Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-26

SESSION DE 2000-2001

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de l'Agriculture et des Classes moyennes (Agriculture)

Question nº 847 de Mme Thijs du 24 octobre 2000 (N.) :
Plantes génétiquement modifiées. ­ Situation en Belgique. ­ Risques.

En 1999, dans le monde, les cultures de plantes génétiquement modifiés ont couvert 39,9 millions d'hectares, contre 2,8 millions en 1996. Les États-Unis viennent en tête avec 28,7 millions d'hectares l'année dernière.

L'OCDE constate que les organismes génétiquement modifiés suscitent l'opposition de plus en plus grande des consommateurs, des agriculteurs et des gouvernements en raison des risques qu'ils présenteraient pour la santé et l'environnement, mais dont on n'a pas pu prouver l'existence jusqu'à présent.

La plupart des pays de l'OCDE seraient en train d'élaborer des textes de loi imposant de mentionner sur les étiquettes la présence d'organismes génétiquement modifiés dans les produits alimentaires.

1. Combien d'hectares de culture les plantes génétiquement modifiées représentent-elles en Belgique ?

2. Que sait-on concrètement des risques éventuels que ces plantes font courir à la santé et à l'environnement ?

Réponse : J'ai l'honneur de fournir à l'honorable membre les informations suivantes en réponse à sa question.

1. L'honorable membre trouvera ci-après la répartition par province des cultures expérimentales de plantes transgéniques en 2000 en Belgique.

En 2000, le ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture a autorisé 17 essais menés en champ avec des betteraves sucrières, maïs, colzas, moutardes d'Inde et chicorées transgéniques. Le principal caractère transgénique testé est la tolérance aux herbicides totaux, Liberty ® et Roundup ®. Seuls quelques essais sont consacrés à l'étude du colzas résistants aux agents fongiques et de colzas au taux réduit en glucosinolates (agents anti-nutritifs). La superficie en expérimentation s'élève à environ 110 ha, et ce pour un total de 123 sites notifiés en 2000.

Répartition des cultures transgéniques expérimentales en Belgique (en 2000)

Provincie/Province GGO-teelt/Culture OGM Oppervlakte/Superficie
West-Vlaanderen. ­ Flandre occidentale Koolzaad/Colza 23,7 ha
Oost-Vlaanderen. ­ Flandre orientale Maïs, koolzaad, sareptamosterd/
Maïs, colza, moutarde d'Inde
68,8 ha
Brabant Suikerbiet, koolzaad/Betterave sucrière, colza 3,46 ha
Namen. ­ Namur Suikerbiet, maïs/Betterave sucrière, maïs 1,13 ha
Henegouwen. ­ Hainaut Cichorei, koolzaad/Chicorée, colza 7,55 ha
Luik. ­ Liège Suikerbiet/Betterave sucrière 3 870 m2
Limburg. ­ Limbourg Koolzaad/Colza 5,6 ha

Les superficies précitées ne concernent que les OGM en expérimentation. En effet, aucune plante transgénique n'est cultivée en Belgique dans un but commercial exception faite de quelques hectares de production de semences de colza OGM exportées vers le Canada. Aucun OGM n'est d'ailleurs inscrit au catalogue national des variétés cultivables.

2. Actuellement, tout OGM avant d'être expérimenté au champ ou mis sur le marché européen fait l'objet d'une évaluation des risques. Différents comités scientifiques nationaux et européens prennent en considération les différents aspects de l'OGM susceptibles d'altérer l'environnement et la santé publique.

Les scientifiques évaluent donc :

1. l'impact éventuel de l'OGM sur l'environnement (transfert possible des gènes vers des adventices sexuellement compatibles, apparition d'adventices résistantes à l'herbicide total, effets secondaires sur des insectes non cibles, ...);

2. la phytotechnie de l'OGM et les bonnes pratiques agricoles y relatives;

3. la caractérisation moléculaire de l'OGM (expression et stabilité du transgène, nombre de copies, héritabilité du nouveau caractère, ...);

4. la toxicité éventuelle de l'OGM (présence de métabolites secondaires toxiques, ...);

5. l'allergénicité éventuelle (la protéine nouvelle est-elle allergène ?);

6. l'utilisation de l'OGM dans l'alimentation humaine et animale (l'OGM est-il substantiellement équivalent à son homologue non transgénique ?, comparaison de la composition en acides aminés, acides gras, vitamines, ...).

De plus, certains OGM tels le soja « Roundup Ready » et le maïs Bt importés sont utilisés dans l'alimentation humaine depuis 1996-1997. Ces quelques années d'expérience et d'observations n'ont, à l'heure actuelle, pas mis en évidence d'effets néfastes pour la santé humaine.

Les connaissances actuelles en matière de risques pour l'environnement par exemple sont sans cesse étoffées et ce par le biais de différents programmes de recherches nationaux et internationaux.

Ces programmes de recherche sont suivis par des centres de recherche et des compagnies privées afin de répondre aux questions relatives au transfert de gènes vers les bactéries du sol ainsi qu'au problème de la pollution génétique. Ainsi, le Centre d'études et de recherches vétérinaires et agrochimiques (CERVA) a entamé cette année un projet axé sur le suivi des gènes d'OGM dans différentes matrices environnementales et sur les possibilités de transfert entre organismes vivants.

Par ailleurs, la firme Aventis Crop Science mène actuellement une étude dans le cadre d'un programme européen, dénommé FAME (« Familiarization and Acceptance for the use of genetically modified oilseed rape through monitoring ­ experience »). Cette étude vise à établir en conditions très strictes, la fréquence de transfer de matériel génétiquement modifié à partir d'un champ de colza transgénique vers un champ non transgénique et vers les adventices apparentées.

En France, des plates-formes de recherche sur l'impact des cultures transgéniques dans un système cultural traditionnel sont suivies depuis 1995 par différents instituts français.

Par ailleurs, dans l'attente de réponses à certaines questions posées en matière d'impact des OGM sur l'environnement, et après l'évaluation des risques éventuels, il y a lieu de gérer et de prévenir ces risques potentiels sur le terrain.

Au niveau national, la gestion des cultures OGM en expérimentation requiert l'application de protocoles d'essais et le respect d'une distance d'isolation propre à chaque culture. Cette distance d'isolation a été définie par des experts scientifiques nationaux compte tenu du type de reproduction de la plante (auto- ou allogame), du mode de pollinisation (entomophile ou anémophile), des caractéristiques du pollen (dense, collant, ...) et de la présence d'adventices sexuellement compatibles (exemple : le colza et la moutarde). À titre d'information, en Belgique, une parcelle de colza transgénique doit être distante d'au moins 1 000 mètres de toute autre parcelle de colza conventionnel alors qu'une distance de 300 mètres suffit pour le maïs.

Dans certains cas, d'autres mesures ajoutées aux conditions d'isolement précitées sont imposées aux notifiants. Elles permettent de limiter encore plus les risques de transfert, à savoir : l'encagement de plantes en fleurs, la destruction avant floraison, la récolte avant maturation des graines, l'enclavement d'une parcelle de dicotylées transgéniques dans un champ de monocotylées, ...

En ce qui concerne l'occupation des terres après l'expérimentation de cultures transgéniques, l'autorisation délivrée aux firmes expérimentatrices exige un suivi des parcelles d'essais pendant les deux années culturales qui suivent la récolte de celle-ci. Deux années au terme desquelles un rapport est remis au ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture. Cette surveillance post-expérimentale prévoit des visites régulières sur le terrain ainsi que la gestion des repousses. Il est d'ailleurs vivement recommandé aux détenteurs d'autorisation d'emblaver la terre en céréale après une culture de dicotylées transgéniques afin d'éliminer facilement les repousses éventuelles de dicotylées par des traitements herbicides traditionnels.

Cette surveillance a trait à la gestion des cultures transgéniques à savoir, à l'apparition d'adventices résistant aux herbicides totaux, au transfert horizontal de gènes, à l'apparition d'insectes résistant aux cultures dites « insecticides » tel le maïs Bt, aux effets éventuels de ces cultures Bt sur les insectes utiles comme les abeilles, ...

Au niveau communautaire, la position commune nº 12/2000 en vue de l'adoption du texte révisé de la directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement requiert que chaque notification de mise sur le marché européen d'OGM comporte un plan de surveillance de l'OGM en question. Ce plan devra détailler les modalités de la gestion de la culture (calendrier du semis et de la récolte, fréquence des applications d'herbicides et doses recommandées, destruction des betteraves montées à graines, ...) ainsi que la gestion de la résistance des adventices et des insectes (installation de zones-refuges pour les cultures Bt, programme de traitements herbicides contre l'apparition d'adventices résistant aux herbicides totaux tels le Roundup ® ou le Liberty ®).