires s'y rapportant.

Par ailleurs, la Cour indiquait que l'ensemble des États se trouvait dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation. Elle constatait en outre que tous les États parties à la quatrième Convention de Genève avaient l'obligation de faire respecter par Israël les obligations de cette convention violée par la construction du mur.

Enfin, la Cour enjoignait aux organes des Nations unies d'examiner les mesures à prendre afin de mettre un terme à la situation découlant de la construction du mur.

Le 20 juillet 2004, dans sa résolution ES-10/15 en faveur de laquelle les États membres de l'Union Européenne ont voté, l'Assemblée générale des Nations unies prenait acte de l'avis de la Cour internationale de Justice, exigeait qu'Israël s'acquitte de ses obligations juridiques telles qu'énoncées dans l'avis consultatif et demandait à tous les États membres de l'Organisation des Nations unies de s'acquitter de leurs obligations juridiques telles qu'énoncées dans cet avis.

En dépit de l'avis de la Cour et de la résolution de l'assemblée générale des Nations unies, Israël a poursuivi la construction du mur de séparation. Outre qu'elle constitue une continuation de la violation d'obligations internationales fondamentales, cette construction est de nature à miner toute perspective de solution négociée, en dégradant les conditions de vie quotidienne des Palestiniens et en imposant une politique de fait accompli. Dans cette mesure, la construction du mur heurte de front le processus de la feuille de route, dont l'avis de la CIJ a souligné l'importance afin d'aboutir à une paix durable.

J'aimerais recevoir des réponses aux questions suivantes :

Mme Els Van Weert, secrétaire d'État au Développement durable et à l'Économie sociale, adjointe au ministre du Budget et des Entreprises publiques. - Le ministre des Affaires étrangères me prie de vous communiquer la réponse suivante :

« Votre question relative à la poursuite par Israël de la construction du mur de séparation et aux mesures prises à cet égard par l'Union européenne en général et la Belgique en particulier a retenu toute mon attention.

Le Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, dans sa Déclaration sur le processus de paix au Proche-Orient, a souligné que "tout en reconnaissant le droit d'Israël de protéger ses citoyens contre des attentats, [il] demeure préoccupé par la poursuite de la construction de la barrière de séparation dans le territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est et dans ses alentours, en contradiction avec les dispositions pertinentes du droit international."

Membre de l'Union, la Belgique souscrit bien sûr à cette déclaration et demeure vigilante à l'égard de tous les développements susceptibles de menacer le processus de paix au Moyen-Orient.

La poursuite de cette construction, en contribuant à la dégradation des conditions de vie des Palestiniens et en risquant de créer un fait accompli est de nature à rendre plus difficiles encore les efforts de la Communauté internationale et notamment ceux du Quartet USA-UE-ONU-Russie, en faveur d'une paix juste et durable au Moyen-Orient.

Ni les sanctions, ni une éventuelle activation de la clause de l'Accord d'Association UE-Israël relative au respect des Droits de l'homme ne nous semblent cependant opportunes. La raison en est notamment que des développements positifs, certes relatifs, ont été constatés depuis le Sommet de Charm el-Cheikh entre Mahmoud Abbas et Ariel Sharon, en février dernier.

Le Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, dans sa Déclaration sur le Proche-Orient, prend acte de ces développements positifs.

Enfin et surtout, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que tous nos efforts, ceux de l'Union européenne dans son ensemble et au-delà, ainsi que ceux de la communauté internationale sont, pour l'heure, concentrés sur le retrait israélien de la Bande de Gaza et de quelques localités du nord de la Cisjordanie.

Ce retrait doit débuter en août et se terminer en octobre de cette année. Pour y parvenir, le gouvernement du premier ministre Sharon doit affronter actuellement la pression considérable d'une partie significative de son opinion publique et doit, en outre, gérer le dossier difficile de l'évacuation des habitants des implantations qui seront in fine démantelées.

Un tel retrait, s'il est réussi, constituera sans doute un succès en soi. Néanmoins, les souhaits de l'Union européenne et les efforts diplomatiques qu'elle déploie actuellement, tant comme membre du Quartet (regroupant les représentants des Nations unies, de l'UE, de la Russie et des États-Unis) que via le travail de l'envoyé spécial de l'Union européenne pour le Moyen-Orient, le Belge Marc Otte, ont pour but de voir le retrait israélien de Gaza s'inscrire dans le cadre de la relance du processus de paix au Moyen-Orient qui est constatée depuis le sommet de Charm el-Cheikh entre Ariel Sharon et Mahmoud Abbas en février dernier.

Plus particulièrement, les efforts de l'Union européenne visent à ce que le retrait israélien de Gaza ne se résume pas à un Gaza first and last mais contribue, au contraire, à la mise en oeuvre de la feuille de route adoptée par le Quartet et, au-delà, à l'avènement d'une paix juste et durable au Moyen-Orient.

Enfin, les efforts de l'Union européenne en général et de la Belgique en particulier tendent également vers une intensification et un renforcement de la coordination entre Israël et l'Autorité palestinienne autour du désengagement israélien de Gaza et vers la promotion du développement économique de la Bande de Gaza dès que cette dernière aura été évacuée. »

M. Christian Brotcorne (CDH). - Je prends acte de la réponse du ministre dans laquelle il est beaucoup question du retrait de Gaza.

Ma question portait essentiellement sur la construction du mur, nonobstant l'avis de la Cour internationale de justice. Je perçois une certaine frilosité dans la réponse dans la mesure où elle précise qu'il n'est pas question d'envisager ni d'enclencher, le cas échéant, la clause de l'accord d'association Union européenne-Israël.

Or, il faudra bien qu'à un moment donné la communauté internationale pose des actes sérieux et crédibles qui permettent d'avancer. Il y a suffisamment longtemps que la situation que subissent les Palestiniens ne s'améliore pas, bien au contraire, et on ne peut faire une éternelle confiance au seul gouvernement d'Israël.

La preuve en est la poursuite de la construction du mur. J'aurais souhaité que M. De Gucht prenne davantage contact avec M. De Decker qui, la semaine dernière, en ses lieu et place, mais argumentant la réponse par sa présence sur place dans les territoires palestiniens, expliquait qu'à défaut de donner un jour l'occasion au peuple palestinien de retrouver un minimum de dignité, on n'aboutirait jamais à une paix juste et durable. Il faut vraiment travailler en ces termes-là dans la communauté internationale.