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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

6 DÉCEMBRE 1997


Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE PAR MM. MAHOUX ET VERHOFSTADT


SOMMAIRE


CHAPITRE Ier

INSTALLATION, MISSION ET MÉTHODE DE TRAVAIL DE LA COMMISSION

1.1. GENÈSE ET INSTALLATION

Dans le cadre de l'évaluation de la politique du Gouvernement face aux événements du Rwanda (1993-1994), la Commission des Affaires étrangères du Sénat a examiné notamment la proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur les facteurs ayant déterminé la politique de la Belgique dans les mois qui ont précédé le génocide au Rwanda, lors de celui-ci et pendant son exécution (1) et la proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat de dix Casques bleus belges et sur la préparation du génocide au Rwanda (2).

À cette occasion, la commission a écrit au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense nationale pour leur demander de lui transmettre « les notes d'information qui sont parvenues à leur département ou à leur cabinet pendant les mois qui ont précédé l'assassinat des dix Casques bleus belges et le génocide au Rwanda ». Cette requête a été accueillie avec des réserves par le Gouvernement, qui a invoqué la confidentialité de l'information et la nécessité de protéger ses sources. Les dossiers contiennent en effet des pièces qui proviennent des services de renseignements et mentionnent des « informations émanant de tiers dont il n'est pas possible ou souhaitable de divulguer l'identité » .

Au cours du printemps et de l'été 1996, une pétition a circulé dans le public et a recueilli plus de 200 000 signatures.

Le 27 juin 1996, les deux ministres ont fait un exposé sur les informations reçues pendant la période visée, mais sans remettre de documents.

La commission ne se contentant pas de cette solution, le problème fut soumis au bureau du Sénat qui, en concertation avec le Gouvernement, élabora une proposition de compromis respectant à la fois le principe de l'obligation de rendre des comptes au Parlement et le principe de la confidentialité de certains documents.

La Commission des Affaires étrangères adopta la proposition à l'unanimité, après l'avoir légèrement amendée.

Le texte de la décision unanime prise par la Commission des Affaires étrangères le 24 juillet 1996 est libellé comme suit :

« ­ de mettre en place un groupe ad hoc pour consulter les documents aux départements des Affaires étrangères et de la Défense concernant les événements qui se sont déroulés au Rwanda entre la conclusion des accords d'Arusha en août 1993 et le déclenchement du génocide en avril 1994;

­ de charger MM. André et Delva, présidents émérites de la Cour d'arbitrage, et M. Swaelen, président du Sénat, MM. Mahoux et Verhofstadt, vice-présidents du Sénat, et M. De Decker, sénateur et président du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, de consulter les documents et informations susvisés, d'établir un rapport sur les informations contenues dans les documents relatifs à la période susvisée, de déposer leur rapport devant la commission dans un délai raisonnable et au plus tard le 15 octobre 1996 et de se présenter devant la commission pour lui fournir tous éclaircissements utiles;

­ de requérir des membres du groupe ad hoc le respect d'une obligation de discrétion en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion de l'accomplissement de leur mission;

­ jusqu'au dépôt du rapport du groupe ad hoc, de suspendre les travaux de la commission sur le même sujet. »

1.1.1. Le groupe ad hoc Rwanda

Les réunions plénières du groupe ad hoc ont eu lieu les 12 août 1996, 3 et 17 septembre 1996, 11 et 25 octobre 1996, 8, 22 et 29 novembre 1996, 4, 6, 9, 10, 13, 18 et 19 décembre 1996.

Il est rapidement apparu que le volume des documents à examiner était considérable et qu'il faudrait en outre recueillir des informations complémentaires. En conséquence, la Commission des Affaires étrangères a accepté de prolonger le mandat du groupe de travail jusqu'au début du mois de décembre 1996, et, par la suite, jusqu'au début du mois de janvier 1997.

La mission du groupe ad hoc était d'établir de quelles informations relatives au Rwanda les autorités civiles et militaires belges ont disposé pendant la période comprise entre les accord d'Arusha (4 août 1993) et le déclenchement du génocide (avril 1994). Cette connaissance devait permettre à la Commission des Affaires étrangères du Sénat de déterminer si ces mêmes autorités ont assumé correctement leurs responsabilités en la matière.

Pour définir sa mission, le groupe de travail est parti du principe que les responsabilités concernaient la politique suivie par la Belgique vis-à-vis du Rwanda durant la période qui a précédé le meurtre des paras belges et le déclenchement du génocide; la participation d'un détachement belge à la MINUAR avec notamment les problèmes relatifs au statut, à la mission, aux « règles d'engagement », aux moyens mis à disposition, etc.; la décision de retirer le détachement; les démarches entreprises auprès de l'Organisation des Nations unies en vue de renforcer le mandat et les moyens de la MINUAR. Cette responsabilité du Gouvernement belge ne s'étend ni aux décisions de l'ONU elle-même, ni aux décisions qui ont été prises par la filière de commandement de la MINUAR.

Le groupe de travail a convenu, étant donné que sa mission avait été définie de manière très vague et dans des termes très généraux, de s'en tenir strictement à noter les faits, à effectuer des constatations et, éventuellement, à évaluer la valeur de certaines informations.

Le 7 janvier 1997, le groupe ad hoc a présenté son rapport (3) à la Commission des Affaires étrangères. La presse en a été informée le même jour.

Les 9 et 14 janvier 1997, la Commission des Affaires étrangères a procédé à un échange de vues à propos du rapport du groupe ad hoc .

1.1.2. Commission spéciale Rwanda

Le 17 janvier 1997, le Bureau du Sénat a proposé, en séance plénière du Sénat, la création d'une commission spéciale Rwanda. La commission se composerait du Président du Sénat et d'un représentant des groupes politiques représentés au sein du Bureau du Sénat. Les groupes politiques qui ne seraient pas représentés au sein du Bureau pourraient désigner un membre ayant voix consultative.

Le 28 janvier 1997 a vu la composition du Bureau de la commission spéciale Rwanda. M. Swaelen, président du Sénat, étant président de plein droit, MM. Mahoux et Verhofstadt ont été désignés respectivement en tant que premier vice-président et deuxième vice-président, et M. Destexhe a été désigné en tant que secrétaire. La commission spéciale était composée en outre de MM. Caluwé et Hostekint, Mme Willame-Boonen, M. Ceder, M. Anciaux (avec voix consultative), M. Jonckheer (avec voix consultative), Mme Dua (avec voix consultative).

La commission spéciale a reçu un mandat de cinq mois, de manière que le rapport puisse être présenté en séance plénière au cours de la deuxième quinzaine du mois de juin.

La mission de la commission était de poursuivre le travail, à partir du rapport du groupe ad hoc concernant les événements du Rwanda, d'examiner quelle politique les autorités belges et internationales avaient menée, plus particulièrement quelles actions elles avaient entreprises, et de formuler éventuellement des conclusions relatives aux responsabilités et à propos des mesures qu'il y aurait lieu de prendre dans le futur.

Les premières réunions de travail, qui ont débuté le 5 janvier 1997, ont été consacrées à la rédaction d'une division thématique à suivre dans l'enquête, de listes de témoins à entendre et du règlement d'ordre intérieur de la commission.

Au cours de ces premières réunions, l'on a également décidé de se faire assister par des spécialistes, à savoir par deux experts en droit international (en particulier en ce qui concerne les institutions de l'ONU), MM. Suy et David, respectivement professeur ordinaire à la K.U.L. et professeur ordinaire à l'U.L.B., et par deux experts militaires, le général-major Duchâtelet, commandant militaire du Palais de la Nation, et le colonel e.r. Malherbe, ancien commandant du Régiment paracommando et du contingent belge de l'UNPROFOR.

Le 19 février 1997, la série d'auditions a débuté par des auditions et des entretiens avec les familles des victimes des événements du Rwanda (voir point 1.3.3.1).

Au cours de la première partie de ses travaux, la commission spéciale a été confrontée à un problème particulier concernant les modalités selon lesquelles les membres de la commission spéciale qui n'avaient pas participé aux travaux du groupe ad hoc pourraient consulter les documents qui avaient été mis à la disposition de celui-ci aux termes d'un accord avec le Gouvernement. L'on a obtenu que tous les membres de la commission spéciale et ensuite également tous les membres de la commission d'enquête parlementaire aient accès aux documents du ministère des Affaires étrangères. Les documents provenant du ministère de la Défense nationale ont toutefois été mis, en principe, à quelques exceptions près, à la disposition des membres du groupe ad hoc .

Pour certain nombre de documents que la commission désirait se voir communiquer ont manqué, notamment les documents Nees et De Cuyper ainsi que les procès-verbaux des réunions de coordination des Affaires étrangères. La constatation s'imposait également qu'un certain nombre de témoignages contenaient des contradictions manifestes, tant en eux-mêmes qu'entre eux. Enfin, la commission s'est vue confrontée à l'impossibilité d'interroger dans ses fonctions le juge d'instruction qui menait les enquêtes judiciaires parallèles. En raison de tous ces arguments, qui allaient pousser de plus en plus à la transformation en commission d'enquête, on a prévu une réunion d'évaluation à bref délai.

Le 19 mars 1997, une proposition qui tendait à demander au Sénat de transformer la commission spéciale en une commission d'enquête, fut rejetée. Un consensus put néanmoins être dégagé concernant la non-communication des documents Nees et De Cuyper : la commission allait pouvoir faire usage des compétences d'une commission d'enquête si, le 16 avril 1997, ces documents n'avaient pas été mis à sa disposition. Le 19 mars 1997, la commission décida également, à l'unanimité, d'évaluer son fonctionnement et son statut.

Le fonctionnement de la commission fut longtemps entravé par l'absence de réponse à l'invitation qu'elle avait adressée aux témoins des Nations unies. Cet élément a joué un rôle décisif dans la discussion relative à la question de savoir s'il fallait transformer ou non la commission spéciale en une véritable commission d'enquête. Le 16 avril 1997, le Président communiqua à la commission la réponse négative de l'actuel secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et un des principaux arguments contre la création d'une commission d'enquête parlementaire avait, dès lors, disparu.

La commission s'étant vue mise dans l'impossibilité d'entendre des personnalités des Nations unies, l'on décida de demander à Mme Suhrke, chercheur en chef au Chr. Michelsen Institute à Bergen (Norvège) et auteur du Rapport II « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Ruanda », qui avait été autorisée, antérieurement, à interroger des fonctionnaires des Nations unies, d'intervenir en tant qu'intermédiaire pour questionner les intéressés. Au cours du mois d'octobre, Mme Suhrke devait toutefois déclarer qu'il lui était impossible de remplir cette mission. Ensuite, la commission d'enquête parlementaire Rwanda prit contact avec la représentation permanente belge auprès des Nations unies afin d'obtenir des éclaircissements sur certains points.

Le 23 avril, le Président du Sénat déposa au Bureau du Sénat une proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire à part entière qui comprendrait quinze membres et qui remplacerait la commission spéciale composée, elle, de huit membres. Les trois membres ayant voix consultative feraient partie de la commission d'enquête et conserveraient leur statut.

M. Jonckheer et Mme Dua déposèrent une proposition d'amendement de la proposition du Président visant à instituer une commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda (4) pour rendre possible une éventuelle prolongation du mandat de celle-ci (5).

La proposition d'instituer une commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda fut adoptée, sans amendement, par le Sénat, le 24 avril 1997 (6).

1.1.3. Commission d'enquête parlementaire Rwanda

La réunion d'installation de la commission d'enquête parlementaire Rwanda eut lieu le 30 avril 1997. Le bureau de la commission fut composé comme suit : aux côtés du président du Sénat, M. Swaelen, président de commission de droit, l'on désigna M. Mahoux en tant que premier vice-président et M. Verhofstadt en tant que deuxième vice-président. MM. Mahoux et Verhofstadt furent également désignés en tant que rapporteurs. La commission comprenait au total quinze membres. Outre les membres du bureau, la commission d'enquête comprenait M. Caluwé, Mme Thijs, M. Hotyat, Mme Lizin, MM. Goris, Hostekint, Moens, De Decker, Destexhe, Mme Bribosia-Picard, Mme Willame-Boonen, M. Ceder, M. Anciaux (avec voix consultative), M. Jonckheer (avec voix consultative) et Mme Dua (avec voix consultative). Le règlement interne fut adopté.

C'est également le 30 avril qu'eut lieu la première réunion préparatoire à la rédaction du rapport de la commission. Les rapporteurs proposèrent un projet de plan du rapport.

Au cours de sa réunion du 13 mai, la commission décida de recourir à la coopération juridique experte de Mme Roggen, assistante à l'U.L.B. et avocate au barreau de Bruxelles.

Dans le cadre du dossier relatif à la R.T.L.M., la commission décida, le 13 mai, dans le cadre de la compétence qu'elle a reçue en application de l'article 4, § 2, de la loi de 1880 sur les enquêtes parlementaires, de demander au premier président de la cour d'appel de désigner un magistrat chargé des devoirs d'instruction nécessaires pour que la commission d'enquête puisse exercer sa mission spécifique. Le juge d'instruction devait examiner un certain nombre de transactions financières relatives au financement de l'émetteur radio rwandais R.T.L.M.

Le 21 mai, les membres de la commission d'enquête visitèrent le S.G.R. et le C Ops à Evere, à l'invitation du ministre de la Défense. Ce même jour eut lieu également un échange de vues particulier avec les experts militaires de la commission.

L'Assemblée nationale du Rwanda adressa au Sénat de Belgique une lettre pour l'inviter à envoyer au Rwanda une délégation qui pourrait y consulter les archives. La question de l'opportunité ­ politique ou autre ­ d'une visite au Rwanda d'une délégation de la commission donna lieu à un large débat. À la demande de la commission, M. Mahoux se rendit sur place afin de vérifier les archives. Son rapport se trouve à l'annexe nº 3 du rapport.

Au cours de la réunion du 11 juin 1997, le président fit savoir que M. Nahimana avait introduit une demande en récusation du commissaire Destexhe. Le président décida que la demande était toutefois irrecevable. La commission toute entière conclura elle aussi à l'irrecevabilité de la demande en récusation, après avoir été saisie d'un recours en appel.

L'on constata, au cours de la réunion du 24 juin, que la durée du mandat existant ne suffirait pas. Le 26 juin 1997, le Sénat, dont le Bureau avait déposé une proposition (7), décida que la commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda devrait déposer son rapport avant la fin du mois d'octobre 1997. Pour la rédaction de son rapport, la commission pourrait continuer à exercer les compétences légales qui sont celles d'une commission d'enquête parlementaire (8). En raison du grand volume de travaux, le Sénat a prolongé deux fois le mandat de la commission, tout d'abord jusqu'au 2 décembre 1997 et ensuite jusqu'au 6 décembre 1997.

1.2. MISSION ET COMPÉTENCES DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Conformément à la décision du Sénat du 24 avril 1997, la commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda avait pour mission, « à partir du rapport du groupe ad hoc Rwanda, créé par décision de la commission des Affaires étrangères du Sénat du 24 juillet 1996, de poursuivre le travail de la commission spéciale Rwanda instituée par le Sénat le 23 janvier 1997.

La commission examine quelle politique les autorités belges et internationales ont menée, plus particulièrement quelles actions elles ont entreprises, et formule éventuellement des conclusions concernant les responsabilités et les mesures qui devraient être prises dans le futur » (9).

Cette mission était la même que celle qui avait été confiée à la commission spéciale Rwanda. La transformation de la commission spéciale en commission d'enquête n'a donc entraîné aucune modification de la mission matérielle de la commission, mais elle a modifié les compétences techniques qui lui avaient été attribuées pour qu'elle puisse s'acquitter de sa mission.

La commission d'enquête disposait, pour remplir sa mission, de toutes les compétences visées à l'article 56 de la Constitution et dans la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires.

1.3. MÉTHODE DE TRAVAIL DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

1.3.1. Méthode de travail

1.3.1.1. Auditions des familles des victimes

(1) Commission spéciale Rwanda

La commission spéciale a estimé prioritaire de faire précéder les interrogatoires de témoins par un entretien avec les familles des victimes. Comme celles-ci sont les premières concernées, la commission leur devait, par respect, de les informer sur sa mission et sur ses objectifs. La commission leur a demandé de réagir et de lui transmettre éventuellement un message. La commission leur a également demandé des renseignements concrets sur certains points spécifiques du dossier.

Les auditions et entretiens introductifs avec les familles des victimes ont eu lieu le 19 février 1997. L'attention spéciale qui a été accordée aux familles des victimes concernait à la fois les familles des 10 Casques bleus belges, celles des victimes civiles et celles des victimes rwandaises du génocide.

Pour ce qui est des dix paracommandos tombés à Kigali, l'on a demandé à trois proches, à savoir Mme Lotin, M. Leroy et Mme Dupont, de venir témoigner. D'autres membres des familles qui souhaitaient être entendus l'ont été (10).

Comme il n'existe aucun lien direct entre le sort des diverses victimes civiles, les divers témoins ont dû être entendus séparément. M. et Mme Godfriaux, Mme Beckers et Mme Mugwaneza ont pris tour à tour la parole (11) à propos du sort des victimes civiles.

Pour ce qui est du troisième volet, l'on a choisi d'entendre d'abord le CRDDR (Comité pour le respect des droits de l'homme au Rwanda), qui est une organisation représentative des victimes rwandaises en Belgique. M. J. Gasana, qui a représenté le comité devant la commission, a laissé, après son exposé, la parole à deux témoins du génocide, à savoir Mmes Nyirazaninka et Mukeshimana. L'on a entendu ensuite un représentant du CLADHO (Collectif des ligues et associations de défense des droits de l'homme), M. Nsanzuwera. CLADHO est l'organisation de coordination des organisations rwandaises de défense des droits de l'homme (12).

(2) Commission d'enquête parlementaire Rwanda

Juste avant de terminer la série d'auditions, l'on a à nouveau donné la parole aux familles des Casques bleus belges décédés, pour leur permettre de faire part de leurs impressions concernant les travaux de la commission. Mme Debatty, Mme Dupont, M. Leroy, M. Lhoir et Mme Bassine ont pris la parole (13).

Au cours de la séance en question, le président a souligné qu'une lettre avait été adressée aux familles des victimes civiles belges. Comme une instruction était en cours concernant les circonstances du décès de ces victimes, la commission d'enquête était tenue à une discrétion totale en la matière. En outre, comme une instruction était en cours, la commission d'enquête a été obligée d'observer une grande discrétion dans le dossier en question pour ne pas porter atteinte aux dispositions constitutionnelles et légales qui règlent le rapport entre les enquêtes des commissions parlementaires et les instructions judiciaires.

1.3.1.2. Témoins

La liste des témoins qui ont comparu devant la commission respecte l'ordre chronologique des comparutions. Elle indique également en quelle qualité les témoins ont été entendus par la commission.

(1) Commission spéciale concernant
les événements du Rwanda

Date Témoin(s) Qualité en laquelle le
témoin a été entendu
19/2/1997 Mme Lotin, M. Leroy, Mme Dupont, M. Méaux, Mme Bassine, Mme Debatty, M. Plescia Représentants des familles et apparentés des dix paracommandos assassinés
19/2/1997 M. et Mme Godfriaux, M. Dulieu, Mme Beckers, M. Mugwaneza Représentants des membres des familles et apparentés des victimes civiles belges
19/2/1997 M. J. Gasana Mme Nyirazaninka, Mme Mukeshimana Représentants du CRDDR (Comité pour le respect des droits de l'homme au Rwanda)
19/2/1997 M. Nsanzuwera Représentant du CLADHO (Collectif des ligues et associations de défense des droits de l'homme)
26/2/1997 Le professeur Reyntjens Professeur ordinaire à l'« Universitaire Instelling Antwerpen » et spécialiste de l'Afrique centrale
26/2/1997 Mme A. Desforges Représentante de Human Rights Watch; Représentante de la commission internationale pour la constatation de la violation des droits de l'homme au Rwanda
26/2/1997 M. W. Martens, ministre d'État Premier ministre
28/2/1997 MM. Brouhns et Cools M. Brouhns : représentant permanent adjoint de la Belgique auprès des Nations unies.
M. Cools : premier secrétaire de la représentation permanente de la Belgique auprès des Nations unies
28/2/1997 Le colonel BEM Flament et le lieutenant-colonel Kesteloot Colonel BEM Flament : chef de la section « Plans de défense » à l'état-major général, chef de la mission de reconnaissance au Rwanda en préparation de la MINUAR
Lieutenant-colonel Kesteloot : membre de cette mission de reconnaissance
28/2/1997 Le lieutenant-colonel BEM Briot Chef de la sous-section planification des opérations à l'état-major général
28/2/1997 Le lieutenant général Charlier Chef d'état-major général des Forces armées
5/3/1997 M. W. Claes, ministre d'État Ministre des Affaires étrangères
5/3/1997 M. L. Delcroix Ministre de la Défense nationale
5/3/1997 M. J.-L. Dehaene Premier ministre
7/3/1997 Le colonel BEM Marchal Commandant du secteur Kigali pour la MINUAR
7/3/1997 Le lieutenant Nees Officier de « Renseignements » (S2) de KIBAT I
7/3/1997 Le major Podevijn Officier d'état-major au niveau du Force Commander
7/3/1997 Le colonel BEM Vincent Chef de la CTM au Rwanda
11/3/1997 Le professeur Suy et le professeur David Professeur Suy, expert en droit international, professeur ordinaire à la « Katholieke Universiteit Leuven » (KUL)
Professeur David, expert en droit international, professeur ordinaire à l'Université Libre de Bruxelles (ULB)
12/3/1997 M. Swinnen Ambassadeur de Belgique au Rwanda
12/3/1997 Le général-major Verschoore Adjoint au chef du service de renseignement militaire (SGR)
12/3/1997 Le général-major Schellemans Chef de cabinet du ministre de la Défense nationale
14/3/1997 M. W. Kuijpers Sénateur
14/3/1997 Mme N. Maes Sénatrice
14/3/1997 M. C. Bougard Sénateur
14/3/1997 Le capitaine De Cuyper Officier de « Renseignements » de KIBAT II
14/3/1997 Le colonel BEM Marchal Commandant du secteur de Kigali pour la MINUAR
18/3/1997 M. L. Willems Chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères
19/3/1997 M. Gillet Avocat au barreau de Bruxelles, coprésident de la commission d'enquête internationale relative aux violations des droits de l'homme au Burundi à la suite de l'assassinat du président Ndadaye
19/3/1997 Le colonel BEM Marchal Commandant du secteur de Kigali pour la MINUAR
21/3/1997 Le général-major Delhotte Chef du service de renseignement militaire (SGR)
21/3/1997 Mme Braeckman Journaliste au quotidien « Le Soir »
21/3/1997 Le major Hock Officier du SGR, analyste en charge de l'Afrique centrale
21/3/1997 M. Swinnen Ambassadeur de Belgique au Rwanda
24/3/1997 Le lieutenant-colonel Leroy Commandant du KIBAT I
26/3/1997 M. J.-P. Chrétien Historien, directeur du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) à Paris
26/3/1997 M. Derycke Secrétaire d'État à la coopération au développement, adjoint au ministre des Affaires étrangères
26/3/1997 M. L. Delcroix Ministre de la Défense nationale
28/3/1997 Le lieutenant général Charlier Chef d'état-major général des Forces armées
16/4/1997 M. Ndiaye Avocat, rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme aux Nations unies
16/4/1997 Le colonel BEM Engelen Conseiller militaire de la Mission permanente belge auprès de l'ONU à New York
16/4/1997 Le colonel BEM Dewez Commandant du bataillon KIBAT II
18/4/1997 M. W. Claes, ministre d'État Ministre des Affaires étrangères
21/4/1997 Le lieutenant général Charlier Chef d'état-major général des Forces armées
21/4/1997 Confrontation entre M. L. Delcroix et le lieutenant général Charlier M. L. Delcroix, ministre de la Défense nationale
Lieutenant général Charlier, chef d'état-major général des Forces armées
22/4/1997 M. Nsanzuwera Procureur de la République rwandaise
22/4/1997 Mme Suhrke Enquêteur principal adjoint au Chr. Michelsen Institute de Bergen, Norvège (spécialisé en droits de l'homme), membre du conseil consultatif du Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU et rapporteuse du Rapport II concernant « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda »
23/4/1997 M. Jaenen Responsable de la cellule « Afrique » au ministère des Affaires étrangères
23/4/1997 L'amiral Verhulst Chef de la division opérations (JSO) à l'état-major général
23/4/1997 Le professeur Suy et M. Vandaele Le Professeur Suy, expert en droit international, professeur ordinaire à la « Katholieke Universiteit Leuven » (KUL)
M. Vandaele, directeur général de la direction générale de la politique du ministère des Affaires étrangères
25/4/1997 Le lieutenant général Uytterhoeven Adjoint à l'état-major de la Force terrestre
25/4/1997 Le général-major Roman Commandant de la brigade paracommando
29/4/1997 M. Rusatira Général de brigade du FAR, commandant ESM
29/4/1997 Le lieutenant général Berhin Chef d'état-major de la Force terrestre
29/4/1997 M. Cools Premier secrétaire de la représentation permanente de la Belgique auprès des Nations unies

(2) Commission d'enquête parlementaire
concernant les événements du Rwanda

Date Témoin(s) Qualité en laquelle le
témoin a été entendu
6/5/1997 M. Van Winsen Auditeur militaire à Bruxelles
6/5/1997 M. Vandermeersch Juge d'instruction associé au tribunal de première instance de Bruxelles
7/5/1997 Le lieutenant Lecomte Commandant en second de compagnie de KIBAT II
7/5/1997 Le capitaine Lemaire Commandant de compagnie de KIBAT II
7/5/1997 M. Quertemont Aumônier militaire à KIBAT II
7/5/1997 Le Major Maggen Officier de l'état-major du Force Commander
13/5/1997 Le capitaine Marchal Commandant de compagnie du KIBAT II
13/5/1997 Le commandant Choffray Officier « Opérations » à l'état-major de KIBAT II
13/5/1997 Le commandant Claeys Military Information Officer (MIO) à l'état-major du commandant de la MINUAR
13/5/1997 Le commandant Noens Conseiller en droit des conflits armés, KIBAT I
13/5/1997 Le Major Bodart Conseiller en droit des conflits armés, KIBAT II
14/5/1997 Le Professeur Reyntjens Professeur ordinaire à l'« Universitaire Instelling Antwerpen » et spécialiste en questions d'Afrique centrale
14/5/1997 Mme De Backer Conseillère de l'« Afrikastichting », présidente ACT
14/5/1997 M. Eugène Nahimana Attaché de presse du MRND en Belgique
14/5/1997 M. Scheers Avocat au barreau de Bruxelles
16/5/1997 M. Galand Président du forum « Nord-Sud » et président du Centre de coopération au développement (CNCD)
16/5/1997 Mme A. Desforges Représentante de « Human Rights Watch », représentante de la commission internationale pour la recherche des actes de violation des droits de l'homme au Rwanda
16/5/1997 M. Terras Directeur du magazine GOLIAS
28/5/1997 M. Greindl Directeur de l'« Institut supérieur de pédagogie appliqué » au Rwanda
28/5/1997 Mme De Temmerman Journaliste pour le journal de la BRTN
29/5/1997 Le lieutenant-colonel De Loecker Officier d'état-major au commandement du secteur Kigali (MINUAR)
29/5/1997 Le colonel Balis Officier adjoint « opérations » à l'état-major du Force Commander
29/5/1997 Le commandant De Troy Officier adjoint au centre opérationnel de l'état-major général à Evere (C Ops)
30/5/1997 M. Twagiramungu Président du MDR et ancien premier ministre du Rwanda
30/5/1997 M. Saur Secrétaire général du PSC, responsable des relations internationales
3/6/1997 M. Theunis Prêtre et journaliste, présent à la mission des missionnaires africains à Kigali
3/6/1997 M. Louis Secrétaire général et ensuite vice-président de l'Internationale démocrate-chrétienne (IDC)
3/6/1997 M. Houtmans Directeur de l'émetteur radio libre Radio Contact
6/6/1997 Le capitaine Theunissen Commandant en second de compagnie de KIBAT II
10/6/1997 Le colonel BEM Dewez Commandant du bataillon belge KIBAT II
10/6/1997 Le colonel BEM Marchal Commandant du secteur Kigali (MINUAR)
11/6/1997 M. Nzamzimfura Major de la gendarmerie rwandaise, G4
11/6/1997 Le professeur Prunier Historien, chercheur en chef auprès du Centre national de recherche scientifique (CNRS) à Paris
13/6/1997 Confrontation entre le lieutenant-colonel BEM Briot et le colonel BEM Flament Lieutenant-colonel Briot : chef de la sous-section planification des opérations à l'état-major général
Colonel BEM Flament : chef de la section « plans de défense » à l'état-major général et chef de la mission de reconnaissance au Rwanda en préparation de la MINUAR
13/6/1997 Confrontation entre le lieutenant-colonel BEM Briot et le colonel BEM Marchal Lieutenant-colonel Briot : chef de la sous-section planification des opérations à l'état-major général
Colonel BEM Marchal : commandant du secteur Kigali (MINUAR)
17/6/1997 M. Matata Secrétaire de l'« Association rwandaise pour la défense des droits de l'homme » (ARDHO)
17/6/1997 M. Eugène Nahimana Attaché de presse du MRND en Belgique.
17/6/1997 M. Degni-Segui Rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme des Nations unies et auteur d'un rapport concernant la situation des droits de l'homme au Rwanda
18/6/1997 M. Nsengyaremye Ancien premier ministre du Rwanda
18/6/1997 M. L. Delcroix Ministre de la Défense nationale
20/6/1997 M. Swinnen Ambassadeur de Belgique au Rwanda
20/6/1997 M. Tallier Secrétaire à la Sûreté de l'État, chargé des questions africaines
24/6/1997 M. Scheers Avocat au barreau de Bruxelles
24/6/1997 M. Willy Claes
ministre d'État
Ministre des Affaires étrangères
25/6/1997 M. Brouhns Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès des Nations unies
25/6/1997 M. Poncelet Ministre de la Défense nationale
26/6/1997 M. J.-L. Dehaene Premier ministre
27/6/1997 Adjudant Boequelloen, premier caporal-chef Pirard et caporal Kinkin Membres du bataillon KIBAT II
27/6/1997 Mme Debatty, Mme Dupont, M. Leroy, M. Plescia, Mme Lhoir, Mme Bassine Membres des familles et apparentés des dix paracommandos assassinés
30/6/1997 M. Murayi Président du « Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement » (MRND)
30/6/1997 Confrontation entre le colonel BEM Dewez et le capitaine Theunissen Colonel Dewez : commandant du bataillon belge KIBAT II (MINUAR)
Capitaine Theunissen : commandant en second de compagnie à KIBAT II

Toutes les auditions ont eu lieu en séance publique, à l'exception des auditions suivantes :

­ Réunions qui furent partiellement publiques et qui furent tenues partiellement à huis clos :

­ 21/3/1997 : Général-major Delhotte

­ 28/3/1997 : Lieutenant-général Charlier

­ 29/4/1997 : M. Rusatira

­ 6/5/1997 : M. Vandermeersch

­ 7/5/1997 : M. Quertemont

­ 14/5/1997 : Mme De Backer

­ 28/5/1997 : M. Greindl

­ 28/5/1997 : Mme De Temmerman

­ 30/5/1997 : M. Twagiramungu

­ 30/5/1997 : M. Saur

­ 3/6/1997 : M. Theunis

­ 11/6/1997 : le Professeur Prunier

­ 17/6/1997 : M. Matata

­ 17/6/1997 : M. Degni-Segui

­ 20/6/1997 : M. Swinnen

­ 24/6/1997 : M. Scheers

­ Réunions qui ont été tenues entièrement à huis clos :

­ 11/3/1997 : Les professeurs Suy et David

­ 11/3/1997 : Colonel Ix

­ 19/3/1997 : Colonel Marchal

­ 21/4/1997 : Confrontation entre M. Delcroix et le lieutenant général Charlier

­ 23/4/1997 : le professeur Suy et M. Van Daele

­ 14/5/1997 : M. Nahimana

­ 14/5/1997 : M. Scheers

­ 17/6/1997 : M. Nahimana

­ 20/6/1997 : M. Tallier

1.3.1.3. Échange de vues avec les experts de la commission

Comme susmentionné, la commission a bénéficié des conseils de deux experts militaires, le général-major Duchâtelet et le colonel Malherbe, et de deux experts en droit international, les professeurs Suy et David. Elle a également pu s'entourer des avis de maître Roggen sur les implications juridiques de ses travaux.

1.3.1.4. Confrontations

Les confrontations suivantes ont eu lieu dans le cadre des travaux de la commission :

(1) Commission spéciale Rwanda

­ Confrontation entre M. Delcroix et le lieutenant général Charlier le 21 avril 1997.

(2) Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda

­ Confrontation entre le lieutenant-colonel Briot et le colonel Flament le 13 juin 1997.

­ Confrontation entre le colonel Marchal et le lieutenant-colonel Briot le 13 juin 1997.

­ Confrontation entre le colonel Dewez et le capitaine Theunissen le 30 juin 1997.

1.3.1.5. Réunions de travail de la commission

L'on a systématiquement organisé de brèves discussions relatives à l'ordre du jour avant les auditions. Au cours de ces discussions, l'on a examiné le curriculum et les questions introductives des témoins. De plus, l'on a organisé diverses réunions de travail dans le cadre des travaux de la commission. Dans le cadre de la rédaction du rapport, des réunions de travail résidentielles ont été tenues à Ostende (15-16 juillet 1997), à Gesves (30 septembre, 1-2 août 1997) et à Bruges (25-27 novembre 1997).

1.3.1.6. Réunions du Bureau de la commission

Le Bureau, composé du président et des deux vice-présidents rapporteurs, s'est réuni à plusieurs reprises en vue de l'organisation des réunions de la commission.

1.3.1.7. Visite au C Ops ­ S.G.R.

Les membres de la commission ont, à l'invitation du ministre de la Défense nationale, fait une visite de travail au service général des renseignements et de sécurité (S.G.R.) et au centre opérationnel (C Ops), qui sont situés dans le quartier général des Forces armées belges à Evere. Cette visite a eu lieu le 21 mai 1997.

Les membres se sont vu présenter les deux services et ont assisté à un briefing opérationnel. Enfin, les membres ont pu examiner l'armement dont disposèrent les hommes de KIBAT au cours de leur mission de 1993 et de 1994.

1.3.1.8. Visite au Rwanda

(1) Groupe ad hoc Rwanda

M. Mahoux et Verhofstadt, membres du groupe ad hoc, se sont rendus à Kigali afin d'avoir une vision précise des lieux et permettre ainsi d'apprécier l'itinéraire des dix paras le 7 avril 1994 et les circonstances exactes de leur assassinat.

(2) Commission d'enquête parlementaire

Dans sa lettre du 22 avril 1997, le président de l'Assemblée nationale rwandaise a invité au Rwanda une délégation de la commission, « afin de rencontrer les témoins potentiels, de visiter les sites et éventuellement de consulter les archives ».

Dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire, il a été décidé que M. Mahoux, en sa qualité de rapporteur, se rendrait au Rwanda. La visite a eu lieu du 23 au 30 août 1997. Son objet était de consulter sur place les archives mentionnées dans l'invitation du Parlement rwandais. M. Mahoux était accompagné de M. Vandeginste, chercheur au Centre d'études de la région des grands lacs d'Afrique (14).

1.3.1.9. Documents

(1) Les documents examinés par le groupe ad hoc

A. Documents Défense nationale

I. Documents SGR

1. Classeurs 1 à 16 :

Informations générales provenant de sources publiques.

Période : août 1993 à avril 1994.

2. Classeurs 17 et 18 :

Informations traitées par SGR devenues des renseignements et transmis à différents destinataires.

3. Notes sur la situation au Rwanda (un classeur) :

Documents secrets concernant les situations politiques, militaires, de crises.

Période : octobre 1993 à avril 1994.

4. Bulletins hebdomadaires des services de renseignements (un classeur) :

­ situation au Rwanda;

­ film des événements;

­ évolution de la situation.

Période : janvier 1993 à avril 1994.

5. Farde complément d'informations (un classeur) :

Informations provenant de diverses sources concernant la situation et le déroulement des événements au Rwanda.

Période : janvier 1993 à mai 1994.

6. Farde « IN » SGR OPS Rwanda 1994 :

Informations provenant de certains services de renseignement étrangers.

II. Documents J.S.

Concernant divers renseignements sur les opérations humanitaires (MINUAR, BELBAT, UNOSOM, ...).

1. Classeur J.S. 1 :

Compte rendu des réunions C Ops d'août 1993 à décembre 1993 inclus.

2. Classeur J.S. 2 :

Idem de janvier 1994 à avril 1994 inclus.

III. Documents C Ops concernant les munitions : (Sitrep 103)

IV. Documents de 1 Para

Informations relatives à l'opération MINUAR I.

B. Documents Conseil des ministres

Deux notes (et deux avis de l'Inspection des Finances) en préparation des réunions des 26 novembre et 3 décembre 1993 du Conseil des Ministres.

C. Documents Affaires étrangères

1. Notes de l'Ambassadeur à Kigali au Ministre des Affaires étrangères : 4 août 1994 ­ 6 avril 1994;

2. Télex Ambabel Kigali à Belext BRX : août 1993 ­ 6 avril 1994;

3. Télex Bruxelles à Ambabel Kigali : 10 avril 1993 ­ 6 avril 1994;

4. Fax Ambabel Kigali à Belext (août 1993 ­ avril 1994);

5. Rapports annuels 1993 et 1994;

6. Procès-verbaux des réunions de coordination hebdomadaires Affaires étrangères-Défense nationale : 2 décembre 1993 ­ 28 juillet 1994.

D. Documents MINUAR

1. ROE UNAMIR : Règles d'engagement.

2. Ordre d'opération MINUAR

E. Documents Nations unies (DELBELONU)

1. Télégrammes ambassadeur Noterdaeme à Belext concernant le Rwanda : août 1993 ­ avril 1994;

2. Télégrammes ambassadeur Noterdaeme à Belext concernant MINUAR : août 1993 ­ avril 1994;

3. Correspondance DELBELONU et ministère des Affaires étrangères (7 avril ­ 30 avril 1994).

F. Documents Cour militaire

Procès Luc Marchal : 31 classeurs + 1 farde première instance et Cassation.

G. Rapport confidentiel du colonel Marchal

Considérations relatives aux conditions dans lesquelles j'ai exercé ma fonction de Commandant du secteur KIGALI au sein du MINUAR du 4 décembre 1993 au 19 avril 1994.

H. Comité permanent de contrôle des services de renseignements

Rapport de l'enquête de contrôle sur l'efficacité et la collaboration des services de renseignements à propos des événements au Rwanda

I. Documents Nations unies

1. Accords d'Arusha;

2. Rapports des Nations unies :

­ (E/CN.4/1994/7/Add.1) : Report by the special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions on his mission to Rwanda, 8-17 April 1993, including as annex II the Statement of 7 April 1993 of the Governement of Rwanda concerning the final report of the Independent International Commission of Inquiry on human rights violations in Rwanda since 1 October 1990.

­ S/1994/360, 30 mars 1994 : Second progress report of the Secretary-General on UNAMIR for the period from 30 December 1993 to 30 March 1994, requesting an extension of its mandate for a period of six months.

J. Autres Documents

The United Nations and Rwanda, 1993-1996, Department of Public Information, The United Nations Blue Book Series, Volume X.

Sellström, T., The International Response to Conflict and Genocide : Lessons from the Rwanda Experience, Study 1, Historical Perspective : Some Explanatory Factors, Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda.

Adelman, H. et Suhrke, A., The International Response to Conflict and Genocide : Lessons from the Rwanda experience, Study 2, Early Warning and Conflict Management, Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda.

Rapport d'ensemble enseignements tirés de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), octobre 1993-avril 1996, décembre 1996.

(2) Documents obtenus par la commission spéciale Rwanda

Réponses aux questions du général-major Dallaire par le juge-avocat général de la Cour militaire.

A. DOCUMENTS DES AUTORITÉS DE L'ONU

Présentation du rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaire des arbitraires à la 53ème session de la Commission des droits de l'homme des Nations unies par M. Ndiaye, Rapporteur spécial, Genève, le 9 avril 1997.

Rapport de la Commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993). Rapport final. Africa Watch, Fédération internationale des droits de l'homme, Union interafricaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

Rapport présenté par M. Bacre Waly Ndiaye, Rapporteur spécial, conformément à la résolution 1996/74 de la Commission des droits de l'homme. Nations unies, Conseil économique et social, E/CN.4/1997/60 et Add 1 ­ 24 décembre 1996.

Télex du 20 janvier 1994 de DelbelONU à Minafet.

B. DOCUMENTS DES AUTORITÉS POLITIQUES BELGES

Lettre de M. J.L. Dehaene, premier ministre concernant les documents d'Affaires étrangères, du 25 mars 1997.

Lettre de M. E. Derycke, ministre des Affaires étrangères concernant les PV des réunions Affaires étrangères ­ Défense nationale (avec annexe) 26 mars 1997.

PV des réunions de coördination du 28 octobre 1993, 26 novembre 1993, 2 décembre 1993, 9 décembre 1993, 16 décembre 1993, 23 décembre 1993, 6 janvier 1994, 13 janvier 1994, 3 février 1994, 3 mars 1994 et 17 mars 1994.

Lettre de M. J. De Bock, chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères du 24 mars 1997, avec annexes.

1. Opening remarks by M. Kofi Annan, Lessons learned Seminar on Rwanda;

2. « Non-paper » of the Comprehensive Seminar on UNAMIR, 12-14 June 1996;

3. Copie du télex 127 de Bujumbura avec instructions du ministre Claes, 23.02.1994;

4. Copie des réponses de deux postes diplomatiques (de Washington du 24.02.1994 et de New York du 24.02.1994.

Note du ministre d'État, M. W. Claes : « Démarches entreprises par la Belgique à New York afin d'obtenir une action plus décidée de la MINUAR » : réponse au rapport du groupe ad hoc, pp. 85 à 94 incluse.

Note du ministre d'État, M. Claes : « Le soi-disant « climat antibelge . Observations et corrections concernant les points 4.1 et 4.2 du rapport du groupe ad hoc de la commission spéciale Rwanda du Sénat. »

Note du Premier ministre transmise à M. Leo Delcroix, qui donne un aperçu des notes informelles du Conseil des ministres (rédigées par le secrétaire du Conseil des ministres et/ou par le conseiller diplomatique du Premier ministre).

Communication du Conseil des ministres du 19 novembre 1993 concernant la MINUAR.

Composition cabinet ­ ministère de la Défense nationale Rwanda pour la période juin 1993-décembre 1993. Composition cabinet ­ ministère de la Défense nationale Rwanda, situation avril 1994.

C. DOCUMENTS DES AUTORITÉS MILITAIRES

Lettre transmise par le capitaine De Cuyper : Brief vanwege de landmacht ­ Divisie gevechtssteun van 10 maart 1997.

P.V. du 06.12.1995 du capitaine De Cuyper dossier d'instruction Marchal à l'auditorat général de la Cour militaire.

Documents distribués suite à l'audition à huis clos du colonel Marchal le 19 mars 1997 :

1. exposé introductif, audition à huis clos du 19 mars 1997;

Operatie Haiti :

2. Ops Columbus ­ Sitrep op 5.11.1994, Sitrep 1.12.1994, Sitrep 2.12.1994, Sitrep 15.12.1994, Sitrep 19.4.1994, Sitrep 21.12.1994, Sitrep 24.12.1994;

3. Confidentiel : Ontwerp van het evacuatieplan « Yellow Bird », 9.12.1994.

Documents du lieutenant-colonel Leroy transmis aux membres de la commission lors de son témoignage du 24.3.1997.

Documents remis par le colonel BEM Dewez aux membres de la commission:

1. Briefing général UNAMIR et Règles d'engagement;

2. Safe City Directives KIBAT, 26.3.1994;

3. Programme de la semaine du 4 au 10 avril 1994;

4. Rapport confidentiel de KIBAT S2, 24.3.1994

annexe A : communiqué de presse de Charles Ruvugabigwi : L'angoisse du Dr. Booh-Booh, La Relève 18.3.1994;

annexe B : partis principaux au Rwanda

annexe C : Communiqué « sauve qui peut » nº 10, 23.3.1994;

5. Rapport secret de KIBAT S2, 29.3.1994;

6. Rapport secret de KIBAT S2, 26.3.1994;

7. Rapport secret de KIBAT S2, 2.4.1994

annexe : déclaration du premier ministre désigné F. Twagiramungu, 1.4.1994;

8. Rapport secret de KIBAT S2, 1.4.1994

annexe : Communiqué « Sauve qui peut » nº 11, 27.3.1994;

9. Copie extraits du carnet personnel :

­ notes prises pendant briefing au COps, 3.2.1994

­ communication à l' Ogp Bn, 4.2.1994

­ notes de base pour le briefing aux compagnies;

10. Rapport du Lt. Nees du 17.3.1994.

Historiek van November 92 tot maart 93 ­ M. P. Vandeputte. UNPROFOR Bosnia Herzegovina 1 (BE) DET TPT ­ Moving Star.

Lettre de M. Elsoucht ­ Forces armées état-major, Divisie Operaties, Sectie Plannen en Defensie, 11.04.1997.

Onderwerp : Lessen BELBAT II

Hoofdstuk 1 : Personeel

Hoofdstuk 2 : Inlichtingen

Hoofdstuk 3 : Operaties

Hoofdstuk 4 : Logistiek en Med.

Hoofdstuk 5 : SCV. Pers en Vip.

Note du Lieutenant-Général, Aide de Camp du Roi, J. Charlier, au Ministre de la Défense nationale du 3 novembre 1993. (avec une lettre du Brigadier général, Commandant de la Force et Chef de mission R.A. Dallaire au Colonel J. Flament, Chef de la mission de Reconnaissance des Forces armées de la Belgique à Kigali du 29 octobre 1993).

Lettre du Colonel M. Malherbe ­ UNPROFOR ­ Sector East : Rapport de mission au Sector EAST UNPROFOR du 13 mars 92 à fin août 92, 2.9.1992.

Annexe : Org. QG Force.

Lettre du Colonel M. Malherbe ­ UNPROFOR ­ Sector East : Rapport Part (BE) UNPROFOR.

D. AUTRES DOCUMENTS

Document de M. Alain De Brouwer à l'attention du Sénateur Destexhe, contribution personelle aux travaux de la future Commission parlementaire d'enquête sur le Rwanda, 25.10.1996.

Lettre de l'avocat Luc De Temmerman concernant la famille Habyarimana, 4 mars 1997.

Document transmis par Mme Willame : Note de Mme Marie-Madeleine Nibelle-Bicamumpaka : « Le MDR ­ Mouvement démocratique républicain, premier parti d'opposition au Rwanda; fut-t-il victime de sa victoire électorale annoncée ? ».

« Le cas rwandais » par M. Servilien M. Sebasoni, article dans La Revue générale, décembre 1994, nº 12.

Documents transmis par Mme Maes à l'occasion de son audition :

1. Programme de la visite officielle du ministre de la Défense, M. Leo Delcroix, aux militaires belges au Rwanda, 10 au 13 mars 1994.

2. Lettre adressée au secrétaire général des Nations unies : « À propos des troupes belges au Rwanda », novembre 1993.

Documents transmis par M. W. Kuijpers à l'occasion de son audition :

1. Exemplaire de la revue Dialogue, nº 190, avril-mai 1996.

2. Dossier concernant l'assassinat de M. Olivier Dulieu, le 7 avril 1994, à Rambura, transmis par M. P. Dulieu dans le cadre de son audition devant la commission du 19.2.1997.

Documents transmis par le sénateur Destexhe au Président :

1. Déclaration du 7 avril 1994 relative à l'assassinat de leurs excellences le chef de l'état rwandais, le général-major Juvenal Habyarimana, et le chef de l'État burundais, M. Cyprien Ntaryamira, et les membres de leurs délégation;

2. Lettre du docteur MURAYI Paulin, président du MRND ­ Section belge ­ au ministre Delcroix, 08.03.1994;

3. Fax de M. Alain De Brouwer, conseiller politique de l'IDC à M. P. Ngaboyamahina, président du MRND ­ Section Belgique, 05.01.1992.

Lettre du secrétaire d'État à la Coopération au développement, M. R. Moreels en réponse à une question écrite de la commission du 12 mars, d.d. 3 avril 1997, avec annexes suivantes :

1. 1a ODA-cijfers 1990-1994;

2. 1b lijst van de 84 projecten in het kader van de directe bilaterale samenwerking;

3. 2a Lijst van NGO-projecten. Uitgevoerd met financiële ABOS tussenkomst;

4. 3a et 3 b : enige informatie inzake de financiële samenwerking met Rwanda 1990-1994.

Lettre et annexes de M. Gasana Ndoba, membre du Groupe de coordination du CRDDR, ancien coordinateur du comité (1990-1995) :

Document 1 : Audition devant la Commission spéciale Rwanda le 19 février 1997.

Document 2 : Témoignage de Mme Marguerite Lens Nyirazaninka.

Document 3 : Témoignage de Mme Mukeshimana Florida. Épouse de M. Ngulinzira, ancien ministre rwandais des Affaires étrangères 16.02.1996.

Document 4 : Liste indicative faite par le CRDDR de responsables présumés du génocide et de massacres politiques perpétrés au Rwanda résidant ou ayant récemment résidé en Belgique (17.04.1997).

Annexes au document 4 :

Annexe 1 : Appel à la conscience des Bahutu.

Annexe 2 : Pro justitia du Tribunal de première instance de Bruxelles (22.07.96)

Annexe 3 : Versement d'un montant de 500 000 fr. de M. Rwabukumba Seraphin en date du 06.07.1993

Annexe 4 : Lettre de la Kredietbank, attestation concernant Mr. Rwabukumba en date du 24.05.1994.

Annexe 5 : Sommaire du Journal officiel de la République rwandaise en date du 30.11.1996.

Annexe 6 : 1994 ­ Hachette : Observatoire géopolitique des drogues. État des drogues, drogue des états (p. 113 ­ p. 115).

Annexe 7 : Controverse criminel ou courageux ­ Questions sur le rôle de l'ancien chef de la gendarmerie rwandaise, témoin clef de la tragédie de 1994. Il vit aujourd'hui en Belgique. Les silences du général, Le Vif l'Express ­ 07.03.1997.

Annexe 8 : Lettre de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) à Kigali Situation du compte RTLM au 15.08.1993, en date du 01.09.1993.

Annexe 8 a : Liste des actionnaires B.A.C.A.R., en date du 25.08.1993.

Annexe 8 b/1 : Liste des actionnaires B.C.R. en date du 25.08.1993.

Annexe 8 b/2 : Liste des actionnaires B.C.R. Agences en date du 25.08.1993.

Annexe 8 c : Liste des actionnaires Banque de Kigali (BK) en date du 25.08.1993.

Annexe 9 a : Communiqué de presse nº 93/32 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 10.08.1993.

Annexe 9 b : Communiqué de presse nº 93/33 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 27.08.1993.

Annexe 9 c : Communiqué de presse nº 93/35 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 09.12.1993.

Annexe 9 d : Communiqué de presse nº 94/36 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 12.01.1994.

Annexe 9 e : Communiqué de presse nº 94/37 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 14.01.1994.

Annexe 9 f : Communiqué de presse nº 94/38 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 25.02.1994.

Annexe 9 g : Communiqué de presse nº 94/39 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, en date du 25.02.1994.

Annexe 9 h : Communiqué de presse nº 94/40 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda en date du 5 et 7 mars 1994.

Annexe 9 i : Déclaration du Comité sur les violences qui secouent le Rwanda depuis l'annonce de la mort des présidents Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda, 10.04.1994.

Annexe 9 j : Communiqué de presse nº 94/41 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda en date du 16.04.1994.

Annexe 9 k : Communiqué de presse nº 94/42 : Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda en date du 24.04.1994.

Annexe 9 l : Lettre du Comité pour le respect des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda de M. Gasana Ndoba à M. Ibrahim Gambari, ambassadeur du Nigéria auprès des Nations unies ­ Demande de renforcement de la MINUAR au Rwanda, 02.05.1994.

Annexe 9 m : Lettre de M. Iqbal Riza, Assistant Secretary-general for Peace-keeping Operations for the United Nations à M. Gasana, Coordinateur du CRDDR. (05.05.1994).

Annexe 9 n : Massacres ­ Un complot bien orchestré, Le Vif l'Express, 15.05.1994.

Annexe 10 : Deuxième et douloureux anniversaire du génocide et des massacres au Rwanda (7 avril à début juillet 1994) ainsi que de la perte de nombreux membres de notre famille. Invitation à la commémoration.

Annexe 11 : Rwanda : M. Kuypers dénonce l'entourage du Président ­ La libre Belgique, 3-4/10/92.

Annexe 12 : Rwanda : négocier le départ des Casques bleus belges ­ Le Soir, 16-17.04.1994.

Leçons « Winter Lodge » , 08 oct. au 5 févr. 93.

Document de M. Ndindiliyimana, Témoignage écrit sur les événements du Rwanda, 21.04.1994.

Lettre de M. A.M. Kavaruganda, M. A.N. Gafaranga et M. M.F. Ngulinzira, objet : témoignage des rescapées des événements tragiques du Rwanda d'avril 1994, 26.04.1997.

(3) Documents obtenus par la commission d'enquête parlementaire Rwanda

a) Documents distribués aux membres

A. DOCUMENTS DES AUTORITÉS DE L'ONU

Document du Conseil de sécurité des Nations unies : Lettre de Boutros Boutros-Ghali au président du Conseil de sécurité, 4.4.1994. Rapport préliminaire de la commission d'experts indépendants établie conformément à la résolution 935 (1994) du Conseil de sécurité.

Document du Conseil économique et social des Nations unies, 28.6.1994 : Rapport sur la situation des droits de l'homme au Rwanda, soumis par M. R. Degni-Ségui en date du 25 mai 1994.

Liste d'interviews du général Dallaire, 30.5.1997.

B. DOCUMENTS DES AUTORITÉS POLITIQUES BELGES

Notifications et décisions du conseil des ministres et du cabinet restreint :

1. notificatie ministerraad 7.4.1994;

2. beslissingen ministeriële vergadering 8.4.1994;

3. beslissingen van het kernkabinet van 10.4.1994, 11.4.1994, 12.4.1994, 13.4.1994, 14.4.1994 en 16.4.1994;

4. notificatie van de ministerraad van 15.4.1994;

5. documenten Buitenlandse Zaken.

Documents des Affaires étrangères transmis suite à la question du Président du Sénat du 2 juin 1997 :

1. réunions;

2. télex, communications et instructions;

3. documents.

Document transmis par le ministre Poncelet lors de son audition du 25.6.1997.

Réponses du cabinet de la Défense nationale aux questions de la commission lors de l'audition du lieutenant-colonel Briot :

1. Nota voor JSO-P betreffende Operatie SILVER BACK, 19.6.1997;

2. Vergadering OPSC ­ 15 maart 1994;

3. situatie ex-Joegoslavië van 15 maart 1994;

4. Vergadering OPSC, 17 maart 1994;

5. situation en ex-Yougoslavie à la date du 17 mars 1994;

6. Unamir, KIBAT : Material KIBAT asked by Unamir for BYUBAT, 19.4.1994.

Documents transmis par M. Delcroix :

1. Bezoek van de minister van Landsverdediging aan de Belgische militairen in Rwanda, 10-13 maart 1994;

2. UNAMIR ­ Force HQ, introductory brief, 11 maart 1994;

3. Briefings betreffende UNAMIR;

4. Reis minister Claes aan Rwanda, 28.2.1994;

5. dossier pour monsieur le ministre concernant les opérations en Afrique de la part du Chef de l'État-major général, 12.7.1994;

6. le problème ethnique au Rwanda et au Burundi, exposé par SGR SDRI B3, 10.1.1992;

7. Rwanda, service général du renseignement et de la sécurité, 15.4.1993;

8. Rwanda, evolutie van de toestand sinds november 92, 15.3.1993;

9. Rwanda, situation politique, service général du renseignement et de la sécurité, 7.10.1993.

Documents transmis par le Premier ministre Dehaene:

1. notificaties van de ministerraden, 8.10.1993;

2. nota betreffende het kernkabinet van 10.11.1993;

3. notificaties van de ministerraad van 19.11.1993.

Textes des déclarations de M. Claes, M. Dehaene, M. Delcroix, M. Charlier et de M. Marchal devant les caméras du Journal télévisé de la RTBF.

C. DOCUMENTS DES AUTORITÉS MILITAIRES

Lettre du colonel Marchal aux membres de la commission concernant l'arrêt de la Cour militaire du 4.7.1996 à son égard, en date du 11.4.1997.

Document transmis par le major Maggen suite à son audition devant la commission du 7.5.1997.

Documents transmis par le commandant Noens :

1. fax du lieutenant-colonel A. Leroy au C Ops : maintien et rétablissement de l'ordre public (MROP) du 1.3.1994;

2. fax du lieutenant-colonel A. Leroy au C Ops : Drafts Ops instructions du 1.3.1994;

3. Lettre de GSM Hamidur Rahman Major pour le Sector Commander : Draft Ops instructions for review and comment du 28.2.1994;

4. operational directive nº 9 du général Dallaire, mars 1994;

5. operational directive nº 10 du général Dallaire, février 1994.

Lettre du général-major Jacqmin, fax van 15de Wing luchttransport aan generale staf vanwege lieutenant-colonel Malaise betreffende de installatie van een detectiesysteem op C130's, 14.5.1997.

Document transmis par le colonel Leclercq :

1. Les opérations de maintien de la paix, la dimension politique, avril 1997;

2. Peacekeeping operations, an evolving concept, 4.12.1995.

Fax du lieutenant-colonel Malaise, inlichtingen voor de Rwanda-commissie, 9.4.1997.

Annexe : document EMG C Ops au KIBAT d'avril 1994 concernant les C130.

Lettre du capitaine Theunissen à l'attention des membres de la commission en préparation de son audition du 6.6.1997, 18.5.1997.

Documents transmis lors de l'audition du capitaine Theunissen le 6.6.1997 :

1. Lettre concernant F. Twagiramungu, 1.4.1994.

2. Plan du camp Kigali.

Extrait « Éléments de réponse aux questions de JS », transmis par le lieutenant-colonel Briot lors de l'audition du 13.6.1997.

Document transmis par le capitaine Theunissen lors de son audition du 6.6.1997 : Documents de travail personnels du capitaine Theunissen.

Réponses du lieutenant6colonel E. Van Put concernant les « code cables » de H.K. MINUAR, 13.6.1997:

1. Rapport-UNMO concernant le massacre des paracommandos belges du 7.4.1994;

2. Note du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération au développement au SG, 11.4.1994;

3. Lettre de M. Booh-Booh au chef d'État-major des Forces armées rwandaises, 14.4.1994;

4. Accord entre FPR, FGR et MINUAR, janvier 1994;

5. Draft letter UNAMIR from Force Commander, subject : disengagement, demobilization and integration of both armies and the gendarmerie ­ budget and personnel plan, february 1994, demobilization calender;

6. Note sur le financement de la mission du chef de la planification, février 1994, liste des nºs de téléphone.

Lettre du colonel Balis au président de la commission concernant renseignements sur les événements au Rwanda, 12.6.1997.

Annexes :

1. préconditions à une éventuelle rencontre de discussion d'un cessez-le-feu (FPR), 15.4.1994;

2. aanvraag tot evacuatie van RPF-leden;

3. informatiebriefing 30.12.1993;

4. operatie-order UNO.

« Aide-Mémoire », pour la mission UNTAES (juillet 1996), avant-propos par colonel BEM W. Heyvaert.

Documents remis par le colonel BEM Marchal lors de son témoignage devant la commission le 10.6.1997 :

Journal de campagne : Récapitulatif des événements qui se sont déroulés à Kigali du 6 avril 1994 à 20 h 30 jusqu'au départ de la capitale rwandaise du dernier homme de KIBAT le 19 avril 1994.

D. AUTRES DOCUMENTS

Discours de l'abbé André Sibomana du 10 décembre 1993 prononcé à l'occasion du 45e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme.

Exemplaire du quotidien Golias Magazine, été 1996, nº 48-49.

Sommaire de « L'usage de la dette extérieure du Rwanda (1990.1994), La responsabilité des bailleurs de fonds ». Analyse et recommandations, M. Pierre Galand et M. Michel Chossudovsky, novembre 1996.

Communiqué de presse de la part de M. Eugène Nahimana:

Sujet : comment un arrêt de la Cour de cassation peut transformer un innocent en coupable présumé

Qui a confondu Nahimana ET Nahimana? 7.5.1997.

Témoignage de M. Shyrambere : réflexions et témoignages sur les événements du Rwanda en date du 26.4.1997.

Chronique d'un génocide annoncé, un film de Mme Danièle Lacourse et M. Yvan Patry.

Documents transmis par Mme De Backer :

1. brief van de heer Willy Claes : Belgische initiatieven t.o.v. Rwanda, 4.5.1997;

2. lettre de M. Murayi Paulin, attaché de presse pour le MRND Belgique, adressée à MRND Kigali : visite du Ministre Delcroix au Rwanda, 9.3.1994.

Lettre de M. Gérin, complément de réflexions sur l'assassinat du président Habyarimana, 15.5.1997.

Documents transmis par le sénateur Hostekint, réunion à huis clos du 16 mai 1997.

Sujet : chronologie événements Rwanda, avril 1994.

Documents transmis par le sénateur Anciaux :

1. non aux massacres au Rwanda, communiqué de presse, 6.10.90, communauté rwandaise en Belgique

2. nouvelles étapes vers la démocratie, M. André Louis, 1.8.91

3. lettre de M. Munyazesa à MM. Delcroix et Saur concernant le MRND

4. résumé de la loi sur les partis, F. Nahimana, 10.6.91 ­ programmation de la nouvelle constitution, 12.6.91

5. lettre à André Louis de la part de la Nonciature Apostolique au Rwanda, 17.2.1992

6. lettre de M. G. Ruggiu, M. W. Nzasalirwa et M. P. Murayi, 30.3.1993

7. programme de visite de Mme De Backer au Rwanda du 9 au 15 mai 1992

8. correspondance de M. De Brouwer, Conseiller de l'IDC :

­ lettre à M. Leo Delcroix, 14.6.1991

­ proposition de M. F. Munyazesa, 22.4.1991

­ lettre au Premier ministre Martens, 28.1.1991

­ lettre au ministre Eyskens, 28.1.1991

­ lettre au ministre Nkundabagenzi, 5.3.1992

­ lettre au dr. P. Murayi, 12.1.1993

­ lettre au cabinet du Premier ministre, Kigali, 19.1.1993

­ lettre à M. Ngirumpatse, secrétaire général du MRND, 20.1.1993

­ note à M. André Louis, 8.3.1993

­ lettre à M. Thuysbaert, chef de cabinet du ministre Delcroix, 9.3.1994

­ lettre à M. Van Hecke, 10.6.1994

­ rapport succinct concernant la rencontre de Bukavu sur le thème crucial du retour des réfugiés rwandais, 2.11.1994

­ lettre au rédacteur en chef du Soir, 2.11.1994

­ lettre à M. W. Martens, 14.3.1995

­ lettre à M. W. Martens, 14.3.1995

9. Correspondance de M. André Louis, vice-président IDC.

­ lettre à M. Gérard Deprez, président du PSC, 28.11.1994

­ lettre à M. Gérard Deprez, président du PSC, 1.9.1994

­ Quel avenir pour quel Rwanda?, 21.11.1994

­ Rwanda, genèse d'un drame, le pire est-il pour demain?, 4.8.1994

­ lettre à MM. Saur et Willems, 30.5.1994

­ Rwanda, la stratégie du FPR, note interne, 13.4.1993

­ L'IDC exige la reprise du processus de démocratisation au Rwanda, 14.2.1993

­ la situation au Rwanda, note interne, 28.1.1993

­ la démocratisation du Rwanda, 8.2.1992

­ lettre à M. Nsabimana, représentant du MDR, Benelux, 17.1.1992

­ lettre à M. Gérard Deprez, 14.11.1994

10. lettre de M. Léon Saur, à M. Ruperez, secrétaire général de l'IDC 16.6.1995.

Documents transmis par le sénateur Caluwé :

1. articles de journal : Golias condamné pour diffamation, Libération, 26.4.1997 en La Croix, 27.4.1997;

2. CMI voorzitter de heer Serge Desouter neemt het op voor de verloren eer van de missionarissen, 31.7.1996;

3. brief aan de heer Gouteux, onderzoeker Golias magazine vanwege de h. Desouter, eis tot recht van antwoord van 7.8.1995;

4. brief aan de heer Terras vanwege pater Theunis, eis tot recht van antwoord, 10.7.1995;

5. affirmations et erreurs manifestes de Golias, datum en auteur onbekend;

6. les Pères Blancs et les Soeurs Blanches, Golias, juli-augustus 1995, J.P. Gouteux;

7. Heeft de kerk in Rwanda gezwegen? Serge Desouter, juni 1994;

8. note de travail, juillet 1994;

9. éléments d'une esquisse historique de la tragédie rwandaise, de heer Serge Desouter, september 1994;

10. CMI Voorzitter de heer Desouter : Rwandese leugens moeten ontmaskerd worden, juni 1995.

Documents de la part de maître Luc De Temmerman :

1. lettre à la commission « betreffende het oproepen van getuigen, tegensprekelijkheid van het debat en juridische manipulatie », 27.5.1997;

2. lettre à Mme Arbour, procureur du tribunal pénal int. pour le Rwanda, « betreffende Rutaganda. Procureur ICTR 96-3-7, 27.5.1997 »;

3. fax au président, correspondance et « déclaration à la presse » de M. Barahinyura.

Lettre de M. Nsanzuwera au ministre de la Justice du Rwanda, 20.5.1997.

Lettre de M. Philippe Claeys au président de la commission du 16.5.97 concernant Eugène Nahimana.

Annexe : communiqué de presse, action en justice contre le sénateur A. Destexhe.

Lettre de M. Ngulinzira, réaction au témoignage du capitaine Lemaire, 25.5.1997.

Document transmis suite à l'audition de Mme De Temmerman en date du 28.5.97 :

Verblijf in Rwanda 1991-1997.

Lettre de M. Rwabukumba Séraphin au président de la commission, 22.5.97;

Lettre de M. Rwabukumba Séraphin à la commission de recours des réfugiés concernant le recours contre la décision du commissaire général de lui refuser la qualité de réfugié.

Bijlage : document van EMG C Ops aan KIBAT van april 1994 betreffende C 130's.

Documents transmis par le sénateur Destexhe lors de la réunion du 28.5.97:

1. interview du Père Greindl, novembre 1996;

2. Le chaudron de l'Afrique centrale, ANB ­ BIAN 257, 25.4.1994.

Documents transmis par M. Léon Saur aux membres de la commission suite à son audition du 30.5.1997 :

1. Documents IDC;

2. Documents PSC;

3. Convertissons-nous pour vivre ensemble dans la paix, Diocèse de Kabgayi, Rwanda, 1.12.1991;

4. La guerre et la paix au Rwanda, M. Nsabimana Alexis, décembre 1992;

5. Analyse de la situation politique au Rwanda à la lumière des accords d'Arusha, M. Sperancie Mutwe, 14.1.1993;

6. Communauté des étudiants rwandais en Belgique, Rwanda : Violation des droits de l'homme. D'autres vérités, 23.2.1993;

7. Documents Front Patriotique Rwandais;

8. Documents Mouvement Démocratique Républicain, section Benelux.

Document transmis par M. Twagiramungu lors de son audition du 30.5.1997;

Forces de résistance pour la démocratie FRD, plate-forme politique, mars 1996, document transmis par M. Twagiramungu.

Textes transmis par Mme Els De Temmerman lors de son audition du 28.5.1997.

Documents transmis par M. André Louis lors de son audition du 3.6.1997 :

1. Rwanda, la stratégie du FPR, 13.4.1993;

2. Rwanda, aggravation prévisible de la crise après les négociations d'Arusha, 17.7.1992.

Documents transmis par M. Theunis lors de son audition du 3.6.97 :

1. extraits des statuts de RTLM;

2. lettre à M. Christian Terras, 4.12.1994;

3. lettre à M. Christian Terras, 10.7.1995.

Document de M. Saur : Rwanda, le soutien belge aux génocidaires et l'éclatement possible d'affaires Touvier en Belgique, en date du 16 mars 1997.

Texte transmis à la commission par M. Godfriaux le 19.2.1997.

Lettre de M. Pierre Galand à l'attention du président de la commission, lettre en date du 9 juin 1997 :

Annexes :

1. tableau de la configuration de la dette extérieure du Rwanda;

2. tableau des dépenses ordinaires de l'État en matière de Défense nationale;

3. tableaux synthétiques 1991-1994 des importations définitives du Rwanda;

4. tableaux des importations d'armes blanches réalisées en 1993;

5. « Explications III », importation des armes, munitions et équipements militaires par le gouvernement rwandais 1990-1993;

6. prélèvements sur compte de la Banque nationale du Rwanda, période 7.4 - 28.10.1994;

7. lettre de M. Maystadt à M. Sandstrom de la Banque mondiale;

8. lettres échangées entre le directeur de la Défense nationale belge et l'Ambassadeur du Rwanda en 1991;

9. communication du CLADHO de M. Nkubito;

10. budget.

Lettre au président de la commission, M. Swaelen de la part de M. Joseph Michel, Doyen de l'Ordre national des avocats concernant : Déposition des avocats devant une commission d'enquête parlementaire, en date du 10.6.1997.

Documents transmis par M. Matata lors de son témoignage devant la commission du 17.6.1997 :

1. exposé introductif de M. Matata;

2. rapport d'activités ARDHO 1993,1992, octobre 1990-décembre 1991;

3. les massacres planifiés de civils hutus dans la préfecture de la ville de Kigali (P.V.K.);

4. massacres de civils hutus en commune Mugina-Gitarama;

5. la paralysie du système judiciaire par l'armée;

6. colloque international tenu à Montréal du 4 au 5 avril 1997;

7. centre de lutte contre l'impunité et l'injustice au Rwanda :

­ Communiqué nº 13/97, 29/5/1997;

­ Les syndicats de délateurs, mai 1997;

­ L'Armée Patriotique Rwandaise est-elle en guerre contre la population civile? Volume I, mai 1997;

­ Que sont devenus les militaires des ex-forces Armées Rwandaises « Intégrés » dans l'Armée Patriotique Rwandaise ou récemment « rapatriés » des camps de réfugiés? Dossier nº 1, mai 1997;

­ Communiqués nº 1 du 8 mai 1996 au nº 12 du 25 mars 1997;

­ Notes pour information à nos partenaires, avril 1997;

­ Épuration ethnique de la magistrature rwandaise, avril 1997.

8. ARDHO :

­ Rapport sur la situation des droits de l'homme au Rwanda, Ier trimestre 1996;

­ Rapport sur la situation des droits de l'homme au Rwanda, IIIe Trimestre 1996.

9. Communiqué final du deuxième congres ordinaire de la LDGL (Mbaraba 19-20 décembre 1995).

Lettre au président de la commission de la part de M. Gasana Ndoba, membre du CRDDR concernant la transmission de documents relatifs à Eugène Nahimana en date du 17.6.1997.

Document de M. Dismas Nsengiyaremye :

Rwanda, Mouvement démocratique républicain (MDR) :

Pour le respect des accords de paix d'Arusha et le succès du processus démocratique au Rwanda, 10.9.1993.

Documents transmis par M. Twagiramungu le 17.6.1997 :

1. la transition, l'accord de paix et le MDR, M. F. Twagiramungu, 23.9.1993;

2. position du parti MDR sur les grands problèmes actuels du Rwanda, adoptée par le bureau du MDR le 6.11.1994;

3. le FPR serait responsable du massacre d'au moins 500 000 Rwandais, hutu pour la plupart; Force de Résistance pour la Démocratie, mai 1996;

4. éléments relatifs à l'attentat contre l'avion présidentiel, note de 1995 à M. Twagiramungu.

Lettre au ministre Delcroix de la part de Mme Monique Mujawamaliya, secrétaire de la LDGL, concernant la coopération militaire belgo-rwandaise, 11.3.1994.

Documents transmis par M. Destexhe :

1. lettre de M. Léon Saur concernant demande d'aide du MNRD, 29.4.1991;

2. communiqué de presse, de la poudre aux yeux a la commission Rwanda, M. Eugène Nahimana, 18.6.1997;

3. overzicht reis minister Claes naar Rwanda, 28.2.1994;

4. fax du colonel Marchal, références des Doc relatifs à la chronologie des événements, 18.6.1997;

5. outgoing code cable from Booh Booh to Kofi Annan , 8 avril 1994;

6. Vlamingen laten Rwanda niet vallen , enquête Het Volk, 19.4.1994;

7. lettre de Jacques Collet au président de la commission, 8.6.1997;

8. réponse de la commission à la note remise par le conseil de M. E. Nahimana, 17.6.1997.

Transcriptions des interventions antenne période 6.4.1994-20.4 1994 : RTBF, journal parlé.

Note de synthèse transmis par le sénateur Destexhe concernant une lettre à M. Swinnen et au ministre Claes : liste de membres de l'état-major secret chargé de l'extermination des Tutsis, 27.3.1992.

Documents de M. Tallier :

1. Rwanda, informations générales d'office, 20.1.1994;

2. werkdocument Veiligheid van de Staat, Rwanda.

Documents de M. Scheers :

1. persoonlijke documenten van Meester Scheers;

2. lettre de M. Scheers au président Habyarimana en date du 22.12.1993.

Document transmis par M. Brouhns lors de son témoignage du 25.6.1997 : Special Report of the Secretary-General on the United Nations Assistance Mission for Rwanda, 20.4.1994.

Lettre aux membres de la commission de M. Philip Verwimp « betreffende zijn doctoraatsvoorstel over de Rwandese genocide » , 20.6.1997.

Questions et réponses du général-major Schellemans, transmises aux membres de la commission le 26.6.1997.

Demande d'audition de la part du CRDDR, M. Gasane Ndoba, 26.6.1997.

Conférence de presse, témoignage plus annexes de M. Augustin Ndindiliyimana, 21.4.1997.

Explications de M. Swinnen sur son rapport du 27 mars 1994 au ministre Claes, 23.6.1997.

Mise au point adressée à la commission Rwanda par M. Eugène Nahimana, 1.7.1997.

Lettre à l'attention du président de la commission de la part de l'organisation Citoyens pour un Rwanda démocratique, 4.7.1997.

Documents de l'ambassade de Belgique à Kigali :

1. document confidentiel de M. Swinnen au Ministre Claes, Rapport politique annuel 1993, 30.12.1993;

2. document vanwege de h. De Coninck aan minister Derycke, politiek jaarverslag 1994, 23.5.1995.

« Les commissions parlementaires belges, Que peut-on en attendre? », M. Spiridon Shyrambere, juillet 1997.

Documents transmis par le sénateur Destexhe :

1. lettre de la part du « Groupe de réflexion rwando-belge », signé par M. Georges Ruggiu, M. Paulin Murayi et M. W.Nzabalirwa à M. Alain De Brouwer en date du 7 septembre 1993;

2. Message de la part du « Groupe de réflexion rwando-belge », signé par M. Georges Ruggiu et M. Paulin Murayi en date du 10 janvier 1993;

3. lettre de M. Alain De Brouwer à M. Paulin Murayi, reponse du message du 10.1.1993, 12.1.1993.

Rapport d'ensemble enseignements tirés de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), octobre 1993-avril 1996. Groupe des enseignements tirés des missions. Département des opérations de maintien de la paix, décembre 1996.

Rapport Van Hecke. Militaire Studie Rwanda « Kritische Analyse van het verslag van de Ad-hoc groep Rwanda »

(4) Documents dont les membres de la commission ont pu prendre connaissance

Deux fardes concernant M. Eugène Nahimana du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

Parties I, II et III de l'enquête du juge d'instruction Lemmens concernant les installations radio vendues par la firme Van Rompaey-Devaro au profit de RTLM.

Télex de notre ambassade à Nairobi concernant un témoignage sur l'implication du général Dallaire et des Casques bleus belges dans l'assassinat du président Habyarimana.

Dossier Nahimana/RTLM-Houtmans transmis par le ministre de la Justice le 12 août 1997.

Procès-verbaux des réunions des commissions mixtes Belgique-Rwanda (période 1990-1994).

Documents transmis par le secrétaire d'État à la Coopération au développement :

­ Liste des ONG qui étaient présentes au Rwanda depuis 1990 à ce jour;

­ Liste des ordonnancements par année et par ONG des projets et actions ONG cofinancés au Rwanda jusqu'à ce jour;

­ 4 dossiers Nord-Sud Coopération;

­ commission mixte Belgique-Rwanda août 1991 ­ document préparatoire de la section coopération (Ambassade de Belgique à Kigali ­ Section coopération, 19/7/91);

­ « Commission mixte de la coopération au développement entre la Belgique et le Rwanda ­ Document de travail : Mémorandum de la Coopération au développement entre la République rwandaise et le Royaume de Belgique » (République rwandaise, Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération au développement, Kigali, août 1991)

­ « Commission mixte belgo-rwandaise ­ Document de travail à l'usage de la délégation belge ­ interventions en cours et en préparation gérées par DG2(AGCD, D2, Bruxelles)

­ « Commission mixte de la coopération au développement entre la Belgique et le Rwanda : procès-verbal, Kigali, 26-30 août 1991 »

­ « Procès-verbal de la réunion d'évaluation à mi-parcours du programme de coopération au développement entre la Belgique et le Rwanda pour la période 1992-1993; Kigali 2-6.10.92 »

­ Procès-verbal de la réunion de concertation sur la coopération belgo-rwandaise; Kigali 29.06-07.07.93

­ Synthesenota betreffende de financiële samenwerking met Rwanda met bijlagen : Bijlage 1 tot 12 : akkoorden en uitwisselingen van brieven i.v.m. deze samenwerking; Bijlage 13 tot 19 : overzicht van de uitvoering van de financiële akkoorden met Rwanda, inclusief het gebruik van de rekeningen bij de Nationale Bank van België

­ Landennota november 1990, juni 1991 en februari 1994, beleidsnota augustus 1993, synthesenota april 1992.

1.3.1.10. Devoirs d'instruction

(1) Cadre juridique

En vertu de l'article 4 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, la commission ainsi que son président, pour autant qu'il y soit habilité, peuvent prendre toutes les mesures d'instruction prévues par le Code d'instruction criminelle (15).

La commission peut adresser une requête au premier président de la cour d'appel, qui désigne un ou plusieurs conseillers à la cour d'appel, ou un ou plusieurs juges du tribunal de première instance, d'accomplir des devoirs d'instruction spécifiques(16).

La commission est tenue, pour certaines mesures d'instruction, de demander la désignation d'un magistrat(17).

La commission peut également, conformément à la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements, charger les Comités permanents P et R d'effectuer les enquêtes nécessaires(18). La commission n'a pas fait usage de cette compétence.

Lorsque des renseignements doivent être demandés en matière criminelle, correctionnelle, policière ou disciplinaire, la commission doit adresser une demande au parquet ou à l'auditorat général(19).

Pour ce qui est des renseignements d'ordre administratif, la demande doit être adressée au ministre ou au secrétaire d'État compétent(20).

(2) Devoirs d'instruction effectués par la commission d'enquête

Auditions de témoins et confrontations

a) Liste des témoins et des confrontations

Voir 1.3.3.2. et 1.3.3.4.

b) Principe de la convocation par lettre ordinaire

Conformément à l'article 4 du règlement de la commission d'enquête, les témoins ont été convoqués en principe aux auditions par lettre ordinaire.

Il a toutefois été nécessaire de faire une exception en ce qui concerne la convocation de M. E. Nahimana.

M. E. Nahimana a déclaré spontanément, au cours de l'audition du 14 mai 1997 avec Mme de Backer, qu'il ne voulait pas témoigner en présence de M. Destexhe, membre de la commission. Cette déclaration a dû être comprise comme constituant un refus de témoigner.

En exécution de l'article précité du règlement d'ordre intérieur, M. Nahimana a par conséquent été cité à comparaître par le ministère d'un huissier de justice. En l'occurrence, la commission a appliqué l'article 5 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, qui fixe le délai de la citation à deux jours au moins.

Demandes d'informations

En application de l'article 4, § 6, de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, la commission a, principalement, adressé des demandes d'information notamment au Premier ministre et aux ministres de la Défense nationale, des Affaires étrangères et de l'Intérieur, ainsi qu'au secrétaire d'État à la Coopération au développement.

Les documents qui ont été obtenus par cette voie sont mentionnés dans la liste de documents qui figure au point 1.3.3.8.

Perquisition ­ Saisie de biens

L'enquête de la commission n'a donné lieu à aucune perquisition au sens d'une mesure d'instruction unilatérale.

Dans le seul cas où une perquisition a été envisagée, la possibilité a été donnée à l'intéressé, en l'espèce maître Scheers, avocat près du barreau de Bruxelles, de recevoir un membre de la commission en ses bureaux en présence d'un juge d'instruction désigné par le premier président de la Cour d'appel de Bruxelles.

La commission a donc jugé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une perquisition unilatérale. Elle a cependant demandé au premier président de la Cour d'appel de Bruxelles de prendre les mesures nécessaires pour permettre d'exécuter sans délai une décision éventuelle de procéder à une telle perquisition.

La visite au bureau de Me Scheers a été effectuée par le vice-président G. Verhofstadt, en présence du juge d'instruction Vlogaert.

Le bâtonnier Mme Boliau s'est opposée à la saisie des documents que le juge d'instruction avait emportés à l'occasion de cette perquisition. Elle a argué du fait que ceux-ci étaient couverts par le secret professionnel. Le juge d'instruction a conservé les documents en attendant que l'incident soit clos.

Désignation d'un magistrat pour l'accomplissement de devoirs d'instruction

(application de l'article 4, § 2, de la loi de la loi de 1880 sur les enquêtes parlementaires)

a) RTLM ­ financement

En exécution de l'article 4, 2e alinéa, de la décision du Sénat du 23 janvier 1997 visant à instituer une commission spéciale Rwanda(21), la commission spéciale a décidé, à l'unanimité, à la demande d'un tiers de ses membres, de faire usage des compétences prévues à l'article 56 de la Constitution et dans la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires.

La commission a notamment fait usage de ces compétences pour s'enquérir des mouvements de fonds qui ont eu lieu sur un certain nombre de comptes bancaires.

La mesure d'instruction devait permettre de dire si la radio rwandaise RTLM avait été financée à partir de comptes en banque belges et, si oui, comment et dans quelle mesure.

C'est le juge d'instruction-conseiller Vlogaert, qui fut désigné par le premier président en exercice de la Cour d'appel de Bruxelles, M. Ph. Cerckel, qui réalisa cette enquête.

b) RTLM ­ achat de studios

À propos de l'audition de M. Houtmans, qui eut lieu le 3 juin 1997, il a été vérifié si les studios de RTLM avaient pu être achetés auprès de la société Van Rompaey-Devaro de Putte.

La commission d'enquête demanda qu'un magistrat soit chargé d'identifier la personne qui a payé la commande de ces studios et de déterminer le mode de paiement utilisé.

C'est le conseiller E. Lemmens, qui avait été désigné par le premier président de la Cour d'appel d'Anvers, M. L. Janssens, qui réalisé cette enquête.

Dans son rapport concernant l'achat des studios auprès de la société Van Rompaey-Devaro de Putte (voir point 2), le conseiller Lemmens, qui fut désigné en application de l'article 4, § 2, de la loi sur les enquêtes parlementaires, a cité les noms de Mme J. De Jongh, de M. B. Fred et de M. S. Musengimana.

L'on a alors demandé au premier président de la Cour d'appel d'Anvers d'inviter le conseiller Lemmens à entendre Mme De Jongh et M. Fred, et à vérifier qui était M. Musengimana et quels liens il pouvait y avoir entre celui-ci et la radio RTLM.

Demande de renseignements en matière criminelle, correctionnelle, policière et disciplinaire

(application de l'article 4, § 5, de la loi de 1880 sur les enquêtes parlementaires)

a) Les rapports Nees et De Cuyper

Les rapports Nees sont ceux que le lieutenant Nees, officier de renseignements de KIBAT I de novembre 1993 à mars 1994, a transmis régulièrement à son chef de corps, le lieutenant-colonel Leroy. La commission d'enquête ne possédait qu'une dizaine des 29 rapports.

Les rapports De Cuyper sont les cinq rapports que le capitaine De Cuyper, officier de renseignements de KIBAT II en mars-avril 1994, a transmis à son chef de corps, le lieutenant-colonel Dewez.

Ces deux séries de documents se trouvaient entre les mains du juge d'instruction Vandermeersch qui les détenait dans le cadre de son enquête judiciaire relative à certains dossiers concernant les événements qui se sont déroulés au Rwanda en 1993 et 1994.

L'on a réclamé ces documents auprès du procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles, M. Van Oudenhove, qui a décidé de les transmettre sur l'avis du procureur du Roi et du juge d'instruction concerné.

b) Documents du service Afrique du Ministère des Affaires étrangères

Dans son témoignage du 6 mai 1997 devant la commission d'enquête, le juge d'instruction Vandermeersch a évoqué la perquisition qu'il a effectuée au service Afrique du Ministère des Affaires étrangères et au cours de laquelle l'on a saisi certains documents. Au cours de cette perquisition, le juge d'instruction a procédé en personne à certains interrogatoires.

Les documents saisis ainsi que les procès-verbaux des interrogatoires ont été réclamés au procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles, M. Van Oudenhove, qui les a mis à la disposition.

c) Cassette vidéo Marchal

Dans le cadre du procès Marchal, l'auditorat général près la cour militaire a détenu, pendant tout un temps, une cassette vidéo portant des enregistrements que le colonel Marchal avait réalisés en avril 1994.

Comme cette cassette avait déjà été transmise au greffe du Tribunal de première instance de Bruxelles, on l'a réclamée au procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles, M. Van Oudenhove, qui l'a mise à la disposition.

d) Renseignements relatifs à des perquisitions que l'on aurait effectuées éventuellement dans l'affaire des boîtes de collecte sélective Hermes Communications

L'on a invité le procureur général près la Cour d'appel d'Anvers, M. Van Camp, à indiquer à la commission d'enquête quels sont les dossiers judiciaires qui sont liés à l'affaire des boîtes de collecte sélective Hermes Communications et, en particulier, à désigner ceux qui auraient fait l'objet de perquisitions ayant permis de mettre à jour des éléments liés de près ou de loin aux événements du Rwanda.

Par lettre du 20 octobre 1997 du procureur général M. Dekkers, la commission a été informée de l'existence de deux instructions parallèles. Des perquisitions ont déjà été effectuées dans le cadre des deux dossiers, mais elles n'ont mis à jour aucun élément lié de près ou de loin aux événements du Rwanda.

Dossiers transmis

a) Le dossier Nahimana

L'on a transmis le dossier Nahimana au juge d'instruction Vandermeersch, étant donné que l'on a bien dû convenir qu'il contenait des éléments pouvant avoir quelque importance pour les enquêtes judiciaires.

M. Vandermeersch a mis les documents en question à la disposition du procureur du Roi de Bruxelles en application de l'article 10 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires. Sur la base de ces documents, le procureur du Roi a ouvert une information dans l'affaire Nahimana pour vérifier s'il n'y avait pas eu d'infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et aux Protocoles additionnels I et II du 8 juin 1977.

b) Le dossier Maggen

Au cours de l'audition par la commission d'enquête du major Maggen, le 7 mai 1997, l'on a constaté des contradictions entre plusieurs déclarations sous serment. Aussi a-t-on transmis le dossier, en application de l'article 10 de la loi de 1880 sur les enquêtes parlementaires, à l'auditorat général près la Cour militaire, pour qu'il y soit donné suite à telle fin que de droit.

Commissions rogatoires

a) Le dossier Ruggiu

Au cours d'un entretien avec la commission d'enquête, le juge d'instruction D. Vandermeersch a signalé qu'il avait l'intention d'envoyer une commission rogatoire au Tribunal pénal international pour le Rwanda en vue d'interroger plusieurs détenus, dont M. Ruggiu. Le juge d'instruction s'est dit disposé à inclure des questions éventuelles de la Commission d'enquête parlementaire dans son interrogatoire. En vue du respect de la saisine, ces questions ont été transmises au procureur du Roi.

b) Le dossier Dallaire

Le général Dallaire ayant déclaré publiquement, fin septembre 1997, être disposé à répondre aux questions des membres de la commission d'enquête par le biais de la même procédure écrite que celle qui a été utilisée dans le cadre du procès Marchal, l'on a invité le premier président de la cour d'appel de Bruxelles à mettre sur pied une commission rogatoire. Le conseiller Laffineur a été désigné pour cette mission d'instruction le 30 octobre 1997.

Voir aussi : Les restrictions auxquelles la commission a été confrontée; restrictions en raison du refus de coopérer des instances de l'ONU.

1.3.1.11. Règlement d'ordre

Pendant sa première réunion du 30 avril 1997, la commission a adopté son règlement d'ordre.

(1) Les réunions de la commission d'enquête

La commission se réunira en principe le mercredi et le vendredi de 10 heures à 12h30 et de 14 heures à 17h30. Des réunions supplémentaires peuvent être tenues si cela s'avère nécessaire.

Si nécessaire, les réunions publiques seront précédées, à 9h30, d'une courte réunion à huis clos, afin de se mettre d'accord sur l'ordre des travaux. Toutefois, d'autres réunions pourront aussi être réservées à l'ordre des travaux.

(2) Publicité

Conformément à l'article 3, troisième alinéa, de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires, tel que modifié par la loi du 30 juin 1996, les réunions de la commission sont publiques, à moins que la commission n'en décide autrement.

Les délibérations ont toujours lieu à huis clos.

Tout membre du Sénat peut assister aux réunions publiques de la commission sans toutefois pouvoir y prendre la parole.

Les collaborateurs des groupes politiques peuvent assister aux réunions, à moins que la commission n'en décide autrement.

Un seul collaborateur par membre de la commission peut assister aux réunions, à condition d'être accompagné du membre concerné.

Les chefs de groupe communiquent au début des travaux le nom des collaborateurs qui assisteront aux réunions.

La commission peut à tout moment déroger à ces règles.

(3) Devoir de secret

Afin d'assurer le bon fonctionnement de la commission, chacun est tenu au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions tenues à huis clos.

Toute personne autre que les sénateurs qui, à un titre quelconque, assiste ou participe aux réunions non publiques de la commission, est tenue, préalablement, de prêter le serment de respecter le secret des travaux.

(4) Témoins et experts

§ 1. Les témoins et experts seront convoqués par lettre ordinaire.

Si les témoins ne répondent pas à cette convocation, ils seront cités par ministère d'huissier de justice. S'ils refusent de comparaître après citation, un procès-verbal sera dressé, conformément à l'article 10 de la loi précitée. Celui-ci sera transmis au procureur général près la cour d'appel, pour qu'il soit donné telle suite que de droit.

§ 2. S'ils y sont invités, les témoins prêtent le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité. Les témoins sont avertis qu'ils ont le droit de garder le silence s'ils craignent de s'accuser en faisant des déclarations.

§ 3. Le témoin ou l'expert sont invités à confirmer qu'ils persistent dans leurs déclarations.

§ 4. Le procès-verbal des témoignages est signé, soit immédiatement, soit au plus tard quinze jours à date de la fin de l'audition par le président et par le témoin, après que lecture lui en a été faite et qu'il a déclaré persister en ses déclarations. Si le témoin refuse de signer ses dépositions, il en sera fait mention au procès-verbal.

(5) Compte rendu des auditions

Il est établi un compte rendu analytique (CRA/BV) et un compte rendu sténographique des auditions.

Chaque membre du Sénat reçoit, le jour ouvrable suivant, le compte rendu analytique (CRA/BV) des auditions publiques. Le compte rendu sténographique ainsi que le compte rendu analytique des auditions au parties d'auditions se déroulant à huis clos ne sont fournis qu'aux membres de la commission. Si la commission d'enquête le décide, il ne sera pas communiqué de comptes rendus, lesquels ne pourront alors qu'être consultés par les membres de la commission au secrétariat de celle-ci.

Le procès-verbal est conservé au secrétariat de la commission, où il pourra être consulté par les membres. Il n'en sera pas délivré de copie. Le secrétaire tiendra un registre des personnes qui viendront le consulter.

Chaque membre de la commission recevra une copie des comptes rendus des auditions publiques.

Les travaux de la commission, en ce compris les déclarations des témoins et des experts, seront enregistrés sur bandes magnétiques. Celles-ci seront, sous la responsabilité du président et du secrétaire, conservées sous clé au secrétariat de la commission. Seuls les membres de celle-ci pourront en prendre connaissance. En aucun cas les bandes ne pourront être reproduites. Le secrétaire tiendra un registre des personnes qui viendront les écouter.

(6) Méthode de travail

La commission d'enquête dresse, pour chaque témoin ou expert, la liste des questions qui seront posées en premier lieu. Ces questions sont communiquées préalablement à l'intéressé. Elles sont posées par le président ou, le cas échéant, par un autre membre du bureau, au cours de l'audition.

Après la réponse de l'intéressé, tout membre peut poser d'autres questions suivant un ordre fixé par la commission et dans le respect du temps de parole éventuellement impartie par le président.

Au cours des auditions, les membres se bornent à poser des questions. Ils n'engagent pas de discussion avec la personne interrogée ni avec les autres commissaires.

(7) Spécialistes

La commission d'enquête peut faire appel à des spécialistes pour ses travaux.

(8) Presse

À l'issue de chaque réunion, le commission décide s'il y a lieu de faire une communication de presse. Le cas échéant, le président et les autres membres du bureau prendront contact avec la presse.

(9) Rapport final

Les vice-présidents rédigent, à propos des travaux, constatations et conclusions de la commission, un projet de rapport, qui lui est soumis pour discussion et approbation.

1.3.1.12. Données statistiques

Nombre de témoins :95

Nombre d'auditions :

Commission spéciale Rwanda :57

Commission d'enquête parlementaire
Rwanda :52

­­­­
109

Nombre d'heures des auditions :

Commission spéciale Rwanda :165 h.

Commission d'enquête parlementaire
Rwanda :174 h.

­­­­
339 h.

Nombre d'heures de réunion de travail :

Commission spéciale Rwanda :50 h.

Commission d'enquête parlementaire
Rwanda :249 h.

­­­­
299 h.

Nombre d'heures des réunions du bureau :

Commission spéciale Rwanda 14 h.

Commission d'enquête parlementaire
Rwanda :38 h.

­­
52 h.

Nombre d'heures de réunion
du groupe ad hoc Rwanda :40 heures.

1.3.2. Les restrictions auxquelles la commission a été confrontée

(1) Restrictions dues à l'inviolabilité absolue du Roi

Un certain nombre de commissaires ont suggéré que la commission devrait aussi entendre les collaborateurs du Roi, c'est-à-dire les membres du cabinet civil ou de la maison militaire du Roi.

Comme cette question concerne un principe fondamental du droit constitutionnel l'on a, pour pouvoir apprécier si ladite proposition était recevable ou non, demandé l'avis des professeurs A. Alen (K.U.L.) et J. C. Scholsem (U.Lg) ainsi que celui du service Affaires juridiques et Documentation du Sénat(22).

Les divers avis convergeaient en ce sens qu'ils soulignaient qu'en raison de leur position particulière, les collaborateurs du Roi ne peuvent pas être interrogés ni par une commission parlementaire ordinaire ni par une commission parlementaire d'enquête à propos de l'exercice de leur fonction spécifique. Les interroger à ce propos reviendrait à interroger le Roi lui-même, ce qui porterait atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs, de l'inviolabilité absolue du Roi, de l'unité entre le Roi et le Gouvernement et du « colloque secret », c'est-à-dire à l'interdiction de dévoiler la part du Roi dans les décisions prises sous la responsabilité des ministres.

L'on a décidé, sur la base des avis précités, de n'interroger aucun membre du cabinet civil ou de la maison militaire du Roi.

(2) Restrictions en raison du refus de coopérer des instances de l'ONU

La commission a toujours accordé une importance principale aux décisions que les instances de l'ONU ont prises dans le cadre des événements du Rwanda et au contexte concret dans lequel elles ont été prises.

I. Aussi y a-t-il eu un consensus général selon lequel la commission devait, pour pouvoir atteindre pleinement ses objectifs, entendre le témoignage de M. Booh-Booh, qui était à l'époque représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, de M. I. Riza, qui était adjoint de l'adjoint du secrétaire général (DPKO), et de M. Annady, le chef du département Afrique.

L'on a demandé à M. Kofi Annan, le secrétaire général qui était à l'époque secrétaire général adjoint de l'Onu, d'autoriser toutes les personnes concernées à témoigner devant la commission.

L'on a également demandé au gouvernement canadien l'autorisation d'entendre les généraux Dallaire et Barril, qui ne sont plus actifs dans le cadre de l'ONU et qui font partie de l'armée canadienne.

Dans le cadre de l'invitation à témoigner qui date de mars 1997, l'on avait souligné que la commission spéciale n'était pas plus ­ à l'époque ­ qu'une simple commission parlementaire et qu'il ne s'agissait absolument pas d'un organe d'enquête disposant d'une quelconque compétence judiciaire ou pseudo-judiciaire.

Le Gouvernement belge et les ambassades belges auprès des Nations unies et du Canada furent invités à prendre les mesures diplomatiques nécessaires pour convaincre les personnalités onusiennes concernées de collaborer aux travaux de la commission.

Dans sa réponse, le secrétaire général a renvoyé tout d'abord à la Section 18 de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations unies, en vertu de laquelle tous les fonctionnaires, actuels et anciens, des Nations unies, jouiront de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux en leur qualité officielle. En vertu de cette disposition, ils ne peuvent être forcés de témoigner en justice sans l'autorisation du secrétaire général.

Le secrétaire général déduit de l'UN Staff Regulation 1.5. une interdiction de témoigner pour les cadres, anciens et actuels :

« Aside from the question of immunity, pursuant to United Nations Staff Regulation 1.5. neither current nor former staff members may even voluntarily give information on their official activities and on the activities and performance of UNAMIR Operation without an authorization by the Secretary-General. The long standing policy of the United Nations with regard to invitations of United Nations officials to appear before national parliamentary committees or congressional bodies has been that formal testimony before such fora may only be provided upon a specific authorization of the Secretary-General, which is granted if in his opinion such authorization is in the interest of the Organization. »

In casu , le secrétaire général n'a pas accordé l'autorisation de témoigner.

Or, force est de constater que, si l'on a refusé, pendant un certain temps, de transformer la commission spéciale en commission d'enquête, c'est essentiellement parce que les témoignages des personnalités « onusiennes » concernées auraient eu une importance déterminante.

Pour écarter certaines objections, la commission d'enquête décida alors de faire appel à Mme Suhrke, qui avait déjà témoigné devant la commission spéciale et qui avait déjà une expérience spéciale en ce qui concerne la consultation de sources onusiennes.

L'on a demandé à Mme Suhrke de bien vouloir jouer le rôle d'intermédiaire afin de soumettre au général Dallaire des questions spécifiques, formulées par la commission d'enquête.

Mme Suhrke a acquiescé à cette demande.

Fin septembre, le général Dallaire a déclaré publiquement être disposé à répondre aux questions des membres de la commission d'enquête. Il a proposé lui-même cette procédure écrite, avec intervention des Nations unies, qui a été utilisée à l'époque dans le cadre du procès Marchal(23).

À la suite de cette déclaration, la commission d'enquête a invité le premier président de la cour d'appel, en vertu de l'article 4, § 2, de la loi du 3 mai 1880, à mettre sur pied une commission rogatoire destinée à recueillir le témoignage écrit du général.

Mme Suhrke ayant fait savoir, fin octobre, qu'elle souhaitait se voir décharger de sa mission de médiation, l'on a encore fait appel au représentant permanent de la Belgique auprès des Nations unies pour transmettre, par voie diplomatique, une liste de questions écrites aux Nations unies.

Aux questions posées au général Dallaire ont été jointes des questions adressées à l'ancien secrétaire général M. Boutros Boutros-Ghali et au représentant spécial du secrétaire général M. Booh-Booh.

II. À la demande que lui avait adressée la commission spéciale Rwanda en vue d'entendre le lieutenant-colonel Leclercq, à l'époque officier Sit. Room des Nations unies, le ministre de la Défense a répondu en renvoyant au point de vue du secrétaire général des Nations unies. En effet, en 1994, le lieutenant-colonel Leclercq avait été officiellement détaché au service des Nations unies.

Par conséquent, la règle à appliquer serait que ni les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires des Nations unies, ni les militaires qui sont ou ont été détachés auprès des Nations unies, ne peuvent comparaître devant une commission parlementaire sans l'autorisation du secrétaire général des Nations unies. Le fait que l'intéressé soit éventuellement prêt à témoigner spontanément ne changerait rien à cette règle.

En ce qui concerne la demande de comparution du major Delporte, à l'époque officier de l'UNCIVPOL, le ministre de la Défense s'est également fondé sur les restrictions imposées par le secrétaire général de l'ONU.

L'on fait référence, en particulier, à la déclaration signée par le major Delporte, dans laquelle il s'est engagé ­ une fois son détachement auprès de l'ONU terminé ­ à ne fournir aucune information portant spécifiquement sur les activités qu'il a eues pendant son service.

La commission a signalé au ministre qu'elle ne souhaitait absolument pas interroger le major à propos d'éléments stratégiques ou de plans opérationnels, ce qui fait qu'un témoignage éventuel ne serait pas contraire à l'engagement pris par les anciens officiers de l'UNCIVPOL de ne pas diffuser d'informations de service. En outre, en vertu de l'accord du 5 novembre 1993 conclu entre les Nations unies et le gouvernement du Rwanda, notamment l'article 47 b, les militaires qui participent à la MINUAR sont soumis, pour ce qui est des infractions pénales, à la juridiction exclusive des États participants. A posteriori , l'autorité juridictionnelle nationale vaut également pour les simples invitations à témoigner en tant qu'anciens membres de la MINUAR.

Dans une lettre ultérieure, le ministre de la Défense a reconnu qu'en tant que membre du pouvoir exécutif, il ne pouvait pas s'opposer à ce qu'une commission d'enquête parlementaire invite un officier à témoigner, quelles que soient les objections des Nations unies.

Vu la restriction imposée par le secrétaire général des Nations unies, les intéressés n'ont pas été entendus sur les activités de service spécifiques qu'ils ont eues à l'époque des événements du Rwanda.

(3) Restrictions en raison du lien entre l'enquête parlementaire et l'enquête judiciaire

Les prescriptions internationales, constitutionnelles et légales qui régissent directement ou indirectement le lien entre l'enquête parlementaire et l'enquête judiciaire ont considérablement limité l'enquête de la commission Rwanda. L'on vise en particulier l'article 6, deuxième alinéa, C.E.D.H., l'article 14.3.g., C.I.D.C.P., les dispositions constitutionnelles concernant le rapport entre les différents pouvoirs, ainsi que les articles 2, 8 et 9 de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires telle que modifiée par la loi du 30 juin 1996. Il convient de diviser la problématique en deux volets.

Tout d'abord, il fallait respecter les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs ainsi que l'article 1er, § 2, de la loi de 1880 qui les concrétise. Conformément à cette dernière disposition, les enquêtes menées par les Chambres ne se substituent pas à celles du pouvoir judiciaire « avec lesquelles elles peuvent entrer en concours, sans toutefois en entraver le déroulement ». En application de cette disposition, l'on a pris contact, chaque fois qu'il y avait un doute, avec le juge d'instruction Vandermeersch, qui mène une dizaine d'instructions concernant les événements du Rwanda. En outre, la commission a organisé une audition du juge d'instruction Vandermeersch en vue de discuter des dossiers judiciaires en cours. Enfin, la commission d'enquête, toujours pour ne pas entraver des enquêtes judiciaires en cours, n'a pas traité quant au fond, à la demande du juge d'instruction Vandermeersch, un dossier bien précis qui concernait le sort des victimes civiles.

Une autre restriction de l'enquête découlait de l'obligation pour la commission Rwanda d'éviter que des démarches de procédure inconvenantes ne perturbent le cours normal de l'instruction. Il fallait éviter en particulier qu'un témoin soit obligé directement ou indirectement de faire des déclarations par lesquelles il s'accuserait lui-même, de telle façon qu'il pourrait compromettre son droit fondamental à un procès équitable.

Tous s'accordent à dire qu'en ce qui concerne la procédure pénale belge, un tel incident est en principe exclu car l'on a inséré, dans la loi de 1880, une disposition selon laquelle, sans préjudice de l'invocation du secret professionnel visé à l'article 458 du Code pénal, tout témoin qui, en faisant une déclaration conforme à la vérité, pourrait s'exposer à des poursuites pénales, peut refuser de témoigner. En outre, à chaque audition, le président a fait remarquer à chaque témoin, après que celui-ci eut prêté serment, mais avant qu'il ne témoigne, qu'il ne devait faire aucune déclaration par laquelle il s'accuserait lui-même.

Par ailleurs, la commission a pris en considération les éléments suivants, qui l'ont obligée à faire preuve de la prudence requise :

Tout d'abord, le témoin n'est censé avoir le droit de garder le silence que pour les questions spécifiques qui pourraient l'amener à s'accuser lui-même. Pour ce qui est de toutes les autres questions, le refus de témoigner est passible de peines pénales en vertu de l'article 9 de la loi de 1880 (24). Le témoin est donc obligé d'évaluer au moment même où la question est posée si celle-ci peut l'amener ou non à s'accuser lui-même. Une mauvaise appréciation peut conduire à une condamnation.

Deuxièmement, l'on s'accorde à dire que de son droit de garder le silence ne découle pas le droit, pour le témoin, de faire des déclarations mensongères. Dès lors, il doit explicitement invoquer son droit de garder le silence lorsqu'il risque de s'accuser lui-même, même lorsque la question posée est tellement spécifique que le fait même d'invoquer ce droit indique que le témoin risque de s'accuser.

Troisièmement, la commission d'enquête est tenue de transmettre au procureur général près de la cour d'appel les procès-verbaux constatant des indices ou des présomptions d'infractions pour y être donnée telle suite que de droit, et ce, en application de l'article 10 de la loi du 6 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires.

Quatrièmement, il y a le contrôle supranational de la Cour européenne des droits de l'homme, qui peut toujours décider en dernière instance que, malgré la nouvelle version de la loi de 1880 et vu les éléments spécifiques d'un cas spécifique, le témoin a été obligé de fournir des indices relatifs à des données qui l'exposent à des poursuites pénales.

En l'espèce, la problématique se pose d'autant plus que parallèlement à l'enquête parlementaire en question, des enquêtes judiciaires sont en cours (ou peuvent encore être entamées) en Belgique, mais qu'il faut également tenir compte de l'instruction judiciaire en cours devant le tribunal de l'Onu à Arusha. Même le respect le plus rigoureux des normes en matière de sauvegarde des droits de la défense, tels qu'ils sont consacrés par la Constitution belge ainsi que par la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut garantir que le tribunal international en question n'utilisera pas des normes plus strictes en la matière.

Dès lors, s'imposant volontairement une restriction, la commission d'enquête a estimé nécessaire de ne pas appeler certains témoins, ou de ne pas leur faire prêter serment.

(4) Restrictions en raison du refus des services de renseignements étrangers de communiquer des renseignements

La commission Rwanda a constaté qu'elle ne pouvait obtenir aucune information des services de renseignements étrangers, en particulier des services français et américains. Vu l'implication des puissances en question dans les événements du Rwanda sur lesquels la commission enquête, il est évident qu'elle n'a pas pu prendre connaissance de certaines informations, qui sont pourtant essentielles.

En outre, les documents que les instances militaires belges ont mis à la disposition de la commission ont été sélectionnés dans le même but, afin qu'ils ne contiennent aucune donnée empruntée aux services de renseignements précités.


CHAPITRE 2

INTRODUCTION

REMARQUE PRÉLIMINAIRE

Cette introduction a pour seul objet de fournir au lecteur non averti quelques éléments d'information de nature historique, géographique, sociale, démographique et économique sur le cadre général dans lequel s'inscrivent les événements dont la commission a à connaître. Elle n'est bien sûr pas exhaustive. Les analyses et appréciations de l'histoire du Rwanda sont controversées. Aussi la commission a-t-elle estimé devoir intégrer dans cette introduction de larges extraits du Rapport « Joint evaluation of emergency assistance to Rwanda; study 1. Historical perspective » (pp. 14-49) et du livre du professeur Prunier « The Rwanda Crisis-History of a Genocide » (pp. 74 à 90).

A. APERÇU GÉOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET HISTORIQUE

2.1. ÉLÉMENTS DE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE

Le Rwanda est situé dans la région des Grands Lacs africains, entre l'Afrique centrale et l'Afrique orientale, sous l'équateur. Il s'étend entre les parallèles 1º 20' et 3º 50'de latitude sud et entre les méridiens 28º 50' et 30º 55' de longitude est. C'est un petit pays de 26 338 km2 , c'est-à-dire un peu moins que la Belgique. Il est dominé par des étendues montagneuses et des hauts plateaux continentaux. La partie centrale, la plus peuplée, se trouve à 1 500 à 2 000 mètres au dessus du niveau de la mer. Les collines aux flancs escarpées sont recouvertes d'un sol pauvre, fin et fragile. Elles sont séparées par des vallées profondes, souvent marécageuses. Le Nord du pays est couvert par une chaîne de volcans; l'altitude moyenne y est de 2 500 mètres.

Le climat est tropical, mais tempéré par l'altitude. La température annuelle moyenne de la capitale, Kigali, est de 19º C, et il y tombe en moyenne 1 000 mm de pluie par an. Ces conditions sont favorables à l'agriculture, et autorisent plusieurs récoltes par an, là où la qualité du sol le permet.

C'est un pays enclavé, sans accès à la mer. Il est séparé de plus de 2 000 kilomètres de l'océan Atlantique à l'ouest et de 1 500 kilomètres de l'océan Indien à l'est.

Lors du recensement de 1991 et de celui de 1994, le Rwanda comptait respectivement 7,15 et 7,6 millions d'habitants. La densité démographique était donc respectivement de 271 et 292 habitants par km2 . C'est la densité la plus élevée du continent africain. Et en ramenant ce chiffre absolu au sol cultivable (17 600 km2 ), on obtient une densité réelle de 406 personnes par km2 . Dans un pays dont 95 % de la population vit directement de l'agriculture, cette très importante densité de population est un élément essentiel, on le verra. Pour certains auteurs, cette « question de la terre » a joué un rôle important dans les événements de 1994; le sentiment se serait développé « that there were too many people on too little land, and that with a few less there would be more for survivors » (25).

Avant les événements de 1994, on estime que la population se composait de 85 à 90 % de Hutu, de 8 à 14 % de Tutsi et de 0,4 à 1 % de Twa (26).

Les langues officielles sont le français et le kinyarwanda. Le swahili est aussi pratiqué, et certaines populations revenues de Tanzanie et d'Ouganda parlent anglais.

2.2. ÉCONOMIE

2.2.1. Introduction

L'évolution de l'économie du Rwanda suit de près celle de son secteur principal, l'agriculture, qui occupe et assure la subsistance de 95 % de la population. Elle participe directement pour un tiers environ à la production intérieure brute. Le café représente près de 75 % des recettes d'exportation, complétées par 10 % provenant du thé et 8 % d'autres produits du secteur primaire. Le Rwanda est donc monoproducteur et est à la merci des fluctuations des cours du café sur le marché international.

Son économie est peu diversifiée. La production du secteur secondaire est dominée par la fabrication de bières artisanales, qui sont des produits agricoles transformés. Le nombre d'entreprises formelles se limite à une petite centaine orientées vers le marché intérieur. La part relative du secteur tertiaire des services a augmenté dans l'ensemble de la production intérieure du pays, grâce notamment à l'expansion du commerce (27).

2.2.2. Période 1980-1989

Au cours des années 80, des changements structurels s'amorcent dans le secteur agricole. Jusqu'en 1983, la production agricole s'est accrue au rythme de la population, dans une faible mesure grâce à l'intensification de la production et principalement grâce à l'accroissement des terres mises en culture, qui a fait suite au démantèlement du système ubuhake, acquis de la révolution sociale. Les années 84-85 marquent le début de la baisse des rendements (28). Le modèle agricole atteint ses limites. En 1989, une famine s'abat dans le sud du pays mettant en évidence une nouvelle fois les limites du système d'exploitation des terres. Le pays, à peine autosuffisant au niveau alimentaire, subit de nouvelles pertes de production agricole lorsque la guerre déclenchée par le FPR à partir du mois d'octobre 1990 provoque des déplacements importants de la population, surtout des paysans fermiers du Nord. C'est ainsi qu'en octobre 1990, l'on déplace au moins 300 000 personnes et, à partir de février 1993, encore une fois 1 million de personnes (29).

La balance commerciale, déficitaire depuis le début des années 80 se détériore encore davantage à partir de 1985 lorsque chute le cours mondial de l'étain, et son déficit s'accroît lorsque les prix du thé et du café baissent de 35 % et 40 % entre 1985 et la fin des années 80 (30). Le montant des exportations diminue régulièrement à partir de 1986 pour atteindre en 1991 la moitié de son niveau de 1986; cette baisse se poursuit jusqu'en 1994. Les importations montent en flèche en 1987 et 1988 pour baisser ensuite, puis reprendre leur envolée à partir de 1991. Entre 1991 et 1994, le montant des importations croît de 61 %.

La balance des comptes courants devient également déficitaire à partir du début des années 80 et son déficit s'accentue entre 1987 et 1990. En 1991, la balance des paiements n'est positive que grâce à la hausse des transferts.

Le PIB croît régulièrement mais semble plafonner à partir de 1989. En fait, sa croissance réelle, largement inférieure au taux de croissance moyen de 3,1 % estimé par les démographes, se réduit tout au long des années 80 pour devenir quasi nulle à partir de la sécheresse de 1989.

Au cours des années 80, le revenu par tête baisse de 2,3 % par an (31). En 1989, le niveau de revenu agricole par actif ne représentait plus que 70 % de son niveau en 1980 (32). La proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 40 % en 1985 à 53 % en 1992.

Mesuré simplement en termes d'augmentation de PNB par tête, le Rwanda s'en sortait assez bien, surtout si nous tenons compte de ses handicaps inhérents (nature fermée, pression démographique, manque de matières premières), et certainement en comparaison avec ses voisins (33). En comparaison avec ses pays voisins (Burundi, Zaïre, Ouganda et Tanzanie), le Rwanda occupait au niveau du PNB par habitant la dernière place en 1976 et la première en 1990. Les progrès étaient également remarquables dans d'autres domaines, comme par exemple l'infrastructure, avec un système routier qui peut être considéré comme l'un des meilleurs d'Afrique, une poste et un système de télécommunications sûrs, un approvisionnement en eau adéquat, une expansion du réseau électrique, etc.

Pendant les années 80, le Rwanda était considéré par la Banque mondiale et par d'autres comme une économie africaine réussie, avec une dette modérée comparée à celle de la plupart des autres pays du continent, au moins jusqu'à la seconde moitié de la décennie. (En 1987, la dette du Rwanda se montait à 28 % du PNB ­ l'un des taux les plus bas d'Afrique). L'économie était équilibrée et la monnaie était assez stable, dans la mesure où elle servait de devise forte dans la région (34).

2.2.3. Période 1990-1994

2.2.3.1. Mise en place du Programme d'ajustement structurel (PAS)

Pour tenter de redresser l'économie et de stimuler certaines restructurations, le Rwanda accepte en 1990 un Plan d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI. Il vise à stabiliser l'économie et à la rendre plus compétitive vis-à-vis de l'extérieur. Pour réaliser ces objectifs, le PAS implique une dévaluation du franc rwandais, jusqu'alors surévalué, il supprime les taxes à l'exportation (exceptées les taxes sur le café que le gouvernement rwandais maintient jusqu'en 1992) et, fixe des quotas d'importation.

Deux dévaluations du franc se succèdent (40 % en novembre 1990 et 15 % en juin 1992) pour stimuler la production intérieure à l'exportation et freiner les importations pour stimuler la production locale de produits de substitution aux importations.

Contrairement aux attentes, la dévaluation ne joue pas son rôle de stimulant au niveau du secteur productif et n'induit pas la hausse attendue du prix du café pour les producteurs car les mesures mises en place sont contrariées par la chute du cours du café.

En 1992, le cours du café est au plus bas : il atteint un plancher équivalent environ à 50 % de son montant en 1987 (35).

Le PAS impose des quotas d'importation. Mais, loin de freiner, les importations augmentent après le déclenchement de la guerre en octobre 1990. Le déficit externe s'aggrave.

La dette extérieure passe de 158 millions en 1980 à 1 milliard de dollars en 1996.

Au niveau interne, le déficit budgétaire de l'État, contenu jusqu'en 1986, s'accroît. De 21,4 milliards de francs rwandais en 1990 il double en trois ans et il atteint 41,3 milliards en 1993 (36). Le déficit résulte à la fois d'une diminution des recette fiscales et d'une flambée des dépenses. Lorsque chute le cours du café, les recettes provenant des taxes à l'exportation se réduisent. Les dépenses s'envolent : le Rwanda augmente notamment la taille de son armée, restreinte jusqu'alors.

La communauté internationale finance le déficit budgétaire. Certaines dépenses courantes ou en capital sont financées sous forme d'emprunts plutôt que sous forme de dons. La dette extérieure envers les principaux créditeurs (Banque mondiale et FMI) s'accroît à partir à partir de 1986 (37).

Le taux d'investissement productif passe de 23 % du PIB en 1980 à 12 % en 1990 (38). En moyenne, l'investissement n'est financé qu'environ pour un tiers (39) par l'épargne domestique, tandis que l'autre partie est financée par l'aide étrangère.

Le taux d'inflation atteint près de 20 % en 1991 puis baisse aux alentours des 10 % en 1992 et 1993 alors que sa moyenne durant les années 80 et jusqu'en 1990 est restée relativement basse (4,7 %/an). Les dévaluations ont eu des effets positifs pour la production de substituts aux importations (comme le riz) (40), mais ces effets restent locaux et restreints.

Le programme d'ajustement structurel imposé au Rwanda, qui n'est pas sans conséquence au niveau social, échoue, notamment face aux obstacles successifs de la conjoncture internationale et de l'inflation de dépenses d'armement.

Selon Maton, le processus de libération de l'économie rwandaise a été réalisé trop rapidement et le gouvernement n'a pas pu contrôler ses instruments pour protéger les paysans et éviter les conséquences sociales des dévaluations brutales successives et de la hausse des prix à la consommation (41).

2.2.3.2. Appauvrissement, inégalités croissantes et violence

Globalement le Rwanda s'est appauvri. Tous les revenus baissent, mais la crise de l'économie rwandaise s'est fait sentir de manière plus forte sur les revenus du secteur agricole que sur ceux du secteur non agricole. Les déficits alimentaires se sont accrus d'année en année et un ajustement de type malthusien était annoncé par les experts depuis de nombreuses années (42). Une première famine sévit en 1989, une seconde menaçait au cours du premier trimestre 1994 (43).

Ces famines reflètent les limites du modèle de gestion et d'exploitation des terres. Mais la rareté des terres peut-elle générer des violences ?

M. Degni-Segui a dénombré trois autres causes de violence :

­ le refus de l'alternance politique et du partage du pouvoir par le gouvernement en place;

­ l'incitation à la haine ethnique;

­ l'impunité (44).

Selon Maton, la rareté croissante des terres produit des violences à partir d'un certain seuil (45). Celui-ci aurait été dépassé malgré l'adaptation du monde paysan au contexte de forte pression démographique par l'adoption d'innovations techniques qui lui permettent de repousser les limites du système agricole et la découverte de ressources alternatives en dehors de celui-ci (46).

Selon d'autres économistes et démographes, la rareté des terres considérée comme telle n'est pas le facteur unique de violence mais, dans ce contexte de pression croissante sur les terres et d'appauvrissement grandissant, les inégalités de redistribution des rares ressources économiques peuvent être aussi sources et causes de tensions sociales croissantes (47). La paysannerie s'appauvrit au détriment d'une classe urbaine de fonctionnaires et commerçants, le dixième de la population le plus riche. Les termes de l'échange ville campagne se dégradent (48). Au sein du monde rural apparaît également une classe plus riche, jouissant de revenus extra-agricoles. Les inégalités croissantes engendrent des tensions sociales. La rareté croissante des terres et le développement du marché foncier engendre un processus de marginalisation et d'exclusion à la terre de certaines catégories de la population (49). Sans développement de secteurs formels et informels susceptibles d'absorber le surplus de main-d'oeuvre de l'agriculture, les tensions risquent de perdurer dans le secteur agricole.

La question des terres a donc, pour tous les observateurs, un rôle essentiel au Rwanda. Des efforts ont été menés pour faire baisser la pression sur les terres en ralentissant le taux de croissance de la population laissant entrevoir un abaissement du taux de fécondité. Mais les mesures de régulation des naissances n'ont pas été faciles à implanter dans ce pays. Selon le Joint evaluation Report, « the strong influence of the catholic church against population control measures, as well as the traditional position of women, are important explanatory factors for the high population growth » (50). L'opposition de l'Église catholique rwandaise à ces mesures s'est encore renforcée lors du voyage du pape Jean-Paul II en 1990, qui a condamné l'usage des techniques anti-conceptionnelles modernes à plusieurs reprises.

Cette opposition n'est pas sans poids. En effet, l'Église catholique a joué un rôle majeur dans l'histoire du Rwanda, et son influence a longtemps été prépondérante. Elle fut d'abord la pionnière de la colonisation, et travailla « main dans la main » avec les autorités allemandes puis belges. Après l'indépendance, son poids politique fut déterminant, l'interpénétration entre l'Église et l'État étant remarquable. Cette influence n'était pas qu'institutionnelle, elle reposait aussi sur le fait que l'élite politique était formée par les écoles catholiques et les séminaires. Un exemple flagrant de confusion entre l'Église et l'État rwandais est l'accession, au milieu des années 1970, de l'archevêque de Kigali, confesseur « officiel » de la femme du président Habyarimana et proche de l'AKAZU, au comité central du MRND (51). Il ne démissionera qu'en 1990, sous la pression de la hiérarchie romaine (51). C'est aussi en 1990 qu'une certaine prise de distance a eu lieu de la part d'une partie de l'Église, à l'initiative du bas-clergé, qui, dans un document rendu public, a mis en cause le système politique, et l'Église, « inféodée outre mesure aux autorités politiques »(53). En outre, le nonce apostolique était l'un des moteurs de la démocratisation. Mais les autorités tant de l'Église anglicane que de l'Église catholique sont restés étroitement liées au président et à son gouvernement pendant toute cette période (54).

2.2.3.3. Une économie de guerre à partir de 1990

Étant donné la pauvreté du pays, les experts ont toujours conseillé aux Rwandais de restreindre à un strict minimum les dépenses militaires, ce que le régime a fait (55). Jusqu'en 1989, le pourcentage de dépenses militaires du Rwanda était l'un des plus bas du continent africain. Au début de la guerre en octobre 1990, le Rwanda ne disposait que d'une troupe de quatre à huit mille hommes (56).

En 1994, les effectifs de l'année sont passés à 30 000 ou 40 000 hommes (les chiffres précis sont inconnus).

L'importance de cet effort de guerre se reflète dans le budget.

Le budget du ministère de la Défense nationale passe de 3 155 millions de francs rwandais en 1990 à 8 885 millions en 1992, soit une augmentation de 181%.

L'entièreté de l'accroissement de la dette publique (qui est passée de 6 678 millions en 1990 à 13 702 millions en 1992), est donc imputable aux dépenses militaires.

À la veille de la guerre, le Rwanda était confronté à un appauvrissement structurel de son agriculture. Le Programme d'ajustement structurel n'a pas envisagé l'ensemble du problème et les conséquences économiques de ses mesures : il a dérapé.

C'est sur ce terrain économique et social difficile que l'incitation à la violence ethnique s'est développé.

2.3. ÉLÉMENTS HISTORIQUES

2.3.1. Période précoloniale

Plusieurs thèses cohabitent quant à l'histoire du peuplement du Rwanda.

Pour certains scientifiques, les Twas (aujourd'hui 1% de la population) étaient les premiers habitants du Rwanda (57). Ils vivaient de la chasse, de la cueillette et de la poterie. Les Hutus (aujourd'hui environ 85% de la population) se seraient installés plus tard à une époque indéterminée. Agriculteurs, ils défrichèrent une grande partie du pays (58), et refoulèrent les Twas dans les zones forestières subsistantes. Enfin, les Tutsis (aujourd'hui environ 14% de la population) , pasteurs, auraient immigré en vagues successives dès avant le XVe siècle de notre ère.

D'autres auteurs, dont J.P Chrétien, avancent l'hypothèse selon laquelle les Hutus et les Tutsis seraient arrivés en même temps.

Ces différentes hypothèses ne peuvent être vérifiées puisque la plus grande partie de la littérature ethno-historique « comprend des interprétations de sources, des ré-interprétations de celles-ci ou des ré-interprétations de ré-interprétations » (59). Quoiqu'il en soit, les Tutsis, qu'ils soient arrivés avec les Hutus ou après eux, parvinrent à asseoir de manière pacifique leur autorité sur les Hutus, dont ils partagent la langue et la culture. Possédant du bétail et une organisation politique très efficace, l'élite tutsie put consolider son autorité sur le Rwanda central, par le contrôle des richesses (terres et bétail) et des moyens de coercition (administration, justice, armée).

Le processus d'unification du Rwanda, composé de petits royaumes, s'est fait en une centaine d'années (60). Si le Royaume avait plus ou moins adopté les frontières du Rwanda actuel à la fin du règne de Kigeri IV Rwabugiri (plus ou moins 1860-1895), l'autorité du pouvoir monarchique central est différente suivant les régions. Elle est exercée de manière très indirecte dans les régions du nord et de l'ouest de la crête Zaïre. Le Rwanda était divisé en 80 provinces ou districts administratifs; ceux-ci comprenaient un nombre de collines administratives. L'administration d'un district était en principe confiée à deux fonctionnaires indépendants. Leurs autorités se reportaient à des matières différentes : le chef du sol (Umunyabutaka) s'occupait des redevances agricoles, et agissaient comme juge en matière de droit foncier; le chef du bétail (Umunyamukenke) percevait les taxes dues par les pasteurs.

L'organisation sociale était, dans le Rwanda central, basé entres autres sur le contrat d'ubuhake. Cette relation de clientélisme incluait des échanges réciproques de biens et de services. Le « patron » était la plupart du temps tutsi, mais le client pouvait être hutu ou tutsi de condition sociale inférieure. Une même personne pouvait être client ou « patron », suivant le rapport qu'elle entretenait avec d'autres (61). Dans les régions du nord et du sud-ouest dominées par les Hutus, différents systèmes coexistaient, la plupart dominés par des contrats fonciers ou des donations de produits agricoles. Les « patrons » étaient cette fois-ci essentiellement Hutus (62). Le Mwami, chef suprême, était le propriétaire éminent du sol, du bétail, des récoltes et de ses sujets. En cette qualité, ses pouvoirs, d'origine sacrée, étaient en théorie illimités. C'est dans ce contexte social et politique que les Européens pénétrèrent sur le territoire vers la fin du XIXe siècle.

2.3.2. Période coloniale et indépendance

Ce n'est qu'à partir de 1894 que des explorateurs, surtout allemands, se mirent à circuler dans le pays avec l'autorisation du Mwami. En 1894, le Mwami Yuyi Misinminga se plaça sous protectorat allemand. En 1900, la première mission catholique était fondée. En 1907, la résidence du Rwanda fut créée par les Allemands.

Lorsque les Belges prirent la relève en 1916, le bilan de l'occupation allemande se limitait à des mesures de pacification et de sécurité. Après la première guerre mondiale, l'occupation de la Belgique sur le « Ruanda-Urundi » est officialisée par un mandat de la SDN de type B. La décision des « principales puissances alliées et associées » de confier le mandat sur le Rwanda à la Belgique fut entérinée le 20 juillet 1922 par le Conseil de la SDN. La Belgique, en tant que puissance mandataire, utilisera, à l'instar des britanniques, l'administration indirecte comme méthode de politique coloniale. L'administration indirecte a été définie comme un système d'administration coloniale exercée par le biais d'institutions indigènes adaptées aux besoins des temps modernes (63). Le Gouvernement belge partait d'une idée assez générale : respecter les institutions politiques indigènes, mais les adapter et les utiliser dans la voie de la « civilisation ».

Dans cette politique, s'appuyant sur « l'hypothèse hamitique », l'administration coloniale belge privilégiera les notables tutsis, qui de par leurs caractéristiques physiques, n'avaient, pour les Européens, « du nègre que la couleur » (64). À l'époque coloniale, l'hypothèse selon laquelle les Tutsis étaient des Hamites était très répandue dans la littérature. L'« hypothèse hamitique » soutenait que « everything of value found in Africa was brought by the Hamites, alledgedly a branch of the Caucasian race » (65).

Dans l'enseignement, ce traitement discriminatoire vis-à-vis des Hutus était très visible, surtout dans les écoles secondaires qui formaient les cadres administratifs et politiques (Nyanza, Astrida). L'enseignement, devant mener à des fonctions dans l'administration, tant indigène que coloniale, admettait en majorité des enfants de notables tutsis (66).

En matière d'enseignement, l'église a joué, comme dans d'autres domaines, un rôle déterminant. Si elle a soutenu le principe de l'administration indirecte qui eut pour conséquence de favoriser la classe dirigeante, elle a permis à un nombre croissant de Hutus de poursuivre leurs études dans des petits et grands séminaires.

Néanmoins, une fois leurs études terminées, les Hutus qui ne voulaient ou ne pouvaient devenir prêtre retournaient à la vie laïque pour se heurter à un système politique et administratif incapable de les absorber.

Parallèlement, l'élite tutsie, formée par l'administration coloniale belge, commençait à s'organiser politiquement. En 1955, le Mouvement démocratique progressiste fut créé alors qu'en 1957 le mouvement social Muhutu fut fondé.

En février 1959, en la personne de Mgr. Perraudin, l'Église soutient les revendications hutues.

La révolution de 1959-1961, quelque peu assistée par « l'administration coloniale belge » (67), ébouchera sur l'éviction de la monarchie et de toute la structure politico-administrative tutsie, sur lesquelles la Belgique avait basé sa politique d'administration indirecte pendant toute la période coloniale. La mise en place définitive des institutions issues de la révolution eut lieu le 1er juillet 1962, date de l'indépendance du Rwanda (68).

Cette révolution rwandaise de 1959-1961, durant de nombreuses années, constituait un point de référence central dans la vie politique du Rwanda (69). Un grand nombre de Tutsis ont quitté le Rwanda lors d'une succession de crises et de périodes de tensions : en 1959-1961, en 1963-1964 et en 1973. Le nombre total des réfugiés et de leurs descendants jusqu'en 1990 a été estimé par Guichaoua à 600 000 (70). Cependant, la problématique des réfugiés ne sera jamais traitée réellement par le régime en place.

Par ailleurs, les Tutsis ont été exclus de la vie publique. Cette exclusion s'est opérée de deux manières différentes. D'une part, les partis tutsis ont subi le même sort que les autres partis d'opposition : ils ont été peu à peu éliminés. D'autre part, les Tutsis ont fait l'objet de discriminations et de nombreuses violations des droits de l'Homme. La « jacquerie de novembre 1959 » n'avait constitué qu'un début de violence à l'encontre des Tutsis (les événements de fin 59 ont fait des centaines de morts), mais ce bilan va s'alourdir progressivement au fil des crises successives. Les premières victimes ont été les chefs et sous-chefs tutsis. Par exemple, des 43 chefs et 549 sous-chefs tutsi en fonction, au début de novembre 1959, 21 et 314 respectivement ont été éliminés physiquement, destitués ou exilés (71). À l'issue des élections communales de juin-juillet 1961, les partis tutsis obtiennent 289 sièges de conseillers communaux sur un total de 3 125, c'est-à-dire 9,2 %. L'élimination physique continue au cours des grands événements politiques comme les élections communales de 1960 ou les élections législatives de septembre 1961.

La chasse « aux boucs émissaires » (72) tutsis continue en janvier 1964, suite à une attaque des réfugiés tutsi au Bugesera. Dans la seule préfecture de Gikongoro, on estime le nombre de victimes tutsis de 5 000 à 8 000 : entre 10 et 12 % de la population tutsi de la préfecture. En 1973, cette chasse recommencera.

Une troisième conséquence de la révolution sera la concentration du pouvoir entre les mains d'une minorité et l'instauration d'un autoritarisme croissant. Dès le début, le PARMEHUTU a activement poursuivi une politique visant à la marginalisation et à l'élimination des autres partis. Dans une allocution adressée à l'occasion du premier anniversaire de l'indépendance, le président Kayibanda a exprimé sa préférence pour « un parti majoritaire » flanqué d'une opposition très minoritaire (73). De fait, en 1965, le MDR-PARMEHUTU sera le seul parti à proposer des candidats aux élections législatives et présidentielles. Après l'élimination de l'opposition, la concentration du pouvoir se poursuit à l'intérieur du parti. À partir de 1968, les contradictions d'un régime forcé à un repli sur lui-même se multiplient. En 1972, l'usurpation du pouvoir par un petit groupe de politiciens hutus de Gitarama, la région du président Kayibanda, est complète (74).

À la fin des années 80, la « deuxième république », mise en place en 1973 à la suite d'un coup d'État militaire mené par le général-major Juvenal Habyarimana, semble à son tour s'essouffler. Les tensions montent dans ce pays présenté pourtant le plus souvent comme « un modèle de développement et un havre de paix » (75). Ces tensions ne sont pas uniquement ethniques. Le régime de Habyarimana a connu les mêmes dérives régionalistes que le gouvernement de son prédécesseur. C'est maintenant les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri qui sont favorisées dans l'accès au pouvoir. À l'aube des années 1990, on constate que, même s'il n'a pas disparu, le conflit ethnique est dépassé par un conflit à caractère régional nord-centre. Et à l'intérieur de la région dominante, des antagonismes sous-régionaux se font jour (notamment, dans le Nord, entre Gisenyi et Ruhengeri) (76).

À de nombreux égards, la Deuxième République contrastait fortement avec la première. Pour commencer, nous assistons à une période de modernisation nette, se manifestant dans une ouverture vers le monde extérieur, une croissance urbaine, des investissements, ainsi que dans les affaires. Alors que le régime de la Première République était tourné vers l'intérieur, celui de la Deuxième République adhérait à une politique d'ouverture du pays... Bien que loin d'être acceptable, la situation des droits de l'homme s'améliorait également. Par exemple, le nombre des prisonniers politiques était réduit et des efforts étaient faits pour limiter et contrôler l'usage injustifié et excessif de réglementations sur l'emprisonnement préventif et sur la limitation de la liberté de mouvement. Il faudrait en outre observer qu'aucune violence ethnique majeure n'a eu lieu entre l'ascension au pouvoir du général Habyarimana et la guerre d'octobre 1990. On oublie souvent aujourd'hui que le président Habyarimana était plutôt populaire parmi les Tutsis de l'intérieur et qu'il avait même été accusé par certains Hutus de favoriser les Tutsis (77).

Le professeur Reyntjens a également affirmé : « Vers la fin des années 1980, la corruption était limitée, les droits de l'homme étaient plus ou moins respectés et le pays disposait d'une vaste infrastructure. Contrairement à d'autres pays africains, le PNB du Rwanda ne cessait d'augmenter pendant la période de 1975 à 1990. Tous ces faits constituaient des raisons de travailler avec le régime. Vers la fin des années 80, l'usure du régime se fit sentir et on fit mention des pratiques zaïroises. » (78).

2.3.3. La crise de 1990 et les accords d'Arusha

Le 1er octobre 1990, des Tutsis rwandais émigrés attaquent le nord-est du pays à partir de l'Ouganda. Les assaillants progressent rapidement à travers la région peu peuplée du Mutara dans le parc national de l'Akagera. La majorité des rebelles sont des déserteurs ougandais et se présentent comme la branche militaire du Front Patriotique Rwandais (FPR).

Certains observateurs s'interrogent sur la sagesse du RPF à entreprendre une action militaire à ce moment particulier (Prunier, 1993). L'invasion survenue seulement deux mois après les discussions supervisées par l'UNHCR et l'OUA sur le problème des réfugiés avait conduit à un troisième accord ministériel entre le Rwanda et l'Ouganda, qui aurait pu conduire à des résultats concrets, pendant un processus de libéralisation politique se développant graduellement au Rwanda. Il semble toutefois que si les négociations avaient pu conduire à une percée, le FPR n'était cependant pas prêt à attendre davantage; il était apparemment fatigué du blocage continu opposé par le gouvernement rwandais. Il est toutefois prouvé que le FPR a attaqué à ce moment-là car une éventuelle percée dans les domaines de la démocratisation, des droits de l'homme et du rapatriement des réfugiés aurait réduit la légitimité d'une attaque (79). Le professeur Reyntjens a également défendu cette même position pendant sa séance d'audition devant notre commission (80).

Pour faire face à cette situation, le 4 octobre 1990, la Belgique et la France décident d'envoyer des militaires dans le cadre d'une action qualifiée d'humanitaire et qui vise à protéger les ressortissants étrangers et permettre leur évacuation si nécessaire. Indirectement, il s'agit d'un soutien à la République, plus psychologique que militaire, vu les moyens réduits utilisés.

En Belgique, des informations sur l'arrestation de nombreuses personnes issues de l'opposition et sur la militarisation du régime rwandais sont publiées dans la presse et des oppositions à la présence militaire belge se manifestent rapidement, tant du côté libéral que du côté socialiste francophone. Un mois plus tard, le Gouvernement belge décide de retirer ses troupes. La Belgique se prononce alors en faveur d'une démocratisation du pays et une paix négociée.

Peu avant le conflit d'octobre 1990, le chef de l'État rwandais s'était efforcé d'adapter progressivement le régime aux nouvelles exigences de la politique internationale. Dans son discours du 5 juillet 1990, il annonce la création d'une commission nationale de synthèse, chargée d'organiser un dialogue national tout azimut, avec toutes les forces unies du pays. La commission est effectivement mise en place le 24 septembre 1990. La guerre éclate quelques jours avant le début des travaux de la commission. Son travail effectif ne commencera que le 23 octobre 1990. Le conflit accélérera considérablement ses activités. Alors qu'initialement le mandat de la commission devait s'étendre sur deux ans, le président Habyarimana lui demande de finir son travail avant la fin de l'année, et annonce qu'après un débat national, une charte politique sera soumise à référendum avant le 4 juin 1991.

Fin décembre 1990, la commission nationale de synthèse publie un avant-projet de la charte politique nationale (81). Il s'ensuit un large débat, qui débouche sur la publication d'un projet de charte à la fin du mois de mars 1991 (82). La Commission propose également un avant-projet de Constitution et deux lois sur les partis politiques.

Entre-temps, les fondateurs de nouveaux partis politiques commencent à s'organiser. Plusieurs groupes semblent se constituer et des réunions ont lieu durant les premiers mois de 1991. Mais les contacts politiques se déroulent dans une atmosphère de méfiance. C'est le mouvement démocratique républicain (MDR) qui se décidera le premier à avoir une activité politique ouverte. Dans un numéro de mars 1991, le journal Le Démocrate publie un « appel à la relance et à la rénovation du MDR » signé par 232 personnes. Dans les six mois qui suivent, d'autres formations vont se manifester : le Parti Social Démocrate (PSD), qui semble avoir sa base de soutien dans le sud; le Parti Libéral (PL) qui rassemble essentiellement des d'hommes d'affaires; le Parti Démocratique Chrétien (PDC), de taille plutôt réduite. Parallèlement à la reconnaissance formelle du multipartisme, l'ex-mouvement révolutionnaire national pour le développement (ex-Parti unique du Rwanda), rebaptisé Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) tente également de s'adapter à la nouvelle réalité en faisant peau neuve.

Dès le lendemain de la promulgation de la Constitution, un cartel de partis d'opposition se dessine. Dans un communiqué commun daté du 11 juin 1991, le PSD, le MDR et le PDC formulent l'ensemble des revendications qui formeront l'essentiel de leurs exigences politiques dans les mois qui suivent. Le 31 juillet 1991, la constitution du cartel est officialisée, et le PL, nouvellement créé, le rejoint. Les quatre partis décident la mise sur pied d'un « conseil de concertation des partis politiques démocratiques ». Le 13 octobre 1991, le président Habyarimana charge le ministre de la Justice, Sylvestre Nsanzimana, de la formation d'un gouvernement, sans tenir compte des exigences politiques des nouveaux partis de l'opposition. En effet, à part un ministre issu du PDC, le gouvernement est homogène MRND. Après une période tumultueuse où les manifestations de l'opposition se multiplient, un accord est négocié entre les partis d'opposition et le MRND. Le 2 avril 1992, le président Habyarimana désigne Dismas Nsengiyaremye comme formateur. Le 16 avril 1992, deux semaines après sa nomination, D. Nsengiyaremye annonce la formation de son gouvernement de transition. Le gouvernement de coalition sera composé du MRND, du MDR, du PSD, du PL et du PDC.

Si le gouvernement de transition semble marquer quelques points dans un premier temps, notamment le démarrage réel des négociations avec le FPR, le gouvernement est victime de profonds blocages. C'est dans ce contexte de guerre avec le FPR et d'opposition interne que la situation militaire se transforme graduellement en une démarche politique, incluant des négociations entre principalement le régime Habyarimana et le FPR. Dans cette perspective, l'opposition politique intérieure n'aura pas un poids considérable, étant donné sa profonde division au moment de la signature de l'accord d'Arusha.

2.3.4. Les accords d'Arusha

Un mois environ après l'inauguration du nouveau gouvernement, des discussions préliminaires ont eu lieu à Bruxelles et Paris (mai et juin 1992) entre, d'une part, le MDR, le PSD et le LD et, d'autre part, le FPR. Les parties en présence ont convenu d'entamer des négociations de paix (à Arusha) non seulement pour réinstaurer le cessez-le-feu de N'sele, mais aussi pour débattre d'une avancée dans la voie de la démocratisation, de l'intégration du FPR dans le gouvernement et de réformes militaires.

Les négociations de paix entre le gouvernement rwandais et le FPR ont débuté le 10 août 1992. Elles ont été grandement facilitées par la Tanzanie, son président Ali Hassan Mwinyi ainsi que son ambassadeur, M. Ami Mpungwe. Les pays voisins du Rwanda, le Burundi et le Zaïre, ainsi que la Belgique, la France, l'Allemagne, les États-Unis, le Sénégal et l'OUA ont accepté d'envoyer des observateurs aux négociations d'Arusha qui s'ensuivraient.

Les négociations continueront pendant une année, pour aboutir le 4 août 1993. Pour rappel, l'accord d'Arusha est en fait une enveloppe qui contient de nombreux protocoles et accords :

­ l'accord de cessez-le-feu de N'sele (83); cet accord de cessez-le-feu est amendé à Gbadolite le 16 septembre 1991 (84);

­ le protocole d'accord sur l'État de droit signé le 18 août 1992;

­ les protocoles d'accords sur le partage du pouvoir dans le cadre d'un gouvernement de transition à base élargie, signés à Arusha, le 30 octobre 1992 et le 9 janvier 1993;

­ le protocole d'accord sur le rapatriement des réfugiés et la réinstallation des personnes déplacées, signé à Arusha le 9 juin 1993;

­ le protocole d'accord relatif à l'intégration des forces armées des deux parties, signé à Arusha le 3 août 1993;

­ enfin, le protocole d'accord portant sur les dispositions finales, signé à Arusha le 3 août 1993 (85).

Tous ces textes font donc partie intégrante de l'accord de paix d'Arusha.

L'article 3 de l'accord final prévoit que la Constitution de mars 1991 et l'accord de paix constitue « indissolublement » la loi fondamentale qui préside la période de transition. Cependant, la Constitution est hiérarchiquement inférieure à l'accord de paix. Non seulement 47 articles de la Constitution sont remplacés par des dispositions de l'accord de paix relative aux mêmes matières, mais encore il est prévu qu'en cas de conflit entre les autres dispositions de la Constitution et l'accord de paix, ces derniers prévalent. De fait, la Constitution est remplacée par l'accord de paix.

En ce qui concerne la personnalité du président de la République, celui-ci est « déshabillé », c'est-à-dire réduit à être un chef d'État cérémonial, disposant de pouvoirs moins étendus que la plupart des monarchies constitutionnelles. Par exemple, le gouvernement de transition à base élargie (le GTBE) n'est pas nommé par le chef de l'État mais par les partis politiques participant au gouvernement de coalition mis en place dès le 16 avril 1992 et le FPR.

Les pouvoirs du GTBE sont extrêmement étendus. Il combine en pratique les pouvoirs d'un chef d'État et d'un chef de gouvernement. Néanmoins, une relation de type de régime parlementaire existe avec l'assemblé nationale de transition (ANT). Tout comme le GTBE, la répartition numérique des sièges à l'ANT est fixée : le MRND, le FPR, le MDR, le PSD, le PL obtiennent onze sièges chacun, le PDC, quatre et les autres partis agréés (une dizaine) auront un siège chacun.

L'intégration des forces armées des deux parties est également traitée : la nouvelle armée nationale contiendra 9 000 hommes, dont les forces gouvernementales fourniront 60 % des effectifs et celles du FPR 40 % à tous les niveaux, sauf aux postes de commandements. Dans ce dernier niveau, de l'état-major jusqu'au bataillon, chaque partie est représentée par 50 %, conformément au principe de l'alternance.

Dans le protocole d'agrément entre le gouvernement de la République du Rwanda et le FPR concernant l'intégration des forces armées des deux parties, il est également précisé à l'article 72 que l'établissement des institutions de transition prendront place après le déploiement de la force international neutre. Cette condition n'a pas été appliquée puisqu'il a été impossible de déployer un contingent de quelques casques bleus en 37 jours. Nous verrons par la suite que ces institutions de transition, ne seront jamais mises en place, faute d'accord entre les parties...

La durée de transition est divisée en deux phases. Dans un premier temps, les institutions de transition seront mises en place dans les 37 jours qui suivent la signature de l'accord de paix, c'est-à-dire le 10 septembre 1993 au plus tard. La durée de transition est de 22 mois, à compter de la date de la mise en place du Gouvernement de transition à base élargie (GTBE) avec la possibilité d'une prolongation déterminée dans les circonstances exceptionnelles par l'Assemblée nationale de transition (ANT) à la majorité des trois cinquièmes de ses membres.

Sous forme de documentation, il est utile de reprendre quelques extraits de la première étude du « Joint evaluation of emergency assistance to Rwanda » et du livre du professeur G. Prunier « The Rwanda Crisis 1959-1994 ».

B. EXTRAITS DU « JOINT EVALUATION OF EMERGENCY ASSISTANCE TO RWANDA ­ STUDY 1 : HISTORICAL PERSPECTIVE : SOME EXPLANATORY FACTORS »

CHAPITRE 1er

LE RWANDA EN BREF

Situation

Environnement physique

Avec une superficie d'un peu plus de 26 000 km2 , le Rwanda est un des plus petits pays d'Afrique, comparable en taille à son voisin du sud, le Burundi, et à son ancien colonisateur, la Belgique. Situé juste au sud de l'équateur, il est enclavé entre le Zaïre, l'Ouganda, la Tanzanie et le Burundi. Souvent appelé le « Pays des Mille Collines » ou la « Suisse africaine », le Rwanda est dominé par des chaînes montagneuses et les hauts-plateaux de la grande ligne de partage des eaux entre le bassin du Nil et celui du Zaïre (ligne de partage des eaux Congo-Nil). La partie centrale fort peuplée qui s'étend de Ruhengeri au nord à Butare au sud est située entre 1 500 et 2 000 m au-dessus du niveau de la mer. À l'ouest du plateau central, la ligne de démarcation Congo-Nil atteint des altitudes pouvant dépasser 2 500 m, les points culminants étant situés dans la chaîne volcanique de Virunga au nord-ouest du pays. À cet endroit, le Karasimbi culmine à 4 507 m. Situé à une altitude de 1 460 m au-dessus du niveau de la mer, le lac Kivu, qui sépare le Rwanda du Zaïre, est le lac le plus élevé d'Afrique. À l'est du plateau central, plus précisément de la capitale, Kigali, jusqu'à la frontière tanzanienne, le relief s'adoucit progressivement mais atteint encore malgré tout 1 000 à 1 500 m dans bon nombre de zones plus élevées.

Division administrative

Bron ­ Source : Scheffer, 1986.

Bien que le Rwanda soit situé juste sous l'équateur, ce pays jouit d'un climat modéré grâce à son altitude. La température moyenne annuelle à Kigali est de 19 degrés Celsius et ne fluctue que modérément entre la saison des pluies et la saison sèche. Le Rwanda bénéficie de précipitations abondantes d'octobre à juin, suivies d'une courte saison sèche qui s'étend de juillet à septembre. Les précipitations moyennes mensuelles sur le plateau central atteignent 85 millimètres, ce qui permet des cultures diversifiées sur chaque lopin de terre disponible. Le climat tropical modéré permet deux à trois récoltes par an, ce qui a donné à certaines parties du pays un potentiel de production agricole inégalé dans la plupart des pays africains.

Le Rwanda est un pays enclavé dont l'économie est dépendante d'un axe de communication coûteux et vulnérable traversant la Tanzanie ou l'Ouganda et le Kenya vers l'océan Indien situé à environ 1 500 km ou le Zaïre vers la côte atlantique située à environ 2 000 km.

Quelque 10 % du territoire rwandais a fait l'objet d'une mesure de protection comme parc naturel ou réserve forestière. Ce pourcentage est nettement plus élevé que dans les autres pays africains. Les parcs les plus connus sont Virunga à la frontière zaïroise au nord-ouest et Akagera à la frontière tanzanienne à l'est. Le parc Virunga, rendu célèbre par le film « Gorilles dans la Brume » abrite les derniers gorilles des montagnes tandis que les savanes de l'Akagera constituent le biotope d'une faune aussi variée que celle des parcs à gibier plus connus du Kenya ou de Tanzanie.

Sur le plan de l'organisation administrative, le Rwanda a été divisé en 10 préfectures dirigées chacune par un préfet nommé par le président de la République. Les préfectures sont elles-mêmes subdivisées en 143 communes dirigées par un bourgmestre. Les bourgmestres sont également désignés par le président.

Densité de la population

Bron ­ Source : Wallen, 1993.

Caractéristiques socio-démographiques

Selon le recensement de 1991 organisé en août de cette même année, le Rwanda compte une population totale de 7,15 millions d'habitants qui évolue selon un taux d'augmentation annuel de 3,1 %. Ceci se traduit par une densité de population très élevée. En fait, avec 271 habitants au km2 , le Rwanda arrive en tête des pays d'Afrique continentale. Si l'on faisait abstraction des lacs, des parcs nationaux et des réserves forestières, ce chiffre serait beaucoup plus élevé. La superficie réelle de terres arables (environ 17 600 km2 sur une superficie totale de 26 300 km2) doit donc nourrir en moyenne 406 habitants au km2 dans l'ensemble du pays. La zone la plus peuplée est la région de Ruhondo dans la préfecture de Ruhengeri, qui compte quelque 820 personnes au km2 utile. À l'autre extrémité de l'échelle, on trouve Rusomo (Kibungo) qui ne compte que 62 habitants au km2 utile (République Rwandaise, 1993, II).

Les raisons historiques qui expliquent la densité de population élevée du Rwanda sont légion. La terre est fertile, le climat agréable. De plus, la zone montagneuse offre une excellente protection. La forteresse naturelle formée par les hauts plateaux a servi de bouclier contre les envahisseurs hostiles tels que les marchands d'esclaves swahilis venus au XIXe siècle de la côte de l'océan Indien. Ajoutons à cela des structures militaires d'une grande efficacité et l'on comprend pourquoi la société rwandaise a été une des rares en Afrique à avoir été épargnée par les ravages du commerce d'esclaves par les Arabes et les Européens. La traite des esclaves n'a donc pas affecté sa population qui a en fait augmenté sous la pression des autres peuples venant y chercher refuge (Waller, 1993; Prunier, 1995). De plus, l'influence considérable de l'Église catholique opposée aux mesures de contrôle de la population ainsi que le statut traditionnel de la femme sont des facteurs importants permettant d'expliquer la forte poussée démographique.

Le Rwanda est un pays de fermiers cultivateurs ou plutôt de jardiniers à grande échelle. La question cruciale des terres sera exposée ci-dessous. Mais il convient déjà de noter que nombre d'observateurs lient la tragédie de 1994 à la forte pression démographique et à la compétition croissante pour disposer des moyens de subsistance. Pour reprendre les mots de Prunier (1995) :

« La décision de tuer a bien sûr été prise par les politiciens pour des raisons politiques. Mais une des raisons pour lesquelles les paysans ont pris part aux massacres (...) est notamment le sentiment que la population était trop nombreuse sur un territoire trop exigu et qu'ils seraient plus nombreux à survivre avec moins de bouches à nourrir... » (Prunier 1995).

Selon le recensement de 1991, la population résidente du Rwanda se composait de 90,4 % de Hutus (soit 6,5 millions d'habitants), 8, % de Tutsis (soit 0,6 million d'habitants) et 0,4 % de Twas (soit environ 30 000 habitants). En règle générale, les commentateurs s'accordent à dire (à quelques exceptions près) que ces chiffres reflètent la réalité. Ils correspondent également aux résultats obtenus en extrapolant les chiffres sur la base du recensement précédent et des chiffres d'immigration. L'historique des rapports entre Hutus et Tutsis est abordé ci-après. Il convient de noter ici que la minorité marginalisée des pygmées Twas se compose en fait de deux groupes : ceux vivant de la vente de leurs poteries et ceux vivant du produit de la chasse et de la cueillette. Ce dernier groupe, également connu sous le nom Impunyu, compte moins de 5 000 personnes et est concentré dans les préfectures de Ruhengeri et Gisenyi. Ils sont souvent exploités et méprisés par leurs concitoyens rwandais.

En 1991, le Rwanda comptait environ 1,5 million de ménages composés en moyenne de 4,7 membres. La prédominance de l'agriculture et d'un mode de vie traditionnel est soulignée par le fait que pas moins de 94,6 % de la population vit dans les campagnes tandis que près des deux tiers de la population urbaine sont concentrés à Kigali. Le Rwanda est donc un pays rural dont les habitants vivent en majorité de l'agriculture dans les collines (musozi en kinyarwanda). Ces agriculteurs forment la base de la société rwandaise. Il en a résulté une forme très précise et particulière d'implantation : le paysan rwandais ­ Hutu ou Tutsi ­ fait partie d'un rugo qui peut se traduire approximativement par enceinte, enclos, maisonnée (dans un ménage polygame, chaque femme occupe son propre rugo ). Chaque colline se compose de plusieurs ingo (pluriel de rugo ) où Tutsis et Hutus cohabitent traditionnellement sur les mêmes pentes, « pour le meilleur et pour le pire; les mariages mixtes et les massacres » (Prunier, 1995).

Le recensement de 1991 a montré que 48 % de la population était âgée de moins de 15 ans et que l'espérance moyenne de vie était de 53,1 ans. Parallèlement ­ c'est-à-dire avant les massacres et les bouleversements démographiques de 1994/1995 ­ plus de 20 % de la population adulte sexuellement active dans les zones urbaines était infecté par le virus HIV (The Economist Intelligence Unit, 1995). Les femmes sont contaminées à un âge plus jeune et en plus grand nombre que les hommes. Selon les estimations, 100 000 à 200 000 Rwandais en bas âge mourront du sida avant l'an 2000.

Une grande partie de la population rurale souffre de maladies endémiques telles que la bilharziose, la diarrhée, la dysenterie et des infections respiratoires. Les maladies liées à l'eau sont la principale cause de mortalité infantile. Selon les estimations de la Banque mondiale, le taux de mortalité infantile a chuté de 142 pour 1 000 en 1970 à 117 pour 1 000 en 1992. En 1992, quelque 1,5 million de Rwandais n'avaient pas accès aux services sanitaires; 2,6 millions n'avaient pas l'eau potable et 3,2 millions étaient privés de sanitaires (The Economist Intelligence Unit, 1995).

La langue officielle de l'administration est le français mais la population communique dans le langage véhiculaire national qu'est le kinyarwanda et le swahili qui est la lingua franca des commerçants (les réfugiés originaires d'Ouganda et de Tanzanie parlent également l'anglais). Selon le recensement de 1991, 44 % de la population était analphabète, le taux d'illettrisme étant plus élevé chez les femmes (50 %) que chez les hommes (37 %). Selon les estimations de la Banque mondiale, 71 % des Rwandais en bas âge fréquentaient l'école en 1991 contre 68 % en 1970. Mais seulement 8 % ont un diplôme secondaire et moins d'1 % un diplôme supérieur.

L'Église catholique a joué un rôle crucial dans l'histoire du Rwanda. En un certain sens, il serait plus approprié de qualifier la colonisation du Rwanda d'entreprise des « Pères Blancs » de l'Église catholique française plutôt que de l'Empire germanique. Ils débarquent au Rwanda en 1899 et en quelques années installent plusieurs missions aux quatre coins du pays. Durant la période coloniale, l'Église catholique a travaillé main dans la main avec les autorités allemandes et belges et, après l'indépendance, la situation politique a été caractérisée par un degré élevé d'interpénétration entre l'Église et l'État.

Les fondateurs du nationalisme hutu moderne au nombre desquels figurait le futur président Grégoire Kayibanda, faisaient tous partie de la petite élite des « évolués » sortis des écoles catholiques et du séminaire. Vers la moitié des années '70, l'archevêque de l'Église catholique romaine, Vincent Nsengiyumwa, devint membre du comité central du parti MRND au pouvoir, confesseur officiel de l'épouse du président Habyarimana et proche de l'akazu , le noyau dur des nationalistes hutus.

La forte présence du christianisme au Rwanda doit être vue sous cet angle. Selon le recensement de 1991, 90 % de la population était d'obédience chrétienne, dont 63 % de catholiques, 19 % de protestants et 8 % d'adventistes. L'Islam remporte un certain succès à Kigali et dans d'autres centres urbains, mais son importance marginale à l'échelle du pays représente à peine plus de 1 % de la population.

Enfin, les données sur l'emploi sont incomplètes puisque seulement 4 % de la population rwandaise vit dans l'économie monétaire. Les statistiques de la Banque mondiale pour l'année 1985 suggèrent que 93 % de la force de travail travaille dans le secteur agricole (chiffre nettement supérieur à la moyenne subsaharienne), 3 % dans l'industrie et 4 % dans le secteur des services. Au début des années '90, le principal employeur dans le secteur officiel était l'administration publique qui occupait alors environ 7 000 employés dans l'administration centrale et 43 000 agents dans les administrations locales, sans tenir compte du personnel des forces armées.

L'immense majorité des paysans-cultivateurs travaillent pour leur propre compte; ni l'administration, ni le timide secteur industriel ne peuvent absorber l'augmentation annuelle de la population active. C'est donc le secteur agricole qui a dû supporter la croissance démographique rapide qui a dépassé dans de nombreuses régions la progression du rendement agricole. Rares sont donc les ménages ruraux à survivre uniquement de l'agriculture. En 1990, le gouvernement a estimé que 81 % d'entre eux avaient une activité lucrative d'appoint telle que la fabrication de briques, la menuiserie et la couture. De plus, presque tout le monde avait un pied dans l'économie parallèle ou « le marché noir », ne fût-ce qu'occasionnellement. Sont visés ici le commerce et le troc transfrontaliers ou la contrebande avec les pays voisins (The Economist Intelligence Unit, 1995).

La distribution des terres

Déjà en 1984, 57 % des ménages ruraux du Rwanda exploitaient une parcelle de moins d'un hectare et 25 % une parcelle de moins d'un demi-hectare, ce qui devait leur permettre de nourrir une famille moyenne de cinq personnes. Sous l'effet de la croissance démographique, les lois en matière de succession divisant entre les fils restants les droits de la famille d'utiliser le sol, ne firent que contribuer davantage à réduire la taille des parcelles de plus en plus fragmentées en parcelles minuscules disséminées dans des zones plus vastes. Au début des années '90, le ménage rwandais moyen exploitait donc au moins cinq parcelles possédant des caractéristiques variables en termes de fertilité, d'accessibilité et de forme de propriété.

Le ménage doit produire sur ces diverses parcelles une réserve de nourriture constante tout au long de l'année, ce qui nécessite parfois des décisions très complexes. Il est préférable de ne pas se limiter à un seul type de culture, afin que, par exemple, des cultures riches en substances hydrocarbonées, comme les pommes de terre, viennent compléter des cultures riches en protéines, telles que les haricots. De plus, le fermier doit tenir compte de la fertilité requise pour chaque culture, des cultures résistant à des sols plus pauvres, etc. Une étude (citée par Waller, 1993) a ainsi démontré que, pour préserver la fertilité du sol, des fermiers établis dans le sud du Rwanda ont cultivé 14 légumes différents selon environ 50 rotations.

Sous la pression démographique, un système d'une telle complexité est difficile à maintenir et, au cours des années '80, un nombre croissant de familles n'ont plus pu se permettre de laisser leurs parcelles se régénérer par des périodes de jachère. Il en a résulté une baisse de fertilité du sol et des stratégies de survie à court terme, telles que l'utilisation des pentes les plus abruptes tout en sachant pertinemment que ces pratiques n'étaient pas viables. Au début des années '90, la moitié de l'agriculture rwandaise était située sur des pentes de plus de 10 % d'inclinaison où les précipitations emportaient souvent le sol et les plantations. Ceci entraîna à son tour un regain de malnutrition et de pauvreté chez une partie croissante des paysans. Un rapport du Ministère de l'Agriculture de 1984 dénombrait 5,5 millions d'agriculteurs au Rwanda. Chaque personne consomme en moyenne 49 grammes de protéines par jour (à comparer à la norme minimale de 59 grammes recommandée au niveau international). En 1989, la population agricole atteignait 6,5 millions mais la prise quotidienne moyenne de protéines était retombée à 36 grammes par personne (Waller, 1993).

Le statut de la femme

Comme dans d'autres pays africains, le statut légal de la femme au Rwanda est ambigu. La Constitution de 1991 dispose que tous les citoyens sont égaux tout en reconnaissant la validité de la loi traditionnelle dans les zones dépourvues de codification écrite. Cette loi traditionnelle comprend la question importante des successions. Le principal problème, c'est que la loi ne considère pas la femme comme légalement « compétente » mais qu'elle ne reconnaît que l'homme comme chef du ménage. Une femme peut acquérir l'usufruit d'un terrain en vertu d'une donation de ses parents ou par voie d'héritage si elle n'a pas de frère, mais une fois qu'elle se marie, ses avoirs deviennent la propriété du mari et si le mariage s'achève par un divorce, elle n'a aucun moyen de les récupérer. Si son mari vient à décéder, la femme n'hérite de rien. En effet, la femme ne peut légalement rien posséder, ni maison, ni outils, ni bétail, ni cultures. Cette absence de statut légal pose des problèmes particuliers dans les ménages ruraux dirigés par des femmes célibataires (22 % en 1984). Dans le secteur moderne de l'économie, l'incapacité légale de la femme signifie qu'elle ne peut ouvrir un compte en banque sans le consentement de son mari ou ­ si elle n'est pas mariée ­ d'un parent mâle. Si l'on ajoute à cela l'incapacité de posséder un avoir, il lui est quasiment impossible d'obtenir un prêt.

Dans le domaine du gouvernement et de l'administration, il n'y a pas eu de femme ministre jusqu'au gouvernement de coalition en 1992. Il n'y a pas eu non plus de femmes préfets ou bourgmestres; 97 % des femmes économiquement actives sont des agricultrices qui ont la responsabilité de nourrir leur famille et de gérer la quasi-totalité des aspects du ménage, y compris des activités telles que la couture, le sarclage et la récolte en plus des corvées eau et bois. Au début des années '90, les femmes accomplissaient 54 % des tâches agricoles et avaient en moyenne 20 % de temps libre en moins que les hommes. Malgré cela, 38 % des femmes rurales n'avaient jamais eu aucun contact avec un agent gouvernemental d'extension agricole (Waller, 1993).

Ces derniers temps, les femmes rwandaises ont pris de plus en plus conscience de l'injustice de leur statut social. Des associations de femmes travaillant ensemble dans les zones rurales ont donc gagné en force au cours des années '80. Au sein de ces associations, les femmes ont acquis un statut légal de facto leur permettant d'avoir accès au crédit et de posséder des terres. Mais les femmes n'ont pas eu d'influence modératrice dans la culture conservatrice à domination mâle pendant les périodes d'agitation politique et de bouleversements ­ comme en 1994.

Économie

Exception faite des sites hydroélectriques sous-exploités, les ressources naturelles du Rwanda sont assez limitées et l'économie s'est développée presque exclusivement autour de deux cultures rémunératrices : le café et le thé. Le secteur manufacturier a pris de l'importance depuis l'indépendance en partant quasiment de zéro pour atteindre environ 16 % du produit intérieur brut (PIB) en 1992. Avant les troubles de 1994 qui ont fortement touché l'infrastructure industrielle, le management et la force de travail, les principales branches couvraient la production de boissons et de denrées alimentaires, de détergents, de produits textiles et d'outils agricoles tels que des houes et des machettes.

Selon les chiffres de la Banque mondiale, le PIB du Rwanda a connu une croissance annuelle moyenne impressionnante en termes réels de 4,7 % entre 1970 et 1979, croissance suivie d'un ralentissement qui l'a fait retomber à 2,2 % de 1980 à 1988. En 1989, le PIB a enregistré une baisse marquée due à la chute des recettes de la vente de café. Le déclin s'est poursuivi en 1991, 1992 et 1993 et a été particulièrement marqué en 1994 pour les terribles raisons que l'on sait. Le PIB par habitant était estimé à USD 200 en 1993 contre USD 330 en 1989, soit une baisse de l'ordre d'environ 40 % en seulement quatre ans (The Economist Intelligence Unit, 1995).

Le café est la principale ressource du Rwanda. La principale variété cultivée, l'arabica , est classée dans la catégorie « autres légers » sur le marché mondial. C'est l'administration belge qui a introduit le café au Rwanda dans les années 1920. Les Belges ont planté du café en abondance et ont décrété que les taxes étaient payables en espèces plutôt qu'en nature afin de forcer le développement de cette culture. Par la suite, les autorités coloniales ont rendu la culture du café obligatoire en de nombreux endroits, cette loi étant demeurée virtuellement inchangée jusqu'à ce jour (The Economist Intelligence Unit, 1995). Depuis son introduction dans le pays, la production de café se développa jusqu'à dépasser les 42 000 tonnes en 1986, atteignant ainsi 82% des recettes totales d'exportation du Rwanda. Mais en raison de l'effondrement des prix du café en 1989 et de la guerre d'octobre 1990, cette part n'a fait que régresser. Elle n'était plus que de 51 % en 1992 et sera sans doute nettement moindre après la tragédie de 1994 qui a laissé les cultures de café dévastées, délaissées et malades dans tout le pays. On estime qu'il faudra trois ans pour les remettre en état.

Tous les producteurs de café du Rwanda sont des petits cultivateurs qui sont obligés de faire pousser du café sur leurs parcelles. [Au Rwanda, les terres appartiennent à l'État. Les paysans n'ont que le droit d'utiliser la terre, sans droit de propriété, et l'État peut la récupérer pour son propre usage, sans devoir aucune compensation pour les pertes occasionnées (Waller, 1993)]. En 1989, le Rwanda comptait près de 700 000 cultivateurs de café, soit environ 60 % de l'ensemble des petits cultivateurs, chacun cultivant 150 caféiers en moyenne. Pendant la plus grande partie des années '80, le gouvernement leur a assuré un prix garanti de 125 francs Rwanda (RWF) au kilo, ce qui veut dire que jusqu'en 1987, le prix payé aux producteurs était moins élevé que les prix élevés pratiqués sur le marché mondial, ce qui a permis au gouvernement de faire des gains plantureux sur le commerce du café. Or, le cours mondial du café se mit à baisser et, en 1989, le Rwanda, à l'instar d'autres petits pays producteurs de café, fut gravement affecté par l'effondrement de l'accord international sur le café qui entraîna à son tour une chute des cours sur le marché londonien, ramenant le prix du café à son cours de la moitié des années '80. C'est dans ce contexte que le gouvernement rwandais réduisit le prix payé aux producteurs à 115 RWF le kilo. De plus, dans le cadre du programme d'ajustement structurel imposé en 1990 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), la monnaie nationale dut dévaluer de 40 %. Une nouvelle dévaluation de 15 % fut opérée en juin 1992.

Bien que la restructuration fût inévitable, elle a eu pour effet, du point de vue du paysan rwandais, de rendre la culture du café encore moins attrayante qu'auparavant. En un an ­ de 1989 à 1990 ­ le paysan moyen réagit à la crise en augmentant considérablement sa production pour finalement se retrouver avec un manque à gagner de 20 %. Comme la récolte de café à l'hectare rapportait en monnaie locale nettement moins que, par exemple, les bananes ou les haricots, nombre de paysans rwandais arrachèrent leurs caféiers par désespoir pour se tourner vers d'autres cultures (Waller, 1993).

Outre le café, le thé est devenu lui aussi une source importante de devises étrangères, passant de 9 % des recettes d'exportation en 1986 à 30 % en 1992. À l'inverse du café, le thé se cultive essentiellement dans les grands domaines qui, à une exception près, sont tous la propriété du gouvernement. Les plantations de thé couvrent ensemble 1 % du territoire cultivé. À certains endroits tels que Nkuli (Ruhengeri), les cultures de thé ont été introduites dans des zones précédemment occupées par des paysans locaux. Les récoltes annuelles entre 1988 et 1992 ont oscillé autour de 13 000 tonnes. Toutefois, à l'instar des récoltes de café, les récoltes de thé ont été gravement affectées par la guerre qui a éclaté en octobre 1990.

Globalement, les années '80 ont été marquées par le déclin spectaculaire de l'économie rwandaise et, à la fin de cette décennie, l'économie avait régressé dans chaque secteur-clé : croissance du PIB, balance des paiements, ratio échanges commerciaux/endettement. La stagnation du PIB a déjà été commentée ci-dessus. La balance des paiements s'est également détériorée à partir de 1985 et en 1989 la valeur des biens importés était 3,5 fois supérieure à la valeur des exportations. Cette situation s'explique largement par le déclin des termes de l'échange du Rwanda ou de son pouvoir d'achat international, qui a reculé de 47 % entre 1980 et 1987. Rares sont les pays à avoir connu un recul aussi prononcé au cours de la même période. Enfin, la dette externe (USD 189 millions en 1980) a augmenté d'une manière quasi constante tout au long des années '80 pour grimper en 1992 jusqu'à USD 873 millions (Waller, 1993; Vassall-Adams, 1994 et The Economist Intelligence Unit, 1995).

Les programmes d'ajustement structurel de 1990 et 1992 ont coïncidé avec la guerre qui débuta par l'invasion du Front patriotique rwandais en octobre 1990. Il est donc difficile d'évaluer leur impact macro-économique. Indépendamment des déboires des paysans producteurs de café, tout indique que l'introduction de coûts élevés notamment pour les soins de santé et l'éducation n'a fait qu'alourdir les charges déjà écrasantes des pauvres au Rwanda (Vassall-Adams, 1994; Marysse, 1993 et 1994).

La guerre a eu un effet dévastateur sur l'économie rwandaise. D'abord, elle a provoqué le déplacement de milliers de paysans vers le nord du Rwanda, avec des répercussions dramatiques pour la production de café et de denrées alimentaires. Ensuite, elle a coupé la route vers le port kenyan de Mombasa, le principal axe de communication entre le Rwanda et le reste du monde. De plus, elle a détruit l'industrie touristique naissante du pays, qui était devenue la troisième source de devises étrangères du pays. Enfin, elle amena le gouvernement à développer considérablement ses forces armées, réduisant ainsi les ressources nationales disponibles à d'autres fins (Vassall-Adams, 1994).

CHAPITRE 2

PÉRIODE PRÉ-COLONIALE

Ce chapitre, basé sur la documentation recueillie par des historiens concernant le développement du Rwanda pré-colonial, va dans plusieurs directions. D'une part, il souligne la diversité « ethnique » fondée en partie sur le statut professionnel et en partie sur la relation patron/dépendant, mais aussi sur l'ascendance Hutu/Tutsi. D'autre part, il rappelle que jusqu'à l'apparition des descriptions écrites réalisées par les premiers voyageurs européens, l'individu s'identifiait par rapport à son clan plutôt que par son appartenance ethnique et que cette description des groupes dits ethniques est le fait de ces voyageurs. Comme dans bon nombre de régions d'Afrique, en l'absence de sources écrites, de vestiges archéologiques, etc., les données historiques fiables antérieures au milieu du XIXe siècle sont chose rare.

La plupart des historiens s'accordent à dire que les premiers habitants du Rwanda vivaient de la chasse et de la cueillette et habitaient les forêts. Leurs descendants modernes sont les Twas qui ne constituent plus aujourd'hui qu'une faible minorité. Leur arrivée remonte à 2000 avant J.-C. Outre la chasse, ils pratiquent la poterie et la vannerie. Vers l'an 1000 après J.-C., l'arrivée de paysans, les Hutus, les contraignit à se déplacer. Cette migration s'inscrivait dans le cadre de l'expansion bantoue qui, dans le cas du Rwanda, peut être située des savanes du Cameroun actuel jusqu'à la région des Grands Lacs. Ces paysans ont défriché les forêts et cultivé le sol volcanique sombre et fertile (Vansina, 1962 et de Heusch, 1966).

Les agriculteurs immigrés d'expression bantoue cultivaient le sorgho, élevaient du bétail et des abeilles, chassaient et développèrent des industries villageoises. Ils portaient des peaux de chèvre et des vêtements tannés. Ils s'organisèrent en lignages et en clans placés sous le commandement de chefs de lignage et de chefs de clans (d'Hertefelt, 1962). Les Hutus ont cohabité avec les Twas et ont troqué des peaux et de la viande contre du sel et des objets en fer.

Au XVe siècle, une grande partie des Hutus étaient organisés en mini-États contrôlés chacun par un clan dominant et composés de plusieurs lignages sous l'autorité d'un lignage dirigeant (qui, au fil du temps, devint une dynastie) avec à sa tête un mwami (chef ou roi) qui était un chef temporel et spirituel chargé de faire tomber la pluie (Vansina, 1962). Il semblerait que certains lignages avaient déjà acquis du bétail à cette époque et que l'on avait assisté à l'émergence de plusieurs États avant l'immigration des Tutsis (principalement le clan Nyiginya ). Kagame (1972) estime qu'à ce stade, sept grands clans avaient un statut pré-Nyiginya .

Le Rwanda actuel, considéré comme une entité géopolitique composée de plusieurs mini-États, émergea d'après les historiens entre le XIe et le XVe siècle, en grande partie sous l'effet de l'immigration et l'implantation d'éleveurs tutsis. À partir du XVe siècle environ, le nombre d'éleveurs augmenta considérablement dans les États existants.

Les Tutsis semblent appartenir à un mouvement migratoire plus vaste d'éleveurs vers le sud dans la région des Grands Lacs (Bauman, 1948; d'Hertefelt, 1962). Les avis divergent sur la question de savoir si l'immigration vers le Rwanda a été graduelle ou soudaine. Mais au fil du temps, les Tutsis s'implantèrent à la fois par voie de conquête et d'assimilation (Lemarchand, 1970; d'Hertefelt, 1962; Kagame, 1972; Vansina, 1962; Ogot, 1984 et Reyntjens, 1985).

Il convient de distinguer deux phases d'interaction entre Hutus et Tutsis. L'immigration des Tutsis dans les zones hutues aurait commencé, selon les descriptions, par une infiltration graduelle et pacifique. Des têtes de bétail étaient échangées contre des produits agricoles et ces échanges constituèrent la base des échanges sociaux. Cependant, la coexistence pacifique était généralement suivie de conquêtes qui débouchaient sur le placement des territoires conquis sous l'administration directe et le régime militaire des Tutsis (Lemarchand, 1966; Vansina, 1962). Cette phase a été suivie d'un processus visant à acquérir le contrôle direct des facteurs de production, en ce compris la restriction graduelle de l'accès au sol, au bétail et au travail (C. Newbury, 1974; d'Hertefelt, 1962 et Vidal, 1969).

Pendant une période de 400 ans, toute une série d'unités politiques hutues ont donc été réduites au rang d'entités administratives et les Hutus se sont transformés en ce qui serait décrit plus tard comme une catégorie « ethnique » (Lema, 1993). L'on entend souvent dire qu'il y a environ 20 générations, l'est du Rwanda était sous la domination politique d'un clan tutsi, le clan Nyiginya . Au fil des siècles, ce clan forma un noyau étatique qui s'élargit vers l'ouest jusqu'à couvrir la plupart du territoire actuel (D. Newbury, 1987). L'histoire des territoires périphériques diffère dès lors de celle du centre du pays. Le Rwanda est donc un pays caractérisé par de fortes variations régionales. Ce sont surtout les régions du nord, les actuelles préfectures de Gisenyi et Ruhengeri, ainsi que certaines parties du sud-ouest qui se situent hors du noyau étatique rwandais.

Dans la foulée, les Hutus ont assimilé les Tutsis qui ont repris à leur compte la langue parlée par les Hutus (kinyarwanda) et intégré les traditions et les cultes hutus. De plus, ils partagent les mêmes collines ­ il n'y avait pas de ségrégation ­, les mariages interethniques étaient fréquents et les membres des deux ethnies portaient les mêmes noms (Lemarchand, 1970; Rennie, 1972; Oliver, 1977 et Reyntjens, 1985).

Durant la période pré-coloniale ou avant le XIXe siècle, les Tutsis, les Hutus et les Twas correspondaient globalement aux catégories professionnelles. Les éleveurs de bétail, les soldats et l'administration étaient majoritairement aux mains des Tutsis tandis que les Hutus étaient les paysans. Les Twas ont été marginalisés et souvent maltraités par les autres ethnies. Les Hutus et les Tutsis sont plus difficiles à distinguer et les individus pouvaient changer de catégorie au gré de leur bonne fortune. Bien que la domination des premiers Tutsis Nyiginya soit indéniable, une série d'institutions ont fait office de médiateur dans les relations sociales, en particulier le système des clans qui sous-tendait l'ensemble de la société rwandaise. Dix-neuf clans comprenaient les membres des trois groupes ethniques. D'aucuns affirment que jusqu'environ la moitié du XIXe siècle, l'appartenance au clan a en fait primé l'appartenance au groupe ethnique (tutsi, hutu, twa) (d'Hertefelt, 1971; D. Newbury, 1980; C. Newbury, 1978).

Les premiers voyageurs européens qui arrivèrent dans le centre du Rwanda observèrent une stratification socio-économique et « ethnique » entre Tutsis, Hutus et Twas. Les Tutsis étaient décrits comme une ethnie distincte par son origine, ses activités économiques, son statut social et son apparence physique, bien que partageant le même langage, la même religion et les mêmes lieux d'implantation que les Hutus (von Götzen, 1895; Kandt, 1921). Cette description des « groupes ethniques » rwandais ­ basée en partie sur la méthodologie indigène ­, soutenue et diffusée par les étrangers, agents coloniaux, ethnologues, anthropologues, historiens, etc., finit par représenter la vision qu'a l'Occident du peuple rwandais. Or, il s'avère que les Rwandais s'identifient plus volontiers en fonction de leur identité personnelle qu'en fonction de leur appartenance au clan. Plusieurs études de David Newbury ont montré que si les termes « Hutu » et « Tutsi » existaient durant la période pré-coloniale, ils n'avaient toutefois pas la même signification qu'aujourd'hui et que le sens de l'identité « ethnique » varie d'un endroit à l'autre et d'une époque à l'autre. Il n'existe aucune définition universelle de l'identité ethnique qui puisse s'appliquer à toutes les régions à la fois (D. Newbury, 1979, 1980; C. Newbury, 1988).

Le processus de fusion des mini-États en un Rwanda unifié a duré plusieurs centaines d'années. L'État Nyiginya dans l'est du Rwanda commença une lente expansion par voie de conquête et en monnayant sa protection contre un tribut. Il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir apparaître le Rwanda comme pays unifié sous le mwami Kigeri Rwabugiri. Sous son règne, le mwami était la source et le symbole de toute autorité dans un État politiquement centralisé. Certains États plus petits conservèrent leur autonomie jusqu'en 1910-1920. Tel fut par exemple le cas de la région septentrionale à proximité de Ruhengeri, qui n'a été intégrée dans la monarchie rwandaise que sous le régime colonial allemand. Il a fallu plusieurs expéditions militaires des Schutztruppe allemandes assistées de Tutsis du centre du Rwanda entre 1910 et 1912 pour défaire les Hutus du nord ­ connus sous le nom de Kiga ­, causant ainsi un fort ressentiment envers les Tutsis et les Hutus du sud, appelés Banyanduga , qui les avaient accompagnés (Dorsey, 1994; Waller, 1993). Aujourd'hui, les Rwandais du nord constituent donc une sous-culture distincte dans laquelle les contacts avec les Tutsis ont été moins fréquents et la conscience d'un passé pré-tutsi plus aiguë que dans les autres parties du Rwanda (Lemarchand, 1970 et 1995).

Le règne de Rwaburigi ou Kigeri IV dura de 1860 à 1895, soit juste avant l'arrivée du colonialisme européen, et marque un grand tournant dans l'histoire du Rwanda. Rwabugiri passa outre des contraintes traditionnelles et accrut les prérogatives du trône. Il est considéré comme le dernier grand réformateur et souvent qualifié de grand roi guerrier. Sa politique intérieure poursuivait un double objectif, à savoir la centralisation du pouvoir et l'extension des structures politiques centrales vers la périphérie du royaume. Dans le domaine de la politique extérieure, il mena une série de campagnes militaires dirigées contre les mini-États hutus dans l'ouest et dans l'est du Rwanda qu'il finit par annexer à son royaume. Les parties situées au nord et au sud-ouest conservèrent par contre un large degré d'autonomie. Pour saper le pouvoir héréditaire détenu par les anciennes familles tutsies, Rwabugiri limogea les officiels en place et nomma des hommes qui dépendaient directement de lui, notamment dans les régions qui avaient joui d'une certaine indépendance, renforçant ainsi les ressources matérielles à la disposition de la monarchie (Dorsey, 1994).

Ce qu'il faut retenir des efforts de développement de l'État sous le règne de Rwabugiri, c'est qu'ils ont renforcé la conscience des différences « ethniques » au Rwanda. C. Newbury explique :

« Avec l'arrivée d'autorités centrales, les critères de distinction ont été modifiés et accentués, dès lors que les catégories hutues et tutsies ont admis les nouveaux accents hiérarchiques associés à la proximité de la cour centrale, la proximité du pouvoir. Plus tard, lorsque l'arène politique s'est élargie et que l'activité politique a gagné en intensité, ces classifications se sont de plus en plus stratifiées et rigidifiées. Plus qu'un véhicule dénotant la différence culturelle par rapport aux Tutsis, l'identité hutue finit par être associée puis assimilée à un statut inférieur » (C. Newbury, 1988).

Relations patron/dépendant

Le ciment qui a uni la population est l'institution du ubuhake ­ une relation fortement personnalisée entre deux individus de statut social différent (Maquet, 1954). Cette relation patron/dépendant implique des liens réciproques de loyauté et d'échange de biens et services. Elle fournissait une place, un statut, dans un système hiérarchique. Le patron était généralement Tutsi, mais le dépendant pouvait être un Hutu ou un Tutsi de statut social inférieur. Une même personne pouvait être à la fois patron et dépendant. Même les patrons Tutsis de Hutus pouvaient être dépendants d'un autre Tutsi. En théorie, la seule personne qui n'était pas un dépendant dans ce système était le mwami lui-même. Donc, la plupart des Tutsis étaient dépendants et certains Hutus étaient patrons. Au sommet de la pyramide, il y avait toujours un Tutsi et au bas de la pyramide un Hutu et/ou un Twa. Cette relation institutionnalisée a été renforcée sous le régime colonial et n'a été abolie qu'à la fin des années '50 (Saucier, 1974; C. Newbury, 1988).

Le système ubuhake et l'ordre social qui va de pair ont prédominé dans le centre du Rwanda où l'influence tutsie était la plus forte. Dans les régions à domination hutue dans le nord et le sud-ouest, plusieurs systèmes se sont développés, basés pour la plupart sur des baux à ferme ou sur la donation de produits agricoles. Les patrons étaient souvent Hutus; dans le nord, tous les patrons étaient Hutus (d'Hertefelt, 1962; Vansina, 1962). Cependant, la prédominance du bétail comme forme de richesse utilisable signifiait que les chefs de bétail sont parvenus à dominer le centre du Rwanda. Mobiliser une armée nécessitait du capital, qui se présentait uniquement sous la forme de têtes de bétail; or les Tutsis contrôlaient le bétail. Dans ces régions, les Hutus avaient presque tous le statut de dépendant.

L'ubuhake (et d'autres formes de relation patron/dépendant telles que l'uburetwa ) a eu des effets importants : 1) en institutionnalisant les différences économiques entre les Hutus en majorité cultivateurs et les Tutsis éleveurs de bétail; 2) en servant d'instrument de contrôle qui a fait des Hutus des dépendants socio-économiques et politiques et des Tutsis des patrons; et 3) en conduisant à un processus d'amalgame « ethnique », en particulier chez les Hutus. Il en a résulté une dichotomie « ethnique » hutue-tutsie qui s'inscrivait dans le prolongement du processus socio-économique et politique engendré par l'extension et l'occupation tutsies (Lema, 1993).

Plusieurs historiens mettent cependant en doute que la relation patron/dépendant ait été une pierre angulaire de la formation sociale traditionnelle hutue-tutsie, étant donné que les clans rwandais se composaient de plusieurs castes et ethnies. Ils font remarquer que les 19 clans les plus importants comprennent aussi bien des Hutus que des Tutsis (Vidal, 1985; d'Hertefelt, 1971; C. Newbury, 1987; D. Newbury, 1980). Par exemple, les Hutus ne partageaient pas le sentiment d'appartenance à un peuple ou une identité. À cet égard, le système a plutôt débouché sur une différenciation et une stratification économique entre les différentes professions.

Groupes ethniques dans le Rwanda pré-colonial

À la fin du XIXe siècle, le mwami , dirigeant de l'État rwandais, possédait l'ensemble des terres et du bétail. Il régnait en despote mais s'entourait d'un conseil politique de grands chefs et d'un conseil permanent appelé abiru (spécialistes du rite) qui le conseillait sur les obligations divines liées à sa charge (Vansina, 1962). Selon les 500 ans de la chronologie mwami , tous les bami (pluriel de mwami ) étaient Tutsis (Kagame, 1957; Vansina, 1962). Aucun d'eux n'était marié à une femme Hutue, ce qui a toute son importance puisque la reine mère jouait un rôle capital dans la société traditionnelle. Il semblerait que les grands chefs aient également été Tutsis (Lema, 1993) tandis que les spécialistes du rite qui composaient l'abiru étaient des Hutus s'inspirant des anciens rites hutus (de Lacger, 1939; Vansina, 1962).

Le mwami faisait office de juge et de cour suprême dans la société rwandaise traditionnelle. Les cours inférieures étaient la cour administrative et la cour militaire. La cour administrative tranchait les litiges relatifs à l'occupation du sol et était dirigée par le chef de terre tandis que la cour militaire, présidée par le chef de l'armée, tranchait les litiges relatifs au bétail. Le mwami et tous les chefs d'armée étaient Tutsis, de même que la quasi-totalité des chefs de bétail (Vanhove, 1941). Quant à l'armée, bien que composée sur une base multi-« ethnique », elle était clairement stratifiée de manière à ce que tous les postes soient attribués par ordre décroissant d'importance aux Tutsis, aux Hutus et enfin aux Twas pour les grades inférieurs. Il n'y avait donc pas de partage du pouvoir dans les activités de l'armée : le commandement, comme la plupart des autres institutions de l'État, était mono- ou uni-ethnique tutsi (Lema, 1993; Adekanye, 1995).

Vers la fin du XIXe siècle, plusieurs régions du royaume rwandais avaient développé une structure administrative complexe et hautement organisée englobant les provinces, les districts, les collines et les quartiers (Vansina, 1962). Les provinces étaient normalement administrées par les hauts chefs ou les commandants d'armée qui étaient toujours des Tutsis. Les districts étaient administrés par deux chefs désignés par le mwami : un chef du bétail ayant la charge de collecter les impôts auprès des pasteurs et un chef de terre ayant la charge de collecter les impôts auprès des agriculteurs (Pagès, 1933; de Lacger, 1939; Kagame, 1952 et Maquet, 1961). Les chefs de bétail étaient normalement Tutsis et les chefs de terre Hutus (Kagame, 1957 et 1975). Les districts étaient divisés en collines administrées par des chefs chargés de transmettre les taxes aux deux chefs de district. Le Rwanda n'avait pas et n'a toujours pas de villages au sens de concentration d'habitat (C. Newbury, 1978). La colline était l'unité administrative de base et comptait non pas un mais trois chefs, à savoir :

­ le chef des pâturages (toujours un Tutsi) chargé de délimiter les droits de pâturage;

­ le chef de terre (presque toujours un Hutu) chargé des problèmes d'agriculture et des taxes foncières; et

­ le chef des hommes (généralement un Tutsi) qui collectait les impôts et qui était une espèce d'agent de recensement pour les abagaba , les recruteurs de l'armée du mwami (Kagame, 1975).

Les trois fonctions étaient souvent enchevêtrées : une même personne pouvait remplir les trois fonctions mais sur des collines différentes. Ou elle pouvait n'en remplir qu'une seule ou deux. (Les paysans jouaient sur les rivalités entre chefs, caractéristique essentielle de la survie des paysans, qui disparut à la suite des réformes du gouverneur Voisin à la fin des années 1920. Depuis ces réformes, chaque colline doit être administrée par un seul chef) (Prunier, 1995).

Il s'ensuit que l'État rwandais se transforma en structure dominée par les Tutsis, construite pour asseoir leur pouvoir politique. Les Hutus ne participaient à l'administration qu'aux niveaux intermédiaire et inférieur. Ils recevaient les ordres et les normes, ils n'arrêtaient pas les normes. Il n'y a donc guère de marge d'intégration « ethnique » dans les échelons supérieurs de l'appareil de l'État (Lema, 1993).

CHAPITRE 3

LA PÉRIODE COLONIALE ET L'INDÉPEN- DANCE

L'ère coloniale

Lorsqu'en 1916, la Belgique occupa le Rwanda-Urundi à la suite de sa campagne est-africaine contre l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, les deux royaumes du Rwanda et du Burundi n'avaient fait l'objet que d'une administration marginale par Berlin depuis 1899. En 1914, il y avait en tout et pour tout six fonctionnaires allemands au Burundi et cinq au Rwanda, soit un total de onze fonctionnaires pour administrer un territoire qui fait le double de la Belgique. S'étant rendu compte que les royaumes mwami existants fonctionnaient comme des nations à part entière avant l'arrivée des Européens et, sans aucun doute, guidés par une pénurie de personnel colonial, les Allemands décidèrent dès le début de favoriser une politique de régime indirect. L'occupation se traduisit par des « traités » de protectorat négociés entre les Allemands et les mwami (Reyntjens, 1994). Le système politique existant qui était beaucoup plus fort et plus centralisé au Rwanda qu'au Burundi, allait donc jouer à plein (Louis, 1963).

La Belgique poursuivit cette politique : un décret du 6 avril 1917 disposait que « sous l'autorité du commissaire résident, les sultans (bami ) exercent leur pouvoir politique et judiciaire dans la mesure où il reste en accord avec les coutumes indigènes et avec les instructions du Commissaire royal » (Rumiya, 1992).

Après la Première Guerre mondiale, la Belgique reçut le Rwanda en mandat de la Société des Nations et, en 1946, ce pays devint un territoire belge sous tutelle des Nations Unies. Pendant les 40 années d'administration belge, comme dans la plupart des régimes coloniaux, on observe une désintégration, une distorsion ou une corruption des structures sociales et politiques indigènes avec toutes les conséquences qui en découlent. Par exemple, alors que la relation pré-coloniale indigène patron/dépendant était flexible et contenait un élément important de réciprocité, le colonisateur belge a en fait rigidifié le système en supprimant les obligations réciproques. En « renforçant » une institution rwandaise, le colonisateur a ainsi introduit le travail forcé et renforcé les divisions socio-économiques entre Tutsis et Hutus. On peut citer des exemples similaires de détournement d'autres institutions pré-coloniales. Balandier décrit ce phénomène comme suit : la tombée en désuétude des entités politiques traditionnelles, la détérioration générale consécutive à la dépolitisation, l'effondrement des systèmes traditionnels de contrôle du pouvoir, l'incompatibilité entre le système de pouvoir et l'autorité et, enfin, les abus de pouvoir (Balandier, 1978). L'intéressant ici, c'est la mesure dans laquelle ces développements ont affecté les relations inter-ethniques au Rwanda.

La thèse hamitique se généralisa parmi les fonctionnaires et les missionnaires européens actifs dans la région des Grands Lacs au début du siècle. Selon cette thèse, « tout ce qui a de la valeur en Afrique a été introduit par les Hamites, branche supposée de la race caucasienne » (Sanders, 1969). Lorsque le célèbre explorateur britannique John Speke arriva dans le royaume de Buganda (aujourd'hui l'Ouganda) qui était doté d'une organisation politique élaborée, il attribua cette civilisation à une race indigène de nomades pasteurs apparentés aux « Hamites » Galla (éthiopiens). L'attrait de cette hypothèse pour les Européens réside dans le fait qu'elle permet d'établir un lien entre les caractéristiques physiques et les capacités mentales : les « Hamites » étaient supposés être des leaders nés et avaient, en principe, droit à une histoire et à un futur presque aussi nobles que ceux de leurs « cousins » européens (Linden, 1977). Au Rwanda, les Hamites étaient les Tutsis : « ils ne ressemblent aux nègres que par leur couleur de peau » (Jamoulle, 1927); « avant de devenir des noirs, ils avaient le teint hâlé » (de Lacger, 1961); « sa stature est plus proche de celle d'un blanc que de celle d'un nègre ­ en fait, il ne serait pas exagéré d'affirmer que c'est un Européen qui a la peau noire... » (Gahama, 1983). Cette thèse raciste a été déclinée sur d'innombrables registres mais elle se résume à considérer les Tutsis comme apparentés aux Européens, si bien que les Européens pourront facilement travailler avec eux. Cette thèse servait donc également la politique coloniale du diviser pour régner (Adekanye, 1995).

Vers la fin des années 1920, la thèse hamitique connut une utilisation qui allait modifier radicalement les relations interethniques au Rwanda. Dans le cadre d'un processus de réformes administratives (qui connut son apogée avec le Programme Voisin en 1926-1931), consistant notamment à regrouper et à agrandir le territoire des chefs (il ne restait plus dans le nouveau système que 40 chefs sur 200), il fut décidé d'accorder un traitement préférentiel aux Tutsis dans le recrutement des autorités politiques indigènes. Il semblerait que la position tranchée adoptée sur la question par Monseigneur Leon-Paul Classe, vicaire apostolique au Rwanda, eut une influence considérable. Dans une lettre datée du 21 septembre 1927, il écrivait à Georges Mortehan, le Commissaire belge résident, en ces termes :

« Si nous voulons être pratiques et défendre l'intérêt réel du pays, nous trouverons un élément remarquable de progrès en la personne des jeunes Mututsis [...] Demandez au Bahutu s'il préfère recevoir des ordres de personnes frustes ou de la bouche de nobles et la réponse sera claire : ils préféreront les Batutsis, et avec raison. Chefs nés, ils sont faits pour commander. [...] Voilà le secret qui leur a permis de s'implanter dans ce pays et de le tenir sous leur emprise » (de Lacger, 1961).

Face à ce qu'il considère comme des « hésitations et des atermoiements de l'administration coloniale concernant l'hégémonie traditionnelle des Batutsis bien-nés », Monseigneur Classe adresse en 1930 une mise en garde sévère rédigée en ces termes :

« Le plus grand tort que le gouvernement pourrait se causer à lui-même et infliger au pays serait de supprimer la caste mututsie. Une telle révolution conduirait le pays tout droit à l'anarchie et à un communisme vicieusement anti-européen. Loin d'être un vecteur de progrès, ceci annihilerait toute action du gouvernement dès lors que ce dernier serait privé d'auxiliaires capables de compréhension et d'obéissance de par leur naissance. [...] Nous ne saurions avoir de chefs meilleurs, plus intelligents, plus actifs, plus capables de comprendre l'idée du progrès et plus susceptibles d'être acceptés par la population que les Batutsis » (Classe, 1930).

Le message du vicaire apostolique fut compris comme un fervent plaidoyer en faveur d'un monopole tutsi, du moins en principe. Son intervention mit fin aux « hésitations » et aux « atermoiements » de l'administration. Les chefs et assistants-chefs hutus furent démis de leurs fonctions et remplacés par des Tutsis. De plus, le pouvoir mena une politique vigoureuse protégeant et renforçant l'hégémonie tutsie. De ce fait, bien que les Hutus et même les Twas exerçaient traditionnellement une partie du pouvoir, fût-ce à des niveaux inférieurs, la « tutsification » des années 1930 conféra aux Tutsis un monopole du pouvoir politique et administratif. Conjuguée à l'abolition de la triple hiérarchie des chefs (chef d'armée, chef de bétail et chef de terre), cette politique ne fit qu'accentuer les divisions ethniques (Reyntjens, 1985). L'introduction de la carte d'identité en 1933 vint encore ajouter un peu d'huile sur le feu : chaque Rwandais était désormais enregistré (sur la base de critères assez arbitraires) comme Tutsi, Hutu ou Twa (Reyntjens, 1985).

Enfin, les possibilités des Hutus furent encore limitées davantage par la discrimination introduite dans les écoles catholiques, qui représentaient le système scolaire dominant pendant toute la période coloniale. Les Tutsis qui avaient résisté à la conversion furent inscrits de plus en plus nombreux dans les écoles des missions catholiques. Pour adapter et encourager davantage ce processus, l'Église ajusta sa politique d'enseignement en favorisant ouvertement les Tutsis et en discriminant les Hutus. À quelques exceptions près, les Hutus ne recevaient que l'éducation requise pour le travail à la mine et dans l'industrie (C. Newbury, 1988).

Bref, la monopolisation du pouvoir entre les mains des Tutsis constitua un facteur crucial et indiscutable de l'enracinement (« structuration ») du clivage ethnique. Cette intervention coloniale transforma les groupes en catégories politiques distinctes. Dans un certain sens, nous avons affaire ici à un cas d'ethnogenèse (Roosens, 1989) qui, dans le cas du Rwanda, allait immanquablement entraîner une réaction de la part des Hutus exclus du pouvoir. Le discours tutsi a tiré des conclusions démesurées des allégations d'ethnogenèse en soutenant qu'avant l'arrivée des Européens, le peuple du Rwanda (et du Burundi) était assez homogène et que par leur politique du diviser pour régner, les autorités coloniales ont délibérément introduit des clivages ethniques. Or, les groupes ethniques existaient avant la colonisation. La politique coloniale n'a fait que se greffer sur une fondation qui contenait déjà en elle les germes de conflits potentiels (Reyntjens, 1994).

À partir de la moitié des années 1950, les exigences politiques commencent à être formulées en termes ethniques au Rwanda. Des thèses opposées furent exprimées de manière assez stéréotypée dans trois documents principaux : d'une part, le Manifeste des Bahutus du 24 mars 1957 et, d'autre part, deux lettres des grands chefs tutsis (« Abagaragu b'ibwami bakuru ») (Nkundabagenzi, 1961). Replaçant le problème ethnique dans un contexte social, le Manifeste des Bahutus revendique l'émancipation des Hutus ainsi qu'un processus de démocratisation. Partant de la thèse colonialiste selon laquelle les Tutsis sont des étrangers et revendiquant que les Hutus (en majorité) sont les véritables citoyens du Rwanda et donc les dirigeants légitimes du Rwanda, le manifeste est une déclaration importante tant pour la révolution sociale de 1959 que pour l'accentuation du clivage ethnique. Ce document capital publié au départ sous le titre « Notes sur l'aspect social et le problème racial indigène au Rwanda » et destiné à influencer une mission des Nations Unies en visite dans le pays, a été rédigé par neuf intellectuels hutus. Parmi les signataires, Grégoire Kayibanda, le futur président. Ce manifeste s'attaquait à tout le concept de l'administration belge et soutenait que le problème fondamental du Rwanda est un conflit entre Hutus et Tutsis d'origine hamitique, donc étrangère (Dorsey, 1994; Prunier, 1995). Les deux lettres écrites par les grands chefs conservateurs (et qui n'exprimaient pas forcément le point de vue de l'ensemble de l'élite politique tutsie) rejetaient la participation hutue « parce que nos rois ont conquis le pays des Bahutus, tué leurs `petits' rois et donc assujetti les Bahutus; comment peuvent-ils alors se prétendre nos frères ? » (Reyntjens, 1994).

Lors de la création des partis politiques à la fin des années 1950, les structures politiques étaient déjà établies selon le clivage ethnique : le Parmehutu (Parti du mouvement de l'émancipation des Bahutus) et l'APROSOMA (Association pour la promotion sociale des masses) étaient principalement hutus tandis que l'UNAR (Union nationale rwandaise) et le RADER (Rassemblement démocratique rwandais) étaient essentiellement tutsis. Lors des élections législatives de septembre 1961, ce clivage fut confirmé : les partis hutus obtinrent environ 83 % des suffrages, ce qui correspond à peu près à la proportion de Hutus dans la population. En d'autres termes, une majorité démographique se doublait d'une majorité politique. À partir de 1965, consécutivement à l'élimination de l'opposition (élimination en partie physique, en partie par des moyens politiques), le Rwanda devient de facto un État dirigé par un parti unique monoethnique (hutu) par essence (Reyntjens, 1985).

Du règne du mwami Rwabugiri jusqu'à l'abolition de la monarchie en 1961, le royaume du Rwanda a été un État hautement organisé et stratifié. Les réformes communales de la période coloniale ne firent que renforcer cette situation. La dernière grande réforme communale qui remonte à 1960, confirmait une nouvelle fois la structure hyperorganisée de l'État rwandais. Le pays fut divisé en 10 préfectures elles-mêmes subdivisées en un certain nombre de communes. Celles-ci, au nombre de 143 au total, formaient la base du développement. Les communes étaient divisées chacune en 4 à 5 secteurs, eux-mêmes subdivisés en « cellules » (10 cellules par secteur). S'inspirant du modèle tanzanien, l'unité organisationnelle finale est la cellule de 10 ménages comprenant 80 personnes. Rares sont les pays africains à être aussi bien organisés et à utiliser leurs structures de manière aussi intensive que le Rwanda (Reyntjens, 1985).

Transition vers l'indépendance

La révolution de 1959-1961 soutenue par l'administration belge (Harroy, 1984; Logiest, 1988) conduit à l'abolition de la monarchie et à la suppression de toutes les structures politiques et administratives tutsies sur lesquelles la Belgique avait, pendant des décennies, basé sa politique d'administration indirecte. La révolte des paysans (Hutus) a été largement provoquée par l'intransigeance d'un parti conservateur et de l'élite administrative qui refusa platement toute démocratisation pourtant réclamée par une élite hutue émergente et par une contre-élite tutsie, nettement plus progressive que celle au pouvoir (Reyntjens, 1994). Bien qu'au départ, le nombre de victimes soit resté assez limité, les tentatives de l'élite tutsie traditionnelle au pouvoir visant à maintenir un règne autoritaire conduisirent à des chocs violents. Les Belges ont soutenu la révolte. L'abolition de la monarchie et l'émergence d'une élite hutue devinrent définitives en septembre 1961 lorsque 80% des électeurs se prononcèrent en faveur d'une république à l'occasion d'un référendum. Les résultats des élections législatives désignaient aussi clairement les partis à domination hutue comme les grands vainqueurs du scrutin.

Les événements de 1959-62 : renversement de situation et confrontation

La plupart des observateurs s'accordent à dire que la transition révolutionnaire de la monarchie à domination tutsie vers la République dirigée par les Hutus, qui a duré de novembre 1959 à septembre 1961 et qui a connu son apogée le 1er juillet 1962 avec la déclaration d'indépendance, constitue une période cruciale pour comprendre la division ethnique du pays qui a suivi (Reyntjens, 1985; Lema, 1993; C. Newbury, 1988). Cette courte période de l'histoire, qui commença par la jacquerie de 1959, amena un renversement des rôles. Sous la pression de la vague de changement démocratique déferlant sur l'Afrique, les autorités belges cessèrent de soutenir l'aristocratie tutsie et accordèrent leur appui à la majorité hutue, retirèrent leur soutien au mwami , abandonnèrent leur politique d'administration indirecte et conduisirent en hâte le Rwanda (et le Burundi) à l'indépendance nationale. Ce processus, remarque Linden (1995), marque le début d'un cycle de turbulences du pouvoir dans lesquelles « la capture de l'État rwandais d'entre les mains des opposants politiques a été un jeu blanc violent dans lequel le vainqueur emporte tout ». La lutte pour le pouvoir dans une arène abandonnée par la puissance coloniale et son ancien allié, la monarchie traditionnelle, explique l'exacerbation des tensions ethniques. Alors que les Tutsis se considéraient déjà comme un groupe par leur position dominante dans la société coloniale, l'élite hutue émergente jugea nécessaire de susciter une conscience hutue des sous-privilégiés afin de réussir à battre en brèche le leadership indigène, de s'emparer de l'État vacant et de redresser les injustices résultant de l'histoire.

Vers la fin des années 50, les autorités belges s'intéressèrent subitement à la situation de la majorité constituée par les paysans hutus. L'Église catholique fit un changement de cap tout aussi radical comme en atteste la lettre pastorale de Monseigneur André Perraudin écrite à la fin des années 50, dans laquelle il adopte une attitude pro-hutue en affirmant que la discrimination sociale subie par les Hutus n'était plus compatible avec une saine organisation de la société rwandaise (Reyntjens, 1994).

Le 1er novembre 1959, des violences ethniques éclatent après que le leader du parti Parmehutu eut été molesté par des jeunes Tutsis. Les émeutes qui s'en suivirent menèrent à une vaste révolte des Hutus au cours de laquelle des centaines de Tutsis perdirent la vie. Le gouvernement belge réagit en envoyant des troupes belges. Contrairement à ce que l'on aurait pu attendre, les troupes belges ne tentèrent pas d'écraser la révolte hutue mais adoptèrent une politique pro-hutue dans les faits en installant une administration militaire et en désignant plus de 300 chefs et sous-chefs hutus pour remplacer les Tutsis renversés, tués ou en fuite depuis le début de la rébellion (C. Newbury, 1988; Prunier, 1995). Peu après, en mai 1960, les autorités belges confirmèrent leur nouvelle politique en créant une garde militaire territoriale indigène composée de 650 hommes et basée sur la répartition ethnique, à savoir 85 % de Hutus et 15 % de Tutsis.

Comme nous l'avons déjà dit, les rôles se sont inversés. Une nouvelle confirmation du changement fut donnée par les élections locales de juin-juillet 1960 qui créditèrent les partis politiques à domination tutsie de seulement 16 % des suffrages, traduisant ainsi une victoire hutue écrasante. Après les élections, 211 des 229 bourgmestres allaient être Hutus (C. Newbury, 1988). Dans cette situation et dans un contexte de chocs ethniques continuels, le mwami Kigeri V décida de quitter le Rwanda le 29 juin 1960, officiellement pour assister aux fêtes d'indépendance au Congo. Il n'allait cependant jamais regagner son pays.

La politique rwandaise de la Belgique a valu à cette dernière des critiques acerbes de la part de l'Assemblée générale des Nations Unies qui, de décembre 1960 à juin 1962, en appela à plusieurs reprises à une réconciliation avec le mwami et les représentants tutsis emprisonnés, tout en pressant la Belgique de préserver l'unité entre le Rwanda et le Burundi, mais en vain. Au contraire, les autorités belges renforcèrent le processus d'indépendance du Rwanda en lui accordant l'autonomie interne sous un gouvernement transitoire dirigé par le fondateur du Parmehutu , Grégoire Kayibanda, leader hutu de la région de Gitarama dans le centre du Rwanda. Pendant toute cette période, la confrontation entre Hutus et Tutsis continua mais ce fut l'escalade avec des morts, des expulsions ou des exils, surtout dans les rangs tutsis.

La transition entre la domination politique tutsie et la domination hutue a été scellée par les élections législatives du 25 septembre 1961 qui ont débouché sur une victoire écrasante des partis hutus. Le Parmehutu obtint pas moins de 78 % des suffrages, décrochant ainsi 35 sièges sur 44, tandis que l'UNAR (parti dominé par les Tutsis) n'obtenait que 17 % des suffrages et sept sièges. Un référendum simultané entraîna un rejet tout aussi massif de la monarchie pour lui préférer un système républicain de gouvernement. Après les élections, Grégoire Kayibanda fut élu président du nouveau parlement le 26 octobre 1961. Ce dernier nomma un gouvernement composé initialement de membres du Parmehutu , de l'UNAR et d'APROSOMA. Huit mois plus tard, le 1er juillet 1962, le Rwanda et le Burundi finirent par obtenir formellement leur indépendance en tant qu'États souverains, indépendance que l'Assemblée générale des Nations Unies n'approuva que du bout des lèvres.

Pendant les trois décennies suivantes, la jacquerie hutue de 1959 et les événements qui conduisirent à l'indépendance en 1962, constituèrent les principaux points de référence de la vie politique du Rwanda, positifs ou négatifs selon les craintes ou les espoirs des personnes concernées.

Pour quelle raison ces développements politiques ont-ils revêtu la forme d'une confrontation violente entre Hutus et Tutsi? C. Newbury apporte un élément de réponse :

« le fait saillant est que la quasi-totalité de ceux qui contrôlaient l'État (avant 1959), les chefs et les sous-chefs, étaient Tutsis et c'est ici que le facteur ethnique prend toute son importance [...] Pour les leaders hutus, l'appel à la solidarité hutue devint le point de ralliement le plus efficace pour l'activité révolutionnaire. Bien que les Hutus fussent en mesure de distinguer ­ et l'aient apparemment fait ­ les différents types de Tutsis et leurs attitudes, le fait que les chefs et les autres agents africains de l'État étaient considérés comme des exploiteurs et que ceux-ci étaient très majoritairement Tutsis, fit la force de l'appel à la solidarité ethnique là où un appel à « tous les pauvres » aurait été moins écouté. La politique coloniale ayant à moult reprises pris pour cible la caste inférieure des Hutus au statut d'exclus, même les pauvres Tutsis n'ont pas subi les mêmes formes de discrimination que celles infligées aux Hutus. » (C . Newbury, 1988)

Trois conséquences de ce tournant crucial ont déterminé et continuent à déterminer les développements politiques au Rwanda.

1. Exil d'un grand nombre de Tutsis. Le nombre exact de réfugiés a fait l'objet de nombreux débats et a été utilisé à des fins de propagande. Tel fut le cas en particulier durant la crise d'octobre 1990 qui suivit l'incursion du FPR (Front patriotique rwandais) au départ de l'Ouganda. En fait, les réfugiés tutsis ont quitté le Rwanda lors des crises successives, plus spécialement en 1959-1961, 1963-1964 et en 1973. Au début des années 1990, leur nombre s'élevait à environ 600 000, y compris les descendants des premiers réfugiés (Guichaoua, 1992). Ce chiffre est contesté par de nombreuses personnes. Prunier établit cependant que ce chiffre est la meilleure estimation dont on dispose (Prunier, 1995). Ce chiffre est impressionnant puisqu'il correspond à environ 9 % de la population totale estimée du pays, soit la moitié de la population tutsie. Ils constituent un élément d'insécurité structurelle, d'autant que les communautés de réfugiés tutsis n'ont jamais accepté l'exil comme un fait accompli. Au contraire, ils ont toujours revendiqué leur appartenance au Rwanda et leur droit d'y retourner. Avant même l'indépendance, des groupes de réfugiés commencèrent à faire des incursions armées visant à tenter de récupérer leur ancienne position. Ces incursions étaient faciles à réaliser puisque la majorité des réfugiés résidaient dans les quatre pays voisins. Ces activités imputables à des groupes de réfugiés tutsis, les inyenzi (cafards) ne prirent fin qu'en 1967 (Reyntjens, 1994).

L'attitude officielle des gouvernements rwandais par rapport à ce problème a changé considérablement au fil des années. Au début des années 60, le gouvernement provisoire avait exprimé sa préoccupation en créant un Secrétariat d'État aux Réfugiés. Sous la Ière république (1962-1973), les réfugiés ont été invités à plusieurs reprises à regagner le Rwanda. Cet objectif n'a toutefois jamais été atteint. D'une part, les réfugiés tutsis n'ont jamais cru à la sincérité des changements d'attitude du gouvernement. D'autre part, les inyenzi faisaient des incursions à intervalles réguliers. Fin 1963, début 1964, une nouvelle vague de réfugiés quitta le Rwanda.

Sous la seconde république (à partir de 1973), la situation changea quelque peu (mais sans jamais disparaître) par suite d'une politique de pacification ethnique. Mais le régime en place dressa un nouvel obstacle en prétextant que le pays était surpeuplé et incapable de réintégrer un grand nombre de réfugiés. Les rapatriements massifs étaient donc exclus. Cette position fut soutenue par une déclaration du Comité central du MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) datée du 26 juillet 1986. De plus, le retour des réfugiés individuels était soumis à certaines conditions prêtant à de multiples interprétations. Il était par exemple prévu que le candidat au rapatriement devait « apporter la preuve qu'à son retour au pays, il serait capable de se prendre en charge » (Ndagijimana, 1990). Cette position, qui devint la position « définitive », entraîna pour la première fois la tenue par les réfugiés d'une conférence internationale à Washington en août 1988. La position du gouvernement fut rejetée et l'on réaffirma le plein droit de retour au pays. À ce stade, on assistait, sans doute sans s'en rendre compte, à la genèse d'une confrontation imminente. La crise d'octobre 1990 fut donc essentiellement une crise des réfugiés, plongeant ses racines dans les événements de 1959-1962, renforcée par les développements politiques qui ont suivi au Rwanda et dans les États voisins, en particulier en Ouganda.

2. L'exclusion virtuelle de tous les Tutsis de la vie publique. Cette exclusion a deux origines : 1) les partis tutsis ont subi le même sort que les autres partis d'opposition (voir ci-dessous) et 2) les citoyens tutsis devinrent les victimes d'abus en tous genres. En fait, la révolte de novembre 1959 n'était que le début d'une série d'actions violentes dirigées contre les Tutsis. Les événements de 1959 causèrent plusieurs centaines de morts et ce nombre ne fit qu'augmenter graduellement au cours des crises successives. Les premières victimes politiques furent les chefs et les sous-chefs tutsis. Quelque 21 et 314 des 43 chefs et des 549 sous-chefs tutsis en poste début décembre 1959, furent éliminés par meurtre, explosion ou exil. Ils furent remplacés par les autorités hutues temporaires qui, six mois après la révolte, occupaient environ la moitié des postes. Aux élections municipales de juin-juillet 1960, les partis tutsis obtinrent 289 conseillers municipaux sur un total de 3 125, soit environ 9 % des sièges. Il convient toutefois d'observer que l'UNAR avait appelé ses membres à boycotter ces élections, ce qui risque d'avoir influencé les résultats en faveur des partis hutus.

L'élimination physique resta monnaie courante, surtout dans les périodes de tension politique, comme avant et pendant les élections municipales de 1960 et les élections législatives de septembre 1961. Mais l'estocade fut donnée fin 1963. Une attaque des inyenzi à Bugesera déclencha une nouvelle explosion de violence. Le nombre de Tutsis tués est estimé entre 5 000 et 8 000 rien que dans la préfecture de Gikongoro, soit 10 à 20 % de la population totale de Tutsis dans cette préfecture. La majorité des leaders tutsis restés au Rwanda ont été éliminés : 15 des principaux dirigeants ont été exécutés sur le champ sans aucune autre forme de procès. Ce fut la fin des deux partis tutsis, UNAR et RADER, et la fin de toute participation tutsie à la vie publique. Des crises moins graves allaient continuer à affecter la minorité ethnique. La dernière d'entre elles avant 1990 survint début 1973 et préluda au coup d'État du 5 juillet 1973 (Reyntjens, 1994).

3. Concentration de pouvoir et autoritarisme croissant. Comme dans bon nombre de pays africains, le Rwanda, après une période initiale de multipartisme, devint de facto un État à parti unique. L'opposition fut éliminée par une combinaison de diverses techniques telles que l'intimidation, les arrestations, la violence physique et, parfois, les négociations. La politique du Parmehutu avait pour but l'extinction des autres partis, tant hutus que tutsis. Dans un discours prononcé à l'occasion du premier anniversaire de l'indépendance, le président Grégoire Kayibanda indique déjà sa préférence pour « un parti majoritaire ­ une majorité écrasante ­ avec sur le côté une opposition mineure ». Il affirmait qu'une « prolifération des partis politiques distrairait la population, rendrait le progrès du pays incohérent et conduirait à une stagnation néfaste de la nation » (Chronique de politique étrangère , 1963).

Résultat : en 1965, le MDR-Parmehutu était le seul parti à présenter des candidats aux élections législatives et présidentielles. Sans être entièrement constitutionnalisé, ce parti se donna le nom de « Parti national ». Ayant éliminé l'opposition, la concentration du pouvoir au sein du parti commença à augmenter. C'est surtout à partir de 1968 que les nombreux conflits ou divisions au sein du gouvernement forcèrent le régime à se replier de plus en plus sur lui-même. En 1972, l'usurpation du pouvoir par un petit groupe de politiciens originaires de Gitarama, la région natale du président Grégoire Kayibanda dans le centre du Rwanda, était consommée (Reyntjens, 1985).

La II e République

Face au mécontentement exprimé surtout par les politiciens et les militaires du nord, le gouvernement de Grégoire Kayibanda finit par recourir à la tactique « ethnique ». En 1973, une vague de violence ­ initialement à caractère ethnique ­ éclate dans les écoles, dans l'administration et dans les entreprises. Psychologiquement, ces développements ont certainement été influencés (et facilités) par les événements sanglants de 1972 au Burundi où les Hutus ont été victimes d'un génocide (Commission des Droits de l'homme des Nations Unies, 1972). Il faut cependant rappeler que l'impulsion visant à expulser les Tutsis trouve son origine dans les cénacles du pouvoir qui ont essayé de détourner ainsi l'attention d'autres problèmes (Reyntjens, 1985). Pourtant, les politiciens de Gitarama perdirent de vue la dynamique qu'une telle politique pouvait engendrer dans une situation de contrôle précaire. La population commença donc à s'en prendre aux riches (pas uniquement aux Tutsis); les Hutus du nord commencèrent à pourchasser ceux du centre; les politiciens du nord se détournèrent des écoles où tout avait commencé pour braquer leur attention sur les ministères et les entreprises où ils se sentaient sous-estimés ou frappés d'ostracisme. Comme certains politiciens du nord et en particulier le ministre de la Défense nationale, le général-major Juvénal Habyarimana, sentaient planer le risque d'une élimination physique, ce dernier décida une intervention armée avec une armée dans laquelle le nord a toujours, historiquement, occupé une position prédominante. Le régime de Grégoire Kayibanda fut renversé par le coup d'État du 5 juillet 1973 qui eut lieu sans aucune violence et qui fut accueilli avec satisfaction par la population (Reyntjens, 1994). Cette date marque le début de la IIe République sous le président Habyarimana.

Après une procédure judiciaire organisée dans le plus grand secret, une cour martiale prononça en juin 1974 la peine de mort à l'encontre de l'ancien président Grégoire Kayibanda et de sept autres dignitaires de l'ancien régime. Les autres furent condamnés à de longues peines d'emprisonnement.

La clémence accordée dans certains cas n'eut qu'une signification symbolique. En fait, pendant les années 1970, d'innombrables dignitaires de la Ire République périrent dans la tristement célèbre « section spéciale » de la prison de Ruhengeri alors que Grégoire Kayibanda, qui était assigné à résidence à Kavumu, mourut en 1976 après s'être vu refuser les soins médicaux nécessaires. Après la « révolution morale » de 1973, les militants de la « révolution sociale » de 1959 avaient disparu ­ certains par la voie politique, d'autres par des moyens physiques. Le régime de la IIe République se réclamait cependant de l'ancien régime : « Soucieux de préserver les acquis de la Révolution sociale de 1959, le MRND a l'intention de mobiliser l'ensemble du peuple rwandais sous la bannière de la paix et de l'harmonie nationale en restaurant un climat de confiance entre les fils et les filles de la Nation » (MRND, 1985). Pourtant, la rupture avec la Ire République était nette.

À maints égards, la IIe République contrastait fortement avec la précédente. Pour commencer, nous assistons à une période de modernisation prononcée qui se manifeste par une ouverture sur le monde extérieur, une croissance urbaine, des investissements et la reprise des affaires. Alors que le régime de la Ire République vivait replié sur lui-même, celui de la IIe République adopta une politique d'ouverture du pays. On constate une augmentation soudaine du nombre de postes diplomatiques rwandais à l'étranger et de postes diplomatiques étrangers à Kigali. Le président Habyarimana fait des voyages fréquents et séduit. En 1979, Kigali accueille la sixième Conférence franco-africaine. Le Rwanda est cofondateur de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) en 1976 et de l'Organisation pour l'aménagement et le développement de la rivière Akagera (OBK) en 1977. D'importants investissements sont consentis au niveau de l'infrastructure (réseau routier et télécommunications). Avec une population de 15 000 habitants en 1965, Kigali est devenue une métropole comptant 250 000 habitants au début des années '90 et nombre de petits centres se sont graduellement urbanisés grâce à l'extension du réseau électrique. Le développement de la mobilité lié à l'amélioration des investissements, des communications et de la formation n'est cependant pas toujours vecteur d'une ambition de contrôle social, de maintien de l'ordre et de « moralité » ni de lutte contre l'exode rural (Reyntjens, 1994).

En ce qui concerne le monde des affaires, l'austérité particulière de la Ire République a cédé la place à une éthique différente. Par exemple, tous les fonctionnaires sont autorisés sans restriction à participer à des entreprises privées. Sont également permises : la propriété d'habitations louées, l'acquisition de véhicules loués et les prises d'intérêts dans les entreprises économiques mixtes et commerciales (Instruction présidentielle nº C 556101 du 11 juin 1975). Ce phénomène fut moins marqué au Rwanda que partout ailleurs, mais le fait que le Rwanda n'était en définitive pas si différent entraîna un changement dans l'image que certains se faisaient du pays depuis la moitié des années '80.

« Le mythe d'une « république égalitaire » s'était évaporé : une bourgeoisie quaternaire (militaires, administrations, affaires et technocratie) détourne à son profit une part importante du revenu national » (Bezy, 1990).

Graduellement, le lien entre la ville et les campagnes (qui avait toujours constitué un élément important d'équilibre et de cohésion) commença à s'effriter. Une personne interrogée par Hanssens décrit la situation comme suit :

« Alors que les dirigeants actuels sont toujours des « paysans » dans l'âme, les enfants des cadres ou des dignitaires vivent selon un modèle urbain et, lorsqu'ils seront au pouvoir, ils auront perdu tout contact avec la réalité. D'où un phénomène de zaïrisation du Rwanda, avec une élite contrainte de négliger les infrastructures sociales afin d'accroître son propre bien-être » (Hanssens, 1989).

Le processus de rupture entre une minorité citadine et la majorité rurale était déjà bien avancé au cours des années '80. Newbury observe que les changements économiques des années '80 ont eu pour résultat de creuser le fossé entre le riche et le pauvre mais aussi d'affirmer les intérêts de la classe au pouvoir (C. Newbury, 1991).

Enfin, il faut observer que l'accès au pouvoir et à la connaissance était réservé à de rares groupes régionaux du pays, à savoir ceux des préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri au nord. Cette concentration naquit en quelques années et se focalisa sur ces deux préfectures à la fin des années '80. Bien que cela se constate à tous les niveaux, nous nous bornerons à citer trois exemples. Vers la moitié des années '80, la préfecture de Gisenyi s'arrogea près d'un tiers des 85 postes les plus importants de la république ainsi que le leadership quasi exclusif de l'armée et des services de sécurité. Selon une étude remontant au début des années '90, 33 institutions publiques sur un total de 68 étaient sous la direction de personnes originaires de Gisenyi (19 postes) et Ruhengeri (14 postes). Au cours de la période 1979-1986, les « indices de disparité » en matière de bourse d'études à l'étranger étaient de 1,83 en faveur de Gisenyi et 1,44 en faveur de Ruhengeri (la préfecture la plus délaissée étant Kibungo à l'est, avec un indice de 0,67). En 1990, le conflit ethnique était éclipsé ou même transcendé par un conflit régional et, au sein de la région dominante, par des antagonismes à petite échelle (par exemple, les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri étaient à couteaux tirés dans le nord, tandis qu'à Gisenyi même, Bushiru, patrie de Habyarimana, se livrait à une concurrence sans merci avec Bugoyi) (Reyntjens, 1994).

Malgré toutes les difficultés rencontrées sous la IIe République, une série de développements positifs ont vu le jour. En se basant uniquement sur l'augmentation du PIB par habitant, les performances économiques du Rwanda étaient plutôt bonnes si l'on tient compte de ses handicaps inhérents (pays enclavé, pression démographique, manque de matières premières) et certainement en comparaison avec ses voisins. Le tableau 1 représente la progression du Rwanda et celle de ses voisins dans les classements réalisés pour les rapports sur le développement mondial publiés par la Banque mondiale au cours de la période qui coïncide avec la IIe République.

Tableau 1. PIB par habitant au Rwanda et dans les pays voisins

Jaar
­
Année
Ranglijst
­
Classement
Rwanda Burundi Zaïre Oeganda
­
Ouganda
Tanzania
­
Tanzanie
1976 7 11 16 33 25
1981 16 14 12 13 19
1985 18 11 9 niet besch.
­
inconnu
21
1990 19 11 12 13 2
Verschil. ­ Différence +12 0 -4 -20 -23

Source : Banque mondiale, Rapport sur le développement mondial, dans Reyntjens (1994)

En 15 ans, le Rwanda a donc amélioré sa position relative en passant de la dernière à la première position du classement tandis que le Burundi est resté stationnaire et que les autres pays voisins se sont appauvris, certains même fort. En d'autres termes, le Rwanda est passé de la position d'État le plus pauvre des 5 en 1976 à la position d'État le moins pauvre en 1990. Dans d'autres domaines tels que, par exemple, l'infrastructure, les progrès enregistrés sont tout aussi remarquables, avec un réseau routier qui peut être considéré comme un des meilleurs d'Afrique, un service postal fiable et des télécommunications fiables, un réseau de distribution d'eau correct, l'extension du réseau électrique, etc.

Au cours des années '80, le Rwanda était considéré par la Banque mondiale et par d'autres instances comme une économie africaine florissante avec une dette modérée en comparaison avec celle des autres pays de ce continent, du moins jusqu'à la deuxième moitié de la décennie (en 1987, la dette du Rwanda s'élevait à 28 % du PIB, ce qui correspond à un des pourcentages les plus faibles d'Afrique). L'économie était en équilibre et la monnaie jouissait d'une assez grande stabilité dans la mesure où elle faisait office de monnaie forte dans la région.

Bien que loin d'être acceptable, la situation des droits de l'homme s'est également améliorée. Par exemple, le nombre de prisonniers politiques a diminué et des efforts ont été faits pour limiter et contrôler l'utilisation abusive et excessive des règles de prévention détentive et de restriction de la liberté de mouvement. De plus, il convient d'observer qu'entre la prise de pouvoir du général Habyarimana et la guerre d'octobre 1990, le pays n'a été la proie d'aucune violence ethnique majeure. On a souvent tendance à oublier aujourd'hui que le président Habyarimana était assez populaire chez les Tutsis de l'intérieur du pays et qu'il a même été accusé par certains Hutus de privilégier les Tutsis (Chrétien, 1993).

CHAPITRE 4

LA CRISE RWANDAISE DE 1990 À 1994

Aperçu général : principaux acteurs/principaux facteurs

Le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR) et plus particulièrement son aile militaire, l'APR (Armée patriotique rwandaise), commença à envahir le nord du Rwanda au départ de l'Ouganda. C'est finalement une troupe de 7 000 hommes (Tutsis) qui traversa la frontière. Environ quatre ans plus tard, le 6 juillet 1994, un gouvernement dominé par le FPR prend Kigali, la capitale du Rwanda.

L'invasion du pays par le FPR a déclenché une crise continue et une escalade dramatique après que l'avion qui ramenait le président Habyarimana (et son homologue burundais) d'une conférence de paix à Dar-es-Salaam (Tanzanie) eut été abattu en avril 1994. Avant d'entrer plus en détail dans la période qui a suivi l'invasion du Rwanda par le FPR et les négociations d'Arusha, nous commencerons par décrire les principaux acteurs et facteurs de la crise rwandaise des années '90. Les principaux acteurs sont le régime Habyarimana défié, le FPR, l'opposition politique interne et la communauté internationale. Les principaux facteurs sont les réfugiés et la crise économique doublée d'une crise politique. La dimension régionale de toute cette crise fera l'objet d'un chapitre distinct.

Le FPR : la crise des réfugiés

La création du FPR au début de l'année 1988 à Kampala, capitale de l'Ouganda (marquant ainsi l'aboutissement de discussions menées fin 1987), doit être considérée à la lumière de l'importante participation des Tutsis dans l'armée ougandaise (NRA) du président Yoweri Museveni. Le général-major Fred Rwigyema, qui fit pénétrer le FPR au Rwanda le 1er octobre 1990, était vice-ministre de la Défense sous Museveni. Le major Paul Kagame, l'actuel vice-président du Rwanda, était sous-directeur dans l'intelligence militaire en Ouganda (Prunier, 1995).

Les réfugiés rwandais et les citoyens ougandais contribuèrent dans une large mesure à la victoire de Museveni en 1986. Sur le plan ethnique, ils constituaient le troisième groupe de la NRA (Prunier, 1992). Il est prouvé que Museveni a soutenu le FPR (Prunier, 1992 et 1995; Human Rights Watch/Arms Project, 1994). Le FPR était une force hypermotivée et bien entraînée. Environ 2 500 soldats du FPR avaient appartenu à l'armée ougandaise (Prunier, 1995). Le 3 octobre 1990, l'offensive du FPR fut momentanément bloquée par les forces armées rwandaises (FAR) (Reyntjens, 1994; Prunier, 1995).

Le FPR est l'émanation des réfugiés tutsis qui ont fui le Rwanda surtout entre 1959 et 1966. Au fil des ans, les 600 000 réfugiés stationnés en Ouganda, au Burundi, au Zaïre et en Tanzanie (et leurs descendants) désiraient toujours ardemment regagner leur pays d'origine (Guichaoua, 1992; Watson, 1991). Le changement politique en Ouganda après 1986 et la participation des Tutsis au processus de consolidation a fourni un contexte favorable à la planification d'une invasion militaire. Un autre facteur a été le soutien à sa cause reçu par le FPR au congrès sur les réfugiés organisé en août 1988 à Washington.

Bien que la motivation première du FPR ait été de régler la crise des réfugiés, le Front élabora également un programme politique en huit points dans l'intention de modifier structurellement la culture politique rwandaise. Ce programme accusait le gouvernement rwandais de pratiques antidémocratiques, de corruption et de discrimination ethnique. Le FPR donna sciemment de lui-même une image multi-ethnique. Néanmoins, la grande majorité de ses dirigeants et de ses membres sont Tutsis.

Certains observateurs doutent qu'il ait été sage de la part du FPR d'entreprendre une action militaire à ce moment précis (Prunier, 1993). L'invasion survint deux mois seulement après la conclusion d'un (troisième) accord ministériel entre le Rwanda et l'Ouganda à l'issue de trente mois de pourparlers supervisés par le HCR et l'OUA sur la question des réfugiés. Or, cet accord aurait pu donner des résultats concrets. De plus, un processus de libéralisation politique était en train de se développer au Rwanda. Bien que tout porte à croire que les négociations auraient pu déboucher sur une avancée, le FPR n'avait plus la patience d'attendre, apparemment las des blocages continuels avec le gouvernement rwandais. D'aucuns affirment cependant que le FPR a attaqué à ce moment précis parce qu'une avancée possible dans le domaine de la démocratisation, des droits de l'homme et du rapatriement des réfugiés aurait réduit la légitimité d'une attaque (Reyntjens, 1994).

Le régime défié

Le régime Habyarimana, dont les deux principaux piliers sont le parti MRND et l'armée, n'avait jamais été véritablement défié au cours de ses 17 années d'existence, jusqu'à l'invasion orchestrée par le FPR. Cela ne veut pas dire pour autant que le régime n'avait jamais été exposé aux critiques. Certaines personnes hostiles ou devenues hostiles au régime Habyarimana pendant les années '70 et '80, avec dans leurs rangs des radicaux hutus tels qu'Alexis Kanyarengwe et Jean Barahinyura, devinrent au début des années '90 des personnalités du FPR (Reyntjens, 1994). D'autres ont rejoint l'opposition nationale dont allaient émerger des partis politiques en 1990.

En règle générale, Habyarimana jouissait pourtant d'une popularité considérable tant chez les Hutus que dans la communauté tutsie. À partir de 1985, cette popularité commença à s'éroder à la suite de la crise politique et économique générale. À mesure que le conflit évoluait, le président fit l'objet d'un nombre de critiques croissant, même au sein de son propre parti. Il était pris entre les demandes de libéralisation politique émanant de l'opposition et de la communauté internationale, d'une part, et le refus de ses partisans d'abandonner des positions politico-économiques, d'autre part. La formation de milices de parti (Interahamwe ) et d'un parti extrémiste pro-hutu (Coalition pour la Défense de la République, CDR ) en particulier, et l'affirmation de l'identité ethnique en général, sont des indicateurs de son opposition au processus de réforme.

« Les extrémistes du MRND créent le CDR » officiellement en mars 1992 « avec un programme explicite d'extrémisme hutu » (African Rights, 1994). Bien que le CDR n'ait probablement jamais compté de nombreux partisans, il a exercé une influence importante sur l'attitude ethnique et politique du MRND (Reyntjens, 1994). Ses idées étaient diffusées par les médias (le journal Kangura depuis 1989, et la radio RTLMC depuis juillet 1993). « Kangura utilisait ses liens étroits avec les cénacles les plus élevés des services de sécurité militaire et du CDR pour faire filtrer des informations importantes dans le grand public, dans l'intention avouée de provoquer la crainte et l'espoir. » « Plus proche des idéologues les plus extrémistes du CDR que de Habyarimana, il n'hésita pas à critiquer le président sur les concessions qu'il avait été forcé de faire à Arusha » (African Rights, 1994).

La plupart des observateurs s'accordent à reconnaître l'idée et la possibilité que Habyarimana ait à payer de sa vie le 6 avril 1994 le fait de ne pas avoir consenti à un boycott total du processus de libéralisation politique résultant des négociations de paix avec le FPR et l'opposition nationale à Arusha entre juillet 1992 et août 1993 (Reyntjens, 1994; Prunier, 1995; Lemarchand, 1995).

La crise économique

Le conflit décrit ci-dessus peut être considéré comme une lutte entre un régime de plus en plus usé et ses prétendants. Ces derniers ne pouvaient se réconcilier avec un gouvernement à parti unique qu'ils considéraient comme autoritariste, antidémocratique et donc inadapté à la nouvelle situation politique. Cette opposition était alimentée par les nouvelles dans la presse faisant état de corruption au sein du régime. Le régime Habyarimana était en outre vu comme un obstacle au redressement économique. En effet, on aperçoit un lien entre la crise économique qui frappait durement le Rwanda depuis 1985 et l'opposition grandissante émanant de différents pans de la société civile rwandaise (Chrétien, 1991). Jusqu'à la fin des années '80, le Rwanda était décrit comme un pays petit et pauvre mais économiquement sain et autosuffisant. Le taux d'inflation moyen au cours des années '80 ne dépassait pas 4 % par an contre un taux moyen de 20 % pour l'Afrique subsaharienne. De 1965 à 1980, le taux de croissance du PIB par habitant dépassa d'un point celui de l'Afrique subsaharienne.

Un appui substantiel fourni par les agences multilatérales, les donateurs bilatéraux (Belgique, France, Allemagne, États-Unis) et les ONG a contribué à son développement. En 1991 par exemple, l'appui des donateurs bilatéraux et multilatéraux représentait 21,5 % (BIRD, 1993) du PIB du Rwanda et 60 % des dépenses publiques en matière de développement, ce qui est au-dessus de la moyenne subsaharienne sans être le plus élevé de la région. Le Rwanda a attiré l'attention internationale en raison de son faible taux d'exode rural, sa politique monétaire saine et la participation active du gouvernement et de la société civile dans les activités de lutte contre l'érosion et de reconstitution des forêts, l'éducation et les services de soins de santé. L'aide internationale en faveur du Rwanda passa rapidement d'un montant annuel de USD 35 millions en 1971-1974 à USD 343 millions en 1990-1993. Ce dernier chiffre représente quasiment USD 50 par habitant (Statistiques de l'OCDE).

Par contre, les problèmes se développèrent. Un problème majeur était la rareté des terres. L'accroissement de la population dans un pays qui connaissait déjà une forte densité de population avait conduit à une situation dans laquelle la famille paysanne moyenne ne possédait pas plus de 0,7 hectare de terres. Compte tenu de l'organisation des cultures qui prévalait, les familles ont eu de plus en plus de difficultés à avoir une production suffisante pour subvenir à leurs besoins. Alors qu'en 1982, 9 % de la population consommait moins de 1 000 calories par jour (niveau de pauvreté extrême), ce chiffre passa à 15 % en 1989 (avec une famine partielle dans le sud) pour atteindre 31 % en 1993 (Maton, 1994). En 1993, le pays était donc devenu de plus en plus dépendant de l'aide alimentaire. Cette détérioration de la situation était bien sûr le résultat de la guerre civile. Une grande attaque lancée par l'APR dans la partie la plus fertile du pays en janvier et février 1993 provoqua un déplacement massif de 13 % de la population totale du pays et une chute de 15 % de la production agricole mise annuellement sur le marché (Marysse & de Herdt, 1993). Tous ces problèmes formèrent le substrat de l'extrémisme et du conflit ethnique.

Outre les limitations économiques internes, de grands chocs économiques externes vinrent également frapper le Rwanda de plein fouet vers la fin des années '80. Pour commencer, le Rwanda perdit sa dernière mine d'étain en 1985 en raison de l'augmentation des coûts, de l'effondrement des cours mondiaux et d'une mauvaise gestion (Reyntjens, 1994). L'étain représentait 15 % des recettes d'exportation du Rwanda. Un autre événement encore plus dramatique fut la baisse des prix du café sur les marchés internationaux. Le café représentait habituellement plus des deux tiers des recettes extérieures du Rwanda. Entre 1986 et 1992, les cours du café enregistrèrent une chute de 75 % qui provoqua à son tour un quadruplement du ratio du service de la dette.

D'autres facteurs jouèrent également un rôle : une grave sécheresse en 1989-1990 (qui frappa à nouveau en 1991 et 1993) et des maladies s'attaquant aux deux principales cultures, le manioc et les patates douces, qui se traduisirent par un demi-million de personnes victimes de pénurie alimentaire et de malnutrition, la corruption de plus en plus flagrante et généralisée du gouvernement et l'affectation des ressources budgétaires aux dépenses militaires qui grimpèrent en flèche après l'invasion d'octobre 1990 par les forces de l'APR au départ de l'Ouganda. Les trois années suivantes furent marquées par plusieurs incursions de l'APR, par les efforts de l'armée gouvernementale de repousser l'APR, par les représailles à l'encontre des Tutsis et, surtout, par des déplacements de population internes massifs touchant un million de personnes dans la partie nord du pays en 1993. La conjugaison de ces éléments porta un coup fatal à l'économie.

La communauté internationale répondit avec générosité à l'aggravation de la crise économique au Rwanda. Les montants versés au titre de l'aide officielle augmentèrent de presque 60 % en deux ans, passant de USD 242 millions en 1989 à un record historique de USD 375 millions en 1991. Ils furent maintenus à peu près à ce niveau jusqu'en 1993. Un élément capital dans l'aide fournie au Rwanda est l'accord de septembre 1990 concernant le programme d'ajustement structurel élaboré par la Banque mondiale et le FMI. Ce programme, combiné à un cofinancement par sept donateurs bilatéraux plus la Banque africaine de développement et l'Union européenne, se chiffrait à USD 216 millions. Après s'être opposé à tout ajustement structurel pendant de nombreuses années, le gouvernement rwandais décida d'entamer des discussions dans ce sens, le compte commercial et le budget fiscal étant mis sous pression notamment à la suite de l'effondrement des prix du café. Le lien entre le prix du café et le budget du gouvernement rwandais découle d'une politique menée de longue date et consistant à garantir un prix fixe aux producteurs par l'intermédiaire d'un Fonds d'égalisation du café, qui servait en fait de subvention lorsque le prix mondial du café (hors frais de marketing et de transport) tombait en dessous du prix garanti. Avec l'érosion constante des cours mondiaux, les subventions budgétaires nécessaires pour garantir le prix augmentèrent de manière dramatique à partir de 1987 (Marysse, 1994; BIRD, 1993; Banque mondiale, 1991).

La liste présentée ci-dessous contient certains des éléments du programme approuvé en juin 1991 et donne une idée de l'éventail de mesures politiques dont était assorti le programme d'ajustement structurel :

* stabilisation macro-économique et amélioration de la compétitivité au plan international :

­ en maintenant un taux de change compétitif (le franc Rwanda, RWF, avait déjà été dévalué de 40% en 1990 et subit une nouvelle dévaluation de 15% en 1992);

­ en ramenant le déficit budgétaire du gouvernement de 12% du PIB en 1990 à 5% en 1993 grâce à une meilleure affectation des ressources disponibles et à une réduction des dépenses;

­ en libéralisant les importations et en supprimant progressivement le contrôle des prix nationaux ainsi que d'autres mécanismes de régulation touchant le secteur privé; et

­ en améliorant la politique monétaire, en ce compris la libéralisation de la structure des taux d'intérêts.

* réduction du rôle de l'État dans l'économie :

­ par une réduction du prix garanti aux producteurs de café et par l'élimination du mécanisme de subventionnement; et

­ par une accélération du calendrier de réforme de 12 des 86 entreprises publiques à privatiser, à mettre en liquidation ou à réorganiser.

* protection des moins favorisés par la mise en place d'un « réseau de sécurité sociale » par le biais d'un « Programme d'action sociale » comprenant :

(i) des programmes à forte intensité de main-d'oeuvre de construction de routes rurales et de protection contre l'érosion des sols;

(ii) un programme de sécurité alimentaire pour les zones frappées par la sécheresse;

(iii) un programme de développement pour les petits entrepreneurs;

(iv) le financement de la quote-part parentale dans les frais d'éducation des 10% les plus pauvres de la population; et

(v) un fonds de redéploiement des agents sans emploi du secteur public (les trois premiers éléments de ce plan furent intégrés dans le « Projet de sécurité alimentaire et d'action sociale » de 1992 financé par la Banque mondiale, qui amplifiait le soutien à plusieurs initiatives sponsorisées par une agence des Nations Unies).

La mise en oeuvre de ces mesures connut des fortunes variables. Deux mesures clés qui ne furent pas mises en oeuvre sont l'élimination des subventions aux producteurs de café et la réalisation de l'objectif en termes de déficit budgétaire. Au lieu de diminuer, ce déficit passa à 18% du PIB en 1992 et même 19% en 1993. Les conditions n'étant pas réunies, la seconde tranche du crédit de la Banque mondiale destiné à la réalisation de l'ajustement structurel ne fut pas versée (Marysse, 1994; Banque mondiale, 1995).

Les questions suivantes ne sont pas sans pertinence quand il s'agit d'établir l'influence exercée sur les causes directes du génocide :

* dans quelle mesure les dispositions du programme d'ajustement structurel ont-elles conduit à une accentuation de la pauvreté de la population rurale hutue, rendant ainsi quantité de gens sensibles à la propagande de haine les incitant à rejoindre les rangs des milices et à participer au génocide ?

* dans quelle mesure certaines dispositions ont-elles créé un ressentiment chez les fonctionnaires et les autres salariés n'appartenant pas au monde agricole, rendant ainsi ces derniers plus sensibles à la propagande de haine et plus ouverts à une participation active ou tacite au génocide ?

Pour ce qui est de la première question, il faut tenir compte de l'impact de la dévaluation et des changements intervenus dans le prix garanti aux producteurs de café. Le gouvernement rwandais a réduit ce prix garanti de RWF 125 le kilo à RWF 100 en 1990, mais au lieu de continuer à faire baisser ce prix, conformément aux exigences du programme d'ajustement structurel, le gouvernement décida unilatéralement de le relever à RWF 115 en 1991, préoccupé de l'impact d'un prix plus bas sur les recettes d'exportations ainsi que sur le pouvoir d'achat et sur le soutien politique de la population rurale. En tout état de cause, les « bienfaits » de la dévaluation ne furent pas répercutés sur les producteurs de café dont le revenu chuta indéniablement sous l'effet de la baisse relativement faible du prix producteur du café mais surtout à cause d'une inflation galopante combinée à une dévaluation et au financement du déficit au début des années '90 (Marysse, 1994; Banque mondiale, 1992; Banque mondiale, 1995). Cependant, la principale cause de la dégradation des conditions de vie de la population rurale durant cette période était la diminution de la production alimentaire, provoquée par une sécheresse prolongée, des récoltes malades et un déplacement massif de population (Maton, 1994).

Le bien-être des populations citadines et rurales a également été affecté par la manière dont le gouvernement rwandais a profité de l'« aubaine » résultant de la dévaluation, qui n'a pas été répercutée sur les paysans. Un des principaux motifs qui ont justifié la dévaluation était de permettre au gouvernement rwandais de réduire son déficit budgétaire tout en maintenant simultanément les dépenses essentielles dans le secteur social, plus précisément la santé et l'éducation. Alors que le programme d'ajustement structurel prônait une augmentation des honoraires et de la quote-part à charge des « utilisateurs » dans le domaine de la santé et de l'éducation, il y avait également des dispositions visant à maintenir les dépenses sociales du secteur public et à lancer des programmes ayant pour finalité de protéger les plus pauvres. Mais ce schéma était basé sur l'hypothèse d'une maîtrise des dépenses militaires. Or en fait, les dépenses militaires quadruplèrent de 1989 à 1992, passant de 1,9 % à 7,8 % du PIB, alors que les subventions au secteur du café s'élevaient en 1992 à 46 % des recettes d'exportation. Ces pressions portèrent gravement atteinte au « réseau de sécurité sociale »; pour prendre un exemple : les dépenses consacrées aux médicaments essentiels destinés aux plus pauvres ne représentaient que 25 % du budget alloué (Marysse, 1994; Banque mondiale, 1995).

Alors que le programme d'ajustement structurel ne nécessitait nullement de réduire le niveau de l'emploi dans la fonction publique, le gouvernement décréta le gel des salaires des agents de l'État. Certains fonctionnaires réussirent à compenser le manque à gagner par une participation à l'activité croissante du secteur privé associée à un processus de libéralisation et à l'accroissement de l'aide extérieure. Pour les autres, le gel des salaires aggrava leurs craintes pour l'avenir, attisées par la détérioration marquée de leur pouvoir d'achat après deux dévaluations, la détérioration générale de la situation économique et la spirale de la guerre civile et de la violence.

Les donateurs disposaient d'un moyen de pression assez efficace sur le Rwanda, compte tenu du niveau très substantiel et en hausse de l'aide fournie. Comme l'indiquent les développements de l'Étude II, alors que les principaux donateurs liaient en principe l'aide économique à la situation des droits de l'homme ­ et plusieurs pays donateurs et représentants diplomatiques entreprirent des démarches en ce sens auprès du gouvernement rwandais ­, aucun donateur ne diminua son aide en invoquant le motif spécifique et exclusif des violations de plus en plus nombreuses des droits de l'homme au début des années '90.

Au contraire, en réponse à l'escalade de la violence civile, les donateurs pratiquèrent la « conditionalité positive » pour promouvoir la démocratisation par le biais d'un soutien du système judiciaire, de la liberté de la presse et des organisations locales de défense des droits de l'homme. Il fallut attendre une nouvelle dégradation de la situation économique et de la sécurité interne fin 1993, début 1994, pour voir plusieurs donateurs réduire sérieusement ou même suspendre l'aide au développement. Mais ce revirement d'attitude, loin d'être inspiré par une préoccupation concernant la violence civile et les violations des droits de l'homme, était plutôt motivé (1) par le besoin d'augmenter l'aide humanitaire, dont une partie provenait de l'aide-projet restructurée, afin de répondre aux besoins du nombre sans cesse croissant de personnes déplacées à l'intérieur du pays et (2) par l'érosion de la responsabilité de projet et de l'efficacité de la mise en oeuvre dès lors que la situation du pays se dégradait rapidement.

L'opposition interne; la crise politique

L'État à parti unique était de plus en plus considéré comme l'obstacle plutôt que la route du développement. Ce point de vue fut largement propagé par les politiciens citadins de l'opposition et par le FPR. À partir de 1985, les rumeurs de corruption au sein du régime se firent plus insistantes (l'économie officielle en déclin ne pouvait plus offrir les mêmes avantages qu'auparavant). L'opposition politique à Habyarimana avait également le vent en poupe. Bien qu'officiellement, Habyarimana ait été réélu pour un septennat à la présidence avec 99,98 % des suffrages lors du scrutin du 19 décembre 1988, l'opposition interne commença à se faire de plus en plus entendre.

À l'instar d'autres régions d'Afrique au début des années '90, le Rwanda fut le théâtre en 1990 de plusieurs manifestations de protestation. Une grève fut réprimée par la police le 4 juillet 1990 et une lettre dénonçant le système du parti unique fut publiée et mise en circulation le 1er septembre. Autre événement important : la démission de l'archevêque catholique Vincent Nsengiyumva, du Comité central du MRND (sur la demande insistante du Pape). Jusqu'à ce jour, l'Église catholique et l'archevêque avaient été les alliés traditionnels du MRND. En avril 1990 et en septembre de la même année, à l'occasion d'une visite du Pape, l'église exprima son insatisfaction quant à la situation politique et économique du pays. Le mécontentement émanait cependant des échelons inférieurs de l'église. Les dirigeants des Églises catholique et anglicane continuèrent à entretenir des contacts étroits avec le président et son gouvernement pendant toute cette période (Reyntjens, 1994; African Rights, 1994).

Alors qu'en janvier 1989, le président Habyarimana considérait que le changement politique n'était possible que dans un système à parti unique, un an et demi plus tard, le 5 juillet 1990, il reconnut la nécessité d'une séparation entre le parti et l'État. Le 24 septembre 1990 (donc avant le conflit armé avec le FPR), une commission nationale d'experts fut créée dans le but d'élaborer une charte nationale qui permettrait la création de plusieurs partis politiques (Reyntjens, 1994). Il est difficile d'évaluer la sincérité du président au sujet des réformes. En tout état de cause, l'invasion du Rwanda par le FPR accéléra le processus de démocratisation.

Au départ, la commission d'experts avait un mandat de deux ans. La nouvelle situation politico-militaire après l'invasion du 1er octobre amena l'acceptation du système multipartite par Habyarimana dans un discours prononcé le 13 novembre, qui conduisit à la création de nouveaux partis politiques. En mars 1991, on assista au lancement public du Mouvement démocratique républicain (MDR) qui se veut le successeur du MDR-Parmehutu du premier président Grégoire Kayibanda. Environ la moitié des fondateurs du « nouveau » parti étaient originaires de Gitarama-Ruhengeri, fief traditionnel de Grégoire Kayibanda (Reyntjens, 1994). On vit également apparaître d'autres partis plus modestes qui allaient jouer un rôle dans le futur immédiat. Il s'agissait du Parti social démocrate (PSD) des « intellectuels » qui avait une certaine popularité dans le sud, du Parti libéral (PL) qui jouissait du soutien du secteur privé et, partant, du groupe tutsi, et enfin du Parti démocrate chrétien (PDC).

Mis à part leur opposition au régime d'Habyarimana, il n'y avait guère de différences idéologiques entre le programme de ces différents partis (Reyntjens, 1994).

Le système du parti unique fut officiellement aboli par l'adoption d'une nouvelle constitution le 10 juin 1991 et de la loi sur les partis politiques, une semaine plus tard. La place du Premier ministre fut institutionnalisée et des élections parlementaires furent prévues dans un futur proche par le président. Seulement six semaines plus tard, le 31 juillet 1991, les principaux « nouveaux » partis (MDR, PDC, PL et PSD) signaient une déclaration commune dénonçant le caractère prématuré des élections projetées. Des élections immédiates ne profiteraient qu'au seul MRND au pouvoir depuis deux décennies. En lieu et place, ils demandèrent la tenue d'une convention nationale pour discuter en détail la réforme des institutions et l'appel à des élections démocratiques.

Habyarimana rejeta l'idée d'une convention nationale. Seul le petit parti du PDC était disposé à faire partie d'un gouvernement de transition. Il n'y eut donc pas d'élections. Les autres partis de l'opposition montrèrent leur mécontentement en organisant des manifestations les 17 novembre 1991 et 8 janvier 1992 (Chrétien, 1992). Ce fut un revers majeur pour les velléités présidentielles de construire un front uni des partis hutus contre le FPR. Cela signifiait aussi l'introduction d'une politique de plus en plus violente de la part du régime Habyarimana envers l'opposition hutue et tutsie.

Le 6 avril 1992, sous la forte pression nationale et internationale, on assista à la mise en place d'un nouveau gouvernement de transition qui réunissait tous les principaux partis d'opposition et qui avait à sa tête le président Habyarimana et un Premier ministre de l'opposition (Dismas Nsengiyaremye, MDR). Mais les rapports entre Habyarimana et le MRND, d'une part, et les partis d'opposition, d'autre part, restèrent tendus pendant toute la durée du conflit avec le FPR. L'opposition interne était accusée avec véhémence de collaborer avec le FPR et les Tutsis qui étaient de plus en plus dépeints comme des ennemis ethniques.

La communauté internationale

La communauté internationale, et en particulier les deux grands donateurs bilatéraux, la Belgique et la France, ont joué un rôle prédominant tout au long du conflit. La Belgique s'est abstenue de toute intervention militaire. Son gouvernement retira ses troupes un mois après le début du conflit. Le gouvernement belge voulait donner une chance au processus de démocratisation et prônait une paix négociée, pour laquelle il ne ménagea pas ses efforts. L'ambassadeur de Belgique joua un rôle capital durant les pourparlers qui ont conduit à la mise en place d'un gouvernement de transition dirigé par Dismas Nsengiyaremye.

La France envoya 370 hommes au Rwanda en octobre 1990 et, après une réduction d'effectifs en mars 1991, fit passer ce nombre à environ 670 en février 1993, après une attaque à grande échelle menée par le FPR. Certaines sources accusent la France de soutien actif tant en 1990 qu'en 1993 (African Rights, 1994; Human Rights Watch/Arms Project, 1994; Prunier, 1995). Pendant ces derniers heurts, les Français furent aperçus « en train d'assister l'armée rwandaise pour bombarder au mortier des positions du FPR » (African Rights, 1994). « Des soldats français étaient déployés au moins à 40 km au nord de la capitale sur la route de Byumba, juste au sud de la zone de contrôle reconnue du FPR. Aucun ressortissant français ni expatrié occidental ne vivait à cet endroit. » (Human Rights Watch/Arms Project, 1994). D'aucuns affirment donc que les Français ont apporté un soutien important en plaçant des hommes aux points de contrôle et en conseillant les officiers des FAR; en donnant un entraînement militaire après le début du conflit; en envoyant un armement d'une valeur d'au moins USD 6 millions en 1991-92 et en fournissant des garanties financières à concurrence du même montant pour du matériel de guerre fourni par des tiers (Human Rights Watch/Arms Project, 1994). Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le FPR ait exigé le départ des Français dès le début du conflit. Le gouvernement français a pourtant toujours nié toute participation active dans le conflit.

En ce qui concerne les pays africains, le rôle de l'Ouganda a déjà été abordé ci-dessus. Le président tanzanien a joué un rôle important en amenant les parties en conflit à la table des négociations à Arusha, ainsi que durant tout le processus de négociation. Le président zaïrois Mobutu Sese Seko participa également aux négociations de cessez-le-feu immédiatement après le début des hostilités. Le Zaïre n'a plus joué ensuite qu'un rôle secondaire. Lorsque le conflit éclata en octobre 1990, le Zaïre envoya 500 hommes au Rwanda pour aider les FAR à repousser l'invasion du FPR. Plusieurs semaines après leur arrivée, ces troupes furent retirées sous prétexte de manque de discipline et de maltraitance de civils rwandais (Human Rights Watch/Arms Project, 1994).

À la suite de l'accord d'Arusha du 4 août 1993, les Nations Unies devinrent un des grands acteurs du conflit. En marge des gouvernements et des institutions internationales, les groupes de défense des droits de l'homme jouèrent un rôle important de 1990 à 1994 en émettant régulièrement des rapports dénonçant les violations des droits de l'homme par le régime d'Habyarimana.

L'influence réelle de la communauté internationale est difficilement mesurable. Cependant, la menace proférée en mars 1993 de mettre fin à l'aide, en réaction à une publication d'un rapport sur les droits de l'homme accusant Habyarimana de la mort d'au moins 2 000 civils, est généralement considérée comme l'élément qui a incité le président rwandais à reprendre les pourparlers de paix avec le FPR (Reyntjens, 1994).

C. EXTRAITS DE « THE RWANDA CRISIS. HISTORY OF A GENOCIDE » (PROF. G. PRUNIER, HURST & COMPANY, LONDON, 1995) Le régime Habyarimana

Les bonnes années. À présent que l'on sait dans quelle horreur le régime Habyarimana s'est terminé, on a tendance à le diaboliser de A à Z. Cette réaction est compréhensible puisque l'esprit a tendance à passer l'histoire au crible d'une recherche de cohérence et de signification, quitte à commettre des anachronismes. Mais l'histoire est à la fois l'étude des discontinuités (« pourquoi les choses ne restent-elles pas toujours les mêmes » ?) et une réflexion sur la cohérence des choses. Les tyrans ne se comportent pas toujours de manière répugnante et, que ce soit à juste titre ou à tort, plusieurs d'entre eux jouissent d'une certaine popularité même si cela ne dure pas toujours. Sans même devoir quitter l'Est de l'Afrique, nous nous rappelons que la population de Kampala dansait et chantait dans les rues en janvier 1971 lorsque Amin Dada prit le pouvoir, qu'avant de replonger son pays dans la guerre civile et les querelles religieuses, le président Jaafar al-Nimeiry du Soudan jouissait d'une popularité énorme pendant plusieurs années et qu'en dépit des événements horribles qui ont marqué la fin de son règne en Somalie, Jaalle (le camarade) Siad Barre bénéficiait du soutien de tout son pays pendant les huit premières années de son régime. Des exemples similaires peuvent être cités presque à l'infini.

Le cas d'Habyarimana est similaire en quelque sorte. Lorsqu'il prit le pouvoir en juillet 1973, l'immobilisme politique et les luttes régionalistes intestines du régime Kayibanda avaient conduit l'élite dans un état de frustration contenue. Le retour artificiel, relevant du calcul politique, des persécutions d'antan dirigées contre les Tutsis effraya tant la communauté tutsie que les Hutus modérés. L'isolement international du pays avait mis ce dernier dans une situation délicate sur le plan diplomatique et même économique. Le coup d'État du général Habyarimana fut accueilli avec soulagement par les habitants des villes et avec indifférence par les masses rurales qui n'avaient que faire de la lutte pour le pouvoir à Kigali.

Les années suivantes, jusqu'en 1980, ne posèrent aucun problème particulier. Le pays restait petit, enclavé et pauvre, comme il l'avait toujours été, mais le nouveau pouvoir semblait assez modéré. Bien sûr, il insistait sur la réitération quasi rituelle des slogans idéologiques du « rubanda nyamwinshi » assimilant démographie et démocratie et les Tutsis étaient politiquement marginalisés. Pendant toute l'ère Habyarimana, il n'y eut aucun bourgmestre ni préfet Tutsi (86), il n'y eut qu'un seul officier Tutsi dans toute l'armée et deux élus au parlement sur septante représentants; il n'y eut qu'un seul ministre Tutsi dans un gouvernement composé de vingt-cinq à trente membres. La politique des quotas qui avait cours sous le président Kayibanda, fut maintenue, bien qu'appliquée peu strictement, et les proportions de Tutsis dans les écoles et les universités étaient souvent un peu supérieures aux 9 % requis. Il en allait de même dans la fonction publique, encore que sachant qu'ils risquaient à tout moment de devenir les victimes d'une discrimination officielle prônée par le régime, les Tutsis préféraient, lorsqu'ils en avaient le choix, travailler dans le secteur privé. L'armée était naturellement l'organe étatique le plus strict et ses membres se virent même interdire d'épouser une femme tutsie. L'église, bien que sous domination hutue, resta plus ouverte et une mesure d'égalité institutionnelle était de mise dans le clergé; dans les années 1980, trois des huit évêques rwandais étaient Tutsis. En ce qui concerne l'emploi dans le secteur privé, leur niveau d'éducation et un certain savoir-faire avec les étrangers permirent aux Tutsis de prendre un certain ascendant sur les Hutus (87).

L'un dans l'autre, les Tutsis n'avaient pas la vie facile étant donné qu'ils étaient victimes d'une discrimination institutionnelle (88), mais dans la vie quotidienne, la situation restait tolérable. En comparaison avec les années Kayibanda, les choses s'étaient améliorées au point même que certains hommes d'affaires tutsis réputés avaient fait fortune et étaient en très bons termes avec le régime. L'accord tacite était « Ne vous mêlez pas de politique, c'est la prérogative des Hutus ». Tant que les Tutsis respectaient ce principe, on les laissait généralement en paix.

Le général Habyarimana avait apporté la paix et la stabilité au Rwanda. Mais comme toujours, il y avait un prix à payer. Immédiatement après sa prise de pouvoir, il déclara hors-la-loi les partis politiques avant de créer, environ un an plus tard, en 1974, son propre parti, le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND). Le président défendit sa décision avec aplomb : « Je sais que certains sont en faveur du multipartisme mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais eu la moindre hésitation en optant pour le système à parti unique ». (89) En 1978, l'article 7 de la Constitution consacra la règle du parti unique comme valeur fondamentale du régime. Le MRND était un parti véritablement totalitaire : tout citoyen rwandais devait en être membre, du plus jeune au plus vieux. Tous les bourgmestres et les préfets étaient choisis dans les cadres du parti. Le parti était omniprésent : chaque colline avait sa cellule et des fanatiques en quête de promotion et d'avancement passaient leur temps à espionner tous ceux qu'on leur disait de surveiller et même d'autres. Lorsque l'on regarde le Rwanda, il faut oublier les images d'une confusion tropicale bon enfant. La carte d'identité mentionnait le lieu de résidence de chaque habitant. Les voyages étaient tolérés mais pas les changements d'adresse sans motif valable. Il fallait demander l'autorisation de déménager. Sans motif valable comme s'inscrire dans une école ou trouver un travail, l'autorisation de changement de résidence n'était pas accordée, sauf si l'on avait des amis haut-placés. Le contrôle administratif était sans doute le plus strict du monde à l'exception des pays communistes. Au début des années 1980, cette législation fut utilisée pour arrêter des « femmes libres » qui vivaient à Kigali sans autorisation ­ la plupart d'entre elles étaient, comme par hasard, les compagnes tutsies d'Européens.

Bien que le MRND fut le cadre administratif de référence incontournable de la vie publique dans le pays, il n'était pas supposé être un parti « politique ». En effet, le mot « politique » était quasiment une grossièreté dans le monde vertueux et travailleur du Habyarimanisme. D'importants efforts étaient déployés pour faire oublier ­ du moins officiellement ­ que la politique existait. Lorsque le régime décida finalement, en novembre 1981, après huit années de pouvoir, de créer un « parlement », celui-ci fut baptisé Conseil National du Développement. Le Rwanda était pauvre, propre et sérieux; il n'avait pas de temps à perdre à des frivolités telles que le débat politique. Il devint donc ce que le pasteur allemand Herbert Keiner, partisan de longue date du régime à l'instar de bon nombre de ses frères, qualifie de « ein Entwicklungsdiktatur (90) » (une dictature du développement). Reprenant des thèses qui rappellent quelque peu les théories européennes du XVIIIe siècle du « despotisme bienveillant », le président Habyarimana avait décidé de porter sur ses épaules le lourd fardeau de l'État afin que ses sujets puissent se consacrer entièrement à l'agriculture. Vu la pénurie de terres arables conjuguée à un accroissement démographique de 3,7 % par an, l'argument ne manquait pas de poids. Dans ce système, Habyarimana, seul candidat à l'élection présidentielle, fut triomphalement réélu en décembre 1983 et une nouvelle fois en décembre 1988, avec 99,98 % des suffrages. Les activistes du MRND qui avaient espéré « Ijana kw'ijana » (cent pour-cent) furent déçus (91).

Le système, bien qu'autoritaire, était quelque peu débonnaire et il fonctionnait sur le plan économique. En 1962, seuls deux pays au monde avaient un revenu par habitant inférieur à celui du Rwanda. En 1987, ils étaient dix-huit et, avec un revenu par habitant de USD 300, le Rwanda était à peu près comparable à la République populaire de Chine (USD 310). En fait, la dynamique de l'économie rwandaise dépassait celle d'autres pays de la région :

Évolution du revenu par habitant du Rwanda par rapport aux pays voisins

Rwanda Burundi Zaïre Oeganda
­
Ouganda
Tanzanië
­
Tanzanie
1976 7 11 16 33 25
1981 16 14 12 13 19
1985 18 11 9 onbek. ­ incon. 21
1990 19 11 12 13 2
Variation
1976-90 +12 ­ -4 -20 -23

Source : Banque mondiale, Rapports annuels sur le développement, compilé par Filip Reyntjens dans « L'Afrique des Grands Lacs en crise », Paris : Karthala, 1994, p. 35.

L'évolution sectorielle était encourageante. Le secteur primaire (cultures vivrières) qui représentait 80 % du PIB en 1962 était retombé à 48 % en 1986 tandis que le secteur secondaire était passé de 8 % à 21 % et les services de 12 % à 31 %. Le taux de mortalité était en baisse, les indicateurs de santé et d'hygiène s'amélioraient et l'éducation, bien que coûteuse et difficile à organiser compte tenu de la structure très dispersée de l'habitat, progressait. La proportion d'enfants scolarisés est passée de 49,5 % en 1978 à 61,8 % en 1986, malgré une croissance démographique énorme (92).

Sur le plan régional, le Rwanda jouait à la fois la carte francophone de l'Afrique centrale en devenant un membre clé de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) soutenue par Paris, créée en septembre 1976, tout en jouant la carte de l'ouverture au monde anglophone plus international lié à l'Est de l'Afrique, en participant à l'Organisation pour l'aménagement et le développement de la rivière Akagera (KBO), projet sponsorisé par la Banque mondiale en septembre 1977. Kigali espérait que sa participation à la CEPGL lui permettrait de trouver de nouveaux axes de transport vers Dar-es-Salaam et vers le Lac Victoria, tandis que sa participation au KBO ouvrait des perspectives de développement hydroélectrique.

Cette image modérément positive avait cependant des zones d'ombre. L'umuganda , travail de développement communal, auquel les paysans étaient supposés consacrer deux jours de leur temps, durait souvent quatre jours ou plus. Et contrairement à la description enthousiaste donnée par les cadres du parti, le travail était loin d'être volontaire. Dans certains cas, il s'apparentait davantage aux travaux forcés. Les critiques paternalistes de l'OIT condamnant ces pratiques tombèrent dans l'oreille d'un sourd, au Rwanda comme à l'étranger (93). A un autre niveau, la dépendance par rapport à l'aide étrangère, d'abord faible, devint significative vers la fin des années 1970 et prit des proportions énormes vers la fin des années 1980. Comme ironisait un ancien expatrié, le Rwanda n'était pas seulement le pays des 1000 collines, mais aussi le pays des mille coopérants (94). Selon l'OCDE, l'aide étrangère qui représentait moins de 5 % du PIB en 1973, était passée à 11 % en 1986 pour atteindre 22 % en 1991.

L'atmosphère du régime. Il n'est pas possible d'évaluer le Rwanda de la même manière que l'on évaluerait la République centrafricaine ou la Gambie. Le Rwanda était un pays mystique. Toutes proportions gardées, il peut être mis sur le même pied que des pays comme Cuba, Israël, la Corée du nord et le Vatican. Il s'agit à la fois d'un État idéologique où le pouvoir est un moyen de réaliser une série d'idées et d'une structure administrative de fait gouvernant un territoire géographique donné.

Nous avons vu au chapitre précédent comment les Belges ont mélangé opportunisme et fascination raciale pseudo-scientifique pour reconstruire un Rwanda néo-traditionnaliste plus réel en 1945 que le Rwanda découvert par le Comte von Götzen en 1894. Ce qui est intéressant, c'est que la « révolution démocratique » hutue de 1959 n'a pas changé les principaux traits de cette construction idéologique, mais s'est borné à en inverser les signes. Les Tutsis étaient toujours des « envahisseurs étrangers » venus de loin, mais cela voulait dire à présent qu'ils ne pouvaient pas être considérés comme de véritables citoyens. Leur gouvernement avait été grandiose et puissant : dans la nouvelle version de l'idéologie rwandaise, il était considéré comme une tyrannie cruelle et homogènement oppressante. Les Hutus étaient les « paysans indigènes » exploités par les envahisseurs aristocratiques : c'était à présent eux les habitants légitimes du pays. Les Hutus étaient la majorité démographique silencieuse, ce qui voulait dire qu'un gouvernement à domination hutue était automatiquement légitime et, qui plus est, par essence démocratique.

Autant la première version de l'idéologie rwandaise était une construction parfaite légitimant la domination exercée par quelques lignages tutsies sur l'ensemble de la société, petits Tutsis et Hutus confondus, autant la nouvelle version était un outil formidable permettant à la nouvelle élite de diriger les paysans hutus et la communauté tutsie, privée de tout droit de représentation. Les parallélismes sont frappants. Dans la version néo-traditionnaliste de 1931-1959, les petits Tutsis étaient fiers d'appartenir à l'« aristocratie ethnique » bien que cela ne leur rapporte pas grand-chose de plus que ce sentiment de supériorité. À présent, c'était au tour des Hutus de commettre la même erreur en se persuadant que comme le gouvernement était hutu, les humbles paysans des collines partageaient en quelque sorte ce pouvoir. Dans les deux cas, les élites ethniques ont approuvé et renforcé les fantasmes de leurs adeptes. Les Belges qui ont participé à la création de la version aristocratique du mythe, finirent par y croire et par admirer leur propre création. À leur tour, les coopérants contribuèrent à renforcer l'idée du « règne démocratique de la majorité » et finirent par admirer leur vertu consistant à aider des Africains si méritants. Le lien entre ces deux versions du mythe n'est autre que l'Église catholique qui admirait les Tutsis et les aida à gouverner. Maintenant, elle admirait les Hutus et les aidait à leur tour à gouverner. Dans les deux cas, ce rôle de l'église fut perçu (et abondamment expliqué) comme étant l'oeuvre de la divine providence et comme un grand pas en avant vers l'édification d'une société chrétienne au Rwanda (95).

Le pays vivait et respirait dans cette atmosphère. Tout était soigneusement contrôlé, propre et bien en ordre. Les paysans travaillaient dur, vivaient sainement et faisaient preuve de la reconnaissance voulue à leurs supérieurs sociaux ainsi qu'aux bénévoles expatriés qui les aidaient. La criminalité était pour ainsi dire inexistante, les quelques prostituées étaient périodiquement envoyées en rééducation et l'église s'opposait avec succès à toute tentative de contrôle des naissances en dépit de la poussée démographique. Bien que la Belgique soit restée le principal donateur d'aide étrangère, le Rwanda attirait également l'Allemagne, les États-Unis, le Canada et la Suisse (96), tous satisfaits de l'attitude du gouvernement envers les donateurs étrangers et de l'ordre général qui régnait dans le pays. Dans un sens, cette attitude des pays donateurs était compréhensible. Parson Keiner fait cette observation pertinente : « Au début des années 1980, on comparait la situation presque idyllique du Rwanda au chaos qui fit suite au règne d'Idi Amin en Ouganda, à l'apartheid Tutsi au Burundi, au socialisme africain à la mode tanzanienne et à la cleptocratie de Mobutu au Zaïre. Le régime rwandais avait donc beaucoup de points positifs . » (97)

Mais le problème, c'est que cette façade avenante reposait sur des fondations idéologiques extrêmement dangereuses. La version hutu de la mythologie culturelle rwandaise qui avait provoqué les accès de violence de 1959 et 1964 était toujours vivante. Et la paix ne pouvait être maintenue que par une lubrification financière suffisante de l'élite. Tout reposait sur une mécanique d'hypocrisie minutieusement contrôlée dans laquelle l'église jouait le rôle d'ingénieur en chef. On pouvait entendre la violence gronder juste en dessous de la surface. L'ex-président Kayibanda mourut en détention en 1976, sans doute affamé par ses geôliers (98). De 1974 à 1977, le chef de la sécurité, Théoneste Lizinde, et ses sbires tuèrent cinquante-six personnes, pour la plupart d'anciens dignitaires du régime Kayibanda, mais aussi d'inoffensifs hommes de loi ou d'affaires pris en grippe pour une raison ou l'autre (99).

L'ancien ministre de la coopération, Augustin Muyaneza (qui avait déclaré à un journaliste français durant les derniers mois du régime Kayibanda : « Nos partenaires français devraient comprendre une chose : notre pays est entièrement exempt de tout gaspillage et de toute corruption ») (100) est au nombre des prisonniers qui moururent en détention à une date inconnue entre 1974 et 1977. La cause de sa mort n'est pas établie : certaines sources affirment qu'il a été enterré vivant, d'autres qu'il a eu le crâne fracassé au marteau. Mais ce genre de détails étaient souvent tenus secrets et n'arrivaient pas aux oreilles des donateurs d'aide.

Les nombreux amis du régime allaient ensuite assister, incrédules, à une spirale pour violence en 1990-1994. À leurs yeux, toutes les critiques adressées à Kigali étaient inspirées par la sympathie pour ceux que le MRND appelait les fédéo-revanchards , les démons Inyenzi tapis dans l'ombre, attendant qu'une opportunité se présente de se ruer sur le pauvre petit Rwanda catholique. La révélation de la vertu meurtrière intrinsèque de l'idéologie rwandaise fut un choc qui mit à rude épreuve leur capacité de réflexion et d'autocritique. Certains, comme le pasteur Keiner que nous avons cité précédemment, ont su puiser dans leurs croyances morales indépendantes la force de revoir leur ancien enthousiasme. D'autres, motivés par un mélange de réelle sympathie « démocratique » parfois abusée (les rendant incapables d'admettre que des associés jusqu'alors apparemment « vertueux » puissent être capables d'obliquité morale) et d'incapacité à reconnaître qu'ils ont pu se tromper, insistèrent ou nièrent la nature de la réalité à laquelle ils étaient confrontés (101). Dans certains cas extrêmes, comme nous le verrons au chapitre 8, ce reniement a même conduit des ONG vertueuses d'obédience chrétienne et des individus honnêtes en d'autres circonstances, souvent proches des milieux démocrates-chrétiens européens, à ignorer le génocide et à essayer de continuer à aider les vestiges du MRND sous le couvert de l'aide aux réfugiés. Mais même si les germes de ces développements étaient déjà contenus dans l'idéologie rwandaise revisitée, comme un serpent venimeux encore à naître dans son oeuf, le régime Habyarimana fut globalement, jusqu'environ 1988, l'un des moins mauvais d'Afrique si l'on se base uniquement sur ses actions et pas sur son fondement intellectuel sous-jacent.

La crise. Le seul épisode malodorant en quinze années de pouvoir (de 1973 à 1988) fut la conspiration et la tentative de coup d'état fomentée en avril 1980 par l'ancien chef de la sécurité, Théoneste Lizinde. Si l'on voulait faire honneur aux schémas marxistes quelque peu mécaniques, il faudrait observer que le prix élevé du café a connu une diminution constante depuis 1977 pour se redresser après 1980 avant de finir par s'effondrer en 1986.

Les cours mondiaux de l'étain s'effondrèrent peu après ceux du café (1984-86) conduisant à la fermeture des exploitations minières au Rwanda. Comme c'est l'étain qui avait compensé la chute des prix du café en 1982-83, sa part dans les recettes d'exportation allant même jusqu'à atteindre 20% (le café avait représenté jusqu'à 75% avant de retomber à environ 50%), ce nouveau choc fit vaciller le Rwanda sur ses bases (102)...

Et l'on peut dire que la stabilité politique du régime a suivi exactement la même courbe que les prix. Le Rwanda est un pays extrêmement pauvre, fondé sur une agriculture vivrière, et dont la masse rurale ne génère que très peu de valeur ajoutée. L'élite du régime tirait sa richesse de trois sources : les exportations de café et de thé, les exportations d'étain (pendant une courte période) et les prélèvements sur l'aide étrangère.

Une bonne partie des deux premières devant servir au fonctionnement de l'État, la raréfaction des sources était telle en 1988 que seule la troisième offrait encore une alternative viable. Tout ceci ne fit qu'accentuer la compétition pour avoir accès à cette ressource très spécialisée que l'on ne pouvait s'approprier que par le contrôle direct des plus hautes sphères du pouvoir. Les différents accords conclus entre les clans politiques rivaux depuis la fin du régime Kayibanda commencèrent à se lézarder à mesure que les ressources se raréfiaient et que la lutte interne pour le pouvoir s'intensifiait.

Le premier signe que les choses tournaient mal fut le meurtre du colonel Stanislas Mayuya en avril 1988. Mayuya était un ami proche du président Habyarimana et des rumeurs persistantes faisaient état de son arrivée au pouvoir, éventuellement au poste de vice-président, en vue de le préparer à prendre la succession du président. Ce fut la perte d'un des principaux clans politiques du régime, d'abord appelé « le Clan de Madame » à Kigali puis « akazu » (103) . Comme son nom l'indique, le Clan de Madame se composait de membres de la famille de l'épouse du président et de leurs proches associés. Les principaux membres de ce groupe étaient ses trois frères, le colonel Pierre-Célestin Rwagafilita, Protais Zigiranyirazo et Séraphin Rwabukumba, son cousin Elie Sagatwa et leurs proches associés le colonel Laurent Serubuga et Noël Mbonabaryi. Ils étaient secondés par un certain nombre de serviteurs moins importants mais dévoués, parmi lesquels le colonel Théoneste Bagosora allait jouer un rôle capital par la suite. Trois raisons particulières permettent d'expliquer pourquoi le Clan de Madame joua un rôle aussi important dans le déroulement des événements.

D'abord, dans la tradition politique rwandaise que le régime Hutu du MRND avait héritée de Grégoire Kayibanda et des anciens Abami Tutsi, le dirigeant devait avoir des partisans qui étaient ses yeux et ses oreilles, des personnes extérieures à la structure officielle du pouvoir qui lui étaient entièrement dévouées et qui feraient n'importe quoi sans poser de questions. Les Abami avaient trouvé ce type de personnes au sein de leur propre clan Abayinginya et au sein de leur clan marital, l'Ababega. Le tout avec son éternel cortège de trahisons, conspirations, renversements d'alliances, etc. qui étaient le lot quotidien de cette cour florentine. Depuis lors, comme nous l'avons vu, les clans hutus étaient devenus en grande partie une construction politique de l'ordre politique tutsi au pouvoir, ils ne se prêtaient pas facilement à ce type d'utilisation car n'obtenant qu'un mince engagement de la part de leurs membres. Sous la république hutue, le régionalisme se substitua au clanisme. Le président Kayibanda monta plusieurs groupes les uns contre les autres et eut tendance à se reposer essentiellement, jusqu'au point de s'isoler, sur les gens de Gitarama. Et puis, il faut aussi compter avec la tendance inhérente à chaque « maffia régionale » qui consiste à créer des sous-unités en fonction d'une origine géographique définie avec précision.

Ensuite, vu sous cet angle, le président Habyarimana avait un problème. La Seconde République qu'il créa en 1973 était au départ une revanche des Rwandais du nord sur les Rwandais du sud du Parmehutu (104). Mais une fois qu'il fut clair que les portefeuilles ministériels, les opportunités économiques et les bourses d'études à l'étranger allaient avant tout aux Rwandais du nord, ceux-ci commencèrent à s'entre-déchirer pour savoir qui se taillerait la part du lion. Le président et son épouse favorisaient les gens de la préfecture de Gisenyi par rapport au groupe de la préfecture de Ruhengeri, dirigé par le ministre des Affaires étrangères Casimir Bizimungu et le ministre des Travaux publics Joseph Nzirorera. Ceux du clan de Ruhengeri furent donc contraints de jouer les seconds couteaux derrière ceux du clan de Gisenyi. Mais cela ne s'arrêtait pas là. Les faveurs étaient accordées en fonction de la commune d'origine et à ce niveau, le président avait une faiblesse. Le président Habyarimana était né dans la commune de Karago, mais il n'était pas « quelqu'un », il n'était pas issu d'un lignage respectable. En fait, des rumeurs persistantes rapportaient que son grand-père aurait été un immigrant provenant soit de la province ougandaise de Kigezi, soit de la province zaïroise du Kivu. Il était à plusieurs égards un homme seul, qui s'était forgé lui-même. Bien qu'étant devenu le mwami des Hutus, le shebuja à la tête du pays, il n'avait pas de véritables abagaragu qui soient dévoués entièrement à sa personne.

Enfin, le cas de la femme du président était différent. Agathe Kanzinga provenait de Bushiru et était la fille d'un de ces petits lignages Abahinza du nord qui dirigèrent de petites principautés indépendantes jusqu'à la fin du XIXe siècle et, dans certains cas même, jusque dans les années 1920. Elle et sa famille étaient très fières de leur lignage qui était vaste et bien connu. Le président s'en remettait donc au clan de sa femme et à ses abagaragu pour être ses yeux et ses oreilles. Elle devint si puissante qu'on lui donna le surnom « Kanjogera », en mémoire de la terrible mère du roi Musinga, qui tenait les rênes du pouvoir dans l'ombre du trône. Son époux se reposait sur elle et sur sa famille, mais peu à peu, il devint leur prisonnier et finalement leur victime. (105) Dans le climat de la fin des années 1980, alors que la compétition politique pour arracher le contrôle d'une économie en net recul s'intensifiait, les projets de succession que le président Habyarimana nourrissait pour le colonel Mayuya constituaient une grave menace pour le Clan de Madame qui risquait de perdre le contrôle du pouvoir à un moment où ce contrôle était plus vital que jamais car Mayuya était l'homme du président (l'un des rares! (106)). Le colonel Serubuga, un des akazu les plus puissants, organisa le meurtre de Mayuya. Le sergent qui appuya sur la détente fut par la suite assassiné en prison et le magistrat du ministère public en charge du dossier fut assassiné pendant l'instruction.

L'affaire Mayuya fut l'étincelle qui mit le feu aux poudres et il ne fallut pas attendre longtemps avant de voir les différents clans en venir aux mains en 1989, le budget fut réduit de 40%, mesure qui fut compensée en grande partie par une réduction des services sociaux (107). Cette mesure fut très mal accueillie par les paysans déjà écrasés par des taxes en tous genres (umusanzu , taxe sur l'eau, taxe sur la santé, droits d'inscriptions dans les écoles, etc.) et par des doses croissantes de travail « volontaire » (umuganda ) qui ressemblait plutôt aux travaux forcés, d'autant qu'il devait être accompli sur des terres qui étaient la propriété des « petits copains » du régime. La question de la distribution des terres devenait elle aussi de plus en plus épineuse. La surpopulation atteignait des niveaux critiques et un approvisionnement en denrées alimentaires de plus en plus marginal rendit le pays fortement dépendant des caprices de la météo. Une mini-sécheresse provoqua la famine de ruriganiza qui tua environ 300 personnes en 1988-89 et provoqua le départ de milliers de Rwandais qui franchirent la frontière tanzanienne en quête de nourriture. Le gouvernement essaya d'imposer un black-out de l'information sur la question, le chef de la sécurité, M. Augustin Nduwayezu, déclarant candidement à un journaliste belge : « Les journalistes ne devraient pas écrire d'articles qui risquent d'irriter les autorités supérieures » (108). Dans ce climat, les histoires d'accaparement de terres ont eu un effet particulièrement exaspérant sur les paysans : « L'accusation selon laquelle sous le couvert d'un projet de développement financé par la communauté internationale, les plus hautes autorités de l'Etat se sont approprié des terres qu'elles utilisent pour élever du bétail, a pris une valeur très symbolique et joué un rôle décisif dans le mouvement de déception qui naquit à ce moment » (109).

Ce à quoi le professeur Guichaoua fait ici référence sans le nommer, c'est le projet Gebeka, financé par la Banque mondiale, qui provoqua un grand scandale rapidement étouffé. Selon un de ses managers (110), tout ce projet était une supercherie. La forêt de Gishwati, une des dernières forêts primitives du Rwanda, fut sauvagement abattue pour défricher des terres qui ont ensuite été utilisées pour faire paître du bétail exotique importé d'Europe afin de monter une entreprise de produits laitiers. Bien que les terres et le financement soient publics, les profits générés par le développement furent partagés entre les bonzes du régime et des expatriés malhonnêtes de la Banque mondiale qui avaient investi dans le projet. Alors que la « révolution démocratique » de 1959 symbolisait le libre accès aux terres et au bétail pour les Hutus, avec la signification que l'on sait, l'arnaque de Gebeka porta un coup idéologique sérieux à cet idéal.

Le gouvernement essayait de se refaire une virginité, à grands coups d'hypocrisie moralisatrice, pour récupérer le terrain perdu en termes de bains de sang et de scandales financiers : les femmes libres de Kigali ont été arrêtées à plusieurs reprises et envoyées dans le camp de « rééducation » de Rwamagana (111), des commandos catholiques radicaux anti-avortement ont pillé des pharmacies afin de détruire les stocks de préservatifs avec l'approbation du ministère de l'Intérieur, de jeunes chômeurs, arbitrairement surnommés abanyali (bandits), étaient maîtrisés en rue, rasés puis envoyés en centre de « rééducation » et certains bidonvilles ont été démolis en partie sous prétexte qu'ils abritaient des « criminels ».

Ces mesures n'eurent pas d'effet durable et ne firent rien pour apaiser la tension politique. En août 1989, la députée Félécula Nyiramutarambirwa fut délibérément écrasée par un camion après avoir lancé des accusations de corruption à l'encontre du gouvernement dans des contrats de construction routière. Elle était originaire de Butare et on la soupçonnait d'y encourager l'opposition politique. En novembre de la même année, le père Silvio Sindambiwe, un journaliste qui avait son franc parler et qui avait signé des articles trop libertaires sur certaines pratiques douteuses du gouvernement, fut également tué dans un « accident de la circulation » simulé. D'autres journalistes qui tentèrent de relater ces faits furent arrêtés (112).

Le président Habyarimana se rendit à Paris en avril 1990 et à La Baule en juin pour y assister au sommet franco-africain. (113) Le président Mitterrand qui menait alors une politique africaine « libérale » et qui semblait vouloir lier l'aide économique à la démocratisation politique (114), conseilla à Habyarimana d'introduire le multipartisme au Rwanda. Habyarimana suivit promptement ce conseil et, alors qu'il avait toujours veillé à appliquer strictement le monopole politique du MRND, il déclara soudainement qu'il soutenait le multipartisme (juillet 1990).

Mais sa conviction personnelle en la matière semble avoir été assez superficielle. En tout cas, cela n'empêcha pas trente-trois intellectuels de signer un manifeste réclamant une démocratisation immédiate (août 1990). Il y avait de l'agitation dans les collines et les étudiants de Butare qui avaient fait une émeute en juin pour des raisons non politiques et qui avaient vu un des leurs abattus, se rendirent rapidement compte que leur mouvement était récupéré et amplifié. (115) Au début de l'automne 1990, l'arène politique rwandaise n'était plus qu'une crise grave et envahissante.


CHAPITRE 3

CONSTATATIONS

3.1. LA DÉCISION DES NATIONS UNIES

Les points 3.1.1 et 3.1.2., constituent, comme le chapitre 2, un bref aperçu du cadre général de l'ONU et des principes qui sous-tendent les diverses opérations de paix.

3.1.1. Cadre général ONU

Les organes principaux des Nations unies, qui sont énumérés à l'article 7 de la Charte des Nations unies et dont les chapitres subséquents de la Charte des Nations unies règlent le fonctionnement, sont :

­ l'Assemblée générale;

­ le Conseil de sécurité;

­ le Conseil économique et social;

­ le Conseil de tutelle;

­ la Cour internationale de justice;

­ le Secrétariat.

Chacun de ces organes remplit des fonctions déterminées qui lui sont attribuées par la Charte.

Deux de ces organes ont joué un rôle important dans la décision de constituer une force de maintien de la paix au Rwanda (MINUAR) et dans l'exécution de celle-ci : il s'agit du Conseil de sécurité et du Secrétariat.

3.1.1.1. Le Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité a pour fonction principale, aux termes de l'article 7 de la Charte des Nations unies du 26 juin 1945, de veiller au maintien de la paix et la de sécurité internationales.

Depuis le 1er janvier 1966, le Conseil de sécurité se compose de 15 membres, dont cinq membres permanents ayant un droit de véto, à savoir la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Dix membres sont élus par l'Assemblée générale pour une période de deux ans; cinq membres sont remplacés chaque année. Pendant la période examinée par la commission, les États membres élus qui siégeaient au Conseil de sécurité étaient :

Membres non permanents du Conseil de sécurité
des Nations unies

1992-1993 Verkozen 1 januari 1993
­
Élus le 1er janvier 1993
Verkozen 1 januari 1994
­
Élus le 1er janvier 1994
Kaapverdische Eilanden/Îles du Cap-Vert Pakistan Rwanda
Japan/Japon Brazilië/Brésil Nigeria/Nigéria
Marokko/Maroc Nieuw Zeeland/Nouvelle-Zélande Oman
Hongarije/Hongrie Spanje/Espagne Tsjechische Republiek/République tchèque
Venezuela Djibouti Argentinië/Argentine

Comme le montre ce tableau, le Rwanda était membre du Conseil de sécurité depuis le 1er janvier 1994 pour un mandat de deux ans. Il a été élu par l'Assemblée générale avec la majorité nécessaire des deux tiers. Il était l'un des deux pays africains membres du Conseil. Son élection a été obtenue en dépit du fait que ce pays faisait l'objet du déploiement de forces de maintien de la paix. (1a)

3.1.1.2. Le Secrétariat

Le Secrétariat est dirigé par le Secrétaire général, qui est nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

Le Secrétaire général a notamment pour fonction de porter à l'attention du Conseil de sécurité toute affaire qui, à son avis, menace la paix et la sécurité internationales.

En 1994, la structure de commandement du Secrétariat, qui est aussi responsable de la gestion des opérations de maintien de la paix à travers le Département des Opérations de Peacekeeping (DPKO), était la suivante :

Structure de commandement de l'Administration du Conseil de sécurité des Nations unies

* DPKO : Department for Peacekeeping Operations.

La Représentation permanente belge

De plus, un rôle important a été joué par la représentation belge auprès des Nations Unies.

M. A. Brouhns, à l'époque premier secrétaire de la Représentation permanente de la Belgique auprès de l'ONU à New York, a dressé un bref aperçu, lors de l'audition du 8 février 1997, du fonctionnement de la représentation permanente auprès des Nations unies. « Le rôle de la Représentation permanente auprès de l'ONU à New York est de servir de courroie de transmission entre le secrétariat ainsi que les États membres et le ministère belge des Affaires étrangères. Il s'agit aussi d'analyser le processus de décision du Conseil de Sécurité et d'informer le ministère des rapports de force existant au sein du Conseil. Le ministère est également informé par les ambassades ou les renseignements militaires, pour ne citer que ceux-là. La synthèse se fait à Bruxelles où les décisions sont prises. Quand le ministre envoie des instructions, la Représentation permanente essaie de convaincre les autres États membres.

En 1993, la Représentation permanente se composait de 13 diplomates (2a). Trois suivaient les dossiers du Conseil de sécurité et les huit autres l'Assemblée générale, les commissions et les institutions spécialisées. » (3a)

Selon M. Cools, il faut dûment se rendre compte de la situation dans laquelle se trouvent les États qui ne sont pas membres du Conseil de sécurité. Il s'est expliqué comme suit : « Durant la période concernée, la Belgique n'était pas membre du Conseil de sécurité et le problème est dès lors de savoir comment obtenir des informations. Je tiens à signaler que le Conseil de sécurité utilise des procédures très opaques (...). La Belgique devait donc, au moment qui nous occupe, mendier pour obtenir des informations. Nous avions de bons contacts mais nous ne connaissions pas les détails. » (4a)

En outre, un conseiller militaire auprès de la Représentation permanente était chargé des relations avec le DPKO : « (..) Lors de la première opération belge, dans le cadre de l'ONU, nous avons envoyé un militaire à New York auprès de notre représentant permanent. Sur des problèmes d'ordre purement militaire, notre représentation pouvait prendre des contacts directement avec le DPKO mais de manière informelle. » (5a)

Un conseiller militaire était donc chargé des relations avec le DPKO, mais « sur des questions n'engageant pas les Affaires étrangères. Ainsi, le planning des relèves des bataillons belges en Slavonie est une question technique sur laquelle nous pouvons directement entrer en contact avec les Nations Unies pour les informer. Il en va de même pour l'organisation de visites des autorités belges, pour lesquelles nous demandons l'autorisation aux Nations Unies, qui sont responsables de la sécurité et de l'accueil de ces personnes. » (6a)

3.1.2. Le cadre théorique des différentes opérations de paix

3.1.2.1. Cadre général

Selon la Charte des Nations Unies, le premier but des Nations Unies est « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ». (article 1, 1.)

Les chapitres VI et VII de la Charte énoncent des mesures concrètes pour parvenir à ce but.

Le chapitre VI prévoit que le Conseil de sécurité peut faire des recommandations aux différentes parties d'un conflit afin de régler leurs différends par des moyens pacifiques. Une solution pacifique doit être trouvée par les parties elles-mêmes, sur une base volontaire, qui mettra en pratique les dé